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19 octobre. Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.

- Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.

Pape : Pie IV. Roi de France : Charles IX. Roi d'Espagne : Philippe II.

" Marchant dès son jeune âge dans l'innocence, évitant la sensualité et les plaisirs dangereux,fuyant le commerce des hommes, il s'adonnait à la contemplation des choses divines, et déjà embrasé de l'amour céleste, il croissait en sagesse et en grâce et, par la maturité de sa conduite, devançait le cours des années."
Bulle de sa canonisation.

Saint Pierre d'Alacantara. Luis Tristan.
Palais archi-épiscopal. Toléde. XVIe.

Pierre naquit à Alcantara, en Espagne, de nobles parents. Il fit présager dès ses plus tendres années sa sainteté future. Entré à seize ans dans l'Ordre des Mineurs, il s'y montra un modèle de toutes les vertus. Chargé par l'obéissance de l'office de prédicateur, innombrables furent les pécheurs qu'il amena à sincère pénitence.

Mais son désir était de ramener la vie franciscaine à la rigueur primitive ; soutenu donc par Dieu et l'autorité apostolique, il fonda heureusement le très étroit et très pauvre couvent du Pedroso, premier de la très stricte observance qui se répandit merveilleusement par la suite dans les diverses provinces de l'Espagne et jusqu'aux Indes. Sainte Thérèse, dont il avait approuvé l'esprit, fut aidée par lui dans son œuvre de la réforme du Carmel. Elle avait appris de Dieu que toute demande faite au nom de Pierre était sûre d'être aussitôt exaucée ; aussi prit-elle la coutume de se recommander à ses prières, et de l'appeler Saint de son vivant.

Extase de saint Pierre d'Alcantara.
Melchior Pérez Holguín. Bolivie. XVIIIe.

Les princes le consultaient comme un oracle ; mais sa grande humilité lui faisait décliner leurs hommages, et il refusa d'être le confesseur de l'empereur Charles-Quint. Rigide observateur de la pauvreté, il ne portait qu'une tunique, et la plus mauvaise qui se pût trouver. Tel était son délicat amour de la pureté, qu'il ne souffrit pas même d'être touché légèrement dans sa dernière maladie par le Frère qui le servait. Convenu avec son corps de ne lui accorder aucun repos dans cette vie, il l'avait réduit en servitude, n'ayant pour lui que veilles, jeûnes, flagellations, froid, nudité, duretés de toutes sortes. L'amour de Dieu et du prochain qui remplissait son cœur, y allumait parfois un tel incendie, qu'on le voyait contraint de s'élancer de sa pauvre cellule en plein air, pour tempérer ainsi les ardeurs qui le consumaient.

Son don de contemplation était admirable ; l'esprit sans cesse rassasié du céleste aliment, il lui arrivait de passer plusieurs jours sans boire ni manger. Souvent élevé au-dessus du sol,il rayonnait de merveilleuses splendeurs. Il passa à pied sec des fleuves impétueux. Dans une disette extrême, il nourrit ses Frères d'aliments procurés par le ciel. Enfonçant son bâton en terre, il en fit soudain un figuier verdoyant. Une nuit que, voyageant sous une neige épaisse, il était entré dans une masure où le toit n'existait plus, la neige, suspendue en l'air, fit l'office de toit pour éviter qu'il n'en fût étouffé.

Sainte Thérèse rend témoignage au don de prophétie et de discernement des esprits qui brillait en lui. Enfin, dans sa soixante-troisième année, à l'heure qu'il avait prédite, il passa au Seigneur, conforté par une vision merveilleuse et la présence des Saints. Sainte Thérèse, qui était loin de là, le vit au même moment porté au ciel ; et, dans une apparition qui suivit, elle l'entendit lui dire : " Ô heureuse pénitence, qui m'a valu si grande gloire !" Beaucoup de miracles suivirent sa mort, et Clément IX le mit au nombre des Saints.

Saint Pierre d'Alcantara (détail). D'après Claudio Coello. XVIIe.

" Le voilà donc le terme de cette vie si austère, une éternité de gloire !" (Ste Thérèse, Vie, XXVII.)
Combien furent suaves ces derniers mots de vos lèvres expirantes : " Je me suis réjoui de ce qui m'a été dit : Nous irons-dans la maison du Seigneur "(Psalm. CXXI, 1.). L'heure de la rétribution n'était pas venue pour ce corps auquel vous étiez convenu de ne donner nulle trêve en cette vie, lui réservant l'autre ; mais déjà la lumière et les parfums d'outre-tombe, dont l'âme en le quittant le laissait investi, signifiaient à tous que le contrat, fidèlement tenu dans sa première partie, le serait aussi dans la seconde. Tandis que, vouée pour de fausses délices à d'effroyables tourments, la chair du pécheur rugira sans fin contre l'âme qui l'aura perdue ; vos membres, entrés dans la félicité de l'âme bienheureuse et complétant sa gloire de leur splendeur, rediront dans les siècles éternels à quel point votre apparente dureté d'un moment fut pour eux sagesse et amour.

Et faut-il donc attendre la résurrection pour reconnaître que, dès ce monde, la part de votre choix fut sans conteste la meilleure ? Qui oserait comparer, non seulement les plaisirs illicites, mais les jouissances permises de la terre, aux délices saintes que la divine contemplation tient en réserve dès ce monde pour quiconque se met en mesure de les goûter ? Si elles demeurent au prix de la mortification de la chair, c'est qu'en ce monde la chair et l'esprit sont en lutte pour l'empire (Gal. V, 17.) ; mais la lutte a ses attraits pour une âme généreuse, et la chair même, honorée par elle, échappe aussi par elle à mille dangers.

Saint Pierre d'Alcantara donnant la sainte communion
à sainte Thérèse d'Avila. Livio Mehus. XVIIe.

Vous qu'on ne saurait invoquer en vain, selon la parole du Seigneur, si vous daignez vous-même lui présenter nos prières, obtenez-nous ce rassasiement du ciel qui dégoûte des mets d'ici-bas. C'est la demande qu'en votre nom nous adressons, avec l'Eglise, au Dieu qui rendit admirable votre pénitence et sublime votre contemplation (Collecte de la fête.). La grande famille des Frères Mineurs garde chèrement le trésor de vos exemples et de vos enseignements ; pour l'honneur de votre Père saint François et le bien de l'Eglise, maintenez-la dans l'amour de ses austères traditions. Continuez au Carmel de Thérèse de Jésus votre protection précieuse ; étendez-la, dans les épreuves du temps présent, sur tout l'état religieux. Puissiez-vous enfin ramener l'Espagne, votre patrie, à ces glorieux sommets d'où jadis la sainteté coulait par elle à flots pressés sur le monde ; c'est la condition des peuples ennoblis par une vocation plus élevée, qu'ils ne peuvent déchoir sans s'exposer à descendre au-dessous du niveau même où se maintiennent les nations moins favorisées du Très-Haut.

" Bienheureuse pénitence, qui m'a mérité une telle gloire !"
C'était la parole du Saint de ce jour, en abordant les cieux ; tandis que Thérèse de Jésus s'écriait sur la terre : " Ah ! quel parfait imitateur de Jésus-Christ Dieu vient de nous ravir, en appelant à la gloire ce religieux béni, Frère Pierre d'Alcantara !"

Le monde, dit-on, n'est plus capable d'une perfection si haute ; les santés sont plus faibles, et nous ne sommes plus aux temps passés. Ce saint était de ce temps, sa mâle ferveur égalait néanmoins celle des siècles passés, et il avait en souverain mépris toutes les choses de la terre. Mais sans aller nu-pieds comme lui, sans faire une aussi âpre pénitence, il est une foule d'actes par lesquels nous pouvons pratiquer le mépris du monde, et que notre Seigneur nous fait connaître dès qu'il voit en nous du courage. Qu'il dut être grand celui que reçut de Dieu le saint dont je parle, pour soutenir pendant quarante-sept ans cette pénitence si austère que tous connaissent aujourd'hui !

Saint Pierre d'Alcantara. Bernardo Strozzi. XVIIe.

" De toutes ses mortifications, celle qui lui avait le plus coûté dans les commencements, c'était de vaincre le sommeil ; dans ce dessein, il se tenait toujours à genoux ou debout. Le peu de repos qu'il accordait à la nature, il le prenait assis, la tête appuyée contre un morceau de bois fixé dans le mur; eût-il voulu se coucher, il ne l'aurait pu, parce que sa cellule n'avait que quatre pieds et demi de long. Durant le cours de toutes ces années, jamais il ne se couvrit de son capuce, quelque ardent que fût le soleil, quelque forte que fût la pluie. Jamais il ne se servit d'aucune chaussure.

Il ne portait qu'un habit de grosse bure, sans autre chose sur la chair ; j'ai appris toutefois qu'il avait porté pendant vingt années un cilice en lames de fer-blanc, sans jamais le quitter. Son habit était aussi étroit que possible ; par-dessus il mettait un petit manteau de même étoffe ; dans les grands froids il le quittait, et laissait quelque temps ouvertes la porte et la petite fenêtre de sa cellule ; il les fermait ensuite, il reprenait son mantelet, et c'était là, nous disait-il, sa manière de se chauffer et de faire sentir à son corps une meilleure température.

Saint Jean de Capistran apparaissant à
saint Pierre d'Alcantara. Luca Giordano. XVIIe.

Il lui était fort ordinaire de ne manger que de trois en trois jours ; et comme j'en paraissais surprise, il me dit que c'était très facile à quiconque en avait pris la coutume. Sa pauvreté était extrême, et sa mortification telle qu'il m'a avoué qu'en sa jeunesse il avait passé trois ans dans une maison de son Ordre sans connaître aucun des Religieux, si ce n'est au son de la voix, parce qu'il ne levait jamais les yeux, de sorte qu'il n'aurait pu se rendre aux endroits où l'appelait la règle, s'il n'avait suivi les autres. Il gardait cette même modestie par les chemins. Quand je vins a le connaître, son corps était tellement exténué, qu'il semblait n'être formé que de racines d'arbres (Ste Thérèse, Vie, ch. XXVII, XXX, traduction Bouix.)."

On sait que trois familles illustres et méritantes composent aujourd'hui le premier Ordre de saint François ; le peuple chrétien les connaît sous le nom de Conventuels, Observantins et Capucins. Une pieuse émulation de réforme toujours plus étroite avait amené, dans l'Observance même, la distinction des Observants proprement ou primitivement dits, des Réformés, des Déchaussés ou Alcantarins, et des Récollets ; d'ordre plushistorique que constitutionnel, sil'onpeut ainsi parler, cette distinction n'existe plus depuis que, le 4 octobre 1897, en la fête du patriarche d'Assise, le Souverain Pontife Léon XIII a cru l'heure venue de ramener à l'unité la grande famille de l'Observance, sous le seul nom d'Ordre des Frères Mineurs qu'elle devra porter désormais (Constit apost. Felicitate quadam.).

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jeudi, 19 octobre 2023 | Lien permanent

29 juin. Saint Pierre et saint Paul, Apôtres, martyrs. 66.

- Saint Pierre et saint Paul, Apôtres, martyrs. 66.

Empereur romain : Néron.

" Saint Pierre est le chef du collège apostolique et la colonne inébranlable du tabernacle de la nouvelle loi. Il veille sur le dépôt de notre foi, soutient l'édifice de l'Eglise, et nous ouvre la porte du ciel."
Saint Grégoire le Grand, Hom. ; Saint Pierre Chrysologue, serm.

" Admirez l'Apôtre saint Paul ; il avait persécuté Jésus, et voilà qu'il L'annonce à haute voix ; il avait semé la zizanie, et voilà qu'il répand partout le bon grain. Du loup rapace il devient pasteur vigilant, et l'édifice qu'il a ruiné tout à l'heure, il s'emploie tout entier maintenant à le reconstruire."
Saint Pierre Chrysologue, hom.


Saint Paul & saint Pierre. Anonyme flamand. XVIe.

" Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ?"

Voici l'heure où la réponse que le Fils de l'homme exigeait du pêcheur de Galilée, descend des sept collines et remplit la terre. Pierre ne redoute plus la triple interrogation du Seigneur. Depuis la nuit fatale où le coq fut moins prompt à chanter que le premier des Apôtres à renier son Maître, des larmes sans fin ont creusé deux sillons sur les joues du Vicaire de l’Homme-Dieu ; le jour s'est levé où tarissent ces pleurs. Du gibet où l'humble disciple a réclamé d'être cloué la tête en bas, son cœur débordant redit enfin sans crainte la protestation qui, depuis la scène des bords du lac de Tibériade, a silencieusement consumé sa vie :
" Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime !" (Johan. XXI.).

Jour sacré, où l'oblation du premier des Pontifes assure à l'Occident les droits du suprême sacerdoce ! Jour de triomphe, où l'effusion d'un sang généreux conquiert à Dieu la terre romaine ; où, sur la croix de son représentant, l'Epoux divin conclut avec la reine des nations son alliance éternelle !

Ce tribut de la mort, Lévi ne le connut pas ; cette dot du sang, Jéhovah ne l'avait point exigée d'Aaron : car on ne meurt pas pour une esclave, et la synagogue n'était point l'Epouse (Gal. IV, 22-31.). L'amour est le signe qui distingue le sacerdoce des temps nouveaux du ministère de la loi de servitude. Impuissant, abîmé dans la crainte, le prêtre juif ne savait qu'arroser du sang de victimes substituées à lui-même les cornes de l'autel figuratif. Prêtre et victime à la fois, Jésus veut plus de ceux qu'il appelle en participation de la prérogative sacrée qui le fait pontife à jamais selon l'ordre de Melchisédech (Psalm. CIX.).
" Je ne vous appellerai plus désormais serviteurs, déclare-t-il à ces hommes qu'il vient d'élever au-dessus des Anges, à la Cène ; je ne vous appellerai plus serviteurs, car le serviteur ne sait ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés mes amis, parce que je vous ai communiqué tout ce que j'ai reçu de mon Père (Johan. XV, 15.). Comme mon Père m'a aimé, ainsi je vous ai aimés ; demeurez donc en mon amour." (Ibid. 9.).


Saint Pierre. Marco Zoppo. XVe.

Or, pour le prêtre admis de la sorte en communauté avec le Pontife éternel, l'amour n'est complet que s'il s'étend à l'humanité rachetée dans le grand Sacrifice. Et, qu'on le remarque : il y a là pour lui plus que l'obligation, commune à tous les chrétiens, de s'entr'aimer comme membres d'un même Chef ; car, par son sacerdoce, il fait partie du Chef, et, à ce titre, la charité doit prendre en lui quelque chose du caractère et des profondeurs de l'amour que ce Chef divin porte à ses membres. Que sera-ce, si, au pouvoir qu'il possède d'immoler le Christ lui-même, au devoir qu'il a de s'offrir avec lui dans le secret des Mystères, la plénitude du pontificat vient ajouter la mission publique de donner à l'Eglise l'appui dont elle a besoin, la fécondité que l'Epoux céleste attend d'elle ? C'est alors que, selon la doctrine exprimée de toute antiquité par les Papes, les Conciles et les Pères, l'Esprit-Saint l'adapte à son rôle sublime en identifiant pleinement son amour à celui de l'Epoux dont il remplit les obligations, dont il exerce les droits. Mais alors aussi, d'après le même enseignement de la tradition universelle, se dresse devant lui le précepte de l'Apôtre ; sur tous les trônes où siègent les évêques de l'Orient comme de l'Occident, les anges des Eglises se renvoient la parole :
" Epoux, aimez vos Epouses, comme le Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré pour elle afin de la sanctifier." (Eph. V, 25-26.).

Telle apparaît la divine réalité de ces noces mystérieuses, qu'à tous les âges l'histoire sacrée flétrit du nom d'adultère l'abandon irrégulier de l'Eglise premièrement épousée. Telles sont les exigences d'une union si relevée, que celui-là seul peut y être appelé qui demeure établi déjà sur les sommets de la perfection la plus haute ; car l'Evêque doit se tenir prêt à justifier sans cesse de ce degré suprême de charité, dont le Seigneur a dit :
" Il n'y a point de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime." (Johan. XV, 13.).
Là ne réside point seulement la différence du mercenaire et du vrai pasteur (Ibid. X, 11-18.) ; cette disposition du Pontife à défendre jusqu'à la mort l'Eglise qui lui fut confiée, à laver dans son sang toute tache déparant la beauté de l'Epouse (Eph. V, 27.), est la garantie du contrat qui l'unit à cette très noble élue du Fils de Dieu, le juste prix des joies très pures qui lui sont réservées.
" Je vous ai révélé ces choses, avait dit le Seigneur instituant le Testament de la nouvelle alliance, afin que ma propre joie soit en vous, et que votre joie soit pleine." (Johan. XV, 11.).

Si tels devaient être les privilèges et obligations des chefs des Eglises, combien plus du pasteur de tous ! En confiant à Simon fils de Jean l'humanité régénérée, le premier soin de l'Homme-Dieu avait été de s’assurer qu'il serait bien le vicaire de son amour (Ambr. in Luc. X.) ; qu'ayant reçu plus que les autres, il aimerait plus qu'eux tous (Luc. VII, 47 ; Johan. XXI, 15.) ; qu'héritier de la dilection de Jésus pour les siens qui étaient dans le monde, il les aimerait comme lui jusqu'à la fin (Ibid. XIII, 1.). C'est pourquoi l'établissement de Pierre au sommet de la hiérarchie sainte, concorde dans l'Evangile avec l'annonce de son martyre (Ibid. XXI, 18.) : pontife souverain, il devait suivre jusqu'à la Croix l'hiérarque suprême (Ibid. 19, 22.).


Saint Pierre. Peter-Paul Rubens. XVIIe.

Les fêtes de ses deux Chaires à Antioche et à Rome, nous ont rappelé la souveraineté avec laquelle il préside au gouvernement du monde, l'infaillibilité de la doctrine qu'il distribue comme nourriture au troupeau tout entier; mais ces deux fêtes, et la primauté dont elles rendent témoignage au Cycle sacré, appelaient pour complément et pour sanction les enseignements de la solennité présente. Ainsi que la puissance reçue par l'Homme-Dieu de son Père (Matth. XXVIII, 18.), la pleine communication faite par lui de cette même puissance au chef visible de son Eglise avait pour but la consommation de la gloire poursuivie par le Dieu trois fois saint dans son œuvre (Johan. XVII, 4.) ; toute juridiction, tout enseignement, tout ministère ici-bas, nous dit saint Paul d'autre part, aboutit à la consommation des saints (Eph. IV, 12.), qui ne fait qu'un avec la consommation de cette gloire souveraine : or, la sainteté de la créature, et, tout ensemble, la gloire du Dieu créateur et sauveur, ne trouvent leur pleine expression qu'au Sacrifice embrassant pasteur et troupeau dans un même holocauste.

C'est pour cette fin dernière de tout pontificat, de toute hiérarchie, que, depuis l'Ascension de Jésus, Pierre avait parcouru la terre. A Joppé, lorsqu'il était encore au début de ses courses d'Apôtre, une faim mystérieuse s'était saisie de lui : " Lève-toi, Pierre ; tue et mange ", avait dit l'Esprit ; et, dans le même temps, une vision symbolique présentait réunis à ses yeux les animaux de la terre et les oiseaux du ciel (Act. X, 9-16.). C'était la gentilité qu'il devait joindre, sur la table du banquet divin, aux restes d'Israël. Vicaire du Verbe, il partagerait sa faim immense : sa parole, comme un glaive acéré, abattrait devant lui les nations ; sa charité, comme un feu dévorant, s'assimilerait les peuples ; réalisant son titre de chef, un jour viendrait que, vraie tête du monde, il aurait fait de cette humanité, offerte en proie à son avidité, le corps du Christ en sa propre personne. Alors, nouvel Isaac, ou plutôt vrai Christ, il verrait, lui aussi, s'élever devant lui la montagne où Dieu regarde, attendant l'oblation (Gen. XXII, 14.).


Saint Paul. Bernardo Daddi. XIVe.

Regardons, nous aussi ; car ce futur est devenu le présent, et, comme au grand Vendredi, nous avons part au dénouement qui s'annonce. Part bienheureuse, toute de triomphe : ici du moins, le déicide ne mêle pas sa note lugubre à l'hommage du monde, et le parfum d'immolation qui déjà s'élève de la terre ne remplit les cieux que de suave allégresse. Divinisée par la vertu de l'adorable hostie du Calvaire, on dirait, en effet, que la terre aujourd'hui se suffit à elle-même. Simple fils d'Adam par nature, et pourtant vrai pontife souverain, Pierre s'avance portant le monde : son sacrifice va compléter celui de l'Homme-Dieu qui l'investit de sa grandeur (Col. I, 24.) ; inséparable de son chef visible, l'Eglise aussi le revêt de sa gloire (I Cor. XI, 7.). Loin d'elle aujourd'hui les épouvantements de cette nuit en plein midi, où elle cacha ses pleurs, quand pour la première fois la Croix fut dressée. Elle chante ; et son lyrisme inspiré célèbre " la pourpre et l'or dont la divine lumière compose les rayons de ce jour qui donne aux coupables la grâce " (Hymn. Vesp.). Dirait-elle plus du Sacrifice de Jésus lui-même ? C'est qu'en effet, par la puissance de cette autre croix qui s'élève, Babylone aujourd'hui devient la cité sainte. Tandis que Sion reste maudite pour avoir une fois crucifié son Sauveur, Rome aura beau rejeter l'Homme-Dieu, verser son sang dans ses martyrs, nul crime de Rome ne prévaudra contre le grand fait qui se pose à cette heure : la croix de Pierre lui a transféré tous les droits de celle de Jésus, laissant aux Juifs la malédiction ; c'est elle maintenant qui est Jérusalem.

Telle étant donc la signification de ce jour, on ne s'étonnera pas que l'éternelle Sagesse ait voulu la relever encore, en joignant l'immolation de Paul l'Apôtre au sacrifice de Simon Pierre. Plus que tout autre, Paul avait avancé par ses prédications l'édification du corps du Christ (Eph. IV, 12.) ; si, aujourd'hui, la sainte Eglise est parvenue à ce plein développement qui lui permet de s'offrir en son chef comme une hostie de très suave odeur, qui mieux que lui méritait donc de parfaire l'oblation, d'en fournir de ses veines la libation sacrée (Col. I, 24 ; II Cor. XII, 15.) ? L'âge parfait de l'Epouse étant arrivé (Eph. IV, 13.), son œuvre à lui aussi est achevée (II Cor. XI, 2.). Inséparable de Pierre dans ses travaux par la foi et l'amour, il l'accompagne également dans la mort (Ant. Oct. Apost. ad Benedictus.) ; tous deux ils laissent la terre aux joies des noces divines scellées dans leur sang, et montent ensemble à l'éternelle demeure où l'union se consomme (II Cor. V.).


Saint Paul. Giuseppe de Ribera. XVIIe.

MENEES DES GRECS POUR CETTE SOLENNITE

Nous extrayons ici quelques perles de la mer sans rivages où se complaît comme toujours la Liturgie grecque. Il doit nous plaire aussi de constater comment, malgré plus d'un essai d'altération frauduleuse des textes de sa Liturgie, Byzance condamne elle-même son propre schisme en ce jour ; Pierre n'y cesse point d'être proclamé par elle le roc et le fondement de la foi, la base souveraine, le prince et premier prince des Apôtres, le gouverneur et le chef de l'Eglise, le porte-clefs de la grâce et du royaume des cieux :


" Vous avez donné les saints Apôtres à votre Eglise comme son orgueil et sa joie, Ô Dieu ami des hommes ! Pierre et Paul, flambeaux spirituels, soleils des âmes, resplendissent en elle magnifiquement ; l'univers brille de leurs rayons ; c'est par eux que vous avez dissipé les ténèbres de l'Occident, Jésus très puissant, sauveur de nos âmes.

Vous avez établi la stabilité de votre Eglise , Ô Seigneur, sur la fermeté de Pierre et sur la science et l'éclatante sagesse de Paul. Pierre, coryphée des illustres Apôtres, vous êtes le rocher de la foi ; et vous, admirable Paul, le docteur et la lumière des églises : présents devant le trône de Dieu, intercédez pour nous auprès du Christ.

Que le monde entier acclame les coryphées Pierre et Paul, disciples du Christ : Pierre, base et rocher ; Paul, vase d'élection. Tous deux, attelés sous le même joug du Christ, ont attiré à la connaissance de Dieu tous les hommes, les nations, les cités et les îles. Rocher de la foi, délices du monde, tous deux confirmez le bercail que vous avez acquis par votre magistère.

Pierre, vous qui paissez les brebis, défendez contre le loup rusé le troupeau de votre bercail ; gardez de chutes funestes vos serviteurs ; car tous nous vous avons pour vigilant protecteur auprès de Dieu, et la joie que nous goûtons en vous est notre salut.

Paul, flambeau du monde, bouche incomparable du Christ Dieu vivant , qui comme le soleil visitez tous les rivages dans votre prédication de la foi divine : délivrez des liens du péché ceux qui vous nomment avec amour et veulent vous imiter, confiants dans votre aide.


Rome bienheureuse, à toi ma louange et ma vénération, à toi mes hymnes et mon chant de gloire ; car en toi sont gardés et la dépouille des coryphées, et les dogmes divins dont ils furent le flambeau ; reliques sans prix de vases incorruptibles.


Très-haut prince des Apôtres, souverain chef et dispensateur du trésor royal, ferme base de tous les croyants, solidité, socle, sceau et couronnement de l'Eglise catholique, Ô Pierre qui aimez le Christ, conduisez ses brebis aux bons pâturages, menez ses agneaux dans les prés fertiles."


Saint Pierre et saint Paul. Masaccio Tommaso di ser Giovanni Cassai.
Retable. Sainte Marie Majeure. Rome. XVe.

PRIERE

" Ô Pierre, nous aussi nous saluons la glorieuse tombe où vous êtes descendu. C'est bien à nous, les fils de cet Occident que vous avez voulu choisir, c'est à nous avant tous qu'il appartient de célébrer dans l'amour et la foi les gloires de cette journée. Si toutes les races s'ébranlent à la nouvelle de votre mort triomphante ; si les nations proclament, chacune en leur langue, que de Rome doit sortir pour le monde entier la loi du Seigneur : n'est-ce pas par la raison que cette mort a fait de Babylone la cité des oracles divins, saluée par le fils d'Amos en sa prophétie (Isai. II, 1-5.) ? n'est-ce pas que la montagne préparée pour porter la maison du Seigneur dans le lointain des âges, se dégage des ombres, et apparaît en pleine lumière à cette heure aux yeux des peuples ?

L'emplacement de la vraie Sion est fixé désormais ; car la pierre d'angle a été posée en ce jour (Ibid. XXVIII, 16.), et Jérusalem ne doit avoir d'autre fondement que cette pierre éprouvée et précieuse. Ô Pierre, c'est donc sur vous que nous devons bâtir ; car nous voulons être les habitants de la cité sainte. Nous suivrons le conseil du Seigneur (Matth. VII, 24-27.), élevant sur le roc nos constructions d'ici-bas, pour qu'elles résistent à la tempête et puissent devenir une demeure éternelle. Combien notre reconnaissance pour vous, qui daignez nous soutenir ainsi, est plus grande encore en ce siècle insensé qui, prétendant construire à nouveau l'édifice social, voulut l'établir sur le sable mouvant des opinions humaines, et n'a su que multiplier les éboulements et les ruines ! La pierre qu'ont rejetée les modernes architectes,en est-elle moins la tête de l'angle ? Et sa vertu n'apparaît-elle pas alors même, selon ce qui est écrit, en ce que, n'en voulant pas, c'est contre elle qu'ils se heurtent et se brisent (I Petr. II, 6-8.) ?

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jeudi, 29 juin 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

22 février. Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

- Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société."
Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth.


Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s'étendre en dehors de la race juive.

Quelques disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Juif converti depuis peu d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.

La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité tout entière.


Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.

Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius son disciple.

Evodius sera le successeur de Pierre en tant qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne. C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.


Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers.

Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de la fête que nous célébrons aujourd'hui.

Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être. S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.


Saint Pierre et les clefs du Royaume.
" Cathédrale " Saint-Isaac de Saint-Petersbourg. Russie.

Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux."
C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."
Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres Pasteurs : les Evêques, " que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ", gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a " donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que, " pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que " le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que " le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".

L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.


Eglise Saint-Pierre creusée dans une grotte. Antioche.

C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que " le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux " ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles elles doivent se conformer."
 
Cette doctrine fondamentale, que saint Léon le Grand a formulée avec tant d'autorité et d'éloquence, et qui est en d'autres termes la même que nous venons de montrer tout à l'heure par la Tradition, se trouve intimée aux Eglises, avant saint Léon, dans les magnifiques Epîtres de saint Innocent Ier qui sont venues jusqu'à nous.

C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que " l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que " les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que " l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".

Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.


Maître-autel de l'église Saint-Pierre. Antioche. Actuelle Turquie.

Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de la Chaire de Pierre.

Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.

Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.

Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.


Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche.
Tourmignies. Boulonnais. France. XIe.

C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner d'eux.

C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !


Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie,
car un pape ne le peut pas -, successeur de saint Pierre, traça
dans la neige le périmètre de la basilique Sainte-Marie-Majeure.
Chapelle Borghese. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.

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jeudi, 22 février 2024 | Lien permanent

18 janvier. Chaire de saint Pierre à Rome.

- Chaire de saint Pierre à Rome.
 
" Tu es Petrus, et super hanc Petram aedificabo Ecclesiam meam. Et portae inferi non praevalebunt adversus eam. Et tibi dabo claves regni coelorum : et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in coelis, et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in coelis."
" Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux."
Notre Seigneur Jésus-Christ à saint Pierre. Saint Matthieu, XVI, 18-19.
 

Roman de Dieu et de sa mère. XVe.

L’archange avait annoncé à Marie que le Fils qui naîtrait d'elle serait Roi, et que son Royaume n'aurait point de fin ; instruits par l'Etoile, les Mages vinrent, du fond de l'Orient, chercher ce Roi en Bethléhem ; mais il fallait une Capitale à ce nouvel Empire ; et parce que le Roi qui devait y établir son trône devait aussi, selon les conseils éternels, remonter bientôt dans les cieux, il était nécessaire que le caractère visible de sa Royauté reposât sur un homme qui fût, jusqu'à la fin des siècles, le Vicaire du Christ.

Pour cette sublime lieutenance, l'Emmanuel choisit Simon, dont il changea le nom en celui de Pierre, déclarant expressément que l'Eglise tout entière reposerait sur cet homme, comme sur un rocher inébranlable. Et comme Pierre devait aussi terminer par la croix ses destinées mortelles, le Christ prenait l'engagement de lui donner des successeurs dans lesquels vivraient toujours Pierre et son autorité.

Mais quelle sera la marque de cette succession, dans l'homme privilégié sur qui doit être édifiée l'Eglise jusqu'à la fin des temps ? Parmi tant d'Evêques, quel est celui dans lequel Pierre se continue ? Ce Prince des Apôtres a fondé et gouverné plusieurs Eglises; mais une seule, celle de Rome, a été arrosée de son sang ; une seule, celle de Rome, garde sa tombe : l'Evêque de Rome est donc le successeur de Pierre, et, par là même, le Vicaire du Christ. C'est de lui, et non d'un autre, qu'il est dit : " Sur toi je bâtirai mon Eglise ". Et encore : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ". Et encore : " J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères ". Et encore : " Pais mes agneaux; pais mes brebis ".


Chaire de saint Pierre.

L'hérésie protestante l'avait si bien compris, que longtemps elle s'efforça de jeter des doutes sur le séjour de saint Pierre à Rome, croyant avec raison anéantir, par ce stratagème, l'autorité du Pontife Romain, et la notion même d'un Chef dans l'Eglise. La science historique a fait justice de cette puérile objection ; et depuis longtemps, les érudits de la Réforme sont d'accord avec les catholiques sur le terrain des faits, et ne contestent plus un des points de l'histoire les mieux établis par la critique.

Ce fut pour opposer l'autorité de la Liturgie à une sr étrange prétention des Réformateurs, que Paul IV, en 1558, rétablit au dix-huit janvier l'antique fête de la Chaire de saint Pierre à Rome ; car, depuis de longs siècles, l'Eglise ne solennisait plus le mystère du Pontificat du Prince des Apôtres qu'au vingt-deux février. Désormais, ce dernier jour fut assigné au souvenir de la Chaire d'Antioche, la première que l'Apôtre ait occupée.

Aujourd'hui donc, la Royauté de notre Emmanuel brille de tout son éclat ; et les enfants de l'Eglise se réjouissent de se sentir tous frères et concitoyens d'un même Empire, en célébrant la gloire de la Capitale qui leur est commune à tous. Lorsque, regardant autour d'eux, ils aperçoivent tant de sectes divisées et dépourvues de toutes les conditions de la durée, parce qu'un centre leur manque, ils rendent grâces au Fils de Dieu d'avoir pourvu à la conservation de son Eglise et de sa Vérité, par l'institution d'un Chef visible dans lequel Pierre se continue à jamais, comme le Christ lui-même dans Pierre. Les hommes ne sont plus des brebis sans pasteur ; la parole dite au commencement se perpétue, sans interruption, à travers les âges ; la mission première n'est jamais suspendue, et, par le Pontife Romain, la fin des temps s'enchaîne à l'origine des choses.

" Quelle consolation aux enfants de Dieu !" S'écrie a Bossuet, dans le Discours sur l'Histoire universelle ; " mais quelle conviction de la vérité quand ils voient que d'Innocent XI, qui remplit aujourd'hui (1681) si dignement le premier Siège de l'Eglise, on remonte, sans interruption, jusqu'à saint Pierre, établi par Jésus-Christ prince des Apôtres : d'où, en reprenant les Pontifes qui ont servi sous la Loi, on va jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse ; de là jusqu'aux Patriarches et jusqu'à l'origine du monde !


Bible historiale. Guiard des Moulins. Saint-Omer. XIVe.

Pierre, en entrant dans Rome, vient donc accomplir et expliquer les destinées de cette cité maîtresse ; il vient lui promettre un Empire plus étendu encore que celui qu'elle possède. Ce nouvel Empire ne s'établira point parla force, comme le premier. De dominatrice superbe des nations qu'elle avait été jusqu'alors, Rome, parla charité, devient Mère des peuples; mais, tout pacifique qu'il est, son Empire n'en sera pas moins durable."

Ecoutons saint Léon le Grand, dans un de ses plus magnifiques Sermons, raconter, avec toute la pompe de son langage, l'entrée obscure, et pourtant si décisive, du Pêcheur de Génésareth dans la capitale du paganisme :

" Le Dieu bon, juste et tout-puissant, qui n'a jamais dénié sa miséricorde au genre humain, et qui, par l'abondance de ses bienfaits, a fourni à tous les mortels les moyens de parvenir à la connaissance de son Nom, dans les secrets conseils de son immense amour, a pris en pitié l'aveuglement volontaire des hommes, et la malice qui les précipitait dans la dégradation, et il leur a envoyé son Verbe, qui lui est égal et coéternel. Or, ce Verbe, s'étant fait chair, a si étroitement uni la nature divine à la nature humaine , que l'abaissement de la première jusqu'à notre abjection est devenu pour nous le principe de l'élévation la plus sublime.

Mais, afin de répandre dans le monde entier les effets de cette inénarrable faveur, la Providence a préparé l'Empire romain, et en a si loin reculé les limites, qu'il embrassât dans sa vaste enceinte l'universalité des nations. C'était, en effet, une chose merveilleusement utile à e l'accomplissement de l'œuvre divinement projetée, que les divers royaumes formassent la confédération d'un Empire unique, afin que la prédication générale parvînt plus vite à l'oreille des peuples, rassemblés qu'ils étaient déjà sous le régime d'une seule cité.

Cette cité, méconnaissant le divin auteur de ses destinées, s'était faite l'esclave des erreurs de tous les peuples, au moment même où elle les tenait presque tous sous ses lois, et croyait a encore posséder une grande religion, parce qu'elle ne rejetait aucun mensonge ; mais plus durement était-elle enlacée par le diable, plus merveilleusement fut-elle affranchie par le Christ.


Antiphonaire à l'usage de la collégiale Saint-Pierre d'Angers. XVe.

En effet, lorsque les douze Apôtres, après avoir reçu par l'Esprit-Saint le don de parler toutes les langues, se furent distribué les diverses parties de la terre, et qu'ils eurent pris possession de ce monde qu'ils devaient instruire de l'Evangile, le bienheureux Pierre, Prince de l'ordre Apostolique, reçut en partage la citadelle de l'Empire romain, afin que la Lumière de vérité, qui était manifestée pour le salut de toutes les nations, se répandît plus efficacement, rayonnant du centre de cet Empire sur le monde entier.

Quelle nation, en effet, ne comptait pas de nombreux représentants dans cette ville ? Quels peuples eussent jamais pu ignorer ce que Rome avait appris ? C'était là que devaient être écrasées les opinions de la philosophie ; là que devaient être dissipées les vanités de la sagesse terrestre ; là que le culte des démons devait être confondu ; là enfin devait être détruite l'impiété de tous les sacrifices, dans ce lieu même où une superstition habile avait rassemblé tout ce que les diverses erreurs avaient jamais produit.

Est-ce que tu ne crains pas, bienheureux Apôtre Pierre, de venir seul dans cette ville ? Paul l'Apôtre, le compagnon de ta gloire, est encore occupé à fonder d'autres Eglises ; et toi, tu t'enfonces dans cette forêt peuplée de bêtes farouches, tu marches sur cet océan dont la profondeur est pleine de tempêtes, avec plus de courage qu'au jour où tu marchais sur les eaux. Tu ne redoutes pas Rome, la maîtresse du monde, toi qui, dans la maison de Caïphe, avais tremblé à la voix d'une servante de ce prêtre. Est-ce que le tribunal de Pilate, ou la cruauté des Juifs, étaient plus à craindre que la puissance d'un Claude ou la férocité d'un Néron ? Non ; mais la force de ton amour triomphait de la crainte, et tu n'estimais pas redoutables ceux que tu avais reçu la charge d'aimer. Sans doute, tu avais déjà conçu le sentiment de cette intrépide charité, au jour où la profession de ton amour envers le Seigneur fut sanctionnée par le mystère d'une triple interrogation. Aussi n'exigea-t-on autre chose de ton âme, si ce n'est que, pour paître les brebis de Celui que tu aimais, ton cœur dépensât pour elles la substance dont il était rempli.

Ta confiance, il est vrai, devait s'accroître au souvenir des miracles si nombreux que tu avais opérés, de tant de précieux dons de la grâce que a tu avais reçus, et des expériences si multipliées de la vertu qui résidait en toi. Déjà tu avais instruit les peuples de la Circoncision, qui avaient cru à ta parole ; déjà tu avais fondé l'Eglise d'Antioche, où commença d'abord la dignité du nom Chrétien ; déjà tu avais soumis aux lois de la prédication évangélique le Pont, a la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ; et alors, sûr du progrès de ton œuvre et de la durée de ta vie, tu vins élever sur les remparts de Rome le trophée de la Croix du Christ, là même où les conseils divins avaient préparé pour toi l'honneur de la puissance suprême, et la gloire du martyre."

L'avenir du genre humain par l'Eglise est donc pour jamais fixé à Rome, et les destinées de cette ville sont pour toujours enchaînées à celles du Pontife immortel. Divisés, de races, de langages, d'intérêts, nous tous, enfants de l'Eglise, nous sommes Romains dans l'ordre de la religion; et ce titre de Romains nous unit par Pierre à Jésus-Christ, et forme le lien de la grande fraternité des peuples et des individus catholiques.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Notre Seigneur Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous régissent dans l'ordre du gouvernement spirituel. Tout pasteur dont l'autorité n'émane pas du Siège de Rome, est un étranger, un intrus. De même, dans l'ordre de la croyance, Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous enseignent la doctrine divine, et nous apprennent à discerner la vérité de l'erreur. Tout Symbole de foi, tout jugement doctrinal, tout enseignement, contraire au Symbole, aux jugements, aux enseignements du Siège de Rome, est de l'homme et non de Dieu, et doit être repoussé avec horreur et anathème. En la fêle de la Chaire de saint Pierre à Antioche, nous parlerons du Siège Apostolique comme source unique de la puissance de gouvernement dans l'Eglise ; aujourd'hui, honorons la Chaire romaine comme la source et la règle de notre foi.

Empruntons encore ici le sublime langage de saint Léon, et interrogeons-le sur les titres de Pierre à l'infaillibilité de l'enseignement. Nous apprendrons de ce grand Docteur à peser la force des paroles que le Christ prononça pour être le titre suprême de notre foi, dans toute la durée des siècles :

" Le Verbe fait chair était venu habiter au milieu de nous, et le Christ s'était dévoué tout entier à la réparation du genre humain. Rien qui n'eût été réglé par sa sagesse, rien qui se fût trouvé au-dessus de son pouvoir. Les éléments lui obéissaient, les Esprits angéliques étaient à ses ordres; le mystère du salut des hommes ne pouvait manquer son effet ; car Dieu, dans son Unité et dans sa Trinité, daignait s'en occuper lui-même. Cependant de ce monde tout entier, Pierre seul est choisi, pour être préposé à la vocation de toutes les nations, à tous les Apôtres, à tous les Pères de l'Eglise. Dans le peuple de Dieu, il y aura plusieurs prêtres et plusieurs pasteurs; mais Pierre régira, par une puissance qui lui est propre, tous ceux que le Christ régit lui-même d'une manière plus élevée encore. Quelle grande et admirable participation de son pouvoir Dieu a daigné donner à cet homme, ô frères chéris ! S'il a voulu qu'il y eût quelque chose de commun entre lui et les autres pasteurs, il l'a fait à la condition de donner à ceux-ci, par Pierre, tout ce qu'il voulait bien ne pas leur refuser.


Heures à l'usage de Rome. XVe.

Le Seigneur interroge tous les Apôtres sur l'idée que les hommes ont de lui. Les Apôtres sont d'accord, tant qu'il ne s'agit que d'exposer les différentes opinions de l'ignorance humaine. Mais quand le Christ en vient à demander à ses disciples leur propre sentiment, celui-là est le premier à confesser le Seigneur, qui est le premier dans la dignité apostolique. C'est lui qui dit :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant."
Jésus lui répond :
" Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ces choses, mais mon Père qui est dans les cieux. C'est-à-dire : Oui, tu es heureux, car mon Père t'a instruit ; les pensées de la terre ne t'ont point induit en erreur, mais l'inspiration du ciel t'a éclairé. Ce n'est ni la chair ni le sang, mais Celui-là même dont je suis le Fils unique, qui m'a fait connaître à toi. Et moi, ajoute-t-il, je te le dis : De même que mon Père t'a dévoilé ma divinité, à mon tour, jeté fais connaître ton excellence. Car tu es Pierre, c'est-à-dire, de même que je suis la Pierre inviolable, la Pierre angulaire qui réunit les deux murs, le Fondement si essentiel que l'on n'en saurait établir un autre : ainsi, toi-même, tu es Pierre, car tu reposes sur ma solidité, et les choses qui me sont propres par la puissance qui est en moi, te sont communes avec moi par la participation que je t'en fais. Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Sur la solidité de cette pierre, je bâtirai le temple éternel ; et mon Eglise, dont le faîte montera jusqu'au ciel, s'élèvera sur la fermeté de cette foi."

La veille de sa Passion, qui devait être une épreuve pour la constance de ses disciples, le Seigneur dit ces paroles :
" Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme le froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras converti , confirme tes frères."
Le péril de la tentation était commun à tous les Apôtres ; tous avaient besoin du secours de la protection divine ; car le diable se proposait de les remuer tous, et de les écraser tous. Cependant le Seigneur ne prend un soin spécial que de Pierre seul ; ses prières sont pour la foi de Pierre, comme si le salut des autres était en sûreté, par cela seul que l'âme de leur Prince n'aura point été abattue. C'est donc sur Pierre que le courage de tous s'appuiera, que le secours de la grâce divine sera ordonné, afin que la solidité que le Christ attribue à Pierre, soit par Pierre conférée aux Apôtres.


Retable de la chaire de saint Pierre. Le Bernin. Rome. XVIIe.

Dans un autre Sermon, l'éloquent Docteur nous fait voir comment Pierre vit et enseigne toujours dans la Chaire Romaine :
" La disposition établie par Celui qui est la Vérité même, persévère donc toujours, et le bienheureux Pierre, conservant la solidité qu'il a reçue, n'a jamais abandonné le gouvernail de l'Eglise. Car tel est le rang qui lui a été donné au-dessus de tous les autres, que, lorsqu'il est appelé Pierre, lorsqu'il est proclamé Fondement, lorsqu'il est constitué Portier du Royaume des cieux, lorsqu'il est établi Arbitre pour lier et délier, avec une telle force dans ses jugements qu'ils sont ratifiés jusque dans les cieux, nous sommes à même de connaître, par le mystère de si hauts titres, le lien qu'il avait avec le Christ. Maintenant, c'est avec plus de plénitude et de puissance qu'il remplit la mission qui lui fut confiée ; et toutes les parties de son office et de sa charge, il les exerce en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié.

Si donc, sur cette Chaire, nous faisons quelque chose de bien, si nous décrétons quelque chose de juste, si nos prières quotidiennes obtiennent quelque grâce de la miséricorde de Dieu, c'est par l'effet des œuvres et des mérites de celui qui vit dans son Siège et y éclate par son autorité. Il nous l'a mérité, frères chéris, par cette confession qui, inspirée à son coeur d'Apôtre par Dieu le Père, a dépassé toutes les incertitudes des opinions humaines, et mérité de recevoir cette fermeté de la Pierre que nuls assauts ne pourraient ébranler. Chaque jour, dans toute l'Eglise, c'est Pierre qui dit: Vous êtes le Christ, Fils d

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jeudi, 18 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

29 avril. Saint Pierre Martyr ou saint Pierre de Vérone, de l'Ordre des Frères prêcheurs, martyr. 1252.

- Saint Pierre Martyr ou saint Pierre de Vérone, de l'Ordre des Frères prêcheurs, martyr. 1252.
 
Papes : Innocent III ; Innocent IV. Empereurs : Philippe ; Conrad IV.
 
" Je crois, Seigneur, mais aidez la faiblesse de ma foi."
Saint Marc, IX, 23.

" Veritas !"
Cri et devise des croisés pour la foi et contre les hérétiques manichéens dits " Cathares " ou " Albigeois ".
 

Grandes heures d'Anne de Bretagne. XVIe.

Le héros que la sainte Eglise députe aujourd'hui vers Jésus ressuscité, a combattu si vaillamment que le martyre a couronné jusqu'à son nom. Le peuple chrétien l'appelle saint Pierre Martyr, en sorte que son nom et sa victoire ne se séparent jamais. Immolé par un bras hérétique, il est le noble tribut que la chrétienté du xuie siècle offrit au Rédempteur. Jamais triomphe ne recueillit de plus solennelles acclamations.

Au siècle précédent, la palme cueillie par Thomas de Cantorbéry fut saluée avec transport par les peuples qui n'aimaient rien tant alors que la liberté de l'Eglise ; celle de Pierre fut l'objet d'une ovation pareille. Rien ne surpasse l'enthousiame du grand Innocent IV, dans la Bulle pour la canonisation du martyr :
" La foi chrétienne appuyée sur tant de prodiges brille aujourd'hui d'un éclat nouveau. Voici qu'un nouvel athlète vient par son triomphe raviver nos allégresses. Les trophées de la victoire éclatent à nos regards, le sang répandu élève sa voix, la trompette du martyre retentit, la terre arrosée d'un sang généreux fait entendre son langage, la contrée qui a produit un si noble guerrier proclame sa gloire, et jusqu'au glaive parricide qui l'a immolé acclame sa victoire. Dans sa joie, l'Eglise-mère entonne au Seigneur un cantique nouveau, et le peuple chrétien va trouver matière à des chants d'allégresse qui n'avaient pas retenti encore. Un fruit délicieux cueilli dans le jardin de la foi vient d'être placé sur la table du Roi éternel. Une grappe choisie dans la vigne de l'Eglise a rempli de son suc généreux le calice royal ; la branche dont elle a été détachée par le fer était des plus adhérentes au cep divin. L'Ordre des Prêcheurs a produit une rose vermeille dont le parfum réjouit le Roi céleste. Une pierre choisie dans l'Eglise militante, taillée et polie par l'épreuve, a mérité sa place dans l'édince du ciel." (Constitution Magnis et crebris du 9 des calendes d'avril 1253.).


Statue de saint Pierre de Vérone.
Eglise Saint-Etienne. Puy-d'Arnac. Limousin. XVIIe.

Ainsi s'exprimait le Pontife suprême, et les peuples répondaient en célébrant avec transport le nouveau martyr. Sa fête était gardée comme les solennités antiques par la suspension des travaux, et les fidèles accouraient aux églises des Frères-Prêcheurs, portant des rameaux qu'ils présentaient pour être bénits en souvenir du triomphe de Pierre Martyr. Cet usage s'est maintenu jusqu'à nos temps dans l'Europe méridionale, et les rameaux bénits en ce jour par les Dominicains sont regardés comme une protection pour les maisons où on les conserve avec respect.

Quel motif avait donc enflammé le zèle du peuple chrétien pour la mémoire de cette victime d'un odieux attentat ? C'est que Pierre avait succombé en travaillant à la défense de la foi, et les peuples n'avaient alors rien de plus cher que la foi. Pierre avait reçu la charge de rechercher les hérériques manichéens, qui depuis longtemps infectaient le Milanais de leurs doctrines perverses et de leurs mœurs aussi odieuses que leurs doctrines. Sa fermeté, son intégrité dans l'accomplissement d'une telle mission, le désignaient à la haine des Patarins ; et lorsqu'il tomba victime de son noble courage, un cri d'admiration et de reconnaissance s'éleva dans la chrétienté. Rien donc de plus dépourvu de vérité que les déclamations des ennemis de l'Eglise et de leurs imprudents fauteurs, contre les poursuites que le droit public des nations catholiques avait décrétées pour déjouer et atteindre les ennemis de la foi.


Saint Lazare et saint Pierre de Vérone. Chapelle de la Miséricorde.
Saint-Martin-de-Vésubie. Comté de Nice. XVIIe.

Dans ces siècles, aucun tribunal ne fut jamais plus populaire que celui qui était chargé de protéger la sainte croyance, et de réprimer ceux qui avaient entrepris de l'attaquer. Que l'Ordre des Frères-Prêcheurs, chargé principalement de cette haute magistrature, jouisse donc, sans orgueil comme sans faiblesse, de l'honneur qu'il eut de l'exercer si longtemps pour le salut du peuple chrétien. Que de fois ses membres ont rencontre une mort glorieuse dans l'accomplissement de leur austère devoir ! Saint Pierre Martyr est le premier des martyrs que ce saint Ordre a fournis pour cette grande cause ; mais les fastes dominicains en produisent un grand nombre d'autres, héritiers de son dévouement et émules de sa couronne. La poursuite des hérétiques n'est plus qu'un fait de l'histoire ; mais, à nous catholiques, il n'est pas permis de la considérer autrement que ne la considère l'Eglise.

Aujourd'hui elle nous prescrit d'honorer comme martyr un de ses saints qui a rencontré le trépas en marchant à l'encontre des loups qui menaçaient les brebis du Seigneur ; ne serions-nous pas coupables envers notre mère, si nous osions apprécier autrement qu'elle le mérite des combats qui ont valu à Pierre la couronne immortelle ? Loin donc de nos coeurs catholiques cette lâcheté qui n'ose accepter les courageux efforts que firent nos pères pour nous conserver le plus précieux des héritages ! Loin de nous cette facilité puérile à croire aux calomnies des hérétiques et des prétendus philosophes contre une institution qu'ils ne peuvent naturellement que détester ! Loin de nous cette déplorable confusion d'idées qui met sur le même pied la vérité et l'erreur, et qui, de ce que l'erreur ne saurait avoir de droits, a osé conclure que la vérité n'en a pas à réclamer !


Saint Pierre de Vérone et une donatrice.
Ambrogio di Stefano da Fessano. XVe.

Saint Pierre Martyr, né à Vérone de parents infectés des erreurs des Manichéens, combattit presque dès son enfance contre les hérésies. A l'âge de sept ans, comme il allait aux écoles, son oncle paternel, qui était hérétique. lui ayant demandé ce qu il y avait appris.il répondit qu'il y avait appris le Symbole de la foi chrétienne : et ni les caresses ni les menaces de son père et de son oncle ne purent ébranler sa constance dans la vraie doctrine. Parvenu à l'adolescence, il vint à Bologne pour faire ses études. Ce fut là qu'étant appelé par le Saint-Esprit à un genre de vie plus élevé, il entra dans l'Ordre des Frères-Prêcheurs.

Très vite, ses vertus brillèrent avec un grand éclat dans la religion et dans l'étude, au point qu'il fut très rapidement apte à recevoir les ordres sacré, et il conserva coeur et ses sens dans une telle pureté, que jamais il ne se sentit souillé d'aucun péché mortel. Il mortifiait sa chair par les jeûnes et les veilles, et il élevait son esprit à la contemplation vies choses divines. Occupé sans cesse à l'oeuvre du salut des âmes, il avait un don particulier pour réfuter les hérétiques. Il mettait tant de force dans sa prédication, qu'une multitude innombrable de personnes affluait autour de lui pour l'entendre, et beaucoup se convertissaient et faisaient pénitence.


Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Le démon, irrité, résolut de le traverser par toutes les voies imaginables. Notre Saint prêchait à Florence : c'était dans le vieux marché, parce que les églises n'étaient pas assez vastes pour le grand nombre de personnes qui accourait pour l'entendre.
Ce monstre d'enfer y parut sous la forme d'un cheval noir courant à toute bride ; il semblait prêt à fendre la foule et à écraser tous ceux qu'il rencontrerait sur son passage ; mais le Saint faisant le signe de la Croix, dissipa ce fantôme, et tout le peuple le vit s'évanouir comme de la fumée.

Après la prédication, saint Pierre se mettaut ordinairement au confessionnal pour y recevoir les pénitents. Un jour, il s'en trouva un qui, touché du regret de ses fautes, s'accusa d'avoir donné un coup de pied à sa mère ; le saint Confesseur lui en fit une sévère réprimande et, pour l'exciter davantage à la sainte contrition, il lui dit que le pied qui avait ainsi frappé sa mère mériterait d'être coupé. Dès qu'il fut rentré chez lui, le pénitent se coupa lui-même le pied. Saint Pierre, que le peuple accusait déjà d'imprudence, l'ayant appris, vint trouver le pénitent, prit son pied, le réunit à sa jambe et, ayant fait le signe de la Croix, le remit en son premier état. Ce miracle fit concevoir plus d'estime que jamais pour sa sainteté et sa très-sage conduite.

Notre Dame et son Divin Fils avec saint Géminien de Modène,
saint Jean-Baptist0e, saint Pierre de Vérone et saint Georges.
Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin. XVIIe.

Cependant Dieu éprouve la vertu de ses Saints. Alors qu'il était un jour au couvent de Saint-Jean-Baptiste, à Côme, Notre Père des cieux favorisa saint Pierre de Vérone de plusieurs visites du ciel ; ainsi, les saintes Agnès et Cécile lui apparurent dans sa cellule et conférèrent avec lui d'une voix claire et intelligible. Un des religieux du couvent, passant devant la cellule de notre Saint, entendant cette conférence, s'imagina que c'était effectivement avec des femmes que saint Pierre s'entretenait. Il alla donc chercher d'autres frère pour témoins, leur fit constater derrière la porte les entretiens que notre saint avait avec sainte Agnès et sainte Cécile, et ils s'en furent tous se plaindre au chapître et au supérieur.

Saint Pierre, par humilité, et voulant tenir discrète les faveurs qu'il avait reçues du ciel, ne s'en défendit point. Le supérieur relégua alors notre Saint au couvent d'Iësi, dans la Marche d'Ancône, pour y mener une vie retirée et ne plus paraître en public.
Un jour, au pied de la Croix, il lui arriva de s'en plaindre amoureusement à Notre Seigneur Jésus-Christ :
" Eh quoi ! Mon Dieu ! Vous savez mon innocence ! Comment souffrez-vous que je demeure si longtemps dans l'infâmie ?"
Notre Seigneur lui répondit :
" Et moi, Pierre, n'étais-je pas innocent ? Avais-je mérité les opprobres et les douleurs dont j'ai été accablé dans le cours de ma Passion ? Apprends donc de moi à souffrir avec joie les plus grandes peines, sans avoir commis les crimes pour lesquels on te les impose."
Dès lors, profondément touché par les paroles du divin Maître, notre Saint mit toute son ardeur à souffrir dans la joie et la félicité son humiliation.
Bientôt, Dieu fit paraître la vérité de ce qui s'était passé au couvent de Côme et saint Pierre de Vérone fut rappeler de son exil et parut devant ses frères avec encore plus d'éclat qu'auparavant.


Martyre de saint Pierre de Vérone.
Cathédrale Saint-Louis. La Rochelle. XVIIIe.

Dès qu'il fut délivré de sa prison, il reprit les armes de la parole de Dieu pour combattre l'hérésie. Le pape Grégoire IX, qui connaissait sa science et son zèle, le nomma inquisiteur général de la foi en 1232.
C'est principalement à Milan que saint Pierre travaillait de toutes ses forces à la conversion de hérétiques. Un jour qu'il se décourageait quelque peu, Notre Dame la très sainte Vierge Marie lui apparut et l'encouragea :
" Pierre, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne soit jamais ébranlée ; continue donc et persévère en ton premier travail."

Il passa alors à Céséna, où il convertit un grand nombre d'hérétiques et guérit des malades, à Ravenne, à Mantoue, à Venise, etc.
Enfin, il arriva au couvent de Côme, dont il avait été nommé prieur, charge qu'il avait déjà tenu dans les couvents de Gênes, Aoste et Iësi.

L'ardeur de sa foi l'enflammait tellement , qu'il souhaitait de mourir pour elle, et demandait instamment à Dieu cette grâce. Ce furent les hérétiques qui la lui procurèrent, selon qu'il l'avait annoncé lui-même peu auparavant dans une prédication. Comme il exerçait la charge d'Inquisiteur, un jour qu'il allait de Côme à Milan, un impie meurtrier nommé Carino lui déchargea sur la tète deux coups d'épée. Le saint, presque mort, prononça avant de rendre le dernier soupir le Symbole de la foi que dans son enfance il avait confessée avec le courage d'un homme. L'assassin revint à la charge, et lui ayant plongé son épée dans le flanc, le saint alla au ciel recevoir la palme du martyre, l'an du salut 1252, avec le religieux qui l'accompagnait, nommé Dominique.

L'assassin Carino martyrisant saint Pierre de Vérone et
le religieux qui l'accompagnait, saint Dominique.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. Fin du XIIIe.

Son corps fut porté dans l'église Saint-Eustorge de Milan et sa sainteté éclata bientôt par un grand nombre de miracles. Son assassin, qui avait échappé à la justice, rentra bientôt en lui-même, regretta très amèrement son crime et demanda à entré dans l'ordre des frères prêcheurs : ce qui lui fut accordé.

L'année suivante Innocent IV l'inscrivit au nombre des Martyrs le 25 mars et ordonna qu'on le fêterait le 29 avril et non le 5 du même mois qui fut le jour de son martyre parce que ce jour pouvait être occupé par Pâques.


Saint Pierre de Vérone. Gravure italienne du XVIe.
 
PRIERE
 
" Vous avez vaincu, Ô Pierre ! Et votre zèle pour la défense de la foi a obtenu sa récompense. Vous désiriez ardemment répandre votre sang pour la plus sainte des causes, et confirmer par votre sacrifice les fidèles du Christ dans la fermeté de leur croyance. Le Seigneur a comblé vos vieux, et il a voulu que votre immolation coïncidât avec les têtes de notre divin Agneau pascal, que vous suivez dans son triomphe comme vous l'avez suivi dans son immolation. Le fer parricide s'abattit sur votre tète vénérable, votre sang généreux coulait en ruisseaux sur la terre, et de votre doigt vous traciez encore sur le sable, en mourant, les premières paroles du Symbole pour lequel vous donniez votre vie.

Protecteur du peuple chrétien , quel autre mobile que celui de la charité vous dirigea dans vos travaux ? Soit que votre parole vive et lumineuse reconquit sur l'erreur les âmes abusées, soit que marchant droit à l'ennemi, votre vigueur le forçât à fuir loin des pâturages qu'il venait empoisonner, vous n'eûtes qu'un but, celui de préserver les faibles de la séduction. Combien d'âmes simples auraient joui avec délices de la vérité divine que la sainte Eglise faisait arriver jusqu'à elles, et qui, misérablement trompées par les prédicants de l'err

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samedi, 29 avril 2023 | Lien permanent

15 avril. Saint Pierre Gonzalez, appelé plus usuellement saint Elme ou saint Telme, dominicain. 1248.

- Saint Pierre Gonzalez, appelé plus usuellement saint Elme ou saint Telme, dominicain. 1248.
 
Papes : Clément III ; Innocent IV. Rois de Léon : Alphonse IX ; Ferdinand III, de Castille.
 
" Il est bon Seigneur que Vous m'ayez humilié."
Saint Elme.
 

Saint Pierre Gonzalez naquit, l'an 1190, dans la ville d'Astorga, en Espagne, d'une famille distinguée. Son oncle, évêque de Palencia, charmé de ses talents, le pourvut d'un canonicat et le fit ensuite nommer doyen du Chapitre de sa cathédrale.

Le jour de sa prise de possession, Gonzalez, naturellement vaniteux, voulut traverser la ville sur un cheval superbement paré. C'est là que la Providence l'attendait : sa vanité se repaissait des applaudissements de la foule, quand le cheval se cabra, renversant dans la boue l'orgueilleux cavalier, au milieu des huées de la populace. Cette humiliation fut un coup de la grâce. Pierre se releva tout confus, et dit à haute voix :
" Puisque le monde se moque de moi, je me moquerai de lui à mon tour."
Il tint parole.
 

Saint Pierre Gonzalez. Eglise Saint-Dominique.
San Cristobal de las Casas. Chiapas. Mexique. XVIIIe.

Dans la solitude, le jeûne et la prière, il dompta son orgueil et devint un modèle de pénitence et d'humilité. Décidé à rompre entièrement avec le siècle, il se démit de sa dignité pour se faire humble enfant de Saint-Dominique et employer ses talents à gagner des âmes au Ciel.

Il passait la plus grande partie des nuits à méditer, à prier, à étudier, et consacrait le jour à instruire les fidèles. Les libertins fondaient en larmes à ses sermons, et venaient à ses pieds avouer leurs désordres : il fut l'instrument d'une multitude de conversions.


Saint Ferdinand III de Castille et Leon. Enluminure anonyme. XIIIe.

Le roi d'Espagne, saint Ferdinand III (il fut canonisé en 1671), voulut attacher Gonzalez à sa personne et l'emmener partout avec lui, même à la guerre. Le saint religieux profita de la confiance du prince pour procurer la gloire de Dieu et il vint à bout de réformer bien des désordres, vivant toujours à la cour ou dans les camps, avec la même austérité et la même régularité que dans le cloître.

Notre Saint accompagna Ferdinand III dans toutes ses expéditions contre les Maures, et eut une grande part à ses victoires par ses prières, par ses conseils, mais aussi par les réformes qu'il lui inspira et qui touchaient aux moeurs des soldats et de leurs chefs.


Gravure de Manuel Pablo Nunez. XVIe.

La prise de Cordoue, en 1236, fut pour lui une occasion de déployer son zèle. Il modéra l'ardeur des vainqueurs, sauva l'innocence des vierges de l'insolence des soldats, et fit épargner le sang ennemi. Il exorcisa et purifia les mosquées dont beaucoup avaient été des églises aux premiers temps des Espagnes.

La grande mosquée de Cordoue fut ainsi changée en cathédrale. On y trouva les cloches et les ornements que les Maures avaient fait apporter de Compostelle, deux cents ans auparavant, sur les épaules des Chrétiens. Ferdinand III obligea les vaincus à les rapporter à Compostelle de la même manière.


Saint Pierre Gonzalez. Statue votive. Ecouen. XVIIe.

Quelques seigneurs licencieux résolurent de le perdre et gagnèrent à prix d'argent une courtisane pour le séduire. Gonzalez, comprenant les intentions de la malheureuse, allume un grand feu et se place au milieu, enveloppé de son manteau. A la vue de ce prodige, la misérable tombe à genoux et se convertit sincèrement ; les seigneurs qui l'avaient gagnée en firent autant.

Cependant, malgré toutes les sollicitations du roi, Gonzalez quitta la cour : ayant assez fait pour les grands, il aspirait à instruire et à consoler les pauvres habitants des campagnes. Il passa le reste de sa vie à les évangéliser, avec un incroyable succès : les montagnes les plus escarpées, les lieux les plus inaccessibles, la grossièreté ou l'ignorance des populations enflammaient sa charité ; des miracles accompagnaient ses paroles et leur faisaient porter de merveilleux fruits, surtout parmi les marins espagnols.


Un jour qu'il prêchait, le démon souleva un orage épouvantable, et la foule s'enfuyait déjà cherchant un abri, quand Gonzalez, par un grand signe de Croix, divisa les nuages, de sorte qu'il ne tomba pas une goutte d'eau. Il délivra très souvent par miracle des matelots qui avaient imploré son secours dans le danger.

Pierre Gonzalez connaissant, par révélation, sa fin prochaine, voulut se retirer à Compostelle, pour y mourir entre les bras de ses frères en religion ; mais il tomba gravement malade à Tuy où il prêchait le carême, et y mourut le jour de Pâques, l'an 1248, à l'âge de cinquante-huit ans. Ses reliques reposent dans la cathédrale de cette localité.


Cathédrale Sainte-Marie. Les reliques de saint Pierre Gonzalez
y sont toujours vénérées. Tuy. Galice. Espagne.

Saint Pierre Gonzalez, connu en Espagne sous le nom de saint Elme, est représenté marchant sur les eaux et tenant une flamme. Cette flamme désigne le feu de saint Elme. Il est quelquefois représenté avec cette flamme sur le front. Il est le patron des marins.

Le pape Innocent IV béatifia saint Pierre Gonzalez en 1254 et accorda au dominicains d'Espagne d'en faire l'office. Benoît XIV, au XVIIIe siècle, approuva son office pour tout l'Ordre de Saint-Dominique.

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lundi, 15 avril 2024 | Lien permanent

5 mars. Saint Jean-Joseph de la Croix, franciscain. 1734.

- Saint Jean-Joseph de la Croix, franciscain. 1734.

Papes : Innocent X, Clément XII. Rois des Deux-Siciles : Philippe IV, Charles IV.

" La parole de la Croix est une folie pour ceux qui se perdent ; mais pour ceux qui se sauvent, elle est la vertu de Dieu."
I Cor., I, 18.
" Aimons Notre Seigneur Jésus-Christ, aimons-le réellement et en vérité ; car l'amour de Dieu est un grand trésor. Heureux celui qui aime Dieu."

Saint Jean-Joseph de la Croix.


Apothéose de saint Jean-Joseph de la Croix. Anonyme. XVIIIe.

Saint Jean-Joseph de la Croix naquit dans l'île d'Ischia, près de Naples, le jour de l'Assomption, 1654. Ses parents, Joseph Calosirto et Laure Garguilo le baptisèrent le jour même sous le patronage de Charles-Cajétan, Il s'étaient tous deux d'une grande piété et d'une foi ferme, et il est bon de relever que notre Saint se distingua par sa piété au-dessus de ses frères dont cinq au moins embrassèrent la vie religieuse. Tout enfant, il aimait la retraite, le silence et la prière, et fuyait les jeux de son âge, aimant mieux consacrer le temps de ses récréations à visiter des églises et à y adorer le Sauveur.

La très sainte Vierge Marie avait, après Notre Seigneur Jésus-Christ, toute sa prédilection ; il dressa dans sa chambre un petit autel, récitait chaque jour les offices de la Mère de Dieu et jeûnait en son honneur tous les samedis et aux vigiles de ses fêtes. Dès ce temps, il aimait les pauvres au point de leur distribuer tout l'argent dont il pouvait disposer.

A cet âge où l'enfant suit si facilement les premiers mouvements de la colère, on le vit, un jour, se mettre à genoux dans la boue et réciter le Pater pour un de ses frères qui l'avait souffleté.


Ischia Ponte. Île natale de saint Jean-Joseph. Baie de Naples.

C'est à dix-sept ans qu'il entra chez les Frères Mineurs réformés de Saint-Pierre d'Alcantara. A dix-neuf ans, il s'acquitta avec succès des missions les plus difficiles ; à vingt-quatre ans, il était maître des novices, puis gardien d'un couvent ; mais il n'accepta jamais les honneurs qu'avec une humble crainte et les quitta toujours avec joie.

Sa mortification la plus extraordinaire fut une longue croix d'un pied environ, garnie de pointes aiguës, qu'il s'attachait sur les épaules au point qu'il s'y forma une plaie inguérissable. Il en portait une autre plus petite, sur la poitrine. Rarement il dormait, et pendant trente ans, il s'abstint de toute espèce de liquide.

Il avait coutume de dire à ses compagnons ou à tous ceux qui le sollicitait sa charité lors d'une épreuve :
" Espérons en Dieu, et nous serons certainement consolés. Dieu est un tendre père qui aime et secourt tous ses enfants. N'en doutez point, espérez en Dieu, il pourvoira à vos besoins."
Ou encore :
" Qu'est-ce que cette terre, sinon de la boue, un morceau de poussière, un pur néant. Le paradis, le ciel : Dieu est tout. Ne vous attachez point aux biens de ce monde, fixez vos affections en haut ; pensez à ce bonheur qui durera éternellement, tandis que l'ombre de ce monde s'évanouira."
Il aimait Dieu d'un ardent amour :
" Quand il n'y aurait ni Ciel ni enfer, disait-il, je voudrais néanmoins aimer Dieu toujours."

Sa charité pour les pauvres fut plusieurs fois l'occasion de multiplication de pains ; son dévouement pour les malades le porta à demander à Dieu de faire retomber sur lui les souffrances des autres, demande qui fut quelquefois exaucée.

Dieu opérait de nombreuses merveilles par les mains de ce fidèle disciple de saint François d'Assise et de saint Pierre d'Alcantara. Prophéties, visions, extases, bilocation (présence en deux lieux à la fois), sont des preuves étonnantes de sa sainteté.

Comme dans ses vieux ans on lui recommandait de se ménager à raison de ses infirmités, et particulièrement quant à son dévouement aux malades et aux pauvres, il dit un jour :
" Je n'ai point d'infirmité qui m'empêche de travailler ; mais quand même, ne devrais-je pas sacrifier ma vie pour la même fin pour laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ à été crucifié."

Il s'étudiait à cacher et à dissimuler le don des miracles et de prophétie dont Dieu l'avait favorisé à un si haut degré, attribuant les miracles qu'il opérait par la foi de ceux en faveur desquels ils étaient opérés, ou bien à l'intercession des Saints auprès desquels il se recommandait. Souvent, il ordonnait à ceux auxquels il rendait la santé de prendre quelque médecine, afin que la guérison pût être attribuée à un remède purement naturel.
Quant à ses prophéties, qui sont en grand nombre, il affectait de juger d'après l'analogie et l'expérience. Ainsi, pendant l'épouvantable tremblement de terre qui eut lieu à la saint André en 1735 à Naples, comme les religieuses de plusieurs couvents n'osaient pas aller à leurs dortoirs, il les rassura en leur disant qu'après quelques secousses seulement, il cesserait sans causer le moindre préjudice à la ville ou à ses habitants. Quelqu'un lui ayant demandé quelle raison il avait de s'exprimer d'une manière aussi positive, il dit :
" Je suis sûr qu'il en arrivera ainsi parce que c'est ainsi qu'il en est arrivé précédemment."

Dans la pratique de toutes ces vertus et favorisé de grâces toutes privilégiées, sur lesquelles ce n'est pas le lieu ici de s'étendre (nous renvoyons le lecteur à la notice que lui consacrent les Petits bollandistes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30733g), notre Saint passa ainsi les jours de son pèlerinage ici-bas, glorifiant Dieu, donnant l'aumône, secourant les malades et faisant le bien, jusqu'au moment où il plut à Notre Seigneur de mettre un terme à sa carrière, non sans lui avoir fait connaître à l'avance les circonstances et le temps de sa mort.

Le temps où elle arriva, un de ses neveu lui écrivit de Vienne pour lui dire qu'il serait de retour à Naples au mois de mai suivant. Notre Saint lui répondit qu'il ne le trouverait pas vivant. Une semaine avant de passer, il s'entretenait avec son frère François et lui dit :
" Jusqu'ici, je ne vous ai encore rien demandé, faites moi la charité de prier le Tout-Puissant pour moi vendredi prochain, vous entendez ? Vendredi prochain, souvenez-vous en, n'oubliez pas."
Ce fut le jour même de sa mort.

A peine eut-il rendu l'âme qu'il se manifesta à plusieurs personnes dans un état glorieux. A l'heure de son départ, le duc de Monte-Lione, qui se promenait dans son appartement, aperçut saint Jean-Joseph dans son salon, en parfaite santé, environné d'une lumière toute surnaturelle, et quoiqu'il l'eut laisser très malade à Naples quelques jours plus tôt lors de la dernière visite qu'il lui avait faite.
Le duc s'écria :
" Quoi ! Père Jean-Joseph, êtes-vous donc si subitement rétabli ?"
A quoi le Saint répondit avant de disparaître :
" Je suis bien et heureux."


Procession de saint Jean-Joseph de la Croix (29 septembre).
Sur l'île d'Ischia, on porte la châsse contenant
le corps incorrompu de notre Saint.

Après son inhumation, des miracles sans nombres attestèrent les vertus et la gloire de notre Saint. Ces prodiges déterminèrent le pape Pie VI à l'inscrire au catalogue des bienheureux le 15 mai 1789 ; Pie VII reconnut deux nouveaux miracles le 27 avril 1818 ; Léon XII donna le décret, le 29 septembre 1824, permettant de procéder à sa canonisation ; et Grégoire XVI en fit la cérémonie solennelle le 26 mai 1839.

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mardi, 05 mars 2024 | Lien permanent

19 mai. Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.

- Saint Pierre-Célestin, Célestin V, pape, fondateur de la branche bénédictine des Célestins. 1296.
 
Papes : Nicolas IV (préd.) ; Boniface VIII (succ.). Roi de France : Philippe IV, Le Bel.
 
" On est dans l'étonnement de m'avoir vu quitter la papauté, et moi j'admire ma simplicité de l'avoir accepter."
Saint Pierre-Célestin.
 

Statue de saint Pierre-Célestin.
Bois polychrome. Saint-Amarin. Alsace. XVIe.

Jésus ressuscité appelle en ce jour l'humble Pierre-Célestin, Pontife suprême, mais à peine assis sur la chaire apostolique, qu'il en est descendu pour retourner au désert.

Entre tant de héros dont est formée la chaîne des Pontifes romains, il devait s'en rencontrer à qui fût donnée la charge de représenter plus spécialement la noble vertu d'humilité ; et c'est à Pierre Célestin que la grâce divine a dévolu cet honneur. Arraché au repos de sa solitude pour être élevé sur le trône de saint Pierre et tenir dans ses mains tremblantes les formidables clefs qui ouvrent et ferment le ciel, le saint ermite a regardé autour de lui ; il a considéré les besoins de l'immense troupeau du Christ, et sondé ensuite sa propre faiblesse.


Saint Pierre-Célestin. Livre d'heures de Jean de Vy. XIVe.

Oppressé sous le fardeau d'une responsabilité qui embrasse la race humaine tout entière, il s'est jugé incapable de supporter plus longtemps un tel poids ; il a déposé la tiare, et imploré la faveur de se cacher de nouveau à tous les regards humains dans sa chère sollicitude. Ainsi le Christ, son Maître, avait d'abord enfoui sa gloire dans une obscurité de trente années, et plus tard sous le nuage sanglant de sa Passion et sous les ombres du sépulcre. Les splendeurs de la divine Pâque ont tout à coup dissipé ces ténèbres, et le vainqueur de la mort s'est révélé dans tout son éclat.

Mais il veut que ses membres aient part à son triomphe, et que la gloire dont ils brilleront éternellement soit, comme la sienne, en proportion de leur empressement à s'humilier dans les jours de cette vie mortelle. Quelle langue pourrait décrire l'auréole qui entoure le front de Pierre Célestin, en retour de cette obscurité au sein de laquelle il a cherché l'oubli des hommes avec plus d'ardeur que d'autres ne recherchent leur estime et leur admiration ? Grand sur le trône pontifical, plus grand au désert, sa grandeur dans les cieux dépasse toutes nos pensées.

Les cardinaux viennent chercher saint Pierre-Célestin après
son élection. Anonyme. Eglise Saint-Leu-Saint-Gilles.
Thiais. Île-de-France. XVIIe.

Pierre de Morone, nommé Célestin, du nom qu'il prit lorsqu'il fut créé pape, naquit de parents honnêtes et pieux à Isernia dans les Abruzzes. il était le onzième des douze enfants de cet humble couple chrétien. Il reçut une éducation plus soignée que ses frères, grâce aux dispositions extraordinaires d'intelligence et de piété qu'il montra dès son bas âge.

A peine entré dans l'adolescence, il se retira au désert pour garantir son âme des séductions du monde. Il la nourrissait dans cette solitude par la contemplation, et réduisait son corps en servitude, portant sur sa chair une chaîne de fer.

Pendant trois ans, malgré son jeûne quotidien, il fut assailli de toutes sortes de pensées de découragement, de sensualité, de volupté ; mais il était fortifié par les fréquentes visions des Anges. Il consentit à recevoir le sacerdoce, afin de trouver dans l'Eucharistie un soutien contre les tentations.

La sainteté du solitaire lui attira des disciples : ce fut l'origine de cette branche de l'Ordre de Saint-Benoît, dont les religieux sont appelés Célestins. Ils vivaient sous des huttes faites avec des épines et des branches, mais Dieu réjouissait leur affreuse solitude par de suaves harmonies célestes et par la visite des bienheureux esprits.

Bien plus austère que ses religieux, Pierre ne mangeait que du pain de son très noir et très dur ; jeûnant quatre carêmes, ne prenant généralement que des herbes crues, une seule fois tous les trois jours. Couvert d'instruments de pénitence, il couchait sur le fer plutôt que sur la terre : une voix céleste vint lui ordonner de diminuer cette pratique excessive de la mortification.


Couronnement de Célestin V. Anciennement au couvent des
Célestins de Marcoussis. Île-de-France. XVIe.

L'Eglise Romaine ayant été longtemps sans pasteur, après une vacance du Saint-Siège pendant vingt-sept mois, le choix des cardinaux alla chercher l'humble moine au fond de son désert. Âgé de soixante-douze ans, notre Saint subit en pleurant son élection sur la chaire de saint Pierre.
Comme on place la lumière sur le chandelier, cet événement peu ordinaire ravit tout le monde de joie et d'admiration.

Mais lorsque Pierre, élevé à cette dignité sublime, sentit que la multitude des affaires préoccupant son esprit, il pouvait à peine vaquer comme auparavant à la méditation des choses célestes, il renonça volontairement à la charge et à la dignité.


Anonyme français du XVIIe.

Il reprit donc son ancien genre de vie, et s'endormit dans le Seigneur, par une mort précieuse, qui fut rendue plus glorieuse encore par l'apparition d'une croix lumineuse que l'on vit briller dans les airs au-dessus de l'entrée de sa cellule. Pendant sa vie et après sa mort, il éclata par un grand nombre de miracles qui, ayant été soigneusement examinés, portèrent Clément V à l'inscrire au nombre des Saints, onze ans après sa mort.

On ira lire avec profit les pages que les Petits Bollandistes, Rhorbacher, Alzog et Darras consacrent, dans leurs notices, consacrent à la fin de la vie de saint Pierre-Célestin et à sa réclusion volontaire qui fut organisée et surveillée fermement par son successeur Boniface VIII qui craignait que le parti de Philippe Le Bel n'instrumentalisât notre saint pour sa cause. La suite de l'histoire lui donnera raison au point de mourir des suites des blessures infligées par le fils de Cathares manichéen Nogaret, mandaté par ce prince si nuisible à l'histoire de France et à l'histoire de l'Eglise.


Mort de Boniface VIII des suites des blessures infligées
par Nogaret et sa suite. De Casibus. Boccace. XVe.
 
PRIERE
 
" Vous avez obtenu l'objet de votre ambition, Ô Célestin ! Il vous a été accordé de descendre les degrés du trône apostolique, et de rentrer dans le calme de cette vie cachée qui avait si longtemps fait toutes vos délices. Jouissez des charmes de l'obscurité que vous aviez tant aimée ; elle vous est rendue avec tous les trésors de la contemplation, dans le secret de la face de Dieu. Mais cette obscurité n'aura qu'un temps, et quand l'heure sera venue, la Croix que vous avez préférée à tout se dressera lumineuse à la porte de votre cellule, vous invitant à prendre part au triomphe pascal de celui qui est descendu du ciel pour nous apprendre que quiconque s'abaisse sera élevé.

Votre nom, Ô Célestin, brillera jusqu'au dernier jour du monde sur la liste des Pontifes romains ; vous êtes l'un des anneaux de cette chaîne qui rattache la sainte Eglise à Jésus son fondateur et son époux ; mais une plus grande gloire vous est réservée, celle de faire cortège à ce divin Christ ressuscité. La sainte Eglise, qui un moment s'est inclinée devant vous pendant que vous teniez les clefs de Pierre, vous rend depuis des siècles et vous rendra jusqu'au dernier jour l'hommage de son culte, parce qu'elle reconnaît en vous un des élus de Dieu, un des princes de la céleste cour.
 

Prophétie illustrée de saint Pierre-Célestin.
Vaticinia de summis pontificibus. XVe.

Et nous aussi, Ô Célestin ! nous sommes appelés à monter là où vous êtes, à contempler éternellement comme vous le plus beau des enfants des hommes, le vainqueur de la mort et de l'enfer. Mais une seule voie peut nous y conduire : celle que vous avez vous-même suivie, la voie de l'humilité. Fortifiez en nous cette vertu, Ô Célestin ! Et allumez-en le désir dans nos cœurs. Substituez le mépris de nous-mêmes à l'estime que nous avons trop souvent le malheur d'en faire. Rendez-nous indifférents à toute gloire mondaine, fermes et joyeux dans les abaissements, afin qu'ayant " bu l'eau du torrent ", comme notre Maître divin, nous puissions un jour, comme lui et avec vous, " relever notre tête " et entourer éternellement le trône de notre commun libérateur."


Boniface VIII publiant les Décrétales. Liber sextus Decretalium. XIVe.

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vendredi, 19 mai 2023 | Lien permanent

1er août. Dédicace de Saint-Pierre-Es-Liens. 439.

- A Rome sur le mont Esquilin*, la dédicace de Saint-Pierre-Es-Liens ou fête des chaînes du Prince des Apôtres. 439.

Sous saint Sixte III, pape,  et grâce à la dévotion de l'impératrice Eudoxie.

" Heureux liens qui tenaient captifs les mains et les pieds de saint Pierre ; ils lui ont valu une couronne immortelle, et d'un Apôtre ils ont fait un martyr !"
Saint Augustin. Serm. XXIX de Sanctis.


Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur. Bible historiale.
Guiard des Moulins de l'abbaye de Saint-Omer. XIVe.

L'Eglise a institué cette fête, non seulement pour rendre grâces à Dieu de l'insigne faveur qu'Il fit à l'assemblée des fidèles de Jérusalem, lorsqu'Il leur rendit le Prince des Apôtres que le roi Hérode, surnommé Agrippa, avait fait lier de deux chaînes, en attendant que la fête de Pâques fût passée pour le faire mourir ; mais aussi afin d'honorer ces chaînes, avec lesquelles les membres précieux de ce grand Apôtre avaient été attachés. Elle sait bien que lui-même les estimait plus que tous les trésors du monde, et qu'il préférait la qualité de captif et d'enchaîné pour Jésus-Christ à celle de Prince de son peuple et Chef de tous les disciples.


Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur. Murillo. XVIIe.

Saint Luc rapporte, dans les Actes des Apôtres, que cet Hérode, neveu du second par son père et petit-fils du premier, voulant gagner l'affection des Juifs, après avoir fait trancher la tête à saint Jacques le Majeur, frère de saint Jean l'Evangéliste, fit arrêter saint Pierre et l'envoya en prison, dans le dessein de le faire exécuter publiquement et devant une foule nombreuse assemblée à Jérusalem à l'occasion de la fête de Pâques. Craignant qu'il n'échappât à sa cruauté, il ne se contenta pas de le faire enfermé ; il le fit lier avec deux chaînes aux murs de la prison où il était et le donna en garde à des soldats qui en répondaient.


Saint Pierre délivré par l'ange du Seigneur.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine Jacques de Besançon. XVe.

Cependant les Chrétiens de la ville et des environs sentirent vivement ce coup et, sachant combien cet Apôtre était nécessaire à l'Eglise, qui, à peine naissante, se voyait exposée à de si terrible persécutions, ils envoyaient continuellementleur voeux et leurs soupirs ver le Ciel, suppliant le Souverain Pasteur de ne pas permettre que son troupeau fût si tôt privé de celui qu'Il lui avait donné pour Son vicaire.

Cette prière fut exaucée : la nuit même où saint Pierre devait être exécuté, comme il dormait paisiblement dans ses chaînes, au milieu de deux soldats, outre les autres gardes qui étaient en faction devant la porte, l'ange du Seigneur descendit du Ciel et remplit toute la prison d'une grande lumière et lui dit :
" Lève-toi promptement !"
Et comme saint Pierre se levait pendant que ses chaînes tombaient l'ange ajouta :
" Prend ta ceinture et chausse-toi ! Met ton manteau et suis-moi !"
Saint Pierre obéit et se mit à sa suite tout en pensant qu'il ne vivait qu'un songe et qu'il n'était pas délivré en réalité. Mais, passant devant tous les gardes qui ne s'apercevaient de rien, puis passant la porte de fer qui s'ouvrit toute seule sans que personne y mît la main, saint Pierre s'écria :
" Je reconnais maintenant que Dieu a envoyé véritablement Son ange et qu'Il m'a délivré de la main d'Hérode et de toute l'attente du peuple juif."

Tous les fidèles reçurent une joie incroyable de cette délivrance ; ils en rendirent beaucoup d'actions de grâces à Dieu, et s'étant procuré les chaînes dont l'Apôtre avait été lié, ils les gardèrent religieusement dans le trésor de l'église de Jérusalem, comme une très précieuse relique.


Saint Pierre et l'ange du Seigneur.
Eglise Saint-Pierre-Es-Liens de Rançon. Limousin.

C'ets pour ce grand bienfait que la fête d'aujourd'hui a été instituée. On y doit honorer les peines et les souffrances de saint Pierre, le calme et la tranquillité qu'il avait en prison et sous ses liens, la constance et la joie avec lesquelles il attendait le coup de la mort, et l'égalité d'esprit qui parut an lui, tant dans l'humiliation de son emprisonnement que dans la gloire de sa délivrance.

On doit aussi remercier Notre Seigneur de la faveur qu'Il fit à son troupeau en lui rendant un si bon pasteur, des miracles qu'Il a opérés pour le délivrer, et des grands fruits qu'Il lui a fait produire depuis, tant parmi les Juifs que parmi les Gentils, pour le parfait établissement du Christianisme.


Saint Pierre délivré par l'ange. Philippe Rivière XVIIIe.
Eglise Saint-Pierre-Es-Liens de Jourgnac. Limousin.

Saint Pierre eut encore d'autres liens que ceux qui l'enchainèrent à Jérusalem ; car étant à Rome pour y prêcher l'Evangile, et ayant gagné à Jésus-Christ un grand nombre de personnes des trois ordres qui composaient cette ville (des sénateurs, des chevaliers et de nombreux membres du peuple), l'empereur Néron le fit saisir et commanda qu'il fût mis en prison et enchaîné.

C'est de ces chaînes dont parle saint Alexandre, pape, lorsque, voyant sainte Balbine porter un respect singulier aux chaînes diont lui même venait d'être lié, il l'exorta à cherhcer plutôt les chaînes de saint Pierre : ce qu'elle fit aussitôt avec beucoup de succès et de consolations.


Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome. Cette basilique fut bâtit par
l'impératrice Eudoxie au Ve siècle afin de conserver les chaînes du
Prince des Apôtres.Deux chaînes de saint Pierre sont rassemblées
dans ce reliquaire : celle de Rome et celle de Jérusalem.

C'est donc à la fois les chaînes que porta le Prince des Apôtres à Rome puis à Jérusalem que nous fêtons aujourd'hui.


Les chaînes de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome.

Il serait trop long ici de rescencer le nombre formidable de miracles que ces précieuses chaînes opérèrent et tout autant le nombre d'églises qui vénèrent ces admirables reliques.


Les chaînes de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre-Es-Liens. Rome.

* Le mont Esquilin, appelé aujourd'hui le mont de sainte Marie-Majeure, est l'une des sept collines de Rome, au sud du Quirinal et au nord du mont Coelius. Il fut renfermé dans la ville par Tulius Hostilius, troisième roi de Rome (671-639 av. J.-C.). C'est là qu'on exécutait les criminels. Il donnait son nom à la Porte Esquiline, une des portes occidentales de Rome, appelée aujourd'hui Porte Saint-Laurent.

Rq : On lira le petit livre de M. Paul Mencacci, " Les chaînes de saint Pierre ", que l'auteur, membre de l'Archiconfrérie romaine qui se dépensa tant pour ériger dans la ville éternelle un monument en l'honneur des saintes chaînes et dédié, à l'occasion de son jubilé épiscopal, au pape Pie IX. Ce livre est disponible en téléchargement sur l'excellente " bibliothèque Saint-Libère " : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=249

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mardi, 01 août 2023 | Lien permanent

3 août. Le bienheureux Pierre-Julien Eymard, confesseur, fondateur des Pères du Saint-Sacrement. 1868.

- Le bienheureux Pierre-Julien Eymard, confesseur, fondateur des Pères du Saint-Sacrement et de celle des Servantes du Saint-Sacrement. 1868.

Pape : Pie IX. Empereur des français : Napoléon III.

" Les miracles visibles n'apparaissent que pour élever les coeurs à la foi des choses invisibles, afin que la merveille extérieure fasse
connaître la merveille, beacoup plus grand, de l'intérieur."

Saint Grégoire le Grand.

" Donnez-moi la croix, Seigneur, pourvu que vous me donniez aussi votre amour et votre grâce."
Le bienheureux Pierre-Julien Eymard.

Le bienheureux Pierre-Julien Eymard naquit le 4 février 1811 à La Mure d’Isère. Il y mourut, le 1er août  1868, à l’âge de 57 ans. Il fut béatifié par Pie XI, le 12 juillet 1925.

Mis en contact avec toutes les classes de la société et tous les états de vie, Pierre-Julien avait été providentiellement préparé à sa mission eucharistique. Tour à tour vicaire, curé, religieux et provincial chez les Frères Maristes, supérieur de collège et directeur du Tiers-ordre de Marie, catéchiste des chiffonniers de Paris, et, enfin, fondateur des Prêtres du Très Saint Sacrement, il a connu tous les besoins de toutes les catégories d’âmes et a compris l’influence et la force, pour elles, de l’Eucharistie.

Pierre-Julien eut une vie débordante d’activité. Ce fut cependant un grand mystique. En effet, dès l’âge de vingt six ans, alors qu’il n’était encore que vicaire à la Chatte, il fut, au cours d’une méditation devenue extase, favorisé d’une grâce mystique qui lui fit pénétrer la réalité de l’amour et de la bonté du Père. Pendant longtemps il en parla avec reconnaissance. Cette grâce fut le point de départ d’un apostolat dominé par une pensée dominante: devenir l’apôtre infatigable de l’amour de Dieu et travailler à la glorification du Sacrement de l’Amour du Fils : l’Eucharistie.

L’enfance et la jeunesse de Pierre-Julien Eymard furent relativement tristes. Il était le dixième enfant de Julien Eymard, son père, et  quatrième de sa mère, deuxième femme de Julien devenu veuf. Un destin cruel semble avoir marqué la famille Eymard. Successivement moururent ses frères et sœurs aînés : Cécile, en 1805, François-Julien en 1807, Joseph-Justin-Julien en 1809. Du premier lit quatre enfants sur six étaient également morts. De ce qui aurait pu être sa grande famille, Pierre-Julien, notre futur saint, ne connut qu’Antoine et Marianne, respectivement âgés de dix-sept et de douze ans à sa naissance en 1811. On croit savoir que la mère de Julien était très pieuse. Quant à son père, Julien Eymard, coutelier de son état, il fut reçu dans la Confrérie des Pénitents du Saint-Sacrement le 8 décembre 1817.

Dans ce milieu sérieux et fervent, il n’est pas étonnant que la piété de Pierre-Julien ait été précoce. Un fait est dûment attesté : vers l’âge de cinq ans, le petit garçon fait une fugue. On le cherche partout... On le retrouve dans l’église, grimpé sur l’escabeau placé derrière l’autel :

" Que fais-tu là, demande  sa sœur, impatiente.
– Je suis près de Jésus, et je l’écoute, répond naïvement le petit garçon."


A mesure qu’il grandit, Pierre-Julien est de plus en plus attiré par l’Eucharistie. Très jeune il désirera  devenir prêtre. Son père,  meurtri par tant de deuils subis, refusa : il ne pouvait pas accepter de perdre encore le dernier garçon qui lui restait et qui aurait dû prendre la succession de son entreprise.

Pierre-Julien connut donc des difficultés énormes pour faire ses études. Il apprit seul le latin, en cachette de son père. Le 5 août 1828, sa mère mourait ; le pauvre père restait seul avec sa fille Marianne et Pierre-Julien. Pierre-Julien se devait d’aider son père.

Enfin la foi du papa l’emporta, et Pierre-Julien fut reçu chez les Oblats de Marseille de Mgr de Mazenod, le 7 juin 1829...

Pour rattraper son retard scolaire, Pierre-Julien travaillait comme quatre. Il tomba rapidement malade ; on crut qu’il allait mourir. Mais il se rétablit lentement et, après la mort de son père, il entra au grand séminaire. Il fut ordonné prêtre le 20 juillet 1834 et nommé vicaire à la Chatte, dans l’Isère. Le 10 juin 1835 il était reçu tertiaire de l’Ordre des Capucins. C’est à la Chatte qu’il fut gratifié d’une grâce mystique exceptionnelle qu’il garda lontemps secrète, mais qui nourrit toute sa vie spirituelle.

Pierre-Julien crachait le sang. Il dut quitter la Chatte ; on le nomma curé de Monteynard où il resta deux ans. Fin 1839, il entra chez les Frères Maristes de Lyon et fut nommé directeur du collège de Belley. En janvier 1845, on lui conféra la charge de provincial dans sa congrégation, charge qu’il exerça pendant deux ans avant de devenir Visiteur Général.

En décembre 1845 le Père Eymard prit la direction de Tiers-Ordre de Marie au sein duquel il fonda de nombreuses branches.

Au sujet de la cérémonie de la Fête-Dieu à Lyon, le 25 mai 1845, le Père Eymard écrit, entre autres : “Je sens dans moi un grand attrait vers Notre-Seigneur ; jamais je ne l’avais éprouvé si fort. Cet attrait m’inspire dans mes prédications, conseils de piété, de porter tout le monde à la connaissance et à l’amour de Notre-Seigneur, de ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistique... ”

Cette grâce exceptionnelle est une grâce de foi et d’amour envers le Christ-Eucharistique. L’amour de Dieu est premier, mais il se concentre sur la contemplation du mystère de Jésus dans son Eucharistie.

En juin 1848 le Père Eymard est vivement frappé par l’intensité du culte eucharistique qui se déploie à Paris, grâce à l’adoration nocturne des hommes et à la création, par Adeline Dubouché, d’un Tiers-Ordre qui deviendra l’Adoration Réparatrice.

C’est ce que notre saint appellera une grâce de vocation. Emu à la vue du délaissement de tant de prêtres séculiers, et par le manque de direction spirituelle des hommes, le Père Eymard envisage la création “ d’un corps d’hommes comparable à l’Adoration Réparatrice en cours de création pour les femmes ".

L’époque était rude alors : le décret du 13 mars 1848 avait supprimé les congrégations religieuses en France, et de très nombreux religieux vivaient dispersés. À Mme Tholin-Bost qui avait créé l’Association de l’Adoration du Saint Sacrement à domicile, le Père Eymard écrivit, en octobre 1851 : “ J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je n’en trouve qu’un: l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la foi vient de la perte de l’amour.”

Et en février 1852, à la même personne : “ Maintenant il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes par la divine Eucharistie, et réveiller la France et l’Europe engourdies dans un sommeil l’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu : Jésus, l’Emmanuel Eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes fidèles et qui se croient pieuses, et ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus au saint Tabernacle.”

Les événements se succèdent, et en avril 1856, le Père Eymard est relevé de ses vœux qui le liaient à l’Ordre des Maristes. Il allait pouvoir travailler à la fondation d’une nouvelle congrégation. Le 13 mai 1956, il reçoit, de l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, l’autorisation de fonder son œuvre, la Société du Saint-Sacrement. Mgr Sibour était, en effet, très désireux de voir commencer une Œuvre de la Première communion des adultes. Le Père Eymard sera assisté, pour cette fondation, par le Père de Cuers.

Le dénuement matériel des premiers temps sera extrême et les vocations se firent longtemps attendre. Enfin, le 6 janvier 1857, l’Adoration du Saint-Sacrement exposé était inaugurée dans l’Institut. Les épreuves detoutes sortes se multiplièrent...

Parallèlement à la Société du Saint-Sacrement, une communauté féminine se mettait en place : Les Servantes du Saint-Sacrement, et l’Œuvre de la Première Communion des adultes était fondée dès 1858.

Le Père Eymard décrit la situation des jeunes ouvriers parisiens de cette époque : “ A peine capables de travailler, les enfants pauvres de Paris sont placés dans les fabriques pour y gagner quelques sous d’abord, puis dix, puis un franc ; et cela aide à avoir un peu de pain pour sa pauvre famille, et à payer les quarante sous de loyer par semaine. S’il n’y a pas de place dans les fabriques de boutons, de papier, etc, l’enfant, avec sa petite hotte, part le matin ou le soir, chiffonner dans la ville. Que de centaines d’enfants en sont là dans Paris !...

Si du moins la vie religieuse compensait la misère de la vie du corps ! Mais, hélas ! elle est encore plus déplorable. Le petit ouvrier ne va pas à l’Église apprendre à connaître, à aimer et à servir Dieu ; ses parents ne lui en parlent pas. Ils ont été élevés ainsi, ou bien l’indigence les rend honteux et les abrutit.  
Car Paris a son côté de missions étrangères, sa population nomade, sans autre religion que le culte des morts... Non, rien ne ressemble à ce Paris de la misère et de l’indifférence ! ”

Malgré les difficultés l’œuvre se développe et essaime en province. L’adoration du Saint-Sacrement est toujours la base de la vie de la congrégation.

Entre temps, au bord du découragement, le Père Eymard avait consulté le Saint Curé d’Ars. Le Père A.Tesnières raconte la rencontre :
“ ...Le Curé d’Ars éclata en sanglots et répondit : “ Mon bon ami, vous voulez que je prie le bon Maître pour vous ? Mais vous l’avez, vous, vous l’avez toujours devant vous ! ” Le Père touché des larmes du Curé laissa jaillir les siennes à son tour, et il s’efforçait de le consoler en lui disant : “ Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, je ne voulais pas vous faire de peine, pardonnez-moi, je vous en prie. Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.”

Le 10 juin 1863, Pierre-Julien Aymard recevait le décret d’approbation de son institut, La Congrégation du Très Saint-Sacrement. L’approbation avait été donnée par le pape Pie IX le 8 mai précédent.

Le but essentiel de cette congrégation était double :

– rendre un culte solennel et perpétuel d’adoration à Notre Seigneur Jésus-Christ, demeurant perpétuellement au. Très-Saint-Sacrement de l’autel, pour l’amour de l’homme.

– se dévouer à l’amour et à la gloire de ce très auguste Sacrement par l’apostolat de chacun de ses membres qui, sous les auspices et la conduite de l’Immaculée Vierge Marie, doivent s’y appliquer dans la mesure de leur grâce et de leurs vertus.

Il convient d’ajouter que cette congrégation doit être, de par la volonté de son fondateur, entièrement dévouée au Successeur de Pierre.

Parallèlement à la fondation de la Congrégation du Très Saint-Sacrement, Pierre-Julien Eymard, de 1858 à 1865, oeuvra activement à la fondation d’une congrégation féminine : Les Servantes du Saint-Sacrement, entièrement centrée sur l’Eucharistie, tout en étant au service des pauvres. Les épreuves, là aussi, furent nombreuses et parfois très douloureuses.

En plus des activités liées au développement de ses communautés religieuses, le Père Eymard prêche beaucoup: il veut faire connaître l’Eucharistie, l’Amour qui institua l’Eucharistie, c’est-à-dire le Cœur de Jésus, le Cœur Eucharistique. Il n’hésitait pas à dire, au cours des retraites eucharistiques qu’il prêchait : “ Quand on veut donner un mouvement plus puissant, on double, on triple, on centuple la puissance du moteur. Le moteur divin, c’est l’amour, l’amour eucharistique.”

Il écrivait aussi à des correspondants : “ J’ai eu la consolation de parler de Jésus au Très Saint Sacrement à Rouen et à Tours; on est bien venu, on a écouté avec dévotion: ce sera la semence.”

“ Le Cœur Eucharistique de Jésus a eu sa belle part à Rouen et Tours. J’ai fait un sermon spécial à Tours. C’est la semence.”

“ Je viens de prêcher la neuvaine solennelle du Sacré-Cœur. Vous pensez bien que c’est surtout du Cœur Eucharistique de Notre Seigneur que j’ai parlé ; il n’est que là vivant, puis au ciel ! J’ai parlé de son amour, de l’ingratitude des hommes, du peu d’âmes fidèles et dévouées qui se donnent entièrement à lui.”

Au cours d’une retraite à Rome, en janvier 1865, le Père Eymard fait retour sur lui-même et écrit : “ J’ai vu comment je ne me suis donné à Notre Seigneur au Très Saint-Sacrement que par le dévouement de l’amour, que par le service, le culte, le zèle. La nature y trouvait son élément ; la vanité et l’activité de l’esprit aussi.”

Car la vie avec Jésus-Eucharistie doit être contemplation et don du coeur : “ Notre Seigneur m’a fait comprendre qu’il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien.”

Sur sa vocation eucharistique il s’émerveille : “ Comme le Bon Dieu m’a aimé! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement ! Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation, tous mes états, un noviciat ! Toujours le Saint-Sacrement a dominé. C’est la Très Sainte Vierge qui m’a conduit à Notre-Seigneur : à la communion de tous les dimanches par le Laus à 12 ans ; de la Société de Marie à celle du Très Saint Sacrement.”

À la messe d’action de grâce de cette longue retraite, le 21 mars 1865, saint Pierre-Julien Eymard écrit : “ ... de même je dois être anéanti à tout désir, à tout propre intérêt, et n’avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d’y vivre pour son Père. Et c’est pour être ainsi en moi qu’il se donne dans la Sainte Communion. C’est comme si le Sauveur disait : " En m’envoyant par l’Incarnation, le Père m’a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m’unissant une personne divine afin de me faire vivre pour lui, ainsi par la communion tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre; tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en moi, au lieu de toi. Et ainsi tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi ".”

Le Père Eymard, dès lors, fait un vœu qui le livre définitivement au Christ Jésus dans une configuration au mystère de son Incarnation, à l’exemple de Marie : “ Oh ! Que je voudrais adorer Notre-Seigneur comme l’adorait cette bonne Mère !... Je vais faire toutes mes adorations en union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle.”

Sur sa Congrégation : “ Ne serait-il pas nécessaire dans la Société d’avoir les contemplatifs et les apôtres ? D’avoir des adorateurs et des incendiaires, puisque Notre-Seigneur veut voir ce feu eucharistique incendier le monde... ”

Dans les constitutions de la Société du Saint-Sacrement, P.J.Eymard avait clairement indiqué la raison suprême de l’Institut : “ Afin que le Seigneur Jésus soit toujours adoré dans son Sacrement et glorifié socialement dans le monde entier.”

Voici quelques-unes de ses réflexions : “ Le mal du temps, c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ comme à son Sauveur et à son Dieu... L’amour divin qui n’a pas de vie, son centre, dans le Sacrement de l’Eucharistie, n’est point dans les vraies conditions de sa puissance : il s‘éteindra bientôt.
Que faire donc ? Remonter à la source, à Jésus... et surtout à Jésus dans l’Eucharistie.”


Les forces du Père Eymard commencent à décliner ; il sent la mort approcher. À l’une de ses dirigées il écrit, le 26 avril 1868 : “ Plus les années se multiplient, plus elles affaiblissent la nature : c’est la mort par degrés, il faut s’y résigner ! Mais heureusement que le coeur ne vieillit pas ; il se rajeunit, au contraire, en héritant de ce que les autres facultés perdent. Aimez bien Notre Seigneur.”
C’était comme son testament.

Le 21 juillet 1868 au soir, le Père Eymard usé, amaigri, incapable de prendre la moindre nourriture, arrive à La Mure, sur ordre formel du médecin, pour se reposer. Il a célébré la dernière Messe de sa vie à Grenoble, dans la chapelle consacrée à l'adoration perpétuelle. Sans un mot, il se met péniblement au lit: sa soeur descend vite chercher le médecin qui diagnostique une hémorragie cérébrale doublée d'un épuisement général. Le Père se confesse par signes. Le samedi 1er août, il reçoit l'Extrême-Onction à une heure du matin. Dès le lever du jour, un Père de sa Congrégation célèbre la Messe dans sa chambre et lui donne la Sainte Communion. On lui présente l'image de Notre-Dame de La Salette. Il la presse sur son coeur. Au début de l'après-midi, c'est à peine si l'on entend son dernier soupir: son âme est entrée au Ciel dans le Bonheur infini de Dieu, pour toujour

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jeudi, 03 août 2023 | Lien permanent | Commentaires (4)

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