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26 juin. Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

- Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

Pape : Saint Libère*. Empereur romain : Julien l'Apostat.

" Ils étaient frères déjà et par le sang et par la naissance ; une même foi, une même mort, voilà ce qui a mis le dernier sceau à cette fraternité."
M. l'abbé C. Martin.


Bréviaire franciscain. XVe.

Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.

Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ; et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef (I Tim. VI, 13.).

Avec l'astucieuse habileté des traîtres et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement.

Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.

Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers ; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial, sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince ; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ?


Saint Jean et saint Paul avec Constance, fille de Constantin.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.

Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois Saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête.

Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne, cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux (26 juin 363), Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage :
" Tu as vaincu, Galiléen !"

De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur ; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection.

C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes (Bern. Ep. 386, al. 333, Joannis Casae-Marii ad Bern.).


Missel romain. XIVe.

Jean et Paul étaient deux frères de haute famille ; ils demeuraient à Rome et remplissaient des emplois fort honorables dans la maison princière de Constance, fille de Constantin. Ils se faisaient remarquer par leurs oeuvres de piété et par une grande charité envers les pauvres.

Quand Julien l'Apostat fut monté sur le trône, ils renoncèrent à toutes leurs charges et se retirèrent dans leur maison du mont Coelius, dont on a retrouvé récemment des parties fort intéressantes et bien conservées, sous l'antique église construite en leur honneur et administrée encore aujourd'hui par les pseudo-Passionistes.

Julien n'était pas moins altéré de l'or que du sang des chrétiens, il résolut de s'emparer des biens des deux frères, qui avaient méprisé de le servir. Il leur fit demander de venir à sa cour, comme du temps de Constantin et de ses fils ; mais ils refusèrent de communiquer avec un apostat. Dix jours de réflexion leur sont accordés ; ils en profitent pour se préparer au martyre par les oeuvres de charité.

Ils vendent tout ce qu'ils peuvent de leurs propriétés, et distribuent aux pauvres argent, vêtements, meubles précieux, plutôt que de voir tous ces biens tomber entre les mains d'un homme aussi cupide qu'impie ; ils passent ensuite le reste de leur temps à prier et à fortifier les fidèles dans la résolution de mourir pour Jésus-Christ plutôt que d'abandonner la religion.

Le dixième jour, l'envoyé de l'empereur les trouve en prière et disposés à tout souffrir pour leur foi :
" Adorez Jupiter !", leur dit-il en leur présentant une petite idole de cette divinité.
" A Dieu ne plaise, répondent-ils, que nous adorions un démon ! Que Julien nous commande des choses utiles au bien de l'État et de sa personne : c'est son droit ; mais qu'il nous commande d'adorer les simulacres d'hommes vicieux et impurs, cela dépasse son pouvoir. Nous le reconnaissons pour notre empereur, mais nous n'avons point d'autre Dieu que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont un seul Dieu en trois personnes."

Le messager, voyant qu'il ne pourrait ébranler leur courage invincible, ordonna de creuser une fosse dans leur jardin ; il les fit décapiter pendant la nuit dans leur propre maison, et ensuite enterrer secrètement.


Décollation de saint Jean et saint Paul par Julien l'Apostat.
Livre d'Images de Madame Marie. Hainuat. XIIIe.

L'empereur, craignant que cette exécution ne soulevât la réprobation de Rome, répandit le bruit qu'il les avait envoyés en exil ; mais les démons publièrent leur mort et leur triomphe, et l'exécuteur des ordres de Julien, après avoir vu son fils délivré du démon par l'intercession des martyrs, se convertit avec sa famille.

ANTIENNES ET RÉPONS

Nous donnons à la suites Antiennes et Répons propres dont il est pairlé plus haut, et qui se trouvent quant à l'ensemble, avec quelques variantes, dans les plus anciens Responsoriaux et An-tiphonaires parvenus jusqu'à nous. Le personnage mentionné dans l'une de ces Antiennes,sous le nom de Gallicanus , est un consulaire qui fut amené par les deux frères à la foi et à la sainteté ; sa mémoire était célébrée hier même au Martyrologe :

" Paul et Jean dirent à Julien : Nous adorons un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre.

Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est votre maître, ayez la paix avec lui ; pour nous, il n'en est point d'autre que le Seigneur Jésus-Christ.

Jean et Paul, connaissant bien la tyrannie de Julien, se mirent à distribuer leurs richesses aux pauvres.

Esprits célestes et âmes des justes, chantez un hymne à Dieu. Alléluia.

Jean et Paul dirent à Gallicanus : " Faites un vœu au Dieu du ciel, et vous serez vainqueur mieux que vous ne l'avez été."


Eglise Saints-Jean-et-Paul. Mont Coelius. Rome.

Ant. de Magnificat aux premières Vêpres :

" Les justes se sont tenus devant le Seigneur, et n'ont point été séparés l'un de l'autre ; ils ont bu le calice du Seigneur, et on les a appelés amis de Dieu."

Ant. de Magnificat aux deuxièmes Vêpres :

" Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés qui sont devant le Seigneur ; ils ont la puissance d'empêcher le ciel de pleuvoir, et d'ouvrir ses portes ; car leurs langues sont devenues les clefs du ciel."

A Benedictus :

" Ce sont là les saints qui, pour l'amour du Christ, ont méprisé les menaces des hommes ; saints martyrs, ils tressaillent avec les anges dans le royaume des cieux ; oh ! qu'elle est précieuse la mort des saints, qui toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point sépares l'un de l'autre !"

R/. Ce sont là les deux hommes de miséricorde, qui se tiennent devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".
V/. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés, présents devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".

R/. J'ai vu, près l'un de l'autre, des hommes couverts de vêtements resplendissants ; et un ange du Seigneur m'a dit :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."

V/. J'ai vu un ange de Dieu, plein de force, volant par le milieu du ciel, criant d'une voix retentissante et disant :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."


Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

PRIERE

" Un double triomphe éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde ; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne. La lutte ne fut jamais un mal pour l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur terre, non la paix, mais le glaive (Matth. X, 34.). Aussi, jusqu'à la fin des siècles, proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler votre mépris au tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve.

Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences ; où, parce que le péché proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour ; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux, le blasphème des habitants de la cité maudite ! Nos temps ont vu s'élever une persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur ; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence, ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois ; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.

Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue, en raison de sa primauté, le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur. Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de fermer les portes du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre: bénissez les moissons prêtes à mûrir; soyez propices aux moissonneurs, allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent criminelle, l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs (Matth. V, 45.)."

* Rappelons toujours et encore que le pape saint Libère - ainsi de saint Marcelin et d'Honorius d'ailleurs - ne fut jamais hérétiques car un pape ne peut pas l'être, ne l'a jamais été et ne le sera jamais.

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lundi, 26 juin 2023 | Lien permanent

29 septembre. Saint Michel archange et tous les saints anges. 493.

- Saint Michel archange et tous les saints anges. 493*.

" Michael clarissima stella angelici ordinis."
Saint Clément d'Alexandrie.

" Si l'orgueil a été le principe de la rébellion et de la chute de Lucifer, l'humilité a fait de saint Michel le prince de la milice céleste et de la milice chrétienne."
M. l'abbé Martin. Panégyriques.

C’est à la tête de sa glorieuse armée qu'apparaît aujourd'hui l'Archange : Il y eut un grand combat dans le ciel ; Michel et ses Anges combattaient le dragon, et le dragon et ses anges combattaient contre lui (Apoc XII, 7.). Au VIe siècle, la dédicace des églises du mont Gargan et du Cirque romain sous le nom de saint Michel accrut la gloire de ce jour ; mais il ne fut choisi pour cet honneur, dont il garde à jamais le souvenir, qu'en raison de la fête plus ancienne déjà consacrée par Rome à cette date aux Vertus des cieux.

L'Orient, qui célèbre au six du présent mois l'apparition personnelle du vainqueur de Satan à Chône en Phrygie, renvoie au huit novembre, sous le titre qui suit, la solennité plus générale correspondant à la fête de ce jour : Synaxe de Michel, le prince de la milice, et des autres puissances incorporelles. Or, bien que ce terme de synaxe s'applique d'ordinaire aux assemblées liturgiques d'ici-bas, nous sommes avertis que, dans la circonstance, il exprime encore le ralliement des anges fidèles au cri de leur chef, leur union pour toujours affermie par la victoire (Menolog. Basilii.).

Quelles sont donc ces puissances des cieux dont la lutte mystérieuse ouvre l'histoire ? Les traditions de tous les peuples, aussi bien que l'autorité de nos Ecritures révélées, attestent leur existence. Si, en effet, nous interrogeons l'Eglise, elle nous enseigne qu'au commencement Dieu créa simultanément deux natures, la spirituelle et la corporelle, puis l'homme, unissant l'une et l'autre (Concil. Lateran. IV, cap. Firmitcr.). Ordre grandiose, graduant l'être et la vie du voisinage de la cause suprême aux confins du néant. De ces lointaines frontières, la création remonte vers Dieu par ces mêmes degrés.

Dieu, infini : sans limitation aucune, intelligence et amour. La créature, à jamais finie : mais s'élevant dans l'homme jusqu'à la raison discursive, dans l'ange jusqu'à l'intuition directe de la vérité ; dans chacun d'eux, reculant par la purification incessante dé son être initial les bornes provenant de l'imperfection de sa nature, pour arriver par plus de lumière à la perfection d'un plus grand amour.

Car Dieu seul est simple, de cette simplicité immuable et féconde qui est la perfection absolue excluant tout progrès : acte pur, en qui substance, puissance, opération, ne diffèrent pas. L'ange, si dégagé qu'il soit de la matière, n'échappe pas à la faiblesse native résultant pour tout être créé de la composition qui nous montre en lui l'action distincte de la puissance, et celle-ci de l'essence (St Thom. Aqu. Summ. theol. Ia P. qu. LIV, art. 1-3.). Autre encore est chez l'homme l'infirmité de sa nature mixte, avec les sens pour introducteurs obligés aux régions de l'intelligible !

Près de la notre, dit un des plus lumineux frères du Docteur angélique, " comme elle est tranquille et lumineuse la science des purs esprits ! Ils ne sont pas condamnés à ces pénibles chevauchées de la raison qui court après la vérité, compose, divise, et arrache péniblement les conclusions aux principes. Ils saisissent d'un seul coup d'œil toute la portée des vérités premières. Leur intuition est si prompte, si vive, si profonde qu'il leur est impossible d'être, comme nous, surpris par l'erreur. S'ils se trompent, c'est qu'ils le veulent bien. — La perfection de la volonté est en eux égale à la perfection de l'intelligence. Ils ne savent pas ce que c'est que d'être troublés par la violence des appétits. Leur amour ne les agite point. Tranquille et sagement mesurée comme leur amour est leur haine du mal. Une volonté ainsi dégagée ne peut connaître ni la perplexité des desseins, ni l'inconstance des résolutions. Tandis qu'il nous faut de longues et anxieuses méditations avant de nous décider, le propre des anges est de se fixer par un seul acte à l'objet de leur choix. Dieu leur a proposé comme à nous une béatitude infinie dans la vision de son essence, et pour les égaler à une si grande fin il leur a donné la grâce en même temps qu'il leur donnait l'être. En un instant ils ont dit oui ou non, en un instant ils ont librement déterminé leur sort (Monsabré, XVe conférence, Carême 1875.)."


Saint Michel. E. Delacroix. Eglise Saint-Sulpice. Paris.

Ne soyons point envieux. Par sa nature, l'ange nous est supérieur. A qui des anges pourtant fut-il dit jamais : Vous êtes mon fils (Heb. I, 5 ; ex Psalm. II, 7.) ? Le premier-né (Heb. I, 6.) n'a point choisi pour lui la nature des anges (Ibid. II, 16.). Sur terre, lui-même reconnut la subordination qui soumet dans le temps l'humaine faiblesse à ces purs esprits ; il reçut d'eux, comme ses frères dans la chair et le sang (Heb. II, 11-17.), notification des décrets divins (Dionys. Areop. De coelesti hierarchia, IV,4 ; ex Matth. II, 13-15, 19-21.), secours et réconfort (Luc. XXII, 43.) ; mais ce n'est point aux anges qu'est soumis le monde de l'éternité, dit l'Apôtre (Heb. II, 5.). Attrait de Dieu pour ce qu'il y a de plus faible, comment vous comprendre, sans l'humble acquiescement de la foi s'inclinant dans l'amour ? Vous fûtes, au jour du grand combat, l'écueil de Lucifer. Mais se re-evant de leur adoration joyeuse aux pieds de l'Enfant-Dieu, qui d'avance leur était montré sur le trône des genoux de Marie (Ibid. I, 6 ; ex Psalm. XCVI.), les Anges fidèles chantèrent : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté (Luc. II, 14.).

PRIERE

" Ô Christ, mon Christ, ainsi vous nomme l'Aigle d'Athènes (Dionys. De coelesti hierarchia, II, 5.) : l'Eglise, ravie, vous proclame en cette fête la beauté des saints Anges (Hymne des Laudes). Vous êtes l'humain et divin sommet d'où pureté, lumière, amour, s'épanchent sur la triple hiérarchie des neuf chœurs. Hiérarque suprême, unité des mondes, vous présidez aux mystères déifiants de la fête éternelle.

Séraphins embrasés, étincelants Chérubins, inébranlables Trônes ; noble cour du Très-Haut, possesseurs de la meilleure part : au témoignage du sublime Aréopagite, c'est dans une communion plus immédiate aux vertus du Sauveur (Dionys. ubi supra, VII, 2.) que s'alimentent votre justice, vos splendeurs et vos feux. De lui, par vous, déborde toute grâce sur la cité sainte.


Saint Michel. Gérard David. Retable sur bois. Vienne. XVe.

Dominations, Vertus, Puissances ; ordonnateurs souverains, moteurs premiers, régulateurs des mondes (St Thom. Aqu. Summ. theol. Ia P. qu. CVIII, art. 6 ; Contra Gent. III, 80.) : pour qui gouvernez-vous cet univers ?

Pour celui, sans nul doute, dont il est l'apanage : le Roi de gloire, l'Homme-Dieu, le Seigneur fort et puissant, le Seigneur des vertus (Psalm. XXIII.), anges, archanges, Principautés ; messagers, ambassadeurs, surintendants du ciel ici-bas : tous aussi, n'êtes-vous pas, au dire de l'Apôtre (Heb. I. 14.), les ministres du salut accompli sur terre par Jésus le Pontife des cieux ?

Nous aussi, parce même Jésus (Préface commune), Trinité sainte, nous vous glorifions avec ces trois augustes hiérarchies dont les neuf cercles immatériels entourent votre Majesté comme un multiple rempart. Tendre à vous et vous ramener toutes choses est leur commune loi. Purification, illumination, union : voies successives ou simultanées, par lesquelles leurs nobles essences, attirées vers Dieu, attirent celles qui les suivent. Sublimes esprits, c'est le regard en haut que vous agissez au-dessous de vous comme à l'entour. Pour vous et pour nous, puisez largement au foyer divin : purifiez-nous, non point seulement, hélas ! de l'involontaire défectuosité de notre nature ; éclairez-nous ; embrasez-nous des célestes flammes. Pour la même raison que Satan nous déteste, vous nous aimez; protégez contre l'ennemi commun la race du Verbe fait chair. Gardez-nous dignes d'occuper parmi vous les places laissées vides par ceux que perdit l'orgueil."


Le Mont-Saint-Michel. Bâti par des Bretons pour l'oraison,
les Normands en ont fait un centre commercial...

SÉQUENCE

Adam de Saint-Victor chante dans sa plénitude le mystère de ce jour :

" Empressée soit la louange ; que notre chœur, du fond de rame, chante en présence des citoyens des cieux : agréée sera-t-elle et convenable, cette louange, si la pureté des âmes qui chantent est à l'unisson de la mélodie.

Que Michaël soit célébré par tous ; que nul ne s'excommunie de la joie de ce jour : fortuné jour, où des saints Anges est rappelée la solennelle victoire !

L'ancien dragon est chassé, et son odieuse légion mise en fuite avec lui ; le troubleur est troublé à son tour, l'accusateur est précipité du sommet du ciel.

Sous l'égide de Michel, paix sur la terre,paix dans les cieux, allégresse et louange ; puissant et fort, il s'est levé pour le salut de tous, il sort triomphant du combat.

Banni des éternelles collines, le conseiller du crime parcourt les airs, dressant ses pièges, dardant ses poisons ; mais les Anges qui nous gardent réduisent à néant ses embûches.

Leurs trois distinctes hiérarchies sans cesse contemplent Dieu et sans cesse le célèbrent en leurs chants ; ni cette contemplation, ni cette perpétuelle harmonie ne font tort à leur incessant ministère.

Ô combien admirable est dans la céleste cité la charité des neuf chœurs ! Ils nous aiment et ils nous défendent, comme destinés à remplir leurs vides.

Entre les hommes, diverse est la grâce ici-bas ; entre les justes, divers seront les ordres dans la gloire au jour de la récompense. Autre est la beauté du soleil, autre celle de la lune ; et les étoiles diffèrent en leur clarté : ainsi sera la résurrection.

Que le vieil homme se renouvelle, que terrestre il s'adapte à la pureté des habitants des cieux : il doit leur être égal un jour ; bien que non pleinement pur encore, qu'il envisage ce qui l'attend.

Pour mériter le secours de ces glorieux esprits, vénérons-les dévotement, multipliant envers eux nos hommages ; un culte sincère rend Dieu favorable et associe aux Anges.

Taisons-nous des secrets du ciel, en haut cependant élevons et nos mains et nos âmes purifiées :

Ainsi daigne l'auguste sénat voir en nous ses cohéritiers ; ainsi puisse la divine grâce être célébrée par le concert de l'angélique et de l'humaine nature.

Au chef soit la gloire, aux membres l'harmonie ! Amen."


* Date de la dédicace de l'église Saint-Michel au mont Gargan.

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vendredi, 29 septembre 2023 | Lien permanent

29 juin. Saint Pierre et saint Paul, Apôtres, martyrs. 66.

- Saint Pierre et saint Paul, Apôtres, martyrs. 66.

Empereur romain : Néron.

" Saint Pierre est le chef du collège apostolique et la colonne inébranlable du tabernacle de la nouvelle loi. Il veille sur le dépôt de notre foi, soutient l'édifice de l'Eglise, et nous ouvre la porte du ciel."
Saint Grégoire le Grand, Hom. ; Saint Pierre Chrysologue, serm.

" Admirez l'Apôtre saint Paul ; il avait persécuté Jésus, et voilà qu'il L'annonce à haute voix ; il avait semé la zizanie, et voilà qu'il répand partout le bon grain. Du loup rapace il devient pasteur vigilant, et l'édifice qu'il a ruiné tout à l'heure, il s'emploie tout entier maintenant à le reconstruire."
Saint Pierre Chrysologue, hom.


Saint Paul & saint Pierre. Anonyme flamand. XVIe.

" Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ?"

Voici l'heure où la réponse que le Fils de l'homme exigeait du pêcheur de Galilée, descend des sept collines et remplit la terre. Pierre ne redoute plus la triple interrogation du Seigneur. Depuis la nuit fatale où le coq fut moins prompt à chanter que le premier des Apôtres à renier son Maître, des larmes sans fin ont creusé deux sillons sur les joues du Vicaire de l’Homme-Dieu ; le jour s'est levé où tarissent ces pleurs. Du gibet où l'humble disciple a réclamé d'être cloué la tête en bas, son cœur débordant redit enfin sans crainte la protestation qui, depuis la scène des bords du lac de Tibériade, a silencieusement consumé sa vie :
" Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime !" (Johan. XXI.).

Jour sacré, où l'oblation du premier des Pontifes assure à l'Occident les droits du suprême sacerdoce ! Jour de triomphe, où l'effusion d'un sang généreux conquiert à Dieu la terre romaine ; où, sur la croix de son représentant, l'Epoux divin conclut avec la reine des nations son alliance éternelle !

Ce tribut de la mort, Lévi ne le connut pas ; cette dot du sang, Jéhovah ne l'avait point exigée d'Aaron : car on ne meurt pas pour une esclave, et la synagogue n'était point l'Epouse (Gal. IV, 22-31.). L'amour est le signe qui distingue le sacerdoce des temps nouveaux du ministère de la loi de servitude. Impuissant, abîmé dans la crainte, le prêtre juif ne savait qu'arroser du sang de victimes substituées à lui-même les cornes de l'autel figuratif. Prêtre et victime à la fois, Jésus veut plus de ceux qu'il appelle en participation de la prérogative sacrée qui le fait pontife à jamais selon l'ordre de Melchisédech (Psalm. CIX.).
" Je ne vous appellerai plus désormais serviteurs, déclare-t-il à ces hommes qu'il vient d'élever au-dessus des Anges, à la Cène ; je ne vous appellerai plus serviteurs, car le serviteur ne sait ce que fait son maître ; mais je vous ai appelés mes amis, parce que je vous ai communiqué tout ce que j'ai reçu de mon Père (Johan. XV, 15.). Comme mon Père m'a aimé, ainsi je vous ai aimés ; demeurez donc en mon amour." (Ibid. 9.).


Saint Pierre. Marco Zoppo. XVe.

Or, pour le prêtre admis de la sorte en communauté avec le Pontife éternel, l'amour n'est complet que s'il s'étend à l'humanité rachetée dans le grand Sacrifice. Et, qu'on le remarque : il y a là pour lui plus que l'obligation, commune à tous les chrétiens, de s'entr'aimer comme membres d'un même Chef ; car, par son sacerdoce, il fait partie du Chef, et, à ce titre, la charité doit prendre en lui quelque chose du caractère et des profondeurs de l'amour que ce Chef divin porte à ses membres. Que sera-ce, si, au pouvoir qu'il possède d'immoler le Christ lui-même, au devoir qu'il a de s'offrir avec lui dans le secret des Mystères, la plénitude du pontificat vient ajouter la mission publique de donner à l'Eglise l'appui dont elle a besoin, la fécondité que l'Epoux céleste attend d'elle ? C'est alors que, selon la doctrine exprimée de toute antiquité par les Papes, les Conciles et les Pères, l'Esprit-Saint l'adapte à son rôle sublime en identifiant pleinement son amour à celui de l'Epoux dont il remplit les obligations, dont il exerce les droits. Mais alors aussi, d'après le même enseignement de la tradition universelle, se dresse devant lui le précepte de l'Apôtre ; sur tous les trônes où siègent les évêques de l'Orient comme de l'Occident, les anges des Eglises se renvoient la parole :
" Epoux, aimez vos Epouses, comme le Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré pour elle afin de la sanctifier." (Eph. V, 25-26.).

Telle apparaît la divine réalité de ces noces mystérieuses, qu'à tous les âges l'histoire sacrée flétrit du nom d'adultère l'abandon irrégulier de l'Eglise premièrement épousée. Telles sont les exigences d'une union si relevée, que celui-là seul peut y être appelé qui demeure établi déjà sur les sommets de la perfection la plus haute ; car l'Evêque doit se tenir prêt à justifier sans cesse de ce degré suprême de charité, dont le Seigneur a dit :
" Il n'y a point de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime." (Johan. XV, 13.).
Là ne réside point seulement la différence du mercenaire et du vrai pasteur (Ibid. X, 11-18.) ; cette disposition du Pontife à défendre jusqu'à la mort l'Eglise qui lui fut confiée, à laver dans son sang toute tache déparant la beauté de l'Epouse (Eph. V, 27.), est la garantie du contrat qui l'unit à cette très noble élue du Fils de Dieu, le juste prix des joies très pures qui lui sont réservées.
" Je vous ai révélé ces choses, avait dit le Seigneur instituant le Testament de la nouvelle alliance, afin que ma propre joie soit en vous, et que votre joie soit pleine." (Johan. XV, 11.).

Si tels devaient être les privilèges et obligations des chefs des Eglises, combien plus du pasteur de tous ! En confiant à Simon fils de Jean l'humanité régénérée, le premier soin de l'Homme-Dieu avait été de s’assurer qu'il serait bien le vicaire de son amour (Ambr. in Luc. X.) ; qu'ayant reçu plus que les autres, il aimerait plus qu'eux tous (Luc. VII, 47 ; Johan. XXI, 15.) ; qu'héritier de la dilection de Jésus pour les siens qui étaient dans le monde, il les aimerait comme lui jusqu'à la fin (Ibid. XIII, 1.). C'est pourquoi l'établissement de Pierre au sommet de la hiérarchie sainte, concorde dans l'Evangile avec l'annonce de son martyre (Ibid. XXI, 18.) : pontife souverain, il devait suivre jusqu'à la Croix l'hiérarque suprême (Ibid. 19, 22.).


Saint Pierre. Peter-Paul Rubens. XVIIe.

Les fêtes de ses deux Chaires à Antioche et à Rome, nous ont rappelé la souveraineté avec laquelle il préside au gouvernement du monde, l'infaillibilité de la doctrine qu'il distribue comme nourriture au troupeau tout entier; mais ces deux fêtes, et la primauté dont elles rendent témoignage au Cycle sacré, appelaient pour complément et pour sanction les enseignements de la solennité présente. Ainsi que la puissance reçue par l'Homme-Dieu de son Père (Matth. XXVIII, 18.), la pleine communication faite par lui de cette même puissance au chef visible de son Eglise avait pour but la consommation de la gloire poursuivie par le Dieu trois fois saint dans son œuvre (Johan. XVII, 4.) ; toute juridiction, tout enseignement, tout ministère ici-bas, nous dit saint Paul d'autre part, aboutit à la consommation des saints (Eph. IV, 12.), qui ne fait qu'un avec la consommation de cette gloire souveraine : or, la sainteté de la créature, et, tout ensemble, la gloire du Dieu créateur et sauveur, ne trouvent leur pleine expression qu'au Sacrifice embrassant pasteur et troupeau dans un même holocauste.

C'est pour cette fin dernière de tout pontificat, de toute hiérarchie, que, depuis l'Ascension de Jésus, Pierre avait parcouru la terre. A Joppé, lorsqu'il était encore au début de ses courses d'Apôtre, une faim mystérieuse s'était saisie de lui : " Lève-toi, Pierre ; tue et mange ", avait dit l'Esprit ; et, dans le même temps, une vision symbolique présentait réunis à ses yeux les animaux de la terre et les oiseaux du ciel (Act. X, 9-16.). C'était la gentilité qu'il devait joindre, sur la table du banquet divin, aux restes d'Israël. Vicaire du Verbe, il partagerait sa faim immense : sa parole, comme un glaive acéré, abattrait devant lui les nations ; sa charité, comme un feu dévorant, s'assimilerait les peuples ; réalisant son titre de chef, un jour viendrait que, vraie tête du monde, il aurait fait de cette humanité, offerte en proie à son avidité, le corps du Christ en sa propre personne. Alors, nouvel Isaac, ou plutôt vrai Christ, il verrait, lui aussi, s'élever devant lui la montagne où Dieu regarde, attendant l'oblation (Gen. XXII, 14.).


Saint Paul. Bernardo Daddi. XIVe.

Regardons, nous aussi ; car ce futur est devenu le présent, et, comme au grand Vendredi, nous avons part au dénouement qui s'annonce. Part bienheureuse, toute de triomphe : ici du moins, le déicide ne mêle pas sa note lugubre à l'hommage du monde, et le parfum d'immolation qui déjà s'élève de la terre ne remplit les cieux que de suave allégresse. Divinisée par la vertu de l'adorable hostie du Calvaire, on dirait, en effet, que la terre aujourd'hui se suffit à elle-même. Simple fils d'Adam par nature, et pourtant vrai pontife souverain, Pierre s'avance portant le monde : son sacrifice va compléter celui de l'Homme-Dieu qui l'investit de sa grandeur (Col. I, 24.) ; inséparable de son chef visible, l'Eglise aussi le revêt de sa gloire (I Cor. XI, 7.). Loin d'elle aujourd'hui les épouvantements de cette nuit en plein midi, où elle cacha ses pleurs, quand pour la première fois la Croix fut dressée. Elle chante ; et son lyrisme inspiré célèbre " la pourpre et l'or dont la divine lumière compose les rayons de ce jour qui donne aux coupables la grâce " (Hymn. Vesp.). Dirait-elle plus du Sacrifice de Jésus lui-même ? C'est qu'en effet, par la puissance de cette autre croix qui s'élève, Babylone aujourd'hui devient la cité sainte. Tandis que Sion reste maudite pour avoir une fois crucifié son Sauveur, Rome aura beau rejeter l'Homme-Dieu, verser son sang dans ses martyrs, nul crime de Rome ne prévaudra contre le grand fait qui se pose à cette heure : la croix de Pierre lui a transféré tous les droits de celle de Jésus, laissant aux Juifs la malédiction ; c'est elle maintenant qui est Jérusalem.

Telle étant donc la signification de ce jour, on ne s'étonnera pas que l'éternelle Sagesse ait voulu la relever encore, en joignant l'immolation de Paul l'Apôtre au sacrifice de Simon Pierre. Plus que tout autre, Paul avait avancé par ses prédications l'édification du corps du Christ (Eph. IV, 12.) ; si, aujourd'hui, la sainte Eglise est parvenue à ce plein développement qui lui permet de s'offrir en son chef comme une hostie de très suave odeur, qui mieux que lui méritait donc de parfaire l'oblation, d'en fournir de ses veines la libation sacrée (Col. I, 24 ; II Cor. XII, 15.) ? L'âge parfait de l'Epouse étant arrivé (Eph. IV, 13.), son œuvre à lui aussi est achevée (II Cor. XI, 2.). Inséparable de Pierre dans ses travaux par la foi et l'amour, il l'accompagne également dans la mort (Ant. Oct. Apost. ad Benedictus.) ; tous deux ils laissent la terre aux joies des noces divines scellées dans leur sang, et montent ensemble à l'éternelle demeure où l'union se consomme (II Cor. V.).


Saint Paul. Giuseppe de Ribera. XVIIe.

MENEES DES GRECS POUR CETTE SOLENNITE

Nous extrayons ici quelques perles de la mer sans rivages où se complaît comme toujours la Liturgie grecque. Il doit nous plaire aussi de constater comment, malgré plus d'un essai d'altération frauduleuse des textes de sa Liturgie, Byzance condamne elle-même son propre schisme en ce jour ; Pierre n'y cesse point d'être proclamé par elle le roc et le fondement de la foi, la base souveraine, le prince et premier prince des Apôtres, le gouverneur et le chef de l'Eglise, le porte-clefs de la grâce et du royaume des cieux :


" Vous avez donné les saints Apôtres à votre Eglise comme son orgueil et sa joie, Ô Dieu ami des hommes ! Pierre et Paul, flambeaux spirituels, soleils des âmes, resplendissent en elle magnifiquement ; l'univers brille de leurs rayons ; c'est par eux que vous avez dissipé les ténèbres de l'Occident, Jésus très puissant, sauveur de nos âmes.

Vous avez établi la stabilité de votre Eglise , Ô Seigneur, sur la fermeté de Pierre et sur la science et l'éclatante sagesse de Paul. Pierre, coryphée des illustres Apôtres, vous êtes le rocher de la foi ; et vous, admirable Paul, le docteur et la lumière des églises : présents devant le trône de Dieu, intercédez pour nous auprès du Christ.

Que le monde entier acclame les coryphées Pierre et Paul, disciples du Christ : Pierre, base et rocher ; Paul, vase d'élection. Tous deux, attelés sous le même joug du Christ, ont attiré à la connaissance de Dieu tous les hommes, les nations, les cités et les îles. Rocher de la foi, délices du monde, tous deux confirmez le bercail que vous avez acquis par votre magistère.

Pierre, vous qui paissez les brebis, défendez contre le loup rusé le troupeau de votre bercail ; gardez de chutes funestes vos serviteurs ; car tous nous vous avons pour vigilant protecteur auprès de Dieu, et la joie que nous goûtons en vous est notre salut.

Paul, flambeau du monde, bouche incomparable du Christ Dieu vivant , qui comme le soleil visitez tous les rivages dans votre prédication de la foi divine : délivrez des liens du péché ceux qui vous nomment avec amour et veulent vous imiter, confiants dans votre aide.


Rome bienheureuse, à toi ma louange et ma vénération, à toi mes hymnes et mon chant de gloire ; car en toi sont gardés et la dépouille des coryphées, et les dogmes divins dont ils furent le flambeau ; reliques sans prix de vases incorruptibles.


Très-haut prince des Apôtres, souverain chef et dispensateur du trésor royal, ferme base de tous les croyants, solidité, socle, sceau et couronnement de l'Eglise catholique, Ô Pierre qui aimez le Christ, conduisez ses brebis aux bons pâturages, menez ses agneaux dans les prés fertiles."


Saint Pierre et saint Paul. Masaccio Tommaso di ser Giovanni Cassai.
Retable. Sainte Marie Majeure. Rome. XVe.

PRIERE

" Ô Pierre, nous aussi nous saluons la glorieuse tombe où vous êtes descendu. C'est bien à nous, les fils de cet Occident que vous avez voulu choisir, c'est à nous avant tous qu'il appartient de célébrer dans l'amour et la foi les gloires de cette journée. Si toutes les races s'ébranlent à la nouvelle de votre mort triomphante ; si les nations proclament, chacune en leur langue, que de Rome doit sortir pour le monde entier la loi du Seigneur : n'est-ce pas par la raison que cette mort a fait de Babylone la cité des oracles divins, saluée par le fils d'Amos en sa prophétie (Isai. II, 1-5.) ? n'est-ce pas que la montagne préparée pour porter la maison du Seigneur dans le lointain des âges, se dégage des ombres, et apparaît en pleine lumière à cette heure aux yeux des peuples ?

L'emplacement de la vraie Sion est fixé désormais ; car la pierre d'angle a été posée en ce jour (Ibid. XXVIII, 16.), et Jérusalem ne doit avoir d'autre fondement que cette pierre éprouvée et précieuse. Ô Pierre, c'est donc sur vous que nous devons bâtir ; car nous voulons être les habitants de la cité sainte. Nous suivrons le conseil du Seigneur (Matth. VII, 24-27.), élevant sur le roc nos constructions d'ici-bas, pour qu'elles résistent à la tempête et puissent devenir une demeure éternelle. Combien notre reconnaissance pour vous, qui daignez nous soutenir ainsi, est plus grande encore en ce siècle insensé qui, prétendant construire à nouveau l'édifice social, voulut l'établir sur le sable mouvant des opinions humaines, et n'a su que multiplier les éboulements et les ruines ! La pierre qu'ont rejetée les modernes architectes,en est-elle moins la tête de l'angle ? Et sa vertu n'apparaît-elle pas alors même, selon ce qui est écrit, en ce que, n'en voulant pas, c'est contre elle qu'ils se heurtent et se brisent (I Petr. II, 6-8.) ?

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jeudi, 29 juin 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

2 juillet. La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

- La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

" Si vous aimez Marie, si vous cherchez à lui plaire, imitez sa modestie. Ce n'est pas seulement dans son silence qu'éclate son humilité ; ses paroles à l'archange Gabriel et à sa cousine Elisabeth la proclament d'une manière plus frappante encore."
Saint Bernard. Hom. de Praerogat. B. M. V.

Ghirlandaio. XVe.

Déjà, dans les jours qui précédèrent la naissance du Sauveur, la visite de Marie à sa cousine Elisabeth a fait l'objet de nos méditations. Mais il convenait de revenir sur une circonstance aussi importante de la vie de Notre-Dame; la simple mémoire de ce mystère, au Vendredi des Quatre-Temps de l'Avent, ne suffisait point à faire ressortir ce qu'il renferme par lui-même d'enseignement profond et de sainte allégresse. En se complétant dans le cours des âges, la sainte Liturgie devait exploiter cette mine précieuse, à l'honneur de la Vierge-mère. L'Ordre de saint François et quelques églises particulières, comme celles du Mans, de Reims et de Paris, avaient déjà pris les devants, lorsqu'Urbain VI, en l'année 1389, institua la solennité du présent jour. Le Pape conseillait le jeûne en la vigile de la fête, et ordonnait qu'elle fût suivie d'une Octave; il accordait à sa célébration les mêmes indulgences qu'Urbain IV avait, dans le siècle précédent, attachées à la fête du Corps du Seigneur. La bulle de promulgation, arrêtée par la mort du Pontife, fut reprise et publiée par Boniface IX qui lui succéda sur le Siège de saint Pierre.

Nous apprenons des Leçons de l'Office primitivement composé pour cette fête, que le but de son institution avait été, dans la pensée d'Urbain, d'obtenir la cessation du schisme qui désolait alors l'Eglise. Exilée de Rome durant soixante-dix ans, la papauté venait d'y rentier à peine ; l'enfer, furieux d'un retour qui contrariait ses plans opposés là comme partout à ceux du Seigneur, s'en était vengé en parvenant à ranger sous deux chefs le troupeau de l'unique bercail. Telle était l'obscurité dont de misérables intrigues avaient su couvrir l'autorité du légitime pasteur, qu'on vit nombre d'églises hésiter de bonne foi et, finalement, préférer la houlette trompeuse du mercenaire. Les ténèbres devaient même s'épaissir encore, et la nuit devenir un moment si profonde, que les ordres de trois papes en présence allaient se croiser sur le monde, sans que le peuple fidèle, frappé de stupeur, parvînt à discerner sûrement la voix du Vicaire du Christ. Jamais situation plus douloureuse n'avait été faite à l'Epouse du Fils de Dieu. Mais Notre-Dame, vers qui s'était tourné le vrai Pontife au début de l'orage, ne fit point défaut à la confiance de l'Eglise.

Anonyme. Collégiale Notre-Dame. Beaune. XVIIe.
 
Durant les années que l'insondable justice du Très-Haut avait décrété de laisser aux puissances de l'abîme, elle se tint en défense, maintenant si bien la tête de l'ancien serpent sous son pied vainqueur, qu'en dépit de l'effroyable confusion qu'il avait soulevée, sa bave immonde ne put souiller la foi des peuples ; leur attachement restait immuable à l'unité de la Chaire romaine, quel qu'en fût dans cette incertitude l'occupant véritable. Aussi l'Occident, disjoint en fait, mais toujours un quant au principe, se rejoignit comme de lui-même au temps marqué par Dieu pour ramener la lumière. Cependant, l'heure venue pour la Reine des saints de prendre l'offensive, elle ne se contenta pas de rétablir dans ses anciennes positions l'armée des élus ; l'enfer dut expier son audace, en rendant à l'Eglise les conquêtes mêmes qui lui semblaient depuis des siècles assurées pour jamais. La queue du dragon n'avait point encore fini de s'agiter à Baie, que Florence voyait les chefs du schisme grec, les Arméniens, les Ethiopiens, les dissidents de Jérusalem, de Syrie et de Mésopotamie, compenser par leur adhésion inespérée au Pontife romain les angoisses que l'Occident venait de traverser.

Il restait à montrer qu'un pareil rapprochement des peuples au sein même de la tempête, était bien l'œuvre de celle que le pilote avait, un demi-siècle auparavant, appelée au secours de la barque de Pierre. On vit les factieux de l'assemblée de Bàle en donner la preuve, trop négligée par des historiens qui ne soupçonnent plus l'importance des grands faits liturgiques dans l'histoire de la chrétienté ; sur le point de se séparer, les derniers tenants du schisme consacrèrent la quarante-troisième session de leur prétendu concile à promulguer, pour ses adhérents, cette même fête de la Visitation en l'établissement de laquelle Urbain VI avait dès l'abord mis son espoir. Malgré la résistance de quelques obstinés, le schisme était vraiment fini dès lors ; l'orage se dissipait : le nom de Marie, invoqué des deux parts, resplendissait comme le signe de la paix sur les nuées (Gen. IX, 12-17.). Ainsi l'arc-en-ciel unit dans sa douce lumière les extrémités opposées de l'horizon. Contemplez-le, dit l'Esprit-Saint, et bénissez celui qui l'a fait ; car il est beau dans sa splendeur ! Il embrasse les cieux dans le circuit de sa gloire (Eccli. XLIII, 12-13.). Si l'on se demande pourquoi Dieu voulut que le mystère de la Visitation, et non un autre, devînt, par cette solennité qui lui fut consacrée, le monument de la paix reconquise : il est facile d'en trouver la raison dans la nature même de ce mystère et les circonstances où il s'accomplit.

Dessin. Giovanni Mauro della Rovere. XVIe.

C'est là surtout que Marie apparaît, en effet, comme la véritable arche d'alliance : portant en elle, non plus les titres périmés du pacte de servitude conclu au bruit du tonnerre entre Jéhovah et les Juifs ; mais l'Emmanuel, témoignage vivant d'une réconciliation plus vraie, d'une alliance plus sublime entre la terre et les cieux. Par elle, mieux qu'en Adam, tous les hommes seront frères ; car celui qu'elle cache en son sein sera le premier-né de la grande famille des fils de Dieu. A peine conçu, voici que pour lui commence l'œuvre d'universelle propitiation. Levez-vous, ô Seigneur, vous et l'arche d'où votre sainteté découlera sur le monde (Psalm. CXXXI, 8.). De Nazareth aux montagnes de Judée, dans sa marche rapide, elle sera protégée par l'aile des chérubins jaloux de contempler sa gloire. Au milieu des guerriers les plus illustres et des chœurs d'Israël, David conduisit l'arche figurative de la maison d'Abinadab à celle d'Obedédom (II Reg. VI.) ; mieux que lui, Dieu votre Père saura entourer l'arche sacrée du Testament nouveau, lui composant une escorte de l'élite des célestes phalanges.

Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l'hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d'or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l'éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer mer l'union qu'ambitionnait son amour ! Par le péché d'origine, l'ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l'ornement dans les siècles sans fin ; l'ambassade de l'ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n'avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d'Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d'Azot en firent autrefois l'expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l'arche (I Reg. V.) : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l'âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l'arche de l'alliance n'arrêtera ses triomphes qu'avec la réconciliation du dernier des élus.

Giovanni Francesco da Rimini. XVe.

Célébrons cette journée par nos chants d'allégresse ; car toute victoire, pour l'Eglise et ses fils, est en germe dans ce mystère : désormais l'arche sainte préside aux combats du nouvel Israël. Plus de division entre l'homme et Dieu, le chrétien et ses frères ; si l'arche ancienne fut impuissante à empêcher la scission des tribus, le schisme et l'hérésie n'auront licence de tenir tête à Marie durant plus ou moins d'années ou de siècles, que pour mieux enfin faire éclater sa gloire. D'elle sans cesse, comme en ce jour béni, s'échapperont, sous les yeux de l'ennemi confondu, et la joie des petits, et la bénédiction de tous, et la perfection des pontifes (Psalm. CXXXI, 8-9, 14-18.). Au tressaillement de Jean, à la subite exclamation d'Elisabeth, au chant de Zacharie, joignons le tribut de nos voix ; que toute la terre en retentisse. Ainsi jadis était saluée la venue de l'arche au camp des Hébreux ; les Philistins, l'entendant, savaient par là que le secours du Seigneur était descendu ; et, saisis de crainte, ils gémissaient, disant :
" Malheur à nous : il n'y avait pas si grande joie hier ; malheur à nous !" (I Reg. IV, 5-8.).

Oui certes, aujourd'hui avec Jean, le genre humain tressaille et il chante ; oui certes, aujourd'hui à bon droit l'ennemi se lamente : le premier coup du talon de la femme (Gen. III, 11.) frappe aujourd'hui sa tête altière, et Jean délivré est en cela le précurseur de nous tous. Plus heureux que l'ancien, le nouvel Israël est assuré que jamais sa gloire ne lui sera ôtée ; jamais ne sera prise l'arche sainte qui lui fait traverser les flots (Josué, III, IV.) et abat devant lui les forteresses (Ibid. VI.). Combien donc n'est-il pas juste que ce jour, où prend fin la série de défaites commencée en Eden, soit aussi le jour des cantiques nouveaux du nouveau peuple ! Mais à qui d'entonner l'hymne du triomphe, sinon à qui remportela victoire ? Levez-vous donc, levez-vous, Debbora ; levez-vous et chantez le Cantique (Judic. V, 12.). Les forts avaient disparu, jusqu'à ce que s'élevât Marie, la vraie Debbora, jusqu'à ce que parût la Mère en Israël (Ibid. 7.).

Bas-relief. Eglise Saint-Pierre-Saint-Ebons. Sarrancolin. Béarn. XVIe.

" C'est moi, c'est moi, dit-elle en effet, qui chanterai au Seigneur, qui célébrerai le Dieu d'Israël (Ibid. 3.). Selon la parole de mon aïeul David, magnifiez avec moi le Seigneur, et tous ensemble exaltons son saint nom (Psalm. XXXIII, 4.). Mon cœur, comme celui d'Anne, a tressailli en Dieu son Sauveur (I Reg. II, 1.). Car, de même qu'en Judith sa servante, il a accompli en moi sa miséricorde (Judith, XIII, 18.) et fait que ma louange sera dans toutes les bouches jusqu'à l'éternité (Ibid. 23, 31 ; XV, 11.). Il est puissant celui qui a fait en moi de grandes choses (Exod. XV, 2-3, 11.) ; il n'est point de sainteté pareille à la sienne (I Reg. II, 2.). Ainsi que par Esther, il a pour toutes les générations sauvé ceux qui le craignent (Esther, IX, 28.) ; dans la force de son bras (Judith, IX, 11.), il a retourné contre l'impie les projets de son cœur, renversant l'orgueilleux Aman de son siège et relevant les humbles; il a fait passer des riches aux affamés l'abondance (I Reg. II, 4-3.) ; il s'est ressouvenu de son peuple et a eu pitié de son héritage (Esther, X, 12.). Telle était bien la promesse que reçut Abraham, et que nos pères nous ont transmise : il a fait comme il avait dit." (Ibid. XIII, 15 ; XIV, 5.).

Filles de Sion, et vous tous qui gémissiez dans les fers de Satan, l'hymne de la délivrance a donc retenti sur notre terre. A la suite de celle qui porte en son sein le gage de l'alliance, formons des chœurs ; mieux que Marie sœur d'Aaron, et à plus juste titre, elle préside au concert d'Israël (Exod. XV, 20-21.). Ainsi elle chante en ce jour de triomphe, rappelant tous les chants de victoire qui préludèrent dans les siècles de l'attente à son divin Cantique. Mais les victoires passées du peuple élu n'étaient que la figure de celle que remporte, en cette fête de sa manifestation, la glorieuse souveraine qui, mieux que Debbora, Judith ou Esther, a commencé de délivrer son peuple ; en sa bouche, les accents de ses illustres devancières ont passé de l'aspiration enflammée des temps de la prophétie à l'extase sereine qui marque la possession du Dieu longtemps attendu. Une ère nouvelle commence pour les chants sacrés : la louange divine reçoit de-Marie le caractère qu'elle ne perdra plus ici-bas, qu'elle gardera jusque dans l'éternité.

Les considérations qui précèdent nous ont été inspirées par le motif spécial qui porta l'Eglise, au XIVe siècle, à instituer cette fête. En rendant Rome à Pie IX exilé, au 2 juillet de l'année 1849 (Voir au 1er juillet, en la fête du Précieux Sang), Marie a montré de nouveau dans nos temps que cette date était bien pour elle une journée de victoire. Mais le mystère de la glorieuse Visitation est si vaste, que nous ne saurions, eu égard aux limites qui nous sont imposées, songer à épuiser ici tous les enseignements qu'il renferme. Quelques-uns d'eux, au reste, nous ont été donnés dans les jours de l'Avent; d'autres plus récemment, à l'occasion de la fête de saint Jean-Baptiste et de son Octave ; d'autres enfin seront mis en lumière par l'Epître et l'Evangile de la Messe qui va suivre.

Heures à l'usage de Paris. XVe.

HYMNE

" Salut, astre des mers.
Mère de Dieu féconde !
Salut, Ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !


Vous qui de Gabriel
Ayez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Eva.


Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.


Montrez en vous la Mère ;
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.


Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.


Donnez vie innocente
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.


Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.


Amen."

V/. " Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
R/. Et le fruit de vos entrailles est béni."

Josse Lieferinxe. XVe.

SEQUENCE

" Venez, glorieuse souveraine ; Marie, vous-même visitez-nous : illuminez nos âmes malades, donnez-nous de vivre saintement.

Venez, vous qui sauvâtes le monde, enlevez la souillure de nos crimes ; dans cette visite à votre peuple, écartez tout péril de peine.

Venez, reine des nations, éteignez les flammes du péché ; quiconque s'égare, redressez-le , donnez à tous vie innocente.

Venez, visitez les malades ; Marie, fortifiez les courages par la vertu de votre impulsion sainte, bannissez les hésitations.

Venez, étoile, lumière des mers, faites briller le rayon de la paix ; que Jean tressaille devant son Seigneur.

Venez, sceptre des rois, ramenez les foules errantes à l'unité de foi qui est le salut des citoyens des cieux.

Venez, implorez pour nous ardemment les dons de l'Esprit-Saint, afin que nous suivions une ligne plus droite dans les actes de cette vie.

Venez, louons le Fils, louons l'Esprit-Saint, louons le Père, unique Dieu : qu'il nous donne secours.

Amen."

Ecole française. XVIIe.

En ce jour où Satan voit pour la première fois reculer son infernale milice devant l'arche sainte, deux combattants de l'armée des élus font cortège à leur Reine. Députés vers Marie par Pierre lui-même en son Octave glorieuse, ils ont dû cet honneur à la foi qui leur fit reconnaître dans le condamné de Néron le chef du peuple de Dieu.

Le prince des Apôtres attendait son martyre au fond de la prison Mamertine, lorsque la miséricorde divine amena près de lui deux soldats romains, ceux-là mêmes dont les noms sont devenus inséparables du sien dans la mémoire de l'Eglise. L'un se nommait Processus, et l'autre Martinien. Ils furent frappés de la dignité de ce vieillard confié à leur garde pour quelques heures, et qui ne devait remonter à la lumière que pour périr sur un gibet.

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dimanche, 02 juillet 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

23 mars. Saint Victorien de Carthage et ses saints compagnons, martyrs. 484.

- Saint Victorien de Carthage et ses saints compagnons, martyrs. 484.

Pape : Saint Félix III. Empereur : Zénon.

" L'homme prudent est celui qui voit de loin..."
Saint Isidore de Séville.

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Saint Victorien de Carthage. Vitrail de l'église Saint-Joseph.
Jatibonico y Arroyo Blanco. Île de Cuba. XIXe.

Le combat de ces glorieux confesseurs du nom de Jésus-Christ est trop illustre et trop touchant pour n'en pas édifier les lecteurs. Voici à peu près ce que Victor d'Utique en dit dans l'histoire qu'il a composée sur la persécution des Vandales (nous verrons dans la vie de saint Fulgence, le 1er janvier, une note sur les Vandales).

Où trouverai-je des paroles pour représenter dignement ce qui se passa en la personne de Victorien, proconsul de Carthage, natif de la ville d'Adrumète ? Il était le plus riche de l'Afrique, et il avait toujours fait paraître beaucoup de fidélité dans les emplois dont le roi Hunéric l'avait chargé. Ce prince impie lui manda, avec des termes fort civils, que s'il obéissait sans résistance à ses volontés, il l'aimerait particulièrement et lui donnerait le premier rang entre ses officiers.

Mais ce grand serviteur de Dieu lui fit répondre, par le même envoyé que :
" Rien n'était capable de le séparer de la foi et de l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans la confiance qu'il avait au secours d'un maître si puissant, il était prêt à souffrir plutôt toutes sortes de tourments que de consentir jamais à l'impiété des Ariens. Il pouvait le faire brûler et exposer aux bêtes, ou accabler par d'autres supplices ; mais il ne gagnerait jamais sur lui qu'il quittât l'Eglise catholique, dans laquelle il avait été baptisé. Une action si détestable l'exposerait comme un ingrat et un perfide, à des peines qui ne finiraient jamais mais quand cela ne serait pas, et qu'il n'y aurait point d'autre vie que la vie présente, ni de récompense éternelle préparée pour ceux qui auront vaincu, il ne pourrait se résoudre à quitter la véritable et unique religion, et à manquer de fidélité a celui qui lui avait confié le précieux dépôt de sa grâce."

Et encore :
" Confiant en Dieu et dans le Christ mon Seigneur, vous direz de ma part au roi qu'il peut dresser ses bûchers, lâcher contre moi ses bêtes féroces, et me livrer, s'il le veut, à mille tourments : ce serait mépriser le baptême que m'a donné l'Eglise catholique, que d'accéder à son désir. Quand bien même tout finirait avec la vie présente et que nous n'aurions pas à espérer cette vie éternelle, qui est pourtant réelle, jamais je ne consentirais à jouir d'une gloire caduque et transitoire au prix d'une infidélité envers celui qui m'a donné sa foi."

Ces réponses irritèrent de telle sorte la fureur du tyran, qu'il lui fit souffrir des tourments dont la longueur et la cruauté surpassent tout ce que l'on en pourrait dire. Le Saint les endura tous dans la vue de Dieu avec une joie incomparable, et ayant heureusement achevé sa course, il alla recevoir dans le ciel la couronne du martyre qu'il avait si justement méritée.

Qui pourrait aussi expliquer, comme il faut, les combats des autres martyrs qui furent exécutés en la ville de Tabaye, et surtout de deux frères de la ville d'Aquae regiae ? S'étant promis, par serment, dans l'humble confiance qu'ils avaient en Dieu, de mourir tous deux d'un même supplice, ils obtinrent des bourreaux de n'être point séparés, ni de lieu, ni de peine.

Martyre de saint Victorien et de ses saints compagnons.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

On commença par les pendre avec de gros poids attachés à leurs pieds et, lorsqu'ils eurent été près d'un jour en cette gêne, un d'eux, succombant à la douleur, pria qu'on le détachât et qu'on lui donnât quelque trève. L'autre, voyant cela du gibet où il était aussi pendu et craignant qu'il ne renonçât à la foi, lui cria :
" Gardez-vous bien, mon frère, de faire cette demande ce n'est pas là ce que nous avons promis à Jésus-Christ, et je vous accuserais moi-même d'infidélité devant son tribunal redoutable, si vous y persistiez ; car nous avons juré sur son corps et sur son sang de souffrir la mort ensemble pour la confession de son nom."
Par ces paroles et d'autres semblables, il encouragea tellement son compagnon à soutenir le combat, que celui-ci, au lieu de chanceler comme auparavant, cria d'une voix forte :
" Ajoutez supplices à supplices, et qu'il n'y ait point de cruautés que vous n'exerciez contre nous quelques tourments que mon frère souffre, je suis prêt à les souffrir."

On les brûla ensuite avec des lames de fer toutes rouges, on les déchira avec des ongles de fer, on les tourmenta longtemps et en mille manières les bourreaux, craignant enfin que leur patience servît plutôt à convertir les ariens qu'à ébranler les catholiques, furent contraints de les quitter, d'autant plus qu'on ne voyait en eux ni meurtrissures, ni aucune autre marque des tourments qu'ils enduraient. Ils arrivèrent néanmoins heureusement à la palme du martyre. Et en même temps, deux marchands, qui étaient de la ville de Carthage, et qui portaient tous deux le nom de Frumence, furent mis à mort ; et, par un heureux négoce, achetèrent, avec le prix de leur sang, la perle évangélique et le royaume des cieux.

Les Ariens exilèrent encore un grand nombre d'ecclésiastiques de Carthage. Il se trouva parmi eux beaucoup d'enfants destinés au service des autels ; on en alla chercher douze pour les ramener à Carthage. A la vue des persécuteurs, ils embrassèrent les genoux de leurs compagnons, et il fallut employer la violence pour les en arracher. Chaque jour on les fouettait cruellement, et on les frappait avec des bâtons mais il fut impossible d'obtenir d'eux quelque chose de contraire à leur foi ils confessèrent généreusement Jésus-Christ jusqu'à la fin.

Victor d'Utique rapporte encore les victoires de beaucoup d'autres Saints, martyrisés sous le tyran Hunéric ; mais, comme il n'y a que ceux-ci de nommés en ce jour dans le martyrologe romain, nous nous contenterons du récit que nous venons de faire. La persécution de ce prince sévit particulièrement en l'année 481.

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samedi, 23 mars 2024 | Lien permanent

22 avril. Saint Soter et saint Caïus, Papes et martyrs. 170 et 295.

- Saint Soter et saint Caïus, Papes et martyrs. 170 et 295.
 
Empereur : Marc-Aurèle.
 
" Notre Seigneur Jésus-Christ, connaissant la fragilité de la nature humaine, a établi deux différents degrés pour tous ceux qui croient en lui : la Confession et le Martyre, afin que ceux qui ne croient pas pouvoir supporter la rigueur des tourments, conservent néanmoins la grâce de la foi par leur confession."
Saint Caïus.
 
Saint Caïus bénissant pendant le sacrement
de la transmission des pouvoirs de l'Ordre.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Jean le Tavernier. Flandres. XVe.

Deux Papes martyrs croisent aujourd'hui leurs palmes sur le Cycle. Soter souffrit pour le Christ au deuxième siècle, et Caïus au troisième ; cent années les séparent, et l'énergie de la foi, la fidélité au divin dépôt ; se retrouvent les mêmes. Quelle société humaine a jamais produit des siècles entiers de héros ? La nôtre est fondée sur ce dévouement traditionnel qui se prouve par le sang. Nos chefs n'ont pas voulu laisser aux soldats le monopole du sacrifice ; les trente premiers successeurs de Pierre ont payé de leur vie l'honneur du pontificat. Quel trône que celui de notre divin Ressuscité entouré de tous ces rois revêtus de la pourpre triomphale !

Soter fut le successeur immédiat d'Anicet, dont nous avons honoré la mémoire il y a peu de jours. Le temps nous a dérobé la connaissance de ses actions. Un trait seulement est arrivé jusqu'à nous. Eusèbe nous a conservé un fragment d'une lettre de saint Denys, évêque de Corinthe, dans laquelle il remercie notre saint pontife des largesses qu'il a envoyées aux fidèles de cette Eglise qui souffraient d'une famine. Une lettre apostolique accompagnait ces aumônes, et saint Denys atteste qu'on la lisait dans l'assemblée des fidèles, avec celle que saint Clément avait adressée à la môme Eglise au siècle précédent. La charité des pontifes romains s'est toujours unie à leur fidélité à conserver le dépôt de la foi. Quant à Caius. il fut enlevé dans la terrible tempête suscitée par Dioclétien contre l'Eglise, et ses gestes occupent à peine quelques lignes dans les annales de Rome chrétienne. Nous ne serons donc pas étonnés de trouver tant de concision dans le récit liturgique que l'Eglise consacre à ces deux Papes martyrs, et dont voici la teneur.


Saint Soter. Fresque de la chapelle Sixtine. Rome.

Saint Soter fut le successeur du Pape saint Anicet (que l'on fête au 17 avril). Il naquit à Fundi, ville de l'Italie méridionale. Son père se nommait Concorde.

Saint Soter décréta que les religieuses et les vierges consacrées ne toucheraient pas les vases de l'autel, ni les linges sacrés, et qu'elles n'offriraient pas l'encens ni ne tiendraient elle-même l'encensoir à l'Eglise. Rappelons qu'en ce temps-là, l'hérésie des Montanistes était cause de désordre et de confusion, et que, parmi eux, les femmes elle-même se permettaient d'administrer les saints Mystères.
Si ensuite dans l'histoire, certaines permissions de toucher aux linges sacrés furent concédées à de particulièrement saintes religieuses, ce ne fut que par exception, tout en maintenant que les dits linges sacrés devait être lavés au moins par un sous-diacre.

Il ordonna aussi que le Jeudi saint, tous les fidèles recevraient le corps du Christ, hors ceux qui en seraient empêchés pour quelques péchés graves. Il déclara que les serments faits contre la justice ne devaient pas être gardés.

Il déploya une ardente charité pour les Églises qui souffraient de la persécution. Il subvenait, par des aumônes, aux nécessités des chrétiens exilés pour la foi et n'oubliait pas les indigents des provinces. Il accueillait, avec la tendresse d'un père, les étrangers qui venaient à Rome, et leur prodiguait toutes les consolations qui étaient en son pouvoir.

Il se montra intrépide défenseur de la foi contre les hérésies, en particulier contre celle des Montanistes, qui se répandait alors partout. Il écrivit aux évêques d'Italie une lettre où il traite de la foi en Jésus-Christ.

Il siégea sur la chaire pontificale trois ans, onze mois et dix-huit jours. Il fut enveloppé dans la cruelle persécution qui s'éleva sous Marc-Aurèle et reçut la couronne du martyre le 22 avril 170. Il fut enseveli dans le cimetière appelé plus tard de Calliste. Il avait, selon la coutume de ses prédécesseurs, ordonné, au mois de décembre, dix-huit prêtres, neuf diacres et onze évêques pour les divers lieux.


Le martyre de saint Caïus. Lorenzo Monaco. XIVe.

Saint Caius était de Dalmatie et de la famille de l'empereur Dioclétien. Son père se nommait Caïus et il avait un frère nommé Gabinus (Gabin). Ce fut un Pontife d'une rare prudence et d'une vertu courageuse.

Il ordonna que dans l'Eglise, avant de monter à l'épiscopat, on passerait par les degrés des ordres et rangs de portier, de lecteur, d'exorciste, d'acolythe, de sous-diacre, de diacre et de prêtre.
Saint Caïus n'est assurément pas le premier auteur de cette ordonnance puisqu'on la pratiquait du temps des apôtres et que Notre Seigneur Jésus-Christ le leur enseigna ainsi. Mais il la rappela et la renouvela afin que perosnne ne fût admis à l'épiscopat sans avoir auparavant officié et servi le temps qui était precrit dans les ordres inférieurs.

On attribue de plus à saint Caïus, une épître fort grave touchant le mystère de l'incarnation du Verbe éternel.

La persécution contre les chrétiens sévissait alors dans toute sa fureur : les fidèles, pour s'y soustraire, étaient obligés de se tenir cachés dans les cavernes et les tombeaux. Saint Caïus mit tout son zèle à confirmer dans la foi les serviteurs de Jésus-Christ. Il conseilla au patricien Chromatius de recevoir dans sa villa les fidèles qui voudraient échapper aux bourreaux et alla les y visiter afin de soutenir leur courage. Ce fut alors qu'il fit diacres Marc et Marcellin, qu'il éleva leur père Tranquillin à la prêtrise et établit Sébastien défenseur de l'Église.

Monnaie de Dioclétien, le parent - et néanmoins persécuteur
cruel des Chrétiens - de saint Caïus et de saint Gabin son frère.
Monnaie du IIIe.

En cette occasion, notre saint Pape dit à tous ceux qui étaient assemblés chez Chromatius :
" Notre Seigneur Jésus-Christ, connaissant la fragilité de la nature humaine, a établi deux différents degrés pour tous ceux qui croient en lui : la Confession et le Martyre, afin que ceux qui ne croient pas pouvoir suppoter la rigueur des tourments, conservent néanmoins la grâce de la foi par leur confession.
Que ceux qui veulent demeurer dans la maison de Chromatius, y demeurent avec Tiburce ; et que ceux qui préfèrent alle ravec moi à la ville y viennent."

Afin d'éviter lui-même les cruautés de Dioclétien, il se tint caché quelques temps dans une caverne ; mais, huit ans plus tard, il remporta la couronne du martyre avec son frère Gabinus, après avoir siégé douze ans, quatre mois et cinq jours. Il avait ordonné vingt-cinq prêtres, huit diacres et cinq évêques.
Il fut enseveli dans le cimetière de Calliste, le dix des calendes de mai.

Son corps fut retrouvé en 1622, avec une inscription propre à le faire reconnaître et avec deux monnaies de l'empereur Dioclétien son parent. Le pape Grégoire XV en donna la majeure partie à Alphonse de Gonzaque, archevêque de Rodhes, qui la fit transporter à Novellara en Lombardie.
En 1631, Urbain VIII a renouvelé sa mémoire à Rome et rétabli son église qui était ruinée et qui avait été bâtie peu après son martyre sur la maison qu'il habitait, y créant un Titre avec une Station, et l'ayant enrichie d'une autre partie des reliques du saint pape.

 
PRIERE
 
" Saints Pontifes, vous êtes du nombre de ceux qui ont traversé la grande tribulation, et qui ont passé par l'eau et par le feu pour aborder au rivage de l'éternité. La pensée de Jésus vainqueur de la mort soutenait votre courage ; vous saviez que les gloires delà Résurrection ont succédé aux angoisses de la Passion. Immolés comme Jésus pour votre troupeau, vous nous avez appris par votre exemple que la vie et les intérêts de ce monde ne doivent compter pour rien, quand il s'agit de confesser la foi.

Armez-nous de ce courage. Le Baptême nous a enrôlés dans la milice du Christ ; la Confirmation nous a donné l'Esprit de force : nous devons donc être prêts pour les combats. Saints Pontifes, nous ignorons si nos temps sont appelés à voir l'Eglise exposée à la persécution sanglante; quoi qu'il advienne, nous avons à lutter avec nous-mêmes, avec l'esprit du monde, avec les démons ; soutenez-nous par vos prières. Vous avez été les pères de la chrétienté ; la charité pastorale qui vous anima ici-bas vit toujours dans vos cœurs. Protégez-nous, et rendez-nous fidèles à tous les devoirs qui nous lient au souverain Maître dont vous avez soutenu la cause."

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lundi, 22 avril 2024 | Lien permanent

5 novembre. Saint Zacharie, époux de sainte Elizabeth, père de saint Jean-Baptiste. Ier siècle.

- Saint Zacharie, époux de sainte Elizabeth, père de saint Jean-Baptiste, Ier siècle.

" Ne craignez point, Zacharie,car votre prière a été exaucée ; et Elizabeth, votre épouse, vous donnera un fils que vous nommerez Jean."

L'ange Gabriel à saint Zacharie.

 

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mercredi, 05 novembre 2008 | Lien permanent

10 juillet. Saint Pasquier, ou saint Pasquaire ou encore saint Pascharius, évêque de Nantes, confesseur. VIIe.

- Saint Pasquier, ou saint Pasquaire ou encore saint Pascharius, évêque de Nantes, confesseur. VIIe.
 
Pape : Saint Agathon. Roi de Francs : Dagobert II ; Clovis IV.
 
" Un Chrétien qui possède le véritable zèle ne prend pas ombrage des succès des autres : il est loin de les voir d'un oeil de jalousie, parce qu'il sait que la charité le rend participant des succès qu'ils obtiennent."
Dom Lobineau. Eloge de saint Pasquaire.
 

Statue de saint Pasquier. Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.

Pasquier naquit à Nantes. Ayant reçu une bonne éducation et s'étant pénétré de l'importance du Salut, il renonça au monde, qui lui offrait cependant des avantages temporels, mais au milieu duquel il est si aisé de se perdre, et se consacra au Seigneur, en embrassant l'état ecclésiastique.

Sa vertu le fit choisir pour remplir le siège de Nantes, après la mort de l'évêque Harco, qui l'occupait et qui n'est connu que de nom. Les Saints, pénétrés des maximes de l'Evangile dont l'humilité est une des principales, ont toujours fui l'élévation et les honneurs ; aussi Pasquaire réclama-t-il fortement contre son élection, et ne se soumit-il à recevoir la consécration épiscopale que lorsqu'il vit clairement que telle était la volonté de Dieu.

Connaissant toute l'importance de la charge pastorale et l'étendue des devoirs qu'elle impose, il s'acquitta de ses obligations avec l'exactitude et le zèle d'un homme animé de l'Esprit de Dieu. Il s'appliqua surtout à bien régler son clergé, à instruire son peuple et à soulager les pauvres, auxquels il distribua tout son patrimoine, qui était considérable.

Quoiqu'il s'adonnât tout entier au service du prochain et qu'il n'épargnât rien pour éclairer et amener au Salut les âmes confiées à ses soins, il sentait néanmoins qu'il n'opérait pas tout le bien qu'il aurait voulu faire.


Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.

Son désir était d'avoir de pieux coopérateurs qui eussent prêché autant par leurs exemples que par leurs discours, et dont la vie régulière et pénitente pût servir à tous de modèle. Parlant un jour à son troupeau de la vie monastique, son discours toucha tellement ses auditeurs qu'ils montrèrent le plus grand empressement à obtenir de ces hommes de Dieu, qui devaient les éclairer par leurs paroles et les édifier par leur sainte vie.

Voyant son peuple dans des dispositions si bienveillantes, Pasquier envoya au monastère de Fontenelle, auprès de saint Lambert qui en était abbé, des personnes de confiance pour lui demander quelques-uns de ses moines, afin de les établir dans le diocèse de Nantes. Répondant aux voeux du saint évêque, le vénérable abbé lui envoya 12 de ses frères, à la tête desquels se trouvait le célèbre saint Hermeland. Ils arrivèrent bientôt à Nantes, et leur premier soin fut d'aller dans l'église de Saint-Pierre implorer le secours du Ciel et en attirer les bénédictions sur leur entreprise.

Informé de leur présence dans le lieu saint, Pasquier, plein de joie, va les trouver, les reçoit comme des anges, et bénit Dieu de ce que, remplissant son désir le plus ardent, Il donnait à son diocèse des hommes qui loueraient sans cesse la sainte Trinité et l'aideraient à mener les âmes au Salut.

Après avoir passé quelque temps avec eux dans des entretiens de piété, il les conduisit dans l'île d'Aindre (ou Indre), placée au milieu de la Loire et distante de Nantes de deux lieues. Il les y établit.

Les autres actions du saint pasteur ne nous sont pas connues ; mais son zèle pour la sanctification de son troupeau, et sa charité envers saint Hermeland et ses compagnons, sont autant de titres qui prouvent combien est fondé le culte que lui rend depuis longtemps son Eglise. Il mourut vers le commencement du VIIIe siècle, le 10 juillet, jour auquel il est honoré dans le diocèse de Nantes. Sa fête y était célébrée autrefois du rite double. On ne voit pas que son corps ait été jamais levé de terre, et l'on ignore où se trouve son tombeau.

Rq : On lira la notice que consacre dom Lobineau à saint Pasquier. Très courte, elle précède la notice de saint Hermeland (fêté au 25 novembre), qui succéda à saint Pasquier, et sur lequel nous avons d'amples renseignements :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x.pagination

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lundi, 10 juillet 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)

27 octobre. Saint Vincent, sainte Sabine et sainte Christèle, martyrs à Avila en Espagne. 304.

- Saint Vincent, sainte Sabine et sainte Christèle, martyrs à Avila en Espagne. 304.

Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" Combattons énergiquement, afin que Dieu nous couronne pour l'éternité."
Saint Bonaventure. Serm. XII Pentec.

Martyre de saint Vincent, de sainte Sabine te de sainte Cristèle.
Bas-relief. Basilique Saint-Vincent. Avila, Espagne.

Dacien, ce cruel exécuteur de la rage des empereurs Dioclétien et Maximien, étant venu en Espagne, plutôt pour persécuter les Chrétiens que pour en gouverner les provinces, fit arrêter saint Vincent, qu'en lui déféra comme un des plus zélés défenseurs du culte de Jésus-Christ.

Pour tâcher de corrompre sa Foi, il lui démontra que c'était une folie de s'exposer à perdre la vie à la fleur de son âge par de cruels supplices, pour défendre l'honneur d'un homme que l'on avait crucifié, et qu'il ferait beaucoup mieux d'obéir aux ordres des empereurs qui commandaient de sacrifier aux divinités païennes. Puis, voyant que le saint martyr, bien loin de se rendre à ses désirs, confessait généreusement la divinité de Jésus-Christ, et déclamait contre Jupiter, se moquant de cette idole incestueuse et adultère, il commanda qu'on le menât devant la statue de l'idole, et que s'il ne lui offrait de l'encens, il fût à l'heure même torturé, déchiré, rompu de coups, et enfin mis à mort par le dernier supplice.

Les bourreaux se saisirent aussitôt de lui et l'entraînèrent au lieu désigné par le président ; mais, par un grand miracle, ayant mis le pied sur une pierre dure, Vincent y imprima son vestige, de même que si c'eût été de la cire molle ; les bourreaux en furent tellement touchés, que, pour avoir le temps de se faire instruire des mystères de la Foi Chrétienne, ils retournèrent à Dacien ; et feignant que Vincent demandait 3 jours pour délibérer, ils obtinrent de lui cette surséance.

Pendant ce temps, ils le retirèrent chez eux : Sabine et Christète, soeurs de notre invincible Martyr, le vinrent voir ; et, se jetant à ses pieds, elles le prièrent et le conjurèrent avec larmes, de prendre la fuite avec elles pour leur servir de père et de mère et être leur soutien dans la rigueur de cette persécution. Vincent eut bien de la peine à le faire ; mais, enfin, considérant la jeunesse de ces Vierges, et s'imaginant qu'elles pourraient succomber à la cruauté des supplices si elles n'étaient soutenues par ses exhortations et par son exemple, il usa de la liberté que lui donnèrent ceux qui le retenaient, et se retira avec ses soeurs à Avila.

Basilique Saint-Vincent. Les précieuses reliques de nos Saints
y sont toujours conservées. Avila. Espagne. XIIe.

Le président en fut bientôt averti, et il envoya en même temps des cavaliers pour les suivre. Ils les atteignirent en cette ville ; et, comme ils avaient ordre de les tourmenter et de les faire mourir, ils exercèrent contre ces innocentes victimes toutes les cruautés dont l'impiété est capable. Enfin, après avoir disloqué tous leurs membres sur le chevalet et leur avoir déchiré le corps à coups de fouet, ils leur mirent la tête sur des pierres et la leur écrasèrent avec des cailloux et des leviers.

Leurs dépouilles sacrées demeurèrent ensuite exposées à la voirie pour être dévorées par les animaux ; mais, Ô conduite admirable de la divine Providence ! Un serpent d'une grosseur prodigieuse, qui causait de grands maux dans le pays, sortit des rochers voisins de la ville pour les venir garder.

Un Juif s'étant donc approché pour les insulter, il fut saisi par ce monstre et n'échappa à sa cruauté que par la promesse qu'il fit de se convertir au Christ et de donner honorable sépulture aux saints martyrs, et de faire bâtir une église en leur honneur. Il accomplit depuis lors ce qu'il avait promis.

Le serpent qui garda les dépouilles sacrées des martyrs est leur caractéristique la plus ordinaire.
On les représente aussi en groupe, comme ayant souffert ensemble le martyre.

On trouve l'Office de saint Vincent et de ses soeurs dans les anciens Bréviaires et Missels Mozarabes. Nous avons conservé lé récit du père Giry.

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vendredi, 27 octobre 2023 | Lien permanent

11 septembre. Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.

- Saint Prote, saint Hyacinthe et sainte Eugénie *, frères, eunuques, martyrs. 262.

Pape : Saint Denys. Empereur romain : Gallien.

" Le Ciel serait sans douceur si la vie était sans souffrance."
Saint Augustin.


Saint Prote et saint Hyacinthe et sainte Eugénie.
Bréviaire romain. XVe.

Extraits de La légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine :

Prote et Hyacinthe furent, eu raison de leur illustre noblesse chez les Romains, attachés à la maison de la fille de Philippe, nommée Eugénie (qui est fêtée au 25 décembre, jour de son martyre), et ses émules dans l’étude de la philosophie. Le sénat avait, confié à ce Philippe la préfecture d'Alexandrie où il conduisit avec lui Claudia, sa femme, Avitus et Sergius, ses fils, et Eugénie, sa fille.

Or, Eugénie avait atteint la perfection dans la science des lettres et des arts libéraux ; Prote et Hyacinthe, qui avaient étudié avec elle, possédaient aussi toutes les sciences dans le plus haut degré. Parvenue à l’âge de quinze ans Eugénie fut demandée en mariage par Aquilin, fils du consul Aquilin. Eugénie lui dit :
" Quand on doit faire choix d'un mari, il faut moins s'attacher à la naissance qu'à la bonne conduite."
Les livres qui renferment la doctrine de saint Paul lui étant tombés entre les mains, elle commença à devenir chrétienne au fond du coeur.


Saint Prote et saint Hyacinthe.
Bréviaire à l'usage du diocèse de Paris. XVe.

Il était à cette époque permis aux chrétiens d'habiter dans les environs d'Alexandrie, et il arriva que Eugénie, allant à une maison de campagne comme pour se délasser, entendit les chrétiens qui chantaient :
" Omnes du gentium daemonia, Dominas autem caelos fecit " (Ps. XCV). (" Tous les dieux des nations sont des démons ; mais le Seigneur est le créateur des cieux ").

Alors elle dit aux jeunes Prote et Hyacinthe qui avaient étudié avec elle :
" Nous nous sommes livrés à une étude scrupuleuse des syllogismes des philosophes, mais les arguments d'Aristote, les idées de Platon, les avis de Socrate, en un mot, les chants des poètes, les maximes des orateurs et des philosophes sont effacés par cette sentence ; je ne dois qu'à une puissance usurpée le titre de votre maîtresse, mais la science m’a faite votre sœur, soyons donc frères et suivons Jésus-Christ."

Cette résolution leur plaît ; elle prend alors des habits d'homme, et vient au monastère dont le chef Hélénus ne permettait l’entrée à aucune femme. Cet Igélénus, dans une discussion avec un hérétique, n'ayant pu détruire la force des arguments qu'on lui opposait, fit allumer un grand feu afin que celui qui ne serait pas brûlé fût reconnu comme ayant la croyance véritable. Ce qui fut fait ; Hélénus entra le premier dans le feu d'où il sortit sain et entier ; mais l’hérétique ne voulant pas y entrer fut chassé par tous.

Or, Eugénie s'étant présentée à Hélénus et ayant dit qu'elle était un homme : " Tu as raison, lui répondit Hélénus, de te dire homme, car bien que tu sois une femme, tu te comportes comme un homme ".


Sainte Eugénie. Frontal de l'église Sainte-Eugénie.
Le maître de Soriguela. IXe. Cerdagne, Catalogne.

Dieu en effet lui avait révélé son sexe. Elle reçut donc de ses mains, avec Prote et Hyacinthe, l’habit monastique et se fit appeler frère Eugène. Quand le père et la mère d'Eugénie virent son char revenir vide à la maison, ils en furent contristés et firent partout chercher leur fille, sans pouvoir la trouver. Ils interrogent des devins pour savoir ce qu'elle était devenue ; ceux-ci leur répondent qu'elle est transportée par les dieux parmi les astres. En conséquence son père fit élever une statue à sa fille qu'il commanda à tous d'adorer. Quant à Eugénie, elle persévéra avec ses compagnons dans la crainte de Dieu, et fut choisie pour gouverner la communauté après la mort du supérieur.

Il se trouvait alors à Alexandrie une matrone riche et noble du nom de Mélancie (Mélas, veut dire noir) que sainte Eugénie avait délivrée de la fièvre quarte en lui faisant des onctions avec de l’huile au nom de Jésus-Christ Pour cette raison, Mélancie envoya beaucoup de présents à Eugénie qui ne les accepta point. Or, cette matrone, dans la conviction que frère Eugène était un homme, lui faisait de trop fréquentes visites. En voyant sa bonne grâce, sa jeunesse et la beauté de son extérieur, elle brûla d'amour pour lui et se tourmenta l’esprit pour trouver le moyen d'avoir commerce ensemble. Alors feignant une maladie, elle envoya le prier de venir chez elle pour la voir. Quand il fut arrivé, elle lui déclara comment elle était éprise d'amour pour lui, elle lui exposa ses désirs et le pria d'avoir commerce avec elle.

Aussitôt elle le saisit, l’embrasse, le baise et l’exhorte à commettre le crime. Frère Eugène, rempli d'horreur de ces avances, lui dit : " C'est à juste titre que tu portes le nom de Mélancie : tu es remplie de noirceur et de perfidie ; tu es une noire et obscure fille des ténèbres, une amie du diable, un foyer de débauche, une soeur d'angoisses sans fin et une fille de mort éternelle ".

Mélancie se voyant déçue, dans la crainte qu'Eugène ne publiât le crime, voulut le découvrir la première et se mit à crier qu'Eugène a voulu la violer. Elle alla trouver le préfet Philippe et elle porta plainte en ces termes : " Un jeune homme perfide qui se dit Chrétien est venu chez moi pour me guérir ; il entre, se jette sur moi et veut me faire violence : si je n'avais été délivrée par le moyen d'une servante qui était dans l’intérieur de ma chambre, il m’eût fait partager sa débauche ".

Le préfet, à ce récit, fut enflammé de colère, et avait envoyé une multitude d'appariteurs, il fit prendre Eugène et les autres serviteurs de Jésus-Christ, qu'on avait chargés de chaînes : il fixa un jour où ils devaient tous être livrés aux morsures des bêtes.

Puis les ayant fait venir devant lui, il dit à Eugènie :
" Dis-moi, infâme scélérat, si votre Christ vous a enseigné, pour doctrine, de vous livrer à la corruption et d'oser attenter avec une impudente rage à la vertu des matrones ?"
Eugénie, qui conservait la tète baissée pour ne pas être reconnue, répondit :
" Notre-Seigneur a enseigné la chasteté et a promis la vie éternelle à ceux qui gardent la virginité. Nous pouvons montrer que cette Mélancie commet un faux témoignage ; mais il vaut mieux que nous souffrions, plutôt qu'elle soit punie après avoir été convaincue ; nous perdrions alors le fruit de notre patience. Toutefois qu'elle amène la servante qu'elle dit avoir été témoin de notre crime afin que par ses aveux les mensonges puissent être réfutés."


Martyr de sainte Eugénie, de saint Prote et de saint Hyacinthe.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Cette femme fut amenée, et comme elle avait été endoctrinée par sa maîtresse, elle ne cessait de prétendre contre Eugène qu'il avait voulu violer sa dame. Tous les gens de la maison, qui avaient été également corrompus, attestaient qu'il en était ainsi ; alors Eugénie dit :
" Le temps de se taire est passé et le temps de parler est arrivé : je ne veux pas qu'une impudique charge d'un crime les serviteurs de Jésus-Christ et que la fausseté soit glorifiée. Or, afin que la vérité l’emporte et que la sagesse triomphe de la malice, je démontrerai la vérité sans être mue par la vanité mais par la gloire de Dieu."
En disant ces mots, elle déchira sa tunique depuis sa tète jusqu'à la ceinture, et alors on vit qu'elle était une femme, puis elle dit au préfet :
" Tu es mon père, Claudia est ma mère ; ces deux jeunes gens qui sont assis avec toi, Avitus et Sergius, ce sont mes frères ; je suis Eugènie ta fille ; ces deux-ci, c'est Prote et Hyacinthe."
A ces mots, le père qui commençait à reconnaître sa fille se jeta dans ses bras pour l’embrasser ainsi que la mère, en versant un torrent de larmes.

Eugènie est aussitôt revêtue de ses habits couverts d'or et portée aux nues. Le feu du ciel tomba sur Mélancie et la consuma avec les siens. Ce fut ainsi qu'Eugénie convertit à la foi de Jésus-Christ. son père, sa mère, ses frères et toute sa famille ; de telle sorte que le père, ayant été cassé de sa dignité, fut ordonné évêque par les chrétiens, et fut tué par les infidèles après avoir persévéré dans le bien.


Martyr de saint Prote et saint Hyacinthe.
Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Claudia retourna à Rome avec ses deux fils et Eugénie et ils y convertirent beaucoup de personnes à Jésus-Christ. Or, Eugénie, par l’ordre de l’empereur, fut attachée à une grosse pierre et précipitée dans le Tibre ; mais la pierre s'étant brisée, Eugénie marchait saine et sauve sur les eaux. Alors elle est jetée dans une fournaise ardente ; mais la fournaise s'éteignit et devenait pour la martyre un lieu de rafraîchissement. Ensuite elle est renfermée dans un cachot obscur, mais une lumière toute resplendissante rayonnait pour elle ; et après avoir été laissée dix jours sans nourriture, le Sauveur lui apparut et lui dit eu lui présentant un pain très blanc : " Reçois cette nourriture de Ma main ; Je suis ton Sauveur, que tu as aimé de toute l’étendue de ton esprit ; le jour que Je suis descendu sur la terre, Je te prendrai moi-même ".

En effet, au jour de la naissance du Seigneur, un bourreau est envoyé lui couper la tête. Elle apparut ensuite à sa, mère et lui prédit qu'elle la suivrait. le dimanche après. Quand arriva le dimanche, Claudia s'étant mise en prières, rendit l’esprit.

Prote et Hyacinthe ayant été traînés au temple des idoles, brisèrent la statue en faisant une prière, et comme ils ne voulaient pas sacrifier, ils accomplirent dans la suite leur martyre en ayant la tête coupée. Or, ils pâtirent sous Valérien et Gallien, vers l’an du Seigneur 256 (262 selon les découvertes ultérieures à la rédaction de la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine et exposées dans les Petits bollandistes).

* Nous incluons ici la vie de sainte Eugénie, fêtée au 25 décembre, jour de son martyre.

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