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mardi, 19 décembre 2023

19 décembre. Bienheureux Urbain V, pape. 1370.

- Le Bienheureux Urbain V, pape. 1370.

Papes : Innocent VI (prédécesseur, +1362) ; Grégoire XI (successeur). Rois de France : Jean II, le Bon (+1364) ; Charles V, le Sage.

" Bienheureux Urbain, sage réformateur du clergé et des Ordres religieux défenseur intrépide des droits et de ta liberté de l'Eglise ; ardent propagateur de l'Evangile parmi les nations Infidèles, priez pour nous."
Litanies du Bienheureux Urbain V.

Le bienheureux Urbain V. Simone de Filippo. XIVe.

Guillaume de Grimoard, qui devait faire oublier son nom de famille et immortaliser celui d'Urbain V, naquit au château de Grisac, au diocèse de Mende, au sommet des Cévennes, en 1310.

Il eut pour parrain saint Elzéar de Sabran (que l'on fête au 27 septembre, et qui est aussi connu sous la dénomination de saint Elzéar de Robians ou saint Augias de Rodians), et, dès l'âge le plus tendre, il se montra digne d'avoir été tenu sur les fonts baptismaux par de telles mains. Encore enfant, il aimait tant la prière et si peu les amusements frivoles que sa mère étonnée lui disait a Mon fils, je ne vous comprends pas, mais il me suffit que Dieu vous comprenne. Doué d'une vive intelligence, il étudia les belles-lettres, la philosophie et le droit, avec une application qui lui fit faire, dans toutes ces sciences, de rapides progrès. Les célèbres écoles de Montpellier et de Toulouse le comptèrent parmi leurs élèves les plus distingués, sans qu'il se laissât jamais aller aux désordres trop fréquents alors parmi les étudiants sa fidélite à Dieu et son assiduité à ses devoirs religieux le protégèrent contre la corruption du siècle.

Reliquaire de saint Elzéar de Sabran, le saint oncle de notre Bienheureux,
et de sainte Delphine, son épouse. Eglise Saint-Martin. Ansouis. Provence. XVe.

La noblesse de sa famille, l'élévation de son esprit, la variété de ses connaissances, l'affabilité de ses manières qui gagnait tous les cœurs, lui assuraient un brillant avenir. Mais jeune encore, il Tenonça au monde pour satisfaire, sans partage, les plus nobles aspirations de son âme l'amour de l'étude et la piété. Il embrassa la Règle de Saint-Benoît et fit sa profession religieuse à Marseille, dans le monastère de Saint-Victor. On sait quelle large place la science ecclésiastique occupait dans la vie des moines bénédictins. On ne peut prononcer leur nom, sans se rappeler les immenses services qu'ils ont rendus à l'Eglise, et les innombrables chefs-d'oeuvre de patiente érudition qu'ils nous ont laissés.

Mais Guillaume de Grimoard n'enfermait pas sa jeunesse dans le cloître uniquement pour s'entourer de manuscrits et savourer les tranquilles douceurs de là science, c'était Dieu surtout qu'il cherchait dans la solitude, et il le servit avec une ferveur qui lui fit trouver faciles les pratiques les plus austères de la vie monastique. Déjà, à cette époque, il se distinguait par sa tendre dévotion pour la très-sainte Vierge sa confiance pour notre Bonne Mère ne fit que croître avec les années, et les nombreux sanctuaires qu'il éleva plus tard en son honneur, sont un témoignage touchant du culte qu'il lui avait voué.

Château de Grizac. Le bienheureux Urbain V, Guillaume de Grimoard,
y naquit. Le Pont-de-Montvert. Gévaudan. France.

La profession religieuse, qui avait suspendu les études du jeune Guillaume, ne l'empêcha pas de les reprendre quelque temps après, et il le fit avec de nouveaux succès qui étonnaient ses maîtres eux-mêmes Il venait à peine de conquérir le titre de docteur en droit canon, que ses supérieurs, frappés de l'éclat avec lequel il avait subi ses épreuves universitaires, ainsi que de l'étendue et de la solidité de son savoir, se décidèrent à lui laisser suivre son inclination pour l'enseignement du droit. Ce sera là désormais l'occupation principale de sa vie jusqu'à l'époque où il sera élevé au souverain Pontificat les universités de Toulouse, de Montpellier, de Paris et d'Avignon le verront, tour à tour, attirant auprès de sa chaire des multitudes d'auditeurs qu'il instruisait, avec une grande profondeur de doctrine, et qu'il charmait, par l'intérêt attaché à sa parole.

Malgré son attrait pour l'enseignement, Guillaume de Grimoard dut interrompre, plus d'une fois, le cours de ses doctes leçons, pour occuper les postes élevés auxquels sa science et ses vertus semblaient l'avoir destiné. Devenu successivement vicaire-général des évêques de Ctermont et d'Uzès, il fut, pour les prélats qui l'avaient honoré de leur confiance, un collaborateur, ou plutôt un ami aussi fidèle que secourable.

Mettant en pratique ce qu'il avait enseigné, du haut de sa chaire, sur l'union intime et parfaite que le vicaire-général doit avoir avec son évêque, on le vit seconder le zèle des pasteurs qui se l'étaient attaché, avec une loyauté inaltérable et un désintéressement à toute épreuve, sans jamais se rechercher lui-même. Aussi le Seigneur bénissait-il son ministère pendant que sa parole sincère et persuasive opérait les fruits de salut les plus abondants, les peuples pénétrés d'admiration pour ses vertus, et principalement pour son inépuisable charité envers les pauvres, le vénéraient déjà comme un véritable serviteur de Dieu et comme un Saint.

Tant de mérites attirèrent sur Guillaume l'attention du pape Clément VI qui le nomma abbé de Saint-Germain d'Auxerre et le choisit, bientôt après, pour légat en Italie, en le chargeant d'une mission de la plus haute importance. Il ne s'agissait de rien moins que de faire rentrer sous l'autorité du Saint-Siège, les procès et les villes usurpées, et de préparer les voies, par la pacification de Rome et du patrimoine de Saint-Pierre, au retour de la papauté dans la ville prédestinée, où elle doit résider.

Abbaye Saint-Victor. Les reliques du bienheureux Urbain V y étaient
conservées jusqu'aux ravages déplorables accomplis par les bêtes
féroces révolutionnaires en 1793. Marseille. Provence. France.

A cette époque, Rome était encore pins désolée que dans ces derniers temps. Car, si grands que soient ses malheurs à cette heure, ils peuvent à peine donner une idée de ce qu'elle a souffert au milieu du XIVe siècle. Plusieurs factions rivales se disputaient sa possession elle subissait, tour à tour, les excès de la tyrannie populaire et les horreurs de l'anarchie. Un moment l'audacieux Rienzi lui rendit un gouvernement régulier mais le tribun, enivré par le succès, rêve le rétablissement de l'empire romain. La résistance que rencontrent ses projets insensés le rend cruel. Il verse le sang, le peuple se soulève tremblant devant la foule ameutée, qui l'avait naguère acclamé au Capitole, il est tué ignominieusement. Les petits despotes qui lui succèdent n'héritent que de ses défauts. Portés au pouvoir par le caprice populaire, ils sont renversés le lendemain. L'Italie n'est qu'un champ de bataille, Rome qu'un repaire de bandits. La papauté, qui seule pouvait lui rendre le bonheur, attendait le moment où le succès de ses légats lui permettrait de retourner auprès du tombeau des saints Apôtres.

Il n'entre pas dans les limites que nous nous sommes imposées, de faire connaître, en détail, les diverses légations de Guillaume de Grimoard. A ne le considérer que comme un homme d'Etat ordinaire, il faudrait reconnaître qu'il y déploya des qualités éminentes, mais sa vertu l'éleva davantage. Les historiens de sa vie s'accordent à constater qu'il porta au plus haut degré, dans ses démarches, le sentiment de la justice ; que la droiture et la vérité, qui présidèrent à toutes ses négociations, en firent la plus sûre habileté. Ils rendent encore hommage à la fermeté et au courage héroïque dont il fit preuve envers les envahisseurs des domaines du Saint-Siège, et notamment devant les menaces et les violences du terrible Barnabo Visconti.

Tandis que ces heureux événements réjouissaient la vieillesse d'Innocent VI, l'abbaye de Saint-Victor devint vacante, par la mort d'Etienne de Clapiers le pape y nomma aussitôt Guillaume de Grimoard, à qui il voulait témoigner sa reconnaissance et qui était, depuis quelque temps, revenu à Avignon. Avec quel bonheur le pieux bénédictin ne rentra-t-il pas dans la tranquillité de la vie monastique Il retrouvait enfin cette chère abbaye où, dans sa jeunesse, il s'était consacré à Dieu et vers laquelle, au milieu des agitations de la vie publique, il n'avait cessé de tourner ses regards. Simple religieux, il s'était fait remarquer, à Saint-Victor, par sa parfaite régularité et par son obéissance devenu supérieur, il ne se distingue pas moins par la sagesse de son gouvernement.

Barnabo Visconti. Gravure du XVIe.

Guillaume n'avait pas de plus ardent désir que de travailler à sa sanctification, dans le calme et le silence de cette pieuse retraite mais déjà le mérite du saint Abbé avait répandu trop d'éclat pour que le souverain Pontife consentît à le laisser longtemps caché dans le cloître. Innocent VI, jugeant la présence de Guillaume nécessaire en Italie, venait de lui confier une nouvelle mission, et déjà notre Bienheureux était parvenu à Naples, quand on apprit la mort du Pape.

Les cardinaux se réunirent en conclave, suivant l'usage, mais ils ne purent s'entendre pour élire l'un d'entre eux ils se résolurent alors à choisir le nouveau Pape hors du Sacré Collége, et bientôt leurs votes unanimes se portèrent sur Guillaume de Grimoard, abbé de Saint-Victor, qui se trouvait encore en Italie. Une seule personne s'attrista de cette élection, c'était celui qui en était l'objet; mais la chrétienté tout entière s'en réjouit et l'acclama.
" Dieu prend donc pitié de ceux qu'il aime ", s'écriait à cette occasion l'un des plus grands poëtes de l'Italie, " Il veut donc faire revivre l'âge d'or et ramener, à son antique siége, l'Eglise qu'il a laissée errer si longtemps pour châtier les crimes des hommes ".
En courbant la tête sous le " Joug de la servitude apostolique ", Guillaume de Grimoard prit le nom d'Urbain V. Il fit son entrée à Avignon, le 31 octobre 1362, et il fut sacré et couronné le dimanche suivant, 6 novembre.

Dès qu'il fut monté sur la chaire de saint Pierre, le nouveau Pape se proposa trois desseins dignes de sa grande âme ramener la Papauté à Rome, réformer les mœurs, notamment en combattant l'ignorance enfin propager au loin la foi catholique. Sans nous astreindre à suivre l'ordre chronologique, nous considérerons successivement ce que fit Urbain V, pour réaliser ces trois grandes pensées.

Le bienheureux Urbain V. Henri Ségur. Palais des Papes.
Avignon. Comtat vénaissin. France. XIXe.

Les rivalités, sans cesse renaissantes, qui armaient les petites républiques Italiennes les unes contre les autres et faisaient de tous les seigneurs des chefs de bandes toujours prêtes à guerroyer, formaient un obstacle, en apparence insurmontable, au retour de la Papauté à Rome. Il fallait, avant tout, rendre à la malheureuse Italie les bienfaits de la paix, réconcilier les cités rivales, rapprocher des ennemis altérés de vengeance. Urbain V, décidé à poursuivre un si noble but, continua comme Pape, et avec la même persévérance et la même énergie, ce qu'il avait fait quelque temps auparavant, comme envoyé d'Innocent VI. Il chargea donc le général des Frères Mineurs, Marc de Viterbe, d'aller de ville en ville prêcher la paix et amener les chefs de parti à la conclure sincèrement. Celui-ci écrivit lui-même à Galéas Visconti et au marquis de Montferrat :
" Nous vous exhortons, nous vous supplions de vouloir bien considérer la multitude des maux que la guerre produit et de vous disposer à faire une paix honorable."

La mission de Marc de Viterbe était hérissée de difficultés les chefs de bandes promettaient la paix quand ils se sentaient menacés, mais bientôt ils recommençaient la guerre. Pour arrêter l'effusion du sang, qui coulait depuis tant d'années, Urbain V accepta des arrangements avec ces infatigables batailleurs. Sa condescendance porta d'heureux fruits. L'Italie retrouva enfin la tranquillité, et l'illustre cardinal AEgidius Albornoz à qui revient, après le Pape, le principal honneur de cette pacification, put donner à l'Etat pontifical ces constitutions célèbres qui l'ont régi, pendant plusieurs siècles, et qui du nom du cardinal s'appelaient Aegidiennes.

Alors disparurent les vieilles dénominations de Guelfes et de Gibelins. Les anciens partis s'effacèrent il n'y eut plus qu'un peuple soumis à l'autorité du souverain Pontife, appelant de tous ses vœux son retour à Rome. Urbain V reçut, à Avignon, une ambassade envoyée par les Romains pour le conjurer de hâter son départ. Sa joie fut grande en recevant l'assurance que l'Etat pontifical, complétement pacifié, soupirait après sa présence et que l'indépendance du Vicaire de Jésus-Christ n'y serait plus menacée'Néanmoins ce ne fut pas sans s'imposer les plus pénibles efforts qu'il se décida à s'éloigner de la France il n'avait jamais oublié était sa patrie et il lui était profondément attaché ; de plus, son départ allait le séparer de son vieux père âgé de cent ans et qu'il avait fait venir, auprès de lui, à Avignon, pour l'entourer de ses soins et dé sa tendresse.

Mais, dans le coeur d'Urbain, il y avait longtemps que l'accomplissement du devoir l'emportait sur les sacrifices ; sur ces entrefaites, son vénérable père vint à mourir, il le pleura comme un bon fils, et enfin les préparatifs de son voyage étant achevés, il partit d'Avignon le 30 avril 1367 ; il se rendit à Marseille et il y attendit, dans l'abbaye de Saint-Victor, la réunion des galères envoyées pour former son escorte.

Urbain V naviguant vers Rome.
Miscellanea historica. XIVe.

Ce fut le 19 mai qu'Urbain V s'éloigna des rivages de Marseille, en bénissant la ville et la terre de la France, où la papauté persécutée trouva toujours un asile hospitalier. En apprenant le retour si ardemment désira souverain Pontife, l'Italie tressaillit d'allégresse. A Gênes, à Corneto, à Viterbe, le peuple accourut sur son passage, en agitant des branches d'olivier et en poussant ces cris de joie mille fois répétés :
" Loué soit Jésus-Christ ! Vive le Saint-Père !"

Après un séjour de quelques mois à Viterbe, pour y arranger diverses affaires, Urbain V fit son entrée solennelle à Rome c'était le samedi, 13 octobre 1367. Une foule immense, ivre de bonheur, précédait et suivait le cortége ; c'était un véritable triomphe. Partout flottaient des drapeaux et retentissaient de joyeuses acclamations. On ne se lassait pas de contempler le Pontife que Rome retrouvait, après l'avoir perdu si longtemps, et qu'elle a besoin de posséder pour être véritablement Rome. Urbain V se rendit dans la basilique de Saint-Pierre et alla prier sur le tombeau des saints Apôtres. Ses yeux se mouillèrent de larmes. Il remercia la Providence de l'avoir enfin conduit dans la ville, choisie par Dieu pour être le séjour du Vicaire de Jésus-Christ, et en songeant au long exil de la papauté, il murmura pendant que ses pleurs coulaient :
" Super flumina Babylonis illic sedimus et flevimus, cum recordaremur Sion."
" Nous nous sommes assis au bord des fleuves de Babylone, et là, nous avons pleuré en nous souvenant de Sion."

En ramenant la Papauté à Rome, Urbain avait accompli l'un des principaux desseins qu'il s'était imposés. Son séjour dans la ville éternelle lui permettait de travailler plus efficacement qu'en aucun lieu du monde à la réforme des mœurs et à la propagation de la foi.

Dès les premiers jours de son pontificat, affligé du relâchement des mœurs, suite fatale des guerres qui agitaient l'Europe entière, il s'efforça d'y porter remède. Les princes donnaient l'exemple de tous les crimes. Les soldats, vendant leur épée à qui la payait davantage, ne connaissaient plus ni patrie, ni discipline, ni sentiment du devoir. La corruption morale s'étendant comme une maladie contagieuse avait envahi toutes les classes de la société le clergé lui-même et les moines n'en étaient pas exempts. Les désordres étaient tels que beaucoup d'hommes épouvantés croyaient que le monde allait finir. La grandeur du mal ne découragea pas Urbain V.

Florin d'Urbain V.

Il commença par s'attaquer aux abus qui s'étaient introduits dans la cour pontificale, pour travailler ensuite plus hardiment à corriger les mœurs des clercs et des fidèles. Le rang élevé des coupables n'empêcha jamais le saint Pape de les reprendre de leurs fautes et de les exhorter à changer de vie c'est ainsi qu'il en agit à l'égard de Pierre le Cruel, roi de Castille ; de Pierre, roi de Chypre et de Casimir, roi de Pologne. Il étendit la réforme à un grand nombre de monastères, mais nous devons une mention spéciale à l'oeuvre de rénovation qu'il accomplit au Mont Cassin. L'illustre abbaye en a conservé le reconnaissant souvenir, elle le considère comme son second fondateur.

Urbain V publia, en outre, de nombreux décrets pour là correction des mœurs, et afin d'en assurer l'exécution, il ordonna à plusieurs reprises la tenue des conciles provinciaux et il veilla à leur célébration. On peut citer parmi ses ordonnances les plus utiles celles qu'il rendit contre les usuriers, contre le cumul des bénéfices, contre le luxe, contre l'immodestie des vêtements, contre les hommes de guerre qui vivaient de meurtres et de pillage, au lieu d'observer les lois de l'honneur et la discipline militaire. Il contribua autant que Duguesclin à délivrer la France de ces redoutables armées de mercenaires qu'on appelait les routiers ou grandes compagnies. La sollicitude d'Urbain V s'étendait sur tous les besoins de la société religieuse et de la société civile, l'une et l'autre alors si étroitement unies.

Ce qui ajoutait à l'efncacité de ses infatigables efforts, c'est qu'il prêchait encore plus par ses exemples que par ses paroles. On admirait l'austérité de sa vie, la délicatesse de sa conscience, la ferveur de sa piété. Loin de rechercher le faste, il fit régner, dans son palais, la modestie et la simplicité. Il porta toute sa vie l'habit monastique, et le peuple était touché de le voir, dans les fêtes publiques, vêtu comme un humble moine.

Il conserva jusqu'à la fin de ses jours les habitudes de mortification et de frugalité qu'il avait contractées en observant avec une fidélité scrupuleuse la Règle bénédictine. L'amour des pauvres fut une de ses principales vertus. Quand on servait sur sa table des aliments moins simples que de coutume, il les faisait porter aux indigents. Chaque jour, pendant ses repas, il demandait à ceux qui étaient admis auprès de lui s'ils ne connaissaient pas des malheureux dont personne ne soulageait l'infortune. Il s'empressait alors d'envoyer à ces pauvres abandonnés, de l'argent, de la nourriture et des vêtements. Quelquefois ceux-ci, abusant de sa charité, se présentaient à ses audiences pour solliciter de nouvelles faveurs. Les cardinaux, par prudence, voulaient les éloigner mais le Pape appelait ces malheureux, les écoutait avec patience et ne les renvoyait pas sans leur donner quelque preuve de son affection.

Gisant de saint Urbain V. Collégiale Saint-Martial. Avignon.

Pour consolider les réformes morales que ses exemples et sa parole recommandaient si éloquemment, Urbain V s'appliqua à répandre l'instruction et à favoriser les bonnes études il considérait, avec raison, l'ignorance comme une des causes principales de la corruption des mœurs.

En présence des seigneurs, faisant si peu de cas du savoir qu'ils se vantaient de ne pouvoir pas même signer leur nom, le peuple aurait été plongé dans la barbarie, si l'Eglise ne lui avait pas enseigné les vérités les plus essentielles. Urbain V ranima partout l'amour de l'étude. Il rendit à l'université de Paris son ancien éclat, lui donna de sages règlements et l'aida à devenir cette corporation puissante dont les docteurs furent, plus d'une fois, consultés par les papes et par les rois. Etendant sa sollicitude aux pays du Nord alors si déshérités, il fonda l'université de Cracovie, pour la Pologne et peu de temps après, l'université de Vienne, pour l'Autriche.

Afin de donner une preuve éclatante du prix qu'il attachait au progrès des lettres et des sciences, il entretint, à ses frais, plus de mille étudiants dans les diverses universités de l'Europe, pourvut à leur nourriture, leur fournit des livres et des vêtements. Il fonda à Montpellier le collége de Saint-Germain pour seize étudiants en droit, de l'Ordre bénédictin, et le collége de Saint-Matthieu pour douze étudiants en médecine, du Gévaudan, et il se chargea de leur entretien. Il établit une école de chant à Toulouse et confia à des maîtres habiles le soin d'enseigner la musique à de jeunes enfants qui devaient se faire entendre, pendant la messe solennelle, dans l'église de l'université.

C'est ainsi qu'en multipliant les sources d'instruction, et en facilitant l'accès des hautes écoles à la jeunesse studieuse, Urbain V continuait la tradition des Albert le Grand, des Thomas d'Aquin, de tous ces grands hommes du xIIIe siècle, dont le front brille de la double auréole du génie et de la sainteté.

Si telles étaient les œuvres du bienheureux Pontife pour réformer les mœurs et combattre l'ignorance, avec quelle ardeur ne travaillait-il pas à faire resplendir d'un plus vif éclat les lumières de la foi ? Car c'est bien à lui qu'on peut appliquer les paroles du Psalmiste " Zelus domus comedit nae " : " le zèle de votre maison m'a dévoré ".

Nous rappellerons bientôt ces infatigables efforts pour convertir les infidèles, et pour ramener à l'Eglise les hérétiques et les schismatiques qui s'en étaient séparés. Mais nous ne pouvons pas oublier ce qu'il a fait pour nos contrées catholiques, afin d'y conserver la religion car c'est à cette pensée qu'il faut rapporter les nombreuses églises et les monastères qu'il a construits ou restaurés.

L'abbaye de Saint-Victor, si chère au saint Pontife, devait la première fixer son attention, et, en effet, il y fit faire des travaux considérables ces travaux ont disparu pour la plupart, au milieu des malheurs des temps, néanmoins on voit encore aujourd'hui les restes des anciennes fortifications qu'il avait élevées autour du monastère. L'abside actuelle de l'église de Saint-Victor est la même qu'il fit édifier, et on peut vénérer désormais les vestiges du tombeau dans lequel ses ossements sanctifiés ont reposé pendant plusieurs siècles.

Collégiale Notre-Dame. Fondée par le Bx Urbain V, elle fut bâtie
fortifiée. En 1580, le capitaine Huguenot, prétendument réformé
et réellement barbare, Mathieu Merle, s'en empara, tortura
ignoblement les chanoines qui y servaient et les fit jeter
vivants dans un puits. Bédouès. Gévaudan. France.

Il fit bâtir à Montpellier, sous le vocable de Saint-Benoît et de Saint-Germain, une grande église, aujourd'hui la cathédrale. A Mende, il reconstruisit également la cathédrale sur un plan grandiose, et il fonda, en outre, dans le même diocèse, deux églises collégiales. L'une d'elles se trouvait à Bedouès, petite ville située proche du lieu de sa naissance, et où était le tombeau de sa famille.

Que n'aurions-nous pas à ajouter, si nous voulions faire connaître ce que fit le saint Pape dans d'autres contrées ? Cependant nous devons mentionner, ne fût-ce que pour mémoire, les œuvres innombrables de réédification et de restauration qu'il a accomplies à Rome et en Italie. Depuis plus de soixante années que la Papauté était absente, presque toutes les églises de la cité sainte tombaient en ruine les basiliques elles-mêmes, et notamment celles de Saint-Paul et de Latran, étaient dans le plus grand délabrement. Urbain V se mit résolument à l'œuvre sous.sa puissante impulsion, tout changea bientôt d'aspect, et les Lieux saints devinrent plus dignes de la majesté de Celui à qui ils sont consacrés.

La récognition que le bienheureux Pontife opéra des chefs sacrés des saints apôtres Pierre et Paul, fut pour sa piété l'occasion d'une immense consolation ; il voulut lui-même en faire l'ostension au peuple romain.

Pendant son pontificat, Urbain V approuva quelques Ordres religieux le plus célèbre, à cause du nom de sa fondatrice, est celui qu'établit sainte Brigitte la Sainte veuve vint elle-même à Rome du fond de la Suède, et elle obtint l'approbation qu'elle sollicitait.

Ces œuvres, opérées au milieu du troupeau fidèle, ne suffisaient pas pour satisfaire le zèle du saint Pontife. Le Seigneur avait mis dans son cœur la flamme de l'apostolat, et il avait besoin d'en répandre les ardeurs sur les peuples assis à l'ombre de l'infidélité, du schisme et de l'hérésie. Il envoya des missionnaires dans la Valachie et la Lithuanie. Les religieux, auxquels il confia l'évangélisation de la Bulgarie, baptisèrent, en peu de temps, plus de deux-cent mille personnes. Un évêque franciscain et vingt-cinq religieux de son Ordre se répandirent dans la Géorgie et les contrées voisines. Urbain V créa un archevêque de Cambalù ou de Pékin, et l'envoya, accompagné de plusieurs Frères Mineurs, en Chine et en Tartarie. Il écrivit même au redoutable Tamerlan pour lui recommander les prédicateurs de l'Evangile qui parcouraient son vaste empire, et pour le remercier de s'être montré favorable aux chrétiens qui vivaient sous sa domination.

Mais rien n'égale les efforts de notre Bienheureux pour faire cesser le schisme funeste qui avait séparé l'Eglise grecque du centre de l'unité. L'empereur d'Orient, Jean Paléologue, cédant à ses pressantes instances, se rendit à Rome avec l'impératrice Hélène Cantacuzène. Après de nombreuses conférences avec le souverain Pontife, il abjura le schisme, le jour de saint Luc, 18 octobre 1369, et fit solennellement profession de la foi catholique.

Jean V Paléologue, empereur de Byzance. Manuscrit grec. XVe.

Cet événement remplit de joie le cœur d'Urbain V. Il l'annonça au monde chrétien et supplia les Grecs d'imiter l'exemple que venait de leur donner l'empereur :
" Si Dieu nous accordait cette grâce, leur disait-il, que, sous notre Pontificat, l'Eglise latine et l'Eglise d'Orient pussent se réunir après avoir été si longtemps séparées, nous fermerions volontiers les yeux à la lumière, et nous dirions, comme le saint vieillard Siméon : " Maintenant, Seigneur, laissez aller en paix votre serviteur, car mes yeux ont vu votre salut "."

Un grand mouvement religieux agita les autres Orientaux. Le patriarche des Nestoriens vint de Mossoul à Rome pour s'incliner sous la bénédiction du Pape et plusieurs princes d'Albanie et de Moldavie abjurèrent le schisme et rentrèrent dans le giron de l'Eglise catholique.

Malheureusement, il y avait des peuples qui résistaient à tous les efforts tentés pour les amener à la vraie foi. C'étaient les peuples Musulmans fiers de leurs rapides succès, ils nourrissaient l'espérance de soumettre la terre entière à la loi de Mahomet. Urbain V pressentait les dangers qui menaçaient la chrétienté. Il entendait, pour ainsi dire, le bruit des escadrons ottomans qui allaient se précipiter sur Constantinople. Il aurait voulu empêcher un tel désastre et armer contre l'ennemi commun tous les princes de l'Occident. Dès le vendredi saint de l'année 1363, il avait publié la croisade contre les Turcs et supplié les chrétiens d'aller porter un prompt secours à leurs frères d'Orient.

Le roi de France, Jean le Bon, et le roi de Chypre, Pierre de Lusignan, avaient reçu la croix des mains du souverain Pontife et juré de délivrer le saint Sépulcre. Il semblait que le vieux cri " Dieu le veut ! Dieu le veut !" allait retentir dans toute l'Europe, comme aux jours de Pierre l'Ermite et de Godefroi de Bouillon ; la mort du roi de France déconcerta tous les plans d'Urbain V, diminua le nombre des croisés et retarda leur départ. Lorsque Pierre de Lusignan quitta le port de Venise, il n'emmenait avec lui que douze mille hommes. Cette petite armée fit des prodiges de valeur et prit d'assaut Alexandrie. Mais ce brillant fait d'armes fut sans résultat. Le découragement s'empara bientôt des Croisés, et la plupart revinrent dans leurs foyers.

Jean II, le Bon, roi de France. Il mourut captif en Angleterre en 1364.

Urbain V redoubla d'instances auprès des princes chrétiens ils restèrent sourds à sa voix. Ils ne voulurent pas oublier leurs querelles particulières pour se liguer contre l'ennemi redoutable qui allait se jeter sur l'Europe, après avoir soumis à son joug de fer l'Egypte et la Palestine.

Quels secours auraient pu apporter aux chrétiens d'Orient la France et l'Angleterre, si elles avaient uni leurs forces. Mais ces deux nations rivales luttaient avec acharnement, l'une pour l'intégrité de son territoire, l'autre pour l'agrandissement de sa puissance. Si Urbain V étendait sa sollicitude sur tous les peuples de l'Europe, il n'oubliait pas que la France était sa patrie. Son coeur était navré lorsqu'il apprenait que le sang français coulait dans d'héroïques combats. Dieu, sans doute, avait donné à la France un grand capitaine, le connétable Duguesclin, et, en Guyenne comme en Bretagne, nos ennemis reculaient devant ses armes victorieuses ; mais chaque succès était chèrement acheté. Déjà le canon, que les progrès de la civilisation auraient dû faire disparaître, et qu'ils n'ont fait que perfectionner, amoncelait les cadavres sur le champ de bataille. Urbain V résolut de s'interposer entre les rois de France et d'Angleterre. Il espérait qu'ils n'oseraient pas continuer la lutte lorsqu'il les supplierait lui-même de déposer les armes. Tel fut un des principaux motifs qui le détermina à quitter Rome, quoique affaibli par la maladie il aurait voulu décider les deux plus puissants rois de la chrétienté & conclure un traité de paix et à se liguer contre les Musulmans. La mort ne luipermit pas d'accomplir cette œuvre de pacification.

Accueilli à Marseille, avec du transports de joie, il ne put aller au-delà d'Avignon. Sentant sa fin prochaine, il voulut, par humilité, quitter le palais apostolique et il se fit porter dans la maison de son frère, au pied de ces hautes tours où il avait reçu tant d'honneurs. Il demanda qu'on ouvrît les portes et qu'on permît au peuple de circuler autour de son lit :
" Il faut qu'il puisse voir, disait-il, comment les Papes meurent."

Après avoir reçu les sacrements des mourants et recommandé son âme à Dieu, il rendit le dernier soupir, tenant la croix entre ses mains ; c'était le jeudi 19 décembre 1370, vers trois heures après midi. Il était dans sa soixante-et-unième année.

La nouvelle de la mort du saint Pape se répandit rapidement et elle produisit une affliction générale, mais il s'éleva, en même temps, dans l'Europe entière, comme un concert unanime de louanges pour redire la sainteté de sa vie, les œuvres immortelles qu'il avait accomplies, et la grandeur de sa foi et de sa charité dont l'efficacité s'était fait sentir jusqu'aux extrémités du monde.

Statue du bienheureux Urbain V. Mende. Gévaudan.

CULTE ET RELIQUES

Les obsèques solennelles du bienheureux Pape eurent lieu trois jours après sa mort, an milieu d'un grand concours de peuple ; et ce jour-là même, Dieu se plut à faire éclater la sainteté de son illustre Pontife par des prodiges de toute sorte. Le corps d'Urbain V fut enseveli devant l'autel de la basilique de Notre-Dame-des-Doms, à Avignon.

Dix-huit mois après, le 31 mai 1372, ses vénérables restes furent exhumés et transférés à Marseille, où les religieux de Saint-Victor les placèrent dans un magnifique tombeau. Des fouilles furent pratiquées dans cette église à la fin du XIXe siècles, mais leur insuccès incline à craindre que les Vandales de 1793 n'aient dissipé ses reliques.

Les peuples rendirent spontanément à ce saint Pape l'honneur que l'on rend aux Saints. Partout on grava son image ; le nimbe sacré ornait son front, et le titre de Saint ou de Bienheureux était inscrit au bas. Cette dévotion avait fait des progrés si rapides que, quatre ans après la mort du bienheureux Urbain V, les murs de l'église de Saint-Victor étaient littéralement couverts d'ex-voto.

La demande de la canonisation fut faite au pape Grégoire XI, son successeur mais les agitations du moment l'empêchèrent de poursuivre cette affaire. On revint à la charge auprès de Clément VII, qui siégeait à Avignon, et ce pontife confia à plusieurs prélats et autres personnages capables le soin de faire l'enquête des vertus et des miracles. De toutes les informations qui furent prises alors, on dressa un long procès-verbal, dont le manuscrit original existe encore à Rome, à la bibliothèque du Vatican. De nouveaux troubles qui survinrent furent cause que le Saint-Siége n'a pu, à cette époque-là, porter un jugement définitif.

Cependant, la dévotion au bienheureux Urbain V a toujours persévéré et quoiqu'à travers le long espace de cinq cents ans elle ait eu beaucoup à souffrir des injures du temps, il en est resté jusqu'à nos jours des vestiges assez respectables. C'est pourquoi notre saint Père le pape Pie IX, sollicité par une vingtaine d'évoqués de France et d'Italie, a daigné confirmer d'une manière canonique et solennelle )e culte rendu à notre Bienheureux. Le décret pontifical porte la date du 10 mars 1870. On fait son office, dans le diocèse de..Marseille, sous le rite double, le 19 décembre.

Cette biographie est extraite du " Mandement de Mgr Charles Philippe Place, évêque de Marseille, à l'occasion de la confirmation du culte du bienheureux pape Urbain V " (décembre 1870), et de la " Vie du bienheureux Urbain V, pape " par M. l'abbé Charbonnel. (Marseille, chez Mabilly, éditeur, 1871).

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