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mardi, 07 novembre 2023

7 novembre. Saint Willibrord, apôtre de la Frise, de la Zélande, de la Flandre et du Brabant. 738.

- Saint Willibrord, apôtre de la Frise, de la Zélande, de la Flandre et du Brabant. 738.

Pape : Saint Grégoire III. Roi des Francs : Thierry IV.

" C'est à la moisson qu'ils savent faire des âmes que l'on juge de la vertu des prédicateurs."
Saint Grégoire le Grand.


Saint Willibrord. Peinture sur bois.
Eglise Saint-Willibrord. Gravelines. Flandres.

Né en Northumbrie, Angleterre, 658 ; mort à Echternach, Luxembourg, 739. Son nom indique qu'il est de lignée Saxonne (Willi est une grande divinité de la mythologie nordique ; brord indique " sous la protection de ").

Willibrord, premier archevêque d'Utrecht, est un des missionnaires envoyés par les Chrétiens Anglo-saxons un siècle après qu'ils aient eux-même été christianisés par des missionnaires dans le Sud et l'Est de l'Angleterre, venus de Rome et du Continent, et par le nord et l'ouest via les peuples Celtiques d’Écosse, Irlande et Pays de Galles.

Notre information sur Willibrord provient de Bède le Vénérable (Histoire de l'Eglise et du peuple Anglais, 5, 10-11.) et d'une biographie de son jeune parent, le bienheureux Alcuin, ministre de l'éducation sous l'empereur Charlemagne. Willibrord naquit en Northumbrie vers 658, et étudia en France et en Irlande.

Bien que leur nom de famille était clairement païen, ses parents étaient Chrétiens. Le père de Willibrord était un si pieux Chrétien qu'à ses frais, il fonda un petit monastère près de la mer et partit y vivre.


Basilique Saint-Willibrord : ancienne abbatiale bénédictine fondée
par saint Willibrord. Echternach, Grand-duché de Luxembourg.

Comme beaucoup d'enfants de l'époque, à 7 ans, Willibrord fut envoyé dans un autre monastère, à Ripon, pour y être éduqué sous saint Wilfrid. (La Règle de saint Benoît parle d'oblats offerts au monastère par leurs parents. La mère de Willibrord était soit morte, soit avait pris le voile.

A cette époque, les moines interprétaient fort librement leur vœu d'attachement à une communauté, et nombre d'entre eux partaient complèter leur éducation en Irlande, si célèbre pour son érudition. Durant 12 ans, Willibrord étudia à Rathmelsigi sous les Saints Egbert et Wigbert, et y fut ordonné prêtre en 688.

C'est à Rathmelsigi que commence la véritable histoire de Willibrord, car Egbert avait un but favori qu'il partageait avec nombre de ses moines. Il planifiait d'envoyer des missionnaires sur le Continent, et en particulier auprès des païens Germains en Frise. C'était une excellente opportunité pour gagner un peuple entier à Dieu, et aussi pour gagner la couronne du martyr. Willibrord, âgé de 32 ans, fut choisit par Egbert pour diriger 11 autres moines Anglais, par delà la Mer du Nord jusqu'en Frise.


Saint Willibrord. Troparium epternacense prov. de sacramentarium. Xe.

On décrit Willibrord comme plus petit que la moyenne et joyeux. Il apprenait vite une langue, avait bonne éducation, soif d'aventure, et un grand sens de l'humour. Et surtout, Foi, espérance et charité.

A l'automne 690, les 12 arrivèrent à Katwijk-aan-Zee, à l'une des embouchures du Rhin. De là ils suivirent le fleuve jusque Wij-bij Durstede (Hollande), et cherchèrent Pépin II d'Herstal, maire du palais de Clovis II, roi des Francs. Pépin venait juste d'arracher la Basse Frise au duc païen Radbod, considéré comme un ours sauvage, qui régnait en tyran sur des étendues de boues sablonneuses et empoisonnait ses ennemis.

A peine avait-il rencontré Pépin et reçut son soutien pour la conversion des Frisons, qu'il partit pour Rome afin de demander conseil au pape Serge Ier, et recevoir ses ordres pour la mission. Avant son départ, il fut consacré pour cette oeuvre par ce pape.

Pour sa seconde visite à Rome, en 695, Willibrord arriva à convaincre le pape Serge II que la jeune mission avait besoin d'un évêque indépendant tant de York que de Pépin II ; et Serge, pour sa part, réalisa que la seule personne capable de remplir une telle tâche, qui nécessitait autant de tact que d'énergie, était Willibrord.


Consécration de saint Willibrord. Gravure du XVIIIe.

Et c'est ainsi qu'il fut consacré archevêque le 22 novembre - le jour de la fête de sainte Cécile, dans l'église Sainte-Cécile. Probablement parce qu'un Sicilien ne parvenait pas à prononcer convenablement " Willibrord ", Serge insista pour changer le nom du saint en " Clément ", un choix qui pourrait avoir été influencé par la douceur flegmatique de l'Anglois. Serge le renvoya dans son troupeau, avec quelques reliques et le titre d'archevêque des Frisons.

De retour dans ses brumes nordiques, Clément-Willibrord, qui utilisait rarement son nom latin, créa son siège à Utrecht. Ainsi, il inaugura une colonie anglaise en Europe continentale, qui eut une forte influence religieuse durant 100 ans.

Au contraire des évêchés modernes, remplis d'administrateurs et d'équipement, l'archiépiscopat de Willibrord était vivant. Il était sans arrêt en chemin, comme ses moines missionnaires, prêchant de village en village. Progressivement, il fonda dans chaque hameau une paroisse, avec son propre prêtre et les liturgies illuminées par l'esprit Bénédictin. Willibrord et saint Boniface de Crediton furent ensemble responsables de l'institution de chorepiscopi, " évêques régionnaires ", dans cette partie de l'Europe occidentale, afin de les aider dans leur travail.

Willibrord était adroit pour traiter avec les puissants du lieu, qui avaient les terres, l'argent et la puissance nécessaire pour soutenir son œuvre. Il utilisa ces grands, en fit des serviteurs de l’Évangile, mais ne leur fut jamais subordonné, ni prêt à donner sa bénédiction pour leurs folies. Il obtint d'eux de grandes étendues de terres qu'il transforma en villages et paroisses, comme Alphen dans le nord Brabant. Avec leur argent, il fonda des monastères qui servirent de centres d'illumination intellectuelle et religieuse.

Willibrord était apparemment opposé au travail des Culdees, qu'il rencontra.

 


Église Saint-Willibrord. Gravelines. Flandres.

Vers 700, il fonda un second important centre missionnaire, à Echternach, sur les bords de la Sure, dans l'actuelle jonction entre le Grand-Duché de Luxembourg et l'Allemagne. Il continua à évangéliser, en particulier la zone nord des pays de l'actuel Benelux, bien qu'il semble qu'il aie aussi exploré le Danemark et peut-être la Thuringe (Haute Frise). Un jour, il faillit mourir en mission - il fut attaqué par un prêtre païen à Walcheren, pour avoir détruit une idole.

C'est en 714 que Willibrord baptisa Charles Martel, le fils de Pépin le Bref.

Durant la période 715-719, Willibrord expérimenta des revers durant la révolte des Frisons contre les Francs. A la mort de Pépin 2, le 16 décembre 714, le duc Radbod, qui lui avait fait allégeance mais n'avait jamais été convertit, envahit les territoires qu'il avait perdus contre Pépin d'Herstal. Il massacra, pilla, brûla et vola tout ce qu'il put trouver portant la marque Chrétienne.


Tombeau de saint Willibrord.
Basilique Saint-Willibrord. Grand-duché de Luxembourg.

Mais bien vite, la querelle de succession interne à la famille de Pépin ayant été résolue par l'habileté de Charlemagne, Radbod et ses alliés de Neustrie furent battus par Charlemagne et ses Austrasiens, dans la forêt de Compiègne, le 26 septembre 715. Il y aura encore d'autres soulèvements jusqu'à la mort de Radbod en 719, mais Willibrord et ses missionnaires seront à même de réparer les dégâts et de renouveler leur œuvre. Vers 719, Boniface les rejoignit et travailla avec eux en Frise durant 3 ans, avant de partir pour la Germanie.

La réussite missionnaire de Willibrord ne fut pas spectaculaire - la rapidité et le nombre des conversions ont été exagérées par les auteurs postérieurs - mais ce furent de solides fondations posées ; " sa charité était manifeste dans son incessant travail quotidien pour l'amour du Christ " (Alcuin). On l'appelle l'Apôtre des Frisons.

Il mourut alors qu'il faisait retraite à Echternach, le 7 novembre 739. Son maigre corps fut placé dans un sarcophage de pierre, que l'on peut toujours y voir.

Durant le début du VIIIe siècle, un moine d'Echternarch composa un calendrier des saints, dont nombre étaient en relation avec les passages de la vie de Willibrord. Le Calendrier de saint Willibrord est à présent à la Bibliothèque Nationale à Paris, manuscrit latin ms. 10.837, et est du plus haut intérêt pour les étudiants en hagiographie ; à la date du 21 novembre 728 (folio 39) on trouve plusieurs lignes autobiographiques rédigées par Willibrord en personne, donnant les dates de son arrivée en France et son ordination comme évêque. (Attwater, Delaney, Encyclopaedia, Grieve, Verbist).


Buste reliquaire de saint Willibrord.
Eglise Saint-Willibrord. Gravelines. Flandres.

Dans l'art, l'emblème de Saint Willibrord est un tonneau sur lequel il pose sa croix. L'abbaye d'Echternach est derrière lui, et il est vêtu de la tenue épiscopale. On trouve aussi les variantes suivantes :
1. en tenue épiscopale, il pose sa croix sur une source, avec un tonneau, 4 flacons, et l'abbaye en arrière-plan ;
2. évêque portant un enfant, ou avec un enfant à proximité ;
3. évêque avec la cathédrale d'Utrecht derrière lui ;
4. en moine, avec un bateau et un arbre.

On l'invoque contre les convulsions et l'épilepsie (Roeder).

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jeudi, 28 septembre 2023

28 septembre. Saint Wenceslas, duc de Bohême, martyr à Boleslaw, près de Prague. 936.

- Saint Wenceslas, duc de Bohême, martyr à Boleslaw, près de Prague. 936.
 
Pape : Léon VII. Roi de France : Louis IV d'Outremer.
 
" La vie des bons est toujours à charge à ceux dont les moeurs sont corrompus."
Saint Grégoire le Grand.
 

Saint Wenceslas.

Wenceslas nous rappelle, au Cycle sacré, l'entrée d'une valeureuse nation dans l'Eglise. Boulevard avancé du monde slave au milieu de la Germanie, les Tchèques en furent de tout temps la tribu la plus résistante. On sait quel caractère de périlleuse âpreté, mais aussi d'énergie féconde, revêtent en nos jours les revendications sociales de ce peuple, affermi, semble-t-il, contre toute épreuve par la lutte pour la vie des premiers siècles de son histoire.
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La foi de ses apôtres et de ses martyrs, la foi romaine, sera le salut comme elle est l'union des pays de la couronne de saint Wenceslas. L'hérésie, qu'elle naisse du sol avec les Hussites, qu'elle soit importée d'Allemagne avec les Réformés de la guerre de trente ans, ne sait que mener la nation aux abîmes ; puissent les avances du schisme et ses flatteries intéressées ne jamais lui devenir funestes ! Le petit-fils de la sainte martyre Ludmilla, le grand-oncle de l'évêque moine et martyr, Adalbert, Wenceslas, lui aussi martyr, convie ses fidèles à s'attacher à lui dans l'unique voie où se trouvent l'honneur et la sécurité de ce monde et de l'autre.
 

Statue de saint Wencesla à Prague.

La conversion de la Bohême remonte aux dernières années du IXe siècle, où saint Méthodius baptisa Borzivoi, premier duc chrétien de la descendance de Prémysl, et son épouse sainte Ludmilla. La réaction païenne autant que fratricide qui valut en 936 la couronne du martyre à saint Wenceslas ne se soutint pas.

Wenceslas, duc de Bohème, naquit de Wratislas et de Drahomira, celle-ci païenne, celui-là chrétien. Il fut élevé dans la piété par sa très sainte aïeule Ludmilla ; toutes les vertus brillaient en lui ; il garda précieusement toute sa vie la virginité. Or, sa mère ayant criminellement fait mourir Ludmilla, s'empara de l'administration du royaume, et elle vivait dans l'impiété avec son plus jeune fils Boleslas ; d'où indignation des grands qui, fatigués de ce gouvernement tyrannique et impie, secouèrent le joug de l'un et de l'autre, et saluèrent Wenceslas comme roi dans la ville de Prague.


Saint Wenceslas. Monnaie Tchèque.

Conduisant le royaume plus par la bonté que par l'autorité, telle était sa grande charité pour les orphelins, les veuves, les nécessiteux, que quelquefois il portait de nuit aux indigents du bois sur ses épaules, que souvent il assistait à la sépulture des pauvres ; il délivrait les captifs, visitait au milieu de la nuit les prisonniers, les aidant fréquemment de ses dons et de ses conseils. Toute condamnation à mort, si méritée qu'elle fût, atteignait cruellement l'âme du très doux prince. Souveraine était sa religieuse vénération pour les prêtres ; de ses mains il semait le blé et pressait le vin destinés au sacrifice de l'autel. La nuit, nu-pieds sur la neige et la glace, il faisait le tour des églises, laissant après lui des traces sanglantes sur la terre réchauffée.

Les anges veillaient sur sa vie. Comme, pour épargner le sang des siens, il s'avançait en combat singulier contre Radislas, duc de Gurim, on vit ces esprits célestes lui fournir des armes et dire à l'adversaire : " Ne frappe pas !". Epouvanté, celui-ci tomba à ses pieds, demandant grâce. Dans un voyage qu'il fit en Germanie, l'empereur aperçut, au moment où il se présentait à lui, deux anges qui l'ornaient d'une croix d'or ; s'élançant aussitôt de son trône, il reçut le Saint dans ses bras, le décora des insignes royaux et lui fit don du bras de saint Vite. Cependant, poussé par sa mère, l'impie Boleslas, ayant invité son frère à un festin, le tua, avec l'aide de complices, comme il priait ensuite à l'église, n'ignorant point la mort qu'on lui préparait. Son sang jaillit sur les murs, et on l'y voit encore. Dieu le vengea : la terre engloutit l'ignoble mère ; les meurtriers périrent misérablement de diverses sortes.


Statue de saint Wenceslas à Prague.
 
PRIERE
 
" Cette église où vous fûtes couronné, Ô Martyr, était celle des saints Côme et Damien, dont la fête vous avait attiré vous-même au lieu du triomphe (Christian de Scala, fils du fratricide Boleslas le Cruel et neveu du Saint, qui, devenu moine, écrivit la vie de saint Wenceslas avec celle de sainte Ludmilla).
 
Comme vous les honoriez, nous vous honorons à votre tour. Comme vous encore, nous saluons l'approche de cette autre solennité qu'annonçaient vos dernières paroles, au festin fratricide :
" En l'honneur du bienheureux Archange Michel, buvons cette coupe, et prions-le qu'il daigne introduire nos âmes dans la paix de l'allégresse éternelle." (Ibid.).

Tout sublime, quand déjà vous teniez en mains le calice du sang ! Ô Wenceslas, pénétrez-nous de cette intrépidité dont l'humble douceur ne dévie jamais, simple comme Dieu à qui elle tend, calme comme les anges à qui elle se confie. Secourez l'Eglise en nos jours malheureux : tout entière, elle vous glorifie ; tout entière, elle a droit de compter sur vous. Mais, spécialement, gardez-lui le peuple dont vous êtes la gloire ; fidèle comme il l'est à votre mémoire sainte, se réclamant de votre couronne en toutes ses luttes de la terre, les écarts pour lui ne sauraient être mortels."

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jeudi, 20 juillet 2023

20 juillet. Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 689.

- Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 689.
 
Pape : Saint Serge Ier. Roi des Francs : Thierry III.
 
" C'est ravir une belle proie au monde que de travailler à s'arracher de lui."
S. Eus. Emiss., serm. de Castigat.
 

Eglise Saint-Omer. Wierre-au-Bois. Boulonnais. XVIIe.

Au commencement du VIIe siècle de l'ère Chrétienne, sur le territoire du Boulonnais, et dans un lieu nommé " Sylviacum ", aujourd'hui " Samer " (Pas-de-Calais), naquit de parents Chrétiens et nobles un homme que ses vertus éclatantes et sa sainteté admirable devaient placer au rang des Saints. Walhert et Dude, ses parents, avaient encore un autre fils, auquel ils avaient donné le nom de Wamer.
 
La jeunesse du Saint se passa dans la résidence féodale de ses pères, au milieu des occupations toutes barbares encore des anciens Francs. Mais Dieu, dont les secrets sont impénétrables, se sert de toutes sortes de moyens pour parvenir à ses fins : comme il avait dessein de couronner un jour Wilmar d'une gloire immortelle, il l'humilia d'abord pour l'élever ensuite à ce haut degré d'honneur.

Le jeune franc rechercha en mariage une noble fille nommée Osterhilda, ignorant qu'elle avait été promise à Wilmer, un de ses compatriotes. Il était au moment de voir ses voeux accomplis, quand, en vertu du droit des fiançailles, son rival recourut au roi des Francs.
 
Celui-ci le soutint dans ses prétentions, et, sur son ordre, Wilmar dut renoncer à celle que son coeur avait choisi. Froissé dans ses plus tendres affections, le jeune homme prit en dégoût le monde, qui s'ouvrait à lui avec de telles déceptions; et, brisant tout ce qui pouvait encore l'attacher à la vie du siècle, il résolut de se consacrer à Dieu dans la nuit et l'obscurité du cloître.

Ainsi donc, la Providence l'humilia aux yeux du monde, pour l'exalter à la vue des Anges, s'emparer entièrement de son coeur et l'attirer plus fortement au service de Jésus-Christ.

Wilmar partit sur-le-champ et se rendit en Hainaut, vers le monastère de Hautmont, où l'abbé le reçut avec la plus grande bienveillance (642). A peine fut-il revêtu des livrées du Seigneur, que l'on put remarquer en lui un changement extraordinaire.

Ce n'était plus ce barbare au regard fier et audacieux, ce courtisan assidu de son prince ; cet homme qui avait de vaines complaisances pour le siècle. Prosterné aux pieds des autels du Christ, son véritable roi et son maître, il apprenait à mourir aux choses de la terre. C'était alors qu'il pouvait dire, avec le grand Apôtre :
" Le monde est crucifié au fond de mon coeur, et je le suis au monde."
 

Eglise Saint-Martin de Samer. Une partie des reliques
de saint Wulmer y sont vénérées. Boulonnais.

Voilà quels durent être les sentiments de Wilmar nouvellement converti ; mais ce n'était que le commencement d'un changement si heureux. Pour éprouver le jeune novice, et voir si sa vocation venait d'en haut, l'abbé s'appliqua d'abord à lui faire pratiquer les vertus les plus difficiles : l'humilité de Jésus-Christ, le mépris de soi-même, et le renoncement à sa propre volonté.

Il avait bien compris qu'à l'ombre du cloître il n'était plus question de rang ou de condition, que là il n'y avait plus de pauvre ni de riche, de serf ni de suzerain ; parce qu'entre l'âme de l'esclave et celle de l'homme libre, il n'y a point de différence devant Dieu. Aussi, soumis et obéissant à ceux qui devaient le guider dans la voie du salut, pratiquait-il avec bonheur les conseils les plus sublimes de la perfection évangélique.

Son supérieur lui donna la conduite des boeufs et lui confia le soin d'aller chercher tout le bois nécessaire pour les besoins du monastère. Wilmar s'acquitta de ces pénibles fonctions avec tant de joie et de ferveur, que toute la communauté en fut extrêmement édifiée.

Son zèle alla plus loin encore ; car, se levant la nuit et entrant doucement dans la grande chambre du dortoir, il enlevait les chaussures des frères, pour les nettoyer. L'abbé, à qui ceux-ci donnèrent connaissance du fait, fut fort édifié de tant de simplicité de coeur et de charité. Voulant en connaître l'auteur, il veilla lui-même secrètement, et parvint à le découvrir. Wilmar, en effet, s'étant approché de la cellule de son supérieur, pour lui rendre furtivement le même service, fut aussitôt saisi par la main, et reçut l'ordre de déclarer à l'instant qui il était. Interdit et confus à celte demande, mais pressé par l'obéissance qu'il devait à son supérieur, le serviteur de Dieu répondit à regret qu'il était ce jeune homme venu des bords de la mer, et à qui il avait donné depuis quelque temps le saint habit de la religion.

L'abbé, heureux de voir tant de modestie dans un si jeune religieux, lui dit :
" Allez, mon fils, faites ce que vous souhaitez."
C'était l'autoriser à continuer son humble et pieux exercice. Toutefois, pour ne pas offenser sa modestie, il ne révéla cette action qu'après le départ de Wilmar.

Telles étaient donc chaque jour les occupations par lesquelles l'athlète du Christ s'exerçait à la pratique des vertus chrétiennes, dans l'abbaye de Hautmont. Mais le Ciel, qui avait sur lui des vues plus grandes, et qui voulait le réserver pour la conduite des âmes et la fondation d'un nouveau monastère, ne permit pas qu'il restât plus longtemps chargé de ces humbles fonctions. L'Esprit-Saint, qui s'était fait de cet homme un temple choisi, lui inspira la pensée de se livrer à l'étude des lettres, afin de le mettre à même de rendre de plus grands services à l'Eglise de Dieu. Wulmer, docile à l'inspiration de la grâce, se fit initier par les frères à cette étude, dont il ignorait même les premiers principes. Sans se relâcher en rien de son exactitude à accomplir les autres travaux qui lui étaient imposés, il donnait à ce nouveau genre d'occupation tout le soin dont il était capable.


Eglise Saint-Martin. Condette. Boulonnais. XVIe.

Un jour cependant, selon son habitude, conduisant son chariot dans la forêt voisine, il marchait devant ses boeufs, tenant en main ses tablettes et étudiant avec ardeur. La méditation profonde dans laquelle il était plongé l'absorbait tellement, que son chariot s'arrêta sans qu'il s'en aperçût. Après avoir ainsi cheminé seul quelque temps, il tourna instinctivement la tête, et vit ce qui lui était arrrivé. Alors, comprenant l'avertissement qui lui venait d'en haut, il retourne sur ses pas, ramène son attelage, et s'occupe uniquement du labeur qui lui était confié. L'abbé, ayant appris le fait, et reconnaissant l'impossibilité d'allier ensemble le travail des mains et celui de l'esprit, donna à un autre le soin d'aller chercher le bois, et ordonna à Wilmar de s'appliquer exclusivement à l'étude des lettres. Les progrès rapides qu'il fit en peu de temps, ainsi que les bons exemples qu'il donnait à la communauté, par son humilité et sa douceur, engagèrent l'abbé à l'élever à la dignité sacerdotale.

Quand, prosterné sur les dalles du sanctuaire, le front incliné sous la main du pontife consécrateur, Wilmar se releva prêtre, il sentit tout le poids du fardeau que cette dignité faisait peser sur lui. Le grand honneur et le profond respect que sa sainteté lui attirait de la part des frères, effrayait son humilité.

Dès ce moment, une résolution sublime fut prise par Wilmar. Le silence du cloître, l'abnégation de la vie cénobitique, ne suffisaient plus à son âme. Consacré désormais au service de Jésus crucifié, il sentait le besoin de se retremper dans une vie plus dure et plus solitaire. C'est pourquoi il pria fortement son abbé de lui permettre de se retirer dans quelque affreuse solitude, pour ne penser qu'à Dieu seul et y vivre inconnu de tous. Sa vertu et son mérite lui firent obtenir facilement ce qu'il souhaitait avec tant d'ardeur. Aussi, après s'être prosterné aux pieds de son supérieur pour recevoir sa bénédiction, il partit emportant les regrets de tous les religieux.

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