dimanche, 11 août 2024
11 août. Sainte Suzanne de Rome, Martyre. 295.
- Sainte Suzanne, martyre à Rome. 295.
Pape : Saint Caïus. Empereur romain d'Orient : Dioctétien. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule.
" Ce monde est digne de mépris, même lorsqu'il flatte et qu'il caresse le cœur par la prospérité."
Saint Grégoire le Grand.
Sainte Suzanne. Bois polychrome.
Eglise Sainte-Suzanne. Sainte-Suzanne. Maine. XVIe.
Sainte Suzanne était fille de saint Gabinius et nièce de saint Caïus, pape, son frère, qui étaient d'une race très illustre et proches parents de l'empereur Dioclétien. Son père, qui, depuis sa naissance, s'était fait prêtre, l'eleva avec beaucoup de soin dans la crainte de Dieu et dans l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, et, étant devenue grande, elle se consacra entièrement elle-même à son service, et résolut de n'avoir jamais d'autre époux que le Roi des Vierges et des âmes saintes.
Il arriva cependant que Valérie, fille de Dioclétien, que Maximien-Galère avait épousée, mourut et cet empereur, lui voulant donner une autre femme de sa parenté, jeta pour cela les yeux sur Suzanne, dont l'esprit, la sagesse et la beauté étaient extraordinaires et ravissaient tout le monde. Il savait que Caïus, son oncle, était le souverain Pontife des chrétiens, et que Gabinius, son père, était prêtre mais, en ce temps-là, il ne s'était pas encore élevé contre son propre sang, et il n'était pas si ennemi des fidèles qu'il ne préférât l'établissement et l'agrandissement de sa maison et de ses parents à la ruine du Christianisme.
Dans cette pensée, il appela un seigneur romain, nommé Claude, qui était aussi son cousin, et qui touchait encore de plus près aux deux frères, le père et l'oncle de Suzanne, et le pria d'aller chez Gabinius et de lui faire honnêtement la proposition du mariage de sa fille avec Maximien. Claude se tint fort honoré de cette mission, et s'en chargea avec joie. Il vint donc trouver Gabinius, et lui proposa l'affaire qu'il croyait lui devoir être très agréable.
Le saint prêtre ne le rebuta pas, mais lui demanda seulement quelques jours de délai pour en parler au Pape et a sa fille. Ils en conférèrent donc ensemble, et d'abord ces bienheureux frères n'étaient pas éloignés de consentir à l'alliance que l'empereur souhaitait, dans la vue qu'elle pouvait rendre ce prince, et Maximien, son gendre, qui'lui devait succéder, plus favorables aux chrétiens. Mais Notre-Seigneur, qui ne voulait pas établir sa religion par ces moyens humains et politiques, donna une autre pensée à Suzanne. Elle leur déclara donc " que, selon les bonnes instructions qu'elle avait reçues de leur charité, elle s'était consacrée au Roi des rois et qu'elle n'aurait jamais d'autre époux que lui quand elle n'aurait pas résolu de garder inviolablement sa chasteté, elle ne voudrait pas épouser un homme souillé par les abominations de l'idolâtrie et par le massacre d'un nombre infini de chrétiens, comme était Maximien, qui avait souvent pris part à la persécution que Dioclétien leur avait faite ainsi, elle les suppliait de rompre entièrement tous ces pourparlers de mariage ". Caïus et Gabinius louèrent infiniment sa résolution et l'exhortèrent à y persévérer constamment, sans que ni les promesses, ni les menaces, la fissent jamais changer de résolution.
Sainte Suzanne. Gravure italienne. XVIIe.
Claude étant revenu après trois jours répéta, en présence du Pape, la proposition qu'il avait faite. Les saints frères lui dirent qu'il fallait voir là-dessus la volonté de la jeune fille, et la firent en effet appeler sur-le-champ. Lorsqu'elle entra dans la chambre, Claude la voulut baiser par honneur comme sa parente mais elle le repoussa lui disant que sa bouche n'avait jamais été souillée d'aucun baiser d'homme, et qu'elle n'avait garde d'en recevoir un d'une personne que le culte des faux dieux et le meurtre des chrétiens rendaient sale et abominable devant Dieu. Claude, surpris de ces paroles, s'excusa de son action, sur ce qu'il lui avait semblé qu'étant son proche parent, il pouvait bien user de cette familiarité avec elle. Et, pour ce qui était des souillures qu'elle lui imputait, il la prit de lui dire par quels moyens il en pourrait être délivré :
" Ce sera, répondit Suzanne, en faisant pénitence, et en recevant le saint baptême."
Caïus et Gabinius appuyèrent ce discours, et parlèrent si efficacement à ce seigneur des avantages de notre religion, que, ne se mettant plus en peine de sa mission, il embrassa le Christianisme et se fit baptiser, avec Prépédigne, sa femme, et deux fils qu'il avait nommés Alexandre et Cuthias.
Cependant, l'empereur ne recevant point de réponse de la proposition qu'il lui avait envoyé faire à Gabinius, s'informa du sujet de son retard. On lui dit qu'il était tombé malade, et que cela l'avait empêché de venir trouver Sa Majesté ; l'empereur, qui l'aimait, et qui était impatient de savoir la solution de son message, lui envoya Maxime, comte de ses affaires domestiques, pour le visiter et pour apprendre de lui le succès de cette négociation. Maxime, qui était son frère, fut fort surpris de le trouver dans un état de pénitent, les larmes aux yeux, le cilice sur le dos, et prosterné devant un oratoire ; il lui demanda d'où venait ce changement. Claude lui dit ouvertement que Dieu lui avait fait la grâce de lui ouvrir les yeux pour connaître les vérités de la religion chrétienne, et que, reconnaissant combien il était coupable d'avoir adoré les idoles, et d'avoir répandu le sang innocent des chrétiens, il en faisait pénitence. Maxime, touché de ses paroles et de son exemple, lui demanda d'être éclairé des mystères de notre foi. Il le mena à saint Caïus qui le baptisa, et lui donna en même temps les sacrements de la Confirmation et de l'Eucharistie. Claude et Maxime étant ainsi entrés dans le sein de l'Eglise, vendirent tous leurs biens pour avoir de quoi secourir les pauvres fidèles que les longues persécutions avaient réduits à une pauvreté extrême.
Sainte Suzanne. Historia scolastica. XIIIe.
L'empereur en fut averti, et apprit en même temps qu'au lieu de décider Gabinius à donner sa fille en mariage à Maximien, ils avaient embrassé sa religion, et étaient des premiers à persuader à cette sainte fille de demeurer vierge. Ces nouvelles l'irritèrent. Il oublia qu'ils étaient ses proches parents et il les fit arrêter avec Prépédigne, Alexandre et Cuthias, et les relégua au port d'Ostie, où ils furent mis à mort.
Il fit aussi emprisonner Gabinius avec Suzanne, et, après cinquante-cinq jours de prison, il pria l'impératrice Prisca, sa femme, de faire en sorte que cette illustre fille consentît à ses volontés. Prisca la fit venir dans son appartement ; mais, comme elle-même était chrétienne, bien loin de lui rien conseiller contre sa résolution et son vœu, elle la fortifia au contraire dans son généreux dessein.
Dioclétien, apprenant qu'elle était inébranlable, la fit reconduire dans sa maison, et permit à Maximien d'y aller pour user de violence. Ce prince y alla ; mais, lorsqu'il entra dans sa chambre, il aperçut un ange d'un éclat merveilleux qui était auprès d'elle et qui la gardait. L'effroi le saisit, et il se retira tout confus sans avoir osé rien entreprendre. Dioclétien attribua cet effet à la magie, et envoya un de ses officiers nommé Macédonius pour contraindre la Sainte d'adorer les idoles. Cet officier lui présenta une image de Jupiter, lui ordonnant, de la part de l'empereur, de lui offrir de l'encens. Suzanne éleva, alors ses yeux et son cœur vers le ciel, et au même instant la statue disparut, et on la trouva dans la rue jetée contre terre.
Macédonius, ne pouvant rien gagner par douceur, eut recours aux menaces et aux supplices ; il la maltraita dans sa propre maison, la battit cruellement et lui déchira le corps à coups de fouets. Enfin, l'empereur apprenant encore qu'elle était inflexible, commanda qu'elle fût décapitée, ce qui fut exécuté secrètement, chez elle, le 11 août 295.
L'impératrice Prisca fut bientôt avertie de ce qui s'était passé ; elle eut une joie extrême de savoir que Suzanne s'était maintenue dans sa foi et dans son innocence, malgré tous les efforts des puissances de la terre. Elle se transporta elle-même la nuit dans le lieu de son supplice, et l'ayant trouvée baignée dans son sang, elle enleva le voile de dessus sa tête, qu'elle trempa dans cette liqueur précieuse. Depuis, elle fit enchâsser ce voile dans une boîte d'argent, et le mit à son oratoire, où elle faisait assidûment sa prière à l'insu de Dioclétien, son mari. Pour le corps de notre Sainte, elle l'embauma, l'ensevelit de ses propres mains, et le fit inhumer dans la grotte même de saint Alexandre, auprès d'une infinité d'autres martyrs.
Sainte Suzanne. Imagerie populaire. Pellerin. XIXe.
La maison qui avait été le lieu de sa naissance, de sa conversion sur la terre et de sa mort très-précieuse, fut changée par saint Caïus en une église où il dit la messe en son honneur. Elle était au Quirinal, dans la rue de Mammure, devant le marché de Salluste. Cette église subsiste encore et est occupée par des religieuses Cisterciennes ; c'est aussi un titre de cardinal, et quelques-unes des Eminences qui l'ont possédée ont eu soin de la faire embellir.
On voit sainte Suzanne dans ses images avec une couronne à ses pieds. Elle ne voulut pas épouser le fils de Dioctétien, par amour pour la virginité ; c'est une allusion à ce fait.
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dimanche, 28 juillet 2024
28 juillet. Saint Samson (1/2), évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. vers 565.
- Saint Samson, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. Vers 565.
Pape : Jean III. Roi de Domnonée : Judwal. Roi de Cornouailles : Alain Ier.
" Apostolos magnos praecipue effecit verus ac non simulatus gloriae atque pecuniae contemptus."
" Ce qui fait la grandeur des Apôtres, c'est leur mépris véritable et sincère de la gloire et de la richesse."
Saint Jean Chrysostome.
Statue de bronze de saint Samson.
Ammon et Anne, deux époux également illustres par leur naissance et par leurs vertus, dans la Grande-Bretagne, vivaient depuis plusieurs années sans avoir d'enfant, malgré leurs prières, leurs aumônes et leurs bonnes œuvres ; Dieu leur fit enfin connaître que leur voeu allait s'accomplir. L'an 480, il leur naquit un fils, qui fut nommé Samson aux fonts sacrés du Baptême. Samson naquit dans cette partie du South-Pays de Galles, aujourd'hui connue sous le nom de Glamorganshire. Cette contrée faisait partie du pays des Démètes, et était sur les frontières des Wénètes, qui habitaient la province appelée Guent (ou Gwent ou encore Gwend) par les Bretons, et présentement connue sous le nom de Moumouthshire. Ses parents n'oublièrent rien pour l'élever dans la crainte de Dieu et dans l'observance fidèle de ses commandements.
A l'âge de 5 ans, ayant déjà l'esprit ouvert, il leur fit paraître une inclination toute particulière pour les sciences, et demanda d'étudier. Son père y répugna d'abord, dans la crainte que son fils, devenu savant, ne se fît clerc ou religieux. Mais Dieu, qui avait inspiré de si bonnes inclinations à ce jeune homme, avertit Ammon, par un Ange, de le seconder. Cet excellent père obéit, et, quelque tendresse qu'il eût pour un fils si cher, il résolut d'en faire le sacrifice. Il le mena à saint Iltut, abbé d'un célèbre monastère de ce pays, qui, ayant connu d'abord les belles qualités de l'âme de cet enfant, le reçut avec joie.
Samson fut 10 ans sous la discipline d'un si bon maître, et bien qu'au bout de ce terme il n'eût encore que 15 ans, il avait fait des progrès si extraordinaires dans les sciences, qu'il égalait en doctrine les plus habiles de son temps. Il ne faut pas s'en étonner, puisque l'exercice de l'oraison était inséparable de ses études, et qu'il apprenait plus au pied du crucifix que dans tous les livres de philosophie. Un jour, qu'il était tombé sur une grande difficulté sans en pouvoir tirer la vraie solution, ni de son maître ni de ses livres, il eut recours à son refuge ordinaire, joignant à ses prières un jeûne rigoureux et d'autres austérités humiliantes. La troisième nuit, comme il était en oraison, toute sa chambre fut remplie d'une lumière extraordinaire, et, en même temps, il entendit une voix qui lui disait que " Dieu avait exaucé ses voeux, que, non-seulement il avait obtenu l'éclaircissement qu'il souhaitait, mais que, dans la suite, quelque grâce qu'il demandât du Ciel, elle lui serait accordée ". Cette promesse fut réalisée par de nombreux miracles.
Amon et Anne priant Dieu de leur accorder un enfant.
Un jour, saint Samson, encore écolier, alla avec ses compagnons par l'ordre de saint Iltut, pour arracher les mauvaises herbes d'une pièce de blé ; comme ils étaient occupés à ce travail, une vipère se glissa sous la robe d'un de ces jeunes écoliers, le mordit à la jambe, et l'infecta de son venin : la mort de cet enfant était imminente. Samson, se ressouvenant de la promesse qu'il avait reçue du Ciel, se mit en prières, puis, faisant couler de l'huile sainte et de l'eau bénite sur la plaie, il en fit sortir le venin goutte à goutte et rendit la santé au malade. Une autre fois, il chassa par sa parole, d'un champ nouvellement ensemencé, une nuée de corneilles qui s'y étaient arrêtées et qui mangeaient le grain qu'on y avait jeté, bien que saint Gildas, depuis abbé de Saint-Ruyer, et saint Paul, depuis évêque de Léon, avec tous leurs efforts, n'eussent pu les disperser. Et lorsqu'il fut évêque, il purgea encore les marais voisins de Dol d'une infinité d'oies sauvages qui, par leurs cris, troublaient extrêmement les religieux des monastères d'alentour, quand ils étaient en oraison, ou chantaient les divins offices.
Lorsque le jeune Samson eut achevé ses études, son père voulut le faire revenir, pour l'élever auprès de lui et en faire son appui dans le monde ; mais le saint jeune homme lui demanda avec tant d'instance la permission de se faire religieux, qu'Ammon, se souvenant des anciennes remontrances de l'Ange, n'osa lui refuser sa demande, dans la crainte de s'opposer aux desseins de Dieu. Samson vit donc l'accomplissement de son désir : il demanda l'habit monastique au saint abbé Iltut, qui le lui donna avec une joie incroyable, à la grande satisfaction de tous les religieux du monastère. Il ne fut pas plus tôt revêtu de ces précieuses livrées de Jésus-Christ, que, se dépouillant tout à fait du vieil Adam, il renonça à toutes les inclinations de la chair, pour ne plus suivre que celles de l'Esprit. Comme il redoubla sa première ferveur, il se rendit presque inimitable à ses frères dans la pratique des plus rares vertus. Sa vie était une oraison continuelle il y passait les nuits entières, et, s'il s'en dérobait quelques moments dans la journée, c'était pour s'appliquer à l'étude des saintes Ecritures ou à quelque autre chose pour l'utilité du monastère.
Son abstinence était surprenante. Depuis sa profession religieuse, il ne mangea jamais de chair ni de poisson, ni quoi que ce soit qui eût la vie sensitive : son jeûne était si extraordinaire, qu'il passait quelquefois une semaine entière sans rien manger, et, dans tout le Carême, il ne faisait ordinairement que 3 ou 4 repas, plutôt pour s'empêcher de mourir que pour tâcher de vivre. Il n'avait point d'autre lit que la terre; encore le plus souvent il dormait debout, appuyé seulement contre la muraille. Il faisait tant de cas de la chasteté, que cette rare vertu fut toute sa vie le plus bel ornement de son esprit et de son corps ; et, pour éviter ce qui aurait pu donner la moindre, atteinte à sa pudeur, il fuyait toute sorte de relations avec les femmes, et si la nécessité ou la charité l'obligeait de leur parler, il voulait qu'il y eût toujours quelqu'un qui l'accompagnât.
Saint Samson étudiant. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.
Dieu rehaussa les vertus de son serviteur par des signes miraculeux. Saint Dubrice, évêque de Caërlon, étant venu conférer les ordres dans le monastère, Samson reçut l'ordre du diaconat. Pendant cette cérémonie, on vit sur sa tête une blanche colombe qui fit connaître visiblement à tout le monde les profusions de grâce que le Saint-Esprit répandait dans son coeur au moment où le saint prélat imposait les mains sur son front. Ce prodige se renouvela plus tard, lorsqu'il reçut la prêtrise.
Des vertus si éminentes servaient beaucoup à augmenter le zèle de ses frères, qui avaient de bonnes inclinations et qui recherchaient leur perfection : elles ne furent, au contraire, qu'un sujet d'envie et de haine pour les deux neveux de l'abbé Iltut, dont l'âme était pervertie et les moeurs corrompues. Ils donnaient au Saint, dans toutes les rencontres, des marques de leur aversion, et l'excès de leur passion ne leur permettait pas de pouvoir la dissimuler. Le Saint, qui s'en aperçut aisément, eu fut extrêmement affligé, non qu'il craignît le mal qu'ils lui pouvaient faire, mais il était inconsolable du danger où il les voyait de se perdre. Il se regardait comme coupable de leur péché, parce qu'il en était l'objet et l'occasion, et cette vue pénétrait son coeur d'une douleur continuelle, qui le portait à faire des pénitences incroyables et des prières continuelles, pour obtenir la conversion de ces 2 malheureux. Mais plus il se sanctifiait à leur occasion, plus aussi croissaient leur rage et leur jalousie.
Celui des deux qui n'était pas prêtre avait la charge d'apothicaire de la maison. Cet emploi leur fit naître la pensée d'empoisonner le Saint, et ils s'imaginèrent qu'ils en viendraient à bout en lui présentant quelque breuvage. On avait la pratique, dans cette maison, de donner aux religieux, à certains temps, du jus de quelques herbes médicinales, pour la conservation de leur santé, et il n'était permis à personne de s'en abstenir. Ces deux malheureux, firent une potion empoisonnée, composée du suc de quelques plantes mortelles, dont ils essayèrent la force sur un animal à qui ils en donnèrent quelques gouttes dans du lait, et l'animal en mourut sur-le-champ.
Saint Samson recevant le diaconat de saint Dubrice.
Lorsque Samson se présenta pour boire, ils lui donnèrent une tasse pleine de cette boisson pernicieuse. Le Saint s'aperçut bien que le breuvage qu'on lui présentait était très différent des autres ; mais pour ne point donner sujet à ses ennemis de se plaindre qu'il les eût soupçonnés légèrement, et plein de confiance en Celui qui a dit dans l'Evangile que ceux qui auraient une foi vive boiraient les breuvages les plus mortels sans qu'ils leur puissent nuire, il avala tout ce qu'on lui avait donné, sans en ressentir aucun mal, au grand étonnement de ceux qui lui avaient préparé cette coupe empoisonnée. Samson, sachant bien que c'était à Dieu seul qu'il était redevable de la conservation de sa vie, en consacra de nouveau tous les moments à son service pour lui témoigner sa reconnaissance, et il remercia l'apothicaire d'une manière si douce et si honnête, qu'il gagna ce religieux, beaucoup moins méchant que le prêtre son frère, et le toucha tellement qu'il se repentit de son crime, et fit tous ses efforts pour réduire son frère à la raison, à quoi néanmoins il ne put réussir, tant l'envie possédait celui-ci.
Le dimanche suivant, Samson, faisant l'office de diacre au saint autel, présenta, selon la coutume, le calice à ce méchant prêtre. Mais ce sacrilège n'eut pas plus tôt communié, que le démon s'empara de lui dans le moment, et le tourmenta d'une manière horrible et honteuse ; ce qui causa tant de frayeur à son frère, qu'il confessa publiquement leur crime commun. Il promit d'en faire pénitence le reste de ses jours, et offrit même de les employer entièrement au service du Saint, pour réparer le mal qu'il avait voulu lui faire. Toute la communauté, extrêmement surprise et affligée, et Iltut à leur tête, supplièrent Samson de ne pas leur imputer le crime des deux frères.
Mais Samson, bien loin d'avoir le moindre mouvement d'indignation contre personne, était le plus désolé de tous, et se plaignait affectueusement à Dieu de ce qu'à son occasion il avait puni si sévèrement son confrère, et lui demandait pardon avec une contrition incroyable, comme s'il avait été coupable de tout le mal qu'on avait fait. Une si grande bonté donna la hardiesse aux religieux de le supplier de s'employer auprès de Dieu pour la délivrance du possédé, et d'avoir la charité de l'aller voir. Il le fit avec toute la tendresse possible, et le démon, ne pouvant souffrir les soins charitables d'un homme qui rendait si héroïquement le bien pour le mal, quitta le religieux, et le laissa sain et sauf à Samson, comme un trophée de l'amour des ennemis, d'autant plus glorieux que, pénitent de sa faute, ce religieux ne voulut plus depuis abandonner le saint.
Ordination de saint Samson par saint Dubrice, évêque de Caërlon.
Après que Samson eut exercé 2 ans son office de diacre, le même saint Dubrice lui conféra l'ordre de prêtrise, et il y eut encore dans cette circonstance une apparition de colombe pareille à la première. Cette sainte dignité fut pour Samson un nouveau motif d'augmenter les rigueurs de sa vie pénitente ; et ce fut alors qu'il lui sembla que la règle commune du monastère n'était pas assez austère pour lui.
Cependant, dans le désir de mener une vie plus cachée, car l'éclat de ses vertus et de ses miracles l'avait déjà rendu trop célèbre dans le pays où il était, notre saint religieux demanda à saint Iltut la permission de se retirer dans un autre monastère, gouverné par l'abbé Pyron, situé dans une île assez écartée dans la mer. Celui-ci la lui accorda ; mais il n'y demeura pas longtemps, car, peu de jours après son arrivée, il lui vint un courrier de la part de son père pour lui annoncer qu'il était à l'extrémité et qu'il désirait, qu'il avait même besoin de voir ce cher fils avant de mourir. L'abbé Pyron commanda à notre Bienheureux d'aller rendre ses derniers devoirs à ce bon vieillard. Il obéit, et, recevant cet ordre comme venu du Ciel, il partit aussitôt avec un autre religieux du même monastère qui lui fut donné pour compagnon.
Comme ils passaient par une forêt qui se rencontra sur leur chemin, le démon leur apparut sous la figure d'une femme qui n'oublia rien pour ébranler leur chasteté. Mais voyant que tous ses efforts étaient inutiles, il déchargea sa colère sur le compagnon de notre Saint ; il le jeta contre terre, le traîna dans le bois parmi les ronces et les épines et enfin l'accabla de mille coups. Samson, ne pouvant voir sans horreur cette insulte de Satan, fit d'une seule action un double miracle ; car, ayant recours à ses armes ordinaires, l'oraison et le signe de la croix, il mit en fuite le démon et guérit son compagnon de ses plaies ; et même, en lui rendant ses premières forces, il lui redonna aussi le courage de poursuivre leur route. Ils arrivèrent donc enfin au logis d'Ammon. Dès que cet illustre vieillard aperçut son fils, il en eut une si grande joie et prit tant de confiance en sa vertu et en ses mérites qu'il mit toute sa conscience entre ses mains et lui fit sa confession comme pour mourir.
Samson n'eut pas une moindre consolation, de son côté, de voir les bons sentiments de son père ; et par les ferventes prières qu'il fit à Dieu en sa faveur, il lui obtint la rémission de tous ses péchés et la guérison parfaite de sa maladie. Le vieillard fut si reconnaissant de ce double bienfait que, voulant consacrer au service de Dieu cette vie qu'il ne tenait plus que par un miracle du Ciel, il résolut de se faire religieux avec cinq de ses fils, frères de Samson, qui s'estimèrent heureux de prendre le parti de leur père. Son épouse, qui avait consenti à cette pieuse vocation, suivit la même route ; elle se fit aussi religieuse dans un monastère de filles, où elle passa saintement le reste de ses jours.
Ainsi, toute cette noble famille se sépara généreusement du monde pour aller chercher avec plus d'assurance, dans la solitude, l'unique objet de leur amour et de leurs désirs. Ils avaient encore une fille ; elle trouva cet état trop rigoureux pour elle et refusa de l'embrasser. Notre Saint, ne pouvant faire autre chose, se contenta de la recommander à ses proches pour en prendre soin et la conserver dans la pudeur et l'innocence. Il convertit de même Umbrafel, son oncle, et sa tante Asfrelle, qui suivirent en tout l'exemple d'Ammon et d'Anne.
Saint Samson, après avoir rendu grâces à Dieu d'une si belle conquête, s'en retourna dans son île avec une satisfaction qui ne peut s'exprimer. Mais sa joie fut bientôt changée en tristesse par la mort de l'abbé Pyron, qui arriva peu de temps après son retour. Cette douleur devint encore plus sensible lorsqu'il apprit que tous les religieux avaient jeté les yeux sur lui pour le faire leur abbé à la place de celui qu'ils venaient de perdre. Il fit tout ce qu'il put pour s'en défendre ; mais, enfin, il fut contraint de baisser la tête et de soumettre ses épaules à ce joug. Il se comporta, dans cette charge, avec tout le zèle, toute la prudence et toute la charité qu'on peut désirer dans un digne supérieur. Il eut aussi toujours un amour admirable pour les pauvres ; il défendit expressément d'en jamais rebuter aucun. Un jour, il avait ordonné qu'on donnât tout le miel des ruches, n'y ayant rien autre chose dans la maison ; le lendemain elles se trouvèrent plus pleines qu'auparavant, tant cette charité était agréable à Dieu. Cependant, comme son coeur aspirait toujours à la solitude, après avoir gouverné son abbaye environ 18 mois, il songea aux moyens de l'abandonner.
Intronisation de saint Samson.
La Providence divine conduisit en ce temps-là dans sa maison quelques religieux Scots qui retournaient de Rome en leur pays. Samson, s'entretenant avec eux, reconnut de grands trésors de science et de vertu dans ses hôtes, et remarqua qu'ils étaient incomparablement plus versés dans l'Ecriture sainte et dans la théologie que tous ceux qu'il avait connus jusque-là ; de sorte qu'espérant profiter beaucoup à leur école, il obtint permission de saint Dubrice de les suivre en Irlande. Il y demeura quelque temps avec eux en qualité de disciple, moins savant, à la vérité, mais beaucoup plus saint que ses maîtres ; et le don des miracles, que Dieu lui donna pour lors avec plus de plénitude qu'auparavant, le rendit fameux dans toute l'Hibernie.
Les honneurs qu'il y reçut furent cause que sa demeure dans ce pays devint insupportable à son humilité ; et ses maîtres ne lui pouvant plus rien apprendre, lui permirent de retourner à son monastère. Un navire tout prêt à faire voile lui en donnait l'occasion, et l'on n'attendait que lui pour se mettre en mer. On le pressait, et on le menaçait même de partir sans lui, s'il différait encore d'un moment : " Allez, leur dit alors le Saint, partez quand vous voudrez ; j'ai encore affaire ici pour tout un jour; mais demain sans faute nous ferons voyage ensemble ".
Ils le laissèrent à terre, et mirent à la voile. A peine furent-ils partis, que des religieux vinrent trouver Samson, et le prier de vouloir bien délivrer leur abbé, qui était possédé du démon. Le Saint, qui avait prédit qu'il avait encore cette affaire à terminer dans l'île, se transporta tout aussitôt au monastère de ces religieux qui n'était pas éloigné du port. Il fit sa prière et délivra l'énergumène, qui fut si reconnaissant, qu'il donna son abbaye à Samson, la lui soumit, et prit la résolution de n'abandonner jamais son libérateur. Le Saint, après avoir exhorté les religieux de cette maison à vivre conformément à leurs règles et à tendre toujours à la plus grande perfection, leur promit de leur envoyer bientôt un supérieur à la place de celui qu'il venait de guérir et auquel il avait permis de le suivre. Revenant ensuite au lieu d'où le navire était parti le jour précédent, il l'y trouva encore, parce qu'un coup de vent l'avait contraint de relâcher. Il s'y embarqua comme il l'avait prédit ; dès qu'il fut à bord, on eut un vent favorable, et Samson arriva heureusement à son monastère au bout de 3 jours.
Saint Samson change des porcs en chèvres.
Ce lui fut un grand sujet de joie d'apprendre que son père et son oncle étaient les deux plus réguliers et plus parfaits religieux de sa communauté, et plus particulièrement encore Umbrafel, son oncle ; ce qui l'obligea de l'envoyer comme abbé au monastère d'Irlande, qui lui avait été donné, et où il avait promis de choisir un de ses religieux pour le gouverner. Ammon y accompagna son frère par le commandement de son fils, quelque désir qu'il témoignât de suivre celui-ci partout. Mais Samson, sans avoir aucun égard aux sentiments naturels, fit partir son oncle et son père en sa présence, pour aller où il jugeait qu'ils étaient appelés de Dieu. Il prit ensuite la résolution de se retirer dans quelque désert, avec quatre des plus fervents et des plus parfaits de ses religieux, et passa pour cet effet en terre ferme, quelques efforts que sa communauté pût faire pour le retenir.
S'étant beaucoup avancé, on remontant le long des bords de la Saverne, il découvrit enfin un lieu tel qu'il le souhaitait. C'était une grotte cachée au fond d'une forêt très épaisse, écartée du commerce du monde, et néanmoins peu éloignée des ruines d'un vieux château. Il établit dans ces masures ses quatre religieux. Il n'y avait aucun sentier qui conduisît du château à la caverne où il se retira, et où il défendit à ses disciples de le venir trouver. Se persuadant alors qu'il n'avait rien fait jusque-là, il disait avec le Prophète : " C'est à présent que je vais commencer tout de bon ". Ce qu'on dit de son abstinence n'est presque pas croyable, car on assure qu'il jeûnait régulièrement les semaines entières sans prendre aucun aliment, et que le dimanche il mangeait la quatrième partie d'un pain qu'on lui donnait tous les mois. La prière, la contemplation et la lecture de l'Ecriture sainte étaient tous ses exercices ; il ne sortait de sa caverne que le dimanche, pour aller célébrer la messe dans l'oratoire que ses religieux avaient bâti dans le lieu de leur demeure, où il les communiait, les exhortait à la perfection ; après quoi il se retirait à travers les bois dans sa caverne, sans que le peuple qui venait à sa Messe pût savoir ce qu'il était devenu.
Ce genre de vie plaisait infiniment à Samson ; mais plus il se cachait, plus sa renommée devenait grande aux environs, et plus on eut envie de connaître un homme si extraordinaire. Quelqu'un s'attacha si bien à l'observer et à le suivre, qu'il découvrit enfin la grotte où il se retirait. L'évêque du diocèse, tenant un synode à quelques lieues de l'endroit où vivaient les saints anachorètes, entendit parler de leur vie admirable, et surtout de la conduite surprenante de leur supérieur. Le récit qu'en en fit à l'assemblée donna à tous l'envie de le voir et de le connaître ; et l'homme qui avait découvert le lieu de sa retraite s'offrit à servir de guide à ceux qu'on voudrait envoyer vers lui.
Saint Samson franchit la Manche pour gagner l'Armorique.
Quelques ecclésiastiques furent députés, qui l'amenèrent au synode, où tout le monde lui fit beaucoup d'honneur, et où il ne parut qu'avec bien de la confusion de sa part. On lui commanda de quitter cette vie sauvage, où il n'était bon qu'à lui seul, pour reprendre la vie cénobitique, où il serait utile à plusieurs ; et, pour lui ôter tout prétexte d'excuse, on le fit abbé d'un célèbre monastère que saint Germain d'Auxerre avait autrefois bâti dans cette contrée, et qui pour lors était sans supérieur.
L'assemblée voulut l'entendre prêcher avant qu'il partît, et il le fit par obéissance, avec beaucoup de simplicité apparente, mais au fond avec tant de force, tant de zèle, une si vive pénétration et un emploi si judicieux des paroles de l'Ecriture sainte, que les moins sensibles en furent touchés, et que tous jugèrent qu'une si grande lumière devait être tirée de l'obscurité du cloître pour être placée dans un lieu plus éminent.
Peu de temps après la tenue de ce synode, 3 évêques de la province s'assemblèrent au monastère de Samson pour ordonner un évêque dont le siége n'est point marqué. L'écrivain de la vie du Saint dit à ce propos que l'usage des églises de Cambrie était que l'on ne sacrait jamais un évêque seul ; et, comme il fallait, selon les canons, 3 évêques pour en ordonner 1 nouveau, que ces évêques de Cambrie ordonnaient toujours aussi 2 évêques assistants, avec celui qui devait remplir le siège vacant, de manière qu'il y avait toujours autant d'évêques ordonnés qu'il y en avait à les ordonner. On avait déjà choisi 2 sujets qui devaient recevoir l'imposition des mains, et l'on ignorait encore qui serait le troisième, parce que les prélats avaient remis sa nomination au temps de leur assemblée, après qu'ils en auraient conféré.
La veille du jour qu'ils devaient faire leur choix, Samson, passant selon sa coutume la nuit en prières, eut une admirable vision. Il lui sembla qu'au milieu d'une assemblée de personnes toutes vêtues de blanc et brillantes comme des astres, 3 prélats d'une majesté éclatante, revêtus d'ornements épiscopaux, le pressaient d'entrer dans l'église avec eux ; qu'il avait pris la liberté de leur demander respectueusement qui ils étaient., et qu'on lui avait répondu que l'un d'eux était Pierre, prince des Apôtres; l'autre, Jacques, frère du Seigneur, et le troisième, Jean, son bien-aimé disciple, envoyés de Dieu pour le sacrer évêque ; ce qu'ils firent ensuite avec les cérémonies ordinaires ; après quoi tout disparut.
Saint Samson. Détail. Vitrail contemporain inauguré
le 7 avril 2007 du maître verrier Emmanuel Prutanier.
Chapelle Saint-Samson. Ploemeur-Bodou. Bretagne.
Saint Dubrice, dans cette même nuit, fut averti par un Ange que Dieu avait choisi Samson pour être le troisième de ceux qu'on devait sacrer. Samson fut donc élu pour être le troisième et reçut l'imposition des mains avec les 2 autres ; mais une colombe blanche, lumineuse et visible à tous les assistants, parut encore sur sa tête lorsqu'on le fit asseoir sur le trône, et, se reposant tranquillement sur lui, elle ne s'envola point, quelque bruit et quelque mouvement que l'on fit jusqu'à la fin de la cérémonie. Pendant qu'il célébra le saint Sacrifice de la Messe, tous les assistants virent des flammes de feu sortir de sa bouche, de ses oreilles et de ses narines, et sa tête environnée de rayons comme le soleil ; et ce lui fut depuis une faveur assez ordinaire de voir des Anges à ses côtés, qui le servaient à l'autel.
L'emploi d'évêque auxiliaire ne suffisait pas au zèle immense de Samson, quoique ce fût déjà trop pour son humilité : Dieu le destinait à un ministère plus considérable. Quelques années après son sacre, une nuit de Pâques, un ange l'avertit qu'il devait traverser la mer et aller en France, dans l'Armorique, gouverner le troupeau que Dieu lui avait destiné. Avant de partir, Samson alla visiter sa mère, sa tante et ses autres parents ; de là, il alla d'abord évangéliser un pays au-delà de la Saverne, où régnait encore l'idolâtrie.
Un jour que Samson voyageait avec ses frères, il se trouva dans la nécessité de passer près d'un village dont les habitants célébraient, en présence du comte du pays, une fête païenne en l'honneur d'une ancienne idole qu'ils avaient conservée, et dont le culte consistait en jeux, en danses, en festins et en tontes sortes de dissolutions. C'est en ces occasions que la superstition est opiniâtre, parce que la sensualité la soutient ; et les fêtes où les sens trouvent leur satisfaction sont toujours les mieux gardées. Un jeune homme qui conduisait un char s'étant laissé tomber, mourut sur-le-champ de sa chute. Saint Samson s'étant fait apporter le corps, resta deux heures en prières, et lui rendit la vie. La résurrection de ce jeune homme toucha tellement tous les assistants, qu'ils aidèrent eux-mêmes à renverser leur idole, et qu'ils renoncèrent pour jamais à leurs fêtes sensuelles.
Le lecteur trouvera bon que nous l'avertissions, en passant, de ne pas se révolter contre un récit qui lui fait voir des idoles encore conservées et honorées parmi les Chrétiens dans le 6ième siècle de l'Eglise ; attendu que dans notre Bretagne et au temps de nos pères, on en a vu subsister jusqu'au XVIIe siècle avec une espèce de culte. Témoigne la statue de Vénus, ou de quelque autre fausse divinité, qu'on voit près d'Auray, dans les jardins du château de Quinipili, appelée " Groueg-Houarn ", c'est-à-dire " Femme de fer ", à cause de la couleur de la pierre dont est faite cette figure, à laquelle les paysans ont rendu jusqu'au siècle de Louis XIV un culte scandaleux.
Saint Samson délivra d'autres villageois du voisinage d'un serpent très venimeux, dans la caverne duquel il voulut habiter, et bâtit un monastère auprès. Par le moyen de ce miracle et de plusieurs autres qui servirent de confirmation à ses discours, il sanctifia toutes ces contrées. Ses compagnons l'assistaient dans les fonctions apostoliques, chacun de son côté. Il employa quelques années à cette mission, où le fruit qu'il faisait le retint plus qu'il ne l'avait résolu. Mais enfin voulant passer dans l'Armorique, où il lui était commandé d'aller, il fit venir d'Hibernie son père Ammon, et l'établit abbé du monastère qu'il avait bâti auprès du lieu d'où il avait chassé le serpent, et qù l'écrivain de sa vie dit avoir vu le signe de la croix sculpté sur une pierre très dure par le Saint lui-même. Il voulut ainsi faire triompher le Sauveur du monde, et le faire révérer dans le lieu qui avait servi de base à une idole que la superstition de ces peuples y avait adorée.
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28 juillet. Saint Samson (2/2), évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. vers 565.
Saint Samson rencontre Privatus, seigneur de la région de Dol,
sa femme atteinte de la lèpre et leur fille possédée.
Verrière de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
Saint Dubrice, dans cette même nuit, fut averti par un Ange que Dieu avait choisi Samson pour être le troisième de ceux qu'on devait sacrer. Samson fut donc élu pour être le troisième et reçut l'imposition des mains avec les 2 autres ; mais une colombe blanche, lumineuse et visible à tous les assistants, parut encore sur sa tête lorsqu'on le fit asseoir sur le trône, et, se reposant tranquillement sur lui, elle ne s'envola point, quelque bruit et quelque mouvement que l'on fit jusqu'à la fin de la cérémonie. Pendant qu'il célébra le saint Sacrifice de la Messe, tous les assistants virent des flammes de feu sortir de sa bouche, de ses oreilles et de ses narines, et sa tête environnée de rayons comme le soleil ; et ce lui fut depuis une faveur assez ordinaire de voir des Anges à ses côtés, qui le servaient à l'autel.
L'emploi d'évêque auxiliaire ne suffisait pas au zèle immense de Samson, quoique ce fût déjà trop pour son humilité : Dieu le destinait à un ministère plus considérable. Quelques années après son sacre, une nuit de Pâques, un ange l'avertit qu'il devait traverser la mer et aller en France, dans l'Armorique, gouverner le troupeau que Dieu lui avait destiné. Avant de partir, Samson alla visiter sa mère, sa tante et ses autres parents ; de là, il alla d'abord évangéliser un pays au-delà de la Saverne, où régnait encore l'idolâtrie.
Un jour que Samson voyageait avec ses frères, il se trouva dans la nécessité de passer près d'un village dont les habitants célébraient, en présence du comte du pays, une fête païenne en l'honneur d'une ancienne idole qu'ils avaient conservée, et dont le culte consistait en jeux, en danses, en festins et en tontes sortes de dissolutions. C'est en ces occasions que la superstition est opiniâtre, parce que la sensualité la soutient ; et les fêtes où les sens trouvent leur satisfaction sont toujours les mieux gardées. Un jeune homme qui conduisait un char s'étant laissé tomber, mourut sur-le-champ de sa chute. Saint Samson s'étant fait apporter le corps, resta 2 heures en prières, et lui rendit la vie. La résurrection de ce jeune homme toucha tellement tous les assistants, qu'ils aidèrent eux-mêmes à renverser leur idole, et qu'ils renoncèrent pour jamais à leurs fêtes sensuelles.
Saint Samson exorcise la fille de Privatus et guérit sa femme.
Le lecteur trouvera bon que nous l'avertissions, en passant, de ne pas se révolter contre un récit qui lui fait voir des idoles encore conservées et honorées parmi les Chrétiens dans le VIe siècle de l'Eglise ; attendu que dans notre Bretagne et au temps de nos pères, on en a vu subsister jusqu'au XVIIe siècle avec une espèce de culte. Témoigne la statue de Vénus, ou de quelque autre fausse divinité, qu'on voit près d'Auray, dans les jardins du château de Quinipili, appelée " Groueg-Houarn ", c'est-à-dire " Femme de fer ", à cause de la couleur de la pierre dont est faite cette figure, à laquelle les paysans ont rendu jusqu'au siècle de Louis XIV un culte scandaleux.
Saint Samson délivra d'autres villageois du voisinage d'un serpent très venimeux, dans la caverne duquel il voulut habiter, et bâtit un monastère auprès. Par le moyen de ce miracle et de plusieurs autres qui servirent de confirmation à ses discours, il sanctifia toutes ces contrées. Ses compagnons l'assistaient dans les fonctions apostoliques, chacun de son côté. Il employa quelques années à cette mission, où le fruit qu'il faisait le retint plus qu'il ne l'avait résolu. Mais enfin voulant passer dans l'Armorique, où il lui était commandé d'aller, il fit venir d'Hibernie son père Ammon, et l'établit abbé du monastère qu'il avait bâti auprès du lieu d'où il avait chassé le serpent, et qù l'écrivain de sa vie dit avoir vu le signe de la croix sculpté sur une pierre très dure par le Saint lui-même. Il voulut ainsi faire triompher le Sauveur du monde, et le faire révérer dans le lieu qui avait servi de base à une idole que la superstition de ces peuples y avait adorée.
Sa dernière résolution étant prise, il exhorta son père à consommer saintement le peu qui lui restait de vie, ses religieux à se souvenir des avis salutaires qu'il leur avait donnés, et les peuples à persévérer dans la pureté de la foi qu'il leur avait enseignée, sans retourner jamais à leurs superstitions. Après quoi, suivi d'un grand nombre de saints religieux qui ne voulurent point le quitter, de saint Magloire et de saint Malo, il s'embarqua et vint heureusement aborder à la partie la plus orientale de la côte septentrionale de la Bretagne armoricaine, à un petit port nommé alors Winiau, que forme l'embouchure d'une rivière appelée le Petit-Gouyon.
A son débarquement, il rencontra un seigneur de l'endroit, nommé Privatus, qui paraissait très-affligé ; il lui demanda le sujet de sa tristesse. Privatus lui répondit que sa femme était couverte de lèpre et que sa fille était possédée du démon ; que c'était là ce qui causait sa douleur. Saint Samson le suivit dans sa maison, et ayant vu ces pauvres désolés, il les guérit miraculeusement l'une et l'autre. Privatus, voulant reconnaitre une grâce si extraordinaire, offrit au saint évêque un lieu sur ses terres pour y établir sa demeure. Saint Samson accepta son offre et fit bâtir un monastère qui fut appelé Dol, qui vent dire douleur, à cause du pitoyable état où était cette famille à l'arrivée du Saint. D'autres prétendent que le pays portait le nom de Dol avant l'arrivée du Saint : ce mot Dol, en breton cambrien, signifie " terre basse et fertile ", ce qui convient très bien, dit-on, à cette contrée. On y a édifié une ville entière qui porte le même nom et qui a été quelque temps un siége épiscopal, comme nous le dirons dans la suite. Peu de temps après, saint Samson fit encore bâtir, à Landtmeur (Lanmeur), un couvent dont il fit son neveu, saint Magloire, le premier abbé.
Saint Samson présente au roi Childebert le
serpent venimeux qu'il est parvenu à enchaîner.
Verrière de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
Cependant, de furieux troubles s'élevèrent dans la Bretagne par l'ambition et la tyrannie de Canao, qui tua lui-même le roi Jonas, par surprise, un jour qu'il était à la chasse. Saint Samson, extrêmement irrité d'un meurtre si horrible, n'eut pas de peine à se laisser aller aux prières des principaux du pays, qui le conjurèrent de faire un voyage à Paris pour y demander du secours à Childebert, roi des Francs, en faveur de Judual, fils du défunt et légitime héritier de sa couronne. Le succès répondit à leur désir. Le saint évêque fit son voyage avec, toute sorte de bonheur, vers l'an 534. Un grand nombre de miracles que fit le Saint durant le chemin et à la cour, entre autres la mort d'un serpent très venimeux, et surtout la guérison d'un seigneur possédé du démon, lui valut un accueil très empressé auprès du roi Childebert.
Ce prince ne crut pas devoir rétablir si vite le jeune Judual dans les Etats de son père, à cause peut-être des difficultés de l'entreprise, et aussi parce que la reine Ultrogothe s'y opposait pour des motifs qu'il n'est pas opportun de décrire ici.
Mais, plein de vénération pour Samson dont il voyait les vertus et les miracles, il lui donna des terres sur la rivière de Risle, entre Brionne et Pont-Audemer, en Normandie. Notre Saint y bâtit le monastère de Pentalle (qui n'existe plus depuis longtemps), qu'il soumit, avec la permission de Childebert, à celui de Dol. Une fois, en allant à ce monastère, Samson passa par une maison de campagne de saint Germain, évêque de Paris, qui y était au temps des vendanges. Là il obtint une fontaine d'eau vive que saint Germain n'avait pas eu la pensée de demander à Dieu. Les deux Saints firent alors, dit-on, l'association de leurs monastères, à la condition qu'un des deux fournirait du vin à l'autre, qui n'en avait point, et que celui-ci, qui abondait en abeilles, donnerait à l'autre communauté du miel et de la cire.
Notre Saint obtint enfin que Judual rentrât en possession de ses Etats ; ce prince, en reconnaissance, fit des présents considérables au monastère de Dol ; à sa prière et à celle de Childebert, le pape Pélage Ier érigea ce monastère en évêché, tous les évêques de la Bretagne en ayant aussi témoigné le désir, et disant qu'ils recevraient volontiers ce saint prélat dans leur corps. Le pontife de Rome envoya un pallium à saint Samson, qui le reçut, pieds nus et prosterné devant l'autel. Depuis ce temps-là, les prélats qui lui ont succédé dans ce siège ont longtemps prétendu, contre les archevêques de Tours, au droit de métropolitain et à l'usage du pallium ; mais le pape Innocent III les déchut de leurs droits, en déclarant que saint Samson avait été simplement évêque de Dol, bien qu'il eût reçu la permission de se servir des ornements de cette dignité. Et c'est pour cela que ses successeurs conservaient encore la croix avant la suppression de ce siége, qu'ils la faisaient porter devant eux dans leur diocèse et qu'ils en timbraient leurs armes.
Cette histoire du pallium de saint Samson est racontée très diversement, très embrouillée, très contestée. N'ayant pu découvrir la vérité, nous avons laissé, à titre de document, ce passage du père Giry tel qu'il était.
Sarcophage de saint Samson. Déposé dans le jardin du
presbytère par l'abbé Pierre Chevrier, curé de Dol entre
1841 et 1866 ; c’est celui qui reçut le corps de saint Samson.
Mais revenons à notre illustre Saint : se voyant encore une fois engagé dans l'office de pasteur, il employa tous ses soins pour veiller sur le troupeau de Jésus-Christ qui lui était confié. Il visitait lui-même, une fois l'année, tout son diocèse, et, tous les ans, au premier jour de novembre, il assemblait son Synode provincial, où il travaillait avec un zèle incroyable au bon règlement de son évêché, à la réformation des moeurs du clergé et du peuple, au rétablissement et à l'ornement des églises et des hôpitaux, et mettait ses soins à remplir les cures d'ecclésiastiques qui fussent savants et vertueux.
Ce fut ce même zèle pour la maison de Dieu qui le fit transporter de nouveau à Paris, pour y assister au troisième Concile qui fut convoqué dans cette fameuse ville en 557 ; il y fit paraître sa profonde humilité car il ne voulut point souscrire entre les archevêques, comme il eût pu le prétendre ; il signa seulement l'avant-dernier de tous les évêques, en ces termes :
" Samson, pécheur, j'ai signé."
Cette même humilité lui fit refuser d'aller loger dans un appartement que le roi lui avait fait préparer dans son palais, ayant mieux aimé se retirer dans le monastère bâti par saint Germain, sous le nom de Saint-Vincent, et dont nous avons parlé ci-dessus. Notre Saint était, à cette époque, tout cassé par l'âge : il voyageait dans un chariot ; une des roues s'étant brisée, dans la Beauce, en un endroit où il n'y avait ni charron, ni aucun ouvrier, ni aucun bois, ceux qui l'accompagnaient furent consternés ; mais Samson fit le signe de la croix sur la roue qui fut aussitôt rétablie. Childebert, informé du miracle, voulut qu'on bâtit un monastère en ce lieu : notre saint l'appela Rotmou et le mit sous la dépendance de l'abbaye de Dol.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
En s'en retournant à son évêché, il fit dans tout le chemin des miracles continuels ; entre autres il fit sortir du corps d'un homme une couleuvre qui y était entrée pendant son sommeil. Etant arrivé à la ville de Dol, il retira 2 agonisants des portes de la mort ; il délivra 8 démoniaques et obtint la fécondité à plusieurs femmes stériles ; enfin, il rendit la vue à une dame de qualité qui l'avait perdue en punition de ce que, au mépris de sa défense, elle était entrée dans son monastère. Tels furent les miracles de ce grand Saint, qui passa, depuis, le reste de ses jours, ou plutôt toute sa vieillesse, dans la même ferveur, les mêmes oraisons, les mêmes jeûnes, les mêmes veilles et les mêmes austérités qu'il avait pratiquées dans la plus grande vigueur de son âge, et avant qu'il fût élevé à la prélature.
Mais enfin, Dieu, voulant récompenser ses mérites d'une couronne éternelle, lui envoya une maladie qui lui fit connaître que l'heure de son triomphe approchait. Alors, il fit appeler ses chanoines et ses religieux ; il les avertit de son trépas, leur présenta saint Magloire comme un autre Elisée, qu'il leur laissait avec l'esprit d'Elie, afin qu'ils en fissent l'élection pour son successeur, et, après avoir fait un discours des plus touchants et reçu de leurs mains les derniers Sacrements avec une dévotion qui tirait les larmes des yeux de tous les assistants, il leur donna sa bénédiction puis il rendit son esprit à son Dieu, le 28 juillet, l'an de Notre Seigneur 565.
Trois saints prélats honorèrent ses pompes funèbres : saint Brieuc, qui a donné son nom à sa ville et à son évêché; saint Gurval, évêque de Saint-Malo, et saint Ruélin, évêque de Tréguier. Les Anges voulurent aussi assister à ses obsèques : car, pendant qu'on faisait la cérémonie de son enterrement, il parut une lumière extraordinaire sur son tombeau, et l'on entendit un concert dont l'harmonie était si charmante, que chacun jugea bien qu'elle venait du Ciel. Les principaux disciples de Samson furent saint Magloire, son diacre et son successeur à Dol ; saint Budoc, successeur de saint Magloire ; saint Similien, abbé du monastère de Taurac ; saint Ethbin et saint Guénolé le Jeune, tous deux religieux du même monastère de Taurac ; le fameux saint Méen, fondateur de celui de Gaël ; outre le père, l'oncle, la mère, la tante, les frères, les cousins du Saint et plusieurs grands hommes en France, dans l'une et dans l'autre Bretagne, qui ont porté partout le nom et la gloire de Samson.
On le représente, tantôt avec une colombe planant sur sa tète, et quelquefois chassant devant lui un dragon.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
CULTE ET RELIQUES
Le nom de Samson est le premier dans les litanies anglaises du VIIe siècle, entre les saints confesseurs de la nation. Sa fête est marquée à 9 leçons dans les anciens bréviaires de Dol, de Léon et de Saint-Brieuc, au 28 de juillet, et à 12 dans celui de l'abbaye de Saint-Méen. Sa mémoire est aussi célébrée dans les bréviaires de Nantes, de Quimper, de Rennes, de Tréguier, d'Orléans, et dans les martyrologes romains d'Usuard et autres.
L'église cathédrale, aujourd'hui paroisse de Dol, porte le nom de Saint-Samson, aussi bien que plusieurs églises paroissiales dans les autres diocèses. Son corps fut enlevé de celle de Dol, du temps des Normands, et porté à Paris, nous le roi Lothaire, par Salvator, évêque de l'ancien siège d'Aleth (situé sur la rive occidentale de la Rance en face de la ville de Saint-Malo), avec plusieurs autres corps saints, et depuis une partie fut rapportée eu Bretagne.
Chapelle et autel de Saint-Samson.
Cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.
L'Eglise de Dol possédait un fémur, un tibia, quelques fragments d'autres ossements et quelques vertèbres de son saint patron. Ces saintes reliques furent visitées et transférées dans une châsse neuve, le 24 décembre 1579, par l'évêque diocésain nommé Charles d'Epinal. À l'époque de la Révolution, elles étaient placées à côté du maître-autel de la cathédrale, dans un très beau et très grand reliquaire ; mais elles sont maintenant détruites. Quant au reste du corps de saint Samson, laissé à Paris, il fut partagé entre l'église de Saint-Barthélémy et la ville d'Orléans.
Dans cette dernière, on bâtit, en l'honneur du Saint évêque, une église qui a été occupée par les Jésuites jusqu'à leur destruction. Ils ne possédaient pas les reliques de saint Samoon : elles avaient été si bien cachées, du temps des ravages des protestants, dans le 16ième siècle, qu'en n'a jamais pu les retrouver. Peut-étre furent-elles l'objet de la fureur de ces impies.
Les ossements, conservés à Paris, étaient, en dernier lieu, dans l'église de Saint- Magloire ; ils se trouvent maintenant dans celle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. La châsse qui contenait ces reliques ayant été ouverte en 1547, le 19 janvier, on y trouva la quantité d'ossements exprimée dans le procès-verbal, avec cette inscription :
" C'est ici la plus grande partie du corps de saint Samson."
Eglise Saint-Jacques-du-Haut-Pas où est conservée
la majeure partie des reliques de saint Samson. Paris.
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mardi, 25 juin 2024
25 juin. Saint Salomon, roi et martyr en Bretagne. 874.
Nicolas Ier, pape. Lettre à saint Salomon.
Saint Salomon était de la race des anciens princes Bretons. Il était fort jeune, quand Rivallon, son père, mourrut, et son oncle Nominoé eut pour lui des soins et des bontés dont Salomon resta toujours reconnaissant.
Après la mort de Nominoé, en 851, il n'eut pas les mêmes égards ni le même attachement pour Erispoé, son successeur. Sous prétexte qu'il descendait du frère aîné de Nominoé, et qu'il avait plus de droits sur la Bretagne que son cousin, il se mit à caballer contre lui, et obtint du roi Charles-le-Chauve, en 853, le tiers de la Bretagne, sous la suzeraineté d'Erispoé.
Cette première satisfaction le rendit paisible pendant quelques années. Mais en 857, craignant de voir passer la couronne sur une autre tête, par le mariage de la fille de son rival, il ourdit une noire conspiration, et ne craignit pas de poursuivre Erispoé jusque dans une église, et de l'assassiner sur l'autel même.
Les Bretons, ignorant ce crime, acceptèrent Salomon pour roi, et l'aidèrent à repousser les Francs qui cherchaient à envahir la Bretagne. A part son crime, Salomon avait toutes les qualités que l'on peut souhaiter dans un prince : une taille majestueuse, la science de la guerre, un courage intrépide; il fît aussi paraître depuis beaucoup de justice et de piété.
Mais Dieu, qui ne laisse jamais le crime impuni, suscita à Salomon une foule d'affaires et d'épreuves qui servirent à expier son péché et à sanctifier son âme. Sans parler des guerres qu'il eût à soutenir contre les Francs et contre les Normands, il dût s'occuper des évêques injustement déposés, en 847, par Nominoé, et cette épineuse affaire lui occasionna bien des correspondances et bien des embarras, soit avec les évêques, soit avec le pape lui-même.
Eglise Saint-Salomon de Mezzer-Salün (" martyr de Salomon ")
Sans compter les pénitences qu'il accomplissait, Salomon, pour se purifier de plus en plus, multipliait les bonnes oeuvres, bâtissait le monastère de Plélan ou de saint-Maixent, et le comblait de dons magnifiques.
Cependant, une conspiration se trâmait aussi contre Salomon : la peine du Talion lui était réservée. Surpris par les conjurés et incapable de résister, il prit la fuite et se réfugia dans un petit monastère aux confins du Poher et du Léon, dans une paroisse appelée jadis Mezzer-Salün (" martyr de Salomon "), et aujourd'hui " La Martyre " (Finistère).
Les rebelles investirent sa retraite le 23 juin 874. Un reste de religion les empêcha de rien entreprendre contre lui le jour suivant, fête de la nativité de saint Jean Baptiste. Ils lui envoyèrent seulement un évêque pour l'engager à quitter son asile et à se rendre volontairement pour éviter la profanation possible du lieu saint. Salomon, résigné à tout, se munit du Sacrement de l'Eucharistie et se présenta devant ses ennemis avec un courage magnanime. Les Bretons, frappés de respect, n'osèrent tirer l'épée contre lui, et ils le livrèrent à Fulcoald, et à quelques autres Français qui lui firent crever les yeux par son propre filleul.
Le vieux roi ne pût survivre à ce cruel supplice et fût trouvé mort le lendemain, 25 juin 874. C'est encore le jour où l'Eglise de Vannes honore sa mémoire.
Le corps du roi Salomon fût inhumé dans le monastère de Plélan ou de Saint-Maixent, conformément aux désirs qu'il avait exprimés de reposer auprès de la reine Wembrit. Plus tard, ce corps fut enlevé, probablement pendant les ravages des Normands, et transporté, paraît-il, jusqu'à Pithiviers, au diocèse d'Orléans, où une église fût érigée en son honneur. Cependant une partie de ses reliques resta ou revint en Bretagne, car l'église de Saint-Salomon, à Vannes, possédait quelques ossements de ce saint roi jusqu'à la révolution. Depuis la destruction de l'église de Saint-Salomon en 1793, les reliques ont été transférées à la cathédrale, où elles sont encore l'objet de la vénération des fidèles.
Rq : On lira avec fruit la conséquente notice que dom Lobineau consacre à saint Salomon dans " Les vies des saints de Bretagne " (pp 193 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x.pagination
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jeudi, 20 juin 2024
20 juin. Saint Silvère, pape et martyr. 538.
- Saint Silvère, pape et martyr. 537.
Papes : Saint Agapet (prédécesseur) ; Vigile (successeur). Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.
" De même que les étoiles semblent disparaître pendant le jour pour ne briller que pendandt la nuit ; ainsi la véritable vertu, que l'on ne distingue pas toujours dans la prospérité, se montre à découvert dans l'adversité."
Saint Bernard.
Martyre de saint Sylvère. Bréviaire romain. XVe.
Saint Silvère fut pape de juin 536 au 11 novembre 537. En 536, Agapet Ier avait reçu du roi des Ostrogoths, qui occupaient alors une bonne partie de l'Italie, la mission de se rendre à Constantinople pour essayer de sonder Justinien. Le Basileus, qui tenait l'Afrique, semblait préparer un débarquement dans la péninsule.
Agapet mourut à Constantinople le 22 avril, après une victoire remportée sur le patriarche Anthime, un protégé de l'impérieuse et hérétique impératrice Théodora. Le pape avait su persuader à Justinien que la présence d'Anthime au principal siège ecclésiastique de l'Orient était un scandale dangereux pour l'Église, et Justinien avait chassé le prélat au début de mars.
A Rome, le roi Goth s'occupa de faire élire un successeur au pape défunt. Son candidat fut un fils du pape Hormisdas, mort en 523, nommé Silvère ; c'était un sous-diacre de la Curie. D'ordinaire, on élisait un diacre ou un prêtre. D'après le " Liber pontificalis ", le clergé romain fit opposition à Silvère. Puis finalement le favori des Goths passa.
A ce moment, Bélisaire, à la tête du corps expéditionnaire envoyé par Justinien, débarquait dans le sud de l'Italie. Les Goths reculèrent vers le Nord, laissant à Rome une petite garnison. Silvère négocia avec le général byzantin et, dans la nuit du 9 au 10 décembre, il lui fit ouvrir une porte de Rome. Les Goths filèrent par une autre porte. Mais ils revinrent en force à la fin de février 537 et bloquèrent Rome.
Silvère, candidat des Goths, était quelque peu suspect à Bélisaire. Le diacre Vigile, jadis volontaire pour occuper le siège de Rome, puis nonce à Constantinople, se chargea de noircir Silvère, son rival. Il était recommandé à la femme de Bélisaire, Antonine, une intrigante, par Théodora qui voulait que Rome soutînt le monophysisme.
Bélisaire pressentit Silvère : ne pourrait-il pas faire ce qu'on escomptait de Vigile ? Silvère refusa. On fit courir alors une fausse lettre du pape de Rome où le pontife promettait aux Goths l'entrée libre par la porte Asinaria, proche du Latran, la résidence apostolique. Silvère, pour écarter les suspicions, se retira sur l'Aventin, à Sainte-Sabine. Mais il fut convoqué au Pincio, où Bélisaire avait son quartier général. Le général et Antonine l'accusèrent de haute trahison ; deux clercs entrèrent, enlevèrent au pontife son pallium et lui firent endosser un habit de moine. On l'expédia en Asie, à Patare de Lycie. Les Romains apprirent que Silvère était devenu moine, ils ne devaient plus le revoir. Bélisaire fit proclamer Vigile pape.
Mais l'évêque de Patare, ayant su de Silvère comment les choses s'étaient passées, prit sa défense courageusement. Il alla jusqu'au Basileus. " Il y a ici-bas beaucoup de rois, mais pas un comme ce pape préposé à l'Eglise de Rome. Et ils l'ont expulsé !"
Ainsi protestait l'énergique prélat. Justinien se décida à renvoyer Silvère à Rome. Si après enquête sa lettre aux Goths était trouvée fausse, on lui rendrait son Église ; sinon, on le laisserait vivre, en lui conservant le titre d'évêque, mais hors de Rome. Malgré Théodora, Silvère fut rapatrié.
Cependant Vigile veillait. L'enquête par ses soins tourna contre Silvère. On interna son rival à Palmaria, petite île au large du golfe de Gaëte. Nourri au pain de tribulation et à l'eau d'angoisse ", comme dit le Liber ponlificalis dans une formule empruntée au troisième livre des Rois (XXII, 27.), Silvère trépassa probablement le 2 décembre 538, victime, estime la sainte Église, de sa fidélité à l'orthodoxie chalcédonienne.
C'est Adon qui a choisi la date du 20 juin pour inscrire Silvère dans son martyrologe.
PRIERE
" Les eaux de la tribulation ont traversé votre âme (Psalm. LXV, III, 2.), saint Pontife. Ce ne sont point les césars idolâtres qui furent vos persécuteurs. Ce ne fut pas même, comme pour Jean Ier votre prédécesseur presque immédiat sur le siège pontifical et dans l'arène du martyre, un prince hérétique qui déchargea sur vous sa haine de sectaire. Mais la rancune d'une femme indigne, servie par des trahisons parties du sanctuaire, s'acharna contre vous. Avant même que la mort eût fait en vous son œuvre, il se serait trouvé quelqu'un parmi vos fils pour convoiter le lourd fardeau de votre héritage.
Mais quel homme donc eût pu dénouer l'indissoluble lien qui vous attachait à l'Eglise ? L'usurpateur n'eût été qu'un intrus ; jusqu'à ce que les mérites tout-puissants de votre mort glorieuse eussent obtenu le changement du mercenaire en légitime pasteur, et fait de Vigile lui-même l'héritier de votre courage*. Ainsi l'invisible chef de l'Eglise aurait-il permis, pour la honte de l'enfer, que l'ambition portât ses scandales dans le Saint des Saints même. L'inébranlable foi des peuples, en ce siècle qui fut le vôtre, n'en devait point souffrir ; et la lumière résultant de ces faits lamentables apprendrait mieux aux âges suivants que le caractère personnel d'un pape, et ses fautes mêmes, n'affectent point les célestes prérogatives assurées par Dieu au vicaire de son Christ. Gardez en nous, Ô Silvère, le fruit de ces tristes enseignements. Bien pénétré des vrais principes, le peuple chrétien ne verra jamais s'affaiblir en lui le respect dû à Dieu dans ses représentants, quels qu'ils soient ; et le scandale, d'où qu'il vienne, sera impuissant à entamer sa foi."
* Notre rôle ici n'est point de devancer l’Église dans la défense de quelques-uns de ses Pontifes. Toutefois, l'apologétique a d'autres devoirs ; le nôtre est de rappeler que la mémoire du successeur de saint Silvère a trouvé de savants défenseurs. Vigile n'est point, il est vrai, l'objet d'un culte public, et dès lors l’Église n'a pas à répondre de sa sainteté ; il en est autrement pour Silvère ; mais toute apologie du premier qui ne va pas à diminuer la grandeur morale de ce dernier, garantie par l’Église, est licite et louable. [Dom Prosper Guéranger in L’Année liturgique].
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jeudi, 16 mai 2024
16 mai. Saint Simon de Stock, général des Carmes. 1265.
Saint Simon de Stock intercédant pour les âmes du purgatoire.
Jacques Van Oost. Eglise Saint-André. Lille. Flandres. XVIIe.
S'étant privé volontairement de la conversation des hommes, il jouissait de celle de la Très Sainte Vierge Marie et des anges qui l'exhortaient à persévérer dans sa vie de renoncement et d'amour. La Reine du Ciel l'avertit qu'il verrait bientôt débarquer en Angleterre des ermites de la Palestine. Elle ajouta qu'il devait s'associer à ces hommes qu'Elle considérait comme Ses serviteurs.
En effet, Jean lord Vesoy et Richard lord Gray de Codnor revinrent de Terre Sainte, ramenant en effet avec eux quelques ermites du Mont-Carmel. Docile aux directives de la Mère de Dieu, saint Simon Stock se joignit à ces Pères, en 1212.
Élu vicaire général de l'Ordre des Carmes en 1215, le Saint travailla de toutes ses forces à obtenir de Rome la confirmation de son Ordre pour l'Occident. Il ne manquait pas d'adversaires pour en empêcher l'extension en Europe. Mais Simon Stock supplia la Vierge Marie par d'instantes prières et beaucoup de larmes de défendre Elle-même cet Ordre qui Lui était consacré. Apparaissant en songe au pape Honorius III, la Mère de Dieu lui fit connaître Ses volontés, et en 1226, ce pape confirma la Règle des Carmes.
La Mère de miséricorde apparut un jour à Son serviteur, toute éclatante de lumière et accompagnée d'un grand nombre d'esprits bienheureux, Elle lui remit un scapulaire en disant :
" Reçois Mon fils ce scapulaire, comme le signe d'une étroite alliance avec Moi. Je te le donne pour habit de ton ordre ; ce sera pour toi et pour tous les Carmes un excellent privilège et celui qui le portera ne souffrira jamais l'embrasement éternel. C'est la marque du salut dans les dangers et de l'heureuse possession de la vie qui n'aura jamais de fin."
La dévotion au scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel se répandit non seulement parmi le peuple, mais aussi parmi les rois et les princes qui se trouvèrent fort honorés de porter cette marque des serviteurs de la Très Sainte Vierge.
Notre Dame donnant le Rosaire à saint Dominique et le Scapulaire
à saint Simon de Stock. Eglise Saint-Pierre-et-Saint-Paul (ancien
couvent des Cordeliers). Lons-le-Saulnier. Jura. XVIIIe.
Saint Simon Stock, présent au concile général de Lyon tenu sous le règne du pape Innocent IV, y prononça un éloquent discours contre les divisions qui agitaient alors l'Église. Il mourut dans la vingtième année de son généralat et la centième de son âge, après avoir laissé d'admirables exemples de vertu. La mort le cueillit dans la ville de Bordeaux, alors qu'il visitait ses monastères. L'Église ajouta ses dernières paroles à la salutation angélique :
" Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort."
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lundi, 13 mai 2024
13 mai. Saint Servais, évêque de Tongres. 384.
Réponse de saint Servais aux Huns.
Chef de la châsse-reliquaire de saint Servais conservée
On ignore l'origine de saint Servais. Héribert, abbé de Lobbes, qui a fait l'abrégé de sa vie, dit seulement qu'il était de grande naissance, qu'il fut élevé avec beaucoup de soin, et que sa conduite se sentit toujours de la noblesse et de la générosité de son sang. D'autres auteurs, rapportés par Chapeauville, disent qu'il naquit, sur les frontières de Perse, d'une famille juif apparentée à sainte Anne, mère de la sainte Vierge ; qu'il fut amené à Tongres par un Ange ; que, ne parlant qu'une langue, il était entendu en toutes sortes de nations ; que son abstinence était si admirable, que souvent il ne vivait que de la sainte Eucharistie ; qu'il posséda aussi la grâce des guérisons ; les malades qui pouvaient ou le toucher, ou avoir des restes de sa table, ou même boire de l'eau dont il s'était lavé les mains, étaient assurés de leur guérison.
Son zèle pour la foi catholique parut principalement en trois conciles. Le premier fut celui de Cologne, célébré l'an 346, où il fit condamner et déposer l'évêque de la même ville, coupable de l'hérésie des Ariens ; il est vraisemblable que cet évêque, condamné pour hérésie, fut, non pas Euphratas, comme l'ont cru quelques auteurs, mais son prédécesseur.
Le sacre de saint Servais de Maastricht. Jean-Baptiste Coclers.
Les termes dont usa saint Servais, en opinant dans le concile, sont si importants, qu'ils méritent bien d'être rapportés :
" Je sais certainement ce que ce faux évêque a enseigné ; je n'en parle pas par ouï-dire, mais pour l'avoir moi-même entendu. Comme nos églises étaient voisines, je me suis souvent opposé à sa fausse doctrine lorsqu'il niait la divinité de Jésus-Christ. Je l'ai fait non-seulement en particulier, mais aussi en public, en présence d'Athanase, évêque d'Alexandrie ; et de plusieurs prêtres et diacres ; mon avis est qu'il ne peut être évêque des chrétiens, et que ceux qui auront des communications avec lui ne pourront porter le nom de chrétiens."
Dans ces paroles, il parle de saint Athanase comme d'un témoin fidèle des blasphèmes de cet évêque, parce que ce saint Patriarche, ayant été exilé à Trèves, depuis 336 jusqu'à 338, avait pu aisément l'entendre à Cologne ou en quelque autre lieu voisin.
Le second concile, où saint Servais fit éclater sa Foi et son zèle pour la vérité orthodoxe, fut celui de Sardique : on y confirma la consubstantialité du Verbe Eternel avec son Père, que le concile de Nicée avait définie, et saint Athanase, le plus généreux défenseur de cette consubstantialité, y fut absous de toutes les calomnies que les Ariens avaient forgées contre lui. Ce concile fut tenu l'an 347.
Saint Sylvestre, pape, et saint Servais. Cette représentation évoque
Enfin, le troisième concile fut celui de Rimini, célébré l'an 359, où notre saint Servais, assisté de saint Phoebade, évêque d'Agen, résista, avec un courage intrépide et une force merveilleuse, à la puissance et à la malice des ennemis de la foi, sans craindre ni l'exil, ni la faim et la soif, ni la prison, ni même la mort dont il était menacé. Il est vrai qu'après une longue résistance, il fut enfin trompé par les Ariens, qui lui firent signer une formule qui, paraissant tout à fait orthodoxe, avait néanmoins un sens hérétique dont ils se prévalurent ensuite ; mais cette surprise ne fit que l'animer davantage contre eux ; et, lorsqu'il fut revenu en France, il travailla avec un zèle infatigable à en bannir leur hérésie et à y faire régner la foi orthodoxe, que Saturnin, évêque d'Arles, et Paterne, évêque de Périgueux, avaient entrepris de ruiner.
Dans l'intervalle qui sépara ces deux conciles, le tyran Magnence, qui avait eu part au meurtre de l'empereur Constant, et s'était fait proclamer empereur en sa place, connaissant le mérite incomparable de saint Servais, et combien il avait de force et d'éloquence pour persuader ce qu'il voulait, l'envoya, avec un autre évêque, nommé Maxime, vers l'empereur Constance, frère du défunt, pour ménager un accommodement avec lui et lui faire agréer qu'il conservat la pourpre et qu'il fût associé à l'empire ; mais l'événement nous fait voir qu'ils n'obtinrent pas ce que Maguence souhaitait ; ils n'avaient d'ailleurs entrepris ce voyage que par force, et pour empêcher que ce tyran ne tourmentât les églises s'ils lui refusaient ce bon office.
Pendant que saint Servais, après le concile de Rimini, travaillait à maintenir la foi catholique dans son diocèse et à en bannir le vice, lui attire l'hérésie, Dieu lui fit connaître que les Huns, peuple barbare et cruel, entreraient bientôt dans les Gaules et que, parmi beaucoup d'autres villes, ils saccageraient et détruiraient celle de Tongres. Cette révélation le remplit d'une extrême douleur ; néanmoins, la prenant d'abord plutôt comme une menace qu'on pouvait détourner par les prières et par les larmes, que comm une prédiction absolue et inévitable, il monta en chaire, exhorta son peuple à la pénitence, afin d'arracher les verges de la main du Tout-Puissant.
Il s'offrit aussi lui-même en sacrifice pour ses enfants, et, par des austérités et des gémissements continuels, il tâcha de rendre Dieu propice à un peuple pour qui il avait la tendresse d'une mère. Mais, voyant que le ciel était inflexible et que tous ses soupirs ne l'attendrissaient point, il résolut de faire un voyage à Rome pour intéresser plus efficacement les apôtres saint Pierre et saint Paul à la protection de sa ville.
Il y alla donc, et passa plusieurs jours en jeûne et en oraison auprès de leurs tombeaux. Il pria aussi pourla ville de Metz, parce que saint Auteur, qui en était évêque, et qui ne put pas l'accompagner dans ce voyage, l'avait conjuré, dans son passage par sa ville épiscopale, d'intercéder pour elle aussi bien que pour celle de Tongres.
Saint Pierre apparut à Servais et lui dit " que l'arrét irrévocable était donné contre le pays des Gaules ; les Huns y descendraient et y saccageraient les villes et les provinces ; celle de Tongres serait enveloppée pour ses crimes dans cette inondation ; mais saint Etienne avait puissamment intercédé pour celle de Metz, dont Auteur était évêque, qu'on lui avait encore pardonné pour cette fois ; pour lui, il ne verrait point les maux dont son pays était menacé : il devait s'en retourner promptement, préparer les choses nécessaires à sa sépulture, se retirer à Maastricht et y attendre la volonté de Dieu ".
On dit que le prince des Apôtres lui donna aussi pour gage de son affection, et pour assurance de ce qu'il lui disait, une clef d'argent, faite de la main des Anges, qui a depuis opéré beaucoup de miracles.
Mais il y a des auteurs qui croient que la clef que l'on appelle de saint Servais, lui fut donnée par le pape et que c'est une de ces clefs où l'on mettait un peu de limaille des chaînes de saint Pierre, et que les Papes donnaient par dévotion aux pélerins illustres qui venaient à Rome. C'est une conjecture qui a quelque vraisemblance ; mais, n'étant appuyée de nulle preuve, elle ne peut être aussi forte que la tradition des églises de Maastricht et de Liége, qui porte que cette clef est un présent de saint Pierre.
En revenant de Rome, il tomba entre les mains des Huns qui ravageaient déjà l'Italie, ils le jetèrent d'abord dans une basse fosse, pendant qu'ils délibérèrent entre eux sur ce qu'ils en feraient; mais Dieu, qui n'abandonne jamais ses serviteurs et qui descend avec eux dans les cachots les plus obscurs, fit paraître au milieu de la nuit, dans cette prison, une si grande lumière, que ces barbares, étant épouvantés, se crurent trop heureux de délivrer leur prisonnier et de le mettre en liberté. Il en convertit même quelques-uns, parce qu'une splendeur merveilleuse qui parut sur son visage, et un aigle qui la couvrit d'une de ses ailes durant son sommeil et le rafraîchit du mouvement de l'autre, leur fit connaître que le Dieu qu'il adorait était le Maître et le souverain Seigneur de toutes choses.
Lorsqu'il fut en liberté, il se remit en chemin et traversa l'Italie et les montagnes de la Savoie. Dans les Vosges il fit sourdre miraculeusement une fontaine, dont il étancha sa soif, et qui servit depuis à la guérison de plusieurs malades. Saint Auteur, évêque de Metz, l'étant venu joindre à Worms, il se transporta dans sa ville pour y annoncer au clergé et au peuple ce qu'il avait appris à Rome par l'apparition de saint Pierre. Il leur déclara donc que leur punition était différée ; mais qu'ils devaient mériter cette grâce et éloigner de plus en plus de leurs murs l'indignation de Dieu et la rigueur de ses châtiments par la pénitence et par le changement de leurs moeurs.
Quand il arriva à Tongres, ses diocésains l'y reçurent avec une joie incroyable. Mais cette joie se changea bientôt en un torrent de larmes lorsqu'il leur fit connaître l'arrêt irrévocable que Dieu avait porté contre eux. Leur douleur augmenta beaucoup lorsqu'il leur dit qu'il était obligé de les quitter et de passer en une autre ville pour y trouver la paix du tombeau, ils l'environnèrent, comme autrefois les fidèles d'Ephèse et de Milet avaient environné saint Paul, pour le conjurer de ne les point laisser orphelins. Mais quoique son coeur fût attendri par les pleurs de ses enfants, il ne put pas se dispenser d'obéir à l'ordre de Dieu.
Il sortit donc de Tongres, emportant avec lui ce qui était nécessaire pour sa sépulture. On dit qu'il emporta aussi les ossements sacrés de ses prédécesseurs et de quelques autres saints personnages, honorés d'un culte public dans son diocèse, afin qu'ils ne fussent pas exposés à la profanation des barbares, et que les diocésains qui se réfugieraient à Maastricht, après la ruine de Tongres, y trouvassent par leur moyen une longue et continuelle protection. Ces Saints, qui l'avaient précédé, sont saint Valentin, saint Navite, saint Marcel, saint Métropole ; saint Séverin, saint Florence et saint Martin. Avant de partir, il avait guéri une partie des malades de la ville ; les autres furent réservés pour recevoir la santé après sa mort par l'attouchement de son corps.
Il ne fût pas longtemps à Maastricht sans voir l'effet de la prédiction de saint Pierre. A peine eut-il placé décemment les saintes reliques qu'il avait apportées de Tongres, marqué le lieu de sa sépulture et fait ses dernières dispositions, qu'étant à l'autel, où il célébrait les Divins Mystères, il fut averti par un Ange du jour et de l'heure de son décès. Une fièvre le saisit aussitôt, et, au bout de 3 jours, après avoir reçu les derniers Sacrements, exhorté son peuple à la crainte de Dieu et prié instamment pour son Salut, il mourut paisiblement, au milieu d'une grande splendeur qui l'environna. Ce fut sur les 3 heures de l'après-midi, qui est l'heure de None, le 13 mai de l'année 384.
Décès de saint Servais. Gravure de Jacques Callot. XVIIe.
Son décès fut accompagné de plusieurs miracles : un ange descendit du ciel et apporta un voile de soie dont il le couvrit. On entendit dans l'air une musique céleste, célébrant les victoires qu'il avait remportées sur les puissances de l'enfer. Tous les malades de Maastricht et ceux de Tongres, qui assistèrent à son convoi, furent guéris. Enfin, il fit de si grands miracles, que sa mémoire fut rendue célèbre dans toutes les Gaules. Il fut enterré près du pont de la Digue publique, et l'on remarqua que la neige ne couvrit jamais sa pierre tumulaire, quoiqu'elle tombât en abondance partout alentour. Le martyrologe romain n'oublie pas ce prodige, rapporté par saint Grégoire de Tours.
La même année, les Huns firent irruption dans les Gaules et saccagèrent la ville de Tongres, qui ne put jamais se relever entièrement de ce désastre. Notre Saint n'eut de successeur que 100 ans après, lorsque saint Remi, après le Baptême de Clovis, rétablit les Eglises de Flandre et les pourvut de pasteurs. Celui qu'il donna à Maastricht et à Tongres fut saint Agricole, qui, par un respect singulier pour saint Servais, fit bâtir une église sur son sépulcre. En 583, saint Monulphe en fit bâtir une autre bien plus magnifique en son honneur, dans laquelle il transporta son corps, comme le dit saint Grégoire de Tours, dans le livre de la " Gloire des confesseurs ".
Face du reliquaire de saint Servais.
Saint Hubert, après la célèbre victoire de Charles Martel sur les Sarrasins (732), le jour de saint Servais, fit une nouvelle translation de ses précieuses dépouilles. On trouva son corps entier ; le visage étant découvert, parut si resplendissant, qu'il remplit de lumière tout le caveau. On trouva aussi la clef qu'il avait apportée de Rome, avec le voile que les anges avaient mis sur lui après son décès. On le transféra dans une châsse d'argent doré, et on le plaça au-dessus du grand Autel. Depuis, l'empereur Othon l'avait fait transférer à Quedlimbourg, dans une église dédiée sous son nom ; mais il fut bientôt rapporté dans la ville de Maastricht, où il a fait de très-grandes merveilles.
L'aigle qui employa ses ailes en guise d'éventail pour rafraîchir le Saint pendant son sommeil ; l'ange qui le conduit d'Arménie ou de Perse dans la Gaule Belgique ; la clef que lui remit saint Pierre, ou que lui aurait simplement donnée le Pape ; un dragon qui expire près de lui, symbole de ses luttes contre l'arianisme ; une fontaine qu'il fait jaillir sous son bâton pastoral ; la mitre qu'il reçoit de la main d'un Ange ; la neige qui respecte son tombeau, tandis qu'elle en recouvre les alentours, sont autant d'attributs qui ont servi à caractériser saint Servais dans l'art populaire.
Dos du reliquaire de saint Servais.
Saint Servais est l'un des " trois Saints de neige ou de glace " ; les deux autres sont saint Mamert, 11 mai, et saint Pancrace, 12 mai.
En plusieurs endroits, on invoque saint Servais contre le mal de jambes (même des animaux), pour le bon succès des entreprises ; contre les rats et les souris.
Tous les martyrologes latins font une honorable mémoire de saint Servais. Sa Vie a été écrite,comme nous l'avons dit, par Héribert, abbé de Lobbes. Gilles, moine d'Orval, y a fait quelques additions.
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