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4 novembre 2007. XXIIIe dimanche après la Pentecôte.

- XXIIIe dimanche après la Pentecôte.

Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.


Résurrection de la fille de Jaïre. Véronèse. XVIIe.

A LA MESSE

L'Antiphonaire se termine aujourd'hui ; l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion ci-après, devront être repris en chacun des Dimanches qui peuvent se succéder encore plus ou moins nombreux, suivant les années, jusqu'à l'Avent. On se rappelle qu'au temps de saint Grégoire, l'Avent étant plus long que de nos jours (Avent, Historique.), ses semaines avançaient dans la partie du Cycle occupée maintenant par les derniers Dimanches après la Pentecôte. C'est une des raisons qui expliquent la pénurie de composition des Messes dominicales après la vingt-troisième.

En celle-ci même autrefois, l'Eglise, sans perdre de vue le dénouement final de l'histoire du monde, tournait déjà sa pensée vers l'approche du temps consacré à préparer pour ses enfants la grande fête de Noël. On lisait pour Epître le passage suivant de Jérémie, qui servit plus tard, en divers lieux, à la Messe du premier Dimanche de l'Avent :
" Voici que le jour arrive, dit le Seigneur, et je susciterai à David une race juste. Un roi régnera, qui sera sage et qui accomplira la justice et le jugement sur la terre. En ces jours-là Juda sera sauvé, et Israël habitera dans la paix ; et voici le nom qu'ils donneront à ce roi : Le Seigneur notre juste ! C'est pourquoi le temps " vient, dit le Seigneur, où l'on ne dira plus :
" Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui a tiré et ramené la postérité de la maison d'Israël de la terre d'aquilon et de tous les pays » dans lesquels je les avais dispersés et chassés ! Et ils habiteront dans leur terre
(Jerem. XXIII, 5-8.)."


Le saint prophète Jérémie (détail). Rembrandt. XVIIe.

Comme on le voit, ce passage s'applique également très bien à la conversion des Juifs et à la restauration d'Israël annoncée pour les derniers temps. C'est le point de vue auquel se sont placés les plus illustres liturgistes du moyen âge, pour expliquer toute la Messe du vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte. Mais pour bien les comprendre, il faut observer aussi que, primitivement, l'Evangile du vingt-troisième Dimanche était l'Evangile de la multiplication des cinq pains. Cédons la parole au pieux et profond Abbé Rupert qui, mieux que personne, nous apprendra le mystère de ce jour où prennent fin les accents, si variés jusqu'ici, des mélodies grégoriennes.

" La sainte Eglise, dit-il, met tant de zèle à s'acquitter des supplications, des prières et des actions de grâces pour tous les hommes demandées par l'Apôtre (I Tim. II, 1.), qu'on la voit rendre grâces aussi pour le salut à venir des fils d'Israël, qu'elle sait devoir être un jour unis à son corps. Comme, en effet, à la fin du monde leurs restes seront sauvés (Rom. IX, 27.), dans ce dernier Office de l'année elle se félicite en eux comme en ses futurs membres.
Dans l'Introït, elle chante tous les ans, rappelant ainsi sans fin les prophéties qui les concernent : Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction. Ses pensées sont toutes de paix en effet, puisqu'il promet d'admettre au banquet de sa grâce les Juifs ses frères selon la chair, réalisant ce qui avait été figuré dans l'histoire du patriarche Joseph. Les frères de ce dernier, qui l'avaient vendu, vinrent à lui poussés par la faim, lorsqu'il étendait sa domination sur toute la terre d'Egypte ; ils furent reconnus, reçus par lui, et lui-même fit avec eux un grand festin : ainsi notre Seigneur, régnant sur tout le monde et nourrissant abondamment du pain de vie les Egyptiens, c'est-à-dire les Gentils, verra revenir à lui les restes des fils d'Israël ; reçus en la grâce de celui qu'ils ont renié et mis à mort, il leur donnera place à sa table, et le vrai Joseph s'abreuvera délicieusement avec ses frères.


Le bienfait de cette table divine est signifié, dans l'Office du Dimanche, par l'Evangile, où l'on raconte du Seigneur qu'il nourrit avec cinq pains la multitude. Alors, en effet, Jésus ouvrira pour les Juifs les cinq livres de Moïse, portés maintenant comme des pains entiers et non rompus encore, par un enfant, à savoir ce même peuple resté jusqu'ici dans l'étroitesse d'esprit de l'enfance.

Alors sera accompli l'oracle de Jérémie, si bien placé avant cet Evangile; on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui les a ramenés de la terre d'aquilon et de toutes celles où ils étaient dispersés !



Le saint prophète Jérémie. Plaque de reliquaire. XIIe.

Délivrés donc de la captivité spirituelle qui les retient maintenant, ils chanteront du fond de l'âme l'action de grâces indiquée au Graduel : Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous persécutaient.

La supplication par laquelle nous disons, dans l'Offertoire : Du fond de l'abîmej'aicrié vers vous, Seigneur, répond manifestement, elle aussi, aux mêmes circonstances. Car en ce jour-là, ses frères diront au grand et véritable Joseph : " Nous vous conjurons d'oublier le crime de vos frères "
[/b] (Gen L, 17.).

La Communion : En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez dans vos prières, et le reste, est la réponse de ce même Joseph disant, comme autrefois le premier (Ibid. 19-21.) : " Ne craignez point. Vous aviez formé contre moi un dessein mauvais ; mais Dieu l'a fait tourner au bien, afin de m'élever comme vous voyez maintenant " et de sauver beaucoup de peuples. Ne craignez donc point : je vous nourrirai, vous et vos a enfants "." (Rup. De div. Off. XII, 23).

EPITRE


Saint Paul écrivant. Valentin de Bourgogne. XVIIe.

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. III.

" Mes Frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous. Car il y en a plusieurs dont je vous ai parlé souvent, dont je vous parle encore avec larmes, qui sont les ennemis de la croix du Christ. Ils ont pour fin la mort, pour dieu leur ventre ; ils placent la gloire pour eux dans leur honte, n'ayant de goût que pour les choses de la terre. Mais pour nous, déjà nous vivons dans les cieux ; c'est de là aussi que nous attendons pour Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre bassesse et le rendra conforme à son corps glorieux, par la puissance qui lui permet de s'assujettir aussi toutes choses. C'est pourquoi, mes frères très chers et très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, Ô mes bien-aimés. Je prie Evodia et je conjure Syntychès de s'unir et d'avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur.
Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie."


Le nom de Clément, qui vient d'être prononcé par l'Apôtre, est celui du second successeur de saint Pierre. Assez souvent, le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte ne précède que de fort peu la solennité de ce grand pontife et martyr du premier siècle. Disciple de Paul, attaché depuis à la personne de Pierre, et désigné par le vicaire de l'Homme-Dieu comme le plus digne de monter après lui sur la chaire apostolique, Clément, nous le verrons au 23 novembre, était l'un des saints de cette époque primitive les plus vénérés des fidèles. La mention faite de lui à l'Office du Temps, dans les jours qui précédaient son apparition directe au cycle de la sainte Eglise, excitait la joie du peuple chrétien et ranimait sa ferveur, à la pensée de l'approche d'un de ses plus illustres protecteurs et amis.

Au moment où saint Paul écrivait aux Philippiens, Clément, qui devait longtemps encore survivre aux Apôtres, était bien des hommes dont parle notre Epître, imitateurs de ces illustres modèles, appelés à perpétuer dans le troupeau confié à leurs soins (I Petr. V, 3.) la règle des mœurs, moins encore par la fidélité de l'enseignement que par la force de l'exemple. L'unique Epouse du Verbe divin se reconnaît à l'incommunicable privilège d'avoir en elle, par la sainteté, la vérité toujours vivante et non point seulement lettre morte. L'Esprit-Saint n'a point empoché les livres sacrés des Ecritures de passer aux mains des sectes séparées ; mais il a réservé à l'Eglise le trésor de la tradition qui seule transmet pleinement, d'une génération à l'autre, le Verbe lumière et vie (Johan. I, 4.), par la vérité et la sainteté de l'Homme-Dieu toujours présentes en ses membres, toujours tangibles et visibles en l'Eglise (I Johan. I, 1.).

La sainteté inhérente à l'Eglise est la tradition à sa plus haute expression, parce qu'elle est la vérité non seulement proférée, mais agissante (I Thess. II, 13.), comme elle l'était en Jésus-Christ, comme elle l'est en Dieu (Johan. V, 17.). C'est là le dépôt (I Tim. VI, 20.) que les disciples des Apôtres recevaient la mission de transmettre à leurs successeurs, comme les Apôtres eux-mêmes l'avaient reçu du Verbe descendu en terre.

Aussi saint Paul ne se bornait point à confier l'enseignement dogmatique à son disciple Timothée (II Tim. III, 2.) ; il lui disait : " Sois l'exemple des fidèles dans la parole et la conduite " (I Tim. IV, 12.). Il redisait à Tite : " Montre-toi un modèle, en fait de doctrine et d'intégrité de vie " (Tit. II, 7.). Il répétait à tous : " Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ " (I Cor. II, 16.).

Il envoyait aux Corinthiens Timothée, pour leur rappeler, pour leur apprendre au besoin, non les dogmes seulement de son Evangile, mais ses voies en Jésus-Christ, sa manière de vivre ; car cette manière de vivre de l'Apôtre était, pour une part, son enseignement même en toutes les Eglises (Ibid. 17.) ; et il louait les fidèles de Corinthe de ce qu'en effet ils se souvenaient de lui pour l'imiter en toutes choses, gardant ainsi la tradition de Jésus-Christ (I Cor. XI, 1-2.).

Les Thessaloniciens étaient si bien entrés dans cet enseignement tiré de la vie de leur Apôtre, que, devenus ses imitateurs, et par là même ceux de Jésus-Christ, ils étaient, dit saint Paul, la forme de tous les croyants ; cet enseignement muet de la révélation chrétienne, qu'ils donnaient en leurs mœurs, rendait comme inutile la parole même des messagers de l'Evangile (I Thess. I, 5-8.).

L'Eglise est un temple admirable qui s'élève à la gloire du Très-Haut par le concours des pierres vivantes appelées à entrer dans ses murs (Eph. II,20-22.). La construction de ces murailles sacrées sur le plan arrêté par l'Homme-Dieu est l'œuvre de tous. Ce que l'un fait par la parole (I Cor. XIV, 3.), l'autre le fait par l'exemple (Rom. XIV, 19.) ; mais tous deux construisent, tous deux édifient la cité sainte ; et, comme au temps des Apôtres, l'édification par l'exemple l'emporte sur l'autre en efficacité, quand la parole n'est pas soutenue de l'autorité d'une vie conforme à l'Evangile.

Mais de même que l'édification de ceux qui l'entourent est, pour le chrétien, une obligation fondée à la fois sur la charité envers le prochain et sur le zèle de la maison de Dieu, il doit, sous peine de présomption, chercher dans autrui cette même édification pour lui-même. La lecture des bons livres, l'étude de la vie des saints, l'observation, selon l'expression de notre Epître, l'observation respectueuse des bons chrétiens qui vivent à ses côtés, lui seront d'un immense secours pour l'œuvre de sa sanctification personnelle et l'accomplissement des vues de Dieu en lui.

Cette fréquentation de pensées avec les élus de la terre et du ciel nous éloignera des mauvais, qui repoussent la croix de Jésus-Christ et ne rêvent que les honteuses satisfactions des sens. Elle placera véritablement notre conversation dans les cieux. Attendant pour un jour qui n'est plus éloigné l'avènement du Seigneur, nous demeurerons fermes en lui, malgré la défection de tant de malheureux entraînés par le courant qui emporte le monde à sa perte.
L'angoisse et les souffrances des derniers temps ne feront qu'accroître en nous la sainte espérance ; car elles exciteront toujours plus notre désir du moment solennel où le Seigneur apparaîtra pour achever l'œuvre du salut des siens, en revêtant notre chair même de l'éclat de son divin corps. Soyons unis, comme le demande l'Apôtre, et, pour le reste : " Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ", écrit-il à ses chers Philippiens ; " je le dis de nouveau, réjouissez-vous : le Seigneur est proche " (Philip, IV, 4-5.).

ÉVANGILE


Résurrection de la fille de Jaïre. Gustave Doré. XIXe.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.

" En ce temps-là, comme Jésus parlait au peuple, voici qu'un prince de la synagogue s'approcha, et l'adorant, il lui disait :
" Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra."
Et Jésus, se levant, le suivait avec ses disciples. Or voici qu'une femme qui souffrait d'un flux de sang depuis douze années s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Car elle disait en elle-même : " Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée ".
Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit :
" Aie confiance, ma fille ; ta foi t'a sauvée."
Et de cette heure même, la femme fut guérie. Jésus venant ensuite à la maison du prince, et voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit, leur dit :
" Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie."
Et ils se moquaient de lui. Mais lorsqu'on eut mis tout ce monde à la porte, il entra, prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s'en répandit dans tout le pays."


Quoique le choix de cet Evangile pour aujourd'hui ne remonte pas partout à la plus haute antiquité, il entre bien dans l'économie générale de la sainte Liturgie, et confirme ce que nous avons dit du caractère de cette partie de l'année. Saint Jérôme nous apprend, dans l'Homélie du jour, que l'hémorroïsse guérie par le Sauveur figure la gentilité, tandis que la nation juive est représentée par la fille du prince de la synagogue (Matth. IX.). Celle-ci ne devait retrouver la vie qu'après le rétablissement de la première ; et tel est précisément le mystère que nous célébrons en ces jours, où, la plénitude des nations avant reconnu le médecin céleste, l'aveuglement dont Israël avait été frappé cesse enfin lui-même (Rom. XI, 25.).

De cette hauteur où nous sommes parvenus, de ce point où le monde, ayant achevé ses destinées, ne va sembler sombrer un instant que pour se dégager des impies et s'épanouir de nouveau, transformé dans la lumière et l'amour : combien mystérieuses et à la fois fortes et suaves nous apparaissent les voies de l'éternelle Sagesse (Sap. VIII, 1.) !

Le péché, dès le début, avait rompu l'harmonie du monde, en jetant l'homme hors de sa voie. Si, entre toutes, une famille avait attiré sur elle la miséricorde, la lumière, en se levant sur cette privilégiée, n'avait fait que manifester plus profonde la nuit où végétait le genre humain. Les nations, abandonnées à leur misère épuisante, voyaient les attentions divines aller à Israël, et l'oubli s'appesantir sur elles au contraire. Lors même que les temps où la faute première devait être réparée se trouvèrent accomplis, il sembla que la réprobation des gentils dût être consommée du même coup ; car on vit le salut, venu du ciel en la personne de l'Homme-Dieu, se diriger exclusivement vers les Juifs et les brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).


Résurrection de la fille de Jaïre. Gravure de Schnorr. XIXe.

Cependant la race gratuitement fortunée, dont les pères et les premiers princes avaient si ardemment sollicité l'arrivée du Messie, ne se trouvait plus à la hauteur où l'avaient placée les patriarches et les saints prophètes. Sa religion si belle, fondée sur le désir et l'espérance, n'était plus qu'une attente stérile qui la tenait dans l'impuissance de faire un pas au-devant du Sauveur ; sa loi incomprise , après l'avoir immobilisée , achevait de l'étouffer dans les liens d'un formalisme sectaire. Or, pendant qu'en dépit de ce coupable engourdissement, elle comptait, dans son orgueil jaloux, garder l'apanage exclusif des faveurs d'en haut, la gentilité que son mal, toujours grandissant lui aussi, portait au-devant d'un libérateur, la gentilité reconnaissait en Jésus le Sauveur du monde, et sa confiante initiative lui méritait d'être guérie la première. Le dédain apparent du Seigneur n'avait servi qu'à l'affermir dans l'humilité, dont la puissance pénètre les cieux (Eccli. XXXV, 21.).

Israël devait donc attendre à son tour. Selon qu'il le chantait dans le psaume, l'Ethiopie l’avait prévenu en tendant ses mains vers Dieu la première (Psalm. LXVII, 32.). Désormais ce fut à lui de retrouver, dans les souffrances d'un long abandon, l'humilité qui avait valu à ses pères les promesses divines et pouvait seule lui en mériter l'accomplissement. Mais aujourd'hui la parole de salut a retenti dans toutes les nations, sauvant tous ceux qui devaient l'être. Jésus, retardé sur sa route, arrive enfin à la maison vers laquelle se dirigeaient ses pas dès l'abord, à cette maison de Juda où dure toujours l'assoupissement de la fille de Sion.

Sa toute-puissance compatissante écarte de la pauvre abandonnée la foule confuse des faux docteurs, et ces prophètes de mensonge qui l'avaient endormie aux accents de leurs paroles vaines ; il chasse loin d'elle pour jamais ces insulteurs du Christ, qui prétendaient la garder dans la mort. Prenant la main de la malade, il la rend à la vie dans tout l'éclat de sa première jeunesse; prouvant bien que sa mort apparente n'était qu'un sommeil, et que l'accumulation des siècles ne pouvait prévaloir contre la parole donnée par Dieu à Abraham son serviteur (Luc. 1, 54-55.).

Au monde maintenant de se tenir prêt pour la transformation dernière. Car la nouvelle du rétablissement de la fille de Sion met le dernier sceau à l'accomplissement des prophéties. Il ne reste plus aux tombeaux qu'à rendre leurs morts (Dan. XII, 1-2.). La vallée de Josaphat se prépare pour le grand rassemblement des nations (Joël, III, 1.) ; le mont des Oliviers va de nouveau (Act. I, 11.) porter l'Homme-Dieu, mais cette fois comme Seigneur et comme juge (Zach. XIV, 4.).

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dimanche, 04 novembre 2007 | Lien permanent

25 novembre 2007. XXVIe et dernier dimanche après la Pentecôte.

- XXVIe et dernier dimanche après la Pentecôte.

Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.


Résurrection de la fille de Jaïre. Véronèse. XVIIe.

A LA MESSE

L'Antiphonaire se termine aujourd'hui ; l'Introït, le Graduel, l'Offertoire et la Communion ci-après, devront être repris en chacun des Dimanches qui peuvent se succéder encore plus ou moins nombreux, suivant les années, jusqu'à l'Avent. On se rappelle qu'au temps de saint Grégoire, l'Avent étant plus long que de nos jours (Avent, Historique.), ses semaines avançaient dans la partie du Cycle occupée maintenant par les derniers Dimanches après la Pentecôte. C'est une des raisons qui expliquent la pénurie de composition des Messes dominicales après la vingt-troisième.

En celle-ci même autrefois, l'Eglise, sans perdre de vue le dénouement final de l'histoire du monde, tournait déjà sa pensée vers l'approche du temps consacré à préparer pour ses enfants la grande fête de Noël. On lisait pour Epître le passage suivant de Jérémie, qui servit plus tard, en divers lieux, à la Messe du premier Dimanche de l'Avent :
" Voici que le jour arrive, dit le Seigneur, et je susciterai à David une race juste. Un roi régnera, qui sera sage et qui accomplira la justice et le jugement sur la terre. En ces jours-là Juda sera sauvé, et Israël habitera dans la paix ; et voici le nom qu'ils donneront à ce roi : Le Seigneur notre juste ! C'est pourquoi le temps " vient, dit le Seigneur, où l'on ne dira plus :
" Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui a tiré et ramené la postérité de la maison d'Israël de la terre d'aquilon et de tous les pays » dans lesquels je les avais dispersés et chassés ! Et ils habiteront dans leur terre
(Jerem. XXIII, 5-8.)."


Le saint prophète Jérémie (détail). Rembrandt. XVIIe.

Comme on le voit, ce passage s'applique également très bien à la conversion des Juifs et à la restauration d'Israël annoncée pour les derniers temps. C'est le point de vue auquel se sont placés les plus illustres liturgistes du moyen âge, pour expliquer toute la Messe du vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte. Mais pour bien les comprendre, il faut observer aussi que, primitivement, l'Evangile du vingt-troisième Dimanche était l'Evangile de la multiplication des cinq pains. Cédons la parole au pieux et profond Abbé Rupert qui, mieux que personne, nous apprendra le mystère de ce jour où prennent fin les accents, si variés jusqu'ici, des mélodies grégoriennes.

" La sainte Eglise, dit-il, met tant de zèle à s'acquitter des supplications, des prières et des actions de grâces pour tous les hommes demandées par l'Apôtre (I Tim. II, 1.), qu'on la voit rendre grâces aussi pour le salut à venir des fils d'Israël, qu'elle sait devoir être un jour unis à son corps. Comme, en effet, à la fin du monde leurs restes seront sauvés (Rom. IX, 27.), dans ce dernier Office de l'année elle se félicite en eux comme en ses futurs membres.
Dans l'Introït, elle chante tous les ans, rappelant ainsi sans fin les prophéties qui les concernent : Le Seigneur dit : Mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction. Ses pensées sont toutes de paix en effet, puisqu'il promet d'admettre au banquet de sa grâce les Juifs ses frères selon la chair, réalisant ce qui avait été figuré dans l'histoire du patriarche Joseph. Les frères de ce dernier, qui l'avaient vendu, vinrent à lui poussés par la faim, lorsqu'il étendait sa domination sur toute la terre d'Egypte ; ils furent reconnus, reçus par lui, et lui-même fit avec eux un grand festin : ainsi notre Seigneur, régnant sur tout le monde et nourrissant abondamment du pain de vie les Egyptiens, c'est-à-dire les Gentils, verra revenir à lui les restes des fils d'Israël ; reçus en la grâce de celui qu'ils ont renié et mis à mort, il leur donnera place à sa table, et le vrai Joseph s'abreuvera délicieusement avec ses frères.


Le bienfait de cette table divine est signifié, dans l'Office du Dimanche, par l'Evangile, où l'on raconte du Seigneur qu'il nourrit avec cinq pains la multitude. Alors, en effet, Jésus ouvrira pour les Juifs les cinq livres de Moïse, portés maintenant comme des pains entiers et non rompus encore, par un enfant, à savoir ce même peuple resté jusqu'ici dans l'étroitesse d'esprit de l'enfance.

Alors sera accompli l'oracle de Jérémie, si bien placé avant cet Evangile; on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'Egypte ! mais : Vive le Seigneur qui les a ramenés de la terre d'aquilon et de toutes celles où ils étaient dispersés !



Le saint prophète Jérémie. Plaque de reliquaire. XIIe.

Délivrés donc de la captivité spirituelle qui les retient maintenant, ils chanteront du fond de l'âme l'action de grâces indiquée au Graduel : Vous nous avez délivrés, Seigneur, de ceux qui nous persécutaient.

La supplication par laquelle nous disons, dans l'Offertoire : Du fond de l'abîmej'aicrié vers vous, Seigneur, répond manifestement, elle aussi, aux mêmes circonstances. Car en ce jour-là, ses frères diront au grand et véritable Joseph : " Nous vous conjurons d'oublier le crime de vos frères "
[/b] (Gen L, 17.).

La Communion : En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez dans vos prières, et le reste, est la réponse de ce même Joseph disant, comme autrefois le premier (Ibid. 19-21.) : " Ne craignez point. Vous aviez formé contre moi un dessein mauvais ; mais Dieu l'a fait tourner au bien, afin de m'élever comme vous voyez maintenant " et de sauver beaucoup de peuples. Ne craignez donc point : je vous nourrirai, vous et vos a enfants "." (Rup. De div. Off. XII, 23).

EPITRE


Saint Paul écrivant. Valentin de Bourgogne. XVIIe.

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. III.

" Mes Frères, soyez mes imitateurs, et observez ceux qui se conduisent suivant le modèle que vous avez en nous. Car il y en a plusieurs dont je vous ai parlé souvent, dont je vous parle encore avec larmes, qui sont les ennemis de la croix du Christ. Ils ont pour fin la mort, pour dieu leur ventre ; ils placent la gloire pour eux dans leur honte, n'ayant de goût que pour les choses de la terre. Mais pour nous, déjà nous vivons dans les cieux ; c'est de là aussi que nous attendons pour Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui reformera le corps de notre bassesse et le rendra conforme à son corps glorieux, par la puissance qui lui permet de s'assujettir aussi toutes choses. C'est pourquoi, mes frères très chers et très désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, Ô mes bien-aimés. Je prie Evodia et je conjure Syntychès de s'unir et d'avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur.
Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie."


Le nom de Clément, qui vient d'être prononcé par l'Apôtre, est celui du second successeur de saint Pierre. Assez souvent, le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte ne précède que de fort peu la solennité de ce grand pontife et martyr du premier siècle. Disciple de Paul, attaché depuis à la personne de Pierre, et désigné par le vicaire de l'Homme-Dieu comme le plus digne de monter après lui sur la chaire apostolique, Clément, nous le verrons au 23 novembre, était l'un des saints de cette époque primitive les plus vénérés des fidèles. La mention faite de lui à l'Office du Temps, dans les jours qui précédaient son apparition directe au cycle de la sainte Eglise, excitait la joie du peuple chrétien et ranimait sa ferveur, à la pensée de l'approche d'un de ses plus illustres protecteurs et amis.

Au moment où saint Paul écrivait aux Philippiens, Clément, qui devait longtemps encore survivre aux Apôtres, était bien des hommes dont parle notre Epître, imitateurs de ces illustres modèles, appelés à perpétuer dans le troupeau confié à leurs soins (I Petr. V, 3.) la règle des mœurs, moins encore par la fidélité de l'enseignement que par la force de l'exemple. L'unique Epouse du Verbe divin se reconnaît à l'incommunicable privilège d'avoir en elle, par la sainteté, la vérité toujours vivante et non point seulement lettre morte. L'Esprit-Saint n'a point empoché les livres sacrés des Ecritures de passer aux mains des sectes séparées ; mais il a réservé à l'Eglise le trésor de la tradition qui seule transmet pleinement, d'une génération à l'autre, le Verbe lumière et vie (Johan. I, 4.), par la vérité et la sainteté de l'Homme-Dieu toujours présentes en ses membres, toujours tangibles et visibles en l'Eglise (I Johan. I, 1.).

La sainteté inhérente à l'Eglise est la tradition à sa plus haute expression, parce qu'elle est la vérité non seulement proférée, mais agissante (I Thess. II, 13.), comme elle l'était en Jésus-Christ, comme elle l'est en Dieu (Johan. V, 17.). C'est là le dépôt (I Tim. VI, 20.) que les disciples des Apôtres recevaient la mission de transmettre à leurs successeurs, comme les Apôtres eux-mêmes l'avaient reçu du Verbe descendu en terre.

Aussi saint Paul ne se bornait point à confier l'enseignement dogmatique à son disciple Timothée (II Tim. III, 2.) ; il lui disait : " Sois l'exemple des fidèles dans la parole et la conduite " (I Tim. IV, 12.). Il redisait à Tite : " Montre-toi un modèle, en fait de doctrine et d'intégrité de vie " (Tit. II, 7.). Il répétait à tous : " Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ " (I Cor. II, 16.).

Il envoyait aux Corinthiens Timothée, pour leur rappeler, pour leur apprendre au besoin, non les dogmes seulement de son Evangile, mais ses voies en Jésus-Christ, sa manière de vivre ; car cette manière de vivre de l'Apôtre était, pour une part, son enseignement même en toutes les Eglises (Ibid. 17.) ; et il louait les fidèles de Corinthe de ce qu'en effet ils se souvenaient de lui pour l'imiter en toutes choses, gardant ainsi la tradition de Jésus-Christ (I Cor. XI, 1-2.).

Les Thessaloniciens étaient si bien entrés dans cet enseignement tiré de la vie de leur Apôtre, que, devenus ses imitateurs, et par là même ceux de Jésus-Christ, ils étaient, dit saint Paul, la forme de tous les croyants ; cet enseignement muet de la révélation chrétienne, qu'ils donnaient en leurs mœurs, rendait comme inutile la parole même des messagers de l'Evangile (I Thess. I, 5-8.).

L'Eglise est un temple admirable qui s'élève à la gloire du Très-Haut par le concours des pierres vivantes appelées à entrer dans ses murs (Eph. II,20-22.). La construction de ces murailles sacrées sur le plan arrêté par l'Homme-Dieu est l'œuvre de tous. Ce que l'un fait par la parole (I Cor. XIV, 3.), l'autre le fait par l'exemple (Rom. XIV, 19.) ; mais tous deux construisent, tous deux édifient la cité sainte ; et, comme au temps des Apôtres, l'édification par l'exemple l'emporte sur l'autre en efficacité, quand la parole n'est pas soutenue de l'autorité d'une vie conforme à l'Evangile.

Mais de même que l'édification de ceux qui l'entourent est, pour le chrétien, une obligation fondée à la fois sur la charité envers le prochain et sur le zèle de la maison de Dieu, il doit, sous peine de présomption, chercher dans autrui cette même édification pour lui-même. La lecture des bons livres, l'étude de la vie des saints, l'observation, selon l'expression de notre Epître, l'observation respectueuse des bons chrétiens qui vivent à ses côtés, lui seront d'un immense secours pour l'œuvre de sa sanctification personnelle et l'accomplissement des vues de Dieu en lui.

Cette fréquentation de pensées avec les élus de la terre et du ciel nous éloignera des mauvais, qui repoussent la croix de Jésus-Christ et ne rêvent que les honteuses satisfactions des sens. Elle placera véritablement notre conversation dans les cieux. Attendant pour un jour qui n'est plus éloigné l'avènement du Seigneur, nous demeurerons fermes en lui, malgré la défection de tant de malheureux entraînés par le courant qui emporte le monde à sa perte.
L'angoisse et les souffrances des derniers temps ne feront qu'accroître en nous la sainte espérance ; car elles exciteront toujours plus notre désir du moment solennel où le Seigneur apparaîtra pour achever l'œuvre du salut des siens, en revêtant notre chair même de l'éclat de son divin corps. Soyons unis, comme le demande l'Apôtre, et, pour le reste : " Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ", écrit-il à ses chers Philippiens ; " je le dis de nouveau, réjouissez-vous : le Seigneur est proche " (Philip, IV, 4-5.).

ÉVANGILE


Résurrection de la fille de Jaïre. Gustave Doré. XIXe.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.

" En ce temps-là, comme Jésus parlait au peuple, voici qu'un prince de la synagogue s'approcha, et l'adorant, il lui disait :
" Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra."
Et Jésus, se levant, le suivait avec ses disciples. Or voici qu'une femme qui souffrait d'un flux de sang depuis douze années s'approcha par derrière, et toucha la frange de son vêtement. Car elle disait en elle-même : " Si je touche seulement son vêtement, je serai sauvée ".
Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit :
" Aie confiance, ma fille ; ta foi t'a sauvée."
Et de cette heure même, la femme fut guérie. Jésus venant ensuite à la maison du prince, et voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit, leur dit :
" Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie."
Et ils se moquaient de lui. Mais lorsqu'on eut mis tout ce monde à la porte, il entra, prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s'en répandit dans tout le pays."


Quoique le choix de cet Evangile pour aujourd'hui ne remonte pas partout à la plus haute antiquité, il entre bien dans l'économie générale de la sainte Liturgie, et confirme ce que nous avons dit du caractère de cette partie de l'année. Saint Jérôme nous apprend, dans l'Homélie du jour, que l'hémorroïsse guérie par le Sauveur figure la gentilité, tandis que la nation juive est représentée par la fille du prince de la synagogue (Matth. IX.). Celle-ci ne devait retrouver la vie qu'après le rétablissement de la première ; et tel est précisément le mystère que nous célébrons en ces jours, où, la plénitude des nations avant reconnu le médecin céleste, l'aveuglement dont Israël avait été frappé cesse enfin lui-même (Rom. XI, 25.).

De cette hauteur où nous sommes parvenus, de ce point où le monde, ayant achevé ses destinées, ne va sembler sombrer un instant que pour se dégager des impies et s'épanouir de nouveau, transformé dans la lumière et l'amour : combien mystérieuses et à la fois fortes et suaves nous apparaissent les voies de l'éternelle Sagesse (Sap. VIII, 1.) !

Le péché, dès le début, avait rompu l'harmonie du monde, en jetant l'homme hors de sa voie. Si, entre toutes, une famille avait attiré sur elle la miséricorde, la lumière, en se levant sur cette privilégiée, n'avait fait que manifester plus profonde la nuit où végétait le genre humain. Les nations, abandonnées à leur misère épuisante, voyaient les attentions divines aller à Israël, et l'oubli s'appesantir sur elles au contraire. Lors même que les temps où la faute première devait être réparée se trouvèrent accomplis, il sembla que la réprobation des gentils dût être consommée du même coup ; car on vit le salut, venu du ciel en la personne de l'Homme-Dieu, se diriger exclusivement vers les Juifs et les brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).


Résurrection de la fille de Jaïre. Gravure de Schnorr. XIXe.

Cependant la race gratuitement fortunée, dont les pères et les premiers princes avaient si ardemment sollicité l'arrivée du Messie, ne se trouvait plus à la hauteur où l'avaient placée les patriarches et les saints prophètes. Sa religion si belle, fondée sur le désir et l'espérance, n'était plus qu'une attente stérile qui la tenait dans l'impuissance de faire un pas au-devant du Sauveur ; sa loi incomprise , après l'avoir immobilisée , achevait de l'étouffer dans les liens d'un formalisme sectaire. Or, pendant qu'en dépit de ce coupable engourdissement, elle comptait, dans son orgueil jaloux, garder l'apanage exclusif des faveurs d'en haut, la gentilité que son mal, toujours grandissant lui aussi, portait au-devant d'un libérateur, la gentilité reconnaissait en Jésus le Sauveur du monde, et sa confiante initiative lui méritait d'être guérie la première. Le dédain apparent du Seigneur n'avait servi qu'à l'affermir dans l'humilité, dont la puissance pénètre les cieux (Eccli. XXXV, 21.).

Israël devait donc attendre à son tour. Selon qu'il le chantait dans le psaume, l'Ethiopie l’avait prévenu en tendant ses mains vers Dieu la première (Psalm. LXVII, 32.). Désormais ce fut à lui de retrouver, dans les souffrances d'un long abandon, l'humilité qui avait valu à ses pères les promesses divines et pouvait seule lui en mériter l'accomplissement. Mais aujourd'hui la parole de salut a retenti dans toutes les nations, sauvant tous ceux qui devaient l'être. Jésus, retardé sur sa route, arrive enfin à la maison vers laquelle se dirigeaient ses pas dès l'abord, à cette maison de Juda où dure toujours l'assoupissement de la fille de Sion.

Sa toute-puissance compatissante écarte de la pauvre abandonnée la foule confuse des faux docteurs, et ces prophètes de mensonge qui l'avaient endormie aux accents de leurs paroles vaines ; il chasse loin d'elle pour jamais ces insulteurs du Christ, qui prétendaient la garder dans la mort. Prenant la main de la malade, il la rend à la vie dans tout l'éclat de sa première jeunesse; prouvant bien que sa mort apparente n'était qu'un sommeil, et que l'accumulation des siècles ne pouvait prévaloir contre la parole donnée par Dieu à Abraham son serviteur (Luc. 1, 54-55.).

Au monde maintenant de se tenir prêt pour la transformation dernière. Car la nouvelle du rétablissement de la fille de Sion met le dernier sceau à l'accomplissement des prophéties. Il ne reste plus aux tombeaux qu'à rendre leurs morts (Dan. XII, 1-2.). La vallée de Josaphat se prépare pour le grand rassemblement des nations (Joël, III, 1.) ; le mont des Oliviers va de nouveau (Act. I, 11.) porter l'Homme-Dieu, mais cette fois comme Seigneur et comme juge (Zach. XIV, 4.).

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dimanche, 25 novembre 2007 | Lien permanent

28 avril. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, prêtre, missionaire apostolique, instituteur des prêtres missionaires

- Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, prêtre, missionaire apostolique, instituteur des prêtres missionaires de la compagnie de Marie et de la congrégation des Filles de la Sagesse. 1716.
 
Pape : Clément XI. Roi de France : Louis XV, le Bien-Aimé.
 
" Vous vous appelez “ Amis de la Croix ”. Que ce nom est grand ! Je vous avoue que j’en suis charmé et ébloui. Il est plus brillant que le soleil, plus élevé que les cieux, plus glorieux et plus pompeux que les titres les plus magnifiques des rois et des empereurs. C’est le grand nom de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme tout ensemble : c’est le nom sans équivoque du Chrétien."
Saint Louis-Marie Grignon de Montfort. Lettre circulaire aux Amis de la Croix.
 

Statue de saint Louis-Marie Grignion de Montfort.
Détail. Saint-Laurent-sur-Sèvres.

Louis-Marie Grignion de La Bacheleraie naquit à Montfort-la-Cane, alors du diocèse de Saint-Malo, aujourd'hui de celui de Rennes, le 31 janvier 1673. Par esprit de religion et d'humilité, il abandonna plus tard le nom de sa famille, pour prendre celui du lieu de sa naissance et de son baptême. Sa première éducation fut pieuse et forte ; il la compléta chez les Jésuites de Rennes, où il acquit la réputation d'un saint Louis de Gonzague.

La Providence le conduisit ensuite à Paris, pour y étudier en diverses maisons tenues par les Sulpiciens, et à Saint-Sulpice même. Dans ce séminaire, où il brilla par son intelligence et sa profonde piété, on ne comprit pas assez les vues de Dieu sur lui. Dieu le permit ainsi pour le former à l'amour de la Croix, dont il devait être l'apôtre passionné. C'est à l'école de Saint-Sulpice qu'il puisa toutefois son merveilleux amour de Marie et qu'il se prépara à devenir Son apôtre et Son docteur.


Verrière de l'église de Clayes. Diocèse de Rennes.

Jeune prêtre, il fut d'abord aumônier à l'hôpital de Poitiers, où il opéra une réforme aussi prompte qu'étonnante. Ballotté ensuite pendant quelques temps par les persécutions que lui suscitaient les Jansénistes, il se rendit à Rome en vue de s'offrir au Pape pour les missions étrangères, et il reçut du Souverain Pontife l'ordre de travailler à l'évangélisation de la France.

Dès lors, pendant dix ans, il va de missions en missions, dans plusieurs diocèses de l'Ouest, qu'il remue et transforme par sa parole puissante, par la flamme de son zèle et par ses miracles. Il alimente sa vie spirituelle dans une prière continuelle et dans des retraites prolongées, il est l'objet des visites fréquentes de la Sainte Vierge. Ses cantiques populaires complètent les fruits étonnants de sa prédication ; il plante partout la Croix ; il sème partout la dévotion au Rosaire : il prépare providentiellement les peuples de l'Ouest à leur résistance héroïque au flot destructeur de la Révolution, qui surgira en moins d'un siècle.


Statue de saint Louis-Marie Grignon de Montfort. Dol-de-Bretagne.

Après seize ans d'apostolat, il meurt en pleine prédication, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), à quarante-trois ans, laissant, pour continuer son oeuvre, une Société de missionnaires, les Soeurs de la Sagesse, et quelques Frères pour les écoles, connus partout aujourd'hui sous le nom de Frères de Saint-Gabriel. C'est un des plus grands saints des temps modernes, et le promoteur des prodigieux développements de la dévotion à la Sainte Vierge à notre époque.


Détail d'une verrière de la cathédrale Saint-Louis de La Rochelle.

Consécration à la très sainte Vierge Marie de saint Louis-Marie Grignon de Montfort :

" Marie, Mère de Dieu et Mère des hommes je vous prends aujourd'hui comme modèle de ma consécration à Dieu.
 
Soyez pour moi le signe lumineux qui m'appelle sans cesse à vivre la Foi, l'Espérance et la Charité.
 
Vous êtes la nouvelle Ève, la Mère des vivants.
 
C'est pourquoi j'ose faire appel à votre puissante intercession.
 
Mère de l'Église, je vous prie : acceptez ce don de moi-même.
 
Prenez-moi comme votre enfant, formé à votre image, porté par votre amour, soutenu par votre prière.
 
Montrez-moi Jésus, le Fils béni de vos entrailles, l'Avent de Dieu en ce temps.
 
Montrez-moi votre Fils que je veux suivre par la force de l'Esprit-Saint jusqu'en la maison du Père, Dieu qui vit dans l'éternité.
 
Amen."
 
Rq : on trouvera une notable partie des oeuvres de saint Louis-Marie Grignon de Montfort sur ce site : http://jesusmarie.free.fr/grignion_de_montfort.html

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dimanche, 28 avril 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

2 décembre. Sainte Bibiane ou Vivienne, vierge et martyre à Rome. 363.

- Sainte Bibiane ou Vivienne ou Vivianne, vierge et martyre à Rome. 363.

Pape : Saint Libère. Empereurs romains : Julien l'Apostat (+363) ; Jovien.

" Je n'abjurerai pas le Dieu créateur. C'est lui que je confesse. J'adore son nom dans la foi, et il me délivrera de l'enfer qui t'est réservé. On doit abjurer tes dieux, idoles muettes et inanimées, oeuvres de la main des hommes terrestres. Je ne vénérerai jamais des pierres inertes ; je n'adorerai pas le feu ; dont la puissance est détruite par l'eau. J'adore, comme il convient, le Père éternel, je suis baptisée et je vis en son Fils qui n'a pas eu de commencement ; mon âme est marquée du sceau de l'Esprit-Saint Consolateur : la Trinité des personnes qui ne forment qu'un seul Dieu. Celui qui est descendu des demeures élevées de son Père et a supporté les douleurs et les soufflets de la part des Juifs, me délivrera du lieu de supplices qui t'est réservé, et me comblera de délices parmi les vierges sages."
Sainte Suzanne de Perse pendant l'interrogatoire qui la conduisit au martyre. IVe.


Sainte Bibiane. Le Bernin. XVIIe.

Au temps de l'Avent, l'Eglise célèbre entre autres la mémoire de cinq illustres Vierges. La première, sainte Bibiane, que nous fêtons aujourd'hui, est romaine ; la seconde, sainte Barbe, est l'honneur des Eglises de l'Orient ; la troisième, sainte Eulalie de Mérida, est l'une des principales gloires de l'Eglise d'Espagne ; la quatrième, sainte Lucie, appartient à l'heureuse Sicile ; la cinquième enfin, sainte Odile, est réclamée par la France. Ces cinq Vierges prudentes ont allumé leur lampe et ont veillé, attendant l'arrivée de l'Epoux ; et si grande a été leur constance et leur fidélité, que quatre d'entre elles ont versé leur sang pour l'amour de Celui qu'elles attendaient. Fortifions-nous par un si grand exemple ; et puisque, comme parle l'Apôtre, nous n'avons pas encore résisté jusqu'au sang; n'allons pas plaindre notre peine et nos fatigues durant les veilles du Seigneur, que nous poursuivons dans l'espoir de le voir bientôt : mais instruisons-nous aujourd'hui par les glorieux exemples de la chaste et courageuse Bibiane.

Bibiane, Vierge romaine, d'une illustre naissance, fut encore plus illustre par la foi chrétienne; car, sous Julien l'Apostat, tyran très impie, Flavien, son père, qui avait été préfet, fut dégradé, marqué de la flétrissure des esclaves, et relégué aux Eaux Taurines, où il mourut martyr. Sa mère Dafrosa, condamnée d'abord à rester avec ses filles en sa demeure pour y mourir de faim, fut plus tard reléguée hors de Rome et décollée. Après la mort de ses pieux parents, Bibiane fut dépouillée de tous ses biens ; sa sœur Demetria éprouva le même sort. Apronianus, Préteur de la ville, qui convoitait leurs trésors, se mit à persécuter les deux sœurs, lesquelles ayant été enfermées dans un lieu où elles étaient dénuées de tout secours humain, furent merveilleusement nourries par le Dieu qui donne l'aliment à ceux qui ont faim, et reparurent plus fortes et plus florissantes ; ce qui étonna grandement le Préteur.

Cependant il essaya de les porter à honorer les dieux des Gentils, promettant de leur faire obtenir leurs richesses perdues, Il faveur de l'Empereur et de brillantes alliances ; les menaçant, si elles refusaient, de la prison, des fouets et de la hache. Ni caresses ni menaces n'ébranlèrent leur foi ; et, préférant mourir plutôt que de se souiller par les superstitions païennes, elles repoussèrent avec indignation et constance les propositions impies du Préteur. C'est pourquoi Démétria,frappée sous les yeux de Bibiane, mourut et s'endormit dans le Seigneur. Bibiane fut livrée à une femme très habile dans l'art de séduire, nommée Rufina. Mais la vierge, instruite dès l'enfance à garder la loi chrétienne, et à conserver sans tache la fleur de virginité, s'élevant au-dessus d'elle-même, triompha de cette femme artificieuse, et déjoua la perfidie du Préteur.

Ainsi ce fut en vain que Rufina, pour ébranler son généreux propos, employa chaque jour avec les paroles caressantes la violence des coups. Trompé dans son attente, le Préteur, irrité d'être vaincu par Bibiane, commanda à ses licteurs de la dépouiller, de l'attacher à une colonne, les mains liées, et de la battre à coups de lanières plombées jusqu'à ce qu'elle expirât. Son corps sacré demeura deux jours sur la place du Taureau, abandonné aux chiens ; mais, divinement préservé, il ne reçut aucun outrage. Un prêtre nommé Jean ensevelit Bibiane pendant la nuit, à côté du tombeau de sa sœur et de sa mère, près du palais de Licinius, où est encore à présent une église consacrée à Dieu sous le nom de la Sainte. Urbain VIII la répara, y avant découvert les corps des saintes Bibiane, Démétria et Dafrosa, qu'il plaça sous le grand autel.


Sainte Bibiane et sa soeur sainte Demetria devant Julien l'Apostat.
D'après Pietro Berettini. XVIIIe.

PRIERE

" Ô vierge très prudente, Bibiane ! Vous avez traversé sans faiblir la longue veille de cette vie ; et l'huile ne manquait pas à votre lampe, quand soudain l'Epoux est arrivé. Vous voici maintenant, pour l'éternité, dans le séjour des noces éternelles, où le Bien-Aimé paît au milieu des lis. Du lieu de votre repos, souvenez-vous de ceux qui vivent encore dans l'attente de ce même Epoux dont les embrassements éternels vous sont réservés pour les siècles des siècles. Nous attendons la Naissance du Sauveur du monde, qui doit être la fin du péché et le commencement de la justice ; nous attendons la venue de ce Sauveur dans nos âmes, afin qu'il les vivifie et qu'il se les unisse par son amour ; nous attendons enfin le Juge des vivants et des morts. Vierge très sage, fléchissez, par vos tendres prières, ce Sauveur, cet Epoux, ce Juge ; afin que sa triple visite, opérée successivement en nous, soit pour nous le principe et la consommation de cette union divine à laquelle nous devons tous aspirer. Priez aussi, Vierge très fidèle, pour l'Eglise de la terre qui vous a enfantée à l'Eglise du ciel, et qui garde si religieusement vos précieuses dépouilles Obtenez-lui cette fidélité parfaite qui la rende toujours digne de Celui qui est son Epoui aussi bien que le vôtre, et qui, l'ayant enrichie de ses dons les plus magnifiques et fortifiée des promesses les plus inviolables, veut cependant qu'elle demande et que nous demandions pour elle les grâces qui doivent la conduire au terme glorieux vers lequel elle aspire."

Considérons aujourd'hui l'état de la nature dans la saison de l'année où nous sommes arrivés. La terre s'est dépouillée de sa parure accoutumée, les fleurs ont péri, les fruits ne pendent plus aux arbres, le feuillage des forêts est dispersé par les vents, la froidure saisit toute âme vivante ; on dirait que la mort est à la porte. Si du moins le soleil conservait son éclat, et traçait encore dans les airs sa course radieuse ! Mais, de jour en jour, il rétrécit sa marche. Après une longue nuit, les hommes ne l'aperçoivent que pour le voir bientôt retomber au couchant, à l'heure même où naguère ses feux brillaient encore d'un vif éclat ; et chaque jour voit s'accélérer la rapide invasion des ténèbres. Le monde est-il destiné à voir s'éteindre pour jamais son flambeau ? Le genre humain est-il condamné à finir dans la nuit ? Les païens le craignirent ; et c'est pourquoi, comptant avec terreur les jours de cette lutte effrayante de la lumière et des ténèbres, ils consacrèrent au culte du Soleil le vingt-cinquième jour de Décembre, le solstice d'hiver, jour après lequel cet astre, l'échappant des liens qui le retenaient, commence à remonter et reprend graduellement cette ligne triomphante par laquelle naguère il divisait le ciel en deux parts.


Martyre de sainte Bibiane. D'après Pietro Berettini. XVIIIe.

Nous chrétiens, illuminés des splendeurs de la foi, nous ne nous arrêterons point à ces terreurs humaines : nous cherchons un Soleil auprès duquel le soleil visible n'est que ténèbres. Avec lui, nous pourrions défier toutes les ombres matérielles ; sans lui, la lumière que nous croirions avoir ne peut que nous égarer et nous perdre.

" Ô Jésus ! Lumière véritable qui éclairez tout homme venant en ce monde, vous avez choisi, pour naître au milieu de nous, l'instant où le soleil visible est près de s'éteindre, afin de nous faire comprendre, par cette figure si frappante, l'état où nous étions réduits quand vous vîntes nous sauver en nous éclairant."

" La lumière du jour baissait, dit saint Bernard dans son premier sermon de l'Avent ; le Soleil de justice avait presque disparu ; sur la terre, à peine restait-il une faible lueur et une chaleur mourante. Car la lumière de la divine connaissance était presque éteinte ; et par l'abondance de l'iniquité, la ferveur de la charité s'était refroidie. L'Ange n'apparaissait plus ; le Prophète ne se faisait plus entendre. L'un et l'autre étaient comme découragés par la dureté et l'obstination des hommes ; mais, dit le Fils de Dieu, c'est alors que j'ai dit : Me voici, Ô Christ ! Ô Soleil de justice ! donnez-nous de bien sentir ce qu'est le monde sans vous ; ce que sont nos intelligences sans votre lumière, nos cœurs sans votre divine chaleur. Ouvrez les yeux de notre foi ; et pendant que ceux de notre corps seront témoins de la décroissance journalière de la lumière visible, nous songerons aux ténèbres de l'âme que vous seul pouvez éclairer. Alors notre cri, du fond de l'abîme, s'élèvera vers vous qui devez paraître au jour marqué, et dissiper les ombres les plus épaisses, par votre victorieuse splendeur."

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samedi, 02 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

3 décembre. Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.

- Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.

Pape : Jules III. Roi d'Espagne : Charles Quint.

" Vas electionis est iste ut portet nomen meum coram gentibus."
" Je l'ai choisi entre mille pour verser sur les nations les flots de lumière de mon Evangile."

Act., IX, 15.

Saint François-Xavier en adoration devant Notre Dame
et son divin Fils. Michel Corneille. XVIIe. Orléans.

Les Apôtres ayant été les hérauts de l'Avènement du Christ, il convenait que le temps de l'Avent ne fût pas privé de la commémoration de quelqu'un d'entre eux. La divine Providence y a pourvu ; car parler de saint André, dont la fête est souvent déjà passée quand s'ouvre la carrière de l'Avent, saint Thomas se rencontre infailliblement chaque année aux approches de Noël.

Nous dirons plus loin pourquoi il a obtenu ce poste de préférence aux autres Apôtres ; ici nous voulons seulement insister sur la convenance qui semblait exiger que le Collège Apostolique fournit au moins un de ses membres pour annoncer, dans cette partie du Cycle catholique, la venue du Rédempteur. Mais Dieu n'a pas voulu que le premier apostolat fût le seul qui parût en tète du Calendrier liturgique ; grande est aussi, quoique inférieure, la gloire de ce second Apostolat par lequel l'Epouse de Jésus-Christ multiplie ci ses enfants, dans sa vieillesse féconde, comme parle le Psalmiste. (Psalm. XCI, 15.).


Château de Javier. Navarre.

Il est encore présentement des Gentils à évangéliser ; la venue du Messie est loin d'avoir été annoncée à tous les peuples ; mais, entre les vaillants messagers du Verbe divin qui, dans ces derniers siècles, ont l'ait éclater leur voix au milieu des nations infidèles, il n'en est point qui ait brillé d'une plus vive splendeur, qui ait opéré plus de prodiges, qui se suit montré plus semblable aux premiers Apôtres, que le récent Apôtre des Indes, saint François-Xavier. Et certes, la vie et l'apostolat de cet homme merveilleux furent l'objet d'un grand triomphe pour notre Mère la sainte Eglise catholique au temps où ils éclatèrent.

L'hérésie, soutenue en toutes manières par la fausse science, par la politique, par la cupidité et toutes les mauvaises passions du cœur de l'homme, semblait toucher au moment de la victoire. Dans son audacieux langage, elle ne parlait plus qu'avec un profond mépris de cette antique Eglise appuyée sur les promesses de Jésus-Christ ; elle la dénonçait aux nations, et osait l'appeler la prostituée de Babylone, comme si les vices des enfants pouvaient obscurcir la pureté de leur mère.


Envoi de saint François-Xavier par saint Ignace.
Andrea Pozzo. Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIe.

Dieu se montra enfin, et soudain le sol de l'Eglise apparut couvert des plus admirables fruits de sainteté. Les héros et les héroïnes se multiplièrent du sein même de cette stérilité qui n'était qu'apparente, et tandis que les prétendus réformateurs se montraient les plus vicieux des hommes, l'Italie et l'Espagne à elles seules brillèrent d'un éclat incomparable par les chefs-d'œuvre de sainteté qui se produisirent dans leur sein.

Aujourd'hui c'est François Xavier ; mais plus d'une fois sur le Cycle nous verrons briller les nobles compagnons, les illustres compagnes, que la grâce divine lui suscita : en sorte que le XVIe siècle n'eut rien à envier aux siècles les plus favorisés des merveilles de la sainteté. Certes, ils ne l'inquiétaient pas beaucoup du salut des infidèles, ces soi-disant réformateurs qui ne songeaient qu'à anéantir le vrai Christianisme sous les ruines de ses temples ; et c'était à ce moment même qu'une société d'apôtres s'offrait au Pontife romain pour aller planter la foi chez les peuples les plus enfoncés dans les ombres de la mort. Mais, de tous ces apôtres, ainsi que nous venons de le dire, nul n'a réalisé le type primitif au même degré que le disciple d'Ignace.


Lemercier. XVIIIe. Hôpital de Baugé. Maine.

Rien ne lui a manqué, ni la vaste étendue des pays sillonnés par son zèle, ni les centaines de milliers d'infidèles qu'il baptisa de son bras infatigable, ni les prodiges de toute sorte qui le montrèrent aux infidèles comme marqué du sceau qu'avaient reçu ceux dont la sainte Liturgie nous dit :
" Ce sont ceux-ci qui, vivant encore dans la chair, ont été les planteurs de l'Eglise."

L'Orient a donc vu, au XVIe siècle, un Apôtre venu de Rome toujours sainte, et dont le caractère et les œuvres rappelaient l'éclat dont brillèrent ceux que Jésus avait envoyés lui-même. Gloire soit donc au divin Epoux qui a vengé l'honneur de son Epouse, en suscitant François-Xavier, et en nous donnant en lui une idée de ce que furent, au sein du monde païen, les hommes qu'il avait chargés de la promulgation de son Evangile.


Prière par l'intercession de saint François-Xavier.
Anonyme français du XVIIe.

Saint François, né à Xavier au diocèse de Pampelune, de parents nobles, se fit à Paris le compagnon et le disciple de saint Ignace. Sous un tel maître, il en vint bientôt à une contemplation si sublime des choses divines, que plus d'une fois on le vit élevé au-dessus de terre ; ce qui lui arriva à diverses reprises, en présence d'une multitude de peuple, pendant qu'il célébrait le saint Sacrifice.

Il obtenait ces délices de l'âme par de grandes macérations de son corps ; car il s'interdisait non seulement l'usage de la chair et du vin, mais jusqu'au pain de froment, ne vivant que des plus vils aliments, et passant deux ou trois jours sans rien prendre. Il se flagellait si rudement avec des disciplines armées de fer, que souvent le sang coulait avec abondance ; il ne prenait qu'un sommeil très court, et encore sur la terre nue.


Saint François-Xavier bénissant des pestiférés.
Domenico Lombardi. XVIIIe.

L'austérité et la sainteté de sa vie l'avaient rendu mûr pour les travaux apostoliques, quand Jean III, roi de Portugal, ayant demandé à Paul III, pour les Indes, quelques membres de la Société naissante, le Pape, par l'avis de saint Ignace, choisit François pour ce grand emploi, et lui donna les pouvoirs de Nonce Apostolique. A peine fut-il arrivé, qu'il apparut tout d'un coup miraculeusement initié aux langues très difficiles et très variées de ces diverses nations. Il arriva même quelquefois que, prêchant en une seule langue devant des nations différentes, chacune l'entendait parler la sienne. Il parcourut, toujours à pied, et souvent sans chaussure , d'innombrables provinces.

Il introduisit la foi au Japon et dans six autres contrées. Il convertit dans les Indes plusieurs centaines de milliers de personnes. Il purifia dans le saint baptême de grands princes et nombre de rois. Et pendant qu'il faisait pour Dieu de si grandes choses, telle était son humilité, qu'il n'écrivait qu'à genoux à saint Ignace, son Général.

Saint François-Xavier prêchant aux Indiens. Anonyme du XIXe.
Eglise paroissiale Saint-Martin de Velles. Champagne.

Dieu fortifia cette ardeur qu'il avait de propager l'Evangile, par de grands et nombreux miracles. François rendit la vue à un aveugle. Par un signe de croix il changea en eau douce de l'eau de mer, autant qu'il en fallut pour subvenir longtemps à un équipage de cinq cents hommes qui mouraient de soif. Cette eau, portée depuis en diverses contrées, guérit subitement un grand nombre de malades.
Il ressuscita plusieurs morts, dont un, enterré de la veille, fut tiré de sa fosse; et deux autres qu'il prit par la main pendant qu'on les portait en terre, furent rendus vivants à leurs parents.
Inspiré diverses fois pur l'esprit de prophétie, il révéla plusieurs événements éloignés de temps et de lieu.

Enfin il mourut dans l'île de Sancian, le second jour de décembre, plein de mérites et épuisé de travaux. Son corps, enseveli à deux fois dans de la chaux vive, s'y conserva pendant plusieurs mois sans corruption ; il en sortit même du sang et une odeur suave. Transporté à Malaca, son arrivée arrêta sur-le-champ une peste très violente. Enfin de nouveaux et très grands miracles ayant éclaté dans toutes les parties du monde par l'intercession de François, Grégoire XV le mit au rang des Saints.

Saint François-Xavier ramène à la vie la fille d'un notable
de Cangoxima au Japon. Ecole française du XVIIIe.

PRIERE

" Glorieux apôtre de Jésus-Christ qui avez illuminé de sa lumière les nations assises dans les ombres de la mort, nous nous adressons à vous, nous Chrétiens indignes, afin que par cette charité qui vous porta à tout sacrifier pour évangéli-ser les nations, vous daigniez préparer nos cœurs à recevoir la visite du Sauveur que notre foi attend et que notre amour désire. Vous fûtes le père des nations infidèles ; soyez le protecteur du peuple des croyants, dans les jours où nous sommes. Avant d'avoir encore contemplé de vos yeux le Seigneur Jésus, vous le fîtes connaître à des peuples innombrables ; maintenant que vous le voyez face à face, obtenez que nous le puissions voir, quand il va paraître, avec la foi simple et ardente de ces Mages de l'Orient, prémices glorieuses des nations que vous êtes allé initier à l’admirable lumière. (I Petr. II, 9.).


Saint François-Xavier baptisant et guérissant.
C.-A. Bouvier. Gravure du XVIIIe.

Souvenez-vous aussi, grand apôtre, de ces mêmes nations que vous avez évangélisées, et chez lesquelles la parole de vie, par un terrible jugement de Dieu, a cessé d'être féconde. Priez pour le vaste empire de la Chine que votre regard saluait en mourant, et auquel il ne fut pas donné d'entendre votre parole. Priez pour le Japon, plantation chérie que le sanglier dont parle le Psalmiste a si horriblement dévastée. Obtenez que le sang des Martyrs, qui y fut répandu comme l'eau, fertilise enfin cette terre. Bénissez aussi, ô Xavier, toutes les Missions que notre Mère la sainte Eglise a entreprises, dans les contrées où la Croix ne triomphe pas encore. Que les cœurs des infidèles s'ouvrent à la lumineuse simplicité de la foi ; que la semense fructifie au centuple ; que le nombre des nouveaux apôtres, vos successeurs, aille toujours croissant ; que leur zèle et leur charité ne défaillent jamais : que leurs sueurs deviennent fécondes, que la couronne de leur martyre soit non seulement la récompense, mais le complément et la dernière victoire de leur apostolat.


Sculpture de M. Bursacier, moyen-relief du XVIIIe.
Eglise Saint-Thomas de La Flèche. Maine.

Souvenez-vous, devant le Seigneur, des innombrables membres de celle association par laquelle Jésus-Christ est annoncé dans toute la terre, et qui s'est placée sous voire patronage. Enfin priez d'un cœur filial pour la sainte Compagnie dont vous êtes la gloire et l'espérance. Qu'elle fleurisse de plus en plus sous le vent de la tribulation qui ne lui manqua jamais; qu'elle se multiplie, afin que par elle soient multipliés les enfants de Dieu ; qu'elle ait toujours au service du peuple chrétien de nombreux Apôtres et de vigilants Docteurs ; qu'elle ne porte pas en vain le nom de Jésus.

Considérons l'état misérable du genre humain, au moment où le Christ va paraître. La décroissance des vérités sur la terre est terriblement exprimée par la décadence de la lumière matérielle en ces jours. Les traditions antiques vont de toutes pans s'éteignant ; le Dieu créateur de toutes es est méconnu dans l'œuvre même de ses mains ; tout est devenu Dieu, excepté le Dieu qui a tout fait. Ce hideux Panthéisme dévore la morale publique et privée. Tous les droits, hors celui du plus fort, sont oubliés ; la volupté, la cupidité, le larcin siègent sur les autels et reçoivent l'encens. La famille est anéantie par le divorce et l'infanticide ; l'espèce humaine est dégradée en masse par l'esclavage ; les nations même périssent par les guerres d'extermination. Le genre humain n'en peut plus ; et si la main qui l'a créé ne lui est de nouveau appliquée, il doit infailliblement succomber dans une dissolution honteuse et sanglante.


Eglise du Bom-Jésus. Goa. Indes.

Les justes qu'il contient encore, et qui luttent contre le torrent et la dégradation universelle, ne le sauveront pas ; car ils sont méconnus des hommes, et leurs mérites ne sauraient, aux yeux de Dieu, pallier l'horrible lèpre qui dévore la terre. Plus criminelle encore qu'aux jours du déluge, toute chair a corrompu sa voie ; néanmoins, une seconde extermination ne servirait qu'à manifester la justice de Dieu ; il est temps qu'un déluge miséricordieux s'épanche sur la terre, et que celui qui a fait le genre humain descende pour le guérir. Paraissez donc, Ô Fils éternel de Dieu ! Venez ranimer ce cadavre, guérir tant de plaies, laver tant de souillures, rendre surabondante la Grâce, là où le péché abonde ; et quand vous aurez converti le monde à votre sainte loi, c'est alors que vous aurez montré à tous les futurs que c'est vous-même, Ô Verbe du Père, qui êtes venu : car si un Dieu a pu seul créer le monde, il n'y avait non plus que la toute-puissance d'un Dieu qui pût, en l'arrachant à Satan et au péché, le rendre à la justice et à la sainteté."


Châsse contenant le corps incorrompu de saint François-Xavier.
Eglise du BOM-Jésus de Goa. Indes.

Rq : On lira avec fruit cette vie de saint François-Xavier, composée en 1870 par d'éminents représentants de la Compagnie de Jésus : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/francxavier/inde...

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dimanche, 03 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

1er décembre. Fête des saints Aïeux.

- Fête des saints Aïeux.

" Vous êtes béni, Ô Dieu de nos Pères !"
Moïse et autres prophètes.
 

La foi d'Adam transmise par Dieu. Speculum animae. Espagne. XIVe.

L’Eglise Romaine ne célèbre en ce jour la fête particulière d'aucun Saint ; elle y fait simplement l'Office de la Férie, à moins que le premier Dimanche de l'Avent ne vienne à tomber précisément aujourd'hui. Dans ce cas, on devra recourir au Propre du Temps, où se trouve tout au long l'Office de ce Dimanche.


Noé prêchant. Speculum historiale. V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Si le Ier Décembre est une simple Férié de l'Avent, on pourra commencer dès ce jour à considérer, dans un esprit de foi, les préludes de l'Avènement miséricordieux du Sauveur des hommes.


Noé cultivant la Vigne. Ivresse de Noé. Speculum historiale.
V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Quatre mille ans d'attente ont précédé cet Avènement, et ils sont figurés dans les quatre Semaines qu'il nous faut traverser avant d'arriver à la glorieuse Nativité de notre Sauveur. Considérons la religieuse impatience dans laquelle ont vécu tous les Saints de l'ancienne Alliance, qui se transmirent de génération en génération une espérance dont ils ne pouvaient que saluer de loin le divin objet. Traversons par la pensée cette longue suite des témoins de la promesse : Adam et les premiers Patriarches antérieurs au déluge ; Noé, Abraham, Isaac, Jacob, et les douze Patriarches du peuple hébreu ; Moïse, Samuel, David et Salomon ; puis les Prophètes et les Machabées ; et arrivons à Jean-Baptiste et à ses disciples.


Abraham et Melchisédek. Mare historiarum. Johannes de Columna. XVe.

Ce sont là ces aïeux sacrés desquels le livre de l’Ecclésiastique nous dit : " Louons nos pères, ces hommes pleins de gloire dont nous sommes les descendants " (Eccli. XLIV, 1.) ; et dont l'Apôtre dit aux Hébreux : " Ce sont là ceux dont la foi a été éprouvée, mais qui n'ont cependant pas reçu l’objet des promesse ; Dieu ayant réservé pour nous son don excellent, et n'ayant pas voulu qu'ils arrivassent sans nous à l'objet de leurs désirs " (Hebr. XI, 39, 40.).


Dieu et Isaac. Bible historiale. Guiard des moulins. XIVe.

Rendons hommage à leur foi, glorifions-les nos Pères véritables dans cette foi même par laquelle ils ont mérité que le Seigneur qui les a éprouvés se souvînt enfin de ses promesses ; honorons-les aussi comme les ancêtres du Messie selon la chair. Entendons leur dernier cri sur la entiche funèbre, cet appel si solennel qu'ils faisaient à Celui qui seul pouvait détruire la mort : " Ô Seigneur, je vais attendre votre Salut ! Salutare tuum exspectabo, Domine !"

C'est Jacob lui-même, à sa dernière heure, qui suspend un moment les Bénédictions prophétiques qu'il répand sur ses enfants, pour jeter vers Dieu cette exclamation :
" Et ayant fini son discours, il rapprocha ses pieds sur sa couche et mourut, et il fut réuni à son peuple." (Moïs. in Genes., XLIX, 32.).
.

Isaac envoyant Jacob à Laban. Orationes encomiasticae in ss.
Virginem Dei param. Jacobus Kokkinobaphi. Constantinople. XIIe.

Et tous ces saints hommes, en sortant de cette vie. allaient attendre, loin de la Lumière éternelle, Celui qui devait paraître en son temps et rouvrir la porte du ciel. Contemplons-les dans ce lieu d'attente, et rendons gloire et amour au Dieu qui nous a conduits à son admirable lumière, sans nous faire passer par ces ombres ; mais prions ardemment pour la venue du Libérateur qui enfoncera, avec sa croix, les portes de la prison, et l'illuminera des rayons de sa gloire ; et puisque, dans ce saint temps, l'Eglise, par notre bouche, emprunte si souvent les expressions enflammées de ces Pères du peuple Chrétien pour appeler le Messie, adressons-nous aussi à eux pour être aidés de leur intercession dans le grand œuvre de la préparation de nos cœurs à Celui qui doit venir. Nous emprunterons pour cet effet à l'Eglise grecque le beau chant par lequel elle célèbre la mémoire de tous les Saints de l'ancienne Loi, au Dimanche qui précède immédiatement la fête de Noël.


Moïse recevant la loi. Speculum historiale.
V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

HYMNE POUR LA FÊTE DES SAINTS AÏEUX
Tirée des Menées des Grecs.

" Célébrons, en ce jour, Ô Fidèles, la mémoire des Aïeux, chantons un nouveau cantique au Christ Rédempteur qui les a glorifiés parmi tous les peuples, et qui a opéré par leur foi d'incroyables prodiges, le Seigneur fort et puissant. Il nous a manifesté par eux le sceptre de sa puissance, la Femme unique, celle qui ne connut point d'homme. la Mère de Dieu, la chaste Marie, de laquelle est sortie la divine fleur, le Christ qui donne à tous la vie et le salut éternel.

C'est vous qui avez délivré les saints Enfants de la fournaise, Ô Seigneur, et Daniel de la gueule des lions ; qui avez béni Abraham, Isaac votre serviteur, et son fils Jacob ; qui avez daigné naître parmi nous de leur sang pour sauver nos aïeux déchus aux premiers jours ; qui avez été crucifié, enseveli ; qui avez rompu les liens de la mort, et avez ressuscité tous ceux qui adoraient, Ô Christ, votre règne éternel.
 

Jacob et Joseph se retrouvant. Bible historiale.
Guiard des Moulins. XIVe.

Vénérons, avant tous les autres, Adam honoré de la main de Dieu et notre premier père à tous, habitant présentement dans les célestes tabernacles, reposant parmi les saints Elus.

Le Dieu et Seigneur de toutes choses a daigné accueillir Abel, qui, d'un cœur généreux, lui offrait des présents ; immolé autrefois par une main homicide, il a été reçu à la céleste lumière comme le divin Martyr.
 

Songe de Jacob. Speculum historiale. V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Seth est chanté dans tout l’univers pour son zèle ardent envers le Créateur, qui le sauva en récompense de sa vie irréprochable et de l'admirable disposition de son âme ; et voilà qu'il s'écrie dans la région des vivants : Vous êtes Saint, Ô Seigneur !

Enos, que ses entretiens et son âme divine ont fait surnommer l'admirable, espéra en esprit dans le Seigneur de toutes choses, et mourut plein de gloire après une vie passée sur la terre en faisant le bien.
 

Dieu et Samuel. David terrassant Goliath. Speculum historiale.
V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Célébrons par de sacrés cantiques et de ferventes prières la bienheureuse mémoire d'Enoch, lequel ayant plu au Seigneur, fut transporté dans la gloire, paru supérieur à la mort, ainsi qu'il est écrit ; étant de Dieu le serviteur le plus fidèle.

Rendons à Dieu nos louanges, et célébrons dans nos chants Noé qui fut juste et qui, honoré en toutes des divins commandements, fut agréable au Christ, auquel nous chanterons avec foi : Gloire à votre puissance, Ô Seigneur !
 
David priant Dieu. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Dieu, voyant tes : qualités, et la sincérité de ton âme, et ta grande perfection, Ô Noé, te fait paraître comme le Père d'un second monde, toi qui sauvas du déluge les races des animaux divers, ainsi qu'il te l'avait commandé.

Chantons par de pieux cantiques la bienheureuse mémoire de Noé, qui conserva intacte la loi de Dieu, qui fut trouvé juste en sa génération, et qui par un merveilleux arrangement sut conserver autrefois dans une arche de bois les espèces différentes des animaux privés de raison.
 

David chantant les psaumes. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Maître de Fauvel. XIVe.

Ta joyeuse mémoire, Ô bienheureux Noé, répand en nous, qui t'honorons à cette heure, le vin de la componction, lequel réjouit et nos âmes et nos cœurs, pendant que nous exaltons avec sincérité l'admirable intégrité de tes mœurs et ta vie toute divine.

Honorons encore de nos louanges Sem qui fit fructifier la bénédiction paternelle ; dont la douceur fut agréable à Dieu, et qui, réuni aux chœurs des aïeux, repose plein de joie en la région des vivants.
 

Jugement de Salomon. Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Abraham, l'ami de Dieu, mérita de voir le jour de son Créateur, et d'être rempli comme ses pères d'une joie ; honorons-le en la sincérité de nos cœurs, disons-le tous bienheureux et fidèle serviteur de Dieu.

Autant qu'il est permis à un homme de la voir, tu as vu la Trinité, et lui as offert l'hospitalité ; et tu en as été pensé en devenant le Père dans la foi de nations innombrables.
 

Job est ses amis d'hier. Grandes Heures d'Anne de Bretagne.
Jean Bourdichon. XVIe.

Tu fus, par un sage conseil de Dieu, le type du Christ souffrant, Ô bienheureux Isaac! conduit parla foi simple de ton père, pour être offert en sacrifice ; c'est pourquoi tu es devenu bienheureux et fidèle ami de Dieu, tu as mérité de avec les justes en ses saints tabernacles.

Jacob fut le plus fidèle des serviteurs de Dieu ; c'est pourquoi il lutta avec l’Ange, vit Dieu en esprit, et changea de nom ; il vit en dormant la divine échelle au haut de laquelle était assis le Dieu qui, dans sa bonté, s'est appuyé sur notre chair.
 

Daniel, l'idole et le serpent. Speculum humanae salvationis. XIVe.

Joseph, suivant avec amour le précepte de son père, est jeté dans la citerne, et vendu comme le prototype de Celui qui a été immolé et jeté dans la citerne, le Christ. Il fut le sauveur de l'Egypte et le sage distributeur des blés ; il fut juste et le vrai roi de ses passions.

Job a reçu de justes éloges pour la lutte qu'il soutint contre la tentation incessante à laquelle il fut soumis ; il fut de Dieu le serviteur sincère, homme doux, sans nulle malice, d'une grande droiture et perfection non pareille, et sans nul reproche : Vous êtes béni, Ô mon Dieu !
 

Daniel dans la fosse aux Lions. Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Honorons en la foi Moïse, Aaron et Hor, puis Josué et Lévi le très saint, et Samson ; et disons à haute voix : " Vous êtes béni, Ô Dieu de nos Pères !"

Célébrons la phalange chère au Seigneur des divins Pères, Baruch, Nathan et Eléazar, Josias et David, Jephté et Samuel qui lisait dans le passé et s'écriait : " Que toute créature bénisse le Seigneur !"
 

Enlèvement d'Hénoch. Recueil d'images pieuses. Ethiopie. XVIIe.

Louons encore dans nos chants les Prophètes de Dieu : Osée, Michée, Sophonie, Habacuc, Zacharie, Jonas, Aggée et Amos, Abdias, Malachie, Nahum, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel, Elie et Elisée.

Elles opérèrent aussi par votre vertu, Seigneur, des prodiges de courage, nos sœurs Anne, Judith, Debbora, Olda, Jahel, Ester, Sara, Marie, sœur de Moïse, Rachel et Rébecca, et Ruth, femmes magnanimes.
 

Ezéchiel et Joaquin prisonniers. Bible historiale.
Guiard des Moulins. XVe.

Venez tous, exaltons avec foi les louanges des anciens Père, avant la loi : célébrons la mémoire d'Abraham et de tous ceux qui l'accompagnent ; honorons la tribu de Juda, et les jeunes hommes, image de la Trinité, qui, dans Babylone, éteignirent les flammes de la fournaise ; célébrons avec eux Daniel ; gardons religieusement les oracles des Prophètes ; crions à haute voix avec Isaïe : Voici qu'une Vierge concevra et enfantera un fils, l'Emmanuel, c'est-à-dire, le Dieu avec nous."


Vocation de Jérémie. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Rq : Cette fête est l'occasion de rappeler que ces saints et vénérables aïeux avaient la même foi que nous. Ils croyaient en particulier et très certainement à la Très Sainte Trinité. Elie et Hénoch, qui sont toujours vivants, sont très certainement horrifiés des mensonges énormes et délibérés, voire des hérésies, proférées par l'usurpateur actuel du siège de Pierre et par le clergé de la secte qui usurpe le si beau et si saint nom catholique ; pour le plus grand péril des pauvres âmes ainsi abusées et qui risquent ainsi de ne point faire leur salut.

On téléchargera et lira avec profit " De l'harmonie e

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vendredi, 01 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)

10 juin. Sainte Marguerite, reine d'Ecosse. 1093.

- Sainte Marguerite, reine d'Ecosse. 1093.
 
Pape : Urbain II. Rois d'Ecosse : Malcolm III Canmore (Grosse-Tête) ; Donald III.
 
" Elle a amassé un riche trésor d'aumônes et de bonnes oeuvres."
Act., IX, 36
 

Sainte Marguerite d'Ecosse.
Vitrail de la chapelle du chateau d'Edimbourg.

Quand sainte Marguerite vint au monde, en 1045 ou 1046, sa famille était exilée ; son grand-père, Edmond Côte-de-Fer, avait été assassiné en 1016 et le roi de Danernark, Canut, était monté sur le trône d'Angleterre ; les fils d'Edmond avaient été envoyés en Suède, puis en Hongrie, où l'un d'eux, Édouard, épousa Agathe, soeur de la reine ; c'est de cette union que naquit Marguerite. Après la mort de Canut, Édouard était revenu en Angleterre, en 1054. Marguerite avait donc 8 ou 9 ans quand elle connut sa patrie ; elle ne devait pas y rester longtemps car, à la mort de son grand oncle, saint Édouard, en 1066, les vicissitudes recommencèrent. La lutte entre Harold et Guillaume de Normandie obligea Edgard, frère de Marguerite, à s'enfuir en Écosse avec sa mère et ses soeurs, leur père étant mort quelques années plus tôt.

Ils furent, reçus avec bienveillance par le roi Malcolm III qui, peu de temps après, demanda la main de Marguerite; le mariage fut célébré, probablement en 1070, à Dunfermline. Marguerite mit au monde 6 princes, Édouard, Etheired, Edmond, Edgard, Alexandre et David, et 2 princesses, Edith et Marie. Tous se firent remarquer par leur vertu : le titre de saint fut décerné à David par le peuple ; Edith, devenue reine d'Angleterre, est connue sous le nom de sainte Mathilde.

Le roi, dont les moeurs étaient encore un peu rudes, n'avait pourtant aucune inclination mauvaise ; ne connaissant pas les lettres, bien qu'il parlât 3 langues, il caressait et baisait les livres dont Marguerite se servait plus volontiers pour prier ou pour lire. Il écoutait ses conseils pour établir les lois du rovaunue et la laissa réunir plusieurs Conciles.

Elle-même y assista et discuta pendant 3 jours pour amener les Écossais aux pratiques de l'Église de Rome dans certaines matières disciplinaires : la communion pascale et le repos du dimanche avaient été négligés ; la célébration de la Messe était accompagnée de rites païens ou profanes ; les mariages entre proches parents n'étaient pas rares. Marguerite fit cesser ces abus ; elle obtint aussi que le Carême commençât au mercredi des Cendres.

De concert avec son mari, elle fit construire, en l'honneur de la Sainte Trinité, une église qu'elle orna de vases sacrés en or massif. Sa chambre était comme un atelier, toujours remplie d'ornements en voie d'exécution. Ses soins ne regardaient pas seulement les églises ; elle fit venir de l'étranger des vêtements plus variés et plus riches, fit embellir le palais et voulut que le roi fût toujours accompagné d'une garde d'honneur. Son humilité restait pourtant profonde ; elle demandait qu'on lui fît savoir ce qui était répréhensible dans ses actes ou ses paroles, pour s'en corriger plus facilement.


Malcolm III et sainte Marguerite. Manuscrit Ecossais du XIVe.

On se demande comment ses journées et surtout ses nuits suffisaient à tout ce que les historiens racontent. Le soir, après avoir pris un peu de repos, elle se levait pour prier ; elle récitait alors les matines de la Sainte Trinité, celles de la Croix, de la Sainte Vierge, l'office des Morts, un Psautier entier, et les laudes ; rentrée chez elle au matin, elle lavait les pieds de 6 pauvres et servait 9 orphelins ; elle se reposait à nouveau, puis, aidée du roi, elle servait 300 pauvres ; personne n'assistait à cette oeuvre de charité, sauf quelques chapelains ; elle entendait ensuite 5 ou 6 messes privées avant la Messe solennelle. Tel était le programme de l'Avent et du Carême. Le reste de l'année, ces exercices se réduisaient, mais les pauvres n'étaient jamais négligés ; elle en servait toujours 24 avant son déjeuner ; elle se dépouillait pour eux et, lorsque sa bourse était vide, elle prenait au roi quelques pièces d'or ; mais il ne s'en fâchait pas.

Elle racheta aussi des prisonniers Anglais retenus en Écosse, et fit construire des hospices pour les voyageurs. On ne signale pas de miracles ; on raconte seulement qu'un jour, au passage d'un torrent, un serviteur laissa tomber, sans que personne s'en aperçût, un livre d'Evangiles qui lui était précieux : on le retrouva, longtemps après, intact. Sainte Marguerite connut sa mort à l'avance et fit une confession de toute sa vie.

Son mari était alors parti en expédition contre Guillaume le Roux (Guillaume II d'Angleterre) ; le 13 novembre, elle dit qu'un grand malheur était arrivé au royaume d'Écosse ; on apprit, en effet, que le roi avait été tué ce jour-là, en même temps que son fils aîné. Ses derniers moments étant arrivés, Marguerite se leva pour assister à la Messe et recevoir le viatique, puis se recoucha ; elle se fit apporter une croix qu'elle vénérait beaucoup et la baisa. Comme un de ses fils, sans doute Edgard, hésitait à lui annoncer la mort du roi, elle dit qu'elle savait tout, et rendit grâces de ce qu'elle considérait comme la punition de ses péchés. Elle avait commencé la prière " Domine Jesu Christe, fili Dei vivi..." , lorsqu'elle s'arrêta après les mots " libera me " ; le Seigneur l'avait exaucée. C'était le 16 novembre 1093. Son visage, qui avait pâli auparavant, reprit sa couleur naturelle. Marguerite fut ensevelie dans l'église de la Sainte-Trinité, à Dunfermline, où le corps de Malcolm fut apporté plus tard.

CULTE

Quand on fit la translation de ses restes, les porteurs, arrivés près du tombeau de Malcolm, ne purent plus avancer, dit-on, tant la charge était lourde ; il fallut transporter également les restes de Malcolm ; c'était le 19 juin 1250. La fête fut d'abord fixée à cette date, puis mise au 10 juin. Innocent XI la transféra au 8 juillet, et Innocent XII, en 1693, la rétablit au 10 juin et l'étendit à l'Église Romaine. Cette date du 10 juin est due à une erreur du cardinal Molanus, docte éditeur du Martyrologe d'Usuard, mort en 1585. Les martyrologes se partageaient entre le 16 novembre et le 19 juin. Sainte Marguerite avait été nommée patronne de l'Écosse, en 1673, par Clément X.

Au moment de la prétendue réforme Protestante, les reliques furent enlevées secrètement et la plus grande partie fut envoyée en Espagne ; Philippe II fit construire une chapelle dans l'Escurial pour les recevoir ; on lisait sur la châsse : " Saint Malcolm, roi, sainte Marguerite, reine ". Il paraît que, l'évêque d'Edimbourg ayant fait demander par Pie IX la restitution de ces reliques à l'Écosse, on ne les trouva pas. Le chef de la sainte avait été donné à Marie Stuart ; il fut sauvé par un bénédictin qui le porta à Anvers en 1597 ; il fut donné en 1627 aux Jésuites écossais de Douai et disparut pendant la Révolution française.

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lundi, 10 juin 2024 | Lien permanent | Commentaires (16)

24 décembre. La Vigile de Noël.

- La Vigile de Noël.


Le Sacrifice de Melchisédech. Tiepolo. XVIe.

" Enfin, dit saint Pierre Damien dans son Sermon pour ce jour, nous voici arrivés de la haute mer dans le port, de la promesse à la récompense, du désespoir à l'espérance, du travail au repos, de la voie à la patrie. Les courriers de la divine promesse s'étaient succédé ; mais ils n'apportaient rien avec eux, si ce n'est le renouvellement de cette même promesse. C'est pourquoi notre Psalmiste s'était laissé aller au sommeil, et les derniers accents de sa harpe semblaient accuser les retards du Seigneur. Vous nous avez repoussés, disait-il, vous nous avez dédaignés ; et vous avez différé l'arrivée de votre Christ. (Psaume LXXXVIII.)

Puis, passant de la plainte à l'audace, il s'était écrié d'une voix impérative : " Manifestez-vous donc, Ô vous qui êtes assis sur les Chérubins ! (Psaume LXXIX.) En repos sur le trône de votre puissance, entouré des bataillons volants de vos Anges, ne daignerez-vous pas abaisser vos regards sur les enfants des hommes, victimes d'un péché commis par Adam, il est vrai, mais permis par vous-même ? Souvenez-vous de ce qu'est notre nature ; c'est à votre ressemblance que vous l'avez créée ; et si tout homme vivant est vanité, ce n'est pas du moins en ce qu'il a été fait à votre image. Abaissez donc vos cieux et descendez ; abaissez les cieux de votre miséricorde sur les misérables qui vous supplient, et du moins ne nous oubliez pas éternellement. Isaïe à son tour, dans la violence de ses désirs, disait :
" A cause de Sion, je ne me tairai pas ; à cause de Jérusalem, je ne me reposerai pas, jusqu'à ce que le Juste quelle attend se lève enfin dans son éclat. Forcez donc les deux et descendez !"

Enfin , tous les Prophètes, fatigués d'une trop longue attente, n'ont cessé de faire entendre tour à tour les supplications, les plaintes, et souvent même les cris de l'impatience. Quant à nous, nous les avons assez écoutés ; assez longtemps nous avons répété leurs paroles : qu'ils se retirent maintenant ; il n'est plus pour nous de joie, ni de consolation, jusqu'à ce que le Sauveur, nous honorant du baiser de sa bouche, nous dise lui-même : Vous êtes exaucés.

Mais que venons-nous d'entendre ? Sanctifiez-vous, enfants d'Israël, et soyez prêts : car demain descendra le Seigneur. Le reste de ce jour, et à peine la moitié de la nuit qui va venir nous séparent de cette entrevue glorieuse, nous cachent encore l'Enfant-Dieu et son admirable Naissance. Courez, heures légères ; achevez rapidement votre cours, pour que nous puissions bientôt voir le Fils de Dieu dans son berceau et rendre nos hommages à cette Nativité qui sauve le monde. Je pense, mes Frères, que vous êtes de vrais enfants d'Israël, purifiés de toutes les souillures de la chair et de l'esprit, tout prêts pour les mystères de demain, pleins d'empressement à témoigner de votre dévotion.

C'est du moins ce que je puis juger, d'après la manière dont vous avez passé les jours consacrés à attendre l'Avènement du Fils de Dieu. Mais si pourtant quelques gouttes du fleuve de la mortalité avaient touché votre cœur, hâtez-vous aujourd'hui de les essuyer et de les couvrir du blanc linceul de la Confession. Je puis vous le promettre de la miséricorde de l'Enfant qui va naître : celui qui confessera son péché avec repentir, la Lumière du monde naîtra en lui ; les ténèbres trompeuses s'évanouiront, et la splendeur véritable lui sera donnée. Car comment la miséricorde serait-elle refusée aux malheureux, en cette nuit même où prend naissance le Seigneur miséricordieux ? Chassez donc l'orgueil de vos regards, la témérité de votre langue, la cruauté de vos mains, la volupté de vos reins ; retirez vos pieds du chemin tortueux, et puis venez et jugez le Seigneur, si, cette nuit, il ne force pas les Cieux, s'il ne descend pas jusqu'à vous, s'il ne jette pas au fond de la mer tous vos péchés."


Saint Michel archange, prince de la milice céleste, terrasse Lucifer devenu Satan.

Ce saint jour est, en effet, un jour de grâce et d'espérance, et nous devons le passer dans une pieuse allégresse. L'Eglise, dérogeant à tous ses usages habituels, veut que si la Vigile de Noël vient à tomber au Dimanche, le jeûne seul soit anticipé au samedi ; mais dans ce cas l'Office et la Messe de la Vigile l'emportent sur l'Office et la Messe du quatrième Dimanche de l'Avent : tant ces dernières heures qui précèdent immédiatement la Nativité lui semblent solennelles !

Dans les autres Fêtes, si importantes qu'elles soient, la solennité ne commence qu'aux premières Vêpres ; jusque-là l'Eglise se tient dans le silence, et célèbre les divins Offices et le Sacrifice suivant le rite quadragésimal. Aujourd'hui, au contraire, dès le point du jour, à l'Office des Laudes, la grande Fête semble déjà commencer. L'intonation solennelle de cet Office matutinal annonce le rite Double ; et les Antiennes sont chantées avec pompe avant et après chaque Psaume ou Cantique. A la Messe, si l'on retient encore la couleur violette, du moins on ne fléchit plus les genoux comme dans les autres Fériés de l'Avent ; et il n'y a plus qu'une seule Collecte, au lieu des trois qui caractérisent une Messe moins solennelle.

Entrons dans l'esprit de la sainte Eglise, et préparons-nous, dans toute la joie de nos cœurs, à aller au-devant du Sauveur qui vient à nous. Accomplissons fidèlement le jeûne qui doit alléger nos corps et faciliter notre marche ; et, dès le matin, songeons que nous ne nous étendrons plus sur notre couche que nous n'ayons vu naître, à l'heure sacrée, Celui qui vient illuminer toute créature ; car c'est un devoir, pour tout fidèle enfant de l'Eglise Catholique, de célébrer avec elle cette Nuit heureuse durant laquelle, malgré le refroidissement de la piété, l'univers entier veille encore à l'arrivée de son Sauveur : dernier vestige de la piété des anciens jours, qui ne s'effacerait qu'au grand malheur de la terre.

Parcourons en esprit de prière les principales parties de l'Office de cette Vigile. D'abord, la sainte Eglise éclate par un cri d'avertissement qui sert d'Invitatoire à Matines, d'Introït et de Graduel à la Messe. C'est la parole de Moïse annonçant au peuple la Manne céleste que Dieu enverra le lendemain. Nous aussi, nous attendons notre Manne, Jésus-Christ, Pain de vie, qui va naître dans Bethléhem, la Maison du Pain.

A l'Office de Prime, dans les Chapitres et les Monastères, on fait en ce jour l'annonce solennelle de la fête de Noël, avec une pompe extraordinaire. Le Lecteur, qui est souvent une des dignités du Chœur, chante sur un ton plein de magnificence la Leçon suivante du Martyrologe, que les assistants écoutent debout, jusqu'à l'endroit où la voix du Lecteur fait retentir le nom de Bethléhem. A ce nom, tout le monde se prosterne, jusqu'à ce que la grande nouvelle ait été totalement annoncée.


Manuscrit commandé par saint Charlemagne.
Illustration représentant les quatre Evangélistes. IXe.

LE HUIT DES CALENDES DE JANVIER

L'an de la création du monde, quand Dieu au commencement créa le ciel et la terre, cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf : du déluge, l'an deux mille neuf cent cinquante-sept : de la naissance d'Abraham, l'an deux mille quinze : de Moïse et de la sortie du peuple d'Israël de l'Egypte, l'an mille cinq cent dix : de l'onction du roi David, l'an mille trente-deux : en la soixante-cinquième Semaine, selon la prophétie de Daniel : en la cent quatre-vingt-quatorzième Olympiade : de la fondation de Rome, l'an sept cent cinquante-deux : d'Octavien Auguste, l'an quarante-deuxième : tout l'univers étant en paix : au sixième âge du monde : Jésus-Christ, Dieu éternel et Fils du Père éternel, voulant consacrer ce monde par son très miséricordieux Avènement, ayant été conçu du Saint-Esprit, et neuf mois s'étant écoulés depuis la conception, naît, fait homme, de la Vierge Marie, en Bethléhem de Judée : LA NATIVITE DE NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST SELON LA CHAIR !

Ainsi toutes les générations ont comparu successivement devant nous. L'Eglise, en ce seul jour et en cette seule circonstance, adopte la Chronologie des Septante, qui place la naissance du Sauveur après l'an cinq mille, tandis que la version Vulgate ne donne que quatre mille ans jusqu'à ce grand événement ; en quoi elle est d'accord avec le texte hébreu. Ce n'est point ici le lieu d'expliquer cette divergence de chronologie ; il suffit de reconnaître le fait comme une preuve de la liberté qui nous est laissée par l'Eglise sur cette matière.

Interrogées si elles auraient vu passer Celui que nous attendons, elles se sont tues, jusqu'à ce que le nom de Marie s'étant d'abord fait entendre, la Nativité de Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, a été proclamée. " Une voix d'allégresse a retenti sur notre terre ", dit à ce sujet saint Bernard dans son premier Sermon sur la Vigile de Noël ; " une voix de triomphe et de salut sous les tentes des pécheurs ". Nous venons d'entendre une parole bonne, une parole de consolation, un discours plein de charmes, digne d'être recueilli avec le plus grand empressement. Montagnes, faites retentir la louange ; battez des mains, arbres des forêts, devant la face du Seigneur ; car le voici qui vient.

PRIERE

" Cieux, écoutez ; terre, prête l'oreille ; créatures, soyez dans l'étonnement et la louange ; mais toi surtout, Ô homme ! Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée ! Quel cœur, fût-il de pierre, quelle âme ne se fond pas à cette parole ? Quelle plus douce nouvelle ? Quel plus délectable avertissement ? Qu'entendit-on jamais de semblable ? Quel don pareil le monde a-t-il jamais reçu ? Jésus Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée ! Ô parole brève qui nous annonce le Verbe dans son abaissement ! Mais de quelle suavité n'est-elle pas remplie ! Le charme d'une si mielleuse douceur nous porte à chercher des développements à cette parole ; mais les termes manquent. Telle est, en effet, la grâce de ce discours, que si j'essaie d'en changer un iota, j'en affaiblis la saveur :
" Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée !"

A LA MESSE


Manuscrit copte du XIIIe.

PRIONS

Dans la Collecte, l'Eglise semble encore préoccupée de la venue du Christ comme Juge ; mais c'est la dernière fois qu'elle fera allusion à ce dernier Avènement. Désormais, elle sera toute à ce Roi pacifique, à cet Epoux qui vient à elle ; et ses enfants doivent imiter sa confiance :

" Ô Dieu ! Qui nous comblez de joie tous les ans, par l'attente de notre Rédemption ; faites que, comme nous recevons avec allégresse votre Fils unique notre Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il vient nous racheter, nous puissions pareillement le contempler avec assurance lorsqu'il viendra nous juger : Lui qui vit et règne avec vous dans les siècles des siècles. Amen."

EPÎTRE

Dans l'Epître, l'Apôtre saint Paul, s'adressant aux Romains, leur annonce la dignité et la sainteté de l’Evangile, c'est-à-dire de cette bonne Nouvelle que les Anges vont faire retentir dans la nuit qui s'approche. Or, le sujet de cet Evangile, c'est le Fils qui est né à Dieu de la race de David selon la chair, et qui vient pour être dans l'Eglise le principe de la grâce et de l'Apostolat, par lesquels il fait qu'après tant de siècles, nous sommes encore associés aux joies d'un si grand Mystère :


Saint Paul prêchant aux Romains.

Lecture de l'Epître de saint Paul aux Romains. Chap. I.

" Paul, serviteur de Jésus-Christ, Apôtre par la vocation divine, choisi pour prêcher l'Evangile de Dieu (que Dieu avait promis longtemps auparavant par ses prophètes, dans les Ecritures saintes), au sujet du Fils qui lui est né, de la race de David selon la chair ; lequel a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance, selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection d'entre les morts ; au sujet, dis-je, de Jésus-Christ notre Seigneur, par qui nous avons reçu la Grâce et l'Apostolat, pour rendre obéissantes à la foi, parla vertu de son Nom, toutes les nations, au nombre desquelles vous aussi avez été appelés par Jésus-Christ notre Seigneur."

EVANGILE

L'Evangile de cette Messe est le passage dans lequel saint Matthieu raconte les inquiétudes de saint Joseph et la vision de l'Ange. Il convenait que cette histoire, l'un des préludes de la Naissance du Sauveur, ne fût pas omise dans la Liturgie ; et jusqu'ici le lieu de la placer ne s'était pas présenté encore. D'autre part, cette lecture convient à la Vigile de Noël, à raison des paroles de l'Ange, qui indique le nom de Jésus comme devant être donné à l'Enfant de la Vierge, et qui annonce que cet enfant merveilleux sauvera son peuple du péché :


Couronnement de la Vierge Marie. Retable de la chartreuse
de Villeneuve-les-Avignon.Enguerrand Quarton.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. I.

" Marie, mère de Jésus, ayant épousé Joseph, se trouva enceinte par l'opération du Saint-Esprit, avant qu'ils eussent été ensemble. Joseph, son époux, qui était juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la quitter secrètement. Mais lorsqu'il était dans cette pensée, l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :
" Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie ton épouse ; car ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit ; et elle enfantera un fils à qui tu donneras le nom de Jésus : car ce sera lui qui sauvera son peuple, en le délivrant de ses péchés."

HYMNE POUR LA VIGILE DE NOËL

Les Liturgies Ambrosienne et Mozarabe ont peu de choses saillantes dans l'Office et la Messe de la Vigile de Noël : nous ne leur emprunterons donc rien, et nous nous bornerons à puiser dans l’Anthologie des Grecs quelques strophes du chant qu'ils ont intitulé : l commencement des Heures de la Nativité ; Tierce, Sexte et None :


Le roi David en prière. Heures à l'usage de Paris. Jean Colombe. XVe.

Tirée de l'Anthologie des Grecs :

" On inscrivit un jour à Bethléhem avec le vieillard Joseph, comme issue de la race de David, Marie qui portait en son sein virginal un fruit divin. Le temps d'enfanter était arrivé; et il n'y avait plus de place en l'hôtellerie une grotte restait pour auguste palais à la vierge Reine.

Voici venir tout à l'heure l'accomplissement de la mystique promesse du Prophète : " Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principautés, toi qui la première ornes la divine grotte : de toi me viendra le chef des Nations, né selon la chair d'une tendre Vierge, le Christ Dieu qui régira son nouveau peuple d'Israël ". Donnons-lui nos louanges.

Celui-ci est notre Dieu, né d'une Vierge et conversant parmi les hommes ; nous n'en connaîtrons point d'autre ; le Fils unique gisant dans une pauvre étable apparaît sous la forme d'un mortel, et le Seigneur de gloire est enveloppé de langes : l'Etoile invite les Mages à le venir adorer ; et nous, disons en nos chants: Ô Trinité sainte ! Sauvez nos âmes.

Venez, Fidèles, livrons-nous à de divins transports ; venez voir un Dieu descendre vers nous du haut du ciel en Bethléhem : élevons nos âmes en haut ; pour la myrrhe apportons les vertus de notre vie ; ornons-en d'avance son entrée en ce monde, et disons : Gloire au plus haut des cieux, à Dieu qui est un en trois personnes, lequel daigne manifester aux hommes sa grande miséricorde ! car, Ô Christ ! Vous avez racheté Adam et relevé l'œuvre de vos mains, Ô ami des hommes !

Ecoutez, Ô cieux ! Terre, prête l'oreille ; que l'univers s'ébranle jusque dans ses fondements, et que tout ce qu'il renferme soit saisi de frayeur. Le Dieu auteur de la chair prend lui-même une forme, et Celui qui de sa main créatrice corrobora toute créature, par une miséricordieuse compassion, parait revêtu d'un corps. Ô abîme des richesses de la sagesse et science de Dieu ! Combien ses jugements sont incompréhensibles, combien ses voies impénétrables !

Venez, peuples chrétiens, voyons le prodige qui dépasse toute pensée, qui frappe d'étonnement toute imagination ; et pieusement prosternés, chantons avec foi des hymnes de louange. Aujourd'hui la Vierge vient à Béthléhem mettre au monde le Seigneur ; les chœurs des Anges la précèdent ; Joseph son époux la voit et s'écrie : " Quel prodige aperçois-je en toi, Ô Vierge ! Comment pourras-tu enfanter, tendre génisse qui ne connus point le joug ?"

Aujourd'hui naît d'une Vierge Celui dont la main contient toute créature ; Celui qui par essence est insaisissable,

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dimanche, 24 décembre 2023 | Lien permanent

5 août. Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

- Notre-Dame des Neiges, dédicace de la basilique Sainte-Marie-Majeure. 366.

" La neige la plus pure n'est qu'un emblème imparfait de la pureté virginale de la très-sainte Virge Marie."
Sophrom. epise., de Assumpt. B. M. V.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie. Détail.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes (Eccli. XXIV, 8-11.) ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par leur site même, les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l'ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et son fils Constantin, reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées ; toutefois l'église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n'en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s'appuyant aux remparts : tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n'avance qu'à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s'ouvrent devant lui.


Façade de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Qui plantera le drapeau de Sion au centre de Babylone ? Qui forcera l'ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples ? Ô vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage (Psalm. II.) ; Ô très puissant, aux flèches aiguës renversant les phalanges (Psalm. XLIV.), écoutez l'appel que tous les échos de la terre rachetée vous renvoient eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez (Ibid.) Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas ; le chant du Psalmiste, en l'appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d'or (Ibid.) : si de son Père il tient toute puissance (Matth. XXVIII, 18.), de son unique mère il entend recevoir sa couronne (Cant. III, 11.), et lui laisse en retour les dépouilles des forts (Psalm. LXVII, 13 ; Isai. LIII, 12.). Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l'a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité (Cant. III, 11.).

Jour, en effet, plein d'allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d'héritière du sol romain ! A l'orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l'aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les nuits, plus puissante que le soleil d'août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l'éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu'une armée (Cant. VI, 9.) ; car, à dater de ce jour, osant ce que n'avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n'avait point voulu sans elle prendre pour lui l'honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l'Olympe. Comme il convenait, l'altière Junon, dont l’autel déshonorait l'Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l'aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.


Arrière de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où " l'image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l'Eglise, au peuple romain " (Lectiones IIi Noct. in Dedic. basilicae Salvatoris.). Rome, encore à demi païenne, voit aujourd'hui se manifester la Mère du Sauveur; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s'apaiser les ardeurs funestes qui firent d'elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c'est dans l'émotion d'une jeunesse renouvelée qu'elle voit les souillures d'autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l'Epouse (Apoc. XIX, 7-8.).

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu'aucune autre créature ne reçut jamais: témoin, aux catacombes, ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l'Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d'honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois (Cimetières de Priscille, de Néréc et Achillée, etc.). Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l'huile mystérieuse annonçant la venue de l'oint du Seigneur, Calliste élevait vers l'an 222 une église à celle qui demeure à jamais le véritable fons olei, la source d'où sort le Christ et s'écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d'élever sur l'Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu'elle prit dès l'abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.
 
PRIERE
 
" Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l'ennemi pour le jour du combat ? Disait à Job le Seigneur (Job. XXXVIII, 22-23.). Au cinq août donc, pour continuer d'emprunter leur langage aux Ecritures (Eccli. XLIII, 14-15,19-20.), à l’ordre d'en haut, les trésors s'ouvrirent, et la neige s envolant comme l'oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David (Cant. IV, 4.) domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu'elle a conquise, elle n'arrêtera qu'avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu'ils seront beaux vos pas dans ces expéditions guerrières, Ô fille du prince (Cant. VII, 1.), Ô reine dont l'étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit ! L'ignominieuse déesse qu'un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur, laisse Rome encore déshonorée par la présence de trop de vains simulacres.
 
 
Ô notre blanche triomphatrice, aux acclamations des nations délivrées, prenez la voie fameuse qu'ont suivie tant de triomphateurs aux mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués enfin, montez à la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter. Vesta, Minerve, Cérès, Proserpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l'envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur fabuleuse histoire offrit au monde d'informes traits, mêlés à trop de souillures. Le Panthéon, devenu désert, aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom nouveau qui lui sera donné de Sainte-Marie-des-Martyrs. Au triomphe de votre Assomption dans les cieux, quel préambule, Ô notre souveraine, que ce triomphe sur terre dont le présent jour ouvre pour vous la marche glorieuse !"

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Ephèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu'elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier (642-649), qui l'enrichit de sa relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains.


Fresque du couronnement de la très-sainte Vierge Marie.
Dôme de la basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

La dernière dans l'ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu'à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d'elle et celle de Latran qui la suit (Museum italicum : Joann. Diac. Lib. de Eccl. Lateran. XVI, de episcopis et cardinal, per patriarchatus dispositis ; romani Ordin. XI, XII.). Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l'Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l'honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l'habitèrent, et c'était la coutume qu'aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu'ils avaient résolu de créer (Paulus de Angelis, Basilicae S. Mariœ Maj. descriptio, VI, v.).

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu'elle n'ait été célébrée de bonne heure sur l'Esquilin. Elle n'était pas encore universelle en l'Eglise, au XIIIe siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore, à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui, en 1558, fixa définitivement au quatre août la fête du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu'il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges, s'étant depuis généralisée et prenant le pas sur la première, aurait pu nuire dans la religion des fidèles à l'honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d'être assignée au même jour (Pauli IV Const. Gloriosus in Sanctis suis.). Le bréviaire de saint Pie V promulguait peu après pour le monde entier l'Office dont voici la Légende.

Sous le pontificat du Pape Libère, Ie patrice romain Jean et son épouse d'égale noblesse, n'ayant point eu d'enfants auxquels ils pussent laisser leurs biens après eux, vouèrent leur héritage à la très sainte Vierge Mère de Dieu, la suppliant par de ferventes et assidues prières de signifier en quelque manière l'œuvre pie à laquelle elle préférait qu'on employât cet argent. La bienheureuse Vierge Marie, écoutant avec bonté ces prières et ces vœux partis du cœur, y répondit par un miracle.


Fresque de l'Epiphanie. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Aux nones d'août, époque habituelle pour Rome des plus grandes chaleurs, la neige couvrit de nuit une partie de la colline Esquiline. Cette même nuit, la Mère de Dieu donnait en songe avis à Jean et à son épouse, séparément, qu'ils eussent à construire au lieu qu'ils verraient couvert de neige une église qui serait consacrée sous le nom de la Vierge Marie : ainsi voulait-elle être instituée leur héritière. Jean l'ayant fait savoir au Pape Libère, celui-ci déclara avoir eu la même vision.

Solennellement accompagné des prêtres et du peuple, il vint donc à la colline couverte de neige, et y détermina l'emplacement de l'église qui fut élevée aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III la restaura plus tard. On l'appela d'abord de divers noms, basilique de Libère, Sainte-Marie de la Crèche. Mais de nombreuses églises ayant été bâties dans la Ville sous le nom de la sainte Vierge Marie, pour que la basilique qui l'emportait sur les autres de même nom en dignité et par l'éclat de sa miraculeuse origine, fût aussi distinguée par l'excellence de son titre, on la désigna sous celui d'église de Sainte-Marie- Majeure. On célèbre la solennité anniversaire de sa dédicace en souvenir du miracle de la neige tombée en ce jour.


Monument du Pape Paul V. Chapelle Borghese.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.
 
PRIERE

" Quels souvenirs, Ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure ! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd'hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N'est-ce pas à son ombre, qu'unis à notre mère l'Eglise en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme ?

C'est là qu'au premier dimanche de l'Avent a commencé l'année, comme dans " le lieu le plus convenable pour saluer l'approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d'une Vierge " (Temps de l'Avent). Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le matin, nous conviait dans la radieuse basilique " où la Rose mystique allait s'épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s'élevait devant nous resplendissante de marbre et d'or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l'humble et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l'heureux instant où ce touchant monument de l'amour et des abaissements d'un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de nouvelle alliance, dont la vue rassure le pécheur et fait palpiter le cœur du juste " (Le Temps de Noël).
 

Tombeau de saint Pie V. Détail. Chapelle Sixtine.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Hélas ! Quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, " compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l'attente du sacrifice qui se préparait " (La Passion ; Station du Mercredi saint). Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l'auguste basilique !
" Rome faisa

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lundi, 05 août 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

2 juillet. La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

- La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.

" Si vous aimez Marie, si vous cherchez à lui plaire, imitez sa modestie. Ce n'est pas seulement dans son silence qu'éclate son humilité ; ses paroles à l'archange Gabriel et à sa cousine Elisabeth la proclament d'une manière plus frappante encore."
Saint Bernard. Hom. de Praerogat. B. M. V.

Ghirlandaio. XVe.

Déjà, dans les jours qui précédèrent la naissance du Sauveur, la visite de Marie à sa cousine Elisabeth a fait l'objet de nos méditations. Mais il convenait de revenir sur une circonstance aussi importante de la vie de Notre-Dame; la simple mémoire de ce mystère, au Vendredi des Quatre-Temps de l'Avent, ne suffisait point à faire ressortir ce qu'il renferme par lui-même d'enseignement profond et de sainte allégresse. En se complétant dans le cours des âges, la sainte Liturgie devait exploiter cette mine précieuse, à l'honneur de la Vierge-mère. L'Ordre de saint François et quelques églises particulières, comme celles du Mans, de Reims et de Paris, avaient déjà pris les devants, lorsqu'Urbain VI, en l'année 1389, institua la solennité du présent jour. Le Pape conseillait le jeûne en la vigile de la fête, et ordonnait qu'elle fût suivie d'une Octave; il accordait à sa célébration les mêmes indulgences qu'Urbain IV avait, dans le siècle précédent, attachées à la fête du Corps du Seigneur. La bulle de promulgation, arrêtée par la mort du Pontife, fut reprise et publiée par Boniface IX qui lui succéda sur le Siège de saint Pierre.

Nous apprenons des Leçons de l'Office primitivement composé pour cette fête, que le but de son institution avait été, dans la pensée d'Urbain, d'obtenir la cessation du schisme qui désolait alors l'Eglise. Exilée de Rome durant soixante-dix ans, la papauté venait d'y rentier à peine ; l'enfer, furieux d'un retour qui contrariait ses plans opposés là comme partout à ceux du Seigneur, s'en était vengé en parvenant à ranger sous deux chefs le troupeau de l'unique bercail. Telle était l'obscurité dont de misérables intrigues avaient su couvrir l'autorité du légitime pasteur, qu'on vit nombre d'églises hésiter de bonne foi et, finalement, préférer la houlette trompeuse du mercenaire. Les ténèbres devaient même s'épaissir encore, et la nuit devenir un moment si profonde, que les ordres de trois papes en présence allaient se croiser sur le monde, sans que le peuple fidèle, frappé de stupeur, parvînt à discerner sûrement la voix du Vicaire du Christ. Jamais situation plus douloureuse n'avait été faite à l'Epouse du Fils de Dieu. Mais Notre-Dame, vers qui s'était tourné le vrai Pontife au début de l'orage, ne fit point défaut à la confiance de l'Eglise.

Anonyme. Collégiale Notre-Dame. Beaune. XVIIe.
 
Durant les années que l'insondable justice du Très-Haut avait décrété de laisser aux puissances de l'abîme, elle se tint en défense, maintenant si bien la tête de l'ancien serpent sous son pied vainqueur, qu'en dépit de l'effroyable confusion qu'il avait soulevée, sa bave immonde ne put souiller la foi des peuples ; leur attachement restait immuable à l'unité de la Chaire romaine, quel qu'en fût dans cette incertitude l'occupant véritable. Aussi l'Occident, disjoint en fait, mais toujours un quant au principe, se rejoignit comme de lui-même au temps marqué par Dieu pour ramener la lumière. Cependant, l'heure venue pour la Reine des saints de prendre l'offensive, elle ne se contenta pas de rétablir dans ses anciennes positions l'armée des élus ; l'enfer dut expier son audace, en rendant à l'Eglise les conquêtes mêmes qui lui semblaient depuis des siècles assurées pour jamais. La queue du dragon n'avait point encore fini de s'agiter à Baie, que Florence voyait les chefs du schisme grec, les Arméniens, les Ethiopiens, les dissidents de Jérusalem, de Syrie et de Mésopotamie, compenser par leur adhésion inespérée au Pontife romain les angoisses que l'Occident venait de traverser.

Il restait à montrer qu'un pareil rapprochement des peuples au sein même de la tempête, était bien l'œuvre de celle que le pilote avait, un demi-siècle auparavant, appelée au secours de la barque de Pierre. On vit les factieux de l'assemblée de Bàle en donner la preuve, trop négligée par des historiens qui ne soupçonnent plus l'importance des grands faits liturgiques dans l'histoire de la chrétienté ; sur le point de se séparer, les derniers tenants du schisme consacrèrent la quarante-troisième session de leur prétendu concile à promulguer, pour ses adhérents, cette même fête de la Visitation en l'établissement de laquelle Urbain VI avait dès l'abord mis son espoir. Malgré la résistance de quelques obstinés, le schisme était vraiment fini dès lors ; l'orage se dissipait : le nom de Marie, invoqué des deux parts, resplendissait comme le signe de la paix sur les nuées (Gen. IX, 12-17.). Ainsi l'arc-en-ciel unit dans sa douce lumière les extrémités opposées de l'horizon. Contemplez-le, dit l'Esprit-Saint, et bénissez celui qui l'a fait ; car il est beau dans sa splendeur ! Il embrasse les cieux dans le circuit de sa gloire (Eccli. XLIII, 12-13.). Si l'on se demande pourquoi Dieu voulut que le mystère de la Visitation, et non un autre, devînt, par cette solennité qui lui fut consacrée, le monument de la paix reconquise : il est facile d'en trouver la raison dans la nature même de ce mystère et les circonstances où il s'accomplit.

Dessin. Giovanni Mauro della Rovere. XVIe.

C'est là surtout que Marie apparaît, en effet, comme la véritable arche d'alliance : portant en elle, non plus les titres périmés du pacte de servitude conclu au bruit du tonnerre entre Jéhovah et les Juifs ; mais l'Emmanuel, témoignage vivant d'une réconciliation plus vraie, d'une alliance plus sublime entre la terre et les cieux. Par elle, mieux qu'en Adam, tous les hommes seront frères ; car celui qu'elle cache en son sein sera le premier-né de la grande famille des fils de Dieu. A peine conçu, voici que pour lui commence l'œuvre d'universelle propitiation. Levez-vous, ô Seigneur, vous et l'arche d'où votre sainteté découlera sur le monde (Psalm. CXXXI, 8.). De Nazareth aux montagnes de Judée, dans sa marche rapide, elle sera protégée par l'aile des chérubins jaloux de contempler sa gloire. Au milieu des guerriers les plus illustres et des chœurs d'Israël, David conduisit l'arche figurative de la maison d'Abinadab à celle d'Obedédom (II Reg. VI.) ; mieux que lui, Dieu votre Père saura entourer l'arche sacrée du Testament nouveau, lui composant une escorte de l'élite des célestes phalanges.

Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l'hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d'or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l'éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer mer l'union qu'ambitionnait son amour ! Par le péché d'origine, l'ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l'ornement dans les siècles sans fin ; l'ambassade de l'ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n'avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d'Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d'Azot en firent autrefois l'expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l'arche (I Reg. V.) : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l'âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l'arche de l'alliance n'arrêtera ses triomphes qu'avec la réconciliation du dernier des élus.

Giovanni Francesco da Rimini. XVe.

Célébrons cette journée par nos chants d'allégresse ; car toute victoire, pour l'Eglise et ses fils, est en germe dans ce mystère : désormais l'arche sainte préside aux combats du nouvel Israël. Plus de division entre l'homme et Dieu, le chrétien et ses frères ; si l'arche ancienne fut impuissante à empêcher la scission des tribus, le schisme et l'hérésie n'auront licence de tenir tête à Marie durant plus ou moins d'années ou de siècles, que pour mieux enfin faire éclater sa gloire. D'elle sans cesse, comme en ce jour béni, s'échapperont, sous les yeux de l'ennemi confondu, et la joie des petits, et la bénédiction de tous, et la perfection des pontifes (Psalm. CXXXI, 8-9, 14-18.). Au tressaillement de Jean, à la subite exclamation d'Elisabeth, au chant de Zacharie, joignons le tribut de nos voix ; que toute la terre en retentisse. Ainsi jadis était saluée la venue de l'arche au camp des Hébreux ; les Philistins, l'entendant, savaient par là que le secours du Seigneur était descendu ; et, saisis de crainte, ils gémissaient, disant :
" Malheur à nous : il n'y avait pas si grande joie hier ; malheur à nous !" (I Reg. IV, 5-8.).

Oui certes, aujourd'hui avec Jean, le genre humain tressaille et il chante ; oui certes, aujourd'hui à bon droit l'ennemi se lamente : le premier coup du talon de la femme (Gen. III, 11.) frappe aujourd'hui sa tête altière, et Jean délivré est en cela le précurseur de nous tous. Plus heureux que l'ancien, le nouvel Israël est assuré que jamais sa gloire ne lui sera ôtée ; jamais ne sera prise l'arche sainte qui lui fait traverser les flots (Josué, III, IV.) et abat devant lui les forteresses (Ibid. VI.). Combien donc n'est-il pas juste que ce jour, où prend fin la série de défaites commencée en Eden, soit aussi le jour des cantiques nouveaux du nouveau peuple ! Mais à qui d'entonner l'hymne du triomphe, sinon à qui remportela victoire ? Levez-vous donc, levez-vous, Debbora ; levez-vous et chantez le Cantique (Judic. V, 12.). Les forts avaient disparu, jusqu'à ce que s'élevât Marie, la vraie Debbora, jusqu'à ce que parût la Mère en Israël (Ibid. 7.).

Bas-relief. Eglise Saint-Pierre-Saint-Ebons. Sarrancolin. Béarn. XVIe.

" C'est moi, c'est moi, dit-elle en effet, qui chanterai au Seigneur, qui célébrerai le Dieu d'Israël (Ibid. 3.). Selon la parole de mon aïeul David, magnifiez avec moi le Seigneur, et tous ensemble exaltons son saint nom (Psalm. XXXIII, 4.). Mon cœur, comme celui d'Anne, a tressailli en Dieu son Sauveur (I Reg. II, 1.). Car, de même qu'en Judith sa servante, il a accompli en moi sa miséricorde (Judith, XIII, 18.) et fait que ma louange sera dans toutes les bouches jusqu'à l'éternité (Ibid. 23, 31 ; XV, 11.). Il est puissant celui qui a fait en moi de grandes choses (Exod. XV, 2-3, 11.) ; il n'est point de sainteté pareille à la sienne (I Reg. II, 2.). Ainsi que par Esther, il a pour toutes les générations sauvé ceux qui le craignent (Esther, IX, 28.) ; dans la force de son bras (Judith, IX, 11.), il a retourné contre l'impie les projets de son cœur, renversant l'orgueilleux Aman de son siège et relevant les humbles; il a fait passer des riches aux affamés l'abondance (I Reg. II, 4-3.) ; il s'est ressouvenu de son peuple et a eu pitié de son héritage (Esther, X, 12.). Telle était bien la promesse que reçut Abraham, et que nos pères nous ont transmise : il a fait comme il avait dit." (Ibid. XIII, 15 ; XIV, 5.).

Filles de Sion, et vous tous qui gémissiez dans les fers de Satan, l'hymne de la délivrance a donc retenti sur notre terre. A la suite de celle qui porte en son sein le gage de l'alliance, formons des chœurs ; mieux que Marie sœur d'Aaron, et à plus juste titre, elle préside au concert d'Israël (Exod. XV, 20-21.). Ainsi elle chante en ce jour de triomphe, rappelant tous les chants de victoire qui préludèrent dans les siècles de l'attente à son divin Cantique. Mais les victoires passées du peuple élu n'étaient que la figure de celle que remporte, en cette fête de sa manifestation, la glorieuse souveraine qui, mieux que Debbora, Judith ou Esther, a commencé de délivrer son peuple ; en sa bouche, les accents de ses illustres devancières ont passé de l'aspiration enflammée des temps de la prophétie à l'extase sereine qui marque la possession du Dieu longtemps attendu. Une ère nouvelle commence pour les chants sacrés : la louange divine reçoit de-Marie le caractère qu'elle ne perdra plus ici-bas, qu'elle gardera jusque dans l'éternité.

Les considérations qui précèdent nous ont été inspirées par le motif spécial qui porta l'Eglise, au XIVe siècle, à instituer cette fête. En rendant Rome à Pie IX exilé, au 2 juillet de l'année 1849 (Voir au 1er juillet, en la fête du Précieux Sang), Marie a montré de nouveau dans nos temps que cette date était bien pour elle une journée de victoire. Mais le mystère de la glorieuse Visitation est si vaste, que nous ne saurions, eu égard aux limites qui nous sont imposées, songer à épuiser ici tous les enseignements qu'il renferme. Quelques-uns d'eux, au reste, nous ont été donnés dans les jours de l'Avent; d'autres plus récemment, à l'occasion de la fête de saint Jean-Baptiste et de son Octave ; d'autres enfin seront mis en lumière par l'Epître et l'Evangile de la Messe qui va suivre.

Heures à l'usage de Paris. XVe.

HYMNE

" Salut, astre des mers.
Mère de Dieu féconde !
Salut, Ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !


Vous qui de Gabriel
Ayez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Eva.


Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.


Montrez en vous la Mère ;
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.


Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.


Donnez vie innocente
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.


Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.


Amen."

V/. " Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
R/. Et le fruit de vos entrailles est béni."

Josse Lieferinxe. XVe.

SEQUENCE

" Venez, glorieuse souveraine ; Marie, vous-même visitez-nous : illuminez nos âmes malades, donnez-nous de vivre saintement.

Venez, vous qui sauvâtes le monde, enlevez la souillure de nos crimes ; dans cette visite à votre peuple, écartez tout péril de peine.

Venez, reine des nations, éteignez les flammes du péché ; quiconque s'égare, redressez-le , donnez à tous vie innocente.

Venez, visitez les malades ; Marie, fortifiez les courages par la vertu de votre impulsion sainte, bannissez les hésitations.

Venez, étoile, lumière des mers, faites briller le rayon de la paix ; que Jean tressaille devant son Seigneur.

Venez, sceptre des rois, ramenez les foules errantes à l'unité de foi qui est le salut des citoyens des cieux.

Venez, implorez pour nous ardemment les dons de l'Esprit-Saint, afin que nous suivions une ligne plus droite dans les actes de cette vie.

Venez, louons le Fils, louons l'Esprit-Saint, louons le Père, unique Dieu : qu'il nous donne secours.

Amen."

Ecole française. XVIIe.

En ce jour où Satan voit pour la première fois reculer son infernale milice devant l'arche sainte, deux combattants de l'armée des élus font cortège à leur Reine. Députés vers Marie par Pierre lui-même en son Octave glorieuse, ils ont dû cet honneur à la foi qui leur fit reconnaître dans le condamné de Néron le chef du peuple de Dieu.

Le prince des Apôtres attendait son martyre au fond de la prison Mamertine, lorsque la miséricorde divine amena près de lui deux soldats romains, ceux-là mêmes dont les noms sont devenus inséparables du sien dans la mémoire de l'Eglise. L'un se nommait Processus, et l'autre Martinien. Ils furent frappés de la dignité de ce vieillard confié à leur garde pour quelques heures, et qui ne devait remonter à la lumière que pour périr sur un gibet.

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mardi, 02 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

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