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22 décembre. Bienheureuse Marie Mancini, de Pise, de l'ordre de Saint-Dominique. 1431.

- Bienheureuse Marie Mancini, de Pise, de l'ordre de Saint-Dominique. 1431.

Papes : Martin V (+1431) ; Eugène IV.

" Placez vos richesses dans le ciel, et le poids de votre veuvage deviendra tolérable."
Saint Jean Chrysostome.


Bienheureuse Marie Mancini. Imagerie populaire.
D'après un anonyme italien du XVIIe.

La bienheureuse Marie, que le monde appelait Catherine, naquit à Pise vers la fin du XIVe siècle. Son père, nommé Barthélémy, était de la noble famille des Mancini, fameuse alors en Toscane. Humble et pure, ses premières années s'écoulèrent dans la paix et les soins pieux de la famille. Encore au berceau, elle reçut de son ange un avertissement qui préserva ses jours. Plus tard, ce même ange lui apparut dans une autre vision, et dès lors entre elle et lui s'établit un mystérieux échange de prières, de grâces et de pieux avis.

Bien jeune encore, notre bienheureuse - qui était d'une grande beauté - fut mariée, et de cette union eut deux filles qui, après quelques jours de vie, s'envolèrent au ciel. Son mari lui-même passa bientôt de ce monde à l'autre. La bienheureuse avait pris un époux non par choix mais par obéissance ; l'obéïssance lui fit accepter un second mariage. Elle en eut cinq fille et un fils.

Marie sut joindre à ses travaux de mère, à ses devoirs d'épouse, la contemplation la plus haute, la plus large, et la plus tendre charité. Les pauvres étrangers et les malades trouvaient dans la maison de cette pieuse dame les secours les plus empressés et les soins les plus affectueux : elle aimait à remplir envers les membres souffrants de Notre Seigneur Jésus-Christ tous les devoirs de la charité.


Primatiale Notre-Dame-de-l'Assomption. Pise.

Veuve une seconde fois, et ayant vu mourir tous ses enfants, elle refusa désormais les alliances terrestres et résolut de mener une vie plus austère. Aussi fit-elle voeu de jeûner quatre fois la semaine, de flageller son corps par des disciplines quotidiennes, de ne s'accorder que le sommeil nécessaire sur un lit de bois, et de s'adonner nuit et jour à l'oraison. Elle ajoutait à ces pieux exercice le travail manuel qui lui procurait les aliments nécessaires, et souvent elle les donnait, pleine de joie, aux malades et aux indigents. Elle demandaient sans cesse à Dieu de se conformer en tout à sa sainte volonté.

Vers ce temp-là, sainte Catherine de Sienne vint à Pise : Marie eut avec elle des rapports très intimes et en reçut de salutaires avis. A son exhortation, elle prit l'habit des soeurs de l'ordre de Saint-Dominique, que l'on nommait alors soeurs de la Pénitence, et peu après elle résolut d'entrer dans une maison d'observance. Car, comme toutes les religieuses vivaient de leurs propres revenus, Marie mena une vie commune avec six compagnes qui étaient à sa charge, et qu'elle dirigeait avec prudence. Son amour pour la perfection lui fit quitter ce couvent pour passer, avec la bienheureuse Claire, dans celui de Saint-Dominique que venait de fonder Pierre Gambacorti, père de celle-ci.


Bienheureuse Claire Gambacorti.
Imagerie populaire. D'après un anonyme italien du XVIIe.

Alors, de concert avec quelques compagnes embrasées de la même ardeur, elle fit tous ses efforts pour mettre en vigueur la stricte observance de la règle, et tel fut son zèle qu'à la moirt de la bienheureuse Claire, les religieuses l'urent prieure.

On raconte mille choses merveilleuses dont fut remplie la vie cloîtrée de notre bienheureuse Marie Mancini : visions célestes, étranges et terribles assauts de l'enfer, excès héroïques de pénitence, immense charité, tendre et généreuse compassion pour les pauvres âmes du purgatoire.

Enfin, avancée en âge, elle s'envola au ciel en l'année 1431.

Son corps, tiré du tombeau quelques années après sa mort, fut placé sur les autels et devint l'objet d'un culte perpétuel. La souverain pontife Pie IX, après avoir consulté la sacrée Congrégation des Rites, l'approuva canoniquement le 2 août 1855, et accorda à tout l'ordre des Frères Prêcheurs, ainsi qu'au diocèse de Pise, le privilège d'une messe et d'un office en l'honneur de la bienheureuse Marie Mancini. Cette fête a été fixée le 30 janvier.

Elle est considérée comme une des saintes patronnes des familles et des religieuses.

Rq : On veillera à éviter l'outrage de confondre notre merveilleuse bienheureuse avec son homonyme, nièce de Mazarin, maîtresse du jeune Bourbon, Louis, XIVe du nom, roi de France...

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vendredi, 22 décembre 2023 | Lien permanent

20 juillet. Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 68

- Saint Wulmer (ou saint Wilmer ou encore saint Wilmar), fondateur de l'abbaye de Samer au diocèse d'Arras. 689.
 
Pape : Saint Serge Ier. Roi des Francs : Thierry III.
 
" C'est ravir une belle proie au monde que de travailler à s'arracher de lui."
S. Eus. Emiss., serm. de Castigat.
 

Eglise Saint-Omer. Wierre-au-Bois. Boulonnais. XVIIe.

Au commencement du VIIe siècle de l'ère Chrétienne, sur le territoire du Boulonnais, et dans un lieu nommé " Sylviacum ", aujourd'hui " Samer " (Pas-de-Calais), naquit de parents Chrétiens et nobles un homme que ses vertus éclatantes et sa sainteté admirable devaient placer au rang des Saints. Walhert et Dude, ses parents, avaient encore un autre fils, auquel ils avaient donné le nom de Wamer.
 
La jeunesse du Saint se passa dans la résidence féodale de ses pères, au milieu des occupations toutes barbares encore des anciens Francs. Mais Dieu, dont les secrets sont impénétrables, se sert de toutes sortes de moyens pour parvenir à ses fins : comme il avait dessein de couronner un jour Wilmar d'une gloire immortelle, il l'humilia d'abord pour l'élever ensuite à ce haut degré d'honneur.

Le jeune franc rechercha en mariage une noble fille nommée Osterhilda, ignorant qu'elle avait été promise à Wilmer, un de ses compatriotes. Il était au moment de voir ses voeux accomplis, quand, en vertu du droit des fiançailles, son rival recourut au roi des Francs.
 
Celui-ci le soutint dans ses prétentions, et, sur son ordre, Wilmar dut renoncer à celle que son coeur avait choisi. Froissé dans ses plus tendres affections, le jeune homme prit en dégoût le monde, qui s'ouvrait à lui avec de telles déceptions; et, brisant tout ce qui pouvait encore l'attacher à la vie du siècle, il résolut de se consacrer à Dieu dans la nuit et l'obscurité du cloître.

Ainsi donc, la Providence l'humilia aux yeux du monde, pour l'exalter à la vue des Anges, s'emparer entièrement de son coeur et l'attirer plus fortement au service de Jésus-Christ.

Wilmar partit sur-le-champ et se rendit en Hainaut, vers le monastère de Hautmont, où l'abbé le reçut avec la plus grande bienveillance (642). A peine fut-il revêtu des livrées du Seigneur, que l'on put remarquer en lui un changement extraordinaire.

Ce n'était plus ce barbare au regard fier et audacieux, ce courtisan assidu de son prince ; cet homme qui avait de vaines complaisances pour le siècle. Prosterné aux pieds des autels du Christ, son véritable roi et son maître, il apprenait à mourir aux choses de la terre. C'était alors qu'il pouvait dire, avec le grand Apôtre :
" Le monde est crucifié au fond de mon coeur, et je le suis au monde."
 

Eglise Saint-Martin de Samer. Une partie des reliques
de saint Wulmer y sont vénérées. Boulonnais.

Voilà quels durent être les sentiments de Wilmar nouvellement converti ; mais ce n'était que le commencement d'un changement si heureux. Pour éprouver le jeune novice, et voir si sa vocation venait d'en haut, l'abbé s'appliqua d'abord à lui faire pratiquer les vertus les plus difficiles : l'humilité de Jésus-Christ, le mépris de soi-même, et le renoncement à sa propre volonté.

Il avait bien compris qu'à l'ombre du cloître il n'était plus question de rang ou de condition, que là il n'y avait plus de pauvre ni de riche, de serf ni de suzerain ; parce qu'entre l'âme de l'esclave et celle de l'homme libre, il n'y a point de différence devant Dieu. Aussi, soumis et obéissant à ceux qui devaient le guider dans la voie du salut, pratiquait-il avec bonheur les conseils les plus sublimes de la perfection évangélique.

Son supérieur lui donna la conduite des boeufs et lui confia le soin d'aller chercher tout le bois nécessaire pour les besoins du monastère. Wilmar s'acquitta de ces pénibles fonctions avec tant de joie et de ferveur, que toute la communauté en fut extrêmement édifiée.

Son zèle alla plus loin encore ; car, se levant la nuit et entrant doucement dans la grande chambre du dortoir, il enlevait les chaussures des frères, pour les nettoyer. L'abbé, à qui ceux-ci donnèrent connaissance du fait, fut fort édifié de tant de simplicité de coeur et de charité. Voulant en connaître l'auteur, il veilla lui-même secrètement, et parvint à le découvrir. Wilmar, en effet, s'étant approché de la cellule de son supérieur, pour lui rendre furtivement le même service, fut aussitôt saisi par la main, et reçut l'ordre de déclarer à l'instant qui il était. Interdit et confus à celte demande, mais pressé par l'obéissance qu'il devait à son supérieur, le serviteur de Dieu répondit à regret qu'il était ce jeune homme venu des bords de la mer, et à qui il avait donné depuis quelque temps le saint habit de la religion.

L'abbé, heureux de voir tant de modestie dans un si jeune religieux, lui dit :
" Allez, mon fils, faites ce que vous souhaitez."
C'était l'autoriser à continuer son humble et pieux exercice. Toutefois, pour ne pas offenser sa modestie, il ne révéla cette action qu'après le départ de Wilmar.

Telles étaient donc chaque jour les occupations par lesquelles l'athlète du Christ s'exerçait à la pratique des vertus chrétiennes, dans l'abbaye de Hautmont. Mais le Ciel, qui avait sur lui des vues plus grandes, et qui voulait le réserver pour la conduite des âmes et la fondation d'un nouveau monastère, ne permit pas qu'il restât plus longtemps chargé de ces humbles fonctions. L'Esprit-Saint, qui s'était fait de cet homme un temple choisi, lui inspira la pensée de se livrer à l'étude des lettres, afin de le mettre à même de rendre de plus grands services à l'Eglise de Dieu. Wulmer, docile à l'inspiration de la grâce, se fit initier par les frères à cette étude, dont il ignorait même les premiers principes. Sans se relâcher en rien de son exactitude à accomplir les autres travaux qui lui étaient imposés, il donnait à ce nouveau genre d'occupation tout le soin dont il était capable.


Eglise Saint-Martin. Condette. Boulonnais. XVIe.

Un jour cependant, selon son habitude, conduisant son chariot dans la forêt voisine, il marchait devant ses boeufs, tenant en main ses tablettes et étudiant avec ardeur. La méditation profonde dans laquelle il était plongé l'absorbait tellement, que son chariot s'arrêta sans qu'il s'en aperçût. Après avoir ainsi cheminé seul quelque temps, il tourna instinctivement la tête, et vit ce qui lui était arrrivé. Alors, comprenant l'avertissement qui lui venait d'en haut, il retourne sur ses pas, ramène son attelage, et s'occupe uniquement du labeur qui lui était confié. L'abbé, ayant appris le fait, et reconnaissant l'impossibilité d'allier ensemble le travail des mains et celui de l'esprit, donna à un autre le soin d'aller chercher le bois, et ordonna à Wilmar de s'appliquer exclusivement à l'étude des lettres. Les progrès rapides qu'il fit en peu de temps, ainsi que les bons exemples qu'il donnait à la communauté, par son humilité et sa douceur, engagèrent l'abbé à l'élever à la dignité sacerdotale.

Quand, prosterné sur les dalles du sanctuaire, le front incliné sous la main du pontife consécrateur, Wilmar se releva prêtre, il sentit tout le poids du fardeau que cette dignité faisait peser sur lui. Le grand honneur et le profond respect que sa sainteté lui attirait de la part des frères, effrayait son humilité.

Dès ce moment, une résolution sublime fut prise par Wilmar. Le silence du cloître, l'abnégation de la vie cénobitique, ne suffisaient plus à son âme. Consacré désormais au service de Jésus crucifié, il sentait le besoin de se retremper dans une vie plus dure et plus solitaire. C'est pourquoi il pria fortement son abbé de lui permettre de se retirer dans quelque affreuse solitude, pour ne penser qu'à Dieu seul et y vivre inconnu de tous. Sa vertu et son mérite lui firent obtenir facilement ce qu'il souhaitait avec tant d'ardeur. Aussi, après s'être prosterné aux pieds de son supérieur pour recevoir sa bénédiction, il partit emportant les regrets de tous les religieux.

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jeudi, 20 juillet 2023 | Lien permanent

14 janvier. Saint Hilaire, évêque de Poitiers, docteur de l'Eglise, patron du diocèse de Poitiers. 368.

- Saint Hilaire, évêque de Poitiers, docteur de l'Eglise, patron du diocèse de Poitiers. 368.
 
Pape : Saint Damase Ier. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier. Empereur romain d'Orient : Valens.

" Se taire quand on doit parler est de la pusillanimité, non de la modestie."
Lib. contra Constantium.


Saint Hilaire de Poitiers. Grandes heures d'Etienne Chevalier.
Jean Fouquet. XVe.

Hilaire vient d'hilarité, parce qu'il servit Dieu avec un coeur plein de joie. Ou bien Hilaire vient de altus, haut, élevé, et arès vertu, parce qu'il fut élevé en science et en vertu, durant sa vie. Hilaire viendrait encore de hylè, qui veut dire matière primordiale, qui fut obscure, et en effet, dans ses oeuvres, il y a grande obscurité et profondeur.

Saint Hilaire naquit en Aquitaine seconde, qui " surpassait alors toutes les autres provonces gauloises en urbanité ". Son père se nommait Francaire et était d'une famille de grande noblesse. Il fut élevé dans le paganisme et ne se fit chrétien que dans l'âge mûr. Il mena une vie honnête et pure. Après la grâce de Dieu, l'étude de la philosophie puis de l'Ecriture sainte furent les causes de sa conversion :

" Je considérais que l'état le plus désirable, selon les sens, est le repos dans l'abondance, mais que ce bonheur est commun avec les bêtes. Je compris donc que le bonheur de l'homme devait être plus relevé, et je mettais dans la pratique de la vertu et dans la connaissance de la vérité. La vie présente n'étant qu'une suite de misères, il me parut que nous l'avions reçue pour exercer la patience, la modération, la douceur, et que Dieu, tout bon, ne nous avait point donner la vie pour nous rendre plus misérables en nous l'otant. 
Mon âme se portait donc avec ardeur à connaître ce Dieu, auteur de tout bien, car je voyais clairement l'absurdité de tout ce que les païens enseignaient touchant la divinité, la partageant entre plusieurs personnes, de l'un et de l'autre sexe, l'attribuant à des animaux, à des statues et à d'autres objets insensibles. Je reconnus qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul Dieu, éternel, tout-puissant, immuable."
 

Sacre de saint Hilaire. Vies de saints. J. de Monbaston. XIVe.

Le fait qu'il semble avoir reçu le baptême peu de temps avant l'épiscopat n'indique pas qu'il n'était pas chrétien bien avant. En effet, un usage en ce temps était de ne le recevoir que dans un âge avancé ou après une longue préparation. Il avait tellement peur de perdre le trésor de la foi qu'il ne fréquentait ni les Juifs ni les hérétiques. Plus tard par charité, cette auxiliaire indispensable à la foi, le porta à modifier, le cas échéant, cette attitude.

Saint Hilaire avait une femme dont la vertu était remarquable. Ils eurent une fille Abra, qu'il engagea à demeurer vierge et à vivre pour Notre Seigneur. En ce temps, il arrivait que l'on prît des clercs ches les hommes marié mais on es engageait à ne plus avoir de commerce avec elles, sous peine d'adultère. Il reçut l'épiscopat à la fin des années 340.

Saint Hilaire était tellement conscient de la dignité de l'épiscopat que lorsqu'il voulut représenter à l'empereur qu'il méritait à ses yeux une grande considération, il lui dit :
" Episcopus ego sum !"
" Je suis évêque !"
Il considérait l'évêque comme " le prince parfait de l'Eglise, lequel doit posséder dans leur perfection les plus grandes vertus ".
" Dans un évêque, l'innocence de la vie ne suffit pas sans la science, et sans la sainteté, la plus grande science ne suffit pas davantage ; en effet, comme il est institué pour l'utilité des autres, à quoi leur sert-il, s'il ne les instruit, et ses instructions ne seront-elles pas stériles, si elle ne sont pas d'accord avec sa vie ?"
D'un prêtre, il dit sans cesse :
" Qu'il orne sa vie en prêchant, qu'il orne sa prédication en vivant ; car innocent, il n'est utile qu'à lui-même s'il n'est pas savant, sa science n'a aucune autorité s'il n'est pas innocent."
 

Concile de Séleucie. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Il commença sa prédication avec l'évangile de saint Matthieu car " le Nouveau Testament est caché dans l'ancien et l'Ancien Testament est manifesté dans le Nouveau ". Puis il continua par saint Jean pour affirmer la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ.

C'est aussi, et surtout, par le combat contre les Ariens et le faible et tyrannique empereur Constance, que saint Hilaire mérita d'être le saint Athanase de l'Occident. Il entra dans le combat au moment du concile d'Arles (353), où l'empereur était présent, qui demanda aux évêques de souscrire aux hérésies ariennes. Paulin, évêque de Trèves, reffusa et fut exilé.

Plus tard dans la même année, dans un concile réunit à Milan, l'empereur fit renouveler ses admonestations et les assortit de l'ordre de condamner saint Athanase.

Il est difficile de savoir si notre saint assista à ce concile, mais, alors que les légat du pape saint Libère était exilés eux-aussi pour avoir refusé selon la mission que leur avait donner le Pontife suprême de signer cette condamnation, saint Hilaire fit parvenir à l'empereur son premier livre à Constance.
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En 356, les Ariens, emmenés par Saturnin d'Arles, convoquèrent un concile à Bézier. Saint Hilaire s'y rendit en vue de réfuter leurs erreurs. Mais Saturnin interdit qu'il fût entendu et envoya une fausse relation u concile à l'empereur. Saint Hilaire fut exilé en Phrygie avec saint Rodhane, évêque de Toulouse. De là, par ses écrits et ses ambassades, il poursuivit le gouvernement de son diocèse mais aussi son combat contre l'hérésie.
 

Saint Hilaire combattant les hérétiques. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. Richard de Monbaston. XIVe.

C'est en cet exil qu'il composa son Traîté de la Trinité, afin de démasquer l'erreur et de défendre la vérité. Notre saint y prouve de la manière la plus ferme la consubstantialité du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Il y fait voir aussi que l'Arianisme ne peut être la vérité car cette doctrine n'a point été révélée à saint Pierre, dont la foi sera indéfectible car Jésus-Christ à prié précisément pour cela.

Pendant son exil, il se tint deux nouveaux conciles. L'un à Rimini, où les ignominies touchant à la vraie foi et l'autre à Séleucie (359). L'empereur ayant ordonnée que tous les évêques y fussent, saint Hilaire s'y trouva et put providentiellement s'opposer aux Ariens. Au point que ceux-ci furent même condamnés par les semi-Ariens.

A la suite, des points de désaccords grâves demeurant, on envoya une ambassade, à laquelle saint Hilaire se joignit, à Constantinople. Là les Ariens qui pulullaient trouvèrent l'occasion de tenir un nouveau concile qu'ils organisèrent à leur main (360). Saint Hilaire alors envoya une requête à Constance lui demandant, d'être confronté directement et publiquement à Saturnin d'Arles, l'auteur de son exil, et de conférer avec lui devant tout le concile de la vérité intégrale de la foi. Les Ariens persuadèrent à l'empereur de ne point accéder à ces requêtes et saint Hilaire fut renvoyé dans les Gaules et à son diocèse (360).

Sur le chemin, saint Hilaire aborda l'île de Gallinaria (aujourd'hui connue sous le nom d'Isoletta d'Albenga, qui n'était alors pas habitable par les hommes car elle était infestée de serpents venimeux. Lesquels serpents se retirèrent et disparurent dès que notre saint eût mis le pied sur l'île.


Saint Hilaire remettant les ordres mineurs à saint Martin. Marquet.
Cathédrale Saint-Gatien de Tours. XVIIe.

C'est de cette île que saint Martin, qui était déjà son disciple, l'alla chercher à Rome, sur la nouvelle qu'il était renvoyé dans les Gaules. Saint Martin manqua son maître mais le rejoignit bientôt sur la route et termina le voyage jusqu'à Poitiers avec saint Hilaire.

Saint Martin avait quitter le service militaire en 356, et c'est pour ne plus quitter saint Hilaire qu'il fonda le deuxième monastère des Gaules à Ligugé où il y passa 15 ans.

De son diocèse, saint Hilaire poursuivit son combat. Il restaura la vraie foi et remit de l'ordre dans des églises qui avaient beaucoup souffert des persécutions des Ariens. Il fut appelé bientôt " Sauveur et Père de la Patrie ".
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Clovis, quelque 150 ans plus tard, marchant au combat contre Alaric, roi des Goths, vit une grande lumière émaner de la basilique s'avancer vers lui et une voix lui dire de se hâter une fois qu'il aurait fait sa prière. Clovis comprit que saint Hilaire marcherait avec lui. La victoire fut acquise en trois heures et la défaite d'Alaric fut un désastre.

En 361, il rédigea un ouvrage destiné à Constance afin de l'exhorter avec vigueur à revenir sur ses errements et sur le soutien scandaleux qu'il donnait aux Ariens. La mrot de Constance cette même année ne lui permit pas de le lui adresser.

En 364, saint Hilaire passa en Italie où il retrouva entre autres saint Eusèbe de Verceil, pour continuer d'y combattre les hérétiques. une grande souffrance fut pour lui de voir Lucifer de Cagliari, qui avait été un intrépide défenseur de l'orthodoxie à ses côtés, faire un schisme avec quelques évêques. Contre le pape Damase, au motif qu'il trouvait trop légères les peines qu'encouraient les hérétiques et les voies de réintégration dans l'orthodoxie trop peu exigeantes.
 

Cathédrale Saint-Pierre de Poitiers.

Saint Hilaire trouva à Milan l'usurpateur Auxence, Arien, contre lequel il écrivit d'ailleurs, après avoir obtenu une confrontation publique avec Auxence en présence de l'empereur qui se termina par la déroute de l'Arien, mais n'obtint que peu de résultat car la profession de foi que fut obligé de signer Auxence le fut en termes aussi équivoques que subtils.

L'empereur le renvoya alors à Poitiers où saint Hilaire s'éteignit le 13 janvier 368 après avoir poursuivit sans relâche le combat contre les hérétiques et le gouvernement de son diocèse.

Saint Hilaire, dont des reliques sont toujours conservées à Poitiers, mais aussi au Puy-en-Velay, est représenté en évêque, terrassant des serpents (ceux qui figurent ausssi bien les hérésies que les antichrist).

ORAISON

L'Eglise de Poitiers, toujours fidèle à la mémoire de son héroïque Pontife, célèbre sa fête avec une religion filiale. Pour honorer avec plus d'éclat le témoignage rendu par le grand Docteur des Gaules, au mystère qui fait la base du Christianisme tout entier, elle chante en ce jour, à la Messe, la Préface de la Sainte Trinité. Nous donnerons ici quelques pièces liturgiques empruntées aux anciens livres de cette illustre Eglise. Les Répons suivants sont tirés en partie de la Légende du Saint, rédigée par saint Venance Fortunat, l'un de ses plus illustres successeurs :

R/. Le bienheureux Hilaire, distingué au-dessus de tous par l'honneur de la naissance, plus éclatant encore par la pureté de son cœur,
Brillant comme l'étoile du matin, a paru au milieu des astres,
R/. Le bienheureux Hilaire, Evêque de la ville de Poitiers, sorti de la région d'Aquitaine,
Brillant comme l'étoile du matin, a paru au milieu des astres.

R/. Oh ! Qu'il fut parfait dans l'état de laïque ! Les prêtres mêmes eussent désiré être ses imitateurs.
L'occupation de sa vie n'était autre que de craindre avec amour le Christ, que de l'aimer avec crainte,
V/. Ceux qui marchent sur ses traces, courent à la gloire ;
ceux qui s'en écartent, encourent la peine : au croyant la récompense ; à l'incrédule, les supplices. L'occupation de sa vie n'était autre que de craindre avec amour le Christ, que de l'aimer avec crainte.

R/. Le très saint Hilaire fut donc exilé dans la Phrygie, contrée d'Asie, pour l'accroissement de sa vertu ;
Car plus il s'éloignait, pour l'amour du Christ, du pays de sa naissance, plus il méritait de s'approcher du ciel.
V/. Etant arrivé au lieu de ses désirs, nous devons célébrer les faveurs qui lui furent accordées.
Car plus il s'éloignait pour l'amour du Christ, du pays de sa naissance, plus il méritait de s'approcher du ciel.

R/. De retour de son exil, le saint Pontife Hilaire rentra dans Poitiers, au milieu de la joie et des applaudissements de tout son peuple ;
Car l'Eglise recouvrait son Pontife, et le troupeau son Pasteur,
V/. La perle des Prélats, il est rentré dans son héritage ; louons le Seigneur, et que le chœur des Anges aussi se réjouisse.
Car l'Eglise recouvrait son Pontife, et le troupeau son Pasteur.

HYMNE

De nos jours, l'Eglise de Poitiers chante en l'honneur de son grand Evoque ces deux Hymnes composées par le pieux Simon Gourdan, chanoine régulier de cette même abbaye de Saint-Victor de Paris, tant illustrée par les Séquences de son immortel Adam :

" Depuis le jour où l'Eglise, mère féconde de tant d'hommes illustres, réunit les Gaulois à son immense troupeau, quel homme parmi eux a été comparable à Hilaire ? Quel docteur a vengé avec plus de courage le Fils engendré par le Père ?

Célèbre, Ô peuple fidèle, les titres de gloire qui le recommandent, la dignité de son élocution, les qualités nombreuses qui brillèrent en lui ; mais son suprême honneur, c'est la foi, par laquelle il proclame hautement le Fils de Dieu.

La mitre qui brille sur son auguste front n'a pas été teinte de son sang ; mais sa vie a été en proie à mille épreuves ; ses fatigues incessantes ont compense pour lui l'honneur du martyre.

La foi de Nicée resplendit par les efforts d'un tel vengeur ; en vain la fureur des enfers s'efforce d'en renverser le Symbole ; Hilaire lance les éclairs de sa parole semblable à un glaive d'or ; il chasse les loups dévastateurs.

Avec quel transport le fidèle troupeau reçoit, à son retour, le Pontife exilé. Après ses longs combats, que de lauriers Hilaire moissonne ! Ô Martin ! c'est alors qu'il t'enseigne à marcher d'un pas ferme dans le sentier des vertus.

Louange suprême au Père ; honneur égal au Fils que le Père engendre de son sein fécond : au Fils, égal au Principe, semblable en divinité ; louange pareille à l'Esprit divin !

Amen."

HYMNE

" Ni la fraude, ni la faveur des princes, ni leurs menaces, n'ébranlent l'athlète magnanime ; Pasteur, il est contraint par un ordre tyrannique de quitter son troupeau. Qui désormais repoussera la fureur des loups ?

Tu pars, Ô Pontife ! Mais tandis que ton grand cœur se soumet à l'exil, la Gaule est baignée dans les larmes ; et la terre de Phrygie, qui reçoit en toi un père, va se réjouir de posséder en toi le vengeur du Verbe.

Puissant Docteur, il illumine du flambeau d'une lumière nouvelle les ténèbres sous lesquelles se cachait l'erreur ; ses eaux vives nettoient les pâturages souillés d'un impur limon ; il éclaire des nations que l'infidélité rendait encore féroces.

Il confirme dans la foi des pasteurs chancelants : on voit revenir vers leurs troupeaux les gardiens timides que l'audace de l'hérésie en avait éloignés ; la voix d'Hilaire est pour eux la voix d'un père.

Sublime Pontife, qui, au plus haut des cieux, contemples de près le Soleil de justice, obtiens qu'il daigne nous éclairer, ce Verbe dont tu nous as fait connaître l'essence.

Qu'ils tremblent en présence du prince de ce monde ceux qui ne goûtent que les choses terrestres ; pour Hilaire, il dédaigne les fureurs d'un César irrité ; il n'affirme qu'avec plus de liberté la pure foi du Christ.

Louange suprême au Père ; honneur égal au Fils que le Père engendre de son sein fécond : au Fils, égal au Principe, semblable en divinitÃ

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dimanche, 14 janvier 2024 | Lien permanent

22 juin. Saint Paulin, évêque de Nole. 434.

- Saint Paulin, évêque de Nole. 434.

Pape : Sixte III. Empereur romain d'Occident : Valentinien III.

" Allez dans la Campanie, voyez Paulin, cet homme si grand par sa naissance, par son génie et par ses richesses ; voyez avec quelle générosité c serviteur de Dieu s'est dépouillé de tout pour ne posséder que Dieu ; voyez comme il a renoncé à l'orgueil du monde pour embrasser l'humilité de la croix ; voyez comment il emploie présentement à louer Dieu ces trésors de science qui sont perdus quand on ne les consacrent pas à celui qui les a donnés."
Saint Augustin. Ep. XXVI ad Livent.


Saint Paulin. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Il n'y a jamais eu personne qui ait fait plus d'efforts pour se cacher et pour se rendre inconnu dans le monde que saint Paulin ; et il n'y a jamais eu personne qui ait reçu plus de louanges, personne que les saints Pères se soient plus étudiés à relever par leurs éloges. Saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme et saint Grégoire le Grand, que l'Eglise latine reconnaît pour ses 4 principaux docteurs, ont voulu être ses panégyristes, et ils ont été suivis en cela par beaucoup d'autres Pères qui ont cru que c'était louer la vertu même que de donner des louanges à cet excellent évêque de Nole. II naquit, vers l'année 353, à Bordeaux ou à Embrau, qui n'en est éloigné que de 4 lieues. Ses parents étaient de Rome, et des plus nobles de cette ville, maîtresse du monde ; ils comptaient dans leur maison des consuls et des patrices, et plusieurs même estiment que son père était de la famille des Anicius, la plus illustre de toutes les familles de Rome. Ils avaient de si riches possessions, non-seulement dans l'Italie, mais aussi dans les Gaules et dans l'Espagne, que le poète Ausone ne fait point difficulté de les appeler des royaumes. [Ponce Paulin, père de notre Saint, était préfet du prétoire dans les Gaules, et le premier magistrat de l'empire d'Occident].

Paulin reçut une éducation conforme à sa naissance ; et, lorsqu'il fut en âge d'étudier, il eut pour précepteur le même Ausone, qui passait pour le premier orateur et le plus excellent poète de son temps. Le disciple ne fut pas longtemps sans égaler et même sans surpasser son maître ; il devint si éloquent, que saint Jérôme, ayant lu une apologie qu'il avait faite pour la défense de l'empereur Théodose contre les calomnies des païens, la loua comme un des ouvrages les plus éloquents de cette époque, et dit que Théodose était heureux d'avoir pour défenseur un tel panégyriste. Il ajoute que Paulin est un écrivain accompli et que l'Eglise acquerrait un grand trésor s'il voulait s'appliquer à composer sur l'Ecriture sainte et sur les mystères de notre religion. Ausone même avoue qu'il était devenu meilleur poète que lui, et qu'il avait remporté en ce genre d'écriture un prix d'honneur que lui-même n'avait pas remporté.

Ces excellentes qualités, jointes aux biens immenses dont il se vit bientôt l'héritier, le rendirent célèbre par tout le monde. On dit qu'il fut quelque temps à la cour de l'empereur Valentinien l'ainé, et plaida aussi, étant jeune, plusieurs causes au barreau. Dieu lui donna une femme digne de lui et dont la noblesse et les grandes richesses étaient relevées par une vertu au-dessus du commun.


Bréviaire franciscain. XVe.

C'est la célèbre Thérasie, espagnole, qui contribua si heureusement à lui faire quitter le monde, et qui fut la compagne inséparable de sa vie pauvre et retirée, comme nous le dirons dans la suite. L'empereur trouva tant de jugement et de solidité dans son esprit, qu'il le fit consul à un âge où à peine les autres commencent à être employés aux affaires publiques, et lui donna ensuite le gouvernement de Rome, sous le nom de préfet. Lorsqu'il se fut très-dignement acquitté de ces grandes charges, les diverses négociations dont on le chargea et ses affaires domestiques l'obligèrent pendant 15 ans à divers voyages, tant dans les Gaules qu'en Italie et en Espagne.

Dans ces voyages, il alla quelquefois à Milan, où il eut le bonheur de fréquenter saint Ambroise, qui conçut pour lui une affection toute singulière, comme il le témoigne dans son épître 45. il y fut aussi connu de saint Augustin et d'Alipius, auxquels il a depuis écrit plusieurs lettres. Il eut un fils à Alcala de Hénarès, qui est une ville de l'Espagne Tarragonaise ; mais il ne le posséda que 8 jours, et, quoiqu'il eût souhaité fort longtemps cette bénédiction de son mariage, il en fut privé presque aussitôt qu'il l'eut reçue, afin que rien ne l'empèchât de renoncer entièrement au monde.

Ce qui commença à l'en dégager, ce fut un pèlerinage au tombeau de saint Félix, prêtre de Nole et martyr. Les grands miracles qui se firent devant ses yeux lui donnèrent tant d'affection pour ce glorieux martyr de Jésus-Christ, qu'il résolut dès lors, quoiqu'il n'eùt que 27 ans, de se retirer dans les terres qu'il avait auprès de cette ville, pour y passer le reste de sa vie en hommè privé. Il fut néanmoins encore plus de 15 ans sans exécuter ce dessein.

Les entretiens qu'il eut avec saint Ambroise et les sages conseils de Thérasie, son épouse, aidèrent aussi beaucoup à lui faire connaître la vanité des grandeurs du siècle ; mais celui qui acheva sa conversion fut saint Delphin, évêque de Bordeaux. II reçut de lui le baptême à l'âge de 38 ans, comme il paraît par une épître qu'il écrivit peu de temps après à saint Augustin, touchant ses 5 livres contre les Manichéens.

Ensuite il se retira, pour la seconde fois, en Espagne, et s'arrêta à Barcelone, où il commença à faire profession de la vie solitaire ; mais comme sa conduite donnait de l'admiration à tout le peuple, et que sa chasteté, sa modestie, son insigne charité et son oraison continuelle le faisaient juger digne des emplois ecclésiastiques, un jour de la Nativité de Notre-Seigneur, les clercs et les laïques demandèrent instamment à l'évêque Lampius qu'il l'ordonnât prêtre. Saint Paulin s'y opposa de toutes ses forces, non pas, comme il le dit lui-même en l'épître VIe, qu'il dédaignât d'être le ministre de Jésus-Christ dans cette église peu considérable, mais parce qu'il regardait le sacerdoce comme une dignité au-dessus de ses mérites, et que, d'ailleurs, il avait résolu de vivre dans la retraite auprès de Nole, dans la Campanie. Il se rendit néanmoins enfin à leur volonté, mais à condition qu'il ne serait nullement lié à l'église de Barcelone, et qu'il aurait une entière liberté de s'en aller quand il le voudrait.


Saint Paulin échangé contre un esclave. Vie de saints. R. de Monbaston. XIVe.

En effet, après avoir séjourné 4 ans en Espagne, le désir de la vie parfaite embrasant son coeur de plus en plus, il vendit les biens qu'il avait en ce pays, et en distribua le prix aux pauvres; il repassa ensuite dans les Gaules, pour y faire la même chose. Il donna la liberté à ses esclaves, il ouvrit ses greniers, qui étaient remplis de grains, aux nécessiteux, et employa l'argent qu'il tira de la vente de ses terres et de ses maisons à racheter les captifs, à délivrer les prisonniers, à relever une infinité de familles que divers accidents avaient ruinées, à payer les dettes de ceux qui étaient persécutés par leurs créanciers, à fournir de quoi à un grand nombre de veuves et d'orphelins, à marier de pauvres filles que la nécessité aurait pu engager dans le désordre, à pourvoir aux secours des malades, et, pour tout dire en un mot, à enrichir les pauvres en s'appauvrissant lui-même.

Se voyant ainsi déchargé du poids, difficile à porter, des richesses, il se rendit à Milan, où saint Ambroise le reçut avec une joie et une tendresse merveilleuses et le pria même de trouver bon qu'il le mit au nombre des prêtres de son église ; notre Saint ne put le lui refuser, quoiqu'il se conservât toujours la liberté d'aller où Dieu l'appellerait. On a cru, avec beaucoup de raison, que ce grand docteur, qui était déjà fort âgé, jetait les yeux sur lui pour lui succéder après sa mort ; mais comme elle arriva dans un temps où saint Paulin était fort éloigné de Milan, le vieillard saint Simplicien fut mis en sa place.

Après que notre Saint eut fait quelque séjour dans cette ville, capitale de la Ligurie, il passa à Rome, capitale de l'empire. Le peuple, qui l'avait vu autrefois dans ses dignités éminentes de consul et de préfet, et qui connaissait ses rares qualités et l'excellence de sa vertu, l'y reçut avec un honneur extraordinaire. Il fut visité, principalement dans une maladie, par tout ce qu'il y avait de magistrats et de grands seigneurs en cette ville.

Ceux des villes voisines qui ne purent pas lui rendre ce devoir par eux-mêmes lui envoyèrent des députés pour lui témoigner la joie qu'ils avaient de son retour, et la part qu'ils prenaient à son incommodité. Il y eut même peu d'évêques des environs qui ne le vinssent voir ou qui ne lui écrivissent, pour le congratuler de ce qu'il avait quitté les espérances du monde pour embrasser l'état ecclésiastique.

Ces témoignages d'estime et de respect donnèrent de la jalousie aux principaux du clergé de Rome, et, au lieu d'être les premiers à lui faire honneur, ils n'eurent pour lui que de la froideur et de l'indifférence, et lui suscitèrent même quelque persécution. Le souverain Pontife ne lui témoigna pas non plus beaucoup d'amitié ; et il se plaint lui-même, en sa première épître à Sévère, de la réception un peu froide qu'il lui fit. Mais comme c'était le pape Sirice, qui a mérité, par sa piété et par les grands services qu'il a rendus à l'Eglise, d'être mis au nombre des Saints, il faut croire, avec le cardinal Baronius, que ce qui l'aigrit contre saint Paulin, ne fut autre chose qu'un zèle un peu trop ardent pour l'observance de la discipline ecclésiastique, qu'il crut avoir été violée dans l'ordination de ce saint prêtre car il avait été promu au sacerdoce aussitôt après son baptême et sans avoir passé par les degrés inférieurs, ou sans y être demeuré un temps suffisant, avant de monter plus haut. Néanmoins, Paulin n'était point coupable, puisque, s'il avait souffert cette ordination, ce n'était que par force et contre sa volonté ; et, d'ailleurs, cette manière de conférer les ordres sans garder les interstices, ni même les degrés ecclésiastiques, était en ce temps-là, autorisée par beaucoup d'exemples.

Quoi qu'il en soit, ce grand personnage se voyant devenu une occasion de plainte et de murmure, sortit promptement de Rome et se rendit, selon le dessein qu'il avait conçu 15 ans auparavant, à une maison qui lui appartenait auprès de Nole. Thérasia, son épouse, l'y suivit aussi ; mais ils logèrent séparément : et, ayant pris l'un et l'autre un habit de pénitence semblable à celui des solitaires, ils se mirent à pratiquer chacun de son côté toutes les pratiques de la vie religieuse. Un changement si admirable fit aussitôt grand bruit dans le monde ; les païens, encore nombreux dans le sénat et dans les premières magistratures de l'empire, en parlèrent avec beaucoup d'indignation, et comme d'une action extravagante.

Il y eut même des personnes considérables parmi les fidèles qui ne le purent goûter; elles disaient ouvertement que Paulin, étant capable de rendre de si grands services à l'Etat, commettait une injustice en lui dérobant ses soins, ses conseils et sa personne, pour mener une vie oisive dans un lieu champêtre et éloigné de la compagnie des autres hommes. Ausone, son ancien précepteur, fut surtout de ce nombre ; et il en écrivit souvent à ce cher disciple, dès le temps même qu'il quitta l'Aquitaine pour se retirer à Barcelone. Mais la grâce du Saint-Esprit, qui voulait donner aux grands du monde, en la personne de Paulin, un excellent modèle du mépris de toutes les choses de la terre, le fortifia contre ces plaintes et lui fit connaître, par expérience, que ce qu'il avait quitté était beaucoup moindre que ce qu'il gagnait en suivant Jésus-Christ ; elle lui mit dans la bouche des réponses si saintes et si évangéliques, qu'elles servent encore aujourd'hui de justification à tous ceux qui, imitant son exemple, renoncent aux plus grands emplois et aux fortunes les plus avantageuses pour suivre l'étendard de la Croix, et pour se faire humbles disciples d'un Dieu pauvre et souffrant pour l'amour des hommes.

Aussi, tandis que Paulin était blâmé par les gens du siècle, il était, au contraire, loué par tout ce qu'il y avait alors de docteurs et de saints personnages sur la terre. Saint Martin, qui vivait encore, et qui l'avait autrefois guéri par attouchement, d'une grande incommodité à l'oeil, le proposait à ses disciples comme un exemple achevé de la perfection évangélique, et leur disait souvent qu'il était presque le seul dans le monde qui eût accompli les préceptes de l'Evangile ; que c'était lui qu'il fallait suivre, que c'était lui qu'il fallait imiter, et que la plus grand bonheur de son siècle était d'avoir porté un homme si rare et si admirable. C'est ce que rapporte Sulpice Sévère, en la vie de ce saint évêque de Tours.


Saint Paulin de Nôle. Père Pierre Lacour. XIXe.

Saint Ambroise n'en parlait aussi que comme d'un prodige ; et, dans l'épître à Saban, il ne peut assez relever sa générosité d'avoir quitté ce que le monde a de plus éclatant pour embrasser l'abjection et la pauvreté de la vie religieuse. Saint Jérôme lui écrivit de Bethléem et le dissuada du voyage de Jérusalem, où notre Saint avait dessein de se retirer pour une plus grande perfection, lui représentant que son désert de la Campanie était beaucoup plus tranquille et plus propre aux exercices de la vie monastique, que cette ville, qui était alors pleine de trouble et de confusion.

Il lui prescrivit en même temps quelques règles de la vie solitaire qu'il avait embrassée, et lui témoigna qu'il ne pouvait assez louer sa résolution, d'autant plus recommandable, que ce qu'il avait abandonné pour Dieu avait plus de charmes pour l'arrèter dans le siècle. Dans une autre épître, adressée à Julien, il l'appelle un prêtre d'une foi très-fervente, et dit que, s'il avait quitté des richesses temporelles, il en était devenu plus riche par l'heureuse possession de Jésus-Christ, et que, s'il avait renoncé aux premiers honneurs de l'empire, la vie humble et abjecte à laquelle il s'était consacré l'avait rendu incomparablement plus glorieux qu'il n'était auparavant, puisque ce que l'on perd pour Jésus-Christ ne se perd point, mais se change en quelque chose de meilleur et de plus utile. Saint Augustin et saint Alipius liérent aussi une étroite amitié avec notre Saint, et se firent gloire d'avoir un fréquent commerce de lettres avec lui.

Le premier, lui adressant un jour un de ses disciples, lui mande qu'il l'envoie à son école, parce qu'il est sûr qu'il profitera beaucoup plus par son exemple, qu'il ne pouvait profiter de toutes les remontrances et de toutes les exhortations qu'il lui faisait ; et, écrivant à Décentius, il lui conseilla d'aller voir Paulin, parce qu'il trouverait en sa personne la modestie d'un véritable disciple de Jésus-Christ. Il y eut même une illustre compagnie d'évêques d'Afrique, qui, remplis d'une haute idée de sa sainteté, lui envoyèrent des députés avec une lettre, pour lui témoigner l'estime et la vénération qu'ils avaient pour son mérite. Le pape saint Anastase, qui succéda à Sirice, conçut aussi les mêmes sentiments pour lui ; car, à peine fut-il élevé au souverain pontificat, qu'il écrivit en sa faveur à tous les évêques de Campanie, leur témoignant l'amour qu'il avait pour ce saint prêtre. Et, une fois que notre Saint vint à Rome, pour assister à la solennité de la fête de saint Pierre, il l'y reçut avec de grandes démonstrations de bienveillance et d'honneur ; depuis, il l'invita à l'anniversaire de son couronnement : invitation que les papes ne faisaient ordinairement qu'aux évêques.

Enfin, saint Paulin était si célèbre par toute l'Europe, qu'on le proposait continuellement pour exemple à ceux qu'on voulait détromper de l'estime des biens de la terre et attirer au service de Jésus-Christ, comme fit saint Eucher dans son épître à Valérien. Ainsi, sa conduite fut d'une grande utilité pour toute l'Eglise, et elle servit non-seulement à la conversion d'une infinité de pécheurs, mais aussi à mettre en honneur la vie monastique et à la faire embrasser, par un grand nombre de personnes de toutes sortes de conditions.


Saint Paulin de Nole exorcisant un possédé. Bréviaire romain. XVe.

Au reste, c'est une chose merveilleuse que la modestie et l'humilité avec lesquelles il recevait toutes ces louanges. Il ne manquait jamais, dans ses réponses, d'en témoigner son mécontentement, parce qu'il ne voyait rien en lui que de méprisable, et qu'il ne souhaitait aussi que du mépris. Sulpice Sévère l'ayant prié de lui envoyer son portrait, il ne fit point difficulté de traiter cette demande de folie, et lui répondit qu'il ne pouvait pas la lui accorder, parce qu' il ne portait plus l'image de Dieu dans sa pureté, l'ayant, disait-il, souillée par la corruption de l'homme terrestre.

Cependant, ayant appris que, malgré ce refus, ce fidèle ami l'avait fait peindre dans un baptistère, à l'opposite de saint Martin, il lui en exprima sa douleur, et tourna cette action à son propre désavantage, disant que cela s'était fait par une conduite particulière de la divine Providence, afin que les nouveaux baptisés eussent devant les yeux, en sortant des fonts baptismaux, d'un côté celui qu'ils devaient imiter en la personne de saint Martin, et de l'autre, celui dont ils devaient

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jeudi, 22 juin 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

3 août. Invention de saint Étienne, premier martyr. 415.

- Invention de saint Étienne, premier martyr, et des saints Nicomède, Gamaliel, et Abibas (ou Abibon). 415.
 
Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Orient : Flavius Honorius.
 
" La manière dont le Seigneur a glorifié le corps de son martyr, nous rappelle le respect que nous devons à notre corps."
L'abbé C. Martin. Panégyr.
 

Saint Étienne. Giotto di Bondone. XIVe.

Sollicité par l'approche du triomphe de Laurent, Etienne se lève pour assister à ses combats ; rencontre toute de grâce et de force, où l'éternelle Sagesse se révèle dans la disposition du Cycle sacré (Sap. VIII, 1.). Mais la fête présente nous réserve aussi d'autres enseignements.


Saint Étienne prêchant puis devant le Grand Prêtre.
Mariotto di Nardo. XVe.

La première résurrection (Apoc. XX.) se poursuit pour les Saints. A la suite de Nazaire et de Celse, après tous les Martyrs que la victoire du Christ a montrés selon la divine promesse participants de sa gloire (Johan. XVII, 22, 24.), le porte-enseigne de la blanche armée sort lui-même glorieux du tombeau pour la conduire à de nouveaux triomphes. Les farouches auxiliaires de la colère du Tout-Puissant contre Rome idolâtre, après avoir réduit en poudre les faux dieux, doivent être domptés à leur tour ; et cette seconde victoire sera l'œuvre des Martyrs assistant l'Eglise de leurs miracles, comme la première fut celle de leur foi méprisant la mort et les tourments (I Johan. V, 4.). La manière reçue en nos jours d'écrire l'histoire ignore cet ordre de considérations ; ce ne peut être une raison pour nous de sacrifier à l'idole : l'exactitude dont se targue en ses données la science de ce siècle, n'est qu'une preuve de plus que le faux s'alimente d'omissions souvent mieux que d'affirmations directement contraires au vrai.


Invention de saint Étienne.
De cluniacensis coenobio. Cluny. Bourgogne. XIIIe.

Or, autant le silence est profond aujourd'hui sur ce point, autant pourtant il est assuré que les années qui virent les Barbares s'implanter dans l'empire, et bientôt le renverser, furent signalées par une effusion delà vertu d'en haut comparable de plus d'un côté à celle qui avait marqué le temps de la prédication des Apôtres. Il ne fallait rien moins, d'une part pour rassurer les croyants, de l'autre pour imposer le respect de l’Église à la brutalité de ces envahisseurs qui ne connaissaient que le droit de la force, et n'éprouvaient que mépris pour la race qu'ils avaient vaincue.


Lapidation puis funérailles de saint Étienne. Mariotto di Nardo. XVe.

L'intention providentielle qui multiplia autour du grand fait de la chute de Rome, en 410, les découvertes des corps saints, se manifeste pleinement dans la plus importante, objet de la fête de ce jour. L'année 415 avait sonné déjà. L'Italie, les Gaules, l'Espagne, dont l'Afrique allait bientôt partager le désastre, étaient en pleine invasion. Dans l'universelle ruine, les chrétiens, qui seuls gardaient avec eux l'espérance du monde, s'adressaient à tous les sanctuaires pour obtenir qu'au moins, selon l'expression du prêtre espagnol Avitus, " le Seigneur donnât mansuétude à ceux qu'il laissait prévaloir " (Aviti Epist. ad Palchon., De reliquiis S. Stephani.).


Le corps de saint Étienne gardé par des animaux Fleur des histoires.
Jean Mansel. XVe.

C'est alors qu'eut lieu la révélation merveilleuse où la sévère critique de Tillemont, convaincue par le témoignage de toutes les chroniques et histoires, lettres et discours du temps (Idath, Marcellini, Sozomenis, Augustini, etc.), reconnaît " l'un des plus célèbres événements du Ve siècle " (Mem. eccl. II, p. 12.). L'évêque Jean de Jérusalem recevait, par l'intermédiaire du prêtre Lucien, un message d'Etienne premier martyr et de ses compagnons de sépulture, ainsi conçu :
" Ouvre en hâte notre tombe, pour que par nous Dieu ouvre au monde la porte de sa clémence, et qu'il prenne son peuple en pitié dans la tribulation qui est partout."

 
Les anges apaisant l'océan alors que sainte Julie transporte le corps
de saint Étienne de Jérusalem à Contantinople après son invention.
Inhumation de saint Étienne à coté de saint Laurent à Rome.
Mariotto di Nardo. XVe.

Et la découverte, accomplie au milieu de prodiges, était notifiée au monde entier comme le signe de salut (Luciani Epist. ad omnem Ecclesiam,De revelatione S. Stephani.) ; et la poussière du corps d'Etienne, répandue en tous lieux comme un gage de sécurité et de paix (Aviti Epist.), produisait d'étonnantes conversions (Severi Epist. ad omnem Eccl., Devirtutibus S. Steph.), d'innombrables miracles en tout semblables " à ceux des temps anciens " (Aug. De civit. Dei, XXII, 8.), rendant témoignage à cette même foi du Christ que le protomartyr avait quatre siècles plus tôt confessée dans la mort (Ibid. 8, 9.).


Saint Étienne disputant avec les Juifs. Lapidation de saint Etienne.
Bréviaire de Martin d'Aragon. XIVe.

Tel était le caractère de cette manifestation extraordinaire, où les résurrections elles-mêmes se produisaient en nombre stupéfiant, que saint Augustin, parlant à son peuple, estimait prudent d'élever sa pensée d’Étienne simple serviteur au Christ seul Maître (Sermo 319, al. De diversis 51.).
" Mort, il rend les morts vivants, disait-il, parce qu'en effet il n'est pas vraiment mort (Ibid.). Mais, comme autrefois durant sa vie mortelle, c'est uniquement par le nom du Christ qu'il agit maintenant : tout ce que vous voyez se faire ainsi par la mémoire d’Étienne se fait en ce seul nom, pour que le Christ soit exalté, pour que le Christ soit adoré, pour que le Christ soit attendu comme juge des vivants et des morts." (Sermo 316, al. de diversis 94.).


Invention de saint Etienne. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Terminons par cette louange qu'adressait, quelques années plus tard, à Etienne Basile de Séleucie, et qui résume si bien la raison de la fête :
" Il n'est pas de lieu, de territoire, de nation, de lointaine frontière, qui n'ait obtenu le secours de vos bienfaits. Il n'est personne, étranger, citoyen, Barbare ou Scythe, qui n'éprouve par votre intercession le sentiment des réalités supérieures." (Basil. Selbuc. Oratio 41, de S. Stephano.).


Martyre de saint Etienne. Sacramentaire de Drogon. France. IXe.

Voici la Légende, qui abrège et complète le récit du prêtre Lucien.

Au temps de l'empereur Honorius , on trouva près de Jérusalem les corps des saints Étienne premier martyr, Gamaliel, Nicodème et Abibas. Longtemps oubliés dans un lieu obscur et négligé, ils furent révélés divinement au prêtre Lucien. Gamaliel lui apparut pendant qu'il dormait, en la forme d'un vieillard vénérable et majestueux, lui montra le lieu où gisaient les corps, et lui ordonna d'aller trouver Jean, évêque de Jérusalem, pour obtenir qu'on leur donnât une sépulture plus convenable.

L'évêque de Jérusalem convoque à cette nouvelle les évêques et les prêtres des villes voisines, et se rend au lieu désigné. On creuse ; on découvre les tombeaux, d'où s'exhale une très suave odeur. Au bruit de l'événement une grande foule s'était rassemblée, parmi laquelle beaucoup d'infirmes et de malades en diverses manières furent guéris et retournèrent chez eux bien portants. On transporta en grande pompe le très saint corps d’Étienne dans la sainte église de Sion, puis sous Théodose le Jeune à Constantinople, enfin, sous le Souverain Pontife Pelage Ier, à Rome, à l’Agro Verano, où il fut placé dans le tombeau de saint Laurent Martyr.


Invention du corps de saint Étienne et de saint Gamaliel.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

PRIERE

" Quel complément précieux du récit des saints Livres nous fournit cette histoire de votre Invention, Ô Protomartyr ! Nous savons maintenant quels étaient " ces hommes craignant Dieu qui ensevelirent Etienne, et firent ses funérailles avec un grand deuil " (Act. VIII, 2.). Gamaliel, le maître du Docteur des nations, avait été, comme son disciple et avant lui, la conquête du Seigneur; inspiré par Jésus à qui en mourant vous remettiez votre âme (Ibid. VII, 58.), il honora dans le trépas l'humble athlète du Christ des mêmes soins que Joseph d'Arimathie, le noble décurion, avait prodigués à l'Homme-Dieu, et fit placer votre corps dans le tombeau neuf qu'il s'était aussi préparé pour lui-même. Bientôt le compagnon du pieux labeur de Joseph au grand Vendredi, Nicodème, poursuivi par les Juifs dans cette persécution où vous parcourûtes le premier l'arène, trouvait asile près de vos restes vénérés, en attendant d'y goûter le repos de la mort des saints. Le grand nom de Gamaliel en imposait aux fureurs de la synagogue (Act. V, 34-39.) ; tandis qu'Anne et Caïphe maintenaient par la faveur précaire de Rome le pouvoir sacerdotal aux mains de leurs proches, le petit-fils d'Hillel gardait pour les siens la primauté de la science et voyait sa descendance aînée rester, quatre siècles durant, dépositaire de la seule autorité morale qu'Israël dispersé reconnût encore.


Martyre de saint Étienne. Livre d'images de Madame Marie.
Hainaut. XIIIe.

Mais pourtant plus heureux fut-il d'avoir, en écoutant les Apôtres et vous-même, Ô Étienne, passé de la science des ombres à la lumière des réalités, de la Loi à l’Évangile, de Moïse à celui que Moïse annonçait (Ibid. VII, 37.) ; plus heureux que son aîné fut le fils de sa tendresse, Abibas, baptisé avec lui dans sa vingtième année, et qui, passant à Dieu, remplit la tombe qui le reçut près de la vôtre de la très suave odeur d'une pureté digne des cieux : combien touchante n'apparut pas la dernière volonté de l'illustre père, lorsque, son heure venue, il donna ordre qu'on rouvrît pour lui le tombeau d'Abibas et qu'on ne vît plus dans le père et l'enfant que deux frères jumeaux engendrés ensemble à la seule vraie lumière (Luciani Epist.) !

La munificence du Seigneur Christ vous avait dignement, Ô Étienne, entouré dans la mort. Nous rendons grâces au noble personnage qui vous donna l'hospitalité du dernier repos ; nous le remercions d'avoir lui-même, au temps voulu, rompu le silence gardé alors à son sujet par la délicate réserve des Écritures. C'est bien littéralement qu'ici encore nous constatons l'efficacité de la volonté par laquelle l'Homme-Dieu entend partager avec les siens tout honneur (Johan. XVII, 24.). Votre sépulcre lui aussi fut glorieux (Isai. XI, 10.) ; et quand il s'ouvrit, comme pour celui du Fils de l'homme, la terre aussi trembla, les assistants crurent que le ciel était descendu, le monde délivré d'une sécheresse désolante et de mille maux se reprit à espérer parmi les ruines. Aujourd'hui que notre Occident vous possède, que Gamaliel cède à Laurent ses droits d'hospitalité, levez-vous encore, Ô Étienne ; et, de concert avec le grand diacre romain, délivrez-nous des Barbares nouveaux, en faisant qu'ils se convertissent ou disparaissent de la terre donnée par Dieu à son Christ (Psalm. Il, 8.)."

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jeudi, 03 août 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)

18 décembre. Saint Gatien, premier évêque de Tours. Ier siècle.

- Saint Gatien, premier évêque de Tours. Ier siècle.

Pape : Saint Clément. Empereur romain : Domitien.

" Huc ades monstris scelerum fugandis,
Praesul o nostro miseratus oras ;
Qui prior Christo nova templa condis
Et struis aras."

" Heureuse terre de Tours !
Gatien s'est laissé toucher par tes malheurs ;
Ses pieds ont foulés ton sol, et l'erreur s'est abîmée dans l'ombre,
Tandis que le Dieu de vérité s'est vu bâtir des temples et dresser des autels."
Propre de Tours.


Saint Gatien guérissant un malade. Eglise Saint-Léonard.
Saint-Léonard. Pas-de-Calais. XIXe.

Saint Gatien, disciple des Apôtres et premier évêque de Tours, fut envoyé dans cette ville dans le même temps que saint Trophime à Arles, saint Martial à Limoges, saint Saturnin (Sernin) à Toulouse, saint Paul à Narbonne, saint Austremoine en Auvergne et saint Denis à Paris. Le monde était encore plongé dans les ténèbres de l'idolâtrie, car il y avait peu de temps que Notre Seigneur Jésus-Christ était monté au ciel.

Saint Gatien trouva les habitants de sa ville adonnés à toutes sortes de superstitions : aux divinités de la patrie ils avaient ajouté les dieux de la puissante Rome, dont ils subissaient l'empire. Il n'eut pas plutôt reconnu la profondeur des ténèbres où ces pauvres idolâtres se trouvaient plongés, qu'il chercha les moyens efficaces de les en retirer.


Saint Gatien. Etymologiae. Tours. XIIe.

Il commença par des leçons évangéliques très familières dans lesquelles il leur fit clairement comprendre la vanité des idoles, l'impossibilité de la pluralité des dieux, la fausseté du culte superstitieux qu'ils rendaient aux diviniés qu'on les obligeaient d'adorer ; et, après avoir ainsi dissipé les erreurs du paganisme, détruit toutes les vaines cérémonies du pays et anéanti dans les esprits toutes les fausses idées qu'ils avaient conçues touchant les dieux de l'empire, il leur présenta les lumières de la foi évangélique, leur anonça le vrai Dieu, et leur en prouva l'unité et la vérité.

Il les fit ensuite descendre dans la connaissance des trois personnes de la Trinité ; il leur fit comprendre la nécessité du mystère de l'Incarnation et la venue de Jésus-Christ sur la terre ; il leur parla du second avènement du Sauveur comme juge, qui viendrait un jour récompenser le mérite de ceux qui auraient bien fait pendant leur vie, et condamner à des peines éternelles ceux qui auraient mal fait.

Il les accoutumait aussi en même temps au culte du vrai Dieu, substituant sagement des pratiques et exercices évangéliques aux cérémonies superstitieuses auxquelles ils étaient attachés.


Saint Gatien. Missel à l'usage de Tours. XVe.

Il serait difficile d'expliquer ici en combien de manières les plus opiniâtres du pays s'opposèrent aux desseins de notre zélé missionnaire, soit en interrompant ses instructions, soit en le dénonçant aux magistrats, ou en le maltraitant et en le menaçant de le faire mourir ; aussi ce prudent Apôtre, suivant le conseil de Notre Seigneur Jésus-Christ, allait-il se cacher dans une grotte creusée de ses propres mains dans les rochers qui bordent la rive septentrionale de la Loire et où s'éleva plus tard l'illustre abbaye de Marmoutier.

Entouré de broussailles et de ronces, ce lieu était difficile d'accès, et l'Apôtre put facilement s'y soustraire à la haine des païens et y réunir ses premiers et rares néophytes. Aujourd'hui encore, le pélerin peut visiter cette grotte qui fut le berceau du Christianisme en Touraine.

Saint Gatien avait dédié un petit oratoire à la Vierge Marie ; l'histoire de sa vie nous assure même que, dans les temps des retraites qu'il était contraint de faire dans les cavernes et les forêts éloignées, il ne laissait pas d'être suivi d'un grand nombre de ses disciples et de retourner même et de retourner en certains jours dans les villes et dans les bourgades soutenir la foi des nouveaux Chrétiens, leur répéter les vérités qu'il leur avait annoncées et les confirmer dans leur croyance.


Saint Gatien. Heures à l'usage de Rome. Tours. XVIe.

A la puissance de la parole divine, Gatien ajoutait celle des miracles, et ce furent principalement les opérations extraordinaires qu'il faisait qui étonnaient et arrêtaient ceux qui contribuaient le plus à la persécution qu'on exercait contre les nouveaux fidèles. En effet, il n'y avait point de maladie à laquelle il n'apportât quelque guérison, ni de démon dont il ne se rendît maître et qu'il ne chassât par les exorcisme ; le seul signe de la croix était le moyen le plus ordinaire et le plus puissant dont il se servait en ces occasions ; ce domaine souverain, que saint Gatien exerçait avec tant de facilité sur les puissances de l'enfer, contraignait les plus incrédules à confesser que la religion de celui qui avait une si grande autorité était la véritable qu'il fallait suivre.

Ce fut donc alors que la persécution se ralentit, que les conversions furent plus fréquentes, que le culte des idoles fut négligé, que les cérémonies païennes furent méprisées et les autels abandonnés ou démolis.

L'estime et l'autorité que le saint prélat s'était acquises prévalurent enfin tellement dans l'esprit du plus grand nombre des hommes, que l'on eut la liberté d'ériger des autels chrétiens et de petits oratoires où ceux qui avaient embrassé la foi pouvaient se réunir.

On construisit dans les bourgades alentour, comme dans la ville de Tours, des lieux convenables qu'on appelait de petites églises, pour s'exercer dans les fonctions de la vraie religion : on en compte jusqu'au nombre de huit.

Il faut ajouter que saint Gatien, à la vigilance duquel rien n'échappait, eut la prévoyance de faire construire un cimetière hors de la ville, dans lequel on avait soin de faire enterrer ceux des fidèles qui étaient décédés, d'autant plus que les édits des empereurs défendaient alors aux Chrétiens de donner la sépulture à leurs morts dans l'enceinte de la ville.


Saint Martin, par révélation, inventa le corps de saint Gatien.
Chapelle Saint-Michel. Robert Malnoury. Couvent des Ursulines
Notre-Dame-de-l'Assomption. Tours. XVIIe.

Enfin, notre saint prélat ayant rempli glorieusement tous les devoirs de sa mission, étant dans un âge fort avancé, accablé du poids des travaux évangéliques, ayant pourvu à toutes les nécessités pressantes des églises qu'il avait établies, et n'ayant plus que le désir pour le ciel, il sentit avec bonheur approcher le moment du repos et l'heure de la récompense.

Un jour que le saint Apôtre était étendu sur sa couche ; un sommeil léger venait de s'emparer de lui, lorsque Notre Seigneur Jésus-Christ lui apparaissant, l'éveilla et lui présenta lui-même son corps, comme un viatique, pour le fortifier à cet instant suprême où il allait quitter la vie. La maladie suivit de près cette divine visite, et elle fit de si rapides progrès que sept jours après, le quinzième des calendes de janvier, saint Gatien rejoignit le Ciel.


Cathédrale Saint-Gatien de Tours.

On représente saint Gatien :
1. célébrant la messe dans une grotte ;
2. assemblant des fidèles dans un souterrain à cause de la persécution ;
3. en groupe avec les premiers apôtres des Gaules.

Saint Gatien est spécialement invoqué pour retrouver promptement les choses perdues ou dérobées.

Rq : On trouvera des éléments sur la vie de saint Gatien dans divers ouvrages de Mgr Jean-Joseph Gaume dont L'Evangélisation du Globe (voir sur le site de la bibliothèque Saint-Libère : http://www.liberius.net/livres/L_evangelisation_apostoliq...).

Aux diocèses de Nantes et de Laval, saint Gatien est fêté le 19e jour de décembre.

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lundi, 18 décembre 2023 | Lien permanent

9 décembre. Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.

- Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.

Pape : Saint Martin Ier. Roi de Domnonée : Saint Judicaël.

" Le Souverain Pasteur, Notre Seigneur Jésus-Christ, s'est sacrifié pour nous ; et nous devons, à Son exemple, nous sacrifier pour ses membres."
Saint Budoc conseillant à saint Magloire de ne point abandonner sa charge d'évêque de Dol.
 

Saint Budoc. Gourin. Bretagne.

Judual, prince de Bretagne, qui dut à saint Samson de recouvrer l'héritage de ses pères, et qui régna ensuite dans ce pays sous le nom d'Alain Ier, eut de son mariage avec Azénor, fille du comte de Léon, six fils, dont le quatrième se nommait Budoc (ou Deroch, ou encore Beuzec).

Celui-ci fut confié dès son enfance au saint évêque de Dol, afin qu'il l'élevât dans osn monastère et qu'il prît soin de son éducation. Sous cet excellent maître, Budoc fit des progrès remarquables dans la science et dans la piété. S'étant décidé à renoncer au monde et à se consacré à Dieu, il fut admis dans le clergé et devint par la suite abbé du monastère de Dol.
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Saint Budoc. Reproduction de la statue de saint Budoc du
cimetière de Trégarvan. Gourin. Diocèse de Cornouailles. Bretagne.

Son mérite n'échappa pas à saint Magloire, qui, voulant se décharger du fardeau de l'épiscopat, le désigna pour son successeur et le sacra évêque. On vit bientôt le disciple animé du même esprit que les saints maîtres qui l'avaient dirigé dans les voies de la perfection, et l'on reconnu qu'il possédait toutes les vertus d'un véritable pasteur.

La réponse pleine de prudence et de piété qu'il fit à saint Magloire (cf. supra), lorsque ce vénérable vieillard lui communiqua le dessein qu'il avait conçu de s'éloigner de ce pays de Dol pour jouir plus librement des douceurs de la solitude, est une preuve éclatante de sa sagesse, et montre non seulement son zèle pour son troupeau, que son saint prédécesseur édifiait par sa vie et ses discours, mais aussi son éloignement pour ces sentiments de jalousie, qui surprennent quelquefois les personnes vertueuses occupées de la même bonne oeuvre.
Ce fut néanmoins saint Budoc qui, plus tard, devint le deuxième successeur de saint Samson et celui de saint Magloire sur le siège épiscopal de Dol.
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Sacre de saint Budoc. Bas-relief en bois doré.
Chapelle Saint-Samson. Posporder. Léon. Bretagne.

L'histoire ne nous a pas conservée le détail des actions de saint Budoc pendant son épiscopat. On sait seulement qu'il entreprit un voyage à Jérusalem et qu'il s'y fit tellement estimé qu'on lui donna un grand nombre de reliques, qui furent dans la suite portées à Orléans et déposées dans l'église de Saint-Samson.

Malgré le silence des historiens à son égard, on ne peut douter qu'il n'ait été un saint prélat, et son culte est depuis longtemps établi dans l'église de Dol. On ignore absolument le temps de sa mort ; le martyrologe parisien, qui fait mention de lui au 19 novembre, la fixe en 580. Le père Le Large croit qu'elle arriva en 588, l'abbé Déric l'indique à l'an 600 environ, et dom Lobineau (qui a débarrassé notre Saint de légendes ridicules et qui semble le plus fiable) la place dans le VIIe siècle. Le jour de son bienheureux trépas est mieux connu ; c'est le 8 décembre, mais sa fête est depuis longtemps transféré au lendemain, à cause de celle de l'Immaculée Conception. Dans le diocèse de Léon, il était autrefois honoré le 18 novembre, avec office de neuf leçons.
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Fontaine Saint-Budoc. Chapelle Saint-Conogan.
Beuzec-Cap Sizun. Cornouailles. Bretagne.

Les reliques de saint Budoc étaient conservées à Dol, à l'époque du procès entre cette église et celle de Tours, ainsi que l'atteste une pièce qui servit à cette cause et que dom Morice apubliée dans ses Mémoires. Il paraît qu'elles furent détruites ou perdues, lorsque Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, vint, au commencement du XIIIe siècle, faire le siège de Dol et en brûla la cathédrale. On assure que la paroisse de Plourin, dans le diocèse de Léon, en possède encore une partie.

HYMNE

Tropaire de saint Budoc (tiré de son office à neuf leçons).


" Tu fus miraculeusement préservé de la furie de l'océan
Puis étant nourri par la main de Dieu,
Tu te dévouas entièrement à Son service, Ô saint évêque Budoc.
Étant couvert d'honneurs aussi bien temporels que spirituels à Armagh et Dol,
Tu œuvras pour gagner les âmes au Christ,
C'est pourquoi nous implorons ton aide,
Supplie le Christ notre Dieu afin qu'Il nous sauve."


Statue de saint Budoc. Cimetière de Trévagan. Léon. Bretagne.

Rq : Reproduites par ignorance ou par malveillance sur l'Internet, les légendes nombreuses autour de saint Budoc, celles touchant à sa jeunesse en particulier, sont rien moins que fantaisistes. Dom Lobineau, le grand hagiographe des Saints de Bretagne, mais aussi, avec plus de prudence, le dominicain breton Albert Le Grand, ont rejeté la quasi-totalité de ce que l'on peut trouver de fantastique. Il est tellement hasardeux de démêler ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces récits que l'on s'abstiendra d'y ajouter foi.

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samedi, 09 décembre 2023 | Lien permanent

1er décembre. Saint Eloi de Chatelac, évêque de Noyon, confesseur. 659.

- Saint Eloi de Chatelac, évêque de Noyon, confesseur. 659.

Pape : Saint Vitalien. Roi des Francs : Dagobert Ier (+ 639). Roi d'Austrasie : Childebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clotaire III.

" Pour juger de la vie d'un homme, il faut en observer la fin."
Saint Eloi.

 


Saint Eloi aux pieds de Notre Dame. G. Seghers. Flandres. XVIIe.
 

Saint Éloi naquit à Chaptelat (ou Chatelac), à deux lieux de Limoges. Dès son enfance, il se montra si habile aux travaux manuels, que son père le plaça comme apprenti chez le maître de la Monnaie de Limoges. Ses premières oeuvres révélèrent son talent précoce, et, au bout de quelques années, Éloi n'avait pas de rival dans l'art de travailler les métaux. Ses sentiments religieux et ses vertus le rendirent plus recommandable encore que ses talents ; on ne se lassait pas d'admirer sa franchise, sa prudence, sa douceur, sa charité.


Saint Eloi dans son atelier. Verrière du XVIe. France.

Le roi Clotaire II, ayant entendu parler de lui, le fit venir à la cour, lui commanda un trône d'or orné de pierreries, et à cet effet lui donna une quantité d'or. Le travail fini, Éloi se présenta devant le roi et lui montra le trône. Clotaire s'extasiait devant ce chef-d'oeuvre ; mais quelle ne fut pas sa stupéfaction, quand Éloi fit apporter un autre trône aussi beau que le premier, fait aussi avec l'or qu'il avait reçu ! Sur-le-champ, Éloi fut nommé grand argentier du royaume, et le roi le garda près de lui.


Saint Eloi dans sa boutique. Vie de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Jusque là, notre Saint avait aimé le luxe ; touché d'une grâce de choix, il se détacha des vanités du monde et vécut au milieu des richesses comme un pauvre de Jésus-Christ. Son plaisir était de faire de belles châsses pour les reliques des Saints. Mais surtout il aimait les pauvres. On ne saurait se figurer tous les trésors qui passèrent par ses mains dans le sein des indigents.


Saint Eloi. Recueil de la confrérie des orfèvres d'Avignon. XVIe.

Aussi, quand des étrangers demandaient à le voir, on leur répondait :
" Allez en telle rue, et arrêtez-vous à la maison où vous verrez une foule de mendiants : c'est là sa demeure !"

Saint Éloi lavait les pieds des pauvres, les servait de ses propres mains, ne prenait que la dernière place et ne mangeait que leurs restes. Quelle leçon pour les hommes de notre temps, qui parlent tant de l'émancipation des classes ouvrières et vivent dans les jouissances égoïstes ! Quand Éloi n'avait plus d'argent, il donnait ses meubles et jusqu'à sa ceinture, son manteau, ses souliers.


Episodes de la vie de saint Eloi. Miniature anonyme du XVe.

L'amitié d'Éloi avec le roi Dagobert, successeur de Clotaire II, est devenue légendaire.
Un jour Éloi vint lui dire :
" Mon prince, je viens vous demander une grâce ; donnez-moi la terre de Solignac, afin que je fasse une échelle par laquelle, vous et moi, nous méritions de monter au Ciel."
Le roi y consentit volontiers ; le Saint y bâtit un monastère. Jamais in ne se fit moine ; mais il aimait à visiter les moines et à vivre, de temps en temps, quelques jours avec eux, pour s'édifier de leur régularité.

Éloi se vit obligé d'accepter l'évêché de Noyon. Sa vie épiscopale fut la continuation de ses bonnes oeuvres.

Miracle de saint Eloi qui sauve le jeune saint Louis
qui l'avait invoqué alors qu'il courait un grand danger.
Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.

Saint Éloi est généralement considéré comme le saint patron des ouvriers qui se servent d'un marteau, et plus précisément les orfèvres, batteurs d'or, taillandiers, serruriers, forgerons, maréchaux-ferrands, maquignons, métallurgistes.


Recueil concernant la confrérie des orfèvres d'Avignon. XVIe.

CULTE ET RELIQUES

Les reliques de saint Eloi reposent dans la cathédrale de Noyon à laquelle elles furent adjugées par arrêt du parlement de Paris, contre les religieux de Saint-Leu, qui avait pris dès lors le nom de Saint-Eloi, l'an 1462. Elles sont conservées dans une châsse de bois doré, sous le maître-autel de l'ancienne cathédrale.


Châsse de saint Eloi. Cathédrale Notre-Dame. Noyon. XVIe-XIXe.

Son chef, qui avait été donné à l'abbaye de Chelles, se trouvent, depuis la destruction de ce monastère, dans l'église paroissiale de Saint-André de Chelles.

Plusieurs autres églises se glorifient de posséder quelques parties de ses riches et précieuses dépouilles, comme Saint-Barthélémy de Noyon, Saint-Sauveur de Bruges, Saint-Martin de Tournai, Saint-Pierre de Douai et la cathédrale de Paris, à laquelle un ossement d'un de ses bras fut donné en 1212, comme il est porté dans le bréviaire du diocèse.


Buste reliquaire. Eglise Saint-Eloi. Chaptelat. Limousin. XVIIe.

La mémoire de ce grand prélat, l'un des plus illustres du royaume, y est toujours très célèbre aussi bien qu'en Flandres.

Rq : On téléchargera et lira avec fruits la vie de saint Eloi par son contemporain saint Ouen, évêque de Rouen sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102695k.

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vendredi, 01 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)

19 février. Saint Loup, archevêque de Sens. 610.

- Saint Loup, archevêque de Sens. 610.
 
Pape : Saint Grégoire Ier le Grand. Roi d'Austrasie : Théodebert II. Roi de Bourgogne : Thierry II. Roi de Bretagne : Saint Judicaël.

" Le Seigneur conduit le juste par des voies droites, et partout Il lui montre le royaume de Dieu."
Sap., X, 10.


Saint Loup faisant l'aumône. Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.

Saint Loup, né à Orléans de famille royale, resplendissait de toutes les vertus quand il fut élu archevêque de Sens. Il donnait presque tout aux pauvres, et un jour qu'il avait invité beaucoup de personnes à manger, il n'avait pas assez de vin pour suffire jusqu'au milieu du repas ; il dit alors à l’officier qui l’en prévenait :
" Je crois que Dieu, qui repaît les oiseaux, viendra au secours de notre charité."
Et à l’instant se présenta un messager qui annonça cent muids de vin à la porte.

Les gens de la cour l’attaquaient vivement d'aimer sans mesure une vierge, servante de Dieu, et fille de son prédécesseur ; en présence de ses détracteurs, il prit cette vierge et l’embrassa en disant :
" Les paroles d'autrui ne nuisent pas à celui auquel sa propre conscience ne reproche rien."
En effet, comme il savait que cette vierge aimait Dieu ardemment ; il la chérissait avec une intention très pure. Clotaire, roi des Francs, entrant en Bourgogne, avait envoyé, contre les habitants de Sens, son sénéchal qui se mit en devoir d'assiéger la ville, saint Loup entra dans l’église (550) de saint Étienne et se mit à sonner la cloche. En l’entendant, les ennemis furent saisis d'âne si grande frayeur qu'ils crurent ne pouvoir échapper à la mort, s'ils ne prenaient la fuite.


Saint Loup faisant l'aumône. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Enfin après s'être rendu maître du royaume de Bourgogne, le roi envoya un autre sénéchal à Sens : et comme saint Loup n'était pas venu au-devant de lui avec, des présents, le sénéchal outré le diffama auprès du roi afin que celui-ci l’envoyât en exil.

Saint Loup y brilla par sa doctrine et par ses miracles. Pendant ce temps-là, les Sénonais tuèrent un évêque usurpateur du siège de saint Loup et demandèrent au roi de rappeler le saint de son exil. Quand le roi vit revenir cet homme si mortifié, Dieu permit qu'il fût changé, à son égard, au point de se prosterner à ses pieds en lui demandant pardon. Il le combla de présents et le rétablit dans sa ville.


Saint Loup. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

En revenant par Paris, une grande foule de prisonniers dont les cachots s'étaient ouverts et qui avaient été délivrés de leurs fers, vint à sa rencontre.

Un dimanche, pendant qu'il célébrait la messe, une pierre précieuse tomba du ciel dans son saint calice, et le roi la déposa avec ses autres reliques. Le roi Clotaire entendant que la cloche de Saint-Étienne avait des sons admirablement doux, donna des ordres pour qu'on la transportât à Paris afin de pouvoir l’entendre plus souvent. Mais comme cela déplaisait à saint Loup, aussitôt que la cloche eut été sortie de Sens, elle perdit le moelleux, de ses sons. A cette nouvelle, le roi la fit restituer à l’instant et aussitôt après elle rendit un son qui fut entendu dans la ville d'où elle était éloignée de sept milles. C'est pourquoi saint Loup alla (551) au-devant de ce qu'il regrettait d'avoir perdu et reçut la cloche avec honneur.


Saint Loup faisant l'aumône. Legenda aurea. R. de Monbaston. XIVe.

Une nuit qu'il priait, le démon lui fit ressentir une soif extraordinaire ; le saint homme se fit apporter de l’eau froide ; mais découvrant les ruses de l’ennemi, il mit son coussin sur le vase où il renferma le diable qui se mit à hurler et à crier pendant toute la nuit. Quand vint le matin, celui qui avait choisi les ténèbres pour tenter le saint, s'enfuit tout confus en plein jour.

Une fois qu'il venait de visiter, selon sa coutume, les églises de la ville, en rentrant chez lui, il entendit ses clercs se disputer parce qu'ils voulaient faire le mal avec des femmes. Il entra alors dans l’église, pria pour eux, et à l’instant, l’aiguillon de la tentation cessa absolument de les tourmenter : ils vinrent le trouver et lui demandèrent pardon.


Saint Martin et saint Loup.
Image de la confrérie de Saint-Loup de Sens. XIXe.

Enfin après s'être rendu illustre, par une foule de vertus, il reposa en paix, vers l’an du Seigneur 610, du temps d'Héraclius.

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lundi, 19 février 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)

3 juin. Sainte Clotilde, reine de France. 545.

- Sainte Clotilde, reine de France. 545.

Pape : Vigile. Roi de Paris : Childebert Ier. Roi des Francs : Clotaire Ier.

" Après qu'elle eût invoqué Dieu qui gouverne et sauve tout, Dieur changea l'esprit du roi."
Esther, XV, 5.


Gravure. Blin et Allabre, graveurs. Garnier-Allabre, imprimeur. XIXe.

En cette saison où l'Office du Temps nous amène à considérer les premiers développements de la sainte Eglise, il entrait dans les vues de l'éternelle Sagesse que les fêtes des Saints complétassent, comme toujours, les enseignements du Cycle mobile. Le Paraclet, dont l'avènement est si près de nous, doit remplir la terre (Sap. I, 7.) ; l'Homme-Dieu l'envoie conquérir l'espace et assurer les temps à son Eglise. Or, c'est en soumettant les royaumes par la foi, qu'il doit former au Christ son empire ; c'est en faisant que l'Eglise s'assimile les nations, qu'il donne à l'Epouse croissance et durée. Voici donc qu'au temps même où il vient de nouveau s'emparer du monde, les coopérateurs de l'Esprit dans son oeuvre de conquête apparaissent de toutes parts au ciel de la sainte Liturgie.

Mais l'Occident surtout concourt à former la constellation qui vient mêler ses clartés radieuses aux feux puissants de la Pentecôte. Et, en effet, l'établissement de la chrétienté latine ne manifestera-t-il pas plus que nulle part ailleurs, dans ces lointaines contrées, la toute-puissance de l'Esprit du Christ ? Aussi voyez comme, partis d'Orient, les deux astres incomparables des princes des Apôtres se hâtent, sur notre horizon, vers le zénith glorieux qu'ils atteindront en ce mois même ; hier Jean, le disciple bien-aimé, projetait sur la Gaule ses derniers, ses plus durables rayons; quelques jours plus tôt, c'était le pape Eleuthère et le moine Augustin joignant leur action à travers les siècles, pour porter la lumière du salut dans l'extrême Occident, chez les Bretons et les Angles ; après-demain, Boniface illuminera la Germanie.

Mais aujourd'hui, quelle autre étoile se lève en nos régions ? Son doux éclat rivalise en vertu avec la lumière des plus puissants flambeaux du Christ. La ville de Lyon, préparée par le sang des martyrs à cette seconde gloire, vit grandir dans son sein l'astre nouveau ; comme d'eux-mêmes, après trois siècles, ses rayons se mêlent à ceux de Blandine. Comme Blandine en effet, Clotilde est mère ; et la maternité de l'esclave , engendrant pour le ciel dans sa virginité les martyrs gaulois, préparait la naissance des Francs au Christ-Dieu du sein de leur première reine. Clotilde n'eut point comme Blandine à verser son sang ; mais d'autres tortures l'atteignirent cruellement toute jeune encore, et mûrirent son âme pour les grandes destinées que Dieu réserve aux privilégiés de la souffrance.

La mort violente de son père Chilpéric détrôné par un usurpateur fratricide . la vue de ses frères massacrés, de sa mère noyée dans le Rhône, sa longue captivité à la cour arienne du meurtrier qui amenait avec lui l'hérésie sur le trône des Burgondes, développèrent en elle le même héroïsme de foi qui soutenait Blandine dans l'enfantement douloureux de l'amphithéâtre, et devait faire également de la nièce de Gondebaud la mère de tout un peuple. Unissons donc leurs noms dans un même hommage ; et, prosternés aux pieds du Père souverain de qui découle toute paternité sur la terre et au ciel (Eph. III, 15.), adorons ses voies remplies pour nous de tendresse et d'amour.

Dieu, qui n'a tiré du néant l'univers visible que pour manifester sa bonté, a voulu que l'homme, sortant de ses mains sans pouvoir encore contempler directement son auteur, rencontrât comme première traduction de l'amour infini la tendresse d'une mère : traduction sublime, irrésistible dans sa douceur, et dont l'exquise pureté donne à la mère cette facilité qui n'appartient qu'à elle seule d'achever par l'éducation, dans l'âme de son enfant, la reproduction complète de l'idéal divin qui doit s'imprimer en lui.


Clotilde apportant des subsides à un ermite.
La cité de Dieu. Saint Augustin. Paris. XVe.

Mais la fête d'aujourd'hui nous révèle combien plus sublime encore, plus puissante et plus étendue que dans l'ordre de la nature, est la maternité dans l'ordre supérieur de la grâce. Lorsque Dieu en effet, venant parmi nous, voulut prendre chair au sein d'une fille d'Adam, la maternité s'éleva jusqu'à la limite extrême qui sépare les dons d'une simple créature des attributs divins. En même temps qu'elle s'élevait par delà les deux, elle embrassait le monde , rapprochant tous les hommes, sans distinction de familles ou de nations, dans la filiation de la Vierge-Mère. Car l'Adam nouveau, modèle parfait de la race humaine et notre premier-né (Rom. VIII, 29. ; Heb. II, 11-12.), nous voulait pour frères en toute plénitude, frères en Marie comme en Dieu (Matth. I, 25 ; Heb. I, 6.).

La Mère de Dieu fut donc proclamée celle des hommes au Calvaire ; du haut de sa croix, l'Homme-Dieu replaçait sur la tète de Marie la couronne d'Eve, brisée près de l'arbre fatal. Constituée l'unique mère des vivants par cette auguste investiture (Gen. III, 20.), Notre-Dame entrait une fois de plus en communication des privilèges du Père qui est aux deux. Non seulement elle était, par nature comme lui, mère de son Fils éternel ; mais de même que toute paternité découle ici-bas de ce Père souverain, et lui emprunte sa dignité suréminente : toute maternité ne fut plus dès lors, dans un sens très vrai, qu'un écoulement de celle de Marie, une délégation de son amour, et la communication de son auguste privilège d'enfanter à Dieu les hommes qui doivent être ses fils.

Les mères chrétiennes ont bien le droit de s'en glorifier, car c'est là leur grandeur ; leur dignité s'est accrue par Marie jusqu'à un point que n'aurait pu soupçonner la nature. Mais en même temps, sous l'égide de Marie, comme hier en notre Blandine, non moins réelle pour Dieu que la leur apparaîtra maintes fois, désormais, la maternité des vierges ; comme Clotilde aujourd'hui, souvent aussi l'épouse, préparée par l'appel de Dieu et la souffrance, se verra douée d'une fécondité plus grande mille fois que celle qui lui venait de la terre. Heureux les hommes issus, par la faveur de Marie, de cette fécondité surnaturelle qui réunit toutes les grandeurs ! Heureux les peuples auxquels une mère fut donnée par la divine munificence !

L'histoire nous apprend que les fondateurs des empires ont toujours eu la prérogative redoutable d'imprimer aux nations le caractère, néfaste ou bienfaisant, qui marque leur existence à travers les siècles. Combien parfois on sent, dans l'impulsion qui leur fut donnée pour détruire plutôt que pour édifier, le manque d'un contrepoids à la prépondérance du pouvoir ! C'est que les peuples anciens n'avaient point de mères ; on ne peut donner ce titre aux héroïnes qui n'ont transmis leurs noms à la postérité, que pour avoir rivalisé d'ambition et de faste avec les conquérants. Il était réservé aux temps chrétiens de voir s'introduire dans la vie des nations cet élément de la maternité, plus salutaire, plus efficace en son humble douceur, que celui qui résulte des qualités ou des vices, de la puissance ou du génie de leurs premiers princes.


Sainte Clotilde en prière au pied du tombeau de saint Martin.
Détail. Charles Van Loo. XVIIIe.

Dans le christianisme même, la sainteté que demande chez la créature qui en est investie cette maternité sublime, en fait l'apanage exclusif de l’Eglise catholique, seule sainte, et des nations qui sont dans l'Eglise ; les empires issus du schisme ou de l'hérésie n'ont point à y prétendre. Rejetés par ce côté au rang des nations païennes, ils pourront exceller comme elles dans la richesse ou la force, être appelés même d'en haut au sinistre honneur d'être les fléaux de Dieu contre des enfants indociles ; mais il restera toujours dans leur formation sociale, dans leur vie entière, un vide immense : sortis de la terre directement, fils de leurs œuvres, comme on dit aujourd'hui, ils n'ont point bénéficié des prières et des larmes d'une mère ; son sourire n'a point éclairé leurs premiers pas, adouci leur enfance. En conséquence, selon le mot du poète latin, ils ne seront point admis à la table divine, ni aux intimités d'une alliance véritable avec le ciel (Virg. Egl. IV. : "... Cui non risere parentes, nec deus hunc mensa, dea nec dignata cubili est ") ; et jamais la vraie civilisation n'avancera par leurs mains.

Les peuples fidèles, au contraire, sont pour l'Eglise, qui est le royaume de Dieu, comme les familles dont le rapprochement sous une même unité sociale forme la nation ; leur vocation, d'ordre avant tout surnaturel, appelle en eux une plénitude de vie au développement de laquelle s'emploient, dans l'éternelle Trinité, la Toute-Puissance, la Sagesse et l'Amour. Aussi, bien que la nature ait l'honneur de fournir ici les ternies du langage et les points de comparaison, ses procèdes et sa puissance sont tellement surpassés à ces hauteurs divines, qu'elle n'y apparaît plus que comme une faible image, presque fautive à force d'être incomplète. Mais parmi les nations baptisées dans la foi au Christ et la soumission à son vicaire, c'est à la France surtout qu'il appartient de s'écrier avec le Psalmiste :
" Ô Seigneur qui avez prévu mes voies et longtemps à l'avance fixé mes destinées, votre science, dans le travail de ma formation, a été merveilleuse ! Mes reins vous appartiennent ; avec ses aspirations et ses pensées, tout mon être est à vous ; car vous m'avez reçu dans vos bras comme votre oeuvre, lorsque je sortais du sein même de ma mère. Aucun de mes os qui vous soit caché, à vous qui l'avez façonné dans le secret des entrailles maternelles et qui connaissez l'imperfection de mes premières origines." (Psalm. CXXXVIII.).

Il fallut du temps pour dompter les instincts farouches des guerriers de Clovis, et préparer leur épée à la noble mission dont elle était appelée à devenir, dans la main de Charlemagne et de saint Louis, l'instrument glorieux. On a dit avec raison que ce travail fut l'honneur des évêques et des moines. Mais, pour être complet et faire preuve d'une science plus approfondie des voies de la Providence, il eût convenu d'oublier moins la part que devait avoir la femme, et qu'elle eut en effet, dans l'oeuvre de la conversion et de l'éducation qui firent du peuple franc le premier-né de l'Eglise.

C'est Clotilde qui conduit les Francs au baptistère de Reims, et présente à Rémi le fier Sicambre transformé beaucoup moins par les exhortations du saint évêque, que par la vertu des prières de la femme forte élue de Dieu pour enlever cette riche dépouille à l'enfer. Quelle virile énergie, quel dévouement à Dieu nous révèlent les démarches de cette noble fille du roi détrôné des Burgondes, qui, sous l'oeil soupçonneux de l'usurpateur meurtrier de sa famille, attend l'heure du ciel dans l'exercice de la charité et le silence de l'oraison : jusqu'à ce que, le moment venu enfin, ne prenant conseil que de l'Esprit-Saint et d'elle-même, elle s'élance pour conquérir au Christ cet époux, qu'elle ne connaît pas encore, avec une vaillance qui dépasse celle des guerriers formant son escorte !

Saint Remi accueille Clovis et sainte Clotilde à Reims.
La cité de Dieu. Saint Augustin. Paris. XVe.

La force et la beauté (Prov. XXXI.) sont véritablement sa parure au jour des noces ; le coeur de Clovis a bientôt compris que les conquêtes réservées à cette épouse, l'emporteront sur le butin ravi jusque-là par ses armes. Clotilde, au reste, a trouvé sur les rives de la Seine son oeuvre préparée ; depuis cinquante ans, Geneviève est debout, défendant Paris contre l'invasion des hordes païennes, et n'attendant que le baptême du roi des Francs pour lui ouvrir ses portes.

Toutefois, lorsque dans cette même nuit de Noël qui vit Notre-Dame donner au monde l'Enfant divin, Clotilde a enfanté pour Marie à l'Eglise son peuple premier-né, l'oeuvre est loin d'être achevée ; il s'agit de faire maintenant de ce peuple nouveau, dans les labeurs d'une lente éducation, la nation très chrétienne. L'élue de Dieu et de Notre-Dame ne défaille point à sa tâche maternelle. Que de larmes pourtant il lui faudra verser encore ! Que d'angoisses sur des fils dont la violence de race semble indomptable, livrés par l'exubérance même de leur riche nature à la fougue des passions qui les pousse en aveugles aux crimes les plus atroces !

Les petits-fils qui grandissaient près d'elle, massacrés dans un infâme guet-apens par des oncles perfides ; des guerres fratricides, promenant la dévastation sur tout ce territoire de la vieille Gaule qu'elle avait purgé du paganisme et de l'hérésie ; et, comme pour compenser l'amertume des discordes intestines par une autre douleur du moins plus glorieuse, sa fille chérie, Clotilde la jeune, mourant d'épuisement à la suite des sévices endurés pour sa foi de la part d'un époux arien : tout montre assez à la reine des Francs que si le ciel l'a choisie pour être leur mère, il entend lui en laisser la peine aussi bien que l'honneur. Ainsi le Christ traite les siens, quand ils ont sa confiance. Clotilde l'a compris : depuis longtemps déjà, veuve de son époux, privée de l'assistance di Geneviève qui a suivi de près Clovis au tombeau, elle s'est retirée près du sépulcre de son glorieux précurseur, le thaumaturge des Gaules, pour y continuer avec l'aide de Martin, dans le secret de la prière et l'héroïsme de la foi qui soutint son enfance, la préparation du nouveau peuple à ses grandes destinées.


Sainte Clotilde au baptême de Clovis. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Travail immense, auquel une seule vie ne pourrait suffire ! Mais la vie de Clotilde, qui ne doit point voir s'achever la transformation tant désirée, ne se clora pas qu'elle n'ait, à Tours, serré dans ses bras Radegonde, son illustre belle-fille ; investie de sa sublime maternité dans une étreinte suprême, elle l'envoie poursuivre près de la tombe d'Hilaire, cet autre vrai père de la patrie, l'intercession toute-puissante qui fera la nation. Puis, lorsque Radegonde elle-même, sa tâche de souffrance et d'amour accomplie, devra quitter la terre, Bathilde bientôt paraîtra, consommant l'œuvre en ce siècle septième, dont on a pu dire qu'il sembla comme celui où, prêt enfin pour sa mission, " le Franc fut fiancé à l'Eglise et armé chevalier de Dieu " (Hist. de S. Léger. Introduction.).

Clotilde, Radegonde, Bathilde, mères de la France, se présentent à nous reconnaissables toutes les trois aux mêmes traits pour leurs fils : préparées toutes trois, dès le début de la vie, au dévouement qu'exige leur grande mission, par les mêmes épreuves, la captivité, l'esclavage, par le massacre ou la perte des leurs ; toutes trois ne portant sur le trône que l'indomptable amour du Christ-Roi et le désir de lui donner leur peuple ; toutes trois enfin déposant le diadème au plus tôt, afin de pouvoir, prosternées devant Dieu dans la retraite et la pénitence, atteindre plus sûrement l'unique but de leur ambition maternelle et royale. Héritières d'Abraham en toute vérité, elles ont trouvé dans sa foi (Rom. IV, 18 ; Heb. XI, 11.) la fécondité qui les rendit mères des multitudes que si longtemps notre sol, arrosé de leurs larmes , produisit sans compter pour le ciel.

En nos temps amoindris eux-mêmes, ils sont nombreux encore, ceux que, chaque jour, la terre des Francs envoie rejoindre dans la vraie patrie les heureux combattants des jours meilleurs ; et tous, n'étant plus soumis aux distractions d'ici-bas, ont vite, là-haut du moins, reconnu leurs mères. A la vue de cette affluence toujours croissante de nouveaux fils pressant leurs rangs dans l'allégresse autour de leurs trônes, leur cœur débordant d'amour renvoie au Père souverain la parole du Prophète :
" Qui donc m'a engendré ceux-ci ? Moi la stérile et qui n'enfantais pas, moi la captive et l'exilée, qui m'a nourri tous ces fils ? J'étais seule, abandonnée ; et tous ceux-là, où étaient-ils ?
- En vérité, répond le Seigneur, tous ceux-là seront ta parure, et tu en seras entourée comme l'épouse de ses joyaux. Tes déserts, tes solitudes, la terre de ruines qui vit ta souffrance, seront remplis des fils de ta stérilité, jusqu'à en être trop étroits pour les contenir. Les rois seront tes nourriciers, et les reines tes nourrices. Et tu sauras que c'est moi, le Seigneur, au sujet de qui ne seront point confondus ceux qui l'attendent."
(Isai. XLIX, 18-23.).


Sainte Clotilde et sa famille ; notamment trois de ses petits fils
dont le futur saint Cloud. Grandes chroniques de France. XIVe.

Clotilde, fille du roi Chilpéric, après le meurtre de sus parents, fut élevée par son oncle Gondebaud, roi de Bourgogne, qui la donna en mariage à Clovis encore païen. Etant devenue mère, elle fit baptiser son premier-né, avec la toléranc

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