dimanche, 28 janvier 2024
Dimanche de la Septuagésime.
- Dimanche de la Septuagésime.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.
La sainte Eglise nous rassemble aujourd'hui pour repasser avec nous le lamentable récit de la chute de notre premier père. Un si affreux désastre nous fait déjà pressentir le dénouement de la vie mortelle du Fils de Dieu fait homme, qui a daigné prendre sur lui la charge d'expier la prévarication du commencement et toutes celles qui l'ont suivie. Pour être en mesure d'apprécier le remède, il nous faut sonder la plaie. Cette semaine sera donc employée à méditer la gravité du premier péché, et toute la suite des malheurs qu'il a entraînés sur l'espèce humaine.
Autrefois l'Eglise lisait en ce jour, à l'Office de Matines, la narration simple et sublime par laquelle Moïse a initié toutes les générations à ce triste événement. La disposition actuelle de la Liturgie n'amène pas cette lecture avant le Mercredi de cette semaine, les jours qui précèdent étant employés à lire le récit des six jours de la création. Nous placerons néanmoins dès aujourd'hui cette importante lecture, comme le fondement des enseignements de la semaine.
Lecture du Livre de la Genèse. Chap. III. :
Eve écoute le serpent. Ars moriendi. XVe.
" Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait formés sur la terre. Il dit à la femme :
" Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du jardin ?"
La femme lui répondit :
" Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le jardin ; mais, pour ce qui est du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu nous a commandé de n'en point manger, et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourrions."
Le serpent dit à la femme :
" Assurément, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que le jour où vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."
La femme donc considéra que le fruit de cet arbre était bon à manger, qu'il était beau et agréable à la vue, et, en ayant pris, elle en mangea, et en donna à son mari qui en mangea aussi. Et en même temps, leurs yeux furent ouverts à tous deux.
Adam et Eve mange du fruit de l'Arbre.
Heures à l'usage de Rouen. XVIe.
Ayant reconnu leur nudité, ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s'en firent des ceintures. Et ayant entendu la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin après midi, à l'heure où il s'élève un vent doux, Adam et son épouse se cachèrent sous l'ombrage des arbres du jardin, pour fuir la face du Seigneur Dieu.
Et le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit :
" Où es tu ?"
Il répondit :
" J'ai entendu votre voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que j'étais nu ; c'est pourquoi je me suis caché."
Le Seigneur reprit :
" Qui t'a appris que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger ?"
Et Adam répondit :
" La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé."
Et le Seigneur Dieu dit à la femme :
" Pourquoi as-tu fait cela ?"
Elle répondit :
" Le serpent m'a trompée , et j'en ai mangé."
Dieu surprend Adam et Eve. Ars moriendi. XVe.
Et le Seigneur Dieu dit au serpent :
" Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et les bêtes de la terre. Tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : elle t'écrasera la tête, et tu tâcheras de la mordre au talon."
Il dit aussi à la femme :
" Je multiplierai tes angoisses après que tu auras conçu ; tu enfanteras tes fils dans la douleur ; tu seras sous la puissance de l'homme, et il te dominera."
Il dit ensuite à Adam :
" Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger, la terre sera maudite à cause de ce que tu as fait : tu tireras d'elle ta nourriture à force de travail, tous les jours de ta vie. Elle te produira des épines et des ronces, et tu te nourriras de l'herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes en la terre dont tu as été tiré : car tu es poussière, et tu rentreras dans la poussière."
Adam et Eve sont chassés du Paradis.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.
La voilà cette page terrible des annales humaines. Elle seule nous explique la situation présente de l'homme sur la terre. Par elle aussi, nous apprenons l'attitude qui nous convient à l'égard de Dieu. Nous reviendrons sur ce lugubre récit dans les jours qui vont suivre ; dès à présent, il doit faire le principal objet de nos réflexions. Reprenons maintenant l'explication de la Liturgie d'aujourd'hui.
Dans l'Eglise grecque, le dimanche que nous appelons de la Septuagésime est désigné sous le nom de Prosphonésime, c'est-à-dire Proclamation, parce qu'il annonce au peuple le jeûne du Carême qui doit bientôt commencer. Il est aussi appelé le dimanche de l'Enfant prodigue, parce qu'on y lit cette parabole, comme une invitation aux pécheurs de recourir à la miséricorde de Dieu. Il faut observer néanmoins que ce Dimanche est le dernier jour de la semaine appelée Prosphonésime, laquelle commence dès le lundi précédent, selon la manière de compter des Grecs.
A LA MESSE
La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Les anciens liturgistes font remarquer la relation qui existe entre le juste Abel, dont le sang répandu par son frère fait l'objet d'un des Répons des Matines d'aujourd'hui, et le courageux martyr sur le tombeau duquel l'Eglise Romaine vient ouvrir la Septuagésime.
ÉPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. IX.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.
" Mes Frères, ne savez-vous pas que, quand on court dans la lice, tous courent, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous le remportiez. Or, tout athlète garde en toutes choses la tempérance, et ils ne le font que pour gagner une couronne corruptible ; la nôtre au contraire sera incorruptible. Pour moi, je cours, mais non pas comme au hasard ; je combats, mais non pas en donnant des coups en l'air ; je châtie mon corps, et je le réduis en servitude ; de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne devienne moi-même réprouvé. Je ne veux pas que vous ignoriez, mes Frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé la mer ; qu'ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer ; qu'ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle et bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient de l'eau de la Pierre spirituelle qui les suivait ; et cette Pierre était Jésus-Christ. Mais cependant, sur un si grand nombre, il y en eut peu qui fussent agréables à Dieu."
La parole énergique de l'Apôtre vient augmenter encore l'émotion que nous apportent les grands souvenirs qui se rattachent à ce jour. Il nous dit que ce monde est une arène dans laquelle il faut courir, et que le prix n'est que pour ceux dont la marche est agile et dégagée. Gardons-nous donc de ce qui pourrait appesantir notre course et nous faire manquer la couronne.
Ne nous faisons pas illusion : rien n'est sûr pour nous, tant que nous ne sommes pas au bout de la carrière. Notre conversion n'a pas été plus sincère que celle de saint Paul, nos œuvres plus dévouées et plus méritoires que les siennes; toutefois, il le confesse lui-même, la crainte de devenir réprouvé n'est pas entièrement éteinte dans son cœur. Il châtie son corps, et il le réduit en servitude.
L'homme dans l'état actuel n'a plus cette volonté droite qu'avait Adam avant son péché, et dont cependant il sut faire un si malheureux usage. Un penchant fatal nous entraîne, et nous ne pouvons garder l'équilibre qu'en sacrifiant la chair à l'esprit.
Cette doctrine paraît dure au grand nombre, et c'est pour cela que beaucoup n'arriveront pas au terme de la carrière, et n'auront pas part à la récompense qui leur était destinée.
Comme les Israélites dont parle ici l'Apôtre, ils mériteront d'être ensevelis dans le désert, et ne verront pas la terre promise. Néanmoins, les mêmes merveilles dont turent témoins Josué et Caleb s'étaient accomplies sous leurs yeux ; mais rien ne guérit l'endurcissement d'un cœur qui s'obstine à mettre tout son espoir dans les choses de la vie présente, comme si leur périlleuse vanité ne se révélait pas d'elle-même à chaque heure.
Mais si le cœur se confie en Dieu, s'il se fortifie par la pensée que le secours divin ne manque jamais à celui qui l'implore, il parcourra sans faiblir l'arène de cette vie, et il arrivera heureusement au terme. Le Seigneur a les yeux constamment ouverts sur celui qui travaille et qui souffre.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XX.
Les ouvriers de la dernière heure.
Nicolaes Cornelisz Moyaert. Pays-Bas. XVIIe.
" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
" Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Etant demeuré d'accord avec eux d'un denier pour leur journée, il les envoya dans sa vigne. Et étant sorti vers la troisième heure, il en vit d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, et il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste."
Et ils y allèrent.
Il sortit encore sur la sixième et la neuvième heure, et il fit la même chose.
Enfin étant sorti sur la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient là, et il leur dit :
" Pourquoi demeurez-vous ici le long du jour sans travailler ?"
Et ils lui dirent :
" Parce que personne ne nous a loués."
Il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne."
Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant :
" Appelle les ouvriers, et donne-leur le salaire, en commençant par les derniers et finissant par les premiers."
Ceux donc qui n'étaient venus que vers la onzième heure, s'étant approchés, reçurent chacun un denier. Ceux qui étaient venus les premiers pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage ; mais ils ne reçurent que chacun un denier. Et en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille et disaient :
" Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, et vous leur avez donné autant qu'à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur."
Mais il répondit à l'un d'eux :
" Mon ami, je ne vous fais point de tort. N'êtes-vous pas convenu avec moi d'un denier ? Prenez ce qui vous appartient et vous en allez ; mais je veux donner à ce dernier autant qu'à vous. Est-ce qu'il ne m'est pas permis de faire ce que je veux ? Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, parce qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus."
Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.
Il importe de bien saisir ce célèbre passage de l'Evangile, et d'apprécier les motifs qui ont porté l'Eglise à le placer en ce jour. Considérons d'abord les circonstances dans lesquelles le Sauveur prononce cette parabole, et le but d'instruction qu'il s'y propose directement. Il s'agit d'avertir les Juifs que le jour approche où leur loi tombera pour faire place à la loi chrétienne, et de les disposer à accueillir favorablement l'idée que les Gentils vont être appelés à former alliance avec Dieu.
La vigne dont il est ici question est l'Eglise sous ses différentes ébauches, depuis le commencement du monde, jusqu'à ce que Dieu vînt lui-même habiter parmi les hommes et constituer sous une forme visible et permanente la société de ceux qui croient en lui.
Le matin du monde dura depuis Adam jusqu'à Noé ; la troisième heure s'étendit de Noé jusqu'à Abraham ; la sixième heure commença à Abraham pour aller jusqu'à Moïse ; la neuvième heure fut l'âge des Prophètes, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Le Messie est venu à la onzième heure, lorsque le monde semblait pencher à son déclin. Les plus grandes miséricordes ont été réservées pour cette période durant laquelle le salut devait s'étendre aux Gentils par la prédication des Apôtres.
C'est ce dernier mystère par lequel Jésus-Christ veut confondre l'orgueil judaïque. Il signale les répugnances que les Pharisiens et les Docteurs de la Loi éprouvaient en voyant l'adoption s'étendre aux nations, par les remontrances égoïstes que les ouvriers des premières heures osent faire au Père de famille. Cette obstination sera punie comme elle le mérite. Israël, qui travaillait avant nous, sera rejeté à cause de la dureté de son cœur; et nous, Gentils, qui étions les derniers, nous deviendrons les premiers, étant faits membres de cette Eglise catholique, qui est l'Epouse du Fils de Dieu.
Evangéliaire à l'usage de Cambrai. XIIIe.
Telle est l'interprétation donnée à cette parabole par les saints Pères, notamment par saint Augustin et saint Grégoire le Grand ; mais cet enseignement du Sauveur présente encore un autre sens également justifié par l'autorité de ces deux saints Docteurs. Il s'agit ici de l'appel que Dieu adresse à chaque homme pour l'inviter à mériter le Royaume éternel par les pieux labeurs de cette vie.
Le matin, c'est notre enfance ; la troisième heure, selon la manière de compter des anciens, est celle où le soleil commence à monter dans le ciel : c'est l'âge de la jeunesse.
La sixième heure, par laquelle on désignait ce que nous appelons Midi, est l'âge d'homme.
La onzième heure précède de peu d'instants le coucher du soleil : c'est la vieillesse.
Le Père de famille appelle ses ouvriers à ces différentes heures ; c'est eux de se rendre, dès qu'ils ont entendu sa voix ; mais il n'est pas permis à ceux qui sont conviés dès le matin de retarder leur départ pour la vigne, sous le prétexte qu'ils se rendront plus tard, lorsque la voix du Maître se fera entendre de nouveau. Qui les a assurés que leur vie se prolongera jusqu'à la onzième heure ? Lorsque la troisième sonne, peut-on compter même sur la sixième ? Le Seigneur ne convoquera au travail des dernières heures que ceux qui seront en ce monde lorsqu'elles viendront à sonner ; et il ne s'est point engagé à adresser une nouvelle invitation à ceux qui auront dédaigné la première.
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28 janvier. Bienheureux Charlemagne, roi de france, empereur d'Occident. 814.
" A asseoir les sociétés humaines, Dieu a voulu ces deux mains, le Pape et l'Empereur. D'accord, ces deux mains peuvent tout bien ; contraires, elles sont impuissantes contre tout mal. Sans l'Empereur, le Pape n'est qu'un martyr immortel ; sans le Pape, l'Empereur n'est qu'un dieu de prétoriens, une idole souvent refondue."
Louis Veuillot, Parfums de Rome, ch. 22.
Le bienheureux Charlemagne. A. Dürer. XVIe.
Au gracieux souvenir de la douce martyre Agnès, un grand nombre d'Eglises, surtout en Allemagne, associent aujourd'hui la mémoire imposante du pieux Empereur Charlemagne. L'Emmanuel, en venant en ce monde, doit recevoir le titre de Roi des rois et de Seigneur des seigneurs ; il doit ceindre l'épée et tenir sous son sceptre la multitude des nations : quoi de plus juste que d'amener à son berceau le plus grand des princes chrétiens, celui qui se fit toujours gloire de mettre son épée au service du Christ et de son Eglise !
Le respect des peuples était déjà préparé en faveur de la sainteté de Charlemagne, lorsque Frédéric Barberousse fit rendre le décret de sa canonisation par l'antipape Pascal III, en 1165 : c'est pourquoi le Siège Apostolique, sans vouloir approuver une procédure irrégulière, ni la recommencer dans les formes, puisqu'on ne lui en a pas fait la demande, a cru devoir respecter ce culte en tous les lieux où il fut établi. Cependant les nombreuses Eglises qui honorent, depuis plus de sept siècles, la mémoire du grand Charles, se contentent, par respect pour le martyrologe Romain où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux.
Agostino Cornacchini. Facade de la
Avant l'époque de la Réforme, le nom du Bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos Eglises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen l'avaient conservé jusqu'à nos jours. L'Eglise de Paris le sacrifia, de bonne heure, aux préjugés des Docteurs dont les opinions avancées se manifestèrent dans son Université, dès la première moitié du XVIe siècle.
Plus de trente Eglises, en Allemagne, célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand Empereur ; sa chère Eglise d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Les Vies des Saints publiées en France, même celle de Baillet et de Godescard, n'ont point été infidèles à sa mémoire. Par un étrange retour, l'Université de Paris le choisit pour son Patron en 1661 ; mais sa fête, qui était abrogée depuis plus d'un siècle, ne se releva que comme solennité civile, sans aucune mention dans la Liturgie.
Il n'entre point dans le plan de cet ouvrage de discuter les raisons pour lesquelles un culte a été attribué aux Saints sur lesquels nous réunissons les éloges liturgiques ; on ne doit donc pas attendre de nous une démonstration en forme de la sainteté de Charlemagne. Cependant nous avouerons, en passant, que nous inclinons avec Bossuet, dont la sévérité en morale est assez connue, à croire que les moeurs de Charlemagne furent toujours pures :
" Vaillant, savant, modéré, guerrier sans ambition, et exemplaire dans sa vie, je le veux bien dire en passant, malgré les reproches des siècles ignorants, ses conquêtes prodigieuses furent la dilatation du règne de Dieu, et il se montra très chrétien dans toutes ses oeuvres." (Bossuet, Sermon sur l'unité de l'Eglise.).
Indépendamment du sentiment des auteurs si graves que nous venons de citer, un fait incontestable suffit pour garantir Charlemagne de tout reproche sérieux au sujet de la pluralité des femmes, du moins depuis le renvoi d'Hermengarde, pour reprendre Himiltrude. Le prince avait alors vingt-huit ans. On connaît la sévérité des Pontifes romains sur le respect dû au mariage par les princes. L'histoire du moyen âge est remplie du récit des luttes qu'ils ont soutenues pour venger un point si essentiel de la morale chrétienne contre les monarques même les plus puissants, et quelquefois les plus dévoués à l'Eglise. Comment serait-il possible que saint Adrien Ier, qui siégea de 772 à 795, et fut honoré par Charlemagne comme un père, dont celui-ci requérait l'avis en toutes choses, eût laissé ce prince s'abandonner aux plus graves désordres, sans réclamer, tandis qu'Etienne IV, qui n'a siégé que trois ans, et n'a pas eu la même influence sur Charlemagne, a bien su procurer le renvoi d'Hermengarde ? Comment serait-il possible que saint Léon III, qui a siégé de 795 jusqu'après la mort de Charlemagne, dont il a récompensé la piété en lui mettant sur la tête la couronne impériale, n'eût fait aucun effort pour le détacher des concubines qui auraient succédé à la dernière reine Liutgarde ? Or, nous ne trouvons aucune trace de telles réclamations de la part des deux Pontifes qui ont occupé, à eux seuls, le Saint-Siège pendant plus de quarante ans, et que l'Eglise universelle a placés sur ses autels ; nous sommes donc en droit de conclure que l'honneur de l'Eglise est intéressé dans cette question, et il est de notre devoir de catholiques de n'être pas indifférents à la cause des mœurs de Charlemagne.
Le bienheureux Charlemagne et des écoliers. Karl von Blaas. XIXe.
Quoi qu'il en soit des motifs de conscience qui légitimèrent, aux yeux de ce prince, la répudiation d'Himiltrude, dont il paraît, par la lettre d'Etienne IV, que le mariage avait pu être cassé comme invalide, quoique à tort, Charlemagne trouva, plus tard, dans sa propre conduite, assez de confiance pour insister avec la plus grande énergie contre le crime d'adultère, et même de simple fornication, dans ses Capitulaires. Nous nous contenterons de citer un seul exemple de cette vigueur chrétienne ; et nous demanderons à tout homme de bonne foi s'il eût été possible à un prince compromis lui-même dans ses mœurs, de s'exprimer, non seulement avec cette simplicité tout évangélique, mais encore avec cette assurance d'honnête homme, en présence des évêques et des abbés de son empire, en face des Princes et des Barons dont il voulait contenir les passions, et qui auraient été en mesure d'opposer à ses exhortations et à ses menaces le spectacle humiliant de sa propre conduite :
" Nous défendons, sous peine de sacrilège, dit-il dans un Capitulaire publié sous le pontificat de saint Léon III, l'envahissement des biens de l'Eglise, les injustices de tout genre, les adultères, les fornications, les incestes, les unions illicites, les homicides injustes, etc., par lesquels nous savons que périssent, non seulement les royaumes et les rois, mais encore les simples particuliers. Et comme, par le secours de Dieu, par le mérite et l'intercession des Saints et des serviteurs de Dieu, que nous avons toujours honorés, nous avons acquis jusqu'ici grand nombre de royaumes, et remporté beaucoup de victoires, c'est à nous tous de prendre garde de ne pas mériter de perdre ces biens par les susdits crimes et luxures honteuses. En effet, nous savons que beaucoup de contrées, dans lesquelles ont eu lieu ces envahissements des biens des Eglises, ces injustices, ces adultères, ces prostitutions, n'ont su être ni braves dans la guerre, ni stables dans la foi. Chacun peut, en lisant leurs histoires, connaître comment le Seigneur a permis aux Sarrasins et autres peuples de subjuguer les ouvriers de telles iniquités ; et nous ne doutons pas que semblables choses ne nous arrivassent, si nous ne nous gardions de tels méfaits ; car Dieu a coutume de les venger. Que chacun de nos sujets sache donc que celui qui sera surpris et convaincu de quelqu'un de ces crimes, perdra tous ses honneurs, s'il en a ; qu'il sera mis en prison, jusqu'à ce qu'il se soit amendé et qu'il ait fait la satisfaction d'une pénitence publique ; et aussi qu'il sera séparé de toute société des fidèles, tant nous devons craindre la fosse dans laquelle nous savons que d'autres sont tombés."
Charlemagne eût-il tenu ce langage, si, comme on l'a prétendu, sa vieillesse eût été livrée à la débauche, au temps même où il publiait ce Capitulaire, c'est-à-dire après la mort de Liutgarde ?
Quand bien même on admettrait que ce grand prince eût commis des fautes, c'est aux premières années de son règne qu'il faudrait les reporter; alors il serait juste, en même temps, de considérer dans le reste de sa vie les traces admirables de la plus sincère pénitence. N'est-ce pas un spectacle merveilleux que devoir un si grand guerrier, parvenu à la monarchie universelle, s'exercer continuellement, non seulement à la sobriété, si rare dans sa race, mais encore à des jeûnes comparables à ceux des plus fervents solitaires, porter le cilice jusqu'à la mort, assister de jour et de nuit aux Offices de l'Eglise, jusque dans ses campagnes, sous la tente ; secourir par l'aumône, qui, comme parle l'Ecriture, couvre la multitude des péchés, non seulement tous les pauvres de ses Etats, qui venaient implorer sa charité, mais jusqu'aux chrétiens de l'Afrique, de l'Egypte, de la Syrie, de la Palestine, en faveur desquels il épuisa souvent ses trésors ? Mais, ce qui dépasse tout, et nous découvre dans Charlemagne, d'un seul trait, l'ensemble des vertus chrétiennes que l'on peut désirer dans un prince, c'est qu'il ne parut avoir reçu le pouvoir suprême que pour le faire servira l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre. Si l'on cherche un autre mobile dans tout ce qu'il a fait par ses victoires et par sa législation, on ne le trouvera pas.
Antoine Coysevox. Eglise Saint-Louis des Invalides. XVIIe.
Cet homme qui tenait en sa main, non seulement la France, mais encore la Catalogne, la Navarre et l'Aragon ; la Flandre, la Hollande et la Frise ; les provinces de la Westphalie et de la Saxe, jusqu'à l'Elbe ; la Franconie, la Souabe, la Thuringe et la Suisse ; les deux Pannonies, c'est-à-dire l'Autriche et la Hongrie, la Dacie, la Bohème, l'Istrie, la Liburnie, la Dalmatie et jusqu'à l'Esclavonie ; enfin toute l'Italie jusqu'à la Calabre-Inférieure ; cet homme, disons-nous, est le même qui s'intitulait ainsi dans ses Capitulaires :
" Moi, Charles, par la grâce de Dieu et le don de sa miséricorde, Roi et gouverneur du Royaume des Français, dévot défenseur de la sainte Eglise de Dieu, et son humble champion."
Tant d'autres, moins puissants que lui, et qu'on sait encore admirer malgré leurs crimes, dont on dissimule avec tant d'art les dépravations, n'ont vécu, pour ainsi dire, que pour l'asservissement de l'Eglise. On a vu jusqu'à des princes pieux tenter de mettre la main sur sa liberté ; Charles l'a toujours respectée comme l'honneur de sa propre mère. C'est lui qui, marchant sur les traces de Pépin son père, a préparé généreusement l'indépendance du Siège Apostolique. Jamais les Pontifes Romains n'eurent de fils plus dévoué et plus obéissant. Bien au-dessus des jalousies de la politique, il rendit au clergé et au peuple les élections épiscopales qu'il avait trouvées aux mains du prince. Ses conquêtes eurent pour principale intention d'assurer la propagation de la foi chez les nations barbares ; on le vit entrer en Espagne pour affranchir les Chrétiens opprimés par les Sarrasins. Il voulut resserrer les liens des Eglises de son Royaume avec le Siège Apostolique, en établissant pour jamais dans tous les Etats de sa domination la Liturgie romaine. Dans sa législation tout entière, rendue dans des assemblées où les Evêques et les Abbés avaient la prépondérance, on ne trouve aucune trace de ces prétendues Libertés Gallicanes, qui consistent dans l'intervention du prince ou du magistrat civil en des matières purement ecclésiastiques.
" Charles eut tant d'amour pour l'Eglise Romaine, que le principal article de son testament fut de recommander à ses successeurs la défense de l'Eglise de saint Pierre, comme le précieux héritage de sa maison, qu'il avait reçu de son père et de son aïeul, et qu'il voulait laisser à ses enfants. Ce même amour lui fit dire, ce qui fut répété depuis par tout un Concile, sous l'un de ses descendants, que quand cette Eglise imposerait un joug à peine supportable, il le faudrait souffrir." (Bossuet, Sermon sur l'Unité de l'Eglise.).
D'où pouvait donc provenir cette modération sublime, avec laquelle Charlemagne inclinait son glaive victorieux devant la force morale, cet apaisement des mouvements de l'orgueil qui croit ordinairement en proportion de la puissance, si ce n'est de la sainteté ? L'homme seul, sans le secours d'une grâce qui habite son cœur, n'arrive point à cette élévation, et surtout n'y demeure pas durant une vie entière. Charlemagne a donc été choisi par l'Emmanuel lui-même pour être la plus admirable représentation du prince chrétien sur la terre ; et les cœurs catholiques aimeront à proclamer sa gloire en présence de l'Enfant qui vient régner sur toutes les nations, pour les régir dans la sainteté et la justice. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter du ciel l'idée de la royauté chrétienne ; et nous sommes encore à chercher dans l'histoire l'homme qui l'aurait conçue et réalisée avec autant de plénitude et de majesté que Charles le Victorieux, toujours Auguste, couronné de Dieu.
Sceptre de Charlemagne. Réalisé pour le sacre de Charles VI. XIVe.
Le Bienheureux Charles eut pour père Pépin, qui était fils du duc de Brabant, et qui fut dans la suite élu au trône de France, et pour mère Bertrade, fille de l'Empereur des Grecs. Il se montra digne, par ses hauts faits et son zèle pour la Religion chrétienne, d'être surnommé le Grand ; et un Concile de Mayence lui donna le titre de Très Chrétien. Après avoir expulsé les Lombards de l'Italie, il fut le premier qui mérita d'être couronné Empereur, par les mains du Pape Léon III.
A la prière d'Adrien, prédécesseur de Léon, il entra en Italie avec une armée et rendit à l'Eglise son patrimoine, et l'Empire à l'Occident. Il vengea le Pape Léon des violences des Romains qui l'avaient traité injurieusement, durant la grande Litanie, et chassa de la ville ceux qui s'étaient rendus coupables de ce sacrilège. Il fit beaucoup de règlements pour la dignité de l'Eglise ; entre autres il renouvela cette loi, ordonnant que les causes civiles seraient remises au jugement de l'Eglise, lorsque l'une des parties le demanderait. Quoiqu'il fût de mœurs très douces, il réprimait cependant les vices avec une grande sévérité, surtout l'adultère et l'idolâtrie, et établit des tribunaux particuliers revêtus d'un pouvoir étendu, qui, jusqu'à ce jour, existent encore dans la Basse-Saxe.
Après avoir combattu trente-trois ans contre les Saxons, il les soumit enfin, et ne leur imposa d'autre loi que de se faire chrétiens ; il obligea à perpétuité les possesseurs de terres à élever des croix de bois dans leurs champs, afin de confesser ouvertement leur foi au Christ. Il purgea la Gascogne, l'Espagne et la Galice des idolâtres qui s'y trouvaient, et il remit en honneur le tombeau de saint Jacques, comme il l'est aujourd'hui.
Sacre du bienheureux Charlemagne.
Dans la Hongrie, pendant huit ans entiers, il soutint le Christianisme par ses armes ; et il se servait contre les Sarrasins de cette lance toujours victorieuse dont un soldat avait ouvert le côté du Christ. Dieu favorisa de plusieurs prodiges tant d'efforts pour l'extension de la foi : ainsi les Saxons qui assiégeaient Sigisbourg, frappés de terreur par la main de Dieu, prirent la fuite ; et, dans la première révolte de ce peuple, il sortit de terre un fleuve abondant qui désaltéra l'armée des Francs privée d'eau depuis trois jours.
Un si grand Empereur se montrait vêtu d'un habit qui le distinguait à peine du peuple ; presque habituellement il portait le cilice ; et ce n'était qu'aux principales fêtes de Jésus-Christ et des Saints que l'or paraissait sur lui. Il défrayait les pauvres et les pèlerins, tant dans son propre palais que dans les autres contrées, par les aumônes qu'il, envoyait de toutes parts. Il bâtit vingt-quatre Monastères, et remit à chacun ce qu'on appelait îa bulle d'or, du poids de deux cents livres. Il établit deux Sièges Métropolitains et neuf Evêchés. Il construisit vingt-sept Eglises ; enfin, il fonda deux Universités, celle de Pavie et celle de Paris.
Comme Charles cultivait les lettres, il employa le docteur Alcuin pour l'éducation de ses enfants dans les sciences libérales, avant de les former aux armes et à la chasse. Enfin la soixante-huitième année de son âge, après avoir fait couronner et élire roi Louis son fils, il se donna tout entier à la prière et à l'aumône. Sa coutume était de se rendre à l'Eglise le matin et le soir, souvent même aux heures de la nuit ; car ses délices étaient d'entendre le chant grégorien, qu'il établit le premier en France et en Germanie, après avoir obtenu des chantres d'Adrien Ier.
Statue de saint Charlemagne. Parvis de la cathédrale Notre-Dame.
Il eut soin aussi de faire transcrire en tous lieux les hymnes de l'Eglise. Il écrivît les Evangiles de sa propre main, et les conféra avec les exemplaires grecs et syriaques. Il fut toujours très sobre dans le boire et dans le manger, ayant coutume de traiter les maladies par le jeûne, qu'il prolongea quelquefois jusqu'à sept jours. Enfin, après avoir beaucoup souffert de la part des méchants, il tomba malade en la soixante-douzième année de son âge.
Ayant reçu la sainte communion des mains de l'Evêque Hildebalde, et fait lui-même, sur chacun de ses membres, le signe de la croix, il récita ce verset :
" Je remets, Seigneur, mon esprit entre vos mains ", et rendit son âme à Dieu le cinq des calendes de février, plein de nombreux mérites. Il fut enseveli dans la Basilique d'Aix-la-Chapelle, qu'il avait bâtie et enrichie de reliques des Saints. Il y est honoré par la piété et l'affluence des pèlerins, et par les faveurs que Dieu accorde à son intercession. Sa fête est célébrée dans la plupart des diocèses d'Allemagne, du consentement de l'Eglise, depuis le pontificat d'Alexandre III, comme celle du principal propagateur de la foi dans le Nord.
HYMNE
L'Hymne suivante fait partie de l'Office du Bienheureux Charlemagne, d'où sont tirées les Leçons qu'on vient de lire :
Reliquaire de saint Charlemagne. Trésor d'Aix-la-Chapelle.
" Ô Roi triomphateur de l'univers, Empereur des rois de la terre, du séjour des bienheureux, daignez écouter nos gémissements.
Par vos prières la mort s'enfuit, les maladies s'éloignent, la vie est rendue ; vous désaltérez ceux qui ont soif, vous purifiez les nations par le baptême.
Votre prière renverse les murailles que l'art et la nature rendaient inexpugnables ; aux nations que vous avez vaincues, vous enseignez à porter le joug suave du Christ.
Ô digne serviteur du ciel, serviteur prudent et fidèle ! Du sein des camps, vous êtes monté aux cieux, vous êtes allé au séjour de la paix.
De votre épée frappez le rocher ; faites-en sortir pour nous une fontaine vive; implorez Dieu pour nous, par vos pieuses prières, et rendez-le clément envers nous.
Gloire et louange à la Trinité, honneur à l'Unité, qui, dans la vertu souveraine, règnent d'un droit égal.
Amen."
ANTIENNE
Cette Antienne appartient à la même Liturgie :
Ant. " Espoir des affligés, terreur des ennemis, douceur pour les vaincus, règle de vertu, sentier du droit, forme du salut, Ô Charles, recevez les pieux hommages de vos serviteurs."
SÉQUENCE
Parmi les Séquences consacrées à notre grand Empereur, nous trouvons la suivante, extraite d'un ancien Missel d'Aix-la-Chapelle :
" Joyeuse ". Epée du bienheureux Charlemagne ;
" Cité d'Aix, cité royale, siège principal de la royauté, palais préféré de nos princes ;
Chante gloire au Roi des rois, aujourd'hui que tu célèbres la mémoire du grand roi Charles.
Que notre chœur chante dans l'allégresse, que le clergé fasse entendre le mélodieux accord des voix.
Quand la main est occupée aux bonnes œuvres, le cœur médite douce psalmodie.
En ce jour de fête, que l'Eglise honore les grands gestes du grand Roi.
Rois et peuples de la terre, que tous applaudissent d'un concert joyeux.
Charles est le fort soldat du Christ, le chef de l'invincible cohorte ; à lui seul il renverse dix mille combattants.
De l'ivraie il purge la terre ; il affranchit la moisson, en sarclant de son glaive cette herbe maudite.
C'est là le grand Empereur, bon semeur d'une bonne semence, et prudent agriculteur.
Il convertit les infidèles, il renverse temples et dieux ; sa main brise les idoles.
Il dompte les rois superbes, il fait régner les saintes lois avec la justice ;
La justice : mais il lui donne pour compagne la miséricorde.
Il est sacré de l'huile de liesse, par un don de grâce, plus que tous les autres rois.
Avec la couronne de gloire, il reçoit les insignes de l'Impériale Majesté.
Ô Roi triomphateur du monde, toi qui règnes avec Jésus-Christ, Ô père saint ! Ô Charles ! Sois notre intercesseur ;
Afin que, purs de tout péché, dans le royaume de la lumière, nous, ton peuple, soyons les habitants du ciel avec les bienheureux.
Etoile de la mer, Ô Marie, salut du monde, voie de la vie ! Dirige nos pas vacillants et donne-nous accès auprès du Roi suprême, dans la gloire sans fin.
Ô Christ ! splendeur du Dieu Père, fils de la Mère immaculée, par ce Saint dont nous fêtons le jour, daigne nous accorder l'éternelle joie.
Amen."
COLLECTE
Nous conclurons les hommages rendus par les diverses Eglises au Bienheureux Charlemagne, en donnant ici la Collecte de sa fête :
Statuette équestre de Charlemagne.
" Ô Dieu, qui, dans la surabondante fécondité de votre bonté, avez décoré du manteau de la glorieuse immortalité le bienheureux Empereur Charlemagne, après qu'il a eu déposé le voile de la chair : accordez à nos prières de mériter pour pieux intercesseur dans les cieux, celui que vous avez élevé sur la terre à l'honneur de l'Empire, pour la propagation de la vraie foi. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
Dans ces jours où nous célébrons le divin enfantement de la Reine des deux, vous lui présentez le temple gracieux et magnifique que vous élevâtes en son honneur, et qui fait encore sur la terre notre admiration. C'est dans ce saint lieu que vos pieuses mains placèrent les langes de son divin Fils ; en retour, l'Emmanuel a voulu que vos ossements sacrés y reposassent avec gloire, afin d'y recevoir les témoignages de la vénération des peuples. Glorieux héritier de la foi des trois Rois de l'Orient, présentez-nous à Celui qui daigna revêtir ces humbles tissus. Demandez pour nous une part de cette humilité avec laquelle vous aimiez à vous incliner devant la crèche, de cette pieuse joie que goûtait votre cœur dans les solennités que nous célébrons, de ce zèle ardent qui vous fit entreprendre tant de travaux pour la gloire du Fils de Dieu, de cette force qui ne vous abandonna jamais dans la recherche de son Royaume.
Antoine Etex. Palais du Luxembourg. Hémicycle du Sénat. Paris. XIXe.
Puissant Empereur, qui fûtes autrefois l'arbitre de la famille européenne réunie tout entière sous votre sceptre, prenez en pitié cette société qui s'écroule aujourd'hui de toutes parts. Après mille ans, l'Empire que l'Eglise avait confié à vos mains est tombé : tel a été le châtiment de son infidélité envers l'Eglise qui l'avait fondé. Mais les nations sont restées, et s'agitent dans l'inquiétude. L'Eglise seule peut leur rendre la vie par la foi ; seule, elle est demeurée dépositaire des notions du droit public ; seule, elle peut régler le pouvoir, et consacrer l'obéissance. Faites que le jour luise bientôt, où la société rétablie sur ses bases cessera de demander aux révolutions l'ordre et la liberté.
Arrêtez les progrès des faux empires qui s'élèvent au Nord sur le schisme et l'hérésie, et ne permettez pas que les peuples du Saint Empire Romain deviennent à jamais leur proie."
Son corps fut solennellement enterré dans la cathédrate qu'il avait fait bâtir, et trois cent cinquante-un ans après, il fut levé de terre par les soins de Frédéric Ier, Barberousse, et son chef fut transféré à Osnabruck où il avait fondé une école religieuse de littératures grecque et latine. L'essentiel des reliques restèrent à Aix-la-Chapelle où elles sont toujours conservées.
Dans nos églises de France nous ne nous faisons aucun scrupule de donner le titre de saints et d'honorer comme tels un nombre considérable d'évêques sur la sainteté desquels aucun décret n'a été rendu par personne et dont le culte n'est jamais sortit de la limite de leurs diocèses ; les nombreuses églises qui honorent, depuis près de sept siècles, la mémoire du grand empereur Charlemagne, se contentent, par respect pour le Martyrologe romain, où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux. Pour ne citer qu'un exemple, une église lui est encore dédiée dans l'ancien diocèse de Sarlat, en Périgord.
Avant l'époque de la Réforme, le nom du bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos églises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen sont les seuls qui l'aient conservé aujourd'hui. Plus de trente églises en Allemagne célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand empereur ; sa chère église d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Il est conservé dans une châsse de vermeil. Un de ses bras est dans un reliquaire à part. On trouve dans la grosseur des os de ce bras la preuve de ce que les auteurs racontent sur la haute taille et la force corporelle du grand empereur. Dans le trésor de la même église se trouve aussi son cor de chasse, et dans une galerie, le siège de pierre sur lequel il était assis dans son tombeau.
On sait que c'est sur ce siège que les empereurs d'Allemagne étaient installés, le jour de leur couronnement.
L'Université de Paris le choisit pour patron en 1661.
Plusieurs Martyrologes de France, d'Allemagne et de Flandre font mémoire de saint Charlemagne le 28 janvier, Ferrarius ne l'a pas oublié dans son supplément des Saints qui ne sont pas dans le Martyrologe romain, non plus qn'Usoald ni Molan. Nous avons tiré ce que nous en avons dit en ce recueil, d'Eginhard, qui a été son chancelier et qui se fit religieux de l'Ordre de Saint-Benoît, après la mort de son mattre, et des autres mémoires que Bollandus rapporte dans le second tome des Actes des Saints, où l'on peut voir quelques miracles qui ont été faits par les mérites de notre saint roi. Sur la vie de saint Charlemagne, en peut encore consulter ce qu'en a écrit le bienheureux Notker, moine de Saint-Gall, au IXe siècle.
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samedi, 27 janvier 2024
27 janvier. Saint Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople, Docteur de l'Eglise. 407.
" Il avait pris pour devise ces paroles de saint Paul :
" Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu."
Et encore :
" Ce qui ne peut être fait pour Dieu, il ne faut pas le faire."
Dans la joie comme dans la douleur, il répétait :
"Dieu soit loué pour toute les choses ! Que le nom du Seigneur soit béni à jamais !"
Jean, surnommé Chrysostome - bouche d'or, à cause de la force et de la beauté de son éloquence (ce surnom lui fut donné au plus tard juste après sa mort, puisqu'on le trouve dans les écrits de saint Ephrem d'Antioche, de Théodoret et de Cassiodore) -, naquit à Antioche, de parents nobles. Son père se nommait Second et était maître de la cavalerie ou premier commandant des troupes de l'empire en Orient, et sa mère Anthuse ou Anthura. Devenue veuve à l'âge de 20 ans, cette femme pieuse et vertueuse ne voulut point passer à de secondes noces. Elle se chergea elle-même de faire l'éducation chrétienne de notre saint et de sa soeur dont l'histoire ne nous a pas conservé le nom.
Quand il eut étudié la philosophie, il la délaissa pour s'adonner à la lecture des choses de Dieu. Après sa promotion à la prêtrise, le zèle qu'il avait pour la chasteté le faisait passer pour trop sévère, et il penchait plus vers l’emportement que vers la mansuétude ; la raideur de sa conduite ne lui laissait pas la ressource de prendre des précautions pour l’avenir. Dans ses conversations il était regardé comme arrogant par les ignorants. Ses leçons étaient solides, ses explications exquises. Il était fort habile pour diriger les âmes.
Ce fut sous le règne d'Arcadius et d'Honorius et du temps que Damase occupait le siège de Rome qu'il fut ordonné évêque. En voulant corriger tout d'un coup la vie des clercs, il s'attira la haine de tous. Ils l’évitaient comme un furieux et ils le calomniaient auprès de tout le monde : sous prétexte qu'il n'invitait jamais personne à sa table et qu'il ne voulait recevoir aucune invitation, ils avançaient qu'il en agissait ainsi parce qu'il mangeait d'une manière sale. D'autres disaient tout haut que c'était parce qu'il usait seulement de mets choisis et délicats ; et en réalité c'était pour faire abstinence ; et comme il souffrait souvent de l’estomac et de la tête, il évitait les repas somptueux. Le peuple, à cause des sermons qu'il prêchait à l’église, l’aimait beaucoup et ne tenait aucun cas de ce que les envieux pouvaient répandre contre lui. Jean s'appliqua encore à reprendre quelques-uns des grands, et il en résulta que l’envie redoubla de violence contre lui.
Saint Jean Chrysostome écrivant. Bible. Byzance. XIe.
Un autre fait souleva extraordinairement tout le monde. Eutrope, ministre de l’empereur, et jouissant de la dignité consulaire, voulant instrumenter contre ceux qui cherchaient un asile dans les églises, prit tous les moyens de faire porter, par l’empereur, une loi par laquelle personne ne pourrait s'y réfugier à l’avenir, et de plus que ceux qui s'y étaient réfugiés depuis longtemps, en seraient arrachés. Or, peu de jours après, Eutrope ayant offensé l’empereur, s'empressa de se réfugier dans l’église ; et l’évêque qui le sut vint trouver cet homme qui se cachait sous l’autel, et dans une homélie qu'il fit contre lui, il lui adressa les reproches les plus durs ; ceci offensa bien des gens parce que loin d'user de miséricorde à l’égard d'un malheureux, il ne s'abstint pas de lui adresser des réprimandes.
L'empereur fit enlever Eutrope qui eut la tête tranchée. Pour différents motifs, il se laissait aller à attaquer une certaine quantité de personnes, ce qui le rendit généralement odieux. Or, Théophile, évêque d'Alexandrie, voulait déposer Jean et prenait tous les moyens pour mettre à sa place par intrusion un prêtre nommé Isidore : c'est pourquoi il cherchait avec soin des motifs de déposition. Cependant le peuple prenait la défense de Jean dont il écoutait avec une admirable avidité toutes les instructions. Jean forçait aussi les prêtres à vivre selon la discipline ecclésiastique, et il disait que celui-là ne devait pas jouir de l’honneur attaché au sacerdoce qui ne daignerait pas en pratiquer les lois. Ce n'était pas seulement la ville de Constantinople que le saint gouvernait avec courage, mais il établissait encore des lois sages dans plusieurs provinces circonvoisines, en s'aidant de l’autorité impériale.
Saint Jean Chrysostome et saint Basile.
Quand il eut appris que l’on offrait encore des sacrifices aux démons dans la Phénicie, il y envoya des clercs et des moines, et fit détruire tous les temples des idoles. En ce temps-là, existait un certain Gaymas, Celte d'origine, barbare dans ses projets, extrêmement emporté par des goûts tyranniques, infecté de l’hérésie arienne, et cependant il avait été créé officier dans l’armée. Il pria l’empereur de lui donner pour soi et pour les siens une église dans l’intérieur de la ville. L'empereur le permit, et pria Jean de céder une église à Gaymas, espérant ainsi mettre un frein à sa tyrannie. Mais Jean, rempli d'un courage extraordinaire et enflammé de zèle, dit à l’empereur :
" Prince, veuillez ne pas permettre cela, et lie donnez pas les choses saintes aux chiens ; n'appréhendez rien de ce barbare : commandez qu'on nous fasse venir tous les deux, et écoutez, sans parler, ce qui se dira entre nous : je mettrai un tel frein à sa langue qu'il n'aura pas la présomption de vous renouveler sa demande."
L'empereur, en entendant cela, fut réjoui, et il les manda l’un et l’autre pour le lendemain.
Gaymas ayant réclamé pour lui un oratoire, Jean lui dit :
" Partout la maison de Dieu vous est ouverte, en sorte que personne ne vous empêche de prier."
Gaymas reprit :
" Je suis d'une autre secte, et je demande à avoir un temple pour les miens et pour moi. J'ai entrepris bien des choses pour l’empire romain, c'est, pour cela que je ne dois pas éprouver l’affront d'un refus."
Jean lui dit :
" Vous avez reçu des récompenses plus que n'en méritent vos combats : vous avez été fait commandant des armées, en outre vous avez été orné de la toge consulaire ; et il vous faut considérer ce que vous avez été autrefois et ce que vous êtes aujourd'hui, quelle fut jadis votre pauvreté et quelles sont à présent vos richesses, quels étaient auparavant vos habits, et ceux dont vous vous ornez maintenant. Donc puisque des services de peu de valeur vous ont procuré de si hautes récompenses, ne soyez pas ingrat envers celui qui vous honore."
Par ces paroles, Jean lui ferma la bouche et le força à se taire. Or, pendant que Chrysostome gouvernait avec vigueur la ville de Constantinople, Gaymas qui visait à l’empire, ne pouvant rien faire de jour, envoya pendant la nuit des barbares, pour brûler le palais. On acquit alors la preuve évidente que saint Jean était le gardien de la ville ; car une nombreuse troupe d'anges armés et qui avaient pris un corps, apparut aux Barbares qui furent à l’instant mis en fuite. Quand ils rapportèrent cela à leur maître, celui-ci en fut dans une grande admiration ; car il savait que les troupes étaient en garnison dans d'autres villes. La nuit suivante, il leur donna donc encore le même ordre, et ils furent comme la première fois mis en fuite par des anges qu'ils aperçurent. Enfin il y vint lui-même, vit le miracle, et s'enfuit, dans la pensée que des soldats se cachaient pendant le jour et gardaient la cité pendant la nuit. Il quitta Constantinople et vint dans la Thrace où il portait partout le ravage avec une armée nombreuse qu'il avait ramassée. Tout le monde redoutait la férocité de ces barbares.
Saint Jean Chrysostome prêchant. Legenda aurea.
Alors l’empereur chargea saint Jean de l’office de légat auprès de Gaymas. Le saint oublia toutes les causes d'inimitié et partit avec joie. Gayrnas, tenant compte de la confiance du saint, revint à de meilleurs sentiments, et s'avança fort loin au-devant de lui ; alors il lui prit la main qu'il porta à ses yeux, et commanda à ses enfants de lui baiser les genoux avec respect. Telle était en effet la vertu de Jean qu'il forçait les hommes les plus terribles à s'humilier et à craindre.
Dans le même temps encore, il s'émut une question : c'était de savoir si Dieu a un corps. Cela donna lieu à des contestations et à des luttes ; les uns soutenant une opinion, les autres une autre. Ce fut surtout la classe des simples moines, qui se laissa entraîner à dire que Dieu avait une forme corporelle.
Or, Théophile, évêque d'Alexandrie, pensait le contraire ; en sorte que, dans l’église, il soutenait l’opinion contraire à ceux qui avançaient que Dieu avait une forme humaine, et il prêchait que Dieu est incorporel.
Les moines d'Egypte, ayant eu connaissance de cela, quittèrent leurs retraites et vinrent à Alexandrie où ils excitèrent une sédition contre Théophile, en sorte qu'ils prenaient des mesures pour le tuer.
Quand il le sut, il eut peur et leur dit :
" Comme je vous vois, comme je vois le visage de Dieu."
" Si vous dites vrai, répondirent-ils, que le visage de Dieu soit comme le nôtre, anathématisez donc les livres d'Origène, contraires à notre opinion. Que si vous ne le faites pas, comme vous êtes rebelle envers l’empereur et envers Dieu, vous aurez à endurer des opprobres de notre part."
Et Théophile dit :
" Ne commettez aucune violence contre ma personne, et je ferai tout ce qui vous plaît."
Ce fut ainsi qu'il détourna les moines de l’attaquer. Mais ceux-ci, expérimentés et arrivés à la perfection, ne se laissèrent pas séduire, tandis que les simples, entraînés par l’ardeur de leur foi, s'insurgèrent contre ceux de leurs frères qui croyaient le contraire, et en firent tuer un grand nombre.
Pendant que ces faits se passaient en Egypte, saint Jean brillait à Constantinople par sa doctrine, et passait auprès de tous pour un homme admirable. Or, les ariens, dont le nombre se multipliait beaucoup, et qui avaient une église hors de la ville, s'assemblaient le samedi et le dimanche entre les portes et les portiques, où ils chantaient, pendant la nuit, des hymnes et des antiennes. Quand venait le point du jour, ils traversaient la ville en répétant ces mêmes antiennes et, sortant hors des portes, ils venaient en foule à leur église. Ils ne cessaient d'agir ainsi pour vexer les orthodoxes, car ils répétaient souvent ces paroles :
" Où sont ceux qui disent qu'en trois il n'y a qu'une puissance ?"
Alors saint Jean, dans la crainte que les simples ne se laissassent entraîner par ces chants, institua que tous les fidèles passeraient la nuit à chanter des Hymnes, afin que l’oeuvre des hérétiques fût étouffée et que les fidèles fussent affermis dans leurs pratiques ; de plus, il fit faire des croix d'argent que l’on portait avec des cierges argentés.
Saint Jean Chrysostome faisant des remontrances
Les ariens, excités par la jalousie, s'emportèrent jusqu'à vouloir sa mort : et une nuit Brison, eunuque de l’impératrice, fut frappé d'une pierre. Jean l’avait chargé d'exercer à chanter les hymnes ; il y eut même quelques gens du peuple qui furent tués de part et d'autre. Alors l’empereur ému défendit aux ariens de chanter publiquement leurs hymnes. En ce temps-là, Sévérien, évêque de Gabales, qui était en honneur auprès d'un certain nombre de grands, et chéri par l’empereur lui-même et par l’impératrice, vint à Constantinople, où saint Jean le reçut avec des félicitations ; pendant son voyage en Asie, il lui confia le soin de son église. Mais Sévérien ne se comportait pas avec fidélité et tâchait de s'attirer l’estime du peuple.
Sérapion, qui était clerc de Jean, s'empressa d'en informer le saint. Or, une fois que Sévérien passait, Séraphin ne se leva pas : alors l’évêque indigné s'écria :
" Si le clerc Sérapion ne meurt pas, Notre Seigneur Jésus-Christ n'est pas né de nature humaine."
Saint Jean, apprenant ces excès, revint et chassa Sévérien de la ville comme un blasphémateur. Cela déplut beaucoup à l’impératrice qui fit rentrer l’évêque en priant saint Jean de se réconcilier avec lui : mais le saint n'y consentit en aucune manière : jusqu'au moment où l’impératrice mit son fils Théodose sur les genoux de Jean, en le suppliant, en le conjurant de faire la paix avec Sévérien.
Dans le même temps encore, Théophile, évêque d'Alexandrie, chassa injustement Dyoscore, un très saint homme, et Isidore qui était auparavant un de ses grands amis. Ceux-ci vinrent à Constantinople pour raconter au prince et à Jean ce qui s'était passé. Or, Jean les traita honorablement, mais il ne voulut pas les recevoir en sa communion avant de connaître l’état des choses.
Cependant un faux bruit parvint à Théophile, que Jean était en communion avec eux, et qu'il leur donnait aide. Alors Théophile indigné ne se contenta pas d'exercer sa vengeance contre eux, mais il s'arma de toutes pièces pour déposer Jean. Il dissimula donc son intention et il envoya des messages aux évêques de chaque ville pour annoncer qu'il voulait condamner les livres d'Origène.
Epiphane, évêque de Chypre, très saint et très illustre personnage, se laissa circonvenir par Théophile qui s'en fit un ami, et qu'il pria de condamner aussi lui-même les livres d'Origène. Epiphane, dont la sainteté ne découvrait pas ces ruses, convoqua ses évêques à Chypre et interdit la lecture d'Origène ; il adressa des lettres à saint Jean par lesquelles il le priait de s'abstenir à l’avenir de lire ces ouvrages, et de confirmer les décisions qui avaient été prises.
Concile dit du Chêne à la suite duquel l'empereur Arcade,
Mais Jean, qui fit peu de cas de cette démarche, s'appliquait aux soins du ministère ecclésiastique où il excellait, et ne s'inquiétait aucunement de ce qu'on pouvait machiner contre lui. Enfin Théophile dévoila cette haine qu'il avait longtemps cachée, et fit connaître qu'il voulait déposer Jean. Aussitôt les ennemis du saint, un grand nombre de clercs, et les seigneurs du palais, trouvant l’occasion favorable, usèrent de toutes sortes de moyens pour faire assembler contre Jean un concile à Constantinople. Après quoi, Epiphane vint en cette ville portant avec soi le décret de condamnation d'Origène ; mais il ne voulut pas accepter l’invitation de Jean, en considération de Théophile.
Or, quelques-uns, par respect pour Epiphane, souscrivirent à la condamnation des livres d'Origène ; beaucoup cependant refusaient de le faire. L'un de ces derniers fut Théotin, évêque de Sicée, homme très recommandable par la droiture de sa conduite, qui répondit ainsi :
" Pour moi, Epiphane, je ne veux pas faire injure à qui est mort depuis longtemps dans la justice, et je n'ai pas la présomption de m’exposer à commettre un sacrilège en condamnant ce que nos devanciers n'ont pas voulu flétrir ; car je ne vois pas qu'il se trouve une mauvaise doctrine dans ses livres. Ceux qui s'attachent à les mépriser ne se connaissent pas eux-mêmes. Athanase le défenseur du concile de Nicée, invoque le témoignage de ce grand homme en faveur de la foi ; il met ses livres avec les siens quand il dit :
" L’admirable et infatigable Origène nous apporte ce témoignage du Fils de Dieu, alors qu'il affirme qu'il est coéternel au Père."
Jean conçut de l’indignation de ce que, contre tous les règlements, Epiphane fit une ordination dans son église ; cependant il le priait de demeurer avec lui parmi les évêques. Mais Epiphane répondit qu'il ne voulait ni rester, ni prier avec lui, à moins qu'il ne chassât Dyoscore et qu'il ne souscrivît à la condamnation des livres d'Origène. Jean refusant de le faire, Epiphane fut excité contre lui par ceux qui lui portaient envie. Epiphane alors condamna les livres d'Origène et porta un jugement contre Dyoscore ; ensuite il commença à détracter Jean comme leur adversaire.
St Jean Chrysostome. Liturgiae graece et arabice. XVIe.
Alors Jean lui manda ce qui suit :
" Vous avez agi, Epiphane, en beaucoup de cas contre les règles ; d'abord vous avez fait une ordination dans une église placée sous ma juridiction ; ensuite de votre autorité, privée, vous y avez célébré les saints mystères ; en outre quand je vous ai invité, vous vous êtes excusé ; et en dernier lieu maintenant, vous ne vous en rapportez qu'à vous-même.
Or, prenez garde qu'une sédition ne s'élève parmi le peuple, et que le péril n'en retombe sur vous."
Epiphane informé de cela partit, et avant de se mettre eu route pour Chypre, il fit dire à Jean :
" J'espère que vous ne mourrez pas évêque."
Et Jean lui fit tenir cette réponse :
" J'espère que vous ne rentrerez pas dans votre patrie."
C'est ce qui eut lieu, car Epiphane mourut en route, et peu après Jean, déposé de l’épiscopat, finit sa vie dans l’exil.
Au tombeau de cet Epiphane, personnage d'une haute sainteté, les démons sont mis en fuite. Sa générosité envers les pauvres fut prodigieuse. Un jour qu'il avait, donné tout l’argent de l’église sans qu'il lui restât rien, quelqu'un vint tout à coup lui offrir un sac avec beaucoup d'argent et disparut sans qu'on ait su ni d'où il venait, ni où il allait. Quelques pauvres voulurent tromper Epiphane afin qu'il leur donnât l’aumône. L'un d'eux se coucha sur le dos par terre, et, debout auprès de lui, un autre le pleurait comme s'il était mort, et criait piteusement qu'il n'avait pas de quoi le pouvoir ensevelir. Alors Epiphane survint ; il pria pour que le mort dormît en paix ; ensuite, il donna ce qui était nécessaire pour la sépulture, puis après avoir consolé l’autre, il s'en alla.
Alors celui-ci dit à son compagnon en le poussant :
" Lève-toi, allons manger ce due tu as gagné."
Mais après l’avoir remué plusieurs fois, il reconnut qu'il était mort ; il courut alors à Epiphane lui dire ce qui était arrivé, et le pria de ressusciter cet homme. Epiphane le consola avec bonté, mais ne ressuscita pas le mendiant afin qu'on ne se jouât pas facilement des ministres de Dieu.
Exil de saint Jean Chrysostome. Manuscrit latin du XIIIe.
Or, quand Epiphane fut parti, on rapporta à Jean que l’impératrice Eudoxie avait excité Epiphane contre lui. Jean, toujours enflammé de zèle, fit au peuple un discours renfermant toutes sortes de critiques contre les femmes sans exception. Ce sermon fut pris par tout le monde comme une attaque directe contre l’impératrice. Celle-ci, qui en fut instruite, se plaignit à l’empereur en disant que le blâme infligé à sa femme retombait principalement sur lui. L'empereur ému fit célébrer un synode contre Jean. Alors Théophile se hâta de convoquer les évêques ; et tous les ennemis de Jean vinrent en foule avec grande joie, en le traitant d'orgueilleux et d'impie.
Tous les évêques donc réunis à Constantinople ne s'occupaient plus des livres d'Origène, mais se déclaraient ouvertement contre Jean. Ils le firent citer, mais le saint jugea prudent de ne pas se livrer à ses ennemis et déclara qu'il fallait assembler un concile universel. Ils le firent citer encore jusqu'à quatre fois. Or, comme il refusait de comparaître et qu'il réclamait un concile, ils le condamnèrent, sans articuler contre lui d'autre fait qu'ayant été appelé il n'avait pas voulu obéir. Le peuple, qui en fut informé, se livra à une violente sédition ; il ne laissa pas enlever Jean de l’église, mais il demanda hautement que l’affaire fût portée à un concile plus nombreux.
Cependant l’ordre du prince exigeait qu'il fût enlevé par force et qu'il fût déporté en exil. Alors Jean, qui craignait les suites de la sédition, se livra lui-même, à l’insu du peuple, pour être mené en exil. Quand le peuple le sut, il s'éleva une émeute tellement grave que beaucoup de ceux qui étaient les ennemis de Jean, et un instant auparavant désiraient sa déposition, se laissèrent aller à la pitié en proclamant qu'il était victime de la calomnie.
Saint Jean Chrysostome prêchant. Legenda aurea.
Alors Sévérien, dont il a été question plus haut, se mit à détracter Jean dans les instructions qu'il faisait à l’église : il disait que quand bien même il n'y aurait pas d'autre crime à lui imputer, c'était assez de son orgueil pour le déposer. La sédition contre l’empereur et contre les évêques ayant pris d'énormes proportions, Eudoxie pria l’empereur de faire ramener Jean de l’exil. Il se fit encore un violent tremblement de terre dans la ville, et tout le monde disait que cela arrivait parce que Jean avait été injustement chassé.
On envoya donc des ambassadeurs à l’évêque pour le prier de revenir au plus tôt secourir la ville ruinée et calmer la sédition excitée parmi le peuple. Après les premiers on en fit partir d'autres, et après ceux-ci d'autres encore pour le forcer à hâter son retour.
Jean s'y refusait ; cependant ils le ramenèrent le plus vite qu'ils purent. Le peuple tout entier alla à sa rencontre avec des cierges et des lampes. Cependant il ne voulait pas se placer sur son siège épiscopal, en disant que cela ne pouvait se faire sans un jugement synodal et que c'était à ceux qui l’avaient condamné à révoquer leur sentence.
Cependant le peuple était soulevé pour le voir assis sur son siège et pour entendre parler ce saint docteur. Il l’emporta enfin, Jean fut donc forcé d'adresser un discours et de s'asseoir sur son trône épiscopal. Théophile alors prit la fuite. Arrivé à Hiérapolis, l’évêque de cette ville vint à mourir, et on élut Lamon, qui était un moine d'une haute sainteté. Il refusa à plusieurs reprises, mais Théophile lui conseillant d'accepter, Lamon le promit en disant :
" Demain, il en sera ce qu'il plaît au Seigneur."
Le lendemain, on vint à sa cellule le conjurer de recevoir l’épiscopat :
" Prions auparavant le Seigneur, dit-il."
Et pendant. qu'il priait, il rendit le dernier soupir.
Jean cependant instruisait son peuplé avec assiduité. Or, dans le même temps, on avait élevé, sur la place qui se trouvait vis-à-vis de l’église de Sainte-Sophie, une statue d'argent revêtue d'une chlamyde, en l’honneur de l’impératrice Eudoxie ; les soldats et les grands y célébraient des jeux publics : ce qui déplaisait fort à Jean parce qu'il voyait en cela un outrage à l’Eglise.
St Jean Chrysostome et saint Cyrille d'Alexandrie.
Il compta assez sur ses forces pour s'élever, dans ses discours, avec vigueur contre cet abus. Et quand il fallait employer des paroles de supplication pour détourner les seigneurs de se livrer à ces jeux, il ne le fit pas, mais il usa de toute l’impétuosité de son éloquence pour maudire ceux qui commandaient de pareils excès. L'impératrice, qui regardait tout cela comme une injure personnelle, travaillait de nouveau à faire célébrer encore un concile contre lui. Jean qui le pressentit prononça dans l’église cette fameuse homélie commençant par ces mots :
" Hérodiade est encore en délire, elle est encore agitée, elle danse encore, elle demande encore une fois qu'on lui donne la tête de Jean dans un plat."
Ce fait excita bien davantage la colère de l’impératrice. Alors un homme voulut tuer Jean ; or, le peuple surprit l’assassin et le traîna devant le juge ; mais le préfet se saisit de lui afin qu'il ne fût pas massacré. Le serviteur d'un prêtre voulut aussi se jeter sur lui et tenter de le tuer, mais il en fut empêché par un particulier qui fut égorgé par l’assassin, ainsi qu'un autre qui se trouvait là. On se mit alors à crier, et comme la foule accourait, il en massacra encore plusieurs. Dès ce moment, Jean fut protégé par le peuple qui montait la garde jour et nuit dans sa maison.
Par les conseils de l’impératrice, les évêques s'assemblèrent à Constantinople et les accusateurs de Jean s'opiniâtrèrent de plus en plus. La fête de la naissance du Seigneur étant survenue, l’empereur fit dire à Jean que, s'il ne se justifiait pas des crimes dont on l’accusait, il ne communiquerait pas avec lui.
Cependant les évêques ne trouvèrent rien à lui reprocher, si ce n'est qu'après sa déposition, il avait osé siéger dans sa chaire sans le décret d'un concile. Et ainsi, ils le condamnèrent. Enfin, à l’approche de la fête de Pâques, l’empereur lui manda qu'il ne pouvait rester dans l’église avec un homme condamné par deux conciles. Jean se tint donc à l’écart et il ne descendait plus du tout dans l’église. Ceux qui tenaient pour lui étaient appelés Johannites. Cependant l’empereur le fit ensuite chasser de la ville et conduire en exil dans une petite ville sur les limites du Pont et de l’empire romain, pays voisin de cruels barbares. Mais dans sa clémence, le Seigneur ne permit pas longtemps que l’un de ses plus fidèles athlètes restât dans de pareils lieux.
Le pape Innocent, qui apprit cela, en fut contristé ; et voulant célébrer un concile, il écrivit au clergé de Constantinople de ne pas donner un successeur à Jean. Mais le saint, fatigué par la longueur de la route et tourmenté très violemment de douleurs de tête, souffrait encore de l’insupportable chaleur du soleil. Cette sainte âme fut déliée de son corps à Comanes, le IIe jour du mois de septembre. A sa mort, une grêle violente tomba sur Constantinople et sur tous ses faubourgs ; chacun disait que c'était le fait de la colère de Dieu parce que Jean avait été condamné injustement.
La mort de l’impératrice, arrivée aussitôt après, confirma ces dires : car elle mourut quatre jours après la grêle. Quand le docteur de l’univers fut mort, les évêques d'Occident ne voulurent plus rester en communion avec ceux d'Orient, jusqu'à ce que son très saint nom eût été rétabli sur les dyptiques avec ceux des évêques, ses prédécesseurs. Cependant Théodose, fils très chrétien de l’empereur Arcade, qui avait hérité de la piété et, du nom de son aïeul, fit transporter dans la cité impériale les saintes reliques de ce docteur, dans le mois de janvier. Le peuple, toujours resté fidèle à son évêque, alla au-devant avec des lampes et des cierges.
Alors Théodose se prosterna devant les reliques du saint, en le suppliant de pardonner à Arcade, son père, et à Eudoxie, sa mère, comme ayant péché par ignorance ; ils étaient morts depuis longtemps. Ce Théodose porta si loin la clémence ; qu'il ne laissa mourir aucun criminel de lèse-majesté, et il disait :
" Plût à Dieu qu'il me fût possible plutôt de rappeler les morts à la vie."
HYMNE
L'Eglise Grecque emploie tout son enthousiasme liturgique, dans les Menées, pour exalter la gloire de son grand Docteur. Nous lui emprunterons quelques strophes :
" Célébrons, dans des hymnes mélodieuses la trompette d'or, l'orgue au souffle divin, l'inépuisable mer de la science, l'appui de l'Eglise, l'intelligence céleste, l'abîme de sagesse, la coupe dorée, de laquelle découlent, à flots de miel, les fleuves de doctrine qui arrosent toute créature.
Honorons dignement Jean le Chrysologue, l'astre sans couchant, qui illumine des rayons de la doctrine tout ce qui est sous le soleil, le prédicateur de la pénitence, l'éponge d'or qui sèche l'humidité du désespoir funeste dans les âmes, et qui humecte de rosée le cœur desséché par le péché.
Glorifions dans nos cantiques Chrysostome, l'Ange de la terre, l'homme céleste, la lyre éloquente aux sons variés, le trésor des vertus, la pierre immobile, la forme des fidèles, l'émule des Martyrs, le compagnon des saints Anges, le commensal des Apôtres.
La grâce est répandue sur tes lèvres, Ô Père saint, Jean Chrysostome ! car Dieu t'a sacré Pontife de son peuple, pour paître son troupeau dans la sainteté et la justice. Ceint du glaive de la puissance, tu as tranché les discours insensés de l'hérésie ; aujourd'hui prie sans cesse afin que le monde soit dans la paix, et que nos âmes soient sauvées.
Richement ornée de tes discours d'or, comme d'un or pur, Ô Jean Chrysostome, l'Eglise, dans la joie de ta fête, s'écrie : " Je me suis rassasiée dans tes pâturages où croît l'or, désaltérée à tes courants où l'or coule avec le miel ; tes exhortations me font passer de l'action à la contemplation, et m'unissent au Christ, mon Epoux spirituel, pour régner avec lui " ; c'est pourquoi nous qui sommes réunis pour célébrer ta mémoire, nous te crions : Ne te lasse pas de prier pour le salut de nos âmes.
Il convenait que la reine des villes se glorifiât d'avoir possédé Jean, comme l'ornement de sa royauté, d'avoir entendu la trompette d'or, qui fait retentir par toute la terre les dogmes du salut, et qui convoque tous les hommes au concert des cantiques divins. C'est à lui que nous crions : Chrysologue et Chrysostome, supplie le Christ de sauver nos âmes.
Réjouis-toi, père des orphelins, puissant secours de ceux qui souffrent, trésor des pauvres, nourriture de ceux qui ont faim, appui qui relevé les pécheurs, habile médecin des âmes, mesure exacte de la plus haute théologie, interprète des Ecritures, loi lumineuse donnée par l'Esprit-Saint, règle très droite, théorie et pratique de la plus haute sagesse; supplie le Christ d'envoyer à nos âmes une grande miséricorde.
Tu as été un soleil éclatant, illuminant la terre de tes paroles, un astre étincelant, une lampe brillante, un phare sur la mer du monde, appelant au port tranquille du salut, dans la charité, les hommes battus par la tempête, Ô Chrysostome, bouche d'or, avocat de nos âmes.
Dans ta charge pastorale. Père saint, tu as souffert l'injustice, tu as participé aux amères tribulations et aux exils, par lesquels tu t'es rendu digne d'une fin bienheureuse, Ô toi qui, comme un athlète généreux, as surmonté l'artificieux ennemi ; c'est pourquoi le Christ t'a couronné du diadème de la victoire, Ô Jean Chrysostome, avocat de nos prières !"
St Jean Chrysostome. Stéatite rehaussée d'or.
Vous l'avez aimé, ce Verbe, ce Jésus, plus que votre gloire, plus que votre repos, plus que votre vie. Votre mémoire a été poursuivie par les hommes ; des mains perfides ont effacé votre nom des tables de l'autel ; d'indignes passions ont dicté une sentence dans laquelle, comme votre Maître, vous étiez mis au rang des criminels, et vous avez été précipité des degrés de la chaire sacrée. Mais il n'est pas au pouvoir des hommes d'éteindre le soleil, ni d'effacer la mémoire de Chrysostome. Rome vous a été fidèle ; elle a gardé avec honneur votre nom, comme aujourd'hui encore elle garde votre corps sacré, près de celui du Prince des Apôtres. Le monde chrétien tout entier vous proclame comme l'un des plus fidèles dispensateurs de la Vérité divine.
En retour de nos hommages, Ô Chrysostome, regardez-nous du haut du ciel comme vos brebis ; instruisez-nous, réformez-nous, rendez-nous Chrétiens. Comme votre sublime maître Paul, vous ne saviez que Jésus-Christ ; mais c'est en Jésus-Christ que tous les trésors de la science et de la sagesse sont cachés. Révélez-nous ce Sauveur qui est venu à nous, avec tant de charmes et de douceur ; faites-nous connaître son esprit ; enseignez-nous la manière de lui plaire, les moyens de l'imiter ; faites-lui agréer notre amour. Comme vous, nous sommes exilés; mais nous aimons trop le lieu de notre exil ; souvent nous sommes tentés de le prendre pour une patrie. Détachez-nous de ce séjour terrestre, et de ses illusions. Que nous ayons hâte d'être réunis à vous, comme vous fûtes réuni à Basilisque, afin d'être avec Jésus-Christ, en qui nous vous retrouverons pour jamais.
Pasteur fidèle, priez pour nos Pasteurs ; obtenez-leur votre esprit, et rendez leurs troupeaux dociles. Bénissez les prédicateurs de la parole sainte, afin qu'ils ne se prêchent pas eux-mêmes, mais Jésus-Christ. Rendez-nous l'éloquence chrétienne qui s'inspire des Livres saints et de la prière, afin que les peuples, séduits par un langage du ciel, se convertissent et rendent gloire à Dieu. Protégez le Pontife romain dont le prédécesseur osa seul vous défendre ; que son cœur soit toujours l'asile des Evêques persécutés pour la justice.
Rendez la vie à votre Eglise de Constantinople, qui a oublié vos exemples et votre foi. Relevez-la de l'avilissement où elle languit depuis longtemps. Touché enfin par vos prières, que le Christ, Sagesse éternelle, se souvienne de son Eglise de Sainte-Sophie ; qu'il daigne la purifier, et y rétablir l'autel sur lequel il s'immola durant tant de siècles. Aimez toujours les Eglises de l'Occident, auxquelles votre gloire a constamment été chère. Hâtez la chute des hérésies qui ont désolé plusieurs de nos chrétientés, dissipez les ténèbres de l'incrédulité, ranimez la foi parmi nous et faites fleurir les vertus.
Rq : Rappelons que Mgr Wojtila, chef d'une secte schismatique et hérétique qui n'est plus catholique, le 27 novembre 2004, a, en cohérence avec les croyances de ladite nouvelle secte, remis les saintes reliques de saint Jean Chrysostome et celles de saint Grégoire de Naziance - lesquels avaient été soustraites aux barbares turcs pour étre portées à Rome au XIVe siècle - à Bartholomé Ier, patriarche schismatique et hérétique de Constantinople.
Rq : Les onze volumes rassemblant les oeuvres complètes de saint Jean Chrysostome, traduites en français par l'abbé Bareille, fameux et très avisé traducteur, dans les années de 1860 à 1873 se trouvent sur le lien suivant et peuvent être téléchargés un par un : http://www.archive.org/search.php?query=Chrysostome%20oeu....
La vie de saint Jean Chrysostome, ses actions et sa persécution, sont décrites au long dans l’Histoire tripartite (l. X.). On lira avec fruit l'histoire de notre saint sur le lien suivant : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/hist....
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vendredi, 26 janvier 2024
26 janvier. Saint Polycarpe, évêque de Smyrne, martyr. 166.
" Ecris à l'ange de Smyrne : Je connais ta tribulation et ta pauvreté, mais tu es riche. Celui qui aura remporté la victoire, la mort ne le touchera pas une seconde fois."
Apocal., II, 8-11.
Saint Polycarpe. Mosaïque. Basilique
Au milieu des douceurs qu'il goûte dans la contemplation du Verbe fait chair, Jean le Bien-Aimé voit arriver son cher disciple Polycarpe, l'Ange de l'Eglise de Smyrne, tout resplendissant de la gloire du martyre. Ce sublime vieillard vient de répondre, dans l'amphithéâtre, au Proconsul qui l'exhortait à maudire le Christ :
" Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m'a jamais fait de mal ; que dis-je ? Il m'a comblé de biens. Comment pourrais-je maudire mon Roi qui m'a sauvé ?"
Comme son maître apostolique, il s'est opposé avec énergie aux efforts des hérétiques qui altéraient la foi. Fidèle aux ordres de cet angélique confident de l'Homme-Dieu, il n'a pas voulu que celui qui corrompt la foi du Christ reçût de sa bouche le salut ; il a dit à l'hérésiarque Marcion qu'il ne le reconnaissait que pour le premier-né de Satan. Adversaire énergique de cette orgueilleuse secte qui rougissait de l'Incarnation d'un Dieu, il nous a laissé cette admirable Epître aux Philippiens, dans laquelle il dit :
" Quiconque ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un Antéchrist."
Il convenait donc qu'un si courageux témoin fût appelé à l'honneur d'assister près du berceau dans lequel le Fils de Dieu se montre à nous dans toute sa tendresse, et revêtu d'une chair semblable à la nôtre. Honorons ce disciple de Jean, cet ami d'Ignace, cet Evêque de l'âge apostolique, qui mérita les éloges de Jésus-Christ même, dans la révélation de Pathmos. Le Sauveur lui avait dit par la bouche de Jean :
" Sois fidèle jusqu'à la mort ; et je te donnerai la couronne de vie." (Apoc. II, 10.).
Polycarpe a été fidèle jusqu'à la mort ; c'est pourquoi il assiste couronné, en ces jours anniversaires de l'avènement de son Roi parmi nous.
D'après une Icône du IXe.
Polycarpe signifie fruit abondant. Il fut un personnage d'une très éminente sainteté et d'une profonde doctrine. Saint Polycarpe, étant encore petit, fut amené par des marchands des contrées du levant en la ville de Smyrne, en Asie, où il fut acheté par une femme noble appelée Caliste, qui l'adopta ensuite pour son fils.
Il fut ordonné diacre, prêtre et évêque de cette même ville par saint Jean dont il était un disciple. Il était regardé, après le martyre de saint Ignace d'Antioche, avec lequel il entretenait une relation de profonde et sainte amitié - au point que saint Ignace, à Troade, sur le chemin de Rome où il allait remporter la couronne du martyre, lui envoya plusieurs lettres -, comme le docteur de l'Asie (y compris par les païens) et le chef de l'Asie entière. Outre saint Jean, il avait eu pour maître quelques-uns des Apôtres et d'autres disciples qui avaient connu et vu Notre Seigneur Jésus-Christ. Il écrivit aux Philippiens une Epître fort utile, qui se lit encore aujourd'hui dans les Eglises d'Asie.
Saint Polycarpe était très instruit des vérités du Christianisme, les ayant apprises de ceux même qui avaient vu Notre Seigneur Jésus-Christ et conversé avec Lui ; aussi avait-il en horreur tout ce qui attaquait la foi. Lorsqu'il entendait parler de quelque erreur, il se bouchait les oreilles ; un fois même s'écria-t-il :
" Oh ! Mon Dieu, fallait-il me conserver la vie jusqu'à cette heure pour que j'eusse la douleur d'entendre des choses aussi étranges ?"
Sous l'empire d'Antonin le Pieux, alors qu'Anicet gouvernait l'Eglise, quelques difficultés sur le jour de la Pâque le firent venir à Rome, où il ramena à la foi plusieurs fidèles, qui s'étaient laissé séduire par les artifices de Marcion et de Valentin
Il leur avait raconté entre autre qu'il avait vu et entendu saint Jean, son maître avec lequel il se tenait alors, dire en présence de l'hérétique Cérinthe rencontré aux bains :
" Fuyons d'ici, mes enfants, et retirons-nous, de peur que ces bains ne tombent et que nous demeurions sous leurs ruines ; car Cérinthe, ennemi de la vérité, s'y lave."
Gravure du XVIIe.
A l'image de saint Jean, saint Polycarpe, ayant un jour rencontré Marcion, cet hérésiarque lui dit :
" Me connais-tu ?"
Polycarpe lui répondit :
" Oui.
- Et qui suis-je ?" répondit Marcion.
" Vous êtes le premier-né de Satan."
Quelque temps après, sous le règne de Marc-Antonin et de Lucius Aurelius Commode, dans la quatrième persécution depuis celle de Néron, il fut condamné devant le tribunal du Proconsul de Smyrne, et livré au feu, avec les clameurs de tout le peuple assemblé dans l'amphithéâtre ; nous l'allons lire maintenant, avec d'autant plus de sainte passion et de confiance que ses actes furent écrits dans l'année qui suivit le martyre de notre saint :
" L'Église de Dieu établie à Smyrne, à l'Église de Dieu établie à Philomelicum et à toutes les parties de l'Église sainte et catholique répandue dans le monde entier : que la miséricorde, la paix et la charité de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ surabonde en vous.
Mes frères, nous vous écrivons au sujet de nos martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le martyre, comme le sceau d'un homme puissant, a mis fin à l'état de persécution. Presque tout ce qui l'a précédé est arrivé afin que Dieu eût occasion de nous témoigner combien ce martyre était en conformité avec l'Évangile. Car Polycarpe a attendu d'être trahi, comme l'a été le Seigneur lui-même, afin que nous soyons ses imitateurs " et que chacun regarde plutôt l'intérêt des autres que le sien propre ". C'est en effet le propre d'une charité véritable et profonde que de chercher à procurer non seulement son salut, mais encore celui de ses frères.
Tous les témoignages rendus furent heureux et courageux, ils sont arrivés selon qu'il a plu à Dieu. Il convient que dans notre grande ferveur nous attribuions à Dieu la force des événements. Qui donc n'admirerait pas leur vaillance, leur patience et leur amour pour Dieu ? Ils étaient tellement déchirés par les fouets que leurs veines, leurs artères, tout le dedans de leur corps était à nu. Ils furent si fermes, néanmoins, que les assistants s'attendrissaient et pleuraient tandis qu'eux-mêmes ne faisaient entendre ni un murmure ni une plainte, nous montrant à tous qu'à cet instant où on les torturait, les martyrs du Christ étaient ravis hors du corps, ou plutôt, que le Christ lui-même les assistait et causait avec eux. Impatients de la grâce du Christ, ils méprisaient les tourments, et en une heure ils se rachetaient de la mort éternelle.
Le feu leur faisait l'effet d'une fraîcheur délicieuse. Leur pensée était occupée de ce feu éternel et inextinguible, auquel ils échappaient ainsi ; leur coeur considérait les biens que l'oreille n'a jamais entendus, que l'oeil n'a pas vus, que l'esprit de l'homme n'a pu concevoir, qui sont réservés à ceux qui auront souffert. Le Christ les leur faisait entrevoir, et cela suffisait à les enlever à l'humanité pour en faire des anges par avance. Enfin livrés aux bêtes, ils subirent d'effroyables tortures, furent traînés sur un sable composé de coquillages pointus, et plusieurs autres horreurs leur furent infligées comme pour arracher l'apostasie à leur lassitude. Le diable s'ingénia à raifiner contre eux. Grâce à Dieu, il n'en put vaincre aucun.
Germanicus, vaillant entre tous, relevait par des paroles intrépides le courage des autres ; son combat contre les bêtes fut sublime. Le proconsul le conjurait d'avoir pitié de lui-même, de son jeune âge, mais lui, avide de sortir d'un monde pervers, marcha droit à la bête et la frappa.
La foule entière, confondue par cette bravoure, hurla :
" A mort les athées ! Qu'on cherche Polycarpe !"
Un seul faiblit, c'était un Phrygien nommé Quintus, récemment sorti de sa province. A la vue des bêtes, il se mit à trembler. Et c'était justement celui qui avait poussé les autres à venir se dénoncer avec lui. Le proconsul vint à bout de lui faire prêter serinent et de sacrifier.
C'est pourquoi, mes frères, nous ne louons pas ceux qui vont s'offrir d'eux-mêmes ; l'Évangile d'ailleurs n'enseigne rien de pareil.
L'admirable Polycarpe ne s'émut point et même ne voulut pas quitter la ville, quoiqu'on fît auprès de lui de vives instances pour qu'il s'éloignât. Enfin il céda, et se retira avec quelques compagnons dans une petite maison de campagne, située non loin de la ville ; il y passa les jours et les nuits dans une prière continuelle, selon sa coutume, pour l'Église universelle. Tandis qu'il priait, il aperçut dans une vision son oreiller qui brûlait. Il vint à ses compagnons et leur dit :
" Je serai brûlé vif."
Ceci se passait trois jours avant son arrestation.
Averti de l'approche de la police, il changea de retraite. Les gens de police, n'ayant rien trouvé, mirent la main sur deux jeunes esclaves ; l'un deux, mis à la torture, trahit son maître. Il ne pouvait plus songer à se dérober, maintenant que c'était son propre entourage qui le livrait. L'irénarque Hérode voulait le faire conduire dans le stade, afin qu'il pût achever sa vie en véritable disciple du Christ. Quant aux traîtres, ils partageraient le sort de Judas.
Un des deux jeunes gens consentit à servir de guide à une escouade de gens d'armes à pied et à cheval que l'on aurait pu croire à la poursuite de quelque bandit. C'était un vendredi, 22 février, à l'heure du dîner. Vers le soir ils arrivèrent à sa nouvelle retraite. Polycarpe pouvait encore fuir ; il ne le voulut pas :
" Que la volonté de Dieu soit faite."
Les gens le trouvèrent dans la chambre haute d'une maisonnette ; il s'était couché. Averti de leur arrivée par le bruit qu'ils faisaient, il descendit et se mit à causer avec les soldats.
Sa vieillesse et son sang-froid les frappèrent d'admiration, ils ne s'expliquaient pas qu'on se fût donné tant de mal pour prendre ce vieillard. Polycarpe leur fit servir à boire et à manger à volonté, et demanda seulement une heure pour prier librement. Ils y consentirent. Deux heures durant il pria, debout et à haute voix. Ses auditeurs étaient stupéfaits, plusieurs éprouvèrent des remords d'avoir marché contre un si saint vieillard.
Après qu'il eut terminé sa prière, dans laquelle il recommandait au Seigneur tous ceux qu'il avait connus dans sa longue vie, petits et grands, illustres et obscurs, et toute l'Eglise catholique répandue dans le monde, l'heure du départ arriva. On le mit sur un âne et l'on prit la route qui conduisait à Smyrne ; c'était le jour du grand sabbat, samedi 23 février.
Chemin faisant, on rencontra l'irénarque Hérode et son père Nicetas, qui firent monter Polycarpe dans leur voiture. Ils le mirent au milieu d'eux et essayèrent de le gagner :
" Quel mal y a-t-il à dire Kyrios Kaesar, à faire un sacrifice et le reste et à se sauver ainsi ?"
D'abord Polycarpe ne répondit pas ; puis sur leurs instances, il dit ces seules paroles :
" Je ne ferai pas ce que vous me conseillez."
Ses deux compagnons, désappointés, lui dirent des paroles outrageantes et le poussèrent si brutalement hors de la voiture qu'il tomba sur la route et s'écorcha la jambe. Il se releva, et, toujours leste et de bonne humeur, suivit à pied avec les soldats. On se dirigea vers le stade. Le peuple y était déjà rassemblé. C'était un vacarme infernal.
Au moment où Polycarpe fut introduit dans le stade, le tumulte était indescriptible, mais les chrétiens ne laissèrent pas d'entendre ces paroles qui semblaient venir du ciel :
" Sois fort, sois viril, Polycarpe."
On mena l'évêque au proconsul, qui lui demanda s'il était Polycarpe. Sur sa réponse affirmative, le proconsul l'importunait pour lui faire renier sa foi :
" Au nom du respect que tu dois à ton âge " , lui disait-il et d'autres choses de ce genre qui sont ordinaires en pareille circonstance, " jure par le Génie de César, repens-toi ; crie : Plus d'athées ".
Polycarpe alors, promenant un regard sévère sur la foule qui couvrait les gradins, la montra de la main :
" Oui, certes, plus d'athées !"
Et il leva les yeux au ciel et poussa un profond soupir.
Statius Quadratus lui dit :
" Jure et je te renvoie, insulte le Christ."
Polycarpe répondit :
" Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m'a jamais fait de mal, comment pourrais-je insulter mon Roi et mon Sauveur ?"
Le proconsul revint à la charge et dit :
" Jure par le Génie de César."
Polycarpe répondit :
" Si tu te fais un point d'honneur de me faire jurer par le Génie de César, comme tu t’appelles ; et si tu feins d'oublier qui je suis, écoute : Je suis chrétien. Veux-tu savoir ce qu'est la religion chrétienne ? Accorde-moi un jour de répit et prête-moi attention."
Le proconsul :
" Persuade le peuple."
Polycarpe :
" Avec toi, cela vaut la peine de discuter. Nous avons pour maxime de rendre aux puissances et aux autorités établies par Dieu les honneurs qui leurs sont dus, pourvu que ces marques de respect n'aient rien de blessant pour notre conscience. Quant à ces gens-là, je ne daignerai jamais entrer en explication avec eux.
- J'ai des bêtes féroces, je vais te faire jeter à elles si tu ne te repens.
- Fais-les venir. Nous ne reculons pas, nous autres, pour aller du mieux au pire ; il m'est bon, au contraire, de passer des maux de cette vie à la suprême justice.
- Puisque tu méprises les bêtes, je te ferai brûler, si tu ne changés d'avis.
- Tu me menaces d'un feu qui brûle une heure, et s'éteint aussitôt ; ne sais-tu pas qu'il y a le feu du juste jugement et de la peine éternelle, qui est réservé aux impies ? Vraiment pourquoi tous ces retards ? Apporte ce que tu voudras !"
Polycarpe dit ces choses et d'autres encore avec une fermeté et une joie débordantes ; la grâce divine illuminait son visage, à ce point que ce n'était pas lui que l'interrogatoire avait troublé, mais le proconsul. Celui-ci confondu envoya le héraut au milieu du stade crier par trois fois :
" Polycarpe s'est avoué chrétien !"
Aussitôt la foule des païens et des Juifs, très nombreux à Smyrne, hurla :
" Le voilà, le docteur de l'Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux, celui qui enseigne à pas sacrifier, à ne pas adorer !"
En même temps ils demandaient à Philippe de Tralles, asiarque en exercice, de lancer un lion sur Polycarpe. Philippe s'en défendit ; les jeux d'animaux étaient terminées.
" Au feu donc !" cria-t-on de toutes parts.
C'était la vision des jours précédents qui allait s'accomplir, lorsqu'après avoir vu le coussin sur lequel il reposait la tête entouré de flammes, il avait dit aux fidèles qui l'entouraient : " Je serai brûlé vif ".
Tout cela se passa en moins de temps qu'on n'en met à le dire, la foule se répandit dans les boutiques et les bains pour y chercher du bois et des fagots ; les Juifs montraient à cette besogne, selon leur habitude, un zèle tout particulier.
Quand le bûcher fut prêt, Polycarpe se dépouilla de tous ses vêtements, ôta sa ceinture, essaya aussi de se déchausser. Il ne le fit pas sans quelque difficulté ; car, en temps ordinaire, les fidèles qui l'entouraient avaient coutume de s'empresser pour lui éviter cette peine, tant ils étaient jaloux du privilège de toucher son corps vénérable. Même avant le martyre on l'honorait déjà à cause de sa sainteté.
On le plaça au milieu de l'appareil qui servait à fixer le patient et on allait l'y clouer, mais il dit :
" Laissez-moi. Celui qui me donne la force de supporter le feu m'accordera aussi la force de rester immobile sur le bûcher, sans qu'il soit besoin pour cela de vos clous."
On ne le cloua donc pas, mais on le lia. Debout contre un poteau, les mains attachées derrière le dos, il semblait un bélier de choix pris dans le troupeau et destiné à l'oblation. Il leva les yeux au ciel et dit :
" Seigneur Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, fils aimé et béni, par lequel nous avons appris à te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute créature, et de toute la race des justes qui vivent sous ton regard ; je te bénis, parce qu'en ce jour, à cette heure même, tu as daigné m'admettre, avec tes martyrs, à boire le calice de ton Christ, afin que je ressuscite à la vie éternelle de l'âme et du corps, incorruptible par le Saint-Esprit. Daigne me recevoir aujourd'hui parmi eux en ta présence, comme un sacrifice abondant et agréable ; puisque le sort que tu me réservais et que tu m'as montré dans une vision s'accomplit en ce moment, Ô Dieu, qui dis la vérité, et ne connais pas le mensonge. C'est pourquoi je te loue, je te bénis, je te rends gloire pour tous les bienfaits par le Pontife éternel et céleste, par Jésus-Christ, ton Fils tant aimé, par lequel à Toi avec Lui et l'Esprit-Saint, gloire maintenant et dans les siècles futurs. Amen."
Après qu'il eut dit Amen et qu'il eut achevé sa prière, les valets du bourreau mirent le feu au bois. Dès que la flamme commença à briller, nous fûmes témoins d'un miracle ; et nous avons été épargnés afin que nous puissions en faire aux autres le récit. La flamme sembla s'arrondir en voûte au-dessus du corps du martyr et présenter l'aspect d'une voile de navire gonflée par le vent. Le vieillard, placé au centre de cette chapelle ardente, nous apparaissait non comme une chair qui brûle, mais comme un pain doré dans le four ou comme un lingot d'or ou d'argent dans la fournaise. Nous sentions pendant ce temps une odeur délicieuse comme celle de l'encens ou des plus précieux parfums.
Cependant les impies voyaient que les flammes ne consumaient point le condamné ; on donna ordre au confector d'aller lui donner un coup de couteau. Le sang jaillit avec tant d'abondance que le brasier en fut éteint. Et le peuple voyait avec étonnement la différence qu'il y a entre les infidèles et les élus. Parmi ces derniers nous comptons l'incomparable martyr Polycarpe, qui fut parmi nous notre docteur tout rempli de l'esprit des apôtres et des prophètes, évêque de l'Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche a été ou sera accomplie.
Cependant l'ennemi, haineux et méchant, l'adversaire de la race des justes voyait ce glorieux martyre, il savait la pureté irréprochable du saint dès son enfance, et ne pouvait douter qu'il eût reçu la couronne immortelle et la récompense promise ; aussi s'efforça-t-il de nous priver de ses reliques, quoique un grand nombre voulussent les recueillir et souhaitassent de posséder ses précieux restes. Le démon suggéra donc à Nicétas, père d'Hérode et frère d'Alcé, d'aller trouver le proconsul afin qu'on refusât aux chrétiens l'autorisation d'enlever le corps du martyr, de crainte, ajoutait-il, qu'ils n'abandonnassent pour lui le Crucifié.
Tout ceci se passait à l'instigation des Juifs, qui, montant la garde auprès du bûcher, avaient aperçu les chrétiens qui s'empressaient de retirer ce qui pouvait l'être de ce saint corps. Ces malheureux ignoraient que nous ne pouvons délaisser le Christ, qui, pour le salut de tous ceux qui seront sauvés, a souffert malgré son innocence à la place des coupables, et que nous ne pouvons adorer que lui. Nous l'adorons comme Fils de Dieu ; pour les martyrs, nous les honorons comme disciples et imitateurs du Christ, et à cause de leur incomparable tendresse pour le Roi et Maître.
Daigne le Seigneur nous faire les compagnons de leur sort et de leur fidélité !
Le centurion, voyant la turbulence des Juifs, fit replacer le corps sur le bûcher et, comme c'était l'usage, fit brûler le cadavre. Nous vînmes recueillir les os, plus précieux pour nous que les pierres précieuses et l'or le plus pur, et ils furent déposés dans un lieu convenable. C'est là que nous nous réunirons dès que nous le pourrons, dans l'allégresse et la joie, et Dieu nous fera la grâce de célébrer le jour anniversaire de son martyre, pour honorer, d'une part, la mémoire de ceux qui ont déjà combattu, et de l'autre, former et préparer les générations suivantes à faire de même.
Voici tout ce que nous savons touchant Polycarpe, qui souffrit le martyre à Smyrne avec onze compagnons originaires de Philadelphie. Toutefois sa mémoire est l'objet de plus de vénération que celle des autres martyrs, à ce point qu'il n'est pas de lieu où les païens eux-mêmes ne s'entretiennent de ce docteur incomparable, de ce martyr fameux dont nous souhaitons tous d'imiter la confession tout imprégnée de l'esprit de l'Évangile. Après avoir affronté un juge inique, il fut vainqueur et reçut la couronne d'immortalité ; réuni aux apôtres et à tous les justes, il glorifie Dieu le Père tout-puissant, rend grâces à Jésus-Christ, au Sauveur de nos âmes, au Maître de notre corps et au Pasteur de l'Église catholique répandue dans le monde entier.
" Vous nous aviez demandé le récit détaillé des événements, nous vous envoyons un tableau abrégé de la situation de notre frère Marcion. Après que vous aurez lu la lettre, faites-la parvenir aux frères les plus éloignés, afin qu'eux aussi rendent gloire à Dieu de ce qu'il a fait un choix parmi ses serviteurs.
A Celui qui peut nous conduire tous par sa grâce et sa miséricorde dans son éternel royaume par son Fils unique Jésus-Christ, à Lui, gloire, honneur, puissance, majesté dans les siècles. Saluez tous les saints en notre nom.
Ceux qui sont avec nous et le scribe lui-même, Evariste, avec toute sa famille vous saluent.
Polycarpe souffrit le martyre le second jour du mois de Xanthice, sept jours avant les calendes de mars, le jour du grand sabbat, à la huitième heure. Il fut fait prisonnier par Hérode, sous le pontificat do Philippe de Tralles. Statius Quadratus était proconsul de la province d'Asie et Notre-Seigneur Jésus-Christ régnait dans tous les siècles, à qui soit gloire, honneur, majesté, royauté éternelle pendant toutes les générations. Amen !
Nous vous en prions, mes frères, allez, marchez dans la parole évangélique de Jésus-Christ, avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit à cause du salut des saints qu'il a appelés, comme il a accordé le martyre au bienheureux Polycarpe.
Caius a écrit tout ceci d'après la copie qui appartenait à Irénée, disciple de Polycarpe, avec qui il vécut longtemps.
Moi Socrate, Corinthien, j'ai transcrit sur la copie de Caius. La grâce pour tous. Et moi, Pione, j'ai écrit tout ceci d'après l'exemplaire qui vient d'être ainsi signalé. Je l'avais cherché, mais le bienheureux Polycarpe m'en fit révélation comme je le dirai ailleurs. J'ai recueilli ces faits dont le temps avait presque amené la disparition, afin que Notre Seigneur Jésus-Christ me réunisse moi aussi avec ses élus dans son royaume céleste. A lui, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire dans les siècles des siècles.
Amen."
PRIERE
" Vous avez rempli toute l'étendue de votre nom, Ô Polycarpe ! car vous avez produit beaucoup de fruits pour le Sauveur, durant les quatre-vingt-six ans que vous avez passés à son service. Ces fruits ont été les âmes nombreuses que vous avez gagnées au Christ, les vertus qui ont orné votre vie, enfin votre vie elle-même que vous avez rendue comme un fruit mûr à ce Sauveur. Quel bonheur a été le vôtre, d'avoir reçu les leçons du disciple qui se reposa sur la poitrine de Jésus ! Après une séparation de plus de soixante années, vous allez le rejoindre aujourd'hui ; et cet ineffable maître vous salue avec transport. Vous adorez ensemble ce divin Enfant dont vous avez imité la simplicité, et que vous aimiez uniquement ; demandez-lui pour nous de lui être comme vous " fidèles jusqu'à la mort ".
Cultivez encore du haut du ciel, Ô Polycarpe, ce champ de l'Eglise, que vous avez fécondé par vos labeurs et arrosé de votre sang. Rétablissez la foi et l'unité au sein des Eglises de l'Asie qui furent édifiées par vos mains vénérables. Hâtez, par vos prières, la dissolution de l'Islamisme, qui n'a dû ses succès et sa durée qu'aux tristes effets du schisme byzantin. Souvenez-vous de la France à qui vous avez envoyé d'illustres Apôtres, martyrs comme vous. Bénissez paternellement l'Eglise de Lyon qui vous révère comme son fondateur par le ministère de votre disciple Pothin, et qui prend elle-même une part si glorieuse dans l'Apostolat des Gentils, par son Oeuvre de la Propagation de la Foi.
Veillez sur la conservation de la foi dans sa pureté ; gardez-nous du contact des séducteurs. L'erreur que vous avez combattue, et qui ne veut voir dans les mystères du Fils de Dieu incarné que des symboles stériles, s'est ranimée de nos jours. Marcion a reparu avec ses mythes orgueilleux ; soufriez sur ces derniers débris d'un système suranné qui égare encore quelques âmes. Rendant hommage à la Chaire Apostolique, vous aussi vous avez voulu voir Pierre ; et Rome vous a vu venir conférer avec son Pontife des intérêts de votre Eglise de Smyrne. Vengez les droits de ce Siège auguste, d'où découle, pour nos Pasteurs, la seule mission légitime, et pour tous, les enseignements souverains de la foi. Obtenez-nous de passer les derniers jours de cette pieuse quarantaine dans un recueillement profond et dans l'amour de notre Roi nouveau-né. Que cet amour, joint à la pureté de nos cœurs, nous obtienne faveur et miséricorde ; et, pour consommer notre carrière, demandez pour nous la couronne de vie."
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jeudi, 25 janvier 2024
25 janvier. La conversion de saint Paul. 34 ou 35.
" Qui lupus rax furebat,
Nunc in agnum vertitum."
" Sous l'action de la grâce,
Le loup devient agneau."
Santeuil, in conversione Pauli.
Nous avons vu la Gentilité, représentée aux pieds de l'Emmanuel par les Rois Mages, offrir ses mystiques présents, et recevoir en retour les dons précieux de la foi, de l'espérance et de la charité. La moisson des peuples est mûre ; il est temps que le moissonneur y mette la faucille. Mais quel sera-t-il, cet ouvrier de Dieu ? Les Apôtres du Christ vivent encore à l'ombre de la montagne de Sion. Tous ont reçu la mission d'annoncer le salut jusqu'aux extrémités du monde ; mais nul d'entre eux n'a reçu encore le caractère spécial d'Apôtre des Gentils. Pierre, l'Apôtre de la Circoncision, est destiné particulièrement, comme le Christ, aux brebis perdues de la maison d'Israël (Matth. XV, 24.).
Toutefois, comme il est le Chef et le fondement, c'est à lui d'ouvrir !a porte de l'Eglise aux Gentils. Il le fait avec solennité, en conférant le Baptême au centurion romain Cornélius.
Bible. Ardennes. XVIe.
Cependant, l'Eglise est en travail ; le sang du Martyr Etienne, sa dernière prière, vont enfanter un nouvel Apôtre, l'Apôtre des nations. Saul, citoyen de Tarse, n'a pas vu le Christ dans sa vie mortelle ; et le Christ seul peut faire un Apôtre. Du haut des cieux où il règne impassible et glorifié, Jésus appellera Saul à son école, comme il appelait, durant les années de sa prédication, à suivre ses pas et à écouter sa doctrine, les pêcheurs du lac de Génésareth. Le Fils de Dieu enlèvera Saul jusqu'au troisième ciel, il lui révélera tous ses mystères ; et quand Saul, revenu sur la terre, aura été, comme il le raconte, voir Pierre (Gal. I, 18.) et comparer son Evangile avec le sien, il pourra dire :
" Je ne suis pas moins Apôtre que les autres Apôtres."
C'est dans ce glorieux jour de la Conversion de Saul, qui bientôt s'appellera Paul, que ce grand œuvre commence. C'est aujourd'hui que retentit cette voix qui brise les cèdres du Liban (Psalm. XXVIII, 5.), et dont la force souveraine fait d'abord un chrétien du Juif persécuteur, qui bientôt sera un Apôtre. Cette admirable transformation avait été prophétisée par Jacob, lorsque, sur sa couche funèbre, il dévoilait l'avenir de chacun de ses enfants, dans la tribu qui devait sortir d'eux. Juda eut les premiers honneurs : de sa race royale, le Rédempteur, l'attente des nations, devait naître. Benjamin fut annoncé, à son tour, sous des traits plus humbles, mais néanmoins glorieux : il sera l'aïeul de Paul, et Paul, l'Apôtre des nations.
Bible. Champagne. XIIe.
Le vieillard avait dit :
" Benjamin est un loup ravisseur : le matin, il enlève la proie ; mais le soir, il distribue la nourriture." (Gen. XLIX, 27.).
Celui qui, dans la matinée fougueuse de son adolescence, se lance comme un loup respirant la menace et le carnage, à la poursuite des brebis du Christ, n'est-ce pas, comme le dit un antique Docteur, Saul sur la route de Damas, porteur et exécuteur des ordres des pontifes du temple maudit, et tout couvert du sang d'Etienne qu'il a lapidé par les mains de tous ceux dont il gardait les vêtements ? Celui qui, sur le soir, ne ravit plus la dépouille du juste, mais, d'une main charitable et pacifique, distribue à ceux qui ont faim la nourriture qui leur donne la vie, n'est-ce pas Paul, Apôtre de Jésus-Christ, embrasé de l'amour de ses frères, et se faisant tout à tous, jusqu'à désirer d'être anathème pour eux ?
Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
Telle est la force victorieuse de notre Emmanuel, toujours croissante et à laquelle rien ne résiste. S'il veut pour premier hommage la visite des bergers, il les fait convier par ses Anges, dont les doux accords ont suffi pour amener ces cœurs simples à la crèche où repose sous de pauvres langes l'espoir d'Israël. S'il désire l'hommage des princes de la Gentilité, il fait lever au ciel une étoile symbolique, dont l'apparition, aidée du mouvement intérieur de l'Esprit-Saint, détermine ces hommes de désirs à venir, du fond de l'Orient, déposer aux pieds d'un humble enfant leurs dons et leurs cœurs. Quand le moment est venu de former le Collège Apostolique, il s'avance sur les bords de la mer de Tibériade, et cette seule parole : " Suivez-moi ", a suffi pour attacher à ses pas les hommes qu'il a choisis. Au milieu des humiliations de sa Passion, un regard de sa part change le cœur du Disciple infidèle. Aujourd'hui, du haut du Ciel, tous les mystères accomplis, voulant montrer que lui seul est maître de l'Apostolat, et que son alliance avec les Gentils est consommée, il tonne sur la tête de ce Pharisien fougueux qui croit courir à la ruine de l'Eglise ; il brise ce cœur de Juif, et il crée par sa grâce ce nouveau cœur d'Apôtre, ce vase d'élection, ce Paul qui dira désormais :
" Je vis, mais ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi." (Gal. XI, 20.).
Mais il était juste que la commémoration de ce grand événement vînt se placer non loin du jour où l'Eglise célèbre le triomphe du premier des Martyrs. Paul est la conquête d'Etienne. Si l'anniversaire de son martyre se rencontre sous les feux du solstice d'été, il ne pouvait manquer d'apparaître auprès du berceau de l'Emmanuel, comme le plus brillant trophée du Proto-martyr ; les Mages le réclamaient aussi comme le conquérant de cette Gentilité dont ils ont été les prémices.
Bible. Champagne. XIIIe.
Enfin, pour compléter la cour de notre grand Roi, il convenait que les deux puissantes colonnes de l'Eglise, l'Apôtre des Juifs et l'Apôtre des Gentils, s'élevassent aux côtés de la crèche mystique : Pierre, avec ses clefs ; Paul, avec son glaive. C'est alors que Bethléhem nous semble, de plus en plus, la figure de l'Eglise, et les richesses du Cycle en cette saison plus éblouissantes que jamais.
SÉQUENCE
Célébrons, par les chants des anciennes Liturgies, cette journée consacrée par la conquête d'un si grand Apôtre. La prose suivante, qui appartient au dixième siècle, se trouve de bonne heure dans les anciens Missels des Eglises d'Allemagne. Elle est empreinte d'un caractère mystérieux qui ne manque pas de grandeur :
Bréviaire franciscain. XVe.
" Le Seigneur a dit : Je le convertirai du sein de Basan (la région de stérilité) ; je le mènerai jusqu'au fond des abîmes de la foi, profonds comme la mer.
Ce qu'il a dit il l'a fait, renversant Saul et relevant Paul,
Par son Verbe incarné, en qui il a fait les siècles.
S'élançant à la poursuite de ce Verbe, le Juif a entendu : " Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?"
Je suis le Christ ; il t'est dur de regimber contre l'aiguillon.
A la face du Seigneur, la terre a été émue ; elle a tremblé ; mais bientôt elle s'est reposée.
Paul a reconnu le Seigneur, il a cru, il a cessé de persécuter les Chrétiens.
Sorti des rangs ennemis, pour revenir à vous, Ô Dieu, il est devenu la langue de vos chiens fidèles.
C’est Paul qui, par la bouche de vos Pontifes, proclame vos commandements.
Il enseigne que le crucifié n'est autre que le Christ-Dieu,
Qui règne avec le Père et le Saint-Esprit, Celui dont Paul est le témoin.
Par lui la langue des Pontifes, parcourant et humectant les deux molaires delà Loi et de l'Evangile, a fait broyer,
A préparé ces remèdes divers qui sont la santé des blessés, la nourriture de ceux qui ont faim.
Par les prières de Paul, regardez-nous, Ô Christ ! Et vivifiez les pécheurs ;
Vous qui avez converti, pour la conversion des autres, Paul le vase d'élection.
Quand il prêchait Dieu, la mer le vit et s'enfuit, le Jourdain a reculé vers sa source.
La multitude des nations remontant des profondeurs de l'abîme des vices, à la confusion de Og, roi de Basan.
N'adore plus que vous seul, Ô Christ Créateur, qu'elle confesse être venu, comme Rédempteur, dans la chair.
Amen."
SÉQUENCE
Les Missels Romains-Français nous donnent cette belle Prose d'Adam de Saint-Victor :
" Du cœur et de la voix fais retentir les cieux, entonne le chant du triomphe, Ô Eglise des Gentils !
Paul, le Docteur des nations, a parcouru sa carrière triomphant et glorieux.
C'est le jeune Benjamin, loup ravisseur qui dévore sa proie ; des fidèles c'est l'ennemi.
Loup à l'aurore, agneau sur le soir ; après les ténèbres, l'astre s'est levé. Paul annonce l'Evangile.
Il s'est lancé dans le chemin de la mort ; mais celui qui est la Voie de la vie, l'arrête sur la route de Damas.
Il respirait la menace ; mais il cède enfin : renversé, il obéit ; on l'entraîne comme un prisonnier.
On le mène à Ananie : le loup est conduit à la brebis ; sa rage tombe apaisée.
Il descend dans la fontaine sacrée ; l'eau salutaire change en parfum les poisons de son âme.
Vase sacré, vase divin, vase qui épanche le doux vin de la doctrine et de la grâce,
Il parcourt les synagogues, il établit la foi du Christ sur la série des Prophètes.
Il prêche la doctrine de la croix ; pour la croix il est tourmenté, il meurt de mille morts.
Mais il survit toujours comme une hostie vivante, et son invincible constance triomphe de tous les supplices.
Choisi pour leur Apôtre, il instruit les Gentils, il triomphe des sages du monde par la sagesse de Dieu.
Ravi au troisième ciel, il voit le Père et le Fils en une seule substance.
Rome la puissante et la savante Grèce courbent la tête, s'instruisent des mystères ; la foi du Christ se propage.
La croix triomphe, Néron sévit, et le glaive moissonne Paul, dont la parole a fait croître la foi.
Ainsi, déposant le fardeau de la chair, Paul contemple le vrai Soleil, le Fils unique du Père.
Dans la lumière, il voit cette lumière, dont la puissance daigne nous garder de l'infernal gémissement.
Amen."
Visitez-nous souvent, Ô Emmanuel, par cette grâce qui change les cœurs ; car nous désirons une vie abondante, et nous sentons que son principe est souvent près de nous échapper. Convertissez-nous, comme vous avez converti l'Apôtre ; après nous avoir convertis, assistez-nous ; car sans vous nous ne pouvons rien faire. Prévenez-nous, suivez-nous, accompagnez-nous, ne nous quittez jamais, et de même que vous nous avez donné le commencement, assurez-nous la persévérance jusqu'à la fin.
Donnez-nous de reconnaître, avec crainte et avec amour, ce don mystérieux de la grâce que nulle créature ne saurait mériter, et auquel cependant une volonté créée peut mettre obstacle. Nous sommes des captifs : vous seul possédez l'instrument à l'aide duquel nous pouvons briser nos chaînes ; vous le placez dans nos mains, en nous engageant à en user : de sorte que notre délivrance est votre ouvrage et non le nôtre ; et que notre captivité, si elle persévère, ne peut être attribuée qu'à notre négligence et à notre lâcheté. Donnez-nous, Seigneur, cette grâce ; et daignez recevoir la promesse que nous vous faisons d'y joindre humblement notre coopération.
Conversion de saint Paul. Bible historiale.
Aidez-nous, Ô grand Paul, à répondre aux desseins de la miséricorde de Dieu sur nous ; obtenez que nous soyons subjugués par la douceur du Dieu enfant. Sa voix ne retentit pas ; il n'éblouit pas nos yeux par sa lumière ; mais il se plaint que trop souvent nous le persécutons. Inspirez à nos cœurs de lui dire comme vous :
" Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?"
Il nous répondra d'être simples et enfants comme lui, de reconnaître enfin son amour qui apparaît dans ce mystère, de rompre avec le péché, de combattre les mauvaises inclinations, d'avancer dans la sainteté en suivant ses exemples.
Vous avez dit, Ô Apôtre :
" Que celui qui n'aime pas Notre Seigneur Jésus-Christ soit anathème !" Faites-le-nous connaître de plus en plus, afin que nous l'aimions, et que de si doux mystères ne deviennent pas, par notre ingratitude, la cause de notre réprobation.
Vase d'élection, convertissez les pécheurs qui ne pensent point à Dieu. Sur la terre, vous vous êtes dépensé tout entier pour le salut des âmes ; au ciel où vous régnez, continuez votre ministère, et demandez au Seigneur, pour ceux qui persécutent Jésus, ces grâces qui triomphent des plus rebelles. Apôtre des Gentils, jetez les yeux sur tant de peuples assis encore dans l'ombre de la mort. Autrefois vous étiez partagé entre deux ardents désirs : celui d'être avec Notre Seigneur Jésus-Christ, et celui de rester sur la terre pour travailler au salut des peuples. Maintenant, vous êtes pour jamais avec ce Sauveur que vous avez prêché ; n'oubliez pas ceux qui ne le connaissent point encore. Suscitez des hommes apostoliques pour continuer vos travaux. Rendez féconds leurs sueurs et leur sang.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.
Veillez sur le Siège de Pierre, votre frère et votre chef ; soutenez l'autorité de cette Eglise Romaine qui a hérité de vos pouvoirs, et qui vous regarde comme son second appui. Vengez-la partout où elle est méconnue ; détruisez les schismes et les hérésies ; remplissez tous les pasteurs de votre esprit, afin que, comme vous, ils ne se cherchent point eux-mêmes, mais uniquement et toujours les intérêts de Jésus-Christ."
Il soutint les Romains pendant la révolte juive qui aboutit à la chute du Temple de Jérusalem (70).
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mercredi, 24 janvier 2024
24 janvier. Saint Timothée, disciple de saint Paul, premier évêque d'Ephèse et martyr. 97.
" Buvez un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac."
Ière épître de saint Paul à Timothée, V, 23.
" Les ivrognes... n'entreront pas dans le royaume des cieux."
Ière épître de saint Paul au Corinthiens, VI, 10.
" En vérité je vous le dis, le choléra est une maladie moins dangereuse que l'ivrognerie."
A. Stolz.
La veille du jour où nous allons rendre grâces à Dieu pour la miraculeuse Conversion de l'Apôtre des Gentils, la marche du Cycle nous ramène la fête du plus cher disciple de cet homme sublime. Timothée, l'infatigable compagnon de Paul, cet ami à qui le grand Apôtre écrivit sa dernière lettre, peu de jours avant de verser son sang pour Jésus-Christ, vient attendre son maître au berceau de l'Emmanuel. Il y trouve déjà Jean le Bien-Aimé, avec lequel il a porté les sollicitudes de l’Église d’Éphèse ; il y salue Étienne et les autres Martyrs qui l'y ont devancé, et leur présente la palme qu'il a lui-même conquise. Enfin, il vient apporter à l'auguste Marie les hommages de la chrétienté d’Éphèse, chrétienté qu'elle a sanctifiée de sa présence, et qui partage, avec celle de Jérusalem, la gloire d'avoir possédé dans son sein celle qui n'était pas seulement, comme les Apôtres, le témoin, mais, en sa qualité de Mère de Dieu, l'ineffable instrument du salut des hommes.
Saint Timothée, né d'un père idolâtre et d'une mère Poldève, nommée Eunice, était de Lycaonie, dans l'Asie mineure, et probablement de la ville de Lystres. Eunice, qu'on croit avoir été parente de saint Paul, avait embrassé la religion chrétienne, aussi bien que Loïde, grand-mère de notre saint ; et le grand Apôtre fait l'éloge de la foi de toutes les deux. Elles élevèrent Timothée dans la piété, et lui firent étudier de bonne heure les saintes Écritures : de sorte que saint Paul, arrivant en Lycaonie dans le cours de sa mission apostolique, le trouva déjà tout formé à la vertu ; et, le voyant estimé de tous les fidèles de Lystres et d'Icone, il le choisit pour être le compagnon de ses voyages et de ses travaux dans la prédication de l’Évangile.
Il commença par le circoncire : les cérémonies de l'ancienne loi ne l'obligeait plus depuis la loi nouvelle publiée par Notre Seigneur Jésus-Christ, mais il était pourtant permis de les observer comme une chose indifférente jusqu'à la ruine de Jérusalem et du Temple. Par là, disent les anciens Pères, on enterrait la synagogue avec honneur. Le dessein de saint Paul était de concilier à son disciple l'estime des Juifs et de leur montrer que lui-même n'était pas l'ennemi de leur foi : beau trait de prudence que nous devons admirer après saint Jean Chrysostome (Praef. in prima ad Tim.).
Il faut louer aussi, non seulement la docilité de saint Timothée qui se soumet à une cérémonie douloureuse et non obligatoire, mais encore, comme le fait remarquer saint Augustin, ce zèle, ce désintéressement qui lui fait quitter son pays, sa maison, son père, sa mère, pour suivre un Apôtre, dans la pauvreté et les souffrances. Saint Paul lui confia dès lors tout le ministère évangélique, par l'imposition des mains, et le regarda désormais, tout jeune qu'il était, comme son frère, son coadjuteur, son compagnon d'apostolat, sans cesser d'aimer en lui tendrement un disciple et un fils. Saint Jean Chrysostome dit à la louange de saint Timothée, que Paul recouvra ce qu'il venait de perdre par l'éloignement de saint Barnabé. L'Apôtre semble tenir le même langage, lorsqu'il appelle Timothée homme de Dieu (I Tim., VI, 11.), et dit aux Philippiens que personne ne lui est aussi uni de cœur et d'esprit que Timothée (Phil. II, 20.). Ce grand amour de saint Paul pour Timothée nous indique combien ce disciple était aimé de Dieu : car un tel maître ne pouvait aimer dans son disciple que les dons éminents de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, et l'accomplissement de toutes les prédictions avantageuses qui avaient été faites sur lui, pendant sa jeunesse, lorsqu'il était encore sous la conduite de sa mère et de son aïeule (I Tim., I, 18.).
Saint Paul, étant sorti de Lystres, parcourut avec son disciple le reste de l'Asie, puis s'embarqua pour la Macédoine, l'an 52 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et prêcha l’Évangile à Philippes, à Thessalonique et à Béré. La fureur des Juifs l'ayant obligé de quitter cette ville, il y laissa Timothée avec Silas, comme étant moins exposés à leur haine, et très propres d'ailleurs à fortifier les fidèles. Pour lui, il prit le chemin de l'Achaïe. Lorsqu'il fut arrivé à Athènes, il manda Timothée de l'y venir trouver ; mais ayant apprit que les Chrétiens de Thessalonique soufraient une cruelle persécution, il l'envoya vers eux. Notre saint trouva cette église en bon état. Il affermit les fidèles dans la foi, les fortifia contre les persécutions, et revint ensuite trouver saint Paul à Corinthe.
Ce fut dans ce temps là que saint Paul écrivit aux Thessaloniciens sa première épître, qui commence ainsi : " Paul, Silas et Timothée, à l'église de Thessalonique..." Saint Paul ayant fait un long voyage, de Corinthe à Jérusalem, revint prêcher à Éphèse, où il resta deux ans. Lorsqu'il voulut retourner dans la Grèce, il chargea Timothée et Éraste de le devancer en Macédoine, et d'y préparer les aumônes qu'on devait envoyer aux fidèles de Jérusalem. Il donna ordre à Timothée, en particulier, d'aller ensuite à Corinthe, pour y corriger quelques abus et rappeler aux Chrétiens la doctrine qu'il leur vait prêchée. Dans la lettre qu'il écrivit aux Corinthiens, peu de temps après, il leur recommande ainsi son cher disciple :
" Si Timothée va vous voir, ayez soin qu'il n'ait rien à craindre chez vous, puisqu'il travaille comme moi à l’œuvre du Seigneur. Que personne donc ne le méprise, mais conduisez-le en paix, afin qu'il vienne me trouver, car je l'attends lui et nos frères." (I Cor., XVI, 10.).
Timothée alla en effet retrouver son maître en Asie, l'accompagna en Macédoine, en Achaïe, le laissa à Philippes, puis le rejoignit à Troade. Saint Paul, étant retourné en Palestine, fut mis en prison à Césarée ; il y resta deux ans, après quoi il fut envoyé à Rome. On croit que Timothée était avec lui en ce temps-là, puisque son nom se trouve à côté de celui du grand Apôtre, en tête des épîtres à Philémon, aux Philippiens et aux Colossiens, qui furent écrites dans les années 61 et 62 ; il avait déjà eu part à la seconde aux Corinthiens, et aux deux qui étaient adressées aux Thessaloniciens. Saint Paul, en joignant le nom de Timothée au sien, à la tête de ces six lettres, marquait qu'il se l'était associé, d'une manière inséparable, dans l'instruction des Églises et dans tous les travaux du ministère évangélique. Notre saint eut, lui aussi, l'avantage d'être arrêté prisonnier on ne sait où, pour la cause de Notre Seigneur Jésus-Christ, et de confesser glorieusement la vérité devant ce grand nombre de témoins dont saint Paul le fit souvenir quelques temps après.
Mais saint Paul eut bientôt le bonheur d'écrire aux Hébreux, qui aimaient beaucoup Timothée :
" Sachez que notre frère Timothée est en liberté. S'il arrive bientôt, j'irai vous voir avec lui." (Heb., XIII, 23.).
Il est probable que l'Apôtre acquitta sa promesse. Ce qui est certain, c'est qu'il retourna de Rome en Orient, dans l'année 64 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'à son retour, sur le point de passer en Macédoine, il donna une charge plus particulière à son disciple, déjà ordonné évêque, en conséquence d'une prophétie et d'un ordre particulier du Saint-Esprit (I Tim., IV, 14), et qui avait reçu, par l'imposition des mains, avec la grâce du sacrement et d'autres dons extérieurs du Saint-Esprit, le pouvoir de gouverner l'église d’Éphèse, pour s'opposer à ceux qui semaient une fausse doctrine, et ordonner des prêtres, des diacres et même des évêques ; car on le chargea aussi, selon saint Jean Chrysostome, de veiller sur toutes les Églises d'Asie.
Il a toujours été regardé comme le premier évêque d’Éphèse. Il l'était avant l'arrivée de saint Jean dans cette ville, qui y résida non comme simple évêque, mais comme Apôtre, exerçant une inspection générale supérieure à celle de Timothée sur toutes les églises d'Asie.
Saint Paul et saint Timothée.
Saint Paul était encore en Macédoine quand il écrivit à Timothée sa première épître, que l’Église a toujours regardé comme une loi apostolique qui doit régler la vie et la conduite de ses pasteurs. Elle nous apprend que Timothée ne buvait que de l'eau. Comme ses grandes austérités avaient altéré sa santé et affaibli son estomac, saint Paul lui ordonna de boire un peu de vin. Il dit un peu, parce qu'il est bon que la chair soit assez forte pour servir l'esprit, mais assez faible pour que l'esprit la domine.
Saint Paul étant retourné à Rome, et renfermé dans la prison d'où il ne devait plus sortir que pour aller à la mort, sentit redoubler sa tendresse pour son cher Timothée. Il lui écrivit, chargé de fers, sa seconde lettre, si pleine d'instructions vives et touchantes, et qui est regardée comme le testament de ce saint Apôtre. Ce sont, en effet, les dernières paroles d'un père qui, se voyant proche de la mort, déclarait à son très cher fils ses dernières volontés, qui n'étaient autres que celles de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour Lequel il allait bientôt mourir? Il le conjura de le venir trouver à Rome avant l'hiver, non seulement pour qu'ils eussent la consolation de se voir une dernière fois, mais aussi pour qu'il lui confiât diverses choses qui regardaient l'intérêt de l’Église ; il l'exhorte à ranimer cet esprit de courage, ce feu du Saint-Esprit, dont il fut rempli le jour de son ordination. Il lui donne des avis sur la conduite qu'il doit tenir à l'égard des hérétiques de ce temps-là, et lui trace le caractère de ceux qui doivent s'élever dans la suite.
Saint Paul et saint Timothée. Bible historiale.
Il est probable que notre saint se rendit à l'invitation de son maître et fit le voyage de Rome pour conférer avec lui. Il reçut d'un autre côté des leçons et même des remontrances non moins utiles. Car on croit qu'il est cet ange ou évêque d’Éphèse à qui s'adresse saint Jean dans son Apocalypse (écrit dans l'île de Pathmos en 95) : " Celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, qui marche au milieu de sept chandeliers d'or ", le loue d'abord de ses œuvres, de son travail, de sa patience ; de ne point pouvoir souffrir les méchants, de savoir faire le discernement des faux apôtres, d'avoir les hérétiques en horreur, de souffrir beaucoup et avec patience pour le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais il lui reproche d'être déchu de sa première charité ; il l'exhorte à en faire pénitence, et à remonter d'où il est tombé.
Ces plaintes regardent-elles plutôt l’Église que l'évêque d’Éphèse ? S'il s'agit de l'évêque, avait-il fait quelque chute notable, ou bien s'était-il seulement ralenti dans la voie de la perfection et le service de Dieu ? Il n'est pas aisé de le décider. Du reste, il ne faut pas s'étonner si le zèle et la charité des saints se relâchent quelquefois : Dieu leur fait par là sentir le besoin continuel de sa grâce, ils deviennent plus humbles ; quand ils se relèvent, c'est pour se lancer avec une nouvelle ardeur dans le chemin de la pénitence et de la vertu.
Saint Timothée. Bible grecque. XIe.
Saint Timothée eut bientôt l'occasion de montrer qu'il était prêt, comme jadis, à tout sacrifier à son Dieu. Sous l'empire de Nerva, le 22 janvier de l'an 97, les Gentils célébraient une certaine fête appelée Catagogie ( du Grec qui signifie porter en procession), parce qu'on y portait leurs idoles en procession ; et il s'y commettait mille insolences, mille brutalités, parce qu'ils étaient masqués et armés de grosses massues. Saint Timothée, touché de ces désordres et s'efforçant de les arrêter, se jeta au milieu de la foule : loin de se rendre à ses exhortations, ils l'assommèrent à coup de pierres et de massues. Ses disciples le retirèrent à demi mort et le portèrent sur une hauteur voisine , où il expira quelque temps après, victime de son zèle, martyr de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Son corps fut enseveli en un lieu appelé Pion, près de la ville d’Éphèse, où on lui bâtit une église. Saint Jean l'évangéliste sacra Jean Ier pour succéder à saint saint Timothée (Constit. apost.). C'est Onésime qui fut le troisième évêque d’Éphèse.
L’Églisecélèbre en ce jour la fête de saint Timothée avec office double, depuis l'ordre de sa sainteté Pie IX. Le même décret embrassa saint Polycarpe et saint Ignace d'Antioche :
" C'est pour rendre plus d'honneur à ces saints qui, établis sur le fondement même des Apôtres, ont organisé, fortifié et éclairé l’Église naissante par leurs saintes leçons, les règlements qu'ils lui ont laissés et le sacrifice même de leur vie." (Décret du 18 mai 1854).
Saint Paul et saint Timothée.
On représente saint Timothée avec des attributs indiquant les instruments ou la cause de son martyre :
1. avec une idole de Diane renversée à ses pieds ;
2. avec une pierre dans le plis de sa robe ;
3. avec un bâton ou une massue dans un coin quelconque du tableau.
DIE XXII JANUARII
" Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, tu es entré dans le torrent des délices, et tu t'es désaltéré dans la gnose divine; tu as imité les fervents amis du Christ, et tu es entré plein de joie dans sa gloire, où tu contemples la très splendide Trinité et tu jouis de la paix la plus sereine.
Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, les fréquentes faiblesses et infirmités de ton corps fortifiaient ton âme ; gardé par la puissance du Christ, tu as dissous avec facilité la puissance de l'erreur, et tu nous as prêché, d'une manière sublime, le très divin Évangile de la paix.
Le monde entier célèbre aujourd'hui tes prodiges, thaumaturge immortel ; car le Christ t'a récompensé par le don des miracles, toi qui as souffert pour lui les tourments ; pour la mort que tu as endurée, il t'a gratifié d'une gloire et d'une béatitude éternelles.
Homme de toute sainteté, la grâce a débordé avec abondance de tes lèvres ; elle en a fait couler des fleuves de doctrine, qui ont arrosé l’Église du Christ et porté des fruits au centuple, Ô Timothée, prédicateur du Christ, Apôtre divin !
En mortifiant les membres de ta chair, tu les as soumis au Verbe ; en assujettissant la partie vile de toi-même à celle qui est la plus excellente, bienheureux Timothée, tu as dominé tes passions et allégé ton âme, établie dans une harmonie parfaite selon les enseignements de Paul.
Paul, éclatant comme un soleil, t'a lancé comme un de ses brillants rayons, pour illuminer la terre d'une abondante et splendide lumière, pour diriger et confirmer nos âmes, Ô Timothée, qui manifestes Dieu !
Tu as paru comme un char divin, Ô Timothée ! portant le nom de Dieu devant les tyrans impies, sans craindre leur cruauté ; car tu as revêtu la force invincible du Sauveur, Ô homme chéri de Dieu !
Tu as reçu la couronne de gloire, Ô Timothée, plein de toute félicité ; Apôtre doué d'un esprit divin, tu as ceint dignement le diadème du royaume; tu assistes devant le trône de ton maître, resplendissant avec Paul dans les tabernacles éternels, Ô très heureux !"
Soyez-nous propice, à nous qui ne pouvons que l'entrevoir à travers les voiles de son humilité ; obtenez-nous du moins de l'aimer, afin que nous puissions mériter de le voir un jour dans sa gloire. Pour alléger le poids de votre corps, vous soumettiez vos sens à une pénitence rigoureuse que Paul vous exhortait d'adoucir : aidez-nous à soumettre la chair à l'esprit. L’Église relit sans cesse les conseils que l'Apôtre vous donna, et en vous à tous les pasteurs, pour le choix et la conduite des membres du clergé ; donnez-nous des Évêques, des Prêtres et des Diacres ornés de toutes les qualités qu'il exige dans ces dispensateurs des Mystères de Dieu. Enfin, vous qui êtes monté au ciel avec l'auréole du martyre, tendez-nous votre palme, afin que, tout obscurs combattants que nous sommes, nous puissions nous élever jusqu'au séjour où l'Emmanuel reçoit et couronne ses élus pour l'éternité."
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mardi, 23 janvier 2024
23 janvier. Saint Raymond de Pegnafort, confesseur. 1275.
" Quand le pape connut saint Raymond plus intimement il le choisit pour confesseur ; car le pape lui-même est obligé de se confesser de ses péchés s'il veut en recevoir l'absolution."
A. Stolz.
Saint Raymond de Pegnafort. Fra Angelico. XVe.
De nombreux essaims de Martyrs qui font la garde autour de l'Emmanuel, jusqu'au jour de sa Présentation au Temple, entr'ouvre de temps en temps ses rangs glorieux pour donner place aux Confesseurs que la divine Sagesse a fait briller sur le Cycle dans cette saison. Les Martyrs y sont les plus nombreux ; mais la gloire des Confesseurs y est noblement représentée. Après Hilaire, Paul, Maur et Antoine, resplendit aujourd'hui Raymond de Pennafort (Pegnafort ou Penyafort), l'une des gloires de l'Ordre de saint Dominique et de l'Eglise, au XIIIe siècle.
Selon la parole des Prophètes, le Messie est venu pour être notre Législateur ; il est lui-même la Loi. Sa parole sera la règle des hommes, et il laissera à son Eglise le pouvoir de la législation, afin qu'elle puisse conduire les peuples dans la sainteté et dans la justice, jusqu'à l'éternité. La sagesse de l'Emmanuel préside à la discipline canonique, comme sa vérité à l'enseignement de la foi. Mais l'Eglise, dans la compilation et la disposition de ses lois, emprunte le secours des hommes qui lui semblent joindre à un plus haut degré la science du Droit et l'intégrité de la morale.
Saint Raymond de Pegnafort a l'honneur d'avoir tenu la plume pour la rédaction du code canonique qui régit aujourd'hui l'Eglise. Ce fut lui qui, en 1234, compila, par ordre de Grégoire IX, les cinq livres des Décrétales ; et son nom est associé, pour jamais, à la gloire de cette œuvre qui forme encore la base de la discipline actuelle.
Disciple de Celui qui est descendu du ciel dans le sein d'une Vierge pour sauver les pécheurs, en les appelant au pardon, Raymond a mérité d'être appelé par l'Eglise l’insigne Ministre du Sacrement de Pénitence. Il est le premier qui ait recueilli, en corps de doctrine, les maximes de la morale chrétienne, qui servent à déterminer les devoirs du confesseur à l'égard des pécheurs qui viennent lui déposer leurs péchés. La Somme des Cas Pénitentiaux a ouvert la série de ces importants travaux, dans lesquels d'habiles et vertueux docteurs se sont appliqués à peser les droits de la loi et les obligations de l'homme, afin d'instruire le prêtre dans l'art de discerner, comme parle l'Ecriture, la lèpre d'avec la lèpre. (Deuter. XVII, 8.).
Enfin, lorsque la glorieuse Mère de Dieu, qui est aussi la Mère des hommes, suscita pour opérer la Rédemption des captifs le généreux Pierre Nolasque, que nous verrons arriver, sous quelques jours, au berceau du Rédempteur, Raymond fut l'instrument puissant de ce grand œuvre de miséricorde ; et ce n'est pas en vain que l'Ordre de la Merci le considère comme l'un de ses fondateurs, et que tant de milliers de captifs, délivrés de la servitude musulmane, l'ont honoré comme l'un des principaux auteurs de leur liberté.
Le bienheureux Raymond, vint au monde l'an 1175, non loin de Barcelone, au château de Pegnafort de la noble maison de Pegnafort. Il fut instruit des éléments de la religion chrétienne ; et, dès son enfance, l'heureux naturel de son esprit et de son corps sembla présager quelque chose de grand. Jeune encore, il professa les humanités dans sa patrie; puis il se rendit à Bologne, où il s'adonna avec ardeur aux exercices de la piété et à l'étude du droit canonique et civil ; il y fut honoré du bonnet des Docteurs, et il y expliqua les sacrés Canons avec l'admiration de ses auditeurs.
Le bruit de ses vertus se répandant au loin, Bérenger, Evêque de Barcelone, à son retour de Rome à son Eglise, passa par Bologne pour le voir, et enfin, à force de prières, il l'engagea à revenir avec lui dans sa patrie. Bientôt Raymond devint Chanoine et Prévôt de l'Eglise de cette ville, où il brilla au milieu du clergé et du peuple par son intégrité, sa modestie, sa doctrine et la suavité de ses mœurs. La Vierge Mère de Dieu était pour lui l'objet d'une piété et d'une affection particulières ; et toujours, autant qu'il le put, il augmenta son culte et son honneur.
Il se fit même, dans l'enseignement du droit ecclésiastique, une réputation extraordinaire dans cette université, et, Bérenger IV, évêque de Barcelone, qui vint à passer dans cette ville, lui commanda de le suivre.
Anonyme espagnol. XVIIe.
C'est vers l'âge de 46 ans que saint Raymond entra dans l'ordre de saint Dominique, quelques mois après le décès de son fondateur. En pénitence de ses fautes passées, le provooncial lui demanda d'écrire une somme des cas de conscience ; ce qu'il fit.
Bientôt un légat du pape vint à Barcelone et se servit avec succès de notre saint pour toutes sortes d'affaires sensibles. Chargé depuis par le souverain Pontife des plus hautes missions apostoliques et scientifiques, il dépassa partout les espérances qu'on avait conçues de lui.
En 1238, à Bologne, il fut élu général de l'ordre de Saint-Dominique. Il gouverna pendant deux ans mais renonça ensuite au généralat en vertu de son grand âge et de ses infirmités.
Mais c'est vers ce temps que le pape Innocent IV lui donna des missions dont celle de pénotencier et donc de pourvoir à nombre d'offices dans le royaume en particulier dans la sainte Inquisition.
Le roi d'Aragon le tenait en très haute estime et l'emmenait souvent avec lui. Un jour sur l'île de Majorque, ce roi très religieux entretint malheureusement un commerce illégitime avec une jeune femme. Notre saint lui demanda de cesser ce commerce. Le roi ne le fit pas et saint Raymond voulut quitter l'île. Tous les bateaux avaient reçu l'ordre de ne pas l'embarquer. Appelant Dieu à son aide, il étendit, en effet, son manteau sur les flots, prit son bourdon à la main, fit le signe de la Croix, posa résolument le pied sur son frêle radeau et pria son compagnon de venir le rejoindre, après avoir fait un nouveau signe de Croix ; mais celui-ci sentit sa foi défaillir et préféra la sécurité du port aux hasards d'une telle embarcation.
Saint Raymond de Pennafort. Ingres. XIXe.
La prière du saint religieux était continuelle et presque toujours accompagnée d'abondantes larmes. Notre-Seigneur lui avait donné pour familier un de Ses anges qui le réveillait à propos, pour lui permettre de vaquer à l'oraison. Il ne montait jamais à l'autel sans avoir confessé ses plus légères fragilités. Il disait souvent :
" Les jours où de graves empêchements m'ont privé de la sainte Messe ont toujours été pour moi des jours de deuil et d'affliction."
Il employa les trente-cinq dernières années de sa vie à se préparer plus spécialement à la mort. Il eut commerce avec saint Thomas d'Aquin ; il le supllia entre autre d'écrire un ouvrage contre les erreurs. Saint Thomas s'exécuta et écrit la somme contre les Gentils.
Il fit un grand nombre de miracles ; mais le plus éclatant fut lorsque, revenant de l'île Majorque, il étendit son manteau sur les eaux, fit cent soixante milles de chemin en six heures, et entra dans son monastère , lorsque les portes en étaient fermées. Enfin, âgé de près de cent ans, comblé de vertus et de mérites, il s'endormit dans le Seigneur, l'an du Salut mil deux cent soixante-quinze.
Clément VIII l'a inséré au nombre des Saints.
Il est le patron des canonistes. et on le figure pour cette raison avec une clef.
HYMNE
Nous empruntons l'Hymne suivante au Bréviaire des Frères Prêcheurs :
Saint Raymond de Pegnafort et le miracle en mer.
" Prélats, Princes, peuples de la terre, célébrez le nom illustre de Raymond , de cet homme qui eut à cœur le salut éternel de tous.
Ce qu'offre de plus admirable une piété profonde apparaît dans la pureté sans tache de ses mœurs ; la lumière de toutes les vertus éclate en sa personne.
D'une main habile et studieuse, il recueille les Décrets épars des Souverains Pontifes, et les sentences du Droit antique dignes d'être conservées.
Sous ses pas, les flots inconstants deviennent solides ; il parcourt, sans navire, un espace immense : son manteau et son bâton sont la barque sur laquelle il traverse la mer.
Donnez-nous, Ô Dieu, la pureté des mœurs ; donnez-nous de passer, sans désastre, le cours de notre vie; donnez-nous de toucher le port de la vie éternelle.
Amen."
Réveillez dans nos cœurs, Ô Raymond, cette componction sincère qui est la condition du pardon dans le Sacrement de Pénitence. Faites-nous comprendre la gravité du péché mortel qui sépare de Dieu pour l'éternité, et les dangers du péché véniel qui dispose l'âme tiède au péché mortel. Obtenez-nous des hommes pleins de charité et de science pour exercer ce sublime ministère qui guérit les âmes. Défendez-les du double écueil d'un rigorisme désespérant et d'une mollesse perfide. Ranimez chez nous la vraie science du Droit ecclésiastique, sans laquelle la maison du Seigneur deviendrait bientôt le séjour du désordre et de l'anarchie. Vous dont le cœur fut si tendre envers les captifs, consolez tous ceux qui languissent dans les chaînes ou dans l'exil ; préparez leur délivrance ; mais affranchissez-nous tous des liens du péché, qui retiennent trop souvent les âmes de ceux-là mêmes dont le corps est libre.
Vous avez été, Ô Raymond, le confident du cœur de notre miséricordieuse Reine Marie ; elle vous a associé à son œuvre du rachat des captifs. Vous êtes puissant sur ce Cœur, qui est notre espérance après celui de Jésus. Présentez-lui nos hommages. Demandez pour nous à cette incomparable Mère de Dieu la grâce d'aimer toujours le céleste Enfant qu'elle tient dans ses bras. Qu'elle daigne aussi, par vos prières, être notre étoile sur cette mer du monde, plus orageuse que celle dont vous avez bravé les flots sur votre manteau miraculeux.
Souvenez-vous aussi de l'Espagne, votre patrie, au sein de laquelle vous avez opéré tant d'oeuvres saintes. Longtemps son illustre Eglise fut dans le deuil d'avoir perdu les Ordres religieux qui faisaient sa force et sa splendeur ; une hospitalité généreuse a commencé de réparer ces maux : que toute entrave disparaisse enfin. Protégez l'Ordre des Frères Prêcheurs, dont vous avez honoré l'habit et la règle. Vous l'avez gouverné avec sagesse sur la terre ; aimez-le toujours paternellement dans le ciel. Qu'il répare ses pertes ; qu'il refleurisse dans toute l'Eglise, et qu'il produise, comme aux jours anciens, ces fruits de sainteté et de science qui en ont fait une des principales gloires de l'Eglise de Jésus-Christ."
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