dimanche, 25 février 2024
IIe dimanche de Carême.
- IIe dimanche de Carême.
Tryptique de la Transfiguration.
Panneau central. Gérard David. Flandres. XVe.
La sainte Eglise propose aujourd'hui à nos méditations un sujet d'une haute portée pour le temps où nous sommes. La leçon que le Sauveur donna un jour à trois de ses Apôtres, elle nous l'applique à nous-mêmes, en ce second Dimanche de la sainte Quarantaine. Efforçons-nous d'y être plus attentifs que ne le furent les trois disciples de notre Evangile, lorsque leur Maître daigna les préférer aux autres pour les honorer d'une telle faveur.
Jésus s'apprêtait à passer de Galilée en Judée pour se rendre à Jérusalem, où il devait se trouver pour la fête de Pâques. C'était cette dernière Pâque qui devait commencer par l'immolation de l'agneau figuratif, et se terminer par le Sacrifice de l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. Jésus ne devait plus être inconnu à ses disciples. Ses œuvres avaient rendu témoignage de lui, aux yeux même des étrangers ; sa parole si fortement empreinte d'autorité, sa bonté si attrayante, sa patience à souffrir la grossièreté de ces hommes qu'il avait choisis pour sa compagnie : tout avait dû contribuera les attacher à lui jusqu'à la mort. Ils avaient entendu Pierre, l'un d'entre eux, déclarer par un mouvement divin qu'il était le Christ, Fils du Dieu vivant (Matth. XVI, 16.) ; mais cependant l'épreuve qui se préparait allait être si redoutable pour leur faiblesse, que Jésus voulut, avant de les y soumettre, leur accorder encore un dernier secours, afin de les prémunir contre la tentation.
La Transfiguration. Icône du XIIe. Constantinople.
Ce n'était pas seulement, hélas ! pour la synagogue que la Croix pouvait devenir un sujet de scandale (I Cor. I, 23.) ; Jésus, à la dernière Cène, disait devant ses Apôtres réunis autour de lui :
" Vous serez tous scandalisés, en cette nuit, à mon sujet." (Matth. XXVI, 31.).
Pour des hommes charnels comme eux, quelle épreuve de le voir traîné chargé de chaînes par la main des soldats, conduit d'un tribunal à l'autre, sans qu'il songe même à se défendre ; de voir réussir cette conspiration des Pontifes et des Pharisiens si souvent confondus par la sagesse de Jésus et par l'éclat de ses prodiges ; de voir le peuple qui tout à l'heure lui criait hosannah demander sa mort avec passion ; de le voir enfin expirer sur une croix infâme, entre deux larrons, et servir de trophée à toutes les haines de ses ennemis !
Ne perdront-ils pas courage, à l'aspect de tant d'humiliations et de souffrances, ces nommes qui depuis trois années se sont attachés à ses pas ? Se souviendront-ils de tout ce qu'ils ont vu et entendu ? La frayeur, la lâcheté ne glaceront-elles pas leurs âmes, au jour où vont s'accomplir les prophéties qu'il leur a faites sur lui-même ? Jésus du moins veut tenter un dernier effort sur trois d'entre eux qui lui sont particulièrement chers : Pierre, qu'il a établi fondement de son Eglise future, et à qui il a promis les clefs du ciel ; Jacques, le fils du tonnerre, qui sera le premier martyr dans le collège apostolique, et Jean son frère, qui est appelé le disciple bien-aimé. Jésus veut les mener à l'écart, et leur montrer, durant quelques instants, l'éclat de cette gloire qu'il dérobe aux yeux des mortels jusqu'au jour de la manifestation.
Il laisse donc les autres disciples dans la plaine, près de Nazareth, et se dirige, avec les trois préférés, vers une haute montagne appelée le Thabor, qui tient encore à la chaîne du Liban, et dont le Psalmiste nous a dit qu'elle devait tressaillir au nom du Seigneur (Psalm. LXXXVIII, 13.). A peine Jésus est-il arrivé sur le sommet de cette montagne que tout à coup, aux yeux étonnés des trois Apôtres, son aspect mortel disparaît ; sa face est devenue resplendissante comme le soleil ; ses vêtements si humbles ont pris l'éclat d'une neige éblouissante. Deux personnages dont la présence était inattendue sont là sous les yeux des Apôtres, et s'entretiennent avec leur Maître sur les souffrances qui l'attendent à Jérusalem. C'est Moïse, le législateur, couronné de rayons ; c'est Elie, le prophète, enlevé sur un char de feu, sans avoir passé par la mort. Ces deux grandes puissances de la religion mosaïque, la Loi et la Prophétie, s'inclinent humblement devant Jésus de Nazareth.
Et non seulement les yeux des trois Apôtres sont frappés de la splendeur qui entoure leur Maître et qui sort de lui ; mais leur cœur est saisi d'un sentiment de bonheur qui les arrache à la terre. Pierre ne veut plus descendre de la montagne ; avec Jésus, avec Moïse et Elie, il désire y fixer son séjour. Et afin que rien ne manque à cette scène sublime, où les grandeurs de l'humanité de Jésus sont manifestées aux Apôtres, le témoignage divin du Père céleste s'échappe du sein d'une nuée lumineuse qui vient couvrir le sommet du Thabor, et ils entendent Jehovah proclamer que Jésus est son Fils éternel.
Ce moment de gloire pour le Fils de l'homme dura peu ; sa mission de souffrances et d'humiliations l'appelait à Jérusalem. Il retira donc en lui-même cet éclat surnaturel ; et lorsqu'il rappela à eux les Apôtres, que la voix tonnante du Père avait comme anéantis, ils ne virent plus que leur Maître. La nuée lumineuse du sein de laquelle la parole d'un Dieu avait retenti s'était évanouie; Moïse et Elie avaient disparu. Se souviendront-ils du moins de ce qu'ils ont vu et entendu, ces hommes honorés d'une si haute faveur ? La divinité de Jésus demeurera-t-elle désormais empreinte dans leur souvenir ? Quand l'heure de l'épreuve sera venue, ne désespéreront-ils pas de sa mission divine ? Ne seront-ils pas scandalisés de son abaissement volontaire ? La suite des Evangiles nous répond.
Peu de temps après, ayant célébré avec eux sa dernière Cène, Jésus conduit ses disciples sur une autre montagne, sur celle des Oliviers, à l'orient de Jérusalem. Il laisse à l'entrée d'un jardin le plus grand nombre d'entre eux ; et ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, il pénètre avec eux plus avant dans ce lieu solitaire.
" Mon âme est triste jusqu'à la mort, leur dit-il ; demeurez ici, veillez un peu avec moi." (Matth. XXVI, 38.). Et il s'éloigne à quelque distance pour prier son Père. Nous savons quelle douleur oppressait en ce moment le cœur du Rédempteur. Quand il revient vers ses trois disciples, une agonie affreuse avait passé sur lui ; une sueur de sang avait traversé jusqu'à ses vêtements. Au milieu d'une crise si terrible, les trois Apôtres veillent-ils du moins avec ardeur, dans l'attente du moment où ils vont avoir à se dévouer pour lui ? Non ; ils se sont endormis lâchement ; car leurs veux sont appesantis (Matth. XXVI, 43.). Encore un moment, et tous s'enfuiront, et Pierre, le plus ferme de tous, jurera qu'il ne le connaît pas.
Albrecht Bouts. Flandres. XVIe.
Plus tard, les trois Apôtres, témoins de la résurrection de leur Maître, désavouèrent par un repentir sincère cette conduite honteuse et coupable ; et ils reconnurent la prévoyante bonté avec laquelle le Sauveur les avait voulu prémunir contre la tentation, en se faisant voir à eux dans sa gloire, si peu de temps avant les jours de sa Passion. Nous, chrétiens, n'attendons pas de l'avoir abandonné et trahi, pour reconnaître sa grandeur et sa divinité. Nous touchons à l'anniversaire de son Sacrifice ; nous aussi, nous allons le voir humilié par ses ennemis et écrasé sous la main de Dieu. Que notre foi ne défaille pas à ce spectacle ; l'oracle de David qui nous le représente semblable à un ver de terre (Psalm. XXI, 7.) que l'on foule aux pieds, la prophétie d'Isaïe qui nous le dépeint comme un lépreux, comme le dernier des hommes, l'homme de douleurs (Isai. LIII, 4.) : tout va s'accomplir à la lettre. Souvenons-nous alors des splendeurs du Thabor, des hommages de Moïse et d'Elie, de la nuée lumineuse, delà voix du Père immortel des siècles. Plus Jésus va s'abaissera nos yeux, plus il nous faut le relever par nos acclamations, disant avec la milice des Anges, et avec les vingt-quatre vieillards que saint Jean, l'un des témoins du Thabor, a entendus dans le ciel :
" Il est digne, l'Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, la sagesse et la force, l'honneur, la gloire et la bénédiction !" (Apoc. V, 12.).
A LA MESSE
Le deuxième Dimanche de Carême est appelé Reminiscere, du premier mot de l'Introït de la Messe, et quelquefois aussi le Dimanche de la Transfiguration, à cause de l'Evangile que nous venons d'exposer.
La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Sainte-Marie in Domnica, sur le mont Cœlius. Une tradition nous représente cette Basilique comme l'antique Diaconie où présidait saint Laurent, et dans laquelle il distribuait les aumônes de l'Eglise.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Thessaloniciens. I, Chap. IV.
" Mes Frères, nous vous supplions et nous vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu'ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, ainsi vous marchiez de telle sorte, que vous avanciez de plus en plus. Vous savez quels préceptes je vous ai donnés de la part du Seigneur Jésus. La volonté de Dieu est que vous sovez saints, que vous vous absteniez de la fornication, que chacun de vous sache posséder le vase de son corps dans la sainteté et l'honnêteté, et non dans la fougue des désirs, comme les Gentils, qui ignorent Dieu. Que personne aussi n'opprime son frère, ni ne lui fasse tort dans aucune affaire ; car le Seigneur est le vengeur de tous ces péchés, ainsi que nous vous l'avons déclare et attesté. En effet, Dieu ne nous a pas appelés à être impurs, mais à être saints en Jésus-Christ notre Seigneur."
L'Apôtre insiste, en ce passage, sur la sainteté des mœurs qui doit reluire dans le chrétien ; et l'Eglise, qui nous propose ces paroles, avertit les fidèles de songer à profiter du temps où nous sommes pour rétablir en eux la pureté de l'image de Dieu, selon laquelle la grâce baptismale les avait produits. Le chrétien est un vase d'honneur, préparé et embelli par la main de Dieu ; qu'il se préserve donc de l'ignominie qui le dégraderait, et le rendrait digne d'être brisé et jeté sur le fumier avec les immondices.
Icône de la Transfiguration. Moscou. XVIe.
C'est la gloire du Christianisme d'avoir relevé l'homme jusqu'à faire participer le corps à la sainteté de l'âme ; mais sa doctrine céleste nous avertit en même temps que cette sainteté de l'âme s'altère et se perd par la souillure du corps. Relevons donc en nous l'homme tout entier, à l'aide des pratiques de cette sainte Quarantaine. Purifions notre âme par la confession de nos fautes, par la componction du cœur, par l'amour du Seigneur miséricordieux, et réhabilitons notre corps, en lui faisant porter le joug de l'expiation, afin que désormais il demeure le serviteur de l'âme et son docile instrument, jusqu'au jour où celle-ci, entrée en possesssion d'un bonheur sans fin et sans limites, versera sur lui la surabondance des délices dont elle sera inondée.
ÉVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XVII.
" En ce temps-là, Jésus prit Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les conduisit à part sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux. Et sa face resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blanes comme la neige. Et voici que Moïse et Elie leur apparurent, conversant avec lui. Pierre, s'adressait à Jésus, lui dit :
" Seigneur, il nous est bon d'être ici : si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie Comme il parlait encore, une nuée lumineuse vint les couvrir."
Et voilà que de la nuée sortit une voix qui disait :
" Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu : écoutez-le."
Et les disciples entendant cette voix, tombèrent sur leur face, et furent saisis d'une grande frayeur. Et Jésus, s'approchant d'eux, les toucha et leur dit :
" Levez-vous, et ne craignez point."
Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Et comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement :
" Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts."
C'est ainsi que le Sauveur venait en aide à ses Apôtres à la veille de l'épreuve, et cherchait à imprimer profondément son image glorieuse dans leur pensée, pour le jour où l'œil de la chair n'apercevrait plus en lui que faiblesse et ignominie. Ô prévoyance de la grâce divine qui ne manque jamais à l'homme, et qui justifie toujours la bonté et la justice de Dieu ! Comme les Apôtres, nous avons péché ; comme eux, nous avons négligé le secours qui nous avait été envoyé du ciel, nous avons fermé volontairement les yeux à la lumière, nous avons oublié son éclat qui d'abord nous avait ravis, et nous sommes tombés. Nous n'avons donc point été tentés au delà de nos forces (I Cor. X. 13.), et nos péchés nous appartiennent bien en propre.
Les trois Apôtres furent exposés à une violente tentation, au jour où leur Maître sembla avoir perdu toute sa grandeur; mais il leur était facile de se fortifier par un souvenir glorieux et récent. Loin de là, ils se laissèrent abattre, ils ne songèrent point à renouveler leur courage dans la prière ; et les fortunés témoins du Thabor se montrèrent lâches et infidèles au Jardin des Oliviers. Il ne leur resta plus d'autre ressource que de se recommander à la clémence de leur Maître, quand il eut triomphé de ses méprisables ennemis ; et ils obtinrent leur pardon de son cœur généreux.
Nous aussi, venons à notre tour implorer cette miséricorde sans bornes. Nous avons abusé de la grâce divine ; nous l'avons rendue stérile par notre infidélité. La source de cette grâce, fruit du sang et de la mort du Rédempteur, n'est point encore tarie pour nous, tant que nous vivons en ce monde; préparons-nous à y puiser de nouveau. C'est elle déjà qui nous sollicite à l'amendement de notre vie. Cette grâce, elle descend sur les âmes avec abondance au temps où nous sommes; elle est renfermée principalement dans les saints exercices du Carême. Elevons-nous sur la montagne avec Jésus ; à cette hauteur, on n'entend déjà plus les bruits de la terre. Etablissons-y notre tente pour quarante jours en la compagnie de Moïse et d'Elie qui, comme nous et avant nous, sanctifièrent ce nombre par leurs jeûnes ; et, quand le Fils de l'homme sera ressuscité d'entre les morts, nous publierons les faveurs qu'il daigna nous accorder sur le Thabor.
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25 février. Saint Félix III, pape. 483-492.
- Saint Félix III, pape. 483-492.
Papes : Saint Simplice (prédecesseur, +483) ; saint Gélase Ier (successeur). Empereur romain d'Orient : Zénon. Rois d'Italie : Odoacre ; Théodoric.
" La croix assure la victoire."
Saint Félix III. Mosaïque. Anonyme.
Basilique Saint-Côme-et-Saint-Damien. Rome. VIe.
Saint Félix appartenait à la famille Anicia, la plus puissante, la plus riche et la plus noble de Rome. Son père avait été marié avant que d'être prêtre. Mais, en s'engageant dans les liens du sacerdoce, il avait, selon les règles canoniques, renoncé à ceux du mariage. Félix lui-même avait été marié avant d'entrer dans les Ordres et de devenir Pape.
Saint Grégoire le Grand, qui était de la même famille patricienne des Anicii, rappelle ce fait en ces termes dans une homélie prononcée devant le peuple romain à la basilique de Saint-Clément :
" Mon père eut trois sœurs, Tharsilla, Gordiana et Amiliana, qui, éprises d'une même ardeur de perfection, se consacrèrent le même jour au Seigneur, prirent le voile des vierges et vécurent ensemble dans leur maison, observant les règles monastiques. Ma tante Tharsilla se distinguait par son assiduité à la prière, ses mortifications, son abstinence et l'édification d'une vie consommée en Dieu. Une nuit, dans une vision, mon quatrisaïeul le pontife Félix, qui me précéda sur ce siège de Rome, lui apparut, et découvrant à ses regards les magnifiques splendeurs du royaume des cieux, lui dit : " Ma fille, l'heure est venue où je dois t'introduire dans ce séjour de la gloire éternelle ".
Quelque temps après, Tharsilla fut prise d'une maladie soudaine, et bientôt on comprit qu'elle allait mourir. Selon la coutume dans les familles nobles, une foule considérable remplit la demeure pour assister la malade et consoler ses proches. Ma mère se trouvait au chevet de la mourante. Elle la vit tout à coup lever les yeux au ciel, comme dans une extase ; puis, en se tournant vers les assistants, elle dit : " Retirez-vous, retirez-vous, Jésus vient à moi !" A ces mots, cette âme sainte se dégagea des liens du corps; un parfum céleste se répandit dans l'appartement, comme si l'auteur de toute suavité qui venait d'apparaître à son humble servante eût voulu laisser à tous cette marque de sa présence."
Félix succéda à Simplicius et fut élu le 8 mars de l'année 483, par le sénat, le clergé et le peuple assemblés dans la basilique de Saint-Pierre. Durant l'interrègne qui fut de six jours, selon les uns, de vingt-six jours, suivant les autres, Odoacre, en sa qualité de roi d'Italie, intrigua pour diriger les affaires de l'assemblée et s'arroger le droit de confirmer l'élection. Le mémoire qui contenait ces prétentions fut condamné vingt ans plus tard comme impie et sacrilége par un concile de Rome toute l'antiquité ecclésiastique ratifia cette condamnation quant aux manoeuvres d'Odoacre, elles échouèrent complètement.
Le début du pontificat de saint Félix coïncida avec la nouvelle apportée à Rome du rétablissement de l'hérétique Pierre Monge (1) sur le siège épiscopal d'Alexandrie, par l'influence d'Acace, archevêque de Constantinople. Le vénérable Félix cita Acace à son tribunal et déposa Pierre Monge. Il fit partir pour Constantinople les deux évêques Misenus et Vital, les chargeant de notifier la sentence. Mais ces légats furent circonvenus par les intrigues des deux prélats schismatiques. Ils se laissèrent corrompre, moyennant une somme d'argent, et n'exécutèrent pas les ordres du Saint-Siège. A leur retour en Italie, Félix réunit un synode où ils furent convaincus de simonie et excommuniés. Après la déposition des légats, les Pères du concile prononcèrent de nouveau la déposition solennelle de Pierre Monge. Le Pape ne voulait point encore sévir contre Acace dont les derniers événements lui avaient fait connaître la mauvaise foi. Cependant, comme il ne daignait pas même répondre aux lettres paternelles du souverain Pontife et qu'il continuait à demeurer en communion avec Pierre Monge, Félix fut obligé de le ranger parmi les hérétiques et de le séparer de la communion catholique.
Pour porter ce décret à Constantinople, le Pape fit choix du prêtre Tutus. Il lui remit de plus deux lettres, l'une pour l'empereur Zénon, l'autre. pour le clergé et le peuple de Constantinople cette dernière était destinée à réparer le scandale donné publiquement par ses précédents légats. Acace refusa obstinément de recevoir le décret du Pape pour qu'il ne pût pas prétexter de son ignorance sur une sentence qui l'excommuniait, un moine du couvent où le légat avait trouvé un refuge fut assez hardi pour attacher le décret à son manteau pontifical, un dimanche qu'il entrait dans la basilique pour y célébrer. Cet acte de courage attira la vengeance d'Acace sur tous les moines de Constantinople un certain nombre d'entre eux furent égorgés par ses affidés. C'est ainsi qu'Acaco eut le triste honneur de commencer la séparation entre Rome et Constantinople. Ce premier schisme dura trente-cinq ans (484-519). Qui pourrait dire toutes les violences, toutes les persécutions, toutes les cruautés des Eutychiens triomphants contre les catholiques ? Trois intrus, trois apostats occupaient les trois grands sièges d'Orient : Pierre le Foulon à Antioche, Pierre Monge à Alexandrie, Acace à Constantinople tout puissants à la cour de Zénon et unis dans leur révolte contre le Saint-Siège, ils durent croire avoir triomphé et regarder l'eutychianisme implanté pour jamais en Orient. Mais Dieu allait confondre leurs orgueilleuses pensées. Pierre le Foulon mourut le premier en 488 Acace le suivit au tombeau quelques mois après il expira chargé de la malédiction de Dieu et des hommes. Quant à Zénon, qui n'avait pas eu le courage de se montrer ce qu'il était au fond, un prince vraiment catholique, il fut enterré tout vif par sa propre femme il mourut dans son tombeau de faim et de rage.
Félix ne se contenta pas de donner des soins tendres et bienveillants aux intérêts de l'Eglise d'Orient il se tourna avec compassion vers cette malheureuse Eglise d'Afrique foulée aux pieds par les Vandales. Il écrivit à l'empereur pour qu'il intervînt auprès de Hunéric, leur roi, et qu'il l'engageât à cesser ses cruautés envers les catholiques. Le roi persécuteur vécut de courtes années, et Gondamond, son successeur, rendit la paix à l'Eglise.
Ceux qui étaient tombés pendant la persécution demandèrent à rentrer en grâce Félix régla les conditions de leur pénitence et rétablit les anciens Canons.
Dans le domaine politique, le pontificat de saint Félix III fut marqué par l'invasion de Théodoric, roi des Ostrogoths, en Italie, et l'expulsion d'Odoacre, roi des Hérules. Les habitants des provinces et des villes, horriblement pressurés par les barbares, n'avaient d'autres ressources que la charité des évêques. L'Eglise ne faillit pas à sa mission. Saint Félix mourut pendant cette lutte qui amenait une domination arienne en Italie (492).
D'un caractère énergique, prudent et modéré, il sut, au milieu des difficultés de l'Orient agité par l'hérésie, et de l'Occident déchiré par des guerres sanglantes, maintenir l'autorité du Siége apostolique, et la faire respecter malgré les intrigues, malgré les défections. Le talent, la capacité, la vertu qu'il déploya sur le trône, lui valurent les honneurs de la canonisation. Il fut inhumé dans la basilique du bienheureux Paul, apôtre.
Saint Félix III. Gravure. Anonyme. XVIe.
ACTES DE SON ADMINISTRATION
Il établit que les églises seraient consacrées par les évêques seulement.
Il défendit de rebaptisé ceux qui l'avaient été une première fois.
Il construisit la basilique Saint-Agapet, près de clele de Saint-Laurent.
Le premier, il donna aux empereurs le nom de Fils. Le premier encore, il employa comme date l'indiction, c'est-à-dire une manière de compter par périodes de quinze années, à partir de l'an 312 de Jésus-Christ, epoque de la conversion de Constantin.
Sous son pontiticat et la troisième année de son règne, saint Barnabé. apôtre, apparut à Anthème, évêqne de Salamine, en Chypre, tenant en main l'Evangile de saint Matthieu ; cette révélation se renouvela trois fois et le corps de saint Barnabé fut trouvé avec un exemplaire de cet Evangile.
C'est encore sous son pontificat que les habitants du Norique, fuyant leur pays, apportèrent en Italie les reliques du grand saint Séverin.
(1). Son hérésie était l'Eutychianisme. Voir sur cette question le concile de Chalcédoine dans les conciles généraux et particuliers, par Mgr Guérin.
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samedi, 24 février 2024
24 février. Saint Matthias, Apôtre et martyr. 63.
- Saint Matthias *, Apôtre et martyr. 63.
Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.
" Apprenons par la vie de saint Matthias à consulter Dieu dans toutes nos entreprises."
Mgr Guérin.
Le Fils de Dieu, qui était venu en ce monde pour attirer les coeurs des hommes à Son amour, voulut être suivi par douze hommes pauvres et de peu d'apparence, mais puissants en oeuvres et en paroles, appelés Apôtres, qu'Il anima de Son esprit et de Sa grâce, afin que, comme de braves et vaillants capitaines, ils fissent la guerre au péché, au prince des ténèbres et à tous ses suppôts.
Saint Matthias. Eglise abbatiale de l'abbaye Saint-Oyend,
Parmi ces douze Apôtres, il s'en trouva un, nommé Judas Iscariote, qui après avoir été élevé à cette éminente dignité de l'apostolat, et être demeuré quelques temps dans l'école d'un si bon et si adorable Maître, prêché et fait plusieurs miracles dans la Judée, étant enfin dominé par l'avarice, vendit à vil prix le Prix infini de la Rédemption de tous les hommes, Le livrant à Ses ennemis ; mais lorsqu'il Le vit condamné à mort, il ajouta crime sur crime, et, désespérant de Son pardon, il se pendit et s'étrangla de ses propres mains. En effet, il n'y en avait point d'assez infâmes dans toute la nature pour donner la mort à ce misérable.
Bartolomeo Bulgarini. XIVe.
Cet enfant de perdition ayant fait une si malheureuse fin, et étant déchu du rang que Notre Seigneur Jésus-Christ lui avait donné, les Apôtres et tous les autres Disciples, après l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les cieux, s'assemblèrent ; saint Pierre, comme chef et pasteur universel de l'Eglise, prit la parole ; et, après avoir représenté l'impiété et la punition de Judas, leur dit que " pour accomplir la prophétie de Daniel, il fallait choisir un de ceux qui étaient présents et qui avaient conversé avec Notre Seigneur Jésus-Christ depuis le baptême de saint Jean jusqu'au jour où Lui-même était monté au cieux ; afin que celui qu'on élirait de nouveau fût mis en la place de ce désespéré, pour être témoin avec les autres de la vie miraculeuse de leur Maître et de la tromphante victoire qu'Il avait remporté sur la mort " (Act. I.).
Telle fut cette première allocution pontificale, dont les Consistoires romains ont retenu la forme solennelle et dont les Papes conserveront jusqu'à la fin des siècles le fraternel langage.
Election de saint Matthias. Domenico Tiepolo. XVIIIe.
L'avis de saint Pierre fut trouvé bon par toute l'assistance, composée d'environ cent-vingt personnes ; et, d'un commun accord, ils en choisirent deux, savoir : Joseph, dit Barsabas, et, à cause de sa sainteté, surnommé Juste ; et Matthias, l'un des soixante-douze Disciples. Ensuite, tous se mirent en oraison et demandèrent à Celui qui pénètre le fond des coeurs qu'Il lui plût de déclare lequel des deux Il avait choisi pour succéder à l'apostolat du traitre Judas.
Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
" Aussitôt ils tirèrent leurs noms au sort : le sort tomba sur Matthias, et il fut compté parmi onze Apôtres."
Deux choses rendent légitimes l'emploi que les Apôtres firent du sort : ils avaient à choisir entre deux sujets d'un égal mérite ; mais le mérite ne suffit pas pour le ministère ecclésiastique, il faut la vocation ; il s'agissait donc de savoir lequel, de Joseph ou de Matthias, était appelé de Dieu à l'apostolat ; il plut à Dieu de déclarer cette fois Sa volonté par le sort, et c'est Lui sans doute qui inspira aux Apôtres d'employer ce moyen.
Estampe allemande du XVe.
Hors ces cas extraordinaires où, le mérite égal des sujets jetant dans l'incertitude, une lumière surnaturelle inspire d'avoir recours au sort, l'emploi en est illégitime. Ce serait tenter Dieu, qui a laissé à Son Eglise d'autres marques pour s'assurer de la vocation de ses ministres, et qui, dans la suite, est souvent venu à son secours par des miracles.
Il faut dire aussi que tous les interprètes ne voient pas dans ce passage de l'Ecriture un emploi du sort. Quelques-uns, s'appuyant sur d'autres passages, donnent au mot sort un autre sens : celui de vocation, de lot ; de sorte qu'il faudrait traduire : Et ce fut Matthias qui eut, pour vocation, pour lot, l'apostolat.
Saint Matthias & saint Marc. Psalterium. Tigré. Ethiopie. XVe.
Quoiqu'il en soit, notre Saint ayant été élu Apôtre, reçut le Saint-Esprit avec les autres, et commença à prêcher aux peuples le mystère ineffable de la Croix, avec une grande sainteté de vie et une admirable ferveur d'esprit ; puis, lorsque les Apôtres divisèrent entre eux les provinces pour savoir où chacun d'eux devait aller annoncer l'Evangile, la Judée échut à saint Matthias. Il se mit aussitôt à y prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ : il le fit avec tant d'ardeur, qu'il convertit beaucoup de monde à la foi comme le ramrque saint Isidore en sa vie.
Au rapport de saint Sophrone, de Nicphore et de Dorothée, il alla, en continuant toujours sa prédication, jusqu'au fond de l'Ethiopie.
Cependant les Juifs ne cessèrent de lui faire la guerre, parce qu'il leur faisait voir, par les Ecritures, la venue du Messie. Les persécutions de ces perfides furent plus difficiles et à vaincre que les traverses du monde les plus insupportables : car, après avoir prêcher l'espace de trente-trois années, il fut assommé par ces Juifs et par les Gentils à coups de pierres et ensuite décapité. Quelques-uns disent qu'il fut crucifié, puis détaché de la croix pour avoir la tête tranchée.
Décolation de saint Matthias.
Il mourut l'an 63 de notre salut, sous l'empire de Néron. Son saint corps fut apporté à Rome par sainte Hélène, mère de Constantin, et une partie des ossements de son chef et de ses autres membres se voient encore aujourd'hui dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure ; l'autre partie fut donnée par cette sainte impératrice, comme un riche présent, à saint Agrice, archevêque de Trèves, qui la mit en l'ancienne église de Saint-Eucher, hors les murs de cette ville : c'est pourquoi cette église a changé son nom, et a pris celui de Saint-Matthias. Il s'y est fait un grand nombre de miracles par les mérites de l'intercession de notre Saint.
Saint Matthias. Panneau droit d'un dyptique.
Une partie du vénérable chef de saint Matthias a longtemps été conservé à Barbezieux, en Saintonge. Déplorons que les bêtes féroces calvinistes l'aient arrachée de son reliquaire, jetée dans le feu et réduite en cendres.
Peut-être était-ce " vengeance " sur le succès triomphal de Jean Eck sur Luther qui invoquait saint Matthias avant toute dispute, puisqu'une autre partie des reliques de notre Saint avait été apportée et était vénérée à Augsbourg.
Gravure de Théophile et Rodolphe Deckherr. Montbéliard. XIXe.
Dans les groupes formés de douze Apôtres, on reconnaît saint Matthias à la hache ou hallebarde, comme on reconnaît saint Pierre aux clefs. Isolé, il tient une crois à longue hampe, souvenir du genre de mort qu'il endura pour Notre Seigneur Jésus-Christ.
En considération de sa hache, saint Matthias a été choisi pour patron des charpentiers et des taillandiers.
Saint Grégoire le Grand et saint Matthias. Masolino. XVe.
Trèves et Goslar, en Hanovre, comptent saint Matthias parmi leurs patrons.
* Les années bissextiles, saint Matthias se fête le 25 février. Il est honoré ordinairement le 24 de ce mois et anticipé ou repoussé si ce jour est le mercredi des Cendres.
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vendredi, 23 février 2024
23 février. Saint Pierre Damien, cardinal-évêque d'Ostie, docteur de l'Eglise. 1072.
" Ce vigilant ne fuyait pas quand il voyait venir le loup : il allait au contraire l'attaquer dans sa retraite et lui donner la mort avant qu'il vint fondre sur son bercail, retranchant, par le glaive de l'excommunication, ceux qui voulaient introduire des erreurs dans l'esprit de ses diocésains. Il était le fléau des hérétiques, et il savait si efficacement réprimer leur audace et leur témérité, que les autres prélats l'envoyaient prier avec instance de venir à leur secours, pour les aider à dissiper les pernicieuses doctrines qui s'étaient glissées dans leurs églises."
Petits Bollandistes.
Antiveduto Grammatica. XVIIe.
L'austère réformateur des mœurs chrétiennes au XIe siècle, le précurseur du saint pontife Grégoire VII, Pierre Damien en un mot, paraît aujourd'hui sur le Cycle. A lui revient une partie de la gloire de cette magnifique régénération qui s'accomplit en ces jours où le jugement dut commencer par la maison de Dieu (I Petr. IV, 17.). Dressé à la lutte contre les vices sous une sévère institution monastique, Pierre s'opposa comme une digue au torrent des désordres de son temps, et contribua puissamment à préparer, par l'extirpation des abus, deux siècles de foi ardente qui rachetèrent les hontes du Xe siècle. L'Eglise a reconnu tant de science, de zèle et de noblesse, dans les écrits du saint Cardinal, que, par un jugement solennel, elle l'a placé au rang de ses Docteurs. Apôtre de la pénitence, Pierre Damien nous appelle à la conversion, dans les jours où nous sommes ; écoutons-le et montrons-nous dociles à sa voix.
Pierre, né à Ravenne, de parents aisés, étant encore à la mamelle, fut rejeté par sa mère qui était mécontente d'avoir un grand nombre d'enfants. Il fut recueilli demi-mort et soigné par une personne de la maison, qui le rendit à la mère, après l'avoir rappelée aux sentiments de l'humanité. Ayant perdu ses parents, il se vit réduit à une dure servitude, sous la tutelle d'un de ses frères qui le traita comme un vil esclave. Ce fut alors qu'il donna un rare exemple de religion envers Dieu, et de piété filiale. Ayant trouvé par hasard une pièce de monnaie, au lieu de l'employer à soulager sa propre indigence, il la porta à un prêtre, lui demandant d'offrir le divin Sacrifice pour le repos de l'âme de son père. Un autre de ses frères nommé Damien, dont on dit qu'il a tiré son nom, l'accueillit avec bonté, et l'instruisit dans les lettres. Pierre y fit de si rapides progrès, qu'il devint l'objet de l'admiration des maîtres eux-mêmes.
Son habileté et sa réputation dans les sciences libérales l'ayant fait connaître, il les enseigna lui-même avec honneur. Dans cette nouvelle situation, afin de soumettre les sens à la raison, il portait un cilice sous des habits recherchés, se livrant avec ardeur aux jeûnes, aux veilles et aux oraisons. Etant dans l'ardeur de la jeunesse, et se sentant vivement pressé des aiguillons de la chair, il allait la nuit éteindre ces flammes rebelles dans les eaux glacées d'un fleuve ; puis il se mettait en marche pour visiter les sanctuaires en vénération, et récitait le Psautier tout entier. Il soulageait les pauvres avec un zèle assidu, et les servait de ses propres mains dans des repas qu'il leur donnait fréquemment.
Désirant mener une vie plus parfaite, il entra dans le monastère d'Avellane. au diocèse de Gubbio, de l'Ordre des moines de Sainte-Croix de Fontavellane, fondé par le bienheureux Ludolphe, disciple de saint Romuald. Peu après, envoyé par son Abbé à l'abbaye de Pomposia, puis à celle de Saint-Vincent de Petra-Pertusa, il édifia ces deux monastères par ses prédications saintes, par son enseignement distingué et par sa manière de vivre. A la mort de son Abbé, la communauté d'Avellane le rappela pour le mettre à sa tête ; et il développa d'une manière si remarquable cette famille monastique par les nouvelles maisons qu'il créa, et par les saintes institutions qu'il lui donna, qu'on le regarde avec raison comme le second père de cet Ordre et son principal ornement.
Plusieurs monastères d'institut différent, des chapitres de chanoines, des populations entières, éprouvèrent les salutaires effets du zèle de Pierre Damien. Il rendit de nombreux services au diocèse d'Urbin ; il secourut l'évêque Theuzon dans une cause importante, et l'aida par ses conseils et par ses travaux dans la bonne administration de son évêché. La contemplation des choses divines, les macérations du corps et les autres traits d'une sainteté consommée élevèrent à un si haut point sa réputation, que le pape Etienne IX, malgré la résistance du saint, le créa Cardinal de la sainte Eglise Romaine et Evoque d'Ostie. Pierre éclata dans ces hautes dignités par des vertus et des œuvres en rapport avec la sainteté du ministère épiscopal.
Par sa doctrine, ses légations et toute sorte de travaux, il fut d'un secours merveilleux à l'Eglise Romaine et aux Souverains Pontifes, dans des temps très difficiles. Il combattit jusqu'à la mort avec un zèle intrépide l'hérésie Simoniaque et celle des nicolaïtes. Après avoir purgé de ce double fléau l'Eglise de Milan, il la réconcilia avec l'Eglise Romaine. Il s'opposa courageusement aux antipapes Benoît et Cadalous. Il retint Henri IV, roi de Germanie, qui était sur le point de divorcer injustement avec son épouse. La ville de Ravenne fut ramenée par lui à l'obéissance au Pontife Romain, et rétablie dans la jouissance des choses saintes.
Il mit la réforme chez les chanoines de Vellétri. Dans la province d'Urbin, presque toutes les Eglises épiscopales éprouvèrent ses services ; celle de Gubbio, qu'il administra pendant quelque temps, fut par lui soulagée d'un grand nombre de maux ; quant aux autres, il les soigna toujours autant qu'il lui fut possible, comme si elles eussent été confiées à sa garde. S'étant démis du cardinalat et de la dignité épiscopale, il ne relâcha rien de son empressement à soulager le prochain.
Il fut le propagateur du jeûne du Vendredi, en l'honneur du mystère de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, et du petit Office de la Mère de Dieu, ainsi que de son culte le jour du Samedi. Il étendit par son zèle l'usage de la discipline volontaire, pour l'expiation des péchés qu'on a commis.
Enfin, après une vie tout éclatante de sainteté, de doctrine, de miracles et de grandes actions, lorsqu'il revenait de la légation de Ravenne, son âme s'envola vers le Christ, à Faënza, le huit des calendes de mars. Son corps, gardé dans cette ville chez les Cisterciens, est honoré d'un grand nombre de miracles, du concours et de la vénération des peuples. Plus d'une fois les habitants de Faënza ont éprouvé son secours dans les calamités ; et pour ce motif, leur ville l'a choisi pour patron auprès de Dieu. Son Office et sa Messe, qui se célébraient déjà comme d'un Confesseur Pontife dans plusieurs diocèses et dans l'Ordre des Camaldules, ont été étendus à l'Eglise universelle, de l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, par le pape Léon XII, qui a ajouté la qualité de Docteur.
On a représenté saint Pierre Damien :
- avec une discipline à la main, pour exprimer l'ardeur avec laquelle il s'adonnait à la mortification ;
- sous les costumes divers de cardinal, d'ermite et de pélerin ;
- en pélerin, on lui met un diplôme ou une bulle à la main pour rappeler les diverses légations dont il fut chargé par les Papes.
Fortifiez dans les brebis le respect, la fidélité et l'obéissance envers ceux qui les conduisent dans les pâturages du salut. Vous qui fûtes non seulement l'apôtre, mais l'exemple de la pénitence chrétienne, au milieu d'un siècle corrompu, obtenez que nous soyons empressés à racheter, par les œuvres satisfactoires, nos péchés et les peines qu'ils ont méritées. Ranimez dans nos âmes le souvenir des souffrances de notre Rédempteur, afin que nous trouvions dans sa douloureuse Passion une source continuelle de repentir et d'espérance. Accroissez encore notre confiance en Marie, refuge des pécheurs, et donnez-nous part à la tendresse filiale dont vous vous montrâtes animé pour elle, au zèle avec lequel vous avez publié ses grandeurs."
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jeudi, 22 février 2024
22 février. Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.
" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société."
Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth.
Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s'étendre en dehors de la race juive.
Quelques disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Juif converti depuis peu d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.
La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité tout entière.
Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.
Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius son disciple.
Evodius sera le successeur de Pierre en tant qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne. C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.
Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers.
Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de la fête que nous célébrons aujourd'hui.
Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être. S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.
Saint Pierre et les clefs du Royaume.
Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux."
C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."
Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres Pasteurs : les Evêques, " que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ", gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a " donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que, " pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que " le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que " le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".
L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.
C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que " le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux " ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles elles doivent se conformer."
C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que " l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que " les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que " l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".
Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.
Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de la Chaire de Pierre.
Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.
Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.
Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.
Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche.
C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner d'eux.
C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !
Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie,
Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.
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mercredi, 21 février 2024
21 février. Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
- Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
Pape : Saint Séverin (+640) ; Jean IV. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II.
" Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache et ne s'est point attaché à l'or."
Eccli., XXXI, 8.
Saint Pépin de Landen administrant.
Ce saint duc était le fils du prince Carloman et de la princesse Emegarde. Il fut maire du palais sous Clotaire II, Dagobert Ier et Sigebert II, rois de France, et exerça cette grande charge, qui était peu différente de l'autorité royale, avec une rare prudence.
Il ne pouvait rien ajouter à sa fidélité pour son roin ni à son amour pour son peuple. Il embrassait, avec une constance invincible, les justes intérêts de l'un et de l'autre, sans souffrir que, pour favoriser le peuple, on fît tort au rdroits du roi ; ni que, sous prétexte des droits du roi, l'on opprimât et accablât le peuple, parce qu'il préférait les volontés de Dieu à celles des hommes, et savait qu'il défend de favoriser les puissants au préjudice des faibles. Ainsi, il rendait au peuple ce que la justice voulait qu'on lui rendît, et à César ce qui appartenait légitimement à César.
Clotaire II recevant l'hommage des Lombards.
Il n'en faut point de meilleure preuve que son désir d'avoir pour associé, dans sa conduite, saint Arnoul, évêque de Metz ; il ne faisait rien sans son conseil, connaissant son éminente vertu et sa grande capacité dans le gouvernement de l'Etat. Après la mort de saint Arnoul, il prit pour collègue, dans l'administration des affaires, un autre grand saint, Cunibert, archevêque de Cologne. On peut assez juger avec quelle ardeur il embrassait les choses justes, puisqu'il choisissait des hommes si excellents et si incorruptibles pour être les directeurs de ses conseils et les fidèles témoins de ses actions.
Clotaire II, Dagobert son fils, saint Arnoul de Metz et
Le roi Clotaire II ne se contenta pas de mettre entre les mains de cet excellent prince la première charge de son Etat, en le faisant maire du palais : il l'honora aussi de toute sa confiance, et lui donna tout le pouvoir qu'un grand ministre peut espérer. Ayant résolu d'associer son fils Dagobert à une partie de sa puissance et de partager avec lui ses Etats, en le mettant, dès son vivant, en possession du royaume d'Austrasie, il choisit, parmi tous les grands de la cour, cet homme admirable pour lui confier entièrement la conduite de ce jeune prince, qui devait n'agir que d'après ce conseiller (622).
Statue de Dagobert Ier. XIXe. Versailles.
Pépin s'acquitta si dignement de cette charge, qu'il n'oublia rien de ce qui pouvait imprimer dans l'esprit de Dagobert la crainte de Dieu et l'amour de la justice : il lui mettait souvent devant les yeux cette belle parole de l'Evangile :
" Le trône d'un roi qui rend justice aux pauvres ne sera jamais ébranlé."
Ainsi, ce fut par sa prudence que Dagobert gouverna si bien et si heureusement, non seulement l'Austrasie, mais aussi tous les Etats que son père lui laissa en mourant. Son frère Caribert, et plusieurs grands les lui ayant disputés, cette faction fut bientôt dissipée par la valeur de Pépin, qui n'était pas moins généreux dans la guerre que juste et sage dans la paix ; et Dagobert, après s'être maintenu dans le droit qui lui appartenait, gagna de telle sorte le coeur de tous ses sujets par sa libéralité, sa justice, sa douceur et toutes les autres qualités dignes d'un grand roi, qu'il égala et surpassa même la réputation de ses plus illustres prédécesseurs ; son règne eût été des plus beaux, s'il eût toujours suivi les avis d'un si saint et si habile maître.
Mais, comme rien n'est plus difficile que de conserver son esprit pur au milieu de la corruption du siècle, et son corps chaste au milieu des plaisirs qui accompagnent la prospérité et la souveraine puissance, ce roi se plongea dans la volupté, et il eut recours à des moyens injustes pour satisfaire à ses dépenses folles et désordonnées. Saint Pépin, qui en eut le coeur tout percé de douleur, l'en reprit sévèrement, et lui reprocha son ingratitude envers Dieu. Ce prince reçut d'abord si mal les avis de notre saint, qu'il pensa même à le faire mourir, étant poussé en cela par quelques grands de sa cour qui haïssaient Pépin et portaient envi à sa vertu.
Mais Dieu, qui est le protecteur des justes, délivra Pépin de ce péril. Le roi comprit enfin la justesse de ses remontrances et eut plus de vénération que jamais pour le mérite et la vertu d'un si grand ministre. Pour lui en donner une preuve non équivoque, il mit entre ses mains son fils Sigisbert, qu'il envoya régner en Austrasie sous sa conduite (633). Ainsi Sigisbert étant roi de nom et saint Pépin gouvernant en effet le royaume, l'Austrasie se trouva délivrée des grandes incursions des Barbares qu'elles souffrait auparavant. Il les réprima, les resserra dans leurs pays ; et, après la mort de Dagobert, il eût mis Sigebert en possession de tous ses Etats, si son père ne l'eût obligé, dès son vivant, de se contenter de l'Austrasie et de laisser le royaume de France à Clovis, son puîné.
Baptême de saint Sigebert par saint Amand de Troyes en présence
Notre saint duc mourut le 21 février 640 au château de Landen, en Brabant ; l'affliction que toute l'Austrasie en conçut fut si extraordinaire, qu'elle ne le pleura pas moins que l'un de ses meilleurs rois : car sa vie était toute sainte, sa réputation sans tache, sa sagesse et sa conduite admirables ; et on pouvait le nommer, avec vérité, le protecteur des lois, le soutien des faibles, l'ennemi de la division, l'ornement de la cour, l'exemple des grands, le conducteur des rois et le père de la patrie.
Statue de saint Pépin de Landen. Louvain. Belgique.
Son corps fut d'abord déposé au lieu où il mourut, puis fut transféré au monastère de Nivelle. Au reste, il faut prendre garde de ne le point confondre avec deux autres Pépin dont le nom est célèbre dans notre histoire :
- le premier, Pépin d'Héristal, aussi maire du palais et père de Charles Martel ;
- le second, Pépin le Bref, fils du même Charles Martel, et le premier de nos rois de la seconde race.
Saint Pépin de Landen, dont nous parlons, est le plus ancien des trois, et fut l'aïeul de Pépin d'Héristal par sa fille sainte Begghe, qui, ayant épousé Ansegise, fils de saint Arnoul, lui donna ce fils pour le bien de la France et le soutien de cette grande et illustre monarchie qui vécut aussi longtemps qu'elle fut le soutien fidèle de notre sainte mère l'Eglise.
Il reste à remarquer que la maison de saint Pépin n'était qu'une compagnie de Saints et de Saintes : car sa femme, nommée Itte, ou Ideburge, soeur de saint Modoald, archevêque de Trèves, après avoir vécu saintement dans le mariage, à l'exemple de son mari, ne s'occupa, quand elle fut veuve, qu'à pratiquer toutes sortes de bonnes oeuvres ; et elle reçut enfin, des mains de saint Amand, le voile sacré de religieuse dans le célèbre monastère de Nivelle, qu'elle avait elle-même fait bâtir. Elle y passa le reste de ses jours dans une si grande perfection, qu'elle offrait à toutes les religieuses qui y demeuraient un rare exemple de vertu.
Sainte Wautrude et sainte Gertrude.
L'aînée des filles de saint Pépin et d'Ideburge, la grand et illustre sainte Gertrude, abbesse du même monastère de Nivelle, fut si éminente en sainteté, qu'on peut la considérer comme une des plus belles lumières de la religion.
Sainte Gertrude de Nivelle, fille de saint Pépin. Gravure du XVIIIe.
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mardi, 20 février 2024
20 février. Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
- Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
Exod., III, 11.
Saint Eleuthère. Portail de la cathédrale de Tournai.
Eleuthère, ou Lehire, selon l’ancienne appellation, vit le jour à Tournai en 454 ou 456. Serenus, son père, et Blanda, sa mère, étaient d’une noble origine et jouissaient d’une grande aisance. Serenus comptait parmi ses ancêtres Hirénée, qui fut un des premiers habitants de Tournai qui embrassa le christianisme à la voix de saint Piat, et qui donna le terrain sur lequel s’éleva dans la suite l’église de Notre-Dame.
Eleuthère avait reçu de Dieu un si heureux naturel, qu’il fit autant de progrès dans les lettres que dans la piété. Il fut élevé avec saint Médard, depuis évêque de Noyon, qui lui prédit qu’il serait un jour évêque de Tournai. La prédiction se vérifia en 486, lorsque Eleuthère, âgé de trente ans environ, fut élu pour succéder à l’évêque Théodore.
Déjà avant la mort de Théodore, la violence des païens avait obligé les principaux chrétiens de Tournai de se réfugier à Blandain, village situé à une lieue de Tournai, où les parents d’Eleuthère avaient des propriétés. Les Tournaisiens avaient beaucoup dégénéré depuis la mort de leur apôtre saint Piat. Leur foi s’éteignait de jour en jour, soit par le commerce et la violence des païens, soit par les désordres des rois francs, qui étaient encore idolâtres et qui faisaient leur résidence à Tournai.
Tel était l’état de l’église de cette ville, lorsque saint Eleuthère en fut fait évêque. Les premières années de son épiscopat furent pour lui un temps de troubles et de rudes épreuves. Son troupeau se trouvait mêlé, d’une part avec les Francs maîtres du pays et encore païens, et d’autre part avec divers hérétiques qui répandaient parmi le peuple des doctrines contraires au dogme de l’Incarnation de Jésus-Christ. Ce fut pour Eleuthère un sujet de redoubler sa vigilance pastorale et ses travaux. Il arracha un grand nombre de Francs aux superstitions du paganisme, et défendit de vive voix et par écrit le mystère de l’Incarnation contre les hérétiques.
Saint Eleuthère.
Son zèle pour gagner des âmes à Jésus-Christ le porta plus d’une fois à pénétrer secrètement dans Tournai, où il prêchait l'Evangile à des familles délaissées et à des hommes qui avaient reconnu la vanité des idoles. Telles étaient ses occupations ordinaires, quand un événement singulier, mais que Dieu fit servir au salut d’un grand nombre, vint lui rouvrir, ainsi qu’aux autres exilés, les portes de sa ville natale.
La fille du gouverneur de Tournai, païenne comme son père, avait conçu une secrète affection pour le jeune et vertueux Eleuthère, avant qu'il eût été banni avec sa famille. Jamais elle n’avait communiqué ce sentiment à personne; mais un jour elle se transporta à Blandain pour en faire l’aveu à saint Eleuthère lui-même.
" Malheureuse, lui dit-il, n’avez-vous point entendu dire que Satan osa tenter le Seigneur, et que celui-ci répondit : Retire-toi ; oses-tu bien tenter ton Seigneur et ton Dieu ? A l’exemple de mon Sauveur et au nom de la sainte et indivisible Trinité, je vous commande de vous retirer et de ne plus revenir en ce lieu."
Dans le même instant elle sortit du tombeau sous les yeux d’une multitude de spectateurs et demanda à recevoir le baptême. Malgré un prodige si éclatant, le père résistait encore, sans doute par la crainte qu’il avait des autres païens : c’était le motif ordinaire de ces sortes de résistances à la grâce. Une contagion subite éclata alors parmi eux et fit d’épouvantables ravages. Dans leur aveuglement, les idolâtres attribuèrent ce châtiment du ciel aux artifices de saint Eleuthère, qu’ils traitaient de magicien ; et ayant tenu conseil entre eux, ils résolurent de le faire périr.
La conversion de Clovis, en 496, ayant rendu le temps plus calme, Eleuthère en profita pour rétablir à Tournai le siège épiscopal, fixé depuis quelques années au village de Blandain. II fit trois fois le voyage de Rome pour s’éclaircir sur les moyens propres à remédier aux maux de son église. La dernière fois qu’il en revint, il rapporta les reliques de saint Etienne, premier martyr, et de sainte Marie l’Egyptienne.
Châsse de saint Eleuthère à Tournai.
Le retour du Saint au milieu de son troupeau excita partout la joie la plus vive. Le clergé et le peuple, sortis de la ville par la porte Nervienne, étaient allés à sa rencontre, et déjà le cortège descendait la colline du mont Sacré, aujourd’hui le mont Saint-André, lorsque, du haut de cette éminence, le vénérable évêque apparut, tenant élevées dans ses mains les précieuses reliques qu’il portait. Deux cercles de lumière se formèrent au même instant autour de lui sous les yeux du peuple, qui poussait des cris d’admiration ; puis tous se mirent en marche vers la basilique de Notre-Dame en chantant des hymnes et des cantiques. Sur la route, un grand nombre de malades ou d’estropiés furent guéris, et un muet, bien connu des habitants, recouvra l’usage de la parole.
Clovis se distingua par le succès de ses armes et par la protection qu’il accorda à la religion ; mais il souilla sa mémoire par des actes de perfidie et de violence. La légende de saint Eleuthère nous offre une protestation publique de la part du clergé contre les moyens barbares par lesquels le vainqueur de Tolbiac tacha d’étendre et de consolider sa domination. Clovis vint un jour à Tournai ; à peine arrivé, il se rendit à l’église pour remercier Dieu de ses victoires.
Eleuthère l’attendait sur le seuil :
" Seigneur roi, lui dit-il, je sais pourquoi vous venez à moi."
Etonné de ces paroles, Clovis protesta qu’il n’avait rien de particulier à dire à l’évêque.
" Ne parlez pas ainsi, Ô roi, reprit saint Eleuthère, vous avez péché et vous n’osez l’avouer."
Alors le vainqueur s’émut, ses yeux se mouillèrent de larmes, il avoua qu’il se sentait coupable et pria le pieux évêque de célébrer la messe pour lui et d’implorer du ciel le pardon de ses crimes. Eleuthère se mit en prières et y resta toute la nuit, arrosant le sol de ses pleurs.
Le lendemain, pendant qu’il célébrait la messe, et au moment où il se préparait à recevoir l’hostie sainte, une lumière éclatante se répandit dans l’église, et un ange lui apparut :
" Eleuthère, lui dit-il, serviteur de Dieu, tes prières sont exaucées."
En même temps il lui remit un écrit où était tracé le pardon accordé aux fautes royales qu’il n’est pas permis de divulguer. Absous par la clémence divine, Clovis rendit grâces à Dieu et au saint évêque, et fit des dons considérables à l’église de Tournai. Les courageuses remontrances d’Eleuthère, le repentir public du prince, l’ange apportant du ciel le pardon des crimes politiques, sont au moins, si l’on tient à contester la certitude de ces faits, une admirable peinture des sentiments populaires de cette époque.
Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos.
Pour extirper les dernières racines des doctrines hérétiques qui désolaient son diocèse, Eleuthère réunit vers l’an 520 un synode, dans lequel il parait avoir prononcé un discours sur le mystère de l’Incarnation. Son zèle à maintenir le dépôt de la foi dans sa pureté lui coûta la vie. Un jour, en sortant de l’église, il fut assailli par une bande d’hérétiques qui se jetèrent sur lui et l’accablèrent de coups. Le Saint survécut peu de jours à ses blessures; sa mort arriva en 531, le 20 février, jour auquel l’Eglise honore sa mémoire.
L’illustre ami d’Eleuthère, saint Médard, évêque de Noyon, s’était empressé de venir à Tournai à la nouvelle des violences auxquelles on s’était porté contre lui. Après avoir répandu des larmes abondantes sur son corps inanimé, il se mit en devoir de lui rendre les honneurs de la sépulture.
" Lui-même célébra les sacrés mystères, pour remercier Dieu de ce qu’il avait daigné admettre saint Eleuthère dans le séjour de la gloire."
Les cérémonies achevées, on transporta le corps dans l’église de Blandain, où il resta jusqu’à la fin du IXe siècle. A cette époque, une pieuse dame, qui habitait le lieu appelé Roubaix, eut une révélation, dans laquelle saint Eleuthère lui commanda d’aller de sa part auprès d'Heidilon, évêque de Tournai et de Noyon, pour lui dire de lever de terre son corps et de le transporter à Tournai. Cette sainte femme remplit la mission qui lui était confiée et l'évêque, avec son clergé, se hâta d’accomplir cette volonté de Ciel qui lui était manifestée.
En 1247 ces reliques furent mises dans une nouvelle châsse : la même que la cathédrale possède encore aujourd’hui. Cette châsse, ouvrage d’orfèvrerie de la plus grande délicatesse, a été faussement attribuée à saint Eloi, argentier de Dagobert.
Pendant les guerres de religion du XVIe siècle, le Chapitre de Tournai préserva de la profanation les reliques de saint Eleuthère en les enroyant à Douai (1566). Menacées à nouveau pendant la Révolution française, elles furent mises à l'abri dans une maison particulière de Tournai; elle. y restèrent jusqu’en 1801, époque à laquelle Mgr Hirn en fit la translation solennelle à la cathédrale.
On représente saint Eleuthère :
1. recevant la confession de Clovis ;
2. avec une église sur la main pour rappeler qu’il fut, sinon le fondateur, au moins le restaurateur du siège épiscopal de Tournai. II est figuré avec cet attribut par une statuette qui se voit encore aujourd'hui sur l'élégante châsse du Saint, dans la belle église romane de Notre-Dame de Tournai ;
3. avec une verge ou un fouet, symbole des fléaux que la dureté de cœur des Tournaisiens, avant leur conversion, leur attira.
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