mercredi, 14 février 2024
14 février. Saint Valentin, prêtre et martyr. 268.
- Saint Valentin, prêtre et martyr. 268.
Pape : Saint Denys Ier (dit aussi " de Calabre "). Empereurs romains : Gallien ; Claude II le Gothique.
" Vita carnum, sanitas cordis."
" La santé du coeur est la vie du corps."
Prov., XIV, 80.
Saint Valentin. Legenda aurea. Bx J. de Voragines.
L'Eglise honore aujourd'hui la mémoire de ce saint prêtre de Rome, qui souffrit le martyre vers le milieu du troisième siècle. L'injure du temps nous a privés de la plupart des circonstances de sa vie et de ses souffrances ; à peine quelques traits en sont venus jusqu'à nous. C'est la raison pour laquelle la Liturgie romaine ne contient pas de Légende en son honneur. Le culte de saint Valentin n'en est pas moins célèbre dans l'Eglise, et nous devons le regarder comme l'un de nos protecteurs en la saison liturgique où son nom et ses mérites viennent se joindre à ceux de tant d'autres martyrs, pour nous animer à chercher Dieu, au prix de tous les sacrifices qui peuvent nous faire rentrer en grâce avec lui.La vertu de saint Valentin, prêtre, était si éclatante, qu'il fut arrêté par l'empereur Claude II.
Valentin vient de valorem tenens, c'est-à-dire qui persévère dans la sainteté. Ou bien de valens tiro, soldat vaillant qu'il fut de Notre Seigneur Jésus-Christ. On appelle un soldat vaillant celui qui n'a jamais succombé, qui frappe avec force, qui se défend avec valeur, qui remporte de grandes victoires. Valentin ne succomba pas en fuyant le martyre, il frappa l’idolâtrie. en l’anéantissant, il défendit la foi en la confessant, et il vainquit en souffrant.
Après deux jours de prison, l'empereur le fit comparaître à son tribunal :
" Pourquoi, Valentin, voulez-vous ainsi être l'ami de nos ennemis et rejetez-vous notre amitié ?
- Seigneur, dit le prêtre chrétien, si vous saviez le don de Dieu, vous seriez heureux, et votre empire aussi ; vous rejetteriez le culte que vous rendez aux esprits immondes et à leurs idoles que vous adorez, et vous sauriez qu'il n'y a qu'un Dieu qui a créé le ciel et la terre et que Notre Seigneur Jésus-Christ est son fils unique."
Un des juges, prenant la parole, demanda au martyr ce qu'il pensait de Jupiter et de Mercure :
" Qu'ils ont été des misérables, et qu'ils ont passé toute leur vie dans la débauche et le crime."
Le juge, furieux de cette réponse, s'écria :
" Il a blasphémé contre les dieux et contre l'empire !"
L'empereur continua ses questions avec curiosité, heureux de cette occasion de savoir ce que pensaient les chrétiens ; Valentin, de son côté, avait le courage d'exhorter le prince à faire pénitence pour le sang des chrétiens qu'il avait répandu :
" Croyez en Jésus-Christ, faites-vous baptiser, vous serez sauvé, et dès cette vie vous assurerez la gloire de votre empire et le triomphe de vos armes."
Claude commençait à se laisser persuader, et dit à ceux qui l'entouraient :
" Écoutez la belle doctrine que cet homme nous apprend."
Mais le préfet, mécontent, s'écria :
" Voyez-vous comment ce chrétien séduit notre prince ! Quitterons-nous la religion que nos pères nous ont enseignée ?"
Saint Valentin. Missel romain. XIVe.
Le faible Claude, craignant des troubles, abandonna le martyr, qui eut à subir un autre interrogatoire devant un nouveau juge qui l'interrogea ainsi :
" Comment peux-tu dire que Jésus-Christ est la vraie lumière ?
- Il n'est pas seulement la vraie lumière, mais l'unique lumière.
- S'il en est ainsi, rends la vue à ma petite fille adoptive, aveugle depuis deux ans ; je croirai en Jésus-Christ, et je ferai tout ce que tu voudras."
L'enfant fut amenée ; le prêtre, lui mettant la main sur les yeux, fit cette prière :
" Ô Jésus-Christ, qui êtes la vraie lumière, éclairez cette aveugle."
A ces paroles, l'aveugle voit ; le juge Astérius, avec toute sa famille, confesse Jésus-Christ et reçoit bientôt le baptême. L'empereur, averti de ces merveilles, aurait bien voulu fermer les yeux sur les conversions nouvelles ; mais la crainte lui fit trahir sa conscience et le sentiment de la justice ; Valentin et les autres chrétiens furent livrés aux supplices - saint Valentin fut battu et brisé à coups de bâtons noueux puis décapité - et allèrent recevoir au Ciel la récompense de leur courage, en l'année 268, le 14 février, sur la voie Flaminienne.
Le pape Jean Ier fit construire bientôt une église sous son invocation, près du Ponte Mole. Ruinée, elle fut remplacé par une autre église par le pape Théodose, dont il ne reste plus de trace aujourd'hui. La porte du Peulple à Rome s'appelait autrefois la porte Saint Valentin. Ses reliques sont gardées dans l'église Sainte Praxède.
Il existe encore, à Rome, une catacombe de Saint-Valentin, témoin de la vénération dont fut, de tout temps, entouré cet illustre martyr.
Saint Valentin. Bartholomäus Zeitbloom. Munich. XVIIe.
Saint Valentin, nommé Illustre martyr dans le Sacramentaire de saint Grégoire Le Grand, est représenté tenant une épée et une palme ou guérissant la fille du juge Astérius.
Il est le patron des jeunes gens à marier et l'on se met sous sa protection pour se garder de la peste et de l'épilepsie.
Saint Valentin est le patron de la ville de Tarascon en Provence.
Buste reliquaire conservant le chef de saint Valentin.
PRIERE
" Priez donc, Ô saint Martyr, pour les fidèles qui, après tant de siècles, conservent encore votre mémoire. Au jour du jugement, nos yeux vous reconnaîtront dans l'éclat de la gloire que vos combats vous ont acquise ; obtenez par votre suffrage que nous soyons placés à la droite et associés à votre triomphe."
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lundi, 22 janvier 2024
22 janvier. Saint Vincent de Sarragosse, diacre et martyr. 304.
" La pauvreté volontaire soufferte avec patience équivaut au martyre."
Thomas a Kempis, serm. XI, div. 4.
Aujourd'hui Vincent, le Victorieux, couvert de la dalmatique sacrée, et tenant la palme entre ses mains fidèles, vient rejoindre au berceau de l'Emmanuel son chef et son frère Etienne le Couronné. L'Espagne l'a vu naître ; il exerce le ministère du Diaconat dans la glorieuse Eglise de Sarragosse, et, par la force et l'ardeur de sa foi, il présage les destinées du royaume Catholique entre tous les autres. Mais il n'appartient point à l'Espagne seulement; comme Etienne, comme Laurent, Vincent est le héros de l'Eglise entière. C'est à travers les pierres qui pleuvaient sur lui, comme sur un blasphémateur, que le Diacre Etienne a prêché le Christ ; c'est sur le gril embrasé, comme le Diacre Laurent, que le Diacre Vincent a confessé le Fils de Dieu. Ce triumvirat de Martyrs fait l'ornement de la Litanie sacrée, et leurs trois noms symboliques et prédestinés, Couronne, Laurier et Victoire, nous annoncent les plus vaillants chevaliers de l'Emmanuel.
Vincent a triomphé du feu, parce que la flamme de l'amour qui le consumait au dedans était plus ardente encore que celle qui brûlait son corps. Des prodiges admirables l'ont assisté dans ses rudes combats ; mais le Seigneur, qui se glorifiait en lui, n'a cependant pas voulu qu'il perdît la palme ; et, au milieu de ses tortures, le saint Diacre n'avait qu'une pensée, celle de reconnaître, par le don de son sang et de sa vie, le sacrifice du Dieu qui avait souffert la mort pour lui et pour tous les hommes. Avec quelle fidélité et quel amour il garde, en ces saints jours, le berceau de son Maître ! Comme il désire que cet Enfant soit aimé de ceux qui le visitent ! Lui qui n'a pas reculé, quand il s'est agi de se donner à lui à travers tant d'angoisses, comme il accuserait la lâcheté des chrétiens qui n'apporteraient à Jésus naissant que des cœurs froids et partagés ! A lui, on a demandé sa vie par lambeaux, il l'a donnée en souriant ; et nous refuserions de lever les obstacles futiles qui nous empêchent de commencer sérieusement avec Jésus une vie nouvelle ! Que le spectacle de tous ces Martyrs qui se pressent depuis quelques jours sur le Cycle stimule donc nos coeurs ; qu'ils apprennent à devenir simples et forts, comme l'a été le cœur des martyrs.
Une ancienne tradition, dans la chrétienté, assigne à saint Vincent le patronage sur les travaux de la vigne et sur ceux qui les exercent. Cette idée est heureuse, et nous rappelle mystérieusement la part que le Diacre prend au divin Sacrifice. C'est lui qui verse dans le calice ce vin qui bientôt va devenir le sang du Christ. Il y a peu de jours, nous assistions au festin de Cana : le Christ nous y offrait son divin breuvage, le vin de son amour ; aujourd'hui, il nous le présente de nouveau, par la main de Vincent. Pour se rendre digne d'un si haut ministère, le saint Diacre a fait ses preuves, en mêlant son propre sang, comme un vin généreux, dans la coupe qui contient le prix du salut du monde. Ainsi se vérifie la parole de l'Apôtre, qui nous dit que les Saints accomplissent dans leur chair, par le mérite de leurs souffrances, quelque chose qui manquait, non à l'efficacité, mais à la plénitude du Sacrifice du Christ dont ils sont les membres. (Coloss. I, 24.).
Bréviaire à l'usage de Besançon. XIVe.
Vincent voudrait dire incendiant le vice, ou qui vainc les incendies, ou qui tient la victoire. En effet il incendia, c'est-à-dire il consuma les vices parla mortification de la chair ; il vainquit l’incendie allumé pour son supplice en endurant les tortures avec constance ; il se tint victorieux du monde en le méprisant. Il vainquit trois fléaux qui étaient dans le monde : les fausses erreurs, les amours immondes, les craintes mondaines ; par sa sagesse, sa pureté et sa constance. Saint Augustin dit que, pour vaincre le monde avec toutes ses erreurs, ses amours et ses craintes, on a et toujours on a eu pour exemples les martyres des saints.
Vincent, noble par sa naissance, fut plus noble encore par sa foi et sa religion. Il fut diacre de l’évêque Valère, et comme il s'exprimait avec plus de facilité que l’évêque, celui-ci lui confia le soin de la prédication, tandis qu'il vaquerait lui-même à la prière et à la contemplation.
Le président Dacien ordonna de les traîner à Valence, et de les enfermer dans une affreuse prison. Quand il les crut presque morts de faim, il les fit comparaître en sa présence ; mais les voyant sains et joyeux, il fut transporté de colère et parla ainsi :
" Que dis-tu, Valère, toi qui, sous prétexte de religion, agis contre les décrets dès princes ?"
Or, comme Valère lui répondait avec trop de douceur, Vincent se mit à lui dire :
" Père vénérable, veuillez ne pas parler avec tant de timidité et de retenue ; expliquez-vous avec une entière liberté : si vous le permettez, père saint, j'essaierai de répondre au juge."
Valère reprit :
" Depuis longtemps déjà, fils très chéri, je t'avais confié le soin de parler, maintenant encore, je te commets pour répondre de la foi, qui nous amène ici."
Alors Vincent se tourna vers Dacien :
" Jusqu'alors, lui dit-il, tu n'as péroré dans tes discours que pour nier la foi, mais sache-le bien, que chez des Chrétiens, c'est blasphémer et commettre une faute indigne que de refuser de rendre à la divinité l’honneur qui lui est dû."
Saint Vincent prêchant. Vies de saints. Jeanne de Montbaston. XIVe.
A l’instant Dacien irrité ordonna de mener l’évêque en exil : pour Vincent, qu'il regardait comme un arrogant et présomptueux jeune homme, afin d'effrayer les autres par son exemple, il le condamna à être étendu sur un chevalet et à avoir tous ses membres disloqués. Quand tout son corps fut brisé ; Dacien lui dit :
" Réponds-moi, Vincent, de quel oeil regardes-tu ton misérable corps ?"
Et Vincent reprit en souriant :
" C'est ce que j'ai toujours désiré."
Alors le président irrité le menaça de toutes sortes de tourments, s'il n'obtempérait pas à ses demandes.
Vincent lui dit :
" Oh ! Suis-je heureux ! Par cela même que tu penses m’offenser davantage, c'est par là que tu commences à me faire le plus de bien. Allons donc, misérable, déploie toutes les ressources de la méchanceté ; tu verras, que, quand je suis torturé, je puis, avec la force de Dieu, plus que tu ne peux toi-même qui me tortures."
A ces mots le président se mit à crier et à frapper les bourreaux à coups de verges et de bâton ; et Vincent lui dit :
" Qu'en, dis-tu ? Dacien, voici que tu me venges de ceux qui me torturent."
Alors le président hors de lui dit aux bourreaux :
" Grands misérables, vous ne faites rien ; pourquoi vos mains se lassent-elles ? vous avez pu vaincre des adultérés et des parricides de manière à ce qu'ils ne pussent rien cacher au milieu des supplices que vous leur infligiez, et aujourd'hui Vincent seul a pu triompher de vos tourments !"
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.
Les bourreaux lui enfoncèrent alors des peignes de fer jusqu'au fond des côtes, de sorte que le sang ruisselait de tout son corps et, que l’on voyait ses entrailles entre les jointures de ses os. Et Dacien dit :
" Aie donc pitié de toi, tu pourras alors recouvrer ta brillante jeunesse, et échapper aux tourments qui t'attendent."
Et Vincent dit :
" Ô venimeuse langue de diable ! Je ne les crains pas tes tourments ; il n'est qu'une chose que je redoute, c'est que tu paraisses vouloir t'apitoyer sur moi, car plus je te vois irrité, plus, oui, plus je tressaille de joie. Je ne veux pas que tu diminues en rien ces supplices afin de te forcer à t'avouer vaincu."
Alors on l’ôta du chevalet, pour le traîner vers un brasier ardent, et il stimulait gaîment la lenteur dès bourreaux et la leur reprochait. Il monte donc lui-même sur le gril, où il est rôti, brûlé et consumé ; on enfonce des ongles de fer et des lames ardentes par tous ses membres ; la flamme était couverte de sang : c'étaient plaies sur plaies ; en outre on sème du sel sur le feu, afin qu'il saute sur chacune de ses plaies et que la flamme pétillante le brûle plus cruellement encore. Déjà ce n'est plus dans ses membres, mais dans ses entrailles que l’on enfonce des dards ; déjà ses intestins s'épanchent hors du corps. Cependant il reste immobile, les yeux tournés vers le ciel et priant le Seigneur.
Les bourreaux ayant rapporté cela à Dacien :
" Ah ! S'écria-t-il, vous êtes vaincus ; mais à présent pour qu'il vive plus longtemps dans sa torture, enfermez-le dans le plus affreux cachot ; amassez-y des tessons très aigus ; clouez ses pieds à un poteau ; laissez-le couché sur ces tessons, sans personne pour le consoler ; et quand il défaillira, mandez-le-moi."
Tout aussitôt ces ministres cruels secondent un maître plus cruel encore ; mais voici que le roi pour lequel ce soldat souffre change ses peines en gloire, car les ténèbres du cachot sont dissipées par une immense lumière les pointes des tessons sont changées en fleurs d'un parfum suave ; ses entraves sont déliées, et il a le bonheur d'être consolé par des anges. Comme il se promenait sur ces fleurs en chantant avec ces anges, ces modulations délicieuses, et la merveilleuse odeur des fleurs se répandent au loin.
Les gardes effrayés regardent à travers les crevasses du cachot ; ils n'eurent pas plutôt vu ce qui se passait dans l’intérieur qu'ils se convertirent à la foi. A cette nouvelle, Dacien devenu furieux dit :
" Et que lui ferons-nous encore ? Car nous voilà vaincus. Qu'on le porte sur un lit, qu'on le mette sur des coussins moelleux ; ne le rendons pas plus glorieux, s'il arrivait qu'il mourût dans les tourments ; mais lorsque ses forces seront revenues, qu'on lui inflige encore de nouveaux supplices."
Or, lorsqu'il eut été porté sur le lit moelleux, et qu'il y eût pris un peu de repos, il rendit aussitôt l’esprit, vers l’an du Seigneur 287, sous Dioclétien et Maximien.
Dacien fait jeter le corps de saint Vincent à la mer.
A cette nouvelle, Dacien fut grandement épouvanté, et se reconnaissant battu il dit :
" Puisque je n'ai pu le vaincre vivant, je me vengerai de lui après sa mort ; je me rassasierai de ce tourment, et ainsi la victoire pourra me rester."
Par les ordres donc de Dacien, son corps est exposé dans un champ pour être la pâture des oiseaux et des bêtes : mais aussitôt il est gardé par les anges et préservé des bêtes qui ne le touchèrent point. Enfin, un corbeau, naturellement vorace, chassa à coups d'ailes d'autres oiseaux plus forts que lui, et par ses morsures et ses cris, il mit en fuite un loup qui accourait ; puis il tourna la tête pour regarder fixement le saint corps, comme s'il eût été en admiration devant ses anges gardiens.
Quand Dacien le sut il dit :
" Je pense que je n'aurai pas le dessus sur lui, même après sa mort."
Il fait alors attacher au saint corps une meule énorme et la jeter dans la mer, afin que n'ayant pu être dévoré sur la terre par les bêtes, il fût au moins la proie des monstres marins. Des matelots portent donc le corps du martyr à la mer et l’y jettent ; mais il revint plus vite qu'eux au rivage ; où il fut trouvé par une dame et par quelques autres qui en avaient reçu de lui révélation et qui l’ensevelirent honorablement.
Voici sur ce martyr les paroles de saint Augustin :
" Saint Vincent a vaincu en paroles, a vaincu en souffrances, a vaincu dans sa confession, a vaincu dans sa tribulation. Il a vaincu brûlé, il a vaincu noyé, il a vaincu vivant, il a vaincu mort ."
Il ajoute :
" Vincent est torturé pour être exercé ; il est flagellé pour être instruit ; il est battu pour être fortifié ; il est brûlé pour être purifié."
Saint Ambroise s'exprime en ces termes dans sa préface :
" Vincent est torturé, battu, flagellé, brûlé, mais il n'est pas vaincu et son courage à confesser le nom de Dieu n'est pas ébranlé : Le feu de son zèle est plus ardent qu'un fer brûlant ; il est plus lié par la crainte de Dieu que par la crainte du monde ; il voulut plutôt plaire à Dieu qu'au public ; il aima mieux mourir au monde qu'au Seigneur."
Saint Augustin dit encore :
" Un merveilleux spectacle est sous nos yeux ; c'est un juge inique, un bourreau sanguinaire ; c'est un martyr qui n'a pas été vaincu, c'est le combat de la cruauté et de la piété."
Prudence, qui brilla sous le règne de Théodore l’Ancien, en 387, dit que Vincent répondit ainsi à Dacien :
" Tourments, prisons ; ongles, lames pétillantes de feu, et enfin la mort qui est la dernière des peines ; tout cela est jeu pour les chrétiens."
Alors Dacien dit :
" Liez-le, tordez-lui les bras sens dessus dessous, jusqu'à ce que les jointures de ses os soient disloquées pièce par pièce, afin que, par les ouvertures des plaies, on voie palpiter son foie."
Et ce soldat de Dieu riait en gourmandant les mains ensanglantées qui n'enfonçaient pas plus avant dans ses articulations les ongles de fer. Dans sa prison, un ange lui dit :
" Courage, illustre martyr ; viens sans crainte ; viens être notre compagnon dans l’assemblée céleste : Ô soldat invincible, plus fort que les plus forts ; déjà ces tourments cruels et affreux te craignent et te proclament vainqueur !"
Prudence s'écrie :
" Tu es l’illustre par excellence ; seul tu as remporté la palme d'une double victoire, tu t'es préparé deux triomphes à la fois."
SÉQUENCE
Adam de Saint-Victor a composé deux Séquences à la gloire du grand Diacre de Sarragosse ; elles sont si belles l'une et l'autre que nous nous faisons un devoir de les insérer ici :
" Voici le jour désiré, jour heureux, jour délectable, jour de grande liesse.
Vénérons ce jour, et admirons les combats du Christ dans Vincent.
Tout est illustre en ce Martyr : naissance, foi, sainteté, science, parole, dignité, office.
Dans les honneurs du Diaconat, sous Valère son père, il commandait dans l'Eglise.
Privé du don de la parole, le Pontife vaquait à Dieu, et confiait au Lévite le ministère de l'enseignement.
La droiture des discours brillait dans l'éloquence du Diacre ; une double science s'épanchait de la simplicité de son cœur.
Mais pendant qu'il instruit dans la saine doctrine, par le secours de la grâce, le peuple de Sarragosse,
Un Préfet jaloux, ardent pour l'idolâtrie, se déchaîne contre l'Eglise.
Au bruit de la constance qu'ils montrent dans la foi, il fait traîner les deux apôtres, sous les chaînes, à Valence.
Ni la jeunesse en sa fleur n'obtient grâce, ni l'impie ne considère l'âge du vieillard.
Las du chemin, accablés sous le poids des chaînes, on les enferme dans un sombre cachot sans nourriture.
Jusque-là s'étend le pouvoir du tyran ; pour le reste son désir demeure impuissant ; car le Christ lui-même nourrit ses deux soldats par sa providence.
Lors le Préfet exile le vieillard, mais réserve le jeune homme pour un plus affreux supplice.
Vincent souffre le chevalet et les ongles de fer ; il monte sur le gril d'un cœur assuré.
Il brûle, mais n'est point intimidé ; il n'en confesse que plus hautement le Christ, et il brave en face le tyran.
Le visage de Dacien s'enflamme de colère ; dans sa rage, il balbutie ; sa main tremble, et dans son délire, il ne se contient plus.
Par son ordre, le Martyr est rejeté dans sa prison ; on le couche sur des têts aigus ; mais une lumière éclatante le vient réjouir, et les Anges le visitent.
Enfin, déposé sur un lit, soldat émérite, il s'envole dans les cieux, et son âme triomphante est présentée au Seigneur.
On refuse au corps du héros le droit commun de la sépulture ; la haine du tyran outrage à la fois la loi et la nature.
Ce juge sévit contre un mort ; mais ce mort grandit en gloire ; les bêtes féroces tremblent à l'aspect de l'objet que, d'ordinaire, elles dévorent.
C'est un corbeau qui garde intact ce corps sans sépulture : ainsi est déjouée l'intention barbare du tyran.
C'est alors que le profane Dacien ordonne d'ensevelir, sous le silence des ondes, un corps dont la terre ne peut le défaire.
Ni la meule n'a pu retenir au fond, ni la mer dérober aux regards celui que toute l'Eglise s'empresse d'honorer aujourd'hui de sa louange singulière.
Ce corps, demi-brûlé dans le feu, est devenu fameux sur la terre et sur la mer. Bon Jésus ! Donnez-nous de vous louer dignement, avec vos Saints, dans la patrie.
Amen."
SÉQUENCE
Heures à l'usage de Paris. XVe.
" Il s'est levé, le jour du triomphe, jour auguste qui ramène la solennité du grand Lévite ; livrons-nous tous à la joie, et honorons dans le Christ Vincent le Victorieux.
Porteur d'un si beau nom, il en réalise le présage : vainqueur sur la terre, vainqueur sur les eaux ; tous les tourments, toutes les craintes, sont pour lui l'objet d'un triomphe.
Il a l'éclat de la pourpre deux fois teinte ; de l'hyacinthe il a la splendeur ; aux reins il porte la double ceinture ; sa tunique est de fin lin ; et la palme empourprée qu'il a cueillie montre à quel point il fut invincible au milieu des supplices cruels qu'il endura pour le Christ.
Il est la victime succulente, l'agneau offert dont la dépouille embellie de son sang sert de voile au tabernacle ; il a semé au milieu des larmes, et pour prix de ses sueurs, il rapporte les gerbes de la vie.
On entraîne le serviteur de Dieu au tribunal sanglant du farouche Dacien ; le magistrat pour le tenter emploie tour à tour la prière et la menace ; il fait briller, comme récompense, les honneurs mondains.
Mais l'athlète a dédaigné la fleur passagère du monde ; il en fait autant des offres, des caresses et des terreurs du fier tyran. On l'attache au chevalet ; et le juge qui se sent méprisé fait succéder tortures à tortures.
Les torches ardentes, le lit embrasé, les verges du licteur, le sel brûlant qui pénètre jusqu'aux entrailles mises à nu, tout se réunit pour accroître les angoisses du martyr ; mais ces tourments divers n'ont pas abattu sa constance pleine de joie.
Enfermé dans un cachot, les têts sur lesquels il est étendu déchirent ses membres cruellement ; mais en même temps une joie inspirée par le ciel vient le fortifier, comme l'huile dont l'athlète baigne ses membres. Pour lui,le poids des chaînes devient glorieux, les ténèbres de la prison font place au jour le plus éclatant ; et les pointes qui lacéraient son corps se transforment tout à coup en fleurs souples et odorantes.
Bientôt, on porte le martyr sur un lit commode ; il pousse alors ses soupirs vers le ciel, et entouré du chœur mélodieux des Anges, il rend à Dieu son âme. On jette son corps aux bêtes, mais un gardien lui est donné d'en haut ; on le précipite dans les flots, mais il ne disparaît pas, et la terre entoure de ses honneurs ce précieux dépôt qui lui est rendu.
Ainsi vit-on tous les éléments se réunir pour sa victoire : l'eau, la terre, l'air et le feu. Noble témoin de la vérité, prie le Christ de nous purifier de nos péchés, et de nous faire goûter les joies véritables ; afin que, devenus les cohéritiers de la lumière, nous chantions à notre tour : Alleluia !"
Vous brillez en tête de la phalange des Martyrs, Ô Vincent ! Et l'Eglise est fière de vos victoires ; souvenez-vous que c'est pour elle, après le Christ, que vous avez combattu. Soyez-nous donc propice ; et marquez ce jour de votre fête par les effets de votre protection sur nous. Vous contemplez, face à face, le Roi des siècles dont vous fûtes le Chevalier ; ses splendeurs éternelles luisent à vos regards, fermes quoique éblouis. Nous, dans cette vallée de larmes nous le possédons, nous le voyons aussi ; car il s'appelle Emmanuel, Dieu avec nous. Mais c'est sous la figure d'un faible enfant qu'il se montre à nos regards ; car il craint de nous effrayer par l'éclat de sa gloire. Rassurez cependant nos cœurs troublés quelquefois par la pensée que ce doux Sauveur doit être un jour notre juge. La vue de ce que vous avez fait, de ce que vous avez souffert pour son service, nous émeut, nous si vides de bonnes œuvres, si oublieux des droits d'un tel maître. Obtenez que vos exemples ne passent pas en vain sous nos yeux. Il vient nous recommander la simplicité de l'enfance, cette simplicité qui procède de l'humilité et de la confiance en lui, cette simplicité qui vous fit affronter tant de tourments sans faiblesse et d'un cœur tranquille. Rendez-nous dociles à écouter la voix d'un Dieu qui nous parle par ses exemples, calmes et joyeux dans l'accomplissement de ses volontés, dévoués uniquement à son bon plaisir.
Priez, Ô Vincent, pour tous les Chrétiens ; car tous sont appelés à la lutte contre le monde et les passions de leur propre cœur. Tous nous sommes conviés à la palme, à la couronne, à la victoire. Jésus n'admettra que des vainqueurs au banquet de la gloire éternelle, à cette table où il nous a promis de boire avec nous le vin nouveau, au royaume de son Père. La robe nuptiale, nécessaire pour y avoir entrée, doit être teinte dans le sang de l'Agneau ; nous devons tous être martyrs, sinon d'effet, du moins de désir : car c'est peu d'avoir vaincu les bourreaux, si on ne s'est vaincu soi-même.
Assistez de votre secours les nouveaux martyrs qui versent encore aujourd'hui leur sang sur des plages lointaines, afin qu'ils soient dignes des temps glorieux qui donnèrent Vincent à l'Eglise. Protégez l'Espagne, votre patrie. Priez l'Emmanuel d'y susciter des héros forts et fidèles comme vous, afin que le royaume Catholique, toujours si jaloux de la pureté de la foi, sorte bientôt des épreuves auxquelles il est soumis. Ne souffrez pas que l'illustre Eglise de Sarragosse, fondée par l’Apôtre fils du Tonnerre, visitée par la glorieuse Mère de Dieu, sanctifiée par votre ministère de Diacre, voie s'affaiblir le sentiment de la foi catholique, ou se briser le lien de l'unité. Et puisque la piété des peuples vous révère comme le protecteur des vignobles, bénissez cette partie de la création que le Seigneur a destinée à l'usage de l'homme, et dont il a voulu faire l'instrument du plus profond des mystères et l'un des plus touchants symboles de son amour pour nous."
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samedi, 23 décembre 2023
23 décembre. Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.
- Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.
Pape : Saint Lucius Ier. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trébonien Galle (+353) ; Hostilien (+351) ; Volusien (+353) ; Emilien (+353). Empereurs romains (période des trente tyrans) : Valérien ; Galien.
" Il est plus beau d'imiter dans sa chair la vie des anges que d'augmenter de sa chair le nombre des mortels."
Saint Augustin.
Sainte Victoire. Eglise Sainte-Victoire. Ficcule. Italie. XIVe.
Sainte Victoire était de Tivoli, ville proche de Rome. Elle naquit de parents illustres selon le monde et encore plus par la religion chrétienne dont ils faisaient profession. Lorsqu'elle fut nubile, ils la promirent en mariage, de son consentement, à un gentilhomme nommé Eugène, qui avait de très bonnes qualités, mais était encore engagé dans les superstitions de l'idolâtrie ; car alors, la différence du culte n'était pas un empêchement au mariage. Une autre fillen nommée Anatolie, que quelques auteurs font sa soeur selon la chair, et d'autres seulement selon l'esprit, fut en même temps accordée à Tite Aurèle, seigneur romain, mais païen. Celle-ci avait fait voeu de virginité et ne voulait aucunement consentir à cette alliance qui, en la ravissant à Notre Seigneur Jésus-Christ, devaitla faire épouse d'un profane, d'un sacrilège et d'un esclave du démon.
Le seigneur Aurèle, qui avait une extrême passion pour elle, employa divers moyens pour la résoudre ; mais voyant qu'il n'en pouvait venir à bout, il pria Victoire, comme accordée à son ami Eugène, d'entreprendre cette affaire et de persuader à Anatolie de ne point différer davantage ses noces. Victoire ne put lui refuser ce service ; elle alla voir Anatolie et lui tint ce discours :
" Vous savez, ma soeur, que je suis chrétienne comme vous, et qu'en cette qualité je suis bien éloignée de vouloir vous donner uin mauvais conseil ; cependant, si vous voulez me croire, vous consentirez au plus tôt à votre mariage. Dieu n'a point condamné les noces ; nous voyons au contraire dans l'Ecriture que les Patriarches et les Prophètes, ses amis et fidèles serviteurs, ont eu des femmes et que Dieu a béni leur postérité? D'ailleurs, celui que vos parents vous ont destiné est un homme d'honneur, il ne vous accusera point comme chrétienne, il n'empêchera point que vous fassiez tous les exercices de votre religion ; il y a même espérance que, par l'amour conjugal qu'il aura pour vous, il embrassera le culte du vrai Dieu dont vous faites profession."
Sainte Victoire. Imagerie populaire. Lemercier & Basset. XIXe.
Anatolie écouta patiemment ce discours, mais Victoire s'étant tue, elle repit la parole et dit :
" Ô ma chère Victoire, triomphez de la malice du démon et soyez Victoire d'effet comme vous l'êtes de nom ! Quand il fallut peupler le monde, Dieu dit aux hommes : " Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre " ; mais maintenant que l'univers ne manque point d'habitants, le Fils de Dieu, descendu du ciel sur la terre pour nous donner une doctrine céleste, ne cesse point de crier : " Croissez dans la foi, augmentez dans la charité et remplissez le ciel, car le royaume des cieux approche ".
Elle lui dit encore d'autres choses très pressantes, et, pour la persuader davantage, elle ajouta :
" Ma chère soeur, le jour que je distribuai aux pauvres le prix de mes joyaux, j'eus une vision dans laquelle un jeune homme m'apparut avec un diadème d'or sur la tête, vêtu de pourpre et couvert de pierres précieuses, et me dit d'un air agréable et d'un visage plein de gaieté :
" Ô virginité qui êtes toujours dans la lumière et jamais dans les ténèbres !"
A ces paroles, je m'éveillai fort triste de n'avoir pas entendu le reste et je me jetai à terre, les larmes aux yeux, priant Notre Seigneur Jésus-Christ que celui qui m'avait dit ce peu de mot continuât de m'instruire. Comme j'étais ainsi prosternée, le même jeune homme ajouta :
" La virginité est une pourpre royale qui relève celles qui en sont revêtues au-dessus de toutes les autres. La virginité est une pierre d'un prix inestimable ; la virginité est le trésor immense du Roi des rois. Les voleurs tâchent de la ravir à qui la possèdent ; conservez-là avec toute la diligence possible, et soyez d'autant plus sur vos gardes pour la conserver, que vous la possédez dans un degré plus éminent."
Un discours si puissant et si pathétique toucha vivement sainte Victoire ; elle fut heureusement vaincue par celle qu'elle avait entrepris de vaincre, et, ayant pris la résolution de demeurer vierge, elle vendit, comme Anatolie, ce qu'elle avait de bagues et d'autres vains ornements et en donna tout l'argent aux pauvres.
Dès que les seigneurs Eugène et Aurèle surent la résolution de ces deux généreuses filles, ils n'épargnèrent rien pour les obliger à en venir au mariage? Ils s'adressèrent pour cela à l'empereur même : ils obtinrent la permission de les enlever et de les mener dans leur maison de campagne, pour tâcher de les gagner, ou par la douceur, ou par les menaces et même par les mauvais traitements.
Sainte Anatolie se distingua par sa constance et subit le martyre, comme nous le voyons au 9 juillet.
Sainte Victoire. Imagerie populaire. Picard imprimeur. XIXe.
Pour sainte Victoire, elle fut à l'épreuve de toutes les sollicitations et de tous les outrages d'Eugène. Il la garda quelques années dans son château, pendant lesquelles il ne lui faisait donner pour nourriture qu'un morceau de pain bis le soir. Il lui fit aussi endurer beaucoup d'autres mauvais traitements indignes de sa naissance et de sa vertu, pour la réduire à l'épouser ou à adorer les idoles, mais inutilement. Sainte Victoire demeura invincible au milieu de tant de supplices. Elle eut même l'adresse, dans le peu de liberté qu'elle avait, de gagner plusieurs épouses à Notre Seigneur Jésus-Christ, en persuadant à de jeunes demoiselles qui venaient la voir de lui consacrer leur pureté virginale.
Adelme, évêque des Saxons occidentaux, qui a composé son histoire en vers héroïques, rapportés par Surirus en ce jour, dit qu'elle en assembla jusqu'à 60 qui menaient une vie angélique et qui chantaient jours et nuits des hymnes et des psaumes à l'honneur du vrai Dieu. Il ajoute qu'elle fit plusieurs miracles, et que, entre autres, elle chassa un horrible dragon qui infectait tout ce pays, après avoir fait promettre au peuple qu'il embrasserait la religion chrétienne.
Martyre de sainte Victoire. Anonyme. Collegiale Sainte-Victoire.
Enfin, Eugène, lassé de sa persévérance, obtint de Julien, pontife du Capitole et comte des temples, un bourreau nommé Tiliarque pour la faire mourir. Celui-ci donna un coup d'épée dans le coeur de sainte Victoire, et en fit une glorieuse martyre de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce fut sous la persécution de Dèce, le 23 décembre 253.
Le malheureux qui lui avait donné le coup de la mort devint aussitôt lépreux, et au bout de six jours, il mourut rongé par les vers.
Le corps de sainte Victoire fut enterré où elle avait été exécutée. Sa mémoire est marquée dans les quatre martyrologes, et principalement dans celui d'Adon. Des reliques de notre Sainte sont conservées dans une magnifique châsse dans l'église Notre-Dame-des-Victoires de Rome.
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