dimanche, 24 novembre 2024
24 novembre. Saint Jean de la Croix, Carme. 1591.
- Saint Jean de la Croix, Carme. 1591.
Papes : Grégoire XIV (+1591) ; Innocent IX (29 oct. 1591, +30 déc. 1591) ; Clément VIII. Roi d'Espagne : Philippe II.
" Quand l'âme n'attend sa consolation que de Dieu, Il est toujours prêt à la lui donner."
Saint Jean de la Croix.
Saint Jean de la Croix. Rubon. XVIIe.
" Pour goûter tout, n'ayez du goût pour aucune chose ;
Pour savoir tout, désirez de ne rien savoir ;
Pour posséder tout, souhaitez ne rien posséder ;
Pour être tout, ayez la bonté de n'être rien en toute chose ;
Pour parvenir à ce que vous ne goûter pas, vous devez passer par ce qui ne frappe point votre goût ;
Pour arriver à ce que vous ne savez pas, il faut passer par ce que vous ignorez ;
Pour avoir ce que vous ne posséder pas, il est nécessaire que vous passiez par ce que vous n'avez pas ;
Pour devenir ce que vous n'êtes pas, vous devez passer par ce que vous n'êtes pas ;
Lorsque vous vous arrêter à quelque chose, vous cessez de vous jeter dans le tout ;
Car pour venir du tout au tout, vous devez le retenir en na voulant rien ;
Car si vous voulez avoir quelque chose dans le tout, vous n'avez pas votre trésor tout pur en Dieu."
Saint Jean de la Croix, La Montée du Carmel.
Suivons l'Eglise se dirigeant vers le Carmel, pour y porter l'hommage reconnaissant du monde. Sur les pas de Thérèse de Jésus, Jean de la Croix s'est levé, frayant aux âmes en quête de Dieu un chemin sûr.
L'évolution qui inclinait les peuples au délaissement de la prière sociale, menaçait de compromettre irréparablement la piété, quand, au XVIe siècle, la divine bonté suscita des Saints dont la parole comme la sainteté répondissent aux besoins de ces temps nouveaux. La doctrine ne change pas ; l'ascétique, la mystique de ce siècle transmirent aux siècles suivants les échos de ceux qui avaient précédé. Leur exposé se fit toutefois plus didactique, leur analyse plus serrée ; leurs procédés se prêtèrent à la nécessité de secourir les âmes que l'isolement livrait au risque de toutes les illusions. C'est justice de reconnaître que, sous l'action toujours féconde de l'Esprit-Saint, la psychologie des états surnaturels en devint plus étendue et plus précise.
Statue de saint Jean de la Croix. Ecole espagnole. XVIIe. Ségovie.
Les chrétiens d'autrefois, priant avec l'Eglise, vivant chaque jour, à toute heure, de sa vie liturgique, gardaient son empreinte en toutes circonstances dans leurs relations personnelles avec Dieu. Et de la sorte il arrivait que, sous l'influence persévérante et transformante de l'Eglise, participant aux grâces de lumière et d'union, à toutes les bénédictions de cette unique bien-aimée, de cette unique agréée de l'Epoux (Cant. VI, 8.), c'était sa propre sainteté qu'ils s'assimilaient sans labeur autre que de suivre docilement leur Mère, ou de se laisser porter dans ses bras très sûrs. Ainsi s'appliquaient-ils la parole du Seigneur : " Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux " (Matth. XVIII, 3.).
Qu'on ne s'étonne pas de ne point remarquer près d'eux, aussi fréquente et assidue que de nos jours, l'assistance de directeurs spéciaux attachés à leurs propres personnes. Les guides particuliers sont moins nécessaires aux membres d'une caravane ou d'une armée : ce sont les voyageurs isolés qui ne peuvent s'en passer ; et même avec ces guides particuliers, la sécurité, pour eux, ne sera jamais comparable à celle de quiconque suit la caravane ou l'armée.
C'est ce que comprirent au cours des derniers siècles les hommes de Dieu qui, s'inspirant des aptitudes multiples des âmes, donnèrent leurs noms à des écoles, unes quant au but, diverses quant aux moyens proposés par elles à l'encontre des dangers de l'individualisme. Dans cette campagne de redressement et de salut, où l'ennemie redoutable entre toutes était l'illusion aux mille formes, aux subtiles racines, aux détours infinis, Jean de la Croix fut la vivante image du Verbe de Dieu, pénétrant mieux qu'un glaive acéré jusqu'à la division de l'esprit et de l'âme, des moelles et des jointures, scrutant, révélateur inexorable, intentions et pensées des cœurs (Heb. IV, 12-13.). Ecoutons-le : bien que moderne, on reconnaît en lui le fils des anciens.
" L'âme, écrit-il, est faite pour parvenir à une connaissance fort étendue, et pleine de saveur, des choses divines et humaines, qui s'élève bien au-dessus de sa science naturelle. Autant le divin est éloigné de l'humain, autant la lumière et la grâce de l'Esprit-Saint diffèrent de la lumière des sens (Vie et Œuvres de saint Jean de la Croix, édition des Carmélites de Paris, La Nuit obscure de l'âme, L. II, ch. IX.). Aussi avant d'arriver à la divine lumière de la parfaite union d'amour, dans la mesure où cela est possible en ce monde, l'âme doit traverser la nuit obscure, affronter ordinairement des ténèbres si profondes que l'intelligence humaine est impuissante à les comprendre et la parole à les exprimer (Ibid. La Montée du Carmel, Prologue.)."
Saint Jean de la Croix et saint Thérèse d'Avila.
" La purification qui conduit l'âme à l'union divine peut recevoir la dénomination de nuit pour trois raisons. La première se rapporte au point de départ ; car, en renonçant à toutes les choses créées, l'âme a dû tout d'abord priver ses appétits du goût qu'ils y trouvaient. Or ceci est indubitablement une nuit pour tous les sens et tous les instincts de l'homme.
La seconde raison est la voie même qu'il faut prendre pour atteindre l'état bienheureux de l'union. Cette voie n'est autre que la foi, nuit vraiment obscure pour l'entendement.
Enfin la troisième raison est le terme où l'âme tend. Terme qui est Dieu, être incompréhensible et infiniment au-dessus de nos facultés, et qu'on peut appeler par là même une nuit obscure pour l'âme durant son pèlerinage ici-bas."
Ces trois nuits à traverser par l'âme sont figurées au Livre de Tobie par les trois nuits que, sur l'ordre de l'Ange, le jeune Tobie laissa écouler avant de s'unir à son épouse (Tob. VI, 18.). L'Ange Raphaël lui commanda de brûler pendant la première nuit le foie du poisson, symbole d'un cœur affectionné et attaché aux choses créées. Quiconque désire s'élever à Dieu doit, dès le début, purifier son cœur dans le feu de l'amour divin et y consumer tout ce qui appartient au créé. Cette purification met en fuite le démon, qui auparavant avait puissance sur l'âme pour la faire adhérer aux plaisirs temporels et sensibles."
Le Christ de saint Jean de la Croix.
" L'Ange dit à Tobie que dans la seconde nuit il serait admis en la compagnie des saints Patriarches, qui sont les pères de la foi. De même l'âme, après avoir traversé la première nuit, figurée par la privation de tout ce qui flatte les sens, pénètre sans obstacle dans la seconde. Là, étrangère à tous les objets sensibles, elle demeure dans la solitude et la nudité de la foi, l'ayant choisie pour son unique guide."
" Enfin, pendant la troisième nuit il fut promis à Tobie une abondante bénédiction. Dans le sens qui nous occupe, cette bénédiction est Dieu lui-même qui, à la faveur de la seconde nuit, c'est-à-dire de la foi, se communique à l'âme d'une manière si secrète et si intime, que c'est un autre genre de nuit plus profonde que les précédentes. L'union avec l'Epouse, c'est-à-dire avec la Sagesse de Dieu, se consomme quand la troisième nuit est écoulée, nous voulons dire, lorsque cette communication de Dieu à l'esprit est achevée (La Montée du Carmel, L. I, ch. II.)."
" Ô âmes spirituelles ! ne vous plaignez pas de sentir vos puissances livrées à l'angoisse des ténèbres, vos affections stériles et paralysées, vos facultés impuissantes à tout exercice de la vie intérieure. En vous enlevant votre manière imparfaite d'agir, le Seigneur vous délivre ainsi de vous-même. Malgré le bon emploi que vous eussiez fait d'ailleurs de vos facultés, leur impureté et leur ignorance ne vous eussent jamais permis d'obtenir un résultat aussi parfait et une sécurité aussi entière. Dieu vous prend parla main, et se fait lui-même votre conducteur au milieu des ténèbres. Il vous guide comme un aveugle par un chemin inconnu, vers le terme où ni vos lumières ni vos efforts n'eussent jamais pu vous conduire (La Nuit obscure, L. II, ch. XVI.)."
Cathédrale de Ségovie. Espagne.
Nous aimons à laisser les Saints décrire eux-mêmes les voies qu'ils parcoururent, et dont ils demeurent, en récompense de leur fidélité, les guides reconnus dans l'Eglise. Ajouterons-nous qu'"il faut prendre garde, dans les peines de ce genre, à ne pas exciter la commisération du Seigneur avant que son œuvre soit achevée ? On ne peut s'y méprendre : telles grâces que Dieu fait à l'âme ne sont pas nécessaires au salut, mais elles doivent être payées d'un certain prix. Si nous nous montrions par trop difficiles, il se pourrait que, pour ménager notre faiblesse, le Seigneur nous laissât retomber dans une voie inférieure, ce qui, au regard de la foi, serait un irréparable malheur ".
" Mais dira-t-on, qu'importe, puisque cette âme se sauvera? Il est vrai, mais notre intelligence ne saurait apprécier la supériorité d'une âme qui pourrait devenir l'émule des chérubins ou des séraphins, sur celle qui ne saurait être assimilée qu'aux hiérarchies inférieures. Une fausse modestie ou l'amour du médiocre ne saurait avoir légitimement cours en ces matières (La Vie spirituelle et l'Oraison d'après la sainte Ecriture et la Tradition monastique, Solesmes, 1899, Ch. XIV.)."
" Il importe plus qu'on ne saurait le dire aux intérêts de la sainte Église et à la gloire de Dieu que les âmes vraiment contemplatives se multiplient sur la terre. Elles sont le ressort caché et le moteur qui donne l'impulsion sur terre à tout ce qui est la gloire de Dieu, le règne de son Fils, et l'accomplissement parfait de la divine volonté. En vain multipliera-t-on les œuvres, les industries, et même les dévouements : tout sera stérile, si l'Eglise militante n'a pas ses saints qui la soutiennent dans l'état de voie, celui que le Maître a choisi pour racheter le monde. Certaines puissances et certaines fécondité ? sont inhérentes à la vie présente ; elle a, de soi, si peu de charmes, qu'il n'était pas inutile d'en relever ainsi le mérite (Ibid. Ch. XIX.)."
Allégorie du Carmel.
Saint Jean de la Croix naquit de parents pieux à Hontiveros, en Espagne. On vit clairement, dès ses premières années, combien il serait agréable à la Vierge Mère de Dieu ; car tombé dans un puits à l'âge de cinq ans, il en sortit sain et sauf, soutenu par la main de cette bienheureuse Vierge. Dans son grand désir de souffrir, à neuf ans, il prenait pour s'endurcir l'habitude de coucher sur des sarments.
Adolescent, il se consacra au service des pauvres malades dans l'hôpital de Médina del Campo ; grande s'y montra l'ardeur de sa charité, dans le zèle qui le faisait s'empresser près d'eux aux plus vils offices et excitait, par la force de l'exemple, l'ardeur des autres pour les mêmes œuvres charitables. Cependant appelé plus haut, il embrassa l'institut de la bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, ou, fait prêtre par obéissance, et désireux d'une discipline plus sévère et d'une vie plus dure, il s'attacha, du consentement de son supérieur, à pratiquer la règle primitive de l'Ordre.
On le vit dès lors, ayant sans cesse en pensée la passion du Seigneur, se déclarer la guerre à lui-même comme a l'ennemi le plus funeste ; veilles, jeûnes, disciplines de fer, tous les genres de tourments, eurent bientôt fait de crucifier en lui la chair avec ses vices et ses passions, le rendant véritablement digne d'être rangé par sainte Thérèse au nombre des âmes les plus pures et les plus saintes qui illustrassent alors l'Eglise de Dieu.
Toutes les vertus, jointes à l'extrême austérité de sa vie, lui formaient comme un rempart ; assidûment plongé dans la contemplation des choses divines, il éprouvait souvent de longues et admirables extases ; si grand était l'amour dont il brûlait pour Dieu, que le feu divin, ne pouvant rester enfermé davantage, s'échappait au dehors et entourait son visage de rayons. Grandement zélé pour le salut du prochain, il s'adonnait à la prédication de la parole de Dieu et à l'administration des sacrements. Tant de mérites, et l'ardent désir qui le consumait d'une plus stricte discipline en son Ordre, le firent donner par Dieu comme compagnon à sainte Thérèse, afin qu'elle pût, aidée de Jean, rétablir la primitive observance du Carmel chez les frères comme elle l'avait fait pour les sœurs.
C'est pourquoi, dans cette œuvre divine, il supporta avec la servante de Dieu d'innombrables travaux, visitant, sans nul souci des fatigues et des dangers, chacun des monastères que la sainte avait fondés dans toute l'Espagne, en établissant nombre d'autres lui-même, et partout propageant l'observance restaurée, l'affermissant par sa parole et son exemple. Aussi est-ce à bon droit qu'il est considéré comme étant, après sainte Thérèse, le père et premier profès de l'Ordre des Carmes déchaussés.
Saint Jean de la Croix. Anonyme. XVIIIe.
Hôpital de Baugé. Maine, France.
Il garda toujours la virginité, et non seulement repoussa, mais gagna au Christ des femmes éhontées qui lui tendaient des pièges. Au jugement du Siège apostolique, éclairé par Dieu comme sainte Thérèse dans l'explication des secrets divins, il écrivit sur la théologie mystique des livres remplis d'une sagesse du ciel. Un jour, interrogé par Jésus-Christ quelle récompense il demandait pour tant de travaux, il répondit :
" Seigneur, souffrir, et être méprisé pour vous."
Célèbre par son empire sur les démons qu'il chassait fréquemment des corps, doué du discernement des esprits, du don de prophétie, de la gloire des miracles, telle fut toujours son humilité que souvent il implorait du Seigneur la faveur de mourir en un lieu où il fût inconnu de tous. Son vœu fut exaucé. En proie à une cruelle maladie, où cinq plaies suppurantes à la jambe donnèrent satisfaction au désir qu'il avait de souffrir et firent voir son inaltérable patience, il s'endormit dans le Seigneur à Ubeda, pieusement et saintement muni des sacrements de l'Eglise, tenant embrassée l'image de Jésus crucifié qu'il avait toujours eu dans le cœur et sur les lèvres, disant :
" Entre vos mains je remets mon esprit."
C'était au jour et à l'heure qu'il avait annoncés, l'an du salut mil cinq cent quatre-vingt-onze, de son âge le quarante-neuvième. Un globe de feu resplendissant reçut son âme ; un parfum très suave se répandit de son corps, que l'on garde toujours sans corruption à Ségovie en grand honneur. Les éclatants et nombreux prodiges qu'il accomplit après sa mort comme de son vivant, portèrent le Souverain Pontife Benoît XIII à le mettre au nombre des Saints.
Puissent au Carmel et sur les monts, comme dans la plaine et les vallées, se multiplier les âmes qui concilient le ciel à la terre, attirent les bénédictions, écartent la foudre ! Saints que nous sommes par vocation, puissions-nous à votre exemple et par votre prière, Ô Jean de la Croix, laisser la divine grâce agir en nous selon toute la mesure de sa vertu purifiante et déifiante ; car alors aussi nous pourrons dire un jour avec vous :
" Ô vie divine qui ne donnez la mort que pour rendre la vie, vous m'avez blessée pour me guérir, vous avez détruit en moi ce qui me retenait dans la mort. Sagesse divine, ô touche délicate, Verbe qui pénétrez si subtilement la substance de mon âme, et la plongez en des douceurs qu'on ne connaît pas dans la terre de Chanaan ni dans celle de Théman (Baruch, III, 22.) : vous renversez les montagnes, vous brisez les rochers d'Horeb par la seule ombre de votre puissance, et au prophète vous vous révélez par le murmure d'une brise légère (III Reg. XIX, II, 12.). Ô souffle divin, si terrible et si doux, le monde ne connaît pas votre suavité."
" Ceux-là seuls vous sentent, Ô mon Dieu et ma vie ! Ceux-là seuls vous reconnaissent à votre délicatesse infinie, qui, s'éloignant du monde, se sont spiritualisés tout entiers. Vous qui n'avez en vous rien de matériel, vous touchez l'âme d'une manière d'autant plus intime et profonde, que votre être divin, affranchi de tout mode, figure ou forme, l'a rendue elle-même plus simple et pure. Vous cachant en elle, désormais séparée de tout souvenir de créatures, vous la cachez à votre tour dans le secret de votre face divine, l'y mettant à couvert de tous les troubles de ce monde. Vous l'étant réservée, tout autre objet, qu'il soit d'en haut ou d'en bas, la fatigue ; et c'est pour elle une peine et un tourment que d'avoir à s'en occuper (La vive flamme d'amour, strophe II, vers III, résumé.)."
Rq : On lira, méditera et priera avec fruits les oeuvres de saint Jean de la Croix. Une partie importante de ces oeuvres est consultable sur le site suivant : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/carmel/jeandelac....
00:15 Publié dans J | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 23 novembre 2024
23 novembre. Saint Clément de Rome, pape et martyr. 100.
- Saint Clément de Rome, Pape et martyr. 100.
Papes : Saint Clet (prédecesseur) ; saint Evariste (successeur). Empereur romain : Trajan.
" Vos amis, Ô mon dieu, vous les avez comme accablés d'honneurs."
Psaume CXXXVIII. 17.
La mémoire de Clément se présente entourée d'une auréole particulière dans les origines de l'Eglise de Rome. A ce moment où les Apôtres ont disparu, il semble éclipser Linus et Clétus, qui cependant avaient reçu avant lui l'honneur de l'épiscopat. On passe comme naturellement de Pierre à Clément, et les Eglises orientales ne célèbrent pas son souvenir avec moins d'honneur que l'Eglise latine. Il fut bien véritablement le Pontife universel, et l'on sent déjà que l'Eglise tout entière est attentive à ses actes comme à ses écrits. Cette haute réputation lui a fait attribuer tout un cycle d'écrits apocryphes, qu'il est aisé de démêler de ses écrits véritables ; mais il est à noter que les faussaires qui ont jugé à propos de lui prêter leurs propres œuvres, ou de bâtir des romans à son sujet, s'accordent à le faire naître de race impériale.
Le temps a fait disparaître, sauf un seul, les documents qui attestent l'intervention de Clément dans les affaires des Eglises lointaines ; mais celui qui nous est resté montre en plein exercice la puissance monarchique de l'évêque de Rome dès cette époque primitive.
Saint Clément retrouvant son père. Speculum historiale.
L'Eglise de Corinthe était agitée de discordes intestines, que la jalousie à l'égard de certains pasteurs avait suscitées. Ces divisions dont on découvre le germe dès le temps de saint Paul, avaient détruit la paix et causaient du scandale aux païens eux-mêmes. L'Eglise de Corinthe finit par sentir le besoin d'arrêter un désordre qui pouvait être préjudiciable à l'extension de la foi chrétienne, et, dans ce but, il lui fallait chercher du secours hors de son sein. A ce moment, tous les Apôtres avaient disparu de ce monde,hors saint Jean qui éclairait encore l'Eglise de sa lumière. De Corinthe à Ephèse, où résidait l'Apôtre, la distance n'était pas considérable ; néanmoins ce ne fut pas vers Ephèse, mais vers Rome que l'Eglise de Corinthe tourna ses regards.
Saint Clément bénissant sainte Domitille. Speculum historiale.
Clément prit connaissance des débats que les lettres de cette Eglise renvoyaient à son jugement, et fit partir pour Corinthe cinq commissaires qui devaient y représenter l'autorité du Siège apostolique. Ils étaient porteurs d'une lettre que saint Irénée appelle très puissante, potentissimas litteras (Contra haereses, III, III, 3.). Elle fut jugée si belle et si apostolique à cette époque première, que longtemps on la lut publiquement dans plusieurs Eglises, comme une sorte de continuation des Ecritures canoniques. Le ton en est digne, mais paternel, selon le conseil que saint Pierre donne aux pasteurs. Rien n'y sent l'esprit de domination; mais, à la gravité et à la solennité du langage, on reconnaît la voix du pasteur universel, auquel nul ne saurait désobéir, sans désobéir à Dieu lui-même.
Ce langage si solennel et si ferme obtint son effet : la paix se rétablit dans l'Eglise de Corinthe, et les messagers de l'Eglise romaine ne tardèrent pas à en rapporter l'heureuse nouvelle. Un siècle après, saint Denys, évêque de Corinthe, témoignait encore au pape saint Soter la gratitude de son Eglise envers Clément pour le service dont elle lui était redevable.
Elevé à l'école des Apôtres, Clément avait retenu dans une certaine mesure leur style et leur manière. On les remarque aussi dans ses deux Lettres aux vierges, dont on avait la trace par saint Epiphane et par saint Jérôme, et qui furent retrouvées au XVIIIe siècle, en la traduction syriaque, sur un manuscrit apporté d'Alep.
Bien que de récents critiques aient mis en doute l'authenticité du texte reconnu par d'autres comme étant celui de Clément aux vierges, le fait de l'intervention du saint Pape en faveur de la virginité n'en reste pas moins appuyé par les témoignages concordants de saint Epiphane (H. XXX, 15.) et de saint Jérôme (Contra Jovinian. I, 12.).
Saint Clément envoie saint Denis dans les Gaules.
Sainte Cécile déjà nous le rappelait hier. Le principe de la continence vouée à Dieu fut dès l'origine l'une des bases du christianisme, et l'un des moyens les plus efficaces dans la transformation du monde. Le Christ avait relevé le mérite supérieur de ce sacrifice, et saint Paul, comparant les deux états de la femme, enseignait que la vierge est toute au Seigneur, tandis que l'épouse, malgré sa dignité, demeure divisée (I Cor. VII.). Clément eut à développer cette doctrine, et c'est ce qu'il fait dans ces deux lettres. Avant saint Athanase, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome et saint Augustin, ces grands docteurs de la virginité chrétienne, il développa les enseignements de Pierre et de Paul sur ce sujet si grave.
" Celui ou celle, dit-il, qui aspire à cette grandeur d'une vie supérieure, doit vivre comme les Anges d'une existence divine et toute céleste. La vierge s'isole des attraits sensuels ; non seulement elle renonce au droit qu'elle aurait de les suivre en ce qu'ils ont de légitime ; mais elle aspire à cette espérance que Dieu, qui ne saurait tromper, entretient par sa promesse, et qui dépasse celle qu'ont les hommes d'avoir une postérité. En retour de leur généreux sacrifice, leur partage au ciel est la félicité même des Anges."
Saint Clément envoie saint Denis dans les Gaules.
Tel était le langage du disciple de Pierre, choisi par lui pour mettre la main au renouvellement de la Babylone romaine. Il ne fallait pas moins que cette forte doctrine, pour lutter avec avantage contre le débordement des moeurs de l'Empire. Si le christianisme se fût contenté d'inviter les hommes à l'honnêteté, comme faisaient les philosophes, ses efforts eussent été en pure perte. Le stoïcisme, en surexcitant l'orgueil chez quelques-uns, pouvait amener à mépriser la mort ; il était impuissant à faire reculer le sensualisme, dans lequel il faut reconnaître le plus puissant auxiliaire de la tyrannie des Césars. L'idéal de la chasteté, jeté au sein de cette société dissolue, pouvait seul arrêter le torrent d'ignominie qui menaçait de submerger toute dignité humaine. Pour le bonheur du monde, la morale chrétienne parvint à se faire jour, et les exemples éclatants se joignant aux maximes, on dut enfin en tenir compte
La corruption romaine s'étonna en entendant parler de la virginité, comme de l'objet du culte et de la pratique d'un grand nombre de sectateurs de la religion nouvelle, et cela dans un moment où les plus beaux privilèges, joints aux plus terribles châtiments, avaient peine à contenir dans le devoir les six vestales sur la fidélité desquelles reposaient l’honneur et la sécurité de la Ville éternelle. Vespasien et Titus eurent connaissance des infractions que ces gardiennes du Palladium se permettaient à l'égard de leur premier devoir ; mais ils jugèrent que le niveau auquel étaient descendues les mœurs ne permettait plus d'infliger à ces infidèles les pénalités antiques.
Saint Clément et saint Pierre. Speculum historiale.
Le moment devait cependant arriver bientôt où les empereurs, le sénat, Rome tout entière, allaient apprendre, en lisant la première Apologie de saint Justin, les merveilles de pureté dont l'enceinte de Babylone était le théâtre.
" Parmi nous, en cette ville, leur disait l'apologiste, des hommes, des femmes, en nombre considérable, ont atteint déjà l'âge de soixante à soixante-dix ans ; mais élevés dès leur enfance sous la loi du Christ, ils ont persévéré jusqu'à cette heure dans l'état de virginité, et il n'est pas de pays dans lequel je n'en pourrais signaler de semblables."
Athénagore, dans son mémoire présenté à Marc-Aurèle peu d'années après, pouvait dire à son tour :
" Vous trouverez parmi nous, tant chez les hommes que chez les femmes, une multitude de personnes qui ont passé leur vie jusqu'à la vieillesse dans l'état de virginité, n'ayant d'autre but que de s'unir à Dieu plus intimement."
Clément était prédestiné à la gloire du martyre ; une sentence d'exil le relégua dans la Chersonèse, sur le Pont-Euxin. Les Actes qui détaillent les circonstances de ses souffrances remontent à une haute antiquité ; nous n'avons pas à les discuter ici. Ils racontent que Clément trouva dans cette presqu'île un nombre considérable de chrétiens déportés avant lui, et employés à l'exploitation des carrières de marbre, qui étaient riches et abondantes en Chersonèse. La joie des chrétiens à la vue de Clément s'explique d'elle-même ; son zèle à propager la foi dans cette lointaine contrée et les succès de son apostolat n'ont rien qui doive surprendre. Le miracle d'une fontaine jaillissant de la roche à la parole de Clément, pour désaltérer les confesseurs, est un fait analogue à cent autres que l'on rencontre dans les Actes les plus authentiques des saints. Enfin l'apparition d'un agneau mystérieux sur la montagne, où il marque de son pied le lieu d'où l'eau va jaillit, reporte la pensée vers les premières mosaïques chrétiennes sur lesquelles on voit encore le symbole de l'agneau debout sur un monticule verdoyant (Dom Guéranger, ubi supra.).
Saint Clément et l'Agneau de Dieu. Legenda aurea.
Au IXe siècle, saint Cyrille, l'apôtre des Slaves, retrouva près de Cherson les restes précieux du Pontife Martyr ; Clément rentra dans Rome, et l'insigne église qui, selon l'expression de saint Jérôme, gardait la mémoire de son nom dans la Ville éternelle (Hieron. De viris illustr. XV.), posséda de lui désormais mieux qu'un souvenir.
Souvenir inestimable déjà cependant, non moins pour la science que pour la piété : au témoignage d'antiques traditions, cette église était bâtie sur l'emplacement de la demeure habitée par Clément dans la région du Cœlius qui fut de son temps, on le sait par ailleurs, le quartier préféré de l'aristocratie romaine ; or, les investigations archéologiques de ce dernier demi-siècle ont permis de retrouver, sous l'abside môme de la basilique primitive, et lui formant comme une sorte de confession ou d'hypogée, les chambres d'une habitation privée dont le style et les ornements se révèlent contemporains des Flaviens (Mullooly, Saint Clément, and his basilica ; De Rossi, Bulletin, 1863, 1870, etc.).
Clément naquit à Rome et eut pour père Faustinus ; il habitait la région du mont Cœlius. Il fut disciple du bienheureux Pierre. C'est de lui que Paul fait mention dans son épître aux Philippiens, quand il dit : " Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et les autres qui ont été mes aides, dont les noms sont au livre de vie ".
Saint Clément. Speculum historiale. V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.
Il partagea la Ville en sept régions, les attribuant à sept Notaires chargés en chacune de rechercher et recueillir avec grand soin les Actes des Martyrs. Lui-même écrivit d'une plume châtiée beaucoup d utiles ouvrages qui firent honneur au christianisme.
Mais comme par sa doctrine et la sainteté de sa vie il convertissait beaucoup de monde à la foi du Christ, l'empereur Trajan le relégua au delà du Pont-Euxin dans la solitude de Cherson, où se trouvaient déjà deux mille chrétiens condamnés par ce même empereur. Employés à extraire et à tailler le marbre, ils souffraient du manque d'eau, Clément, ayant prié, monta sur une colline qui était proche, et vit à son sommet un Agneau marquant de son pied droit le lieu d'où jaillissait une source d'eau douce où tous éteignirent leur soif. A la suite de ce miracle, un grand nombre d'infidèles se convertirent et vénérèrent Clément comme un saint.
Martyre de saint Clément. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
A cette nouvelle, Trajan irrité envoya dans ce lieu des gens chargés de jeter Clément à la mer, une ancre au cou ; ce qui fut fait. Or, pendant que les chrétiens priaient sur le rivage , la mer se retira à trois milles, et approchant ils virent un édicule de marbre en forme de temple où, dans un sarcophage de pierre, était enseveli le corps du Martyr ; auprès se trouvait l'ancre avec laquelle on l'avait précipité. Les habitants du pays, émus d'un pareil prodige, embrassèrent la foi chrétienne. Le corps de Clément fut transporté à Rome par la suite, sous le pontificat de Nicolas Ier, et déposé dans l'église de son nom. Une église lui fut aussi dédiée à l'endroit de l'île d'où avait jailli la source miraculeuse. Il vécut dans le pontificat neuf ans, six mois, six jours. En deux ordinations au mois de décembre, il créa dix prêtres, deux diacres, quinze évêques pour divers lieux.
Martyre de saint Clément. Speculum historiale.
" Prions tous le Seigneur Jésus-Christ qu'il fasse couler une source d'eau pour ses confesseurs.
Comme saint Clément priait, lui apparut l'Agneau de Dieu.
Sans regarder à mes mérites, voici que le Seigneur m'a envoyé vers vous, pour partager vos couronnes.
J'ai vu sur la montagne l'Agneau debout ; de sous son pied jaillit une source vive.
La source vive qui sous son pied jaillit, c'est le fleuve impétueux qui réjouit la cité de Dieu.
Toutes les nations d'alentour crurent au Christ Seigneur.
Comme il s'en allait vers la mer, le peuple priait, disant à grands cris : Seigneur Jésus-Christ, sauvez-le ; et Clément disait avec larmes : Père, recevez mon esprit.
Seigneur, à Clément votre Martyr vous avez donné pour demeure, au milieu de la mer, comme un temple de marbre élevé par les mains des Anges ; vous en avez procuré l'accès aux habitants du pays , pour qu'ils pussent raconter vos merveilles."
ORAISON
" Dieu tout-puissant et éternel, qui êtes admirable dans la vertu de tous vos Saints, exaucez-nous : que la solennité annuelle du bienheureux Clément soit notre joie, lui qui, Martyr et Pontife de votre Fils, justifia par la parole son ministère et joignit l'exemple à ses discours. Par Jésus-Christ."
Saint Clément et saint Denis. Ivo de sancto dionysio,
PREFACE
" C'est une chose digne et juste que nous vous rendions grâces, en célébrant le jour natal de saint Clément, votre Martyr. Il abandonna famille et patrie ; séduit par votre nom, courant à ses parfums, il traversa les terres et les mers ; se renonçant lui-même, il porta la croix de ces pérégrinations afin de vous suivre sur les pas de vos Apôtres. Or, voici que d'abord disciple du bienheureux Pierre, il est par vous ensuite, Ô Seigneur, substitué comme remplaçant et successeur à son maître ; cette ville de Rome dont Dour vous il avait dédaigné les grandeurs, vous arrêtez de lui en donner la principauté ; il n'a point voulu d'un éclat qui passe, et vous l'ennoblissez devant les cieux. Enfin l'élevant à la gloire du martyre, vous l'honorez, pour ses travaux dans le temps, d'une couronne éternelle.
Le Seigneur dit : Ma parole que j’ai mise en ta bouche ne fera point défaut sur tes lèvres, et tes offrandes seront agréées à mon autel (Introït de la fête, ex Isai.). Ainsi l'Eglise débute en votre honneur aujourd'hui dans les chants du Sacrifice. Et pour elle, en effet, quand les Apôtres disparurent, la grande joie, la consolation suprême fut de constater que cependant ne défaillait pas la parole; car, de ses dons, c'était le plus indispensable que l'Epoux s'élevant aux cieux lui eût assuré.
Or le Verbe, en vos écrits, parcourait toujours la terre, autorisé et respecté, dirigeant, pacifiant, sanctifiant les peuples aussi pleinement , aussi sûrement qu'au temps des Apôtres et du Seigneur même ; la preuve, grâce à vous, se faisait éclatante que Jésus, selon sa promesse , demeurait avec les siens jusqu'à la consommation du monde.
Soyez béni d'avoir, dès ces temps reculés, consolé en cette sorte notre Mère l'Eglise.
Ainsi comprîtes-vous encore, Ô Clément, que la grande œuvre apostolique, la diffusion de l'Evangile au milieu des nations, ne devait pas s'interrompre au départ des premiers ouvriers. Grâce à vous, la mort et la nuit continuèrent d'être toujours plus loin refoulées. A nous entre autres, à nous surtout, fils de la terre gauloise, il appartient de se souvenir en ce jour. Soyez béni pour les augustes messagers que Lutèce et les cités ses sœurs virent apparaître en leurs murs, disant de votre part à nos pères : Debout, vous qui dormez; levez-vous d'entre les morts, et le Christ sera votre lumière (Eph. V, 14.).
Mais les luttes d'un apostolat aux prises sous tous les cieux avec le prince du monde, les soucis d'un gouvernement qui déjà embrassait l'univers, ne suffisaient point au zèle dont votre âme de Pontife était embrasée. Soyez béni d'avoir plus spécialement consacré vos leçons et vos soins à la portion du bon troupeau plus intimement aimée du Seigneur Christ, à ceux qui suivent l'Agneau de Dieu sur la montagne où vous l'aperçûtes et partout où il va (Apoc. XIV, 4.).
Puissent par votre prière les émules de Flavia Domitilla croître en nombre, en mérite plus encore, à la suite de l'Epoux. Puisse tout chrétien retenir des enseignements de votre propre vie que la noblesse du monde n'est rien , auprès de celle qu'assure l'amour du Christ. Puisse le monde, puisse Rome, sa capitale, redevenir pour le Dieu des armées ce domaine indiscuté que lui avaient acquis de concert le patriciat des sept collines et l'apostolat parti de Judée.
Avec l'Eglise, au 10 Juillet, nous célébrâmes Félicité, la mère des Martyrs, donnant au ciel en un septuple et nouvel enfantement les sept fils que lui avait donnés la nature. Pour elle, cependant, la récompense demeurait suspendue. Tandis que l'Eglise l'inscrit aux diptyques sacrés, honorons-la derechef et prions-la, en ce jour où le glaive, comblant ses vœux, justifiant son nom pour jamais, lui rend ses fils dans la suprême félicité."
Rq : On lira avec fruit les actes de saint Clément (http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/default.htm) et la notice hagiographique que le bienheureux Jacques de Voragine lui consacre (http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/171.htm).
00:15 Publié dans C | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 22 novembre 2024
22 novembre. Sainte Cécile de Rome, vierge et martyre, avec saint Tiburce et saint Valérien, martyrs. 177 - 180.
- Sainte Cécile de Rome, vierge et martyre, avec saint Tiburce et saint Valérien, martyrs. 177, 180.
Pape : Saint Eleuthère. Empereur romain d'Occident : Marc-Aurèle.
" Plurima cum sponso generavit pignora virgo."
" Vierge avec un épous vierge, elle a enfanté à l'Eglise une famille nombreuse."
Hugues Vaillant, Fasta Sacri.
Pour prévenir tout malentendu, nous répéterons que dire de certains actes qu'ils sont interpolés, ce n'est pas rejeter du même coup l'existence ou le martyre d'un saint. Prenons pour exemple sainte Cécile ; nous ne pensons pas qu'un seul historien admette aujourd'hui l'authenticité de ses actes ; on peut s'en rapporter là-dessus à son plus illustre historien, Dom Guéranger. Mais ce n'est pas à dire que l'existence ou le martyre de la sainte patricienne, ni même que certains éléments de son procès ne soient pas authentiques.
Les Actes de sainte Cécile ne sont, à première vue, qu'un fatras de discours insérés dans les intervalles de quelques faits assez bien circonstanciés. L'étude attentive de cette pièce conduit aux conclusions suivantes : Le martyrologe d'Adon donne d'abord la date du martyre qu'il a dû emprunter à un document ancien : " Passa est beata virgo Marco Aurelio et Commodo imperatoribus ", ce qui nous limite aux années emprises entre l'élévation de Commode à la dignité d'Auguste et la mort de Marc-Aurèle (177-180).
En ce qui concerne l'épisode lui-même du martyre, il se réduit à ceci : Une jeune clarissime épouse un patricien à qui elle persuade de garder la continence, puis le convertit et lui fait donner le baptême. Le frère du mari se convertit également et reçoit le baptême. Les deux jeunes hommes pleins de zèle, s'ingénient à procurer la sépulture aux corps des martyrs. Dénoncés de ce chef au préfet urbain, ils refusent de sacrifier et sont décapités.
On les conduit à quatre milles de Rome ; eux, en chemin, convertissent le greffier et plusieurs employés. Le greffier se déclare chrétien et on l'assomme à coups de fouets plombés. Les trois martyrs sont enterrés sur la voie Appienne par Cécile, qui elle-même est arrêtée peu après. Mais elle était prévenue et avait pris ses dispositions touchant ses biens. L'interrogatoire contient plusieurs traits probablement authentiques. Le préfet lui rappela le texte des rescrits impériaux alors en vigueur :
" Ignores-tu que nos seigneurs, les invincibles princes, ont ordonné de punir ceux qui ne renieraient pas la religion chrétienne et de renvoyer absous ceux qui la renieraient ?"
Ce sont les propres termes du rescrit adressé en 177 au légat de la Lyonnaise.
" Voici, ajouta-t-il, les accusateurs qui déposent que tu es chrétienne. Nie-le, et les conséquences de l'accusation retomberont sur eux."
Allusion très claire au rescrit d'Hadrien à Minucius Fundanus, qui n'avait pas cessé de faire loi. Cécile fut condamnée à être asphyxiée dans la salle de bains de sa maison ; mais la sainte survécut à ce supplice ; un licteur, envoyé pour lui couper la tête, lui entailla le cou par trois fois et la laissa respirant encore ; elle agonisa pendant trois jours. On l'enterra dans un domaine funéraire de la voie Appienne.
Plusieurs traits de ce récit démontrent quelles Actes contiennent une part sérieuse de vérité. La formule du pluriel pour désigner les empereurs, le refus de sépulture aux martyrs, la citation des rescrits d'Hadrien et de Marc-Aurèle dont le règne et celui de Commode devaient voir disparaître la jurisprudence à laquelle il est fait allusion ici.
La découverte et la reconnaissance des restes apporta un témoignage décisif. En 822, le pape Pascal Ier trouva le corps intact dans le cercueil de cyprès dont parlent les Actes; les vêtements, les compresses qui avaient étanché le sang confirmaient le récit des Actes.
En 1599, une seconde reconnaissance donna lieu aux mêmes constatations. On découvrit alors un autre sarcophage qui contenait deux corps du sexe masculin, tous deux décapités, et un troisième dont la chevelure brune collée de sang recouvrait encore un crâne fracturé en divers endroits, ce qui est d'accord avec le récit des Actes touchant le supplice des plumbatae infligé à Maxime.
Par contre, les Actes ont confondu un évêque du nom d'Urbain avec le pape Urbain, postérieur d'un demi-siècle ; de plus, ils racontent à rebours tout ce qui a trait à l'inhumation de Cécile dans la crypte où furent dans la suite déposés les papes, lorsque ce domaine fut devenu propriété ecclésiastique.
Cécile avait entendu la voix qui nous dit dans l'Évangile :
" Venez à moi vous tous qui travaillez, et qui êtes accablés, et je vous soulagerai."
Aussi portait-elle toujours sur sa poitrine les saints Évangiles, qu'elle lisait et relisait nuit et jour au cours d'une prière ininterrompue. Elle avait un tout jeune fiancé nommé Valérien, épris de sa beauté. Le jour des noces était fixé. Sous sa robe tissée d'or elle portait un cilice. Quand vint le jour du mariage, Cécile disait pendant le concert :
" Seigneur, faites que mon coeur et mon âme demeurent immaculés, qu'ils soient tout entiers à vos préceptes, afin que je ne sois pas confondue."
Elle jeûna pendant deux ou trois jours, se recommandant à Dieu, invoquant les Anges, suppliant les Apôtres et implorant toutes les saintes servantes de Jésus-Christ afin qu'ils l'aidas-sent ; elle remettait sa chasteté entre les mains de Dieu.
La nuit arriva, elle se trouva seule avec son mari et réclama d'abord un secret absolu sur la confidence qu'elle voulait lui faire ; il s'y engagea. Alors Cécile lui confia qu'elle était vierge et que celui qui attenterait à sa chasteté, fût-il son mari, serait frappé de Dieu. Le mari, vivement intrigué de tout ce mystère, consentit à aller en chercher l'explication chez un évêque qui habitait Rome et qui avait nom Urbain. Ce personnage catéchisa séance tenante le visiteur, le baptisa, lui apprit le symbole et le renvoya à Cécile. Dans sa ferveur de converti, il tenta d'amener à la foi son propre frère Tiburce, dont le même évêque Urbain acheva l'instruction et consomma la régénération.
Psautier cistercien. Besançon. XIIIe.
Turcius Almachius était alors préfet de la ville ; il ne se passait pas de jour qu'il ne fit mourir quelque chrétien. Il était défendu de prendre soin de leur sépulture. Néanmoins Tiburce et Valérien s'y employaient tous les jours, ainsi qu'à l'aumône et à la prière. Tandis qu'ils s'adonnaient à ces oeuvres, il arriva — les bons ne sont-il pas toujours à charge aux méchants ? — qu'on dénonça leur conduite au préfet ; on exposa ce que Dieu, par leur entremise faisait aux pauvres, et le soin qu'ils prenaient d'enterrer ceux que le préfet avait condamnés à mort. Ils furent arrêtés et comparurent.
[Tiburce fut interrogé le premier, ce fut ensuite le tour de Valérien.] Almachius ordonna que Valérien fût flagellé. Pendant le supplice, il disait doucement :
" Voilà l'heure que je désirais tant, voilà un jour plus beau que tous les jours de fête."
Tandis qu'on le battait, le héraut criait :
" Ne blasphème pas les dieux et les déesses."
Valérien criait aux spectateurs :
" Romains, que cette misère ne vous détourne pas de la vérité, tenez bon, piétinez les idoles de bois et de pierre d'Almachius, car leurs adorateurs iront au supplice éternel."
Tarquinius, assesseur du préfet — on l'appelait quelquefois Laccas — dit à l'oreille d'Almachius :
" Saisis l'occasion par les cheveux, commence par débarrasser la terre de cette femme. Si tu tardes encore, remettant d'un jour à l'autre, ils auront dissipé toute leur fortune pour les pauvres, et une fois morts, on ne trouvera plus rien."
Sainte Cécile. Demi-relief.
Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Picardie.
Le préfet jugea l'avis bon à suivre et ordonna aux licteurs d'emmener les condamnés, et s'ils refusaient de sacrifier l'un et l'autre à Jupiter, de leur couper la tête. Les confesseurs partirent, le greffier Maxime les escortait, on se rendit au Pagus Triopius. [Pendant la route, le greffier fut touché de la grâce et se convertit, ainsi que plusieurs appariteurs.]
Arrivés à quatre milles de Rome, il fallait passer devant le portail d'un temple devant lequel tous les passants étaient tenus de brûler de l'encens à Jupiter. Quand Tiburce et Valérien arrivèrent, ils furent invités à offrir l'encens ; ils refusèrent, s'agenouillèrent, et on leur coupa la tète...
Almachius, prévenu de ce qui s'était passé, ordonna de casser la tète à Maxime à coups de fouet plombé. Cécile, qui avait enseveli près de là Tiburce et Valérien, leur adjoignit Maxime et fit sculpter un phénix sur son tombeau. [Quelque temps après, on arrêta Cécile, qui avait eu le temps de céder sa maison à un sénateur nommé Gordien, à charge de remettre la propriété à l'Église de Rome.]
" Jeune fille, ton nom ?
— Cécile.
— De quelle condition ?
— Libre, noble, clarissime.
— Je t'interroge sur ta religion et non pas sur ta famille.
— Ta question n'est donc pas bien faite, puisqu'on peut y faire deux réponses.
— Qu'est-ce qui te rend si audacieuse ?
— Le repos de ma conscience et la pureté de ma foi.
— Ignores-tu l'étendue de mes pouvoirs ?
— C'est toi qui ignore ton pouvoir. Si tu m'avais interrogée sur ton pouvoir, je t'aurais répondu en toute vérité.
— Explique-toi.
— Toute puissance humaine ressemble à une outre gonflée vent, une piqûre d'aiguille et elle s'affaisse, et tout ce qui semblait avoir consistance s'est évaporé.
— Tu as commencé par des insolences, tu continues.
— Il n'y a d'insolence qu'à tromper. Ai-je trompé ? montre-le, alors je conviendrai de l'insolence, sinon, repens-toi, tu en as menti.
— Ne sais-tu pas que nos maîtres, les invincibles empereurs, ont ordonné que tous ceux qui ne voudront pas nier qu'ils sont chrétiens soient punis, et que ceux qui consentiront à le nier soient élargis ?
— Vous vous valez, les empereurs et ton Excellence. L'ordre qu’ils ont porté prouve leur cruauté et notre innocence. Si le nom de chrétien était criminel, ce serait à nous de le nier et à vous de nous le faire confesser, même par force.
— C'est dans leur clémence que les empereurs ont pris cette disposition, ils ont voulu vous fournir un moyen de sauver votre vie.
— Y a-t-il rien d'aussi scélérat et de plus funeste aux innocents que d'employer, à l'égard des malfaiteurs, toutes les tortures afin de leur faire avouer leur crime et leurs complices, vous nous savez innocents et c'est notre nom seul que vous punissez. Mais nous savons ce que vaut le nom du Christ et nous nous ne pouvons le renier. Mieux vaut mourir pour le bonheur que vivre pour la douleur. Nous ne mentons pas et ainsi nous vous punissons, parce que vous voudriez nous faire mentir.
— Choisis entre les deux, sacrifie ou bien nie que tu es chrétienne, et tout sera pardonné.
Statue de sainte Cécile. XVIIe.
Cécile se mit à rire :
" Ô piteux magistrat ! Il veut que je nie afin d'être innocente, et c'est cela qui me rendra coupable. Si tu veux condamner, il ne faut pas me faire nier ; si tu veux me renvoyer, renseigne-toi.
— Voici les témoins ; ils déposent que tu es chrétienne. Nie-le et tout sera dit. Si tu ne nies pas, ne t'en prends qu'à ta sottise quand tu seras condamnée.
— Je désirais cette dénonciation et la peine à laquelle tu me condamneras sera ma victoire.
— Malheureuse, j'ai le droit de vie et de mort ; les empereurs me l'ont donné. Comment oses-tu me parler avec cet orgueil ?
— L'orgueil est un, la fermeté est autre. J'ai parlé avec fermeté mais sans orgueil, car, nous autres, nous condamnons l'orgueil. Si tu ne craignais pas d'entendre une vérité de plus, je te montrerais encore une fois que tu as menti.
— En quoi ai-je menti ?
— Tu as dit que les empereurs t'ont accordé le droit de vie et de mort.
— Et j'en ai menti ?
— Oui, et si tu veux, je te le ferai voir.
— Parle.
— Tu as dit que les empereurs t'ont donné le droit de vie et de mort. Or, tu n'as que le droit de mort Tu peux faire perdre la vie aux vivants, mais tu ne peux pas donner la vie aux morts. Vante-toi d'avoir reçu des empereurs un ministère de mort. Si tu en dis plus, tu mens, et cela ne tient pas debout.
— Assez de bavardages, madame, assez de fanfaronnades, approche, sacrifie.
— As-tu perdu les yeux ? A la place des dieux, je vois — et tous ceux qui ont bonne vue en sont là — je vois des pierres, de l'airain, du plomb.
— En philosophe, je méprisais tes impertinences à mon égard, maintenant il s'agit des dieux, c'en est plus que je ne puis souffrir.
— Depuis que tu parles, tu n'as dit que mensonges, folies et sottises. Je te l'ai fait voir. Maintenant te voilà aveugle, là où il y a une pierre bonne à rien, tu appelles cela : dieu. Je vais te donner une idée : prends-les en mains, tu verras si ce n'est pas de la pierre. C'est honteux de faire rire tout le monde de toi. Tout le monde sait que Dieu est au ciel, mais pour ces pierres, on en pourrait bien faire de la chaux, elles se détériorent à ne rien faire et ne peuvent te défendre ni elles-mêmes si on en fait de la chaux, ou si tu péris toi-même."
Le préfet ordonna que Cécile fût reconduite chez elle et asphyxiée dans la salle de bains de sa maison. Elle y demeura enfermée un jour et une nuit, pendant qu'on y entretenait grand feu, mais elle s'y trouvait comme dans un lieu bien aéré et, Dieu aidant, sans aucun mal, son corps ne portait même pas trace de sueur.
Almachius, prévenu, envoya un licteur pour lui couper la tête dans cette même salle de bains. Le bourreau lui donna trois coups d'épée et s'en alla ; la tête tenait encore à moitié. Tous ceux que Cécile avait convertis vinrent tremper du linge et des éponges dans son sang.
Elle survécut trois jours encore, pendant lesquels elle ne cessa de parler, d'encourager dans la foi ceux qui étaient présents. Elle leur distribua tout ce qu'elle avait et les recommanda à l'évêque Urbain. A ce dernier elle dit :
" Père, j'ai demandé au Seigneur ce délai de trois jours afin de remettre entre tes mains et ces pauvres et cette maison pour être consacrée en église pour toujours."
Le troisième jour, elle mourut pendant qu'elle priait.
Couronnement de sainte Cécile et de saint Valérien.
HYMNE
" Silence aux concerts de la terre ! le cœur embrasé de Cécile épanche en de célestes mélodies des chants qui sont pour Dieu seul.
HYMNE
" C'est l'heure de gagner la couronne, s'écrie Cécile, encourageant les siens ; bientôt elle-même la vierge est traduite au prétoire.
Rq : On lira les deux tomes remarquables que dom Prosper Guéranger à consacré à Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/gueranger/cecile/cecile...
00:15 Publié dans C | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 21 novembre 2024
21 novembre. Présentation de la très sainte Vierge Marie au Temple.
- Présentation de la très sainte Vierge Marie au Temple.
" Quam pulchri sunt gressus tui, filia pricipis !"
" Que vos démarches sont belles, fille du Roi des rois !"
Cantique des Cantiques, VII, I.
Inférieure en solennité aux autres fêtes de Notre-Dame, tardivement inscrite au Cycle sacré, la Présentation semble de préférence réserver chez nous le culte de ses mystères à la contemplation silencieuse. Dans le silence de leur prière ignorée, les justes gouvernent la terre ; la Reine des saints, la première, fit plus par ses mystères cachés que tous les faux grands hommes dont les gestes bruyants prétendent constituer la trame des annales du monde.
L'Orient chantait depuis sept siècles au moins (Pitra, Analecta sacra Spicilegio Solesmensi parata, I, 275.) l’entrée de la Mère de Dieu dans le temple de Jérusalem (Menaea, ad diem hanc.), quand pour la première fois (ceci doit s'entendre seulement de la fête proprement dite ; car le marbre de Berre, illustré par Le Blant sous le n° 542 A des Inscriptions chrétiennes de la Gaule, démontre que le fait du séjour de Marie au temple de Jérusalem était reconnu et honoré en Occident au Ve siècle.Voir Planche 72 du même, n° 433), en 1372, Grégoire XI permit qu'elle fût célébrée à la cour romaine d'Avignon. Or en réponse, Marie brisait les chaînes qui depuis soixante-dix ans retenaient la Papauté captive, et bientôt Grégoire XI rendait à Rome le successeur de Pierre.
Ainsi déjà, au Cycle d'Occident, la Visitation nous était apparue comme le monument de l'unité reconquise sur le schisme qui suivit l'exil (11 Juillet).
Charle V, le Sage.
Dès l’année 1373, à l'imitation du Pontife suprême, Charles V de France introduisait la fête de la Présentation dans sa chapelle du palais. Par lettres en date du 10 novembre 1374, aux maîtres et écoliers du collège de Navarre, il exprimait le désir qu'elle fût célébrée dans le royaume entier :
" Charles, par la grâce de Dieu roi des Francs, à nos bien-aimés : salut en Celui qui ne cesse point d'honorer sa Mère sur la terre. Entre les autres objets de notre sollicitude, souci journalier et diligente méditation, le premier qui occupe à bon droit nos pensées est que la bienheureuse Vierge et très sainte Impératrice soit honorée par nous d'un très grand amour et louée comme il convient à la vénération qui lui est due.
Car c'est un devoir pour nous de lui rendre gloire ; et nous qui élevons vers elle en haut les veux de notre âme, nous savons quelle protectrice incomparable elle est pour tous, quelle puissante médiatrice auprès de son béni Fils pour ceux qui l'honorent avec un cœur pur...
Et c'est pourquoi, voulant exciter notre fidèle peuple à solenniser ladite fête comme Nous-même nous proposons de le faire, Dieu aidant, chacune des années de notre vie, nous en adressons l'Office à votre dévotion à cette fin d'augmenter vos joies."
Launoy, Historia Navarrae gymnasii, Pars I L I, c. 10.
Le roi des Francs Charles V, le Sage,
Ainsi parlaient les princes dans ces temps. Or on sait comment dans ces mêmes années le sage et pieux roi, poursuivant l'œuvre inaugurée à Brétigny par la Vierge de Chartres, sauvait une première fois de l'Anglais la France vaincue et démembrée. Dans l'Etat donc comme dans l'Eglise, à celte heure si critique pour les deux, Notre-Dame en sa Présentation commandait à l'orage, et le sourire de Marie enfant dissipait la nue.
La nouvelle fête, enrichie d'indulgences par Paul II, s'était peu à peu généralisée, quand saint Pie V, voulant alléger d'un certain nombre d'Offices le calendrier universel, crut devoir la comprendre en ses suppressions. Mais Sixte-Quint la rétablissait au Bréviaire romain dès l'année 1585, et peu après, Clément VIII l'élevait au rang des Doubles-majeurs. Bientôt clercs et réguliers prenaient pour coutume de renouveler leurs engagements sacrés en ce jour où leur commune Reine ouvrit devant eux la voie qui conduit par le sacrifice aux prédilections du Seigneur.
Ecoute, ma fille, et vois, et prête l'oreille ; oublie ton peuple et la maison de ton père, et le Roi convoitera ta beauté (Psalm XLIV, 11, 12.). Ainsi, formulant les vœux des filles de Tyr (Ibid. 13.), chantait au sommet de Moriah l'Eglise de l'attente; et son regard inspiré perçant l'avenir, elle ajoutait . A sa suite viendront les vierges, ses compagnes ; elles s'avanceront dans la joie et l'allégresse; elles entreront dans le temple du Roi (Ibid. 15, 16.).
Or donc, salué d'avance comme le plus beau des fils des hommes (Ibid. 3.), ce Roi, qui est le Très Puissant (Ibid. 4.), prélude à ses conquêtes en ce jour ; et son début, selon le mot du Psaume, est admirable (Ibid. 5.).
Par la gracieuse enfant qui à cette heure franchit les degrés du temple, il prend possession de ce temple, dont le sacerdoce le reniera vainement plus tard ; car cette enfant qu'accueille aujourd'hui le temple est son trône (Psalm. XLIV. 7.).
Dès maintenant, son parfum le précède et l'annonce en la mère au sein de laquelle l'huile d'allégresse, coulant à flots, doit le faire Christ entre ses frères (Ibid.8.) ; en elle déjà les Anges saluent la Reine dont la virginité féconde enfantera toutes ces âmes consacrées qui réservent à l'Epoux la myrrhe et l'encens de leurs holocaustes, ces filles des rois qui feront l'honneur de sa cour (Ibid. 9, 10.).
Mais la Présentation de Notre-Dame ouvre encore à l'Eglise d'autres horizons. Au Cycle des Saints, dépourvu des frontières précises qui délimitent celui du Temps, le mystère du séjour de Marie dans le sanctuaire de l'ancienne alliance prélude, mieux que n'aurait pu faire aucun autre, à la saison si prochaine de l'Avent liturgique. Marie, conduite au temple pour s'y préparer dans la retraite, l'humilité, l'amour, à ses incomparables destinées, eut aussi pour mission d'y parfaire, au pied des autels figuratifs, la prière de l'humanité trop impuissante à faire pleuvoir des cieux le Sauveur (Isai. XLV, 8.).
Elle fut, dit saint Bernardin de Sienne, le bienheureux couronnement de toute attente et demande de l'avènement du Fils de Dieu; en elle, comme en un sommet, tous les désirs des saints qui l'avaient précédée eurent leur consommation et leur terme (Bernardin. Sen. Pro festivitatibus V. Marias, Sermo IV, art. 1, c. 3.).
Par son admirable intelligence des Ecritures, par sa conformité de chaque jour, de toute heure, aux moindres enseignements et prescriptions du rituel mosaïque, Marie découvrait, adorait partout le Messie sous la lettre ; elle s'unissait à lui, s'immolait avec lui dans chacune des victimes immolées sous ses yeux ; et ainsi rendait-elle au Dieu du Sinaï l'hommage, vainement attendu jusque-là, de la Loi comprise, pratiquée, fécondée selon la plénitude qu'elle comportait pour le Législateur. Alors Jéhovah put dire en toute vérité :
" Comme la pluie descend du ciel et n'y retourne point, mais enivre la terre et lui fait produire ses fruits ; ainsi sera ma parole : elle ne me reviendra pas inféconde, mais aura heureusement tous les effets que j’ai voulus (Isai. LV, 10, II.)."
Supplément béni de la gentilité non moins que de la synagogue, Marie dès lors vit dans l'Epouse du Cantique sacré l'Eglise à venir. En notre nom à tous elle adressait à Celui qu'elle savait devoir être l'Epoux, sans connaître encore qu'elle l'aurait pour fils, les appels d'un amour qui, sur ses lèvres, était bien fait pour obtenir du Verbe divin l'oubli des infidélités passées, des dérèglements où le monde dévoyé s'abîmait toujours plus (Olier, Vie intérieure de la très Sainte Vierge, Présentation.). Arche de l'alliance universelle, combien avantageusement ne remplaçait-elle pas celle des Juifs, disparue avec le premier temple !
C'était pour elle sans le savoir qu'Hérode, le Gentil, avait repris la construction du second, demeuré comme désert et comme vide depuis Zorobabel; car le temple, aussi bien que le tabernacle qu'il remplaçait, n'était que l'asile de l'arche destinée à porter Dieu lui-même : mais garder la réalité fut pour le second temple une gloire plus grande (Agg. II, 10.) que d'abriter comme le premier la figure.
Les Grecs ont fait choix, comme Leçons de ce jour, des passages de l'Ecriture qui rappellent l'entrée de l'arche dans le tabernacle au désert (Exod. XL.), et plus tard dans le temple à Jérusalem (III Reg. VIII.). Le synaxaire, ou leçon historique de la solennité, résume les traditions qui nous montrent la bienheureuse Vierge offerte par ses saints parents dans la troisième année de son âge au temple de Dieu, pour y demeurer jusqu'aux jours où, après douze années écoulées, devait s'accomplir en elle le mystère du salut.
Au VIe siècle de notre ère, l'empereur Justinien fit élever en l'honneur de la Présentation une église grandiose dans la partie méridionale de la plate-forme qui avait porté le temple et ses annexes (Rappelons que c'est aujourd'hui la mosquée El-Aksa.).
DE B. VIRGINE IN TEMPLUM RECEPTA
Le siècle suivant nous donne les strophes liturgiques ci-après, qui témoignent de l'antiquité de la fête.
Le temple très pur du Sauveur, le trésor sacré de la divine gloire, la brebis et la Vierge inestimable est aujourd'hui amenée dans la maison du Seigneur ; elle y apporte la grâce de l'Esprit-Saint, les anges de Dieu la célèbrent dans leurs chants : c'est le tabernacle des cieux.
Quand je contemple dans la Vierge la grâce qui s'y révèle, le comble des ineffables et très sacrés mystères de Dieu, l'allégresse me transporte, et je ne puis comprendre l'étonnante et inexprimable manière dont cette élue, dont cette immaculée l'emporte à elle seule sur toute créature visible ou invisible. Lors donc que je veux l'acclamer, ma voix et mon esprit défaillent ; pourtant j'ose l'exalter et la glorifier comme étant le tabernacle des cieux.
Le créateur, auteur et Seigneur de toutes choses, s'est incliné vers nous dans son indicible miséricorde et mû par Sa seule clémence ; voyant tombé celui qu'Il avait façonné de Ses propres mains, Il en a eu pitié ; dans Sa bonté compatissante, Il daigne, œuvre plus divine, le relever en s'anéantissant Lui-même ; c'est pourquoi, dans le mystère où Il a résolu de prendre notre nature, Il s'associe Marie, la Vierge et l'immaculée : elle est le tabernacle des cieux.
Le rédempteur et Verbe du Très-Haut, voulant se manifester pour nous dans la chair, introduisit donc la Vierge sur terre, relevant par des honneurs inusités et admirables cette entrée de la toute pure en notre monde : Il fit d'elle la récompense et le fruit de la prière, la promettant et l'annonçant par message aux justes Joachim et Anne ; eux, ses parents, recevant avec foi l'oracle, firent avec amour et joie le vœu d'offrir au Seigneur l'immaculée : c'est le tabernacle des cieux.
Etant donc née par divine providence l'auguste Vierge, les saints époux, comme ils l'avaient promis, la conduisirent au temple à son auteur. Anne, dans son allégresse, interpellant le prêtre, s'écriait :
" Recevez-la, donnez-lui place au plus profond de l'inaccessible sanctuaire, entourez-la de soins ; car c'est un fruit qui fut la récompense de mes prières ; avec joie, dans ma foi. j'ai promis de la rendre à Dieu son auteur : c'est le tabernacle des cieux."
SEQUENCE
Au XVe siècle et au XVIe, on chantait en ce jour dans un grand nombre d'églises la Prose suivante, composée sur l'acrostiche : AVE MARIA, BENEDICO TE, AMEN. Je vous salue Marie et vous bénis. Amen.
" Dans sa profonde providence, la Sagesse divine ordonne toutes choses comme il convient. Joachim et Anne sont unis par le lien conjugal ; mais leur union demeure stérile.
Dans toute l'ardeur de leur amour, par vœu sincère ensemble ils s'engagent au Seigneur : sans tarder, s'il daigne leur donner un enfant, ils le consacreront pour toujours en son temple.
Un Ange apparaît, éclatant de lumière, qui leur apprend que leurs désirs sont exaucés : que par la grâce du Roi suprême, une fille leur sera donnée, toute bénie.
Sainte dès le sein maternel, admirable sera sa naissance, plus admirable l'enfantement par lequel, en demeurant vierge, elle sera mère de Celui dont le Très-Haut est Père, dont la grâce débordante ôtera le péché du monde.
Elle est née la vierge bénie ; âgée de trois ans on la présente au temple, elle en franchit les quinze degrés, toute parée, d'un pas ferme et rapide, sous les yeux de son père et de sa mère.
Le temple resplendit d'une nouvelle gloire à la présentation de l'auguste vierge : instruite divinement et visitée des cieux, elle se réjouit avec les Anges.
A l'âge adulte où ses compagnes sont appelées par ordre du prince des prêtres à contracter mariage, la vierge s'y refuse d'abord ; car ses parents l'ont vouée au Seigneur, et elle-même a résolu par vœu de garder sa virginité.
Dieu consulté répond que la vierge doit prendre pour époux celui qu'une fleur miraculeusement éclose aura désigné ; Joseph, ainsi élu, l'épouse et la conduit en sa maison.
Gabriel est alors député vers la vierge, lui annonçant comment elle doit concevoir ; elle prudente, écoute silencieuse, et considère ce que pareil message a d'insolite.
Lui cependant explique la manière dont toutes choses s'accompliront ; la vierge croit, et aussitôt dans l'Esprit-Saint le Verbe est conçu ; Celui que rien ne peut contenir s'enferme en une vierge.
Ô vierge sans pareille, quelle louange égalera maintenant vos mérites ! quel n'est pas l'éclat de votre gloire ! Maintenant donc protégez-nous pour que dans la patrie nous jouissions du fruit qui fait votre honneur.
" Félicitez-moi , vous tous qui aimez le Seigneur, de ce que, lorsque j'étais petite, j'ai plu au Très-Haut ." (Deuxième R/. du premier Nocturne à l'Office ordinaire de N.-D).
C'est l'invitation que vous nous adressez dans les Offices chantés à votre honneur, Ô Marie ; et quelle fête la justifie mieux que celle-ci ? Quand, plus petite encore par l'humilité que par l'âge, vous montiez si candide et si pure les degrés du temple, le ciel dut avouer que c'était justice si désormais les meilleures complaisances du Très-Haut étaient pour la terre.
Retirée jusque-là dans l'intimité de vos bienheureux parents, ce fut votre première démarche publique ; elle ne vous montrait aux hommes que pour aussitôt vous dérober mieux encore à leurs yeux dans le secret de la face de Dieu ; mais en la manière que pour la première fois vous étiez officiellement offerte et présentée au Seigneur, lui-même sans nul doute, entouré des puissances de sa cour, vous présentait non moins solennellement à ces nobles esprits dont vous étiez la reine.
Dans une plénitude de lumière qui n'avait point lui précédemment pour eux, ils comprirent, en même temps que vos grandeurs incomparables, la majesté de ce temple où Jéhovah recueillait un hommage surpassant en dignité celui des neuf chœurs, l'auguste prérogative de cet ancien Testament dont vous étiez la fille, dont les enseignements et les directions allaient parfaire en vous durant douze années la formation de la Mère de Dieu.
La sainte Eglise, cependant, vous déclare imitable pour nous en ce mystère de votre Présentation comme dans tous les autres, Ô Marie (Lectio 2a IIi Noct. ex AMBR.de Virginibus II.).
Daignez bénir plus spécialement les privilégiés que la grâce de leur vocation fait dès ici-bas habitants de la maison du Seigneur : qu'ils soient eux aussi l'olivier fertile (Eccli. XXIV, 19.), engraissé de l'Esprit-Saint, auquel vous compare aujourd'hui saint Jean Damascène (Lectio Ia IIi Noct. ex Damasc. de Fide orthodoxa, IV.).
Mais tout chrétien n'est-il pas, de par son baptême, l'habitant, le membre de l'Eglise, vrai sanctuaire de Dieu, dont celui de Moriah n'était qu'une figure ?
Puissions-nous, par votre intercession, vous suivre d'assez près dans votre Présentation bienheureuse au pays des ombres et des frimas, pour mériter d'être de même présentés à votre suite au Très-Haut dans le temple de sa gloire (Collecte du jour.).
00:15 Publié dans Notre Dame la très Sainte Vierge Marie | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 20 novembre 2024
20 novembre. Saint Felix de Valois, fondateur de l'Ordre de la Très-Sainte-Trinité pour la rédemption des captifs. 1212.
- Saint Felix de Valois, fondateur de l'Ordre de la Très-Sainte-Trinité pour la rédemption des captifs. 1212.
Pape : Innocent III. Roi de France : Philippe II Auguste.
" Mementote vinctorum."
" Souvenez-vous de ceux qui gémissent dans les fers."
Hebr., XIII, 3.
Saint Félix de Valois. Statue du couvent de Mafra.
Félix, appelé dès l'adolescence au désert, semblait devoir y mourir oublié d'un monde qu'il avait méprisé. Mais le Seigneur se réservait de rendre aux yeux des hommes sa vieillesse féconde (Psalm. XCI, 15.).
On était à ce qu'on nomme de nos jours un tournant de l'histoire. Le premier des grands Ordres actifs allait, avec saint Jean de Matha, se lever dans l'Eglise ; d'autres suivraient, réclamés par les temps nouveaux. Ce fut l'heure où l'éternelle Sagesse, qui préside immuable aux variations des peuples (Sap. VII, 27.), voulut montrer qu'elle non plus la sainteté ne change pas, la charité demeurant sous des formes variées ce que la connurent nos pères, n'ayant toujours qu'en Dieu aimé pour lui-même son principe et sa fin.
Statue de saint Félix de Valois. Bois polychrome du XVIe.
Et c'est pourquoi Jean de Matha fut amené par l'Esprit à Félix de Valois, comme le disciple au maître ; l'anachorète dont les derniers ans s'achevaient au fond des forêts, vit se greffer sur la contemplation pure, en sa personne, la vie d'action débordante du rédempteur des captifs; Cerfroid, son désert, resta le chef-lieu des Trinitaires comme il en avait été le berceau.
Félix, appelé d'abord Hugues, était né en France de la famille royale des Valois. Il donna dès le plus jeune âge de sérieuses marques de sa sainteté future, surtout pour la miséricorde envers les pauvres ; car encore tout petit enfant, il distribuait de sa main des pièces d'argent aux malheureux, comme s'il eût été grand et en âge de comprendre. Un peu plus âgé, il avait la coutume de leur envoyer des mets servis sur la table, et choisissant ce qu'il y avait de meilleur, il le servait aux enfants pauvres.
Saint Félix de Valois avec le cerf de saint Hubert, l'un de ses attributs.
Jeune homme, il se dépouilla plus d'une fois de ses habits pour en couvrir les indigents. Il obtint de son oncle Thibauld, comte de Champagne et de Blois, la grâce d'un condamné à mort, annonçant que celui qui n'était jusque-la qu'un sicaire infâme deviendrait sous peu un grand saint : prédiction justifiée par l'événement.
Au sortir de sa vertueuse adolescence, il se sentit porté par l'attrait de la contemplation céleste à s'enfermer dans la solitude, mais voulut tout d'abord cependant recevoir les Ordres sacrés pour se prémunir contre les droits éventuels à la couronne qu'il tenait de la loi Salique.
Statue représentant les fondateurs de l'Ordre des Trinitaires.
Ordonné prêtre, il célébra sa première Messe avec grande ferveur et gagna peu après le désert ou il vécut en grande abstinence, réconforté par l'abondance des grâces du ciel. Il y fut trouvé par saint Jean de Matha, docteur de Paris, qu'une inspiration divine avait poussé à sa recherche. Tous deux vécurent là très saintement quelques années, jusqu'à ce qu'un Ange les avertît delà part de Dieu qu'ils eussent à se rendre à Rome pour obtenir du Souverain Pontife une règle de vie.
C'était alors Innocent III, lequel pendant la Messe solennelle eut révélation du nouvel Ordre et institut qu'ils devaient fonder pour la rédemption des captifs. Le Pape revêtit lui-même Félix et Jean du vêtement blanc avec la croix rouge et bleue sous lequel l’Ange était apparu, et il voulut que leur famille religieuse, en raison de ces trois couleurs de son habit, fût honorée du nom de la très sainte Trinité.
Le même ensemble sculptural sous un autre angle.
Félix donc, avec la règle confirmée par le Pape Innocent, revint à Cerfroid, au diocèse de Meaux, où lui et son compagnon ayant peu auparavant bâti la première maison de l'Ordre, il l'agrandit, y fit régner l'observance religieuse, se montrant le promoteur admirable de l'œuvre de la Rédemption, mettant tout son zèle à la propager par ses disciples en d'autres provinces.
Il fut en ce lieu favorisé d'une insigne grâce de la Vierge Mère : c'était en la nuit de la Nativité de la Mère de Dieu ; tandis que par une permission divine les frères continuaient de dormir et ne se levaient pas pour Matines, Félix, veillant à son ordinaire et prévenant l'heure de l'Office, entra au chœur où il trouva la bienheureuse Vierge. Elle portait sur son vêtement la croix de l'Ordre ; des Anges vêtus de même, l'accompagnaient ; elle entonna les chants, et ce fut avec elle et les Anges que Félix accomplit le devoir de l'Office canonial.
Messe de fondation de l'Ordre de la Très-Sainte-Trinité pour la rédemption
Et comme si déjà on l'appelait du chœur de la terre a celui des cieux, averti par un céleste messager de sa mort prochaine, il exhorta ses fils à la charité envers les captifs et les pauvres, puis rendit l'âme, chargé de mérites et d'années, l'an douze cent douze du Seigneur, sous le pontificat du même Innocent III.
Bois sculpté représentant saint Félix de Valois à gauche et
PRIERE
" Félix, heureux amant de la charité, enseignez-nous le prix de cette reine des vertus et aussi sa nature. C'est elle qui vous attira dans la solitude pour y poursuivre son objet divin, et quand vous sûtes trouver Dieu en lui-même, vous le montra et fit aimer dans vos frères. N'est-ce pas le secret qui rend l'amour fort comme la mort, lui donne comme en vos fils l'audace d'affronter l'enfer (Cant. VIII, 6.) ?
Puisse-t-il ne point cesser d'être chez nous l'inspirateur de tous les dévouements ; qu'il demeure la part excellente de votre saint Ordre, le procédé précieux de son adaptation toujours féconde aux besoins d'une société où ne cesse point de régner sous mille formes la tyrannie des pires servitudes."
Saint Félix de Valois et saint Jean de Matha aux pieds de
Rq : La vie de notre Saint demande à être complétée par la lecture et la méditation de celle de son disciple et fils saint Jean de Matha (VIII février).
00:15 Publié dans F | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 19 novembre 2024
19 novembre. Sainte Elizabeth de Hongrie, veuve. 1231.
- Sainte Elizabeth de Hongrie, veuve. 1231.
Pape : Grégoire IX. Roi de Hongrie : André II. Empereur d'Allemagne : Frédéric II Hohenstauffen.
" Les aumônes, les bonnes oeuvres de toutes sortes ont marqué tous les moments de sa vie."
Act. IX, 36.
Sainte Elizabeth de Hongrie.
Sainte Elisabeth, naquit à Bratislava (Presbourg en allemand) en 1207 ; elle était le troisième enfant du roi André II de Hongrie, descendant du saint roi Etienne, et de Gertrude, fille du duc Berthold IV de Méranie. Elle quitta la Hongrie à quatre ans, promise en mariage au fils du landgrave Hermann Ier de Thuringe (mort en 1217), Louis (né en 1200) qu'elle épousa en 1221.
Elisabeth avait une âme de feu :
" Elisabeth, dit sa dame de compagnie, Guta, rappelle fréquemment la présence de Dieu, dans toutes ses actions elle invoque le Seigneur et rapporte tout à lui."
André II et son épouse Gertrude, les parents de sainte Elisabeth.
L'influence de son mari, qu'elle aima d'un grand amour, lui apporta un équilibre humain et spirituel durant les années heureuses de leur vie commune dont naquirent deux enfants (Hermann en 1222 et Sophie en 1224) :
" Seigneur Jésus-Christ, je vous offre, ainsi qu'à Votre chère mère Marie, ce nouveau né, fruit chéri de mon sein. Je Vous le rends de tout coeur, tel que vous me l'avez donné. Recevez ce bébé, tout baigné de mes larmes, au nombre de Vos serviteurs et amis. Bénissez-le à jamais."
Une lumière éclatante brillait alors dans l'Eglise, celle de saint François d'Assise. Elisabeth rêvait de vivre en foyer l'idéal franciscain et Louis était apte à partager les aspirations de sa femme. Mais, le 24 juin 1227, Louis de Thuringe dut partir pour la cinquième croisade. Au bout de trois mois, il mourait sur un bateau, en rade d'Otrante, en s'écriant :
" Voyez donc toutes ces colombes blanches ! Je vais partir avec elles vers mon Dieu !"
Vitrail de sainte Elizabeth.
Encore qu'elle l'avait pressenti - " Malheur à moi, pauvre femme, sur terre je ne reverrai plus mon bien-aimé !" -, le coup fut terrible pour Elisabeth, qui attendait son troisième enfant, Gertrude (née vingt-sept jours après la mort de son père) :
" Désormais, j'ai tout perdu sur la terre. Ô cher ami de mon coeur, mon excellent et pieux époux, tu es mort et tu me laisses dans la misère. Comment vais-je vivre sans toi ? Pauvre veuve abandonnée, faible femme ! Que le Dieu d'amour, Celui qui n'abandonne pas la veuve et l'orphelin, me console ! Ô Mon Dieu ! Ô mon Jésus, Fortifiez-moi dans ma faiblesse !"
Elle aurait eu besoin alors d'un François de Sales à ses côtés ; or elle avait pour directeur un maître qui la terrorisait et n'hésitait même pas à la frapper. Spoliée de ses biens, elle enfermée par son oncle, l'évêque de Bamberg qui la veut remarier, jusqu'au retour de la dépouille de son mari (1228) :
" Mon Dieu, merci de me consoler miséricordieusement par ces restes mortuaires de mon mari. Si grand que soit mon amour envers Louis, Vous savez, Seigneur, que je ne me repens nullement de notre commun sacrifice pour le secours de la Terre-Sainte. Si je pouvais ramener à la vie mon cher époux, je donnerais le monde en échange. Pourtant, contre Votre volonté sainte, je ne saurais racheter sa vie, ne serait-ce que pour un seul de mes cheveux ! Que la volonté du Seigneur soit faite !"
Cathédrale Sainte-Elizabeth de Kosice. Actuelle Slovaquie.
Cédant à une recherche fiévreuse de l'abjection et de la pénitence, elle rompit avec sa famille, qui la prenait pour folle, et elle confia à d'autres le soin de ses enfants, tandis qu'elle revêtait l'habit du Tiers-Ordre, à Marburg sur le Lahn, pour se donner au service des pauvres et des malades les plus abandonnés, en qui elle reconnaissait le Christ :
" Quelle joie pour moi de servir Notre-Seigneur en ses membres souffrants les plus éprouvés !"
Sa santé ne put résister à toutes ces austérités. Elle mourut le 16 novembre 1231, à minuit, âgée de vingt-quatre ans :
" C'est l'heure où Jésus vient racheter le monde. Il me rachètera aussi. Quelle faiblesse j'éprouve donc ! Pourtant, je ne ressens pas de douleur. Ô Marie, venez à mon secours ! Le moment arrive où Dieu m'appelle à l'éternelle noce. L'époux vient chercher son épouse ... Silence ! Silence !"
Sainte Elizabeth. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Vignay. XVe.
Grégoire IX canonisa Elisabeth en 1235 ; elle est, avec saint Louis, patronne du Tiers-Ordre franciscain et, en 1885, Léon XIII la proclama patronne des femmes et des jeunes filles allemandes.
Bien que tous les élus resplendissent au ciel d'un éclat propre à chacun d'eux, Dieu se complaît à les grouper par familles, comme il le fait dans la nature pour les astres du firmament. C'est la grâce qui préside à ce groupement des constellations dans le ciel des Saints ; mais parfois Dieu semble vouloir nous rappeler ici que nature et grâce l'ont pour commun auteur ; et les conviant malgré la chute à l'honorer ensemble dans ses élus, il fait de la sainteté comme un patrimoine auguste que se transmettent de générations en générations les membres d'une même famille de la terre (Eccli. XLIV.).
Eglise Sainte-Elizabeth de Marburg. Thuringe, Allemagne.
Parmi ces races bénies ne le cède à aucune la royale lignée qui, de l'antique Pannonie, étendit sur le monde aux meilleurs temps de la chrétienté l'ombre de ses rameaux ; riche en vertu, éprise du beau, comme parle l'Ecriture, portant la paix dans ces maisons couronnées de la vieille Europe que tant d'alliances avaient rendues siennes (Ibid. 6.), les noms qu'elle inscrivit au livre d'or des bienheureux perpétuent sa gloire.
Mais, de ces noms illustres, entouré d'eux comme un diamant serti d'une couronne de perles, le plus grand pour l'Eglise et les peuples est celui de l'aimable Sainte, mûre pour le ciel à vingt-quatre ans, qui rejoint aujourd'hui les Etienne, les Emeric et les Ladislas. Elisabeth ne demeura pas au-dessous de leurs mâles vertus ; mais la simplicité de son âme aimante imprégna l'héroïsme de sa race comme d'une huile parfumée dont la senteur, se répandant sous tous les cieux, entraîne dans la voie des Bienheureux et des Saints, avec sa fille Gertrude de Thuringe, sa tante Hedwige de Silésie, et ses cousines ou nièces et petites-nièces Agnès de Bohême, Marguerite de Hongrie, Cunégonde de Pologne, Elisabeth de Portugal.
Le Dieu des humbles sembla vouloir rivaliser avec toute la poésie de ces temps chevaleresques, pour idéaliser dans la mémoire des hommes la douce enfant qui, transplantée, fleur à peine éclose, delà cour de Hongrie à celle de Thuringe, ne sut qu'aimer et se dévouer pour lui. Quelle fraîcheur d'idylle, mais d'une idylle du ciel, en ces pages des contemporains où nous est racontée la vie de la chère Sainte avec l'époux si tendrement aimé qui fut le digne témoin des extases de sa piété sublime et naïve, le défenseur envers et contre tous de ses héroïques et candides vertus ! Aux intendants qui se plaignent que, dans une absence du duc Louis, elle a malgré eux épuisé le trésor pour les pauvres :
" J'entends, dit-il, qu'on laisse mon Elisabeth agir à sa guise ; qu'elle donne tout ce qu'elle voudra, pourvu qu'elle me laisse la Wartbourg et Naumbourg."
Aussi le Seigneur, ouvrant les yeux du landgrave, lui montrait sous la forme de roses, dignes déjà des parterres du ciel, les provisions qu'Elisabeth portait aux malheureux dans son manteau.
Sainte Elizabeth lavant les pieds des pauvres.
Jésus lui-même apparaissait en croix dans le lépreux qu'elle recueillait en ses appartements pour le soigner plus à l'aise. S'il arrivait que d'illustres hôtes survenant à l'improviste, la duchesse dont les bijoux passaient comme le reste en aumônes se trouvât dépourvue de la parure qui eût convenu pour leur faire honneur, les Anges y suppléaient si bien qu'aux yeux émerveillés des visiteurs, selon le dire des chroniqueurs allemands de l'époque, la reine de France n'eût pas été plus admirablement belle, plus richement parée.
C'est qu'en effet Elisabeth entendait ne se dérober à aucune des obligations ni convenances de sa situation de princesse souveraine ou d'épouse. Aussi gracieusement simple en ses vertus qu'affable pour tous, elle s'étonnait de l'attitude sombre et morose que plusieurs affectaient dans leurs prières ou leurs austérités :
" Ils ont l'air de vouloir épouvanter le Bon Dieu (Montalembert. Histoire de sainte Elisabeth de Hongrie, Ch. VII. — 2.), disait-elle, tandis qu'Il aime celui qui donne joyeusement (II Cor. IX, 7.)."
Sainte Elizabeth lavant les pieds d'un pauvre.
Le temps, hélas ! vint vite pour elle de donner sans compter. Ce fut d'abord le départ en croisade du duc Louis, son époux, dont il sembla qu'elle ne se pourrait jamais séparer ; puis la scène déchirante où lui fut annoncée sa mort, au moment où pour la quatrième fois elle venait d'être mère ; enfin l'acte d'odieuse félonie par lequel Henri Raspon, l'indigne frère du landgrave, trouvant l'occasion bonne pour s'emparer des états du défunt, chassa ses enfants et sa veuve, avec défense à qui que ce fût de les recevoir. Dans ce pays où toute misère avait éprouvé ses bontés, Elisabeth dut mendier, en butte à mille rebuts, le pain des pauvres enfants, réduits comme elle à se contenter pour gîte d'une étable à pourceaux.
L'heure des réparations devait sonner avec le retour des chevaliers partis en la compagnie du duc Louis. Mais Elisabeth, devenue l'amante passionnée de la sainte pauvreté, resta parmi les pauvres. Première professe du Tiers-Ordre séraphique, le manteau que saint François lui avait envoyé comme à sa très chère fille demeura son unique trésor. Bientôt les sentiers du renoncement absolu l'eurent conduite au terme.
Sainte Elizabeth se revêtant de l'habit du Tiers Ordre Franciscain.
Celle que, vingt ans auparavant, on apportait dans un berceau d'argent à son fiancé vêtue de soie et d'or, s'envolait à Dieu d'une masure de terre glaise, n'ayant pour vêtement qu'une robe rapiécetée ; les ménestrels dont les assauts de gai savoir avaient rendu fameuse l'année de sa naissance n'étaient plus là,mais on entendit les Anges qui chantaient, montant vers les cieux :
" Regnum mundi contempsi, propter amorem Domini mei Jesu Christi, quem vidi, quem amavi, in quem credidi, quem dilexi."
" J'ai méprisé les trônes du monde en considération du Seigneur Jésus-Christ, l'attrait de mes yeux et de mon cœur, qui eut ma foi et mon amour.").
Quatre ans après, Elisabeth, déclarée Sainte par le Vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ, voyait tous les peuples du Saint-Empire, empereur en tête, affluer à Marbourg où elle reposait au milieu de ces pauvres dont elle avait ambitionné la vie. Son corps sacré fut remis à la garde des chevaliers Teutoniques, qui reconnurent l'honneur en faisant de Marbourg un chef-lieu de l'Ordre, et en élevant à la Sainte la première église ogivale que l'Allemagne ait possédée. De nombreux miracles y attirèrent longtemps l'univers chrétien.
Et maintenant, bien que toujours debout, toujours belle en son deuil, Sainte-Elisabeth de Marbourg ne connaît plus que de nom celle qui fut sa gloire. A la Wartbourg embaumée des grâces de la chère Sainte, où s'écoula au milieu des plus suaves épisodes sa vie d'enfant et d'épouse, le " grand souvenir " qu'on montre au voyageur est la chaire d'un moine en rupture de ban [Martin Luther], et la tache d'encre dont, en un jour de démence ou d'ivresse, il salit les murs, comme il devait de sa plume tenter de tout profaner et souiller dans l'Eglise de Dieu.
En Allemagne, où elle est la sainte patronne des femmes et des jeunes filles allemandes, notre sainte est plus connue sous le nom de sainte Elizabeth de Thuringe.
01:00 Publié dans E | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 18 novembre 2024
18 novembre. Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul. 1626.
- Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul. 1626.
Pape : Urbain VIII.
" Quod duce te mundus surrexit in astra triumphans, hanc constantinus victor tibi condidit aulam."
" Parce que le monde sous ta conduite s'est élevé triomphant jusqu'aux cieux, Constantin vainqueur construisit ce temple à ta gloire."
Inscription qui, dans l'ancienne basilique vaticane, se détachait en lettres d'or au sommet de l'arc triomphal.
Jamais en moins de mots le génie romain ne s'exprima si magnifiquement ; jamais n'apparut mieux la grandeur de Simon fils de Jean sur les sept collines. En 15o6, la sublime dédicace tombant de vétusté périt avec l'arc sous lequel, à la suite du premier empereur chrétien, peuples et rois, le front dans la poussière, s'étaient pressés durant douze siècles en présence de la Confession immortelle, centre et rendez-vous du monde entier. Mais la coupole lancée dans les airs par le génie de Michel-Ange, désigne toujours à la Ville et au monde le lieu où dort le pêcheur galiléen, successeur des Césars, résumant dans le Christ dont il est le Vicaire les destinées de la ville éternelle.
La seconde gloire de Rome est la tombe de Paul sur la voie d'Ostie. Cette tombe, à la différence de celle de Pierre qui continue de plonger dans les profondeurs de la crypte vaticane, est portée jusqu'à fleur de terre par un massif de maçonnerie, sur lequel pose le vaste sarcophage. On fut à même de constater cette particularité en 1841, lorsque l'on reconstruisit l'autel papal. Il parut évident que l'intention de soustraire le tombeau de l'apôtre aux inconvénients qu'amènent les débordements du Tibre, avait obligé de soulever ainsi le sarcophage de la place où d'abord Lucine l'avait établi (Voir XVI Septembre, en la Légende de saint Corneille.).
Le pèlerin n'a garde de s'en plaindre, lorsque par le soupirail qui s'ouvre au centre de l'autel, son œil respectueux peut s'arrêter sur le marbre qui ferme la tombe, et y lire ces imposantes paroles, tracées en vastes caractères de l'époque constantinienne :
" PAULO APOSTOLO ET MARTYRI."
" A Paul Apôtre et Martyr."
(Dom Guéranger, Sainte Cécile et la Société romaine aux deux premiers siècles, ch. VI.).
Reliquaire contenant une part importante des reliques de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre.
Ainsi Rome chrétienne est protégée au nord et au midi par ces deux citadelles. Associons-nous aux sentiments de nos pères, lorsqu'ils disaient de la cité privilégiée :
" Janitorante fores fixit sacraria Petrus :
Quis neget has arces instar esse poli ?
Parte alia Pauli circumdant atria muros :
Hos inter Roma est: hic sedet ergo Deus."
" Pierre, le portier, fixe ! à l'entrée sa demeure sainte ;
Qui niera que cette ville soit pareille aux cieux ?
A l'autre extrémité, Paul, de son temple, en garde les murs ;
Rome est assise entre les deux : là donc est Dieu."
Tombe de saint Paul. Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome.
Donc aussi la présente fête méritait d'être plus qu'une solennité locale; l'Eglise mère, en l'étendant à toute Eglise dans ces derniers siècles, a mérité la reconnaissance du monde. Grâce à elle, nous pouvons tous ensemble aujourd'hui faire en esprit ce pèlerinage ad limina (Ad limina Apostolorum, aux seuils des basiliques des Apôtres, où l'on se prosternait avant d'entrer dans les basiliques mêmes) que nos aïeux accomplissaient au prix de tant de fatigues, ne croyant jamais en acheter trop cher les saintes joies et les bénédictions.
" Célestes monts, sommets brillants de la Sion nouvelle ! Là sont les portes de la patrie, les deux lumières du monde en sa vaste étendue ! Là, Paul comme un tonnerre fait entendre sa voix ; là, Pierre retient ou lance la foudre. Par celui-là les cœurs des hommes sont ouverts, par celui-ci les cieux. Celui-ci est la pierre de fondement, celui-là l'ouvrier du temple où s'élève l'autel qui apaise Dieu. Tous deux, fontaine unique, épanchent les eaux qui guérissent et désaltèrent." (Venant. Fortunat. Miscellanea, III, 7.).
Plaque de la tombe de saint Paul. Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome.
L'Eglise romaine a consigné, dans les Leçons qui suivent, ses traditions concernant les basiliques dont la dédicace fait l'objet de la fête de ce jour.
Parmi les lieux sacrés qui attirèrent autrefois la vénération des chrétiens, les plus célèbres et les plus fréquentés furent ceux où l'on gardait les corps des saints, ou quelque reste ou mémoire des Martyrs. Au nombre et en tête de ces saints lieux fut toujours cette partie glorieuse du Vatican qu'on appelait la Confession de saint Pierre. Là, en effet, de toutes les parties du monde affluaient les chrétiens ; là était pour eux la pierre de la foi, le fondement de l'Eglise ; leur vénération pour le lieu consacré parle tombeau du Prince des Apôtres se traduisait par les plus religieuses et les plus pieuses démonstrations.
Là, l'empereur Constantin le Grand vint le huitième jour après son baptême, et déposant le diadème et se prosternant, répandit une grande abondance de larmes ; puis s'armant de la pioche et du hoyau, il creusa le sol et en retira douze charges de terre en l'honneur des douze Apôtres, désignant ainsi l'emplacement de la basilique qu'il voulait construire à leur Prince. Elle fut dédiée par le Pape saint Silvestre le quatorze des calendes de décembre, en la manière que, le cinq des ides de novembre, il avait consacré l'église du Latran, mais en y élevant un autel de pierre qu'il oignit du chrême, et prescrivant que désormais tout autel devrait être de pierre. Le bienheureux Silvestre dédia pareillement sur la voie d'Ostie la basilique de saint Paul Apôtre, que l'empereur Constantin avait de même construite avec magnificence l'enrichissant ainsi que la première de biens-fonds, d'ornements, et de présents considérables.
Or, comme la basilique vaticane tombait de vétusté, elle fut par la piété de nombreux Pontifes réédifiée depuis les fondations plus magnifique et plus grande ; l'an 1626, en ce même jour, Urbain VIII la consacrait solennellement. L'an 1823, un violent incendie consumait entièrement la basilique de la voie d'Ostie ; relevée plus belle qu'auparavant par le zèle persévérant de quatre Pontifes et comme reconquise sur la destruction, Pie IX mit à profit pour sa consécration la très heureuse circonstance de la définition de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie qu'il venait de proclamer, et qui des contrées les plus éloignées de l'univers catholique avait attiré à Rome nombre d'évêques et de cardinaux ; ce fut le dixième jour de décembre de l'année mil huit cent cinquante-quatre, qu'entouré d'une si brillante couronne de prélats et de princes de l'Eglise il accomplit la solennelle dédicace, en en fixant la mémoire annuelle au présent jour.
00:15 Publié dans P | Lien permanent | Commentaires (1)