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mardi, 29 octobre 2024

29 octobre. Saint Germain de Montfort, Bénédictin au diocèse d'Annecy. 1000.

- Saint Germain de Montfort, Bénédictin au diocèse d'Annecy. 1000.

Pape : Sylvestre II. Roi de France : Robert II, le Pieux. Roi de Bourgogne : Rodolphe III, le Pieux.

" Mon fils, avant toutes choses, appliquez-vous à l'humilité, qui est la plus parfaite des vertus, afin que vous puissiez monter au faîte de la perfection."
Saint Basile le Grand.

Saint Germain de Montfort. Heures à l'usage de Sarum. XVe.

Saint Germain naquit en Belgique, dans une petite ville des environs de Malines, appelée Montfort, d'une famille riche mais pieuse. Le nom de ses parents ne nous est pas parvenu ; on sait seulement qu'il eut un frère unique nommé Rodolphe. Nous ne connaissons pas d'une manière précise la date de sa naissance ; mais des documents dignes de foi la font remonter au commencement du Xe siècle, vers l'an 906.

Prévenu dès les premières années de sa vie des plus rares bénédictions et ayant reçu du Ciel, pour former sa jeunesse, des parents vertueux et zélés dont tout le soin fut de former son jeune coeur à l'amour de Dieu et à la pratique des vertus chrétiennes, et dont les exemples et les leçons le portaient continuellement au bien ; le jeune Germain fit des progrès rapides dans les voies du Salut, et il donna, dès sa plus tendre enfance, des marques non équivoques de sa sainteté future.

Aussi lisons-nous dans une légende tirée des archives du monastère de Talloires, comme dans plusieurs vies de saint Bernard de Menthon, dont il fut le précepteur, qu'étant à peine arrivé à l'âge de raison, il n'avait déjà de goût et d'attrait que pour la prière, la gloire de Dieu et la sanctification de son âme ; qu'il évitait avec soin les jeux et les autres amusements du jeune âge, et que, tandis que ses compagnons ne songeaient et ne s'occupaient qu'aux plaisirs et aux divertissements de l'enfance, il s'éloignait souvent de la maison paternelle pour aller épancher les sentiments et les affections de son coeur, devant son Dieu dans les églises, où il passait parfois des jours entiers en adoration et en prières.

Déjà alors il n'aimait à s'entretenir que des choses de Dieu, et sa conversation la plus ordinaire était dans le ciel et pour les choses du Ciel. Il avait aussi un très grand respect pour la vie ecclésiale ; et, dès qu'il fut sorti de la première enfance, il se rendait souvent à Malines pour avoir le bonheur de servir l'évêque pendant le saint Sacrifice de la Messe. On peut mieux se figurer que décrire les sentiments de dévotion et de ferveur qui animaient cette âme pleine de foi, dans cette action sainte, et comment, par la ferveur qu'il apportait à servir à l'autel, il se préparait dès lors, et sans le prévoir encore peut-être, à monter un jour lui-même à l'autel avec celte dévotion qui lui mérita, dans la suite, tant de faveurs et de grâces.

Ses vertueux parents, qui voulaient avant tout la gloire de Dieu et le Salut de leur fils, étaient bien loin de s'opposer à d'aussi saintes dispositions ; au contraire, ils bénissaient le Seigneur de ses vertus précoces et employaient tout leur soirs pour les fortifier et les augmenter. L'évêque de Malines, de son côté, touché de la modestie, du recueillement et des autres qualités de ce jeune enfant qu'il voyait souvent à l'église et qui lui servait la Messe avec une piété si peu ordinaire à cet âge, l'avait pris en affection particulière et lui faisait souvent de petits dons pour l'encourager et lui montrer son estime. Mais le pieux Germain, qui appréciait sans doute tout le prix de ces cadeaux d'un évêque, n'en gardait toutefois rien pour lui ; il savait qu'on ne peut aimer Dieu sans aimer aussi son prochain, et aussitôt il s'empressait de les donner aux pauvres, de même que ce qu'il recevait de la main de ses parents. C'est ainsi qu'il unissait déjà alors en lui, dans un degré bien parfait, les deux vertus fondamentales du Chrétien, celles d'où dépendent toutes les autres et qui renferment toute la loi : l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

Parvenu à un âge un peu plus avancé, et probablement après avoir appris à la maison paternelle les premiers éléments des sciences, Germain fut envoyé à Paris avec Rodolphe, son frère unique, où il demeura quelques années, pendant lesquelles il fit des études distinguées et devint l'objet de l'admiration de tons ses condisciples. Au milieu des désordres et des scandales que cette grande capitale offrit toujours à la jeunesse et qui causèrent si souvent de honteux nauffrages à la vertu même la plus solide, notre jeune élève sut, par la prière, la vigilance, la fuite des occasions, la lecture des bons livres, la méditation de nos destinées éternelles, la mortification des sens et le jeûne, se prémunir contre tous les dangers ; ïl y fit des progrès aussi rapides dans la sanctification de son âme que dans l'acquisition des sciences humaines, et termina ses cours autant loué de sa rare piété qu'admiré pour ses talents et soit savoir.

Château de Menthon où naquit saint Bernard de Menthon
qui fut l'élève de saint Germain de Montfort. Savoie.

Dès son entrée dans celte école fameuse, on avait surtout remarqué en lui un grand mépris des créatures, une complète abnégation de lui-même, un zèle ardent pour le bien de l'Eglise, ce qui, d'après les Pères de l'Eglise, est la marque la plus certaine d'élection divine, une tendre dévotion pour la très-sainte Vierge dévotion qu'il soutint toute sa vie et qui lui valut dans la suite plusieurs apparitions de cette auguste Vierge.

Après avoir terminé ses études avec des succès aussi brillants et une piété aussi exemplaire, et avoir été revêtu du caractère sacré du sacerdoce, Germain, qui n'avait d'autres vues que de suivre en tout la volonté de son Dieu, le pria instamment de lui faire connaître ses desseins sur lui. Il fut exaucé, et voici comment : dans une des plus anciennes et des plus illustres familles de la Savoie, au château de Menthon, situé sur un riant coteau, au bord oriental du lac d'Annecy, le Seigneur avait accordé un fils à des parents vertueux. C'était Bernard de Menthon.

Dès son enfance, il montra les plus heureuses dispositions pour les sciences et surtout pour les vertus. Il avait alors atteint l'âge de sept ans, et le baron, son père, pensa à lui donner un précepteur.

Mais, comme les intérêts de la piété et de la religion furent toujours placés en première ligne dans nette illustre maison de Menthon, où l'on a toujours cru que la religion est le premier fondement de la véritable noblesse, Richard voulait avant tout un homme qui excellât dans la pratique des vertus Chrétiennes et dont les exemples et les leçons portassent son fils au bien en même temps qu'il l'instruirait des sciences humaines ; car il savait que rien n'est plus pernicieux à la jeunesse que les exemples des mauvais instituteurs, et que, partant, les parents ne doivent rien avoir plus à coeur que de choisir de bons maîtres pour diriger l'éducation de leurs enfants.

Ces motifs et un secret dessein de Dieu lui tirent demander notre Germain, homme aussi rare par la perfection de ses vertus que par celle de ses talents ; prêtre aussi versé dans les sciences de la terre que dans celles du Ciel. Germain regarda l'offre qu'on lui faisait comme une grâce venant du Ciel et une marque de la Volonté de Dieu, et, sans balancer, il se hâta d'arriver au château pour se livrer tout entier à la noble fonction que la Providence lui confiait. Il avait alors environ 25 ans. Le seul désir d'obéir à Dieu, de procurer Sa gloire, de contribuer à la sanctification du jeune Bernard et de travailler à son propre Salut, avait conduit Germain au château de Menthon. C'est à tout cela qu'il va s'appliquer sans relâche.

Statue de saint Bernard de Menthon.
Col du Petit-Saint-Bernard. Savoie.

Comme il avait médité bien des fois sur ces paroles de l'Esprit-Saint " Dieu résiste aux superbes ; mais il donne sa grâce abondante aux humbles ", son premier soin, dès qu'il y fut arrivé, fut de se raffermir dans cette précieuse vertu, l'humilité. Et, pour se prémunir contre les amorces de l'amour-propre et de l'orgueil auxquelles il se voit exposé au milieu des honneurs et de l'abondance dont il y est entouré, il fait ici ce qu'il a déjà fait dans la maison de son père et pendant tous ses cours à Paris il prie avec assiduité, il jeûne avec rigueur, il s'adonne avec ferveur aux exercices de la piété chrétienne, et surtout il s'emploie avec zèle pour former l'esprit et le coeur do son jeune élève. Dès son entrée au château, il considère le jeune Bernard comme une plante précieuse qu'il a mission de la part du ciel de cultiver, comme un coeur innocent qu'il doit porter à Dieu et former à la piété encore plus qu'à la science.

Sous la sage conduite de Germain, son saint précepteur, le jeune Bernard avait fait à Menthon des progrès si rapides dans les sciences, que, au rapport des historiens de sa vie, il arriva en peu de temps à un degré d'instruction où les autres ne parviennent qu'après de longues années. Aussi ses parents, voyant qu'il ne pouvait plus rien acquérir dans sa province, résolurent-ils de l'envoyer de bonne heure à Paris pour achever de le rendre tel qu'ils le désiraient.

Ils n'oublièrent point toutefois ce que la foi leur prescrivait par rapport à l'âme de leur fils ; c'est pourquoi ils préposèrent encore notre vertueux Germain à la garde de son innocence et le prièrent de vouloir bien l'accompagner à Paris et d'y continuer à cultiver ce riche fonds de nature et de grâce, comme il l'avait fait avec tant de succès dans leur château, Germain le promit avec bonheur. Ils partirent donc l'un et l'autre pour cette grande ville, accompagnés d'un gouverneur et de deux domestiques.

Saint Bernard avait alors 14 ans, et saint Germain, environ 32. Roland Viot, historien et prévôt du Grand-Saint-Bernard, vers l'an 1614, assure qu'ils entrèrent dans la célèbre université bâtie une centaine d'années auparavant par Charlemagne. C'est donc la même université où saint Germain avait déjà fait, quelques années plus tôt, des progrès si admirables dans les sciences et dans les vertus.

Pendant le séjour qu'ils y firent, Germain ne perdit pas un moment de vue son saint élève ; eu tout et partout il se montra vraiment l'ange tutélaire de cet enfant de bénédiction. Par ses soins, ses exhortations et ses conseils, Bernard se distingua bientôt dans l'étude de la philosophie, du droit et de la théologie, mais il se fit bien plus remarquer encore par son horreur pour le péché et son ardeur pour sa sanctification propre.
A la vue des désordres et des ravages affreux que le vice causait parmi ce concours prodigieux d'étudiants attirés de toutes parts dans cette école déjà si célèbre, souvent son coeur pur et innocent s'alarmait et se révoltait ; mais Germain était toujours là pour mettre son âme à l'abri des séductions. Il le prémunissait centre tous les dangers par la prière, la méditation des choses saintes, la fuite des occasions et la fréquentation des Sacrements ; il ne lui laissait pas perdre de vue la pensée de la présence de Dieu, et souvent, durant le jour, il élevait son âme au-dessus des choses de la terre par des considérations saintes et tentes embrasées de l'amour divin.

Bernard et Germain ayant été rappelés au château de Menthon, Germain y séjourna peu de temps, après quoi il se rendit immédiatement à Talloires, distant d'une demi-lieue, où vivaient déjà quelques cénobites sous la Règle de Saint-Benoît. Il y fut accompagné, dit l'auteur du Héros des Alpes, par une bonne partie des officiers du jeune baron. Or, l'on peut bien présumer que ce furent les exemples et les exhortations de Germain qui les avaient déterminés à cette vie plus parfaite ; car le zèle des Saints pour la gloire de Dieu et la perfection des âmes ne se lasse jamais.

Ayant entendu louer et vanter la régularité et la célébrité de l'abbé et des moines de Savigny, dans le diocèse de Lyon, dont la communauté de Talloires dépendait, il se sentit animé d'un désir ardent d'entrer dans cette maison sainte, où la Règle de Saint-Benoît était pratiquée avec toute la ferveur des premiers temps, et où chaque religieux était pour ainsi dire un Saint. C'est ainsi que les Saints aspirent toujours à ce qu'il y a de plus parfait et de plus propre à les faire avancer à grands pas dans la route de la perfection et du Salut.

Village de Talloires, sur les bords du lac d'Annecy. L'église
Saint-Maurice est l'ancienne église abbatiale de l'ancienne
abbaye bénédictine dont saint Germain de Montfort fut l'abbé.

Néanmoins, comme il ne voulait plus s'occuper que de Dieu et des choses du Ciel, il eut soin, avant de mettre son projet à exécution, de se débarrasser de tout ce qui pouvait encore attirer son esprit et ses pensées vers la terre. C'est pourquoi, s'appliquant à lui-même ces paroles du divin Naître " Si vous voulez étre parfait, vendez ce que vous avez, donnez-en le prix aux pauvres et me suivez ", il se rend incontinent auprès de son frère Rodolphe, à qui il fait part de son dessein. Rodolphe, pénétré lui-même de grands sentiments de piété et d'un grand zèle pour la gloire de Dieu et sa sanctification propre, se détermine avec joie à l'imiter. Ces deux frères vendent donc tout ce qu'ils possèdent et en donnent le prix aux pauvres.

Après cet acte sublime de charité et de désintéressement, Germain et son frère partent à l'instant pour le monastère de Savigny. ils y sont reçus par l'abbé Joire, homme également remarquable par sa science et ses vertus. C'est là qu'ils font leurs voeux et qu'ils s'engagent à suivre irrévocablement la Règle de Saint-Benoît dans toute sa rigueur.

Saint Germain était depuis quelque temps dans cet illustre monastère de Savigny qu'il édifiait par ses vertus, lorsque ses supérieurs, qui avaient remarqué en lui autant de capacité pour les affaires que de zèle pour la gloire de Dieu et sa propre sanctification, le renvoyèrent à Talloires pour y affermir la petite communauté de Bénédictins qui y existait sous la dépendance de Savigny (du temps de François de Sales, la communauté de Talloires se sépara de l'abbaye de Savigny ; placée pendant quelques années sous la juridiction des évêques de Genève, elle fut unie peu après à la congrégation du Mont-Cassin puis à celle de Savillien en Piémont. Son union à ces deux coongrégations perévéra jusqu'à la révolution en France), et qui y avait été fondée, à ce que l'on croit, du temps de Charlemagne. On lui associa son frère Rodolphe et quelques autres cénobites pour l'aider dans cette entreprise, et bientôt ils y eurent construit un monastère avec une église et fondé tout ce qui était nécessaire à l'entretiens des religieux.

Mais les soins extérieurs et pour ainsi dire matériels que Germain fut contraint de donner à la construction de ces édifices ne nuisirent point à l'avancement spirituel de son âme ; car non-seulement il rapportait et offrait à Dieu toutes ses peines et ses travaux, mais encore ii suivait tous les exercices de la communauté avec une ferveur digne des anciens cénobites. Sa fidélité et son ardeur toujours croissante étonnaient et édifiaient singulièrement les religieux même les plus réguliers et les plus saints de cette maison. Chacun s'efforçait à l'envi de l'imiter et de se former sur ses exemples, à l'esprit du saint patriarche du Mont-Cassin ; car alors on n'avait pas encore â déplorer ce funeste relâchement qui s'introduisit plus tard dans quelques-uns des membres de ce monastère de Talloires.

Ayant ainsi pleinement répondu aux desseins qu'on s'était proposés en l'envoyant à Talloires, Germain, qui croyait n'en avoir jamais assez fait pour la gloire de Dieu et son propre salut, retourne à Savigny et obtient du supérieur général la permission de vïsiter les principaux lieux de dévotion et spécialement la Terre sainte.

Cependant, pour leur procurer plus de mérite et de gloire, le Seigneur éprouve quelquefois ses Saints et permet qu'au milieu même de leurs plus excellents exercices, ils soient traversés, accablés par de graves tribulations. C'est ce que les légendes nous donnent lieu de remarquer encore dans notre glorieux saint Germain ; car elles ajoutent que, pendant ses pieux pèlerinages, il eut beaucoup à souffrir.

Au bout de trois ans environ, Germain, que ses pèlerinages et ses longues souffrances avaient de mieux en mieux rempli de l'esprit de Dieu et enflammé du désir du Ciel, revint à Talloires, apportant avec lui de Jérusalem plusieurs reliques précieuses qu'il déposa dans l'église du monastère, et qui y ont été conservées jusqu'à la Révolution française, époque où elles furent brûlées par les bêtes féroces républicaines, du moins en grand nombre, sous les marronniers, en face du couvent.

Chapelle Saint-Germain. Saint François de Sales la fit rebâtir
au XVIIe non loin de la grotte où saint Germain se retira.
Talloires, Savoie.

On ne sait pas au juste si ce fut avant ou après ce pèlerinage en Terre sainte que Germain fut élu prieur de la communauté de Talloires, qu'il avait déjà si grandement édifiée comme simple religieux ; mais on sait, par l'inscription de la grotte, qu'il l'était déjà l'an 989, et rien n'empêche de croire qu'il le fut plus tôt. L'obéissance à ses supérieurs et la crainte de résister à la volonté de Dieu firent que, malgré sa grande humilité et son extrême aversion pour les honneurs, il se soumit cependant à la dignité à laquelle on l'appelait. C'est ici une nouvelle carrière pour notre Saint, et un nouveau théâtre pour son zèle et ses vertus.

Plein de défiance de lui-même et de conflance en Dieu, saint Germain savait que toute sa force était dans le Seigneur, et que, sans son secours, il lui serait impossible de bien diriger la communauté à la tête de laquelle la divine Providence venait de le placer. C'est pourquoi son plus grand soin, dès qu'il fut nommé prieur, et pendant tout le reste de sa vie, fut de recourir au ciel, par de ferventes prières, afin d'obtenir pour les religieux qu'il devait conduire, et dont il devenait en quelque sorte le père, l'esprit de docilité, d'obéissance et de toutes les vertus ; et pour lui-même, les lurnières, la prudence, la fermeté et les autres qualités nécessaires dans un bon supérieur. Puis, sachant que la prière toute seule ne suffit pas à ceux qui sont chargés de conduire les autres ; mais qu'il faut encore les leçons jointes à l'exemple d'une vie sainte et parfaitement régulière, il s'efforça de devenir de plus en plus un modèle accompli de toutes les vertus et une image vivante de la perfection religieuse.

Par ses exemples, encore plus que par ses préceptes, il ne cessait d'exciter chacun de ses religieux à aimer sa cellule, à fuir l'oisiveté, à garder le silence, à s'affermir dans l'amour du travail, du jeûne, des veilles, de l'oraison et de la méditation continuelles ; à pratiquer la charité fraternelle et le support réciproque ; à aimer la sainte pauvreté et le détachement des choses de la terre ; à ne rien posséder en propre, suivant les prescriptions de la Règle ; à porter continuellement vers Dieu son esprit et son coeur et à ne rien faire que dans l'intention de Lui plaire ; en un mot, en tout et partout, il se montra un père très débonnaire, un maître très parfait et un supérieur très zélé.

D'après de telles impulsions, l'on vit bientôt le couvent de Talloires, où la Règle, il est vrai, n'avait pas encore été méprisée, prendre une ardeur toute nouvelle pour la piété, donner au monde l'exemple des plus austères vertus, et s'avancer avec une rapidité étonnante dans les sentiers de la plus haute perfection. C'était partout l'ordre le plus parfait, la régularité la plus entière. Chacun des religieux y travaillait à l'envi à son avancement spirituel ; tout y exhalait la bonne odeur des plus admirables vertus.

A un quart de lieue environ au-dessus de Talloires, dans le roc qui sert de base à la haute montagne de la Tournette et sur un précipice profond, se trouve une grotte solitaire taillée par la main du temps. Elle est placée à quelques pas en bas du presbytère et de l'église de Saint-Germain ; elle se trouve fermée de tous côtés par le rocher dans lequel elle s'enfonce, sauf au midi où l'on voit une muraille de date récente ; mais on peut supposer qu'un bloc éboulé du même rocher complétait autrefois sa clôture.

Dans cette grotte règne le silence le plus complet ; rien d'extérieur ne peut y distraire l'homme même le plus dissipé. C'est vraiment le lieu de la méditation et de la prière. Déjà même avant d'y être arrivé, tout prépare l'esprit et le coeur aux grandes pensées et aux saintes affections. Le sentier qui y conduit, les broussailles qu'il traverse, les aspérités du roc qu'il longe et qui parfois s'avance menaçant sur la tête ; l'abîme qu'on a à ses pieds, le bruit de l'eau qui tombe au fond en cascade écumeuse ; la vue ravissante du beau lac d'Annecy, des plaines et des coteaux qui l'avoisinent ; l'aspect de cette foule de montagnes aussi pittoresques que variées qui bordent son bassin ; tout cela forme à la fois quelque chose d'imposant et de grandiose, qui élève le spectateur au-dessus de la terre, le force en quelque sorte d'adorer et aimer l'auteur et le créateur de tant de merveilles, et de lui demander avec ferveur le secours de son bras tout puissant.

Une des vues que saint Germain de Montfort pouvait avoir depuis
sa retraite. Il aimait à contempler les merveilles de Dieu.
Talloires, Savoie.

Dès que saint Germain eut vu cet endroit si propre au recueillement de l'esprit et aux sainles ardeurs du coeur, il prit la résolution d'y terminer ses jours, Il savait du reste que la solitude est, comme dit saint Grégoire de Naziance, la mère des divins transports de l'âme vers le Ciel, ou, comme parle saint Jean Chrysostome, la soeur de lait des plus excellentes vertus. C'est pourquoi, d'après ce que les légendes nous apprennent, il demanda et obtint la permission de s'y retirer, afin de s'y occuper plus particulièrement de son Salut, et de s'y mieux préparer au grand voyage de son éternité.

Ce fut vers l'an 96O que ce nouveau Paul ou Antoine commença à venir se cacher dans les flancs du roc suspendu sur l'abîme dont nous venons de parler. Les légendes nous disent qu'il y demeura 40 ans, jusqu'au moment de sa mort, Il y montait tous les matins à l'aube du jour, après avoir assisté à l'Office de la nuit et célébré la sainte Messe au couvent de Talloires. Puis il y demeurait la journée entière, enseveli, pour ainsi dire, tout vivant dans ce creux, séparé de tout commerce humain et n'ayant à traiter qu'avec Dieu seul ; là, rien de terrestre, rien d'humain n'occupait son esprit. Sa vie entière, du matin jusqu'au soir, se passait dans la prière, l'oraison, la méditation des vertus éternelles, la contemplation des choses divines et les exercices de la pénitence la plus austère, Il y jeûnait tous les jours avec rigueur et ne prenait un peu de nourriture que sur le soir, au coucher du soleil, époque à laquelle il redescendait à Talloires pour assister à l'office de la nuit et remonter encore le lendemain, après s'être muni du pain des anges au saint autel.

Une tradition universelle dans le pays raconte que, arrivé un peu au bas du sentier qui conduit à la grotte, et à quelques pas au-dessus de l'endroit nommé le Saut du Moine, notre Saint se mettait chaque jour à genoux sur une pierre plate, ou espèce de roc, placée à côté et au niveau du chemin, pour y faire une sainte préparation à ses exercices de la journée. On ajoute que, pour mieux fixer ses pensées, il traçait sur la pierre avec le doigt une petite croix qu'il baisait au commencement et à la fin de sa prière, et que la croix ainsi que l'empreinte de ses genoux et de ses mains y demeurèrent et y demeurent encore gravées. Les mains sont fermées et les articulations des doigts bien distinctes.

Pour perpétuer le souvenir de ce prodige, on avait construit, sur l'endroit même, un petit oratoire qui malheureusement tombe en ruine ; et, quoique la pierre soit à découvert depuis bien longtemps, les vestiges de la croix, des genoux et des mains y sont encore parfaitement dessinés, et attirent la vénération d'un grand nombre de fidèles.

Après avoir achevé sa prière préparatoire à cet endroit, saint Germain entrait dans sa grotte pour s'y livrer chaque jour avec plus d'ardeur à ses saints exercices, et n'en plus sortir que sur le soir, au coucher du soleil.

Un jour, et ce trait mérite d'être cité à cause du nombre et de l'uniformité des témoignages qui le rapportent, ainsi que des monuments qui le confirment, un jour, disons-nous, de malheureux individus, poussés, on ne sait par quels motifs, résolurent d'empêcher notre Saint de se rendre à son ermitage. Ils se placèrent pour cela à l'entrée du sentier qui y conduit, et lui en refusèrent obstinément le passage.

L'homme de Dieu, qui a mis toute sa confiance dans le Seigneur, ne se déconcerte pas ; mais, sans plus mot dire, il va plus loin, monte sur le rocher qui forme la grotte, fait une prière, s'avance sur le faîte de l'abîme, et, inspiré et soutenu par Celui qu'il sert, il se laisse tomber et se trouve sans aucun mal à l'entrée de sa retraite, malgré les obstacles de ses persécuteurs.

Les vestiges de ses deux pieds sont demeurés gravés et parfaitement dessinés sur la pierre, au rapport d'un très-grand nombre de personnes qui les ont vus, et qui ont surtout admiré les doigts parfaitement réguliers et distincts. Mais malheureusement ces vestiges ont été cachés, il n'y a pas très-longtemps [1er quart du XIXe], à l'époque où l'on a converti en jardin le petit plateau d'au-dessus de la grotte.

D'après une autre tradition très-répandue et presque universelle dans Talloires et les environs, nous apprenons aussi que, étant sur la fin de sa vie et ne pouvant presque plus marcher, par suite de son ascèse et du poids de ses années, il assistait néanmoins exactement à l'Office conventuel du soir à Talloires, et que souvent il y était transporté et en revenait par miracle. On ajoute que, plus d'une fois, pour s'en assurer, des personnes l'ont épié et l'ont vu réellement dans sa grotte du rocher jusqu'au moment précis où l'on sonnait l'office, et qu'à cet instant il disparaissait et se trouvait le premier dans l'église du monastère.

Ces traits n'ont certainement rien d'impossible ; nous les citons cependant, non pas pour en vouloir faire une certitude, mais seulement à cause du grand nombre de personnes vraiment dignes de foi qui assurent uniformément les avoir entendu raconter maintes et maintes fois à leurs parents, lesquels certifiaient aussi les avoir appris de leurs aïeux, et ainsi de suite.

Tandis que Germain se sanctifiait ainsi dans sa retraite par la pratique des plus admirables et des plus héroïques vertus, le baron et la baronne de Menthon, qui n'avaient point encore cessé de regretter leur fils unique, le retrouvèrent au sommet du Mont-Joux, aujourd'hui le Grand-Saint-Bernard. L'étonnante sainteté de cet enfant chéri avait fait une si forte impression sur le coeur des deux nobles vieillards, qu'à leur retour ils réformèrent tout leur train et ne voulurent plus travailler que pour le ciel, ni songer à autre chose qu'à leur éternité ; trop heureux d'avoir un Saint dans leur famille, ils ne s'efforcèrent plus que d'en imiter les vertus. Pour mieux y réussir, ils rappelèrent de sa solitude Germain, jadis précepteur de leur fils ; car ils appréciaient en ce moment mieux que jamais les hautes vertus de ce saint prêtre, en voyant celles qu'il avait su inspirer à leur cher enfant. Puis ils le prièrent de vouloir bien être désormais leur confesseur et leur directeur dans les voies du salut, et de ne les plus considérer à l'avenir que comme des âmes qui cherchaient à aller au Ciel par ses soins et ses conseils.

Saint Germain, loin de se rappeler ce qui s'était passé autrefois à son égard, accepte cet emploi avec un vif plaisir ; car il y voit de nouveaux Saints à former, de nouvelles âmes à conduire à Dieu. Il retourne donc à leur château. A peine y était-il arrivé que déjà le feu divin qui le consumait était passé tout entier dans le coeur de ses nobles pénitents ; et dès ce moment on ne vit plus dans ce manoir antique que les marques de la plus parfaite et de la plus éminente piété, tellement qu'on l'aurait pris plutôt pour un monastère que pour une place forte.

Après la mort du baron et de la baronne de Menthon, Germain retourna à sa chère solitude, et employa le legs qu'il avait reçu à faire bâtir une cellule et un oratoire ou chapelle, à quelques pas au-dessus de sa grotte, dans l'endroit même où se trouvent actuellement le presbytère et l'église paroissiale de Saint-Germain.

Dès lors, il ne descendait plus aussi souvent à Talloires à raison de son âge avancé, et peut-être aussi pour mieux se séparer dc tout commerce avec les hommes et n'avoir plus d'autres rapports qu'avec Dieu seul ; mais il passait la nuit dans sa cellule, et il célébrait la sainte messe dans la chapelle qu'il venait de faire construire. Pendant la journée, il continuait à.se retirer dans sa grotte, où il s'occupait uniquement de Dieu et de son éternité, qu'il voyait s'approcher, et où il vivait comme si son âme eût déjà été dans le ciel et son corps dans la tombe.

Il y jouissait en quelque sotte des avant-goûts des délices du paradis, et les légendes nous assurent qu'il y fut favorisé de plusieurs apparitions de la très sainte Vierge, de saint Martin de Tours et de saint Benoît, pour lesquels il eut toute sa vie une très-grande dévotion.

Enfin, après avoir passé environ quarante ans dans cette solitude, notre saint anachorète, qui n'était plus fait pour la terre, s'endormit doucement dans le Seigneur, vers l'an 1000. I1 est certain qu'il mourut duos sa cellule et non dans la grotte.

00:25 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Magnifique présentation .Merci Je connais trés bien ce lieu et étant d'origine Savoyarde St Germain fait partie de nos gènes spirituels !

Écrit par : christiane guyot | mercredi, 29 octobre 2014

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