mercredi, 13 décembre 2023
13 décembre. Sainte Lucie de Syracuse, vierge et martyre. 303.
- Sainte Lucie, vierge et martyre. 303.
Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.
Hugues Vaillant. Fasti sacri.
Sainte Lucie. Francisco de Zurbaran. XVIe - XVIIe.
Voici la quatrième de nos Vierges sages, la vaillante Lucie. Son nom glorieux étincelle au sacré Diptyque du Canon de la Messe, à côté de ceux d'Agathe, d'Agnès et de Cécile ; mais, dans les jours de l'A vent, le nom de Lucie annonce la Lumière qui approche, et console merveilleusement l'Eglise. Lucie est aussi une des trois gloires de la Sicile chrétienne ; elle triomphe à Syracuse, comme Agathe brille à Catane, comme Rosalie embaume Palerme de ses parfums. Fêtons-la donc avec amour, afin qu'elle nous soit en aide en ce saint temps, et nous introduise auprès de Celui dont l'amour l'a rendue victorieuse du monde. Comprenons encore que si le Seigneur a voulu que le berceau de son Fils parût ainsi entouré d'une élite de Vierges, et s'il ne s'est pas contenté d'y faire paraître des Apôtres, des Martyrs et des Pontifes, c'est afin qu'au milieu de la joie d'un tel Avènement, les enfants de l'Eglise n'oublient pas d'apporter à la crèche du Messie, avec la foi qui l'honore comme le souverain Seigneur, cette pureté du cœur et des sens que rien ne saurait remplacer dans ceux qui veulent approcher de Dieu. Lisons maintenant les Actes glorieux de la Vierge Lucie.
Retable de sainte Lucie. Musée de Contes.
Lucie, vierge de Syracuse, noble d'origine ; entendant parler, par toute la Sicile, de la célébrité de sainte Agathe, alla à son tombeau avec sa mère Euthicie qui, depuis quatre ans, souffrait, sans espoir de guérison, d'une perte de sang. Or, à la messe, on lisait l’évangile où l’on raconte que Notre Seigneur Jésus-Christ guérit une femme affligée de la même maladie. Lucie dit alors à sa mère :
Sainte Lucie au tombeau de sainte Agathe.
Quand toute l’assistance se fut retirée, la mère et la fille restèrent en prières auprès du tombeau ; le sommeil alors s'empara de Lucie, et elle vit Agathe entourée d'anges, ornée de pierres précieuses ; debout devant elle et lui disant :
Et Lucie qui s'éveilla dit :
" Mère, vous êtes guérie. Or, je vous conjure, au nom de celle qui vient d'obtenir votre guérison par ses prières, de ne pas me chercher d'époux; mais tout ce que vous deviez me donner en dot, distribuez-le aux pauvres.
- Ferme-moi les yeux auparavant, répondit la mère, et alors tu disposeras de ton bien comme tu voudras."
Lucie lui dit :
" En mourant, si vous donnez quelque chose c'est parce que tous ne pouvez l’emporter avec vous : donnez-le-moi tandis que vous êtes en vie, et vous en serez récompensée."
Après leur retour on faisait journellement des biens une part qu'on distribuait aux pauvres. Le bruit du partage de ce patrimoine vint aux oreilles du fiancé, et il en demanda le motif à la nourrice. Elle eut la précaution de lui répondre que sa fiancée avait trouvé une propriété de plus grand rapport, qu'elle voulait acheter à son nom ; c'était le motif pour lequel on la voyait se défaire de son bien. L'insensé, croyant qu'il s'agissait d'un commerce tout humain, se mit à faire hausser lui-même la vente. Or, quand tout fut vendu et donné aux pauvres, le fiancé traduisit Lucie devant le consul Pascasius : il l’accusa d'être chrétienne et de violer les édits des Césars. Pascasius l’invita à sacrifier aux idoles, mais elle répondit :
Pascasius dit :
" Tu pourrais bien dire cela à quelque chrétien insensé, comme toi, mais à moi qui fais exécuter les décrets des princes, c'est bien inutile de poursuivre.
- Toi, reprit Lucie, tu exécutes les lois de tes princes, et moi j'exécute la loi de mon Dieu. Tu crains les princes, et moi je crains Dieu. Tu ne voudrais pas les offenser et moi je me garde d'offenser Dieu. Tu désires leur plaire et moi je souhaite ardemment de plaire à Notre Seigneur Jésus-Christ. Fais donc ce que tu juges te devoir être utile, et moi je ferai ce que je saurai m’ètre profitable."
Pascasius lui dit :
" Tu as dépensé ton patrimoine avec des débauchés, aussi tu parles comme une courtisane.
- J'ai placé, reprit Lucie, mon patrimoine en lieu sùr, et je suis loin de connaître ceux qui débauchent l’esprit et le corps."
Pascasius lui demanda :
" Quels sont-ils ces corrupteurs ?"
Lucie reprit :
" Ceux qui corrompent l’esprit, c'est vous qui conseillez aux âmes d'abandonner le créateur. Ceux qui corrompent le corps, ce sont ceux qui préfèrent les jouissances corporelles aux délices éternelles.
- Tu cesseras de parler, reprit Pascasius, lorsqu'on commencera à te fouetter.
- Les paroles de Dieu, dit Lucie, n'auront jamais de fin.
- Tu es donc Dieu, repartit Pascasius.
- Je suis, répondit Lucie, la servante du Dieu qui a dit : " alors que vous serez en présence des rois et des présidents, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, ce ne sera pas vous qui parlez, mais l’Esprit parlera en vous."
Pascasius reprit :
- Ceux qui vivent dans la chasteté, dit Lucie, ceux-là sont les temples du Saint-Esprit."
- Alors, dit Pascasius je vais te faire conduire dans un lieu de prostitution, pour que tu y subisses le viol, et que tu perdes l’esprit saint.
- Le corps, dit Lucie, n'est corrompu qu'autant que le coeur y consent, car si tu me fais violer malgré moi, je gagnerai la couronne de la chasteté. Mais jamais tu ne sauras forcer ma volonté à y donner consentement. Voici mon corps, il est disposé à toutes sortes de supplices. Pourquoi hésites-tu ? Commence, fils du diable, assouvis sur moi ta rage de me tourmenter."
Sainte Lucie. Francisco de Zurbaran. XVIe - XVIIe.
Alors Pascasius fit venir des débauchés, en leur disant : " Invitez tout le peuple, et qu'elle subisse tant d'outrages qu'on vienne dire qu'elle en est morte."
Or, quand on voulut la traîner, le Saint-Esprit la rendit immobile et si lourde qu'on ne put lui faire exécuter aucun mouvement. Pascasius fit venir mille hommes et lui fit lier les pieds et les mains; mais ils ne surent la mouvoir en aucune façon. Aux mille hommes, il ajouta mille paires de bœufs, et cependant la vierge du Seigneur demeura immobile. Il appela des magiciens, afin que, par leurs enchantements, ils la fissent remuer, mais ce fut chose impossible.
" Quels sont ces maléfices ? une jeune fille ne saurait être remuée par mille hommes ?"
Lucie lui dit :
" Ce ne sont pas maléfices ; mais bénéfices de Notre Seigneur Jésus-Christ Et quand vous en ajouteriez encore dix mille, vous ne m’enverriez pas moins immobile."
Pascasius pensant, selon quelques rêveurs, qu'une lotion d'urine la délivrerait dit maléfice, il l’en fit inonder ; mais, comme auparavant, on ne pouvait venir à bout de la mouvoir, il en fut outré ; alors il fit allumer autour d'elle un grand feu. et jeter sur son corps de l’huile bouillante mêlée de poix et de résine.
Scènes de la vie de sainte Lucie.
Après ce supplice, Lucie s'écria :
" J'ai obtenu quelque répit dans mes souffrances, afin d'enlever à ceux qui: croient la crainte des tourments, et à ceux qui ne croient pas, le temps de m’insulter."Les amis de Pascasius, le voyant fort irrité, enfoncèrent une épée dans la gorge de Lucie, qui, néanmoins, ne perdit point la parole :
Comme la vierge parlait ainsi, voici venir les ministres romains qui saisissent Pascasius, le chargent de chaînes et le mènent à César. César avait en effet appris qu'il avait pillé toute la province. Arrivé à Rome, il comparait devant le Sénat, est convaincu, et condamné à la peine capitale.
Quant à la vierge Lucie, elle ne fut pas enlevée du lieu où elle avait souffert, elle rendit l’esprit seulement quand les prêtres furent venus lui apporter le corps du Seigneur. Et tous les assistants répondirent : Amen.
Elle fut ensevelie dans cet endroit là même où on bâtit une église. Or, elle souffrit au- temps de Constantin et de Maxime, vers l’an de Notre Seigneur Jésus-Christ 310.
Sainte Lucie. Francesco del Cossa. XVe.
PRIERES
" Sainte Lucie étant en prières, la bienheureuse Agathe lui apparut, et consolait la servante du Christ. Vierge Lucie, lui dit-elle, pourquoi me demandes-tu pour ta mère un secours que toi-même lui peux procurer ? A cause de toi, Vierge Lucie, la ville de Syracuse sera comblée de gloire par le Seigneur Jésus-Christ. Voix de Lucie : Je vous bénis, Ô Père de mon Seigneur Jésus-Christ, de ce que, par votre Fils, le feu qui m'environnait a été éteint. Dans ta patience, tu as possédé ton âme, Ô Lucie, Epouse du Christ ! tu as haï les choses du monde, et tu brilles avec les Anges : par ton propre sang, tu as vaincu l'ennemi."
Martyre de sainte Lucie. Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.
" Nous nous adressons à vous, Ô Vierge Lucie, pour obtenir la grâce de voir dans son humilité Celui que vous contemplez présentement dans la gloire : daignez nous accepter sous votre puissant patronage. Le nom que vous avez reçu signifie Lumière : soyez notre flambeau dans la nuit qui nous environne. Ô Lampe toujours brillante de la splendeur de virginité, illuminez nos yeux ; guérissez les blessures que leur a faites la concupiscence, afin qu'ils s'élèvent, au-dessus de la créature, jusqu'à cette Lumière véritable qui luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne comprennent point. Obtenez que notre œil purifié voie et connaisse, dans l'Enfant qui va naître, l'Homme nouveau, le second Adam, l'exemplaire de notre vie régénérée. Souvenez-vous aussi, Vierge Lucie, de la sainte Eglise Romaine et de toutes celles qui empruntent d'elle la forme du Sacrifice : car elles prononcent chaque jour votre doux nom à l'autel, en présence de l'Agneau votre Epoux, à qui il est agréable de l'entendre. Répandez vos bénédictions particulières sur l'île fortunée qui vous donna le jour terrestre et la palme de l'éternité. Maintenez-y l'intégrité de la foi, la pureté des moeurs, la prospérité temporelle, et guérissez les maux que vous connaissez."
Sainte Lucie et sainte Odile. Flandres. XVIe.
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mardi, 12 décembre 2023
12 décembre. Saint Corentin, premier évêque de Quimper. 460.
- Saint Corentin, premier évêque de Quimper-Corentin. 460.
Pape : Saint Léon Ier le Grand. Roi de Cornouailles : Salomon Ier ; Aldrien.
" Surpassez les autres par le mérite autant que vous les surpassez par le rang."
Saint Isidore d'Espagne.
Statue de saint Corentin. Institution
Nous empruntons au Frère Albert Le Grand, prêtre de l'Ordre des Frères Prêcheurs de Morlaix et de sa Vie des Saints de la Bretagne Armorique (1636) la notice qu'il a composée pour notre grand et saint évêque :
Saint Corentin, premier Evesque de Cornoüaille, en la Bretagne Armorique, nasquit au même Diocese, environ l'an 375, treize ans avant que le tyran Maxime passast ès Gaules, et fut, dés son enfance, instruit par ses parents en la Religion Chrestienne ; ayant esté, par une grace et protection speciale de Dieu, preservé pendant les guerres que le Roy Conan Meriadec fit aux garnisons Romaines, qu'il chassa entierément de Bretagne, il s'adonna tout de bon au service de Dieu ; et, pour mieux y vacquer, et faire un perpétuel divorce avec le monde, il se retira en une solitude, dans une forest en la Paroisse de Plou-Vodiern, au pied de la montagne de saint Cosme, où il bastit un petit Hermitage près d'une fontaine, et, tout joignant un petit Oratoire ; passant en ce lieu les nuits & les jours en prieres et Oraisons, inconnu et retiré de toute conversation humaine, mais chery et consolé de Dieu, qui jamais n'oublie ceux qui, pour son Amour, oublient toutes choses, et fortifié de sa grace contre les attaques et tentations de ses ennemis, et comblé de ses celestes et divines caresses. Pour sa nourriture et sustentation en cette solitude, Dieu faisoit un miracle admirable et continuel ; car, encore qu'il se contentast de quelques morceaux de gros pain, qu'il mendioit quelques fois és villages prochains, et quelques herbes et racines sauvages, que la terre produisait d'elle-mesme, sans travail ny industrie humaine, Dieu luy envoya un petit poisson en sa fontaine, lequel, tous les matins, se presentoit au Saint, qui le prenoit et en coupoit une piece pour sa pitance, et le rejetoit dans l'eau, et, tout à l'instant, il se trouvoit tout entier, sans lesion ny blesseure, & ne manquoit, tous les matins, à se présenter à saint Corentin, qui faisoit toûjours de mesme.
En mesme temps, vivoit un saint Prestre solitaire, nommé Primael, ou Primel, lequel menoit une vie fort sainte dans une forest en Cornoüaille (1). Saint Corentin l'alla visiter, pour recevoir de luy quelques salutaires instructions ; saint Primaël le recueillit gracieusement, et passerent les deux Saints le reste de la journée en saints propos et colloques spirituel, & la nuit suivante en prieres et Oraisons. Le matin, saint Corentin desira dire la Messe en l'Oratoire de saint Primael, qui, luy ayant disposé tout ce qui estoit requis & necessaire, s'en alla querir de l'eau à une fontaine assez éloignée de son Hermitage ; Saint Corentin l'ayant longtemps attendu, sortit de la Chapelle et vit venir le saint vieillard tout doucement et à petits pas tant pour sa lassitude et que la fontaine estoit loin de là, que parce qu'il estoit boiteux. Saint Corentin, le voyant tout hors d'haleine, en prit pitié et supplia Nostre Seigneur de luy octroyer de l'eau plus prés de son Hermitage ; puis, dit la Messe, pendant laquelle il reïtera son Oraison ; Dieu exauça sa priere, car au lieu mesme où il mit son baston en terre, après la Messe, il rejaillit une source d'eau, dont les deux Saints rendirent graces à Dieu ; et, ayant séjourné quelques jours avec saint Primaël, il s'en retourna en son Hermitage à Plovodiern.
Encore qu'il tâchast à se derober de la hantise et conversation des hommes, si ne se peut-il tellement cacher, que la reputation de sa Sainteté ne retentit par toute la Bretagne, de sorte que deux Personnages de grande sainteté le vinrent visiter en son Hermitage (2) ; saint Corentin les receut fort humainement ; et, pour les festoyer, leur dressa des crépes (à la mode du païs) qu'il accomoda de quelque peu de farine qu'on luy avoit donnée par aumône és villages prochains ; mais Dieu, qui ne délaisse ceux qui ont jetté en luy toute leur espérance, pourveut miraculeusement à la nourriture de ses serviteurs ; car saint Corentin, estant allé puiser de l'eau à la fontaine, la trouva pleine de belles et grosses anguilles, dont il en prit autant qu'il luy fut nécessaire pour festoïer ses hotes, lesquels se retirerent, loüans Dieu qui, par des miracles si signalez, témoignait la Sainteté de son serviteur saint Corentin.
Saint Corentin. Faïencerie Henriot. Quimper. XIXe.
En ce temps-là, le Roy Grallon, qui avoit succedé à Conan Meriadek, se tenoit, avec toute sa Cour, en la Ville de Kemper-Odetz, capitale du Comté de Cornoüaille. Un jour, estant allé à la chasse, il donna jusques dans la forest de Nevet (qui n'est plus), en la Paroisse de Plovodiern, proche l'Hermitage de saint Corentin ; et, ayant chassé tout le jour, sur le soir, il s'égara dans la forest, et enfin se trouva prés l'Hermitage du Saint, avec une partie de ses gens, ayans tous bon appétit ; ils descendirent et s'adresserent au Saint Hermite, luy demanderent s'il ne les pourroit pas assister de quelques vivres ?
" Oüy (répondit-il), attendez un petit, & je vous en vays querir."
Il s'en alla à sa fontaine, où son petit poisson se représenta à luy, duquel il en coupa une piece de dessus le dos et la donna au maistre d'hôtel du Roy, luy disant qu'il l'apprestast pour son maistre & les Seigneurs de sa suite; le maistre d'hôtel se prit à rire et se mocquer du Saint, disant que cent fois autant ne suffiroit pour le train du Roy. Neanmoins, contraint par la nécessité, il prit ce morceau de poisson, lequel (chose étrange !) se multiplia de telle sorte, que le Roy et toute sa suite en furent suffisamment rassasiez. Le Roy, ayant vu ce grand Miracle, voulut voir le poisson duquel le Saint avoit coupé ce morceau et alla à la fontaine, où il le vit, sans aucune blessure, dans l'eau ; mais quelque indiscret (que la Prose, qui se chante le jour de la Feste du Saint, dit avoir esté de l'Evesché de Leon) en coupa une pièce pour voir s'il deviendrait entier, dont il resta blessé, jusqu'à ce que saint Corentin y vint, qui, de sa Benediction, le guerit, et luy commanda de se retirer de là, de peur de semblable accident, à quoy il obéït (3).
Le Roy Grallon, ravy de ces merveilles, se prosterna aux pieds du saint Hermite et luy donna toute sa forest & une maison de plaisance qu'il avoit en ladite paroisse de Plovodiern ; puis, s'étant recommandé à ses prières, il se retira à Kemper-Odetz. Saint Corentin convertit cette maison que le Roy luy avait donnée en un Monastere, où, ayant amassé nombre de saint Religieux, il vivoit en grande sainteté & austerité.
Le Saint, sachant combien il importoit au bien de la république que les enfans des seigneurs et gentilshommes fussent, de bonne heure, élevez et dressez à la vertu, prenoit le soin de les instruire ; et, à cette fin, il avoit un nombre de pensionnaires en son Monastere, entre lesquels les plus signalez furent Wennolé, Tugdin et Jacut, lesquels, depuis, furent Abbez en trois celebres Monasteres. Quelque temps après, le Roy Grallon fut supplié par les seigneurs et tout le Peuple de procurer l'erection d'un Evesché à Kemper-Odetz, pour le Comté de Cornoüaille, le Roy s'y accorda, et, ayant fait toutes les dépêches requises, nomma saint Corentin à ce nouveau Evesché, et, l'ayant mandé, l'envoya à Tours vers saint Martin, Archevesque dudit lieu, pour estre par luy sacré, luy donnant pour compagnons Gwennolé & Tugdin (4), pour estre benits Abbez de deux Monasteres qu'il vouloit édifier. Ils furent gracieusement receus du saint Archevesque, lequel, au desir des lettres du Roy, consacra saint Corentin, mais ne voulut benir les deux autres, disant que c'estoit à faire à luy à benir les Abbez de son Diocese. Les Saints, ayans achevé leur legation, s'en retourneront à Kemper-Odetz, où le Roy, avec toute sa Cour, les receut, et fut dressé une entrée Episcopale et solemnelle à saint Corentin, qui prit possession de son Siège et celebra Pontificalement la Messe.
Le Roy vint à l'offrande & offrit à Dieu et au saint Prélat son palais qu'il avoit dans Kemper (5) et grand nombre de terres et possessions ; les princes et seigneurs de sa Cour, à son exemple, en firent de mesme, chacun selon ses moyens et facultez. Le lendemain, saint Corentin benit solennellement ses deux saints disciples, Abbez, destinant Gwennolé pour le Monastere de Land-Tevenec, que le Roy Grallon fonda quelque temps après. Ce pieux prince, non content des dons qu'il avoit faits au saint Evesque, fonda la Cathedrale, arrenta nombre de Chanoines ; et, pour laisser la Ville libre à saint Corentin, il en retira sa Cour et la transfera en la fameuse ville d'Is.
Saint Corentin, considérant que cette nouvelle dignité requeroit de luy une nouvelle sollicitude, commença, à bon escient, à cultiver son Diocese ; il confera les saints Ordres à bon nombre de vertueux personnages, lesquels il instruisoit pour les faire Recteurs de son Diocese, lequel il visita et distribua par paroisses et trèves, preschant partout d'une ardeur et zele admirables, non moins d'exemple que de vive voix, n'ayant relasché rien de ses austeritez ordinaires. Ayant saintement gouverné son troupeau quelques années, Dieu le voulut récompenser de ses travaux et luy envoya une maladie, qui l'affaiblit tellement, que, prévoyant l'heure tant désirée s'approcher, il fit venir tous ses Chanoines et Religieux, et, les ayant exhortez à l'Amour de Dieu et perseverance en leur vocation, il receut, en leur presence, ses Sacremens ; puis, leur ayant donné sa benediction, il rendit son Ame beniste és mains de son Createur, le 12 décembre l'an 401.
Son corps lavé fut revétu de ses Ornemens Pontificaux et porté dans son Eglise Cathedrale ; et son décez estant sceu par le Pays circonvoisin, il se rendit une si grande affluence de peuple à Kemper-Odetz, pour voir son saint Corps et le baiser, qu'on ne le pût si-tost enterrer qu'on s'estoit proposé ; les malades y alloient et estoient gueris ; les muets, sourds, boëteux, aveugles y receurent l'usage de leurs membres ; les demoniacles y furent délivrez, et plusieurs autres miracles s'y firent en témoignage de sa sainteté. Le Roy Grallon, qui s'estoit rendu à Kemper-Odetz, quand il eut avis de sa maladie, assista, avec sa cour, à son enterrement, qu'il fit faire avec autant de pompe et magnificence, que si c'eust esté pour luy mesme, et défraya le tout ; il fut ensevely dans le Choeur de sa Cathedrale devant le grand Autel, où Dieu a fait plusieurs miracles par son intercession, aucuns desquels nous rapporterons icy, à la gloire de Dieu & de son Saint, duquel la memoire fut si douce à ses citoyens, qu'ils donneront son Nom à leur Ville, l'appelans KEMPER-CORENTIN, & non plus KEMPER-ODETZ.
Une damoiselle, ayant receu quelque faveur par les merites et intercessions de saint Corentin, fit voeu d'offrir quelque quantité de cire à son Eglise, et vint rendre son voeu ; comme elle s'approcha de l'Autel pour l'y présenter, le diable la tenta de le retenir, ce qu'elle fit ; mais la misérable fut punie sur le champ ; car la main qu'elle avoit tirée se ferma si fort, que, quelque effort qu'elle fit, elle ne la pût ouvrir ; se voyant punie de la sorte, elle s'en retourna au logis fort désolée, suppliant saint Corentin de luy impetrer l'usage de la main. Une nuit qu'elle prioit de grande ferveur, saint Corentin luy apparut, glorieux et resplendissant, et luy dit :
" Ma fille, quand vous aurez promis quelque chose à Dieu, ou à ses serviteurs, ne vous en dédites pas, mais accomplissez le gayement ; allez demain à mon Eglise et priez devant mon tombeau, et vous recevrez guerison."
Le lendemain, la femme alla prier au Sepulchre du Saint, où s'estant endormie, saint Corentin lui apparut de rechef et luy dit qu'elle estoit guerie ; elle, se reveillant là dessus, se trouva avoir le maniement de sa main libre, dont elle rendit graces à Dieu et à saint Corentin. Il apparut à un larron et le frappa de Paralysie, dont il ne pût jamais estre guery, qu'il n'eut restitué ce qu'il avoit dérobé. Quelques méchans, estans entrez de violence dans la maison d'un honneste Personnage, l'enfermerent dans un coffre, à dessein de l'y laisser mourir de faim ; ce pauvre homme eut recours à Dieu par l'entremise de saint Corentin, lequel parut en la chambre, tout éclatant et glorieux, et, du bout de sa Crosse, leva la serrure de ce coffre et délivra ce pauvre homme, qui, de ce pas, alla à son Eglise remercier Dieu et son serviteur saint Corentin. L'an de grace 1018, Alain Caignard, comte de Cornoüaille, pensa devenir aveugle, à cause d'une défluxion qui luy tomba sur les yeux ; à laquelle les médecins ne pouvoient remédier ; en cette affliction, la Comtesse Judith, sa femme, fille de Judicaël, Comte de Nantes, luy conseilla de faire voeu à saint Corentin, et promettre de donner quelques terres et heritages à son Eglise : il la crût, et ainsi, ayant fait dresser et signé les contrat des terres qu'il disposoit donner, il se fit porter à Kemper-Corentin, où il visita l'Eglise et fit sa priere, puis mit ces contrats sur l'Autel, offrant à Dieu et à saint Corentin les terres et héritages qui y estoient mentionnez, et, aussi-tost la défluxion se dissipa, et, du depuis, n'eut plus mal aux yeux. Ce saint corps demeura à Kemper jusques à l'an 878. que les Normands ayans pris terre en Cornoüaille, les Chanoines et Ecclesiastiques de Kemper se retirerent à Tours, emportans le tresor de leur Eglise, et, entre autres Reliques, le Corps de saint Corentin, qu'ils mirent en l'Eglise de saint Martin ; depuis, il fut transporté à Marmoutier, où il est reverement conservé.
Statue de saint Corentin. Eglise Saint-Méen. Arzano Bretagne.
(1) En voyant saint Corentin vivre en ermite dans la forêt de Névet, et aller faire visite à un autre solitaire plusieurs ont supposé que leurs ermitages étaient voisins ; c'est une erreur. M. de Kerdanet a très bien désigné le lieu sanctifié par saint Primael ; il est marqué par une chapelle aujourd'hui en ruines, dans la paroisse de Saint-Thois, non loin de la route de Quimper à Châteauneuf, sur un des points les plus pittoresques de cette contrée accidentée.
(2) L'ancienne Vie dit que ces visiteurs étaient saint Malo et saint Patern ; au nom du premier, dom Plaine a substitué le nom de saint Melaine dans la traduction ; encore aurait-il mieux valu qu'il se contentât de la note chronologique qu'il a placée sur le texte latin. - A.-M. T.
(3) Ce n'est pas du tout l'ancienne Vie qui indique la nationalité du serviteur de Grallon coupable d'avoir mutilé le poisson de saint Corentin. Et d'abord, ce personnage n'est pas un voleur ; Albert Le Grand l'appelle plus judicieusement " un indiscret " ; ce n'est donc pas à lui qu'il faut appliquer la fameuse strophe que l'on chantait trois fois dans la séquence ou prose usitée pour la fête de saint Corentin.
" Aperitur clausa manus,
Reddit furtum et fit sanus
Latro de Leonia."
Il s'agissait là d'un voleur de profession, et vraiment Léonard de naissance, qui étant venu à Quimper afin de pouvoir faire son métier dans la foule le jour où l'on consacrait la cathédrale, n'empara d'un peloton de fil de soie au détriment d'un pèlerin. Sa main se ferma sur l'objet du larcin et ne put s'ouvrir que quand le larron eut réclamé l'intervention du saint patron de la Cornouaille et promis la restitution. Non-seulement ce malheureux se convertit, mais il devint un zélé propagateur de la dévotion à saint Corentin. La tradition populaire (malencontreusement suivie par Albert Le Grand) a confondu le Léonard voleur de soie (illustré par la séquence) et le mutilateur du poisson. - A.-M. T.
Saint Corentin. Eglise Saint-Léger. Saint-Léger-des-Prés.
(4) On sait peu de choses sur saint Tudy : il débuta dans la vie religieuse sous la discipline de saint Mandat, puis il vécut en solitaire à l'île qui porte son nom, et fonda une abbaye là où est aujourd'hui la belle église paroissiale de Loctudy (XIIe siècle). M. de la Borderie (tome III , p. 166) suppose que cette abbaye subsista peu de temps et qu'elle fut, non pas restaurée, mais remplacée par un nouveau monastère avant la fin du XIe siècle où l'on voit figurer dans deux chartes du duc Alain Fergent, les noms de deux abbés de saint Tudi : Guégon et Daniel. Ce nom d'abbé indique bien, il est vrai, des chefs de maisons monastiques ; mais il y eut à une époque très reculée un collège de chanoines ou de chapelains desservant l'importante église que les barons du Pont (Pont-l'Abbé) avaient érigée dans les dépendances de leur château, en l'honneur de saint Tudy ; on pourrait se demander si l'abbé de saint Tudy n'était pas le prélat de ce collège canonial. Parmi les reliques dont il a été parlé aux annotations de la Vie de saint Guénolé figurent celles de saint Tudy, portées du monastère d'Anaurot à l'île de Groix, et retrouvées au XIe siècle, sur les indications d'un moine de Sainte-Croix de Quimperlé. Conservées dans l'île, du moins en partie, jusqu'à la Révolution, elles sont aujourd'hui perdues. Saint Tudy est le patron de Groix, des deux paroisses qui portent son nom, et de plusieurs chapelles. Avec saint Primael, il est représenté dans un beau vitrail à la chapelle du Grand-Séminaire de Quimper. - A.-M. T.
(5) C'est-à-dire le château, situé au confluent de l'Odet et du ruisseau appelé le Frout. C'est en effet à cette place que saint Corentin bâtit la cathédrale et le monastère où il devait vivre entouré de ses religieux. Ce fut là le centre d'une ville nouvelle appelée en latin Corisopitum, (parce que les habitants de la contrée s'appelaient les Corisopites), et en breton Kemper qui veut dire confluent ; l'ancienne ville s'étendait sur les deux rives de l'Odet, mais en aval, là où sont les faubourgs de Locmaria et de Bourlibou, rejoints alors par un pont. Cette vieille cité s'appelait Civitas Aquilae ou Civitas Aquilonia.
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lundi, 11 décembre 2023
11 décembre. Saint Damase d'Espagne, pape. 384.
- Saint Damase Ier d'Espagne, pape. 384.
Papes : Saint Libère (prédécesseur, +366) ; saint Sirice (successeur). Empereurs romain d'Occident : Gratien (367 - 383) ; Valentinien II (375 - 392) ; Maxime (384 - 388). Empereur romain d'Orient : Théodose Ier.
" Damase est un personnage éminent, fort versé dans la connaissance des saintes écritures."
Saint Jérôme, Epître à Eustochium.
Saint Damase. Missel romain. Bologne. XIVe.
Ce grand Pontife apparaît au Cycle, non plus pour annoncer la Paix comme saint Melchiade, mais comme un des plus illustres défenseurs du grand Mystère de l'Incarnation. Il venge la foi des Eglises dans la divinité du Verbe, en condamnant, comme son prédécesseur Libère, les actes et les fauteurs du trop fameux concile de Rimini ; il atteste par sa souveraine autorité l'Humanité complète du Fils de Dieu incarné, en proscrivant l'hérésie d'Apollinaire. Enfin, nous pouvons considérer comme un nouvel et éclatant témoignage de sa foi et de son amour envers l'Homme-Dieu, la charge qu'il donna à saint Jérôme de travailler à une nouvelle version du Nouveau Testament sur l'original grec, pour l'usage de l'Eglise Romaine. Honorons un si grand Pontife que le Concile de Chalcédoine appelle l'ornement et la force de Rome par sa piété, et que son illustre ami et protégé saint Jérôme qualifie d'homme excellent, incomparable, savant dans les Ecritures, Docteur vierge d'une Eglise vierge.
Saint Damase. Litographie du XIXe siècle.
Si saint Jéröme a été si heureux de trouver à Rome saint Damase, qui a su reconnaître son mérite et lui donner en cette ville des emplois convenables à sa piété et à son érudition, nous pouvons dire aussi que ce n'a pas été un petit avantage à saint Damase d'y recevoir ce grand docteur, qui a été l'admirateur de ses vertus et le grand héraut de ses louanges.
Saint Damase était espagnol, quoiqu'on ne sache pas exactement en quelle ville ni en quelle province il est né. Son père s'appelait Antoine ; il eut une soeur parfaitement belle et vertueuse nommée Irène. Etant venu à Rome avec sa famille, il y entra dans les ordres sacrés, et, s'étant rendu par ses mérites un des plus considérables membres du clergé, il fut premièrement fait nonce apostolique auprès des empereurs Valens et Valentinien ; puis il exerca dans la ville même l'office de vicaire du souverain pontife. Après la mort de Libérius, il fut élu en sa place à l'âge de soixante-deux ans.
Apotéose de saint Damase. Détail. Anonyme. XVIIIe.
Ursin, ou Ursicin, homme turbulent et qui ambitionnait cette haute dignité, ne pût souffrir qu'il lui eût été préféré. Aussi, ayant assemblé quelques clercs factieux, il se fit élire antipape et tâcha de se conserver par la violence un rang que le droit d'une élection canonique ne lui donnait pas. Dans ce tumulte, beaucoup de personnes furent tuées, et on trouva en un seul jour jusqu'à 137 corps étendus sur la place, sans néanmoins que saint Damase y eut contribué en aucune manière, parce qu'il était d'un esprit fort doux et qu'il aurait plutôt renoncé au souverain Pontificat que de le conserver par les armes.
L'empereur Valentinien, persuadé du bon droit de notre saint, envoya Prétextat à Rome pour en chasser Ursicin et ses adhérents, et le maintenir dans la paisible possession de son siège. Cette paix ne dura pas longtemps ; Ursicin eut permission de retourner dans Rome, et, sa malice ne diminuant point avec le temps, il eut l'âme assez noire pour faire accuser le saint Pontife d'adultère? Concordius et Calliste, diacres, furent les instruments de sa calomnie. Ils ouvrirent la bouche contre l'oint du Seigneur et lui imputèrent ce crime pour le faire juger indigne de la souveraine prélature. Damase ne se troubla point ; il assembla à Rome un synode de 44 évêques, où il se justifia si parfaitement, que ses accusateurs furent excommuniés et chassés de la ville, et qu'on décréta que, dans la suite, ceux qui accuseraient injustement quelqu'un seraient sujet à la peine du talion.
Saint Damase dictant à saint Jérôme. Bible. Italie du Nord. XIe.
Les schismatiques ne laissèrent pas de le persécuter pendant tout le reste de son pontificat ; mais leurs traverses en l'empêchèrent pas de s'acquiter dignement de sa charge et de combattre perpétuellement les hérésies. Il convoqua pour cela divers conciles dans la même ville : l'un en 369, où il fit condamner les décrets du faux concile de Rimini et déposer Auxence, évêque de Milan, grand fauteur de l'Arianisme, lequel, néanmoins, se maintint toujours dans son siège par la faveur de Valentinien l'aîné, dont il avait su gagner l'esprit par flatterie ; l'autre, en 373, contre un grand nombre d'hérésies qui infectaient l'Orient ; surtout contre celle d'Apollinaire, qui renfermait une infinité d'extravagances, entre autres, que Notre Seigneur Jésus-Christ n'avait point d'âme ou du moins d'entendement, mais que le Verbe, uni à ce corps, lui tenait lieu de ces parties essentielles de l'homme ; que sa chair venait du ciel et n'avait fait que passer par le sein de Marie comme par un canal ; le troisième, en 382, pour remédier au schisme qui affligeait depuis longtemps l'Eglise d'Antioche.
De plus, il en fit tenir un à Aquilée, en 381, où, en une seule session, qui dura depuis une heure après midi jusqu'à sept heures du soir, Pallade et Secondien, évêques d'Illyrie, furent convaoincus d'hérésie, confondus dans la discussion et condamnés comme coupables des blasphèmes d'Arius. Il envoya aussi à Constantinople le célèbre saint Zénobe, depuis évêque de Florence, pour consoler les fidèles cruellement persécutés par l'empereur Valens, qui s'était déclarés pour l'Arianisme. Enfin, ce fut par son autorité qu'en la même année 381 et en la même ville, se tint le deuxième concile général de l'Eglise, composé de cent cinquante évêques d'Orient, où Arius et Macédonius furent condamnés, et où la foi orthodoxe, que la cruauté de ce prince semblait avoir éteinte et réduite au tombeau, fut heureusement ressuscitée. Saint Damase le confirma et le reçut, en ce qui touchait la doctrine, comme une des règles de la foi : ce quilui a donné le nom et la force de concile oecuménique, quoiqu'en effet les évêques d'Occident n'y fussent pas, et qu'il ne s'y fût trouvé qu'un assez petit nombre de ceux de l'Eglise grecque.
Saint Damase. Gravure du XIXe.
Outre le soin et la diligence qu'apporta ce généreux Pontife à bannir les hérésies de toutes la terre, il s'étudia aussi à retrancher les abus qui s'étaient glissés dans l'Eglise? Entre les épîtres qui lui sont attribuées dans la collection des conciles, il y en a une aux évêques d'Afrique, où, après avoir établi la primauté du Saint-Siège, il fait de très sages constitutions, principalement touchant les accusations des clercs et des évêques, dont quelques-unes ont été insérées dans le corps du droit canon. Il y en a une autre aux évêques de Numidie, où il condamne l'usurpation des chorévêques, lesquels, n'étant que simples prêtres, et n'ayant pas reçu la consécration épiscopale, ne laissaient pas de s'attribuer le droit d'ordonner des prêtres et des ministres, de bénir des religieuses, de consacrer les églises, de faire le saint Chrême, de conférer la confirmation et de réconcilier publiquement les pénitents : ce qui n'appartient qu'aux véritables évêques.
Saint Damase régla la psalmodie et fit chanter en Occident les psaumes de David, selon la correction des Septante, que saint Jérôme avait faite par son ordre. Il introduisit aussi la coutume de dire Alleluïa dans l'Eglise hors le temps de Pâques, au lieu qu'auparavant on ne le disait qu'à Rome qu'en ce temps de réjouissance extraordinaire. Il bâtit deux église dans la ville : l'une de Saint-Laurent, auprès du théâtre de Pompée, l'autre sur la voie Ardéatine. Il orna le lieu où les bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul avaient longtemps reposé, et que l'on appelait la Platonie. Il trouva plusieurs corps saints et les fit mettre dans les tombeaux honorables, autour desquels il fit graver des vers qui faisaient mention de leurs triomphes. Il fit aussi construire un baptistère magnifiquen dont le poëte Prudence fait une riche description dans la huitième de ses hymnes.
Saint Damase donne l'instruction de rédiger les psaumes
En cinq ordinations qu'il célébra, selon la coutume, au mois de décembre, il créa 31 prêtre, 2 diacres et 62 évêques. Enfin, après avoir gouverné saintement l'Eglise au milieu de tant de tribulations, 18 ans, 2 mois et 10 jours, il fut appelé au ciel pour recevoir la récompense de ses travaux, le 11 décembre 384. Dieu le rendit illustre par plusieurs miracles ; car à son invocation des malades furent guéris et des énergumènes délivrés des démons qui les possédaient. Il avait aussi pendant sa vie rendu la vue à un aveugle qui l'avait perdus despuis 13 ans.
Les Pères de l'Eglise lui ont donné de grands éloges. Saint Ambroise dit qu'il fut élu par un coup du ciel. Saint Jérôme témoigne qu'il était demeuré vierge ; ce qui montre encore plus la malice des schismatiques, qui ne craignirent point de l'accuser d'adultère. Théodoret assure qu'il avait mérité le nom d'homme admirable. Enfin, le même saint Jérôme, qui lui avait servi de secrétaire, le met au nombre des écrivains ecclésiastiques.
Son corps fut d'abord déposé près du tombeau de sa mère et de sa soeur, dans la basilique élevée par lui sur la voie Ardéatine. Plus tard, vers l'époque d'Adrien Ier (772-795), ses reliques furent transférées dans celle de Saint-Laurent in Damaso, à l'intérieur de la ville. Elles y reposent encore aujourd'hui sous le maître-autel, à l'exception du chef du bienheureux Pape, qui est conservé à Saint-Pierre de Rome.
Saint Damase et saint Jérôme. Bible de Fressac. XIIe.
On représente saint Damase :
1. tenant un écrit sur lequel se lisent ces paroles : Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc., parce qu'il a établi dans l'Eglise l'usage de terminer tous les psaumes par cette doxologie ;
2. ayant près de lui un portail d'église, qu'il montre comme pour en prendre possession, ou pour indiquer qu'il en est le fondateur.
LE PAPE SAINT DAMASE ET LES CATACOMBES
Jusqu'à nos temps, on ne connaissait de la sollicitude et de la dévotion de saint Damase pour les reliques des martyrs que les Carmina ou Inscriptiones qui lui étaient attribués, et reccueillis, au nombre de 37, probablement par les pélerins du Ve et VIe siècle qui les avient transcrits pour la satisfaction de leur piété personnelle sur les monuments catacombaires. Encore devons-nous ajouter que la critique se montrait assez difficile sur leur authenticité.
Statue de saint Damase. Paroquial de la Santa Asuncion. Espagne.
Mais, de nos jours, l'étude des catcombes a singulièrement modifié la question. Les travaux de saint Damase dans nos hypogées chrétiens, dit M. de Rossi, ne furent pas seulement partiels, et ne se localisèrent pas sur un point déterminé, ils s'étendirent à toute la Rome souterraine. Son nom se retrouve dans chacune des catacombes, sur le tombeau de tous les martyrs illustres. Les constructions pour l'ornement ou la solidité, les escaliers de marbres méagés dans chaque crypte insigne, portent tous l'empreinte de sa pieuse main.
C'est à sa haute intelligence que nous devons la conservation des hypogées chrétiens, parce que c'est lui qui fit abandonner le système vicieux adopté pour la construction des basiliques Constantiniennes. Ce système consistait à raser les étages superposés d'une catacombe jusqu'à ce qu'on fût arrivé au niveau de la crypte inférieure, où d'ordinaire se trouvait la sépulture des martyrs les plus illustres. On dégageait ainsi une tombe principale sur laquelle s'élevait un édifice somptueux ; mais il avait fallu sacrifier un nombre immense d'autres loculi pour arriver à ce résultat.
Saint Jérôme quittant Rome après le décès de saint Damase.
Saint Damase comprit que si les reliques des martyrs ont droit à notre culte, la tombe des simples fidèles doit être aussi l'objet d'un respect inviolable. Dès lors, il étendit sa sollicitude pontificale à tout l'ensemble des monuments chrétiens de l'âge héroïque. Les trésors que la piété des matrones mettait à sa disposition, et que lui reprochait la jalousie païenne d'Ammien Marcellin, il les consacrait non pas à la satisfaction de son luxe personnel, mais à la décoration des lieux sanctifiés par la présence des martyrs.
On sait que, par un sentiment d'admirable d'humilité, ce grand Pontife ne voulut point choisir sa sépulture au milieu des tombes des martyrs dont il avait si religieusement fait décorer les monuments.
" J'avoue, j'aurai ardemment souhaité ce bonheur ; mais j'ai craint de profaner le lieu auguste où reposent les Saints."
Après un tel scrupule, si modestement exprimé par un grand Pape, par un thaumaturge et un Saint, on comprend que les sépultures dans les catacombes devinrent fort rares. Elles ne furent plus autorisées que dans des circonstances exceptionnelles.
Nous nous réjouissons de la récompense infinie que le Prince des Pasteurs a octroyée à votre intégrité, Ô Docteur vierge de l'Eglise vierge ! Du haut du ciel, faites descendre jusqu'à nous un rayon de cette lumière dans laquelle le Seigneur Jésus se fait voir à vous en sa gloire ; afin que nous puissions aussi le voir, le reconnaître, le goûter dans l'humilité sous laquelle il va bientôt se montrer à nous. Obtenez-nous et l'intelligence des saintes Ecritures, dans la science desquelles vous fûtes un si grand Docteur, et la docilité aux enseignements du Pontife romain, auquel il a été dit, en la personne du Prince des Apôtres : " Duc in altum !" : " Avancez dans la haute mer !".
Faites, Ô puissant successeur de ce pêcheur d'hommes, que tous les Chrétiens soient animés des mêmes sentiments que Jérôme, lorsque, s'adressant à votre Apostolat, dans une célèbre Epître, il disait :
" C'est la Chaire de Pierre que je veux consulter ; je veux que d'elle me vienne la foi, nourriture démon âme. La vaste étendue des mers, la distance des terres, ne m'arrêteront point dans la recherche de cette perle précieuse : là où se trouve le corps, il est juste que les aigles s'y rassemblent. C'est à l'Occident que maintenant se lève le Soleil de justice : c'est pourquoi je demande au Pontife la Victime du salut ; du Pasteur, moi brebis, j'implore le secours. Sur la Chaire de Pierre est bâtie l'Eglise : quiconque mange l'Agneau hors de cette Maison est un profane ; quiconque ne sera pas dans l'Arche de Noé, périra dans les eaux du déluge. Je ne connais pas Vital ; je n'ai rien de commun avec Mélèce ; Paulin m'est inconnu : quiconque ne recueille pas avec vous, Ô Damase, dissipe ce qu'il a amassé ; car celui qui n'est pas au Christ est à l'Antéchrist."
Considérons notre divin Sauveur au sein de la très pure Marie sa Mère ; et adorons, avec les saints Anges, le profond anéantissement auquel il s'est réduit pour notre amour. Contemplons-le s'offrant à son Père pour la rédemption du genre humain, et commençant dès lors à remplir l'office de Médiateur dont il a daigné se charger. Admirons avec attendrissement cet amour infini, qui n'est pas satisfait de ce premier acte d'abaissement dont le mérite est si grand qu'il eût suffi pour racheter des millions de mondes.
Le Fils de Dieu veut accomplir, comme les autres enfants, le séjour de neuf mois au sein de sa Mère, naître ensuite dans l'humiliation, vivre dans le travail et la souffrance, et se faire obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la Croix. Ô Jésus ! Soyez béni, Soyez aimé pour un si grand amour. Vous voici donc descendu du ciel, pour être l'Hostie qui remplacera tant d'autres hosties stériles, par lesquelles n'a pu être effacée la faute de l'homme. La terre porte maintenant son Sauveur, bien qu'elle ne l'ait pas contemplé encore. Dieu ne la maudira pas, cette terre ingrate, enrichie qu'elle est d'un tel trésor. Mais reposez encore, Ô Jésus, dans les chastes entrailles de Marie, dans cette Arche vivante, au sein de laquelle vous êtes la véritable Manne destinée à la nourriture des enfants de Dieu. Toutefois, Ô Sauveur ! l'heure approche où il vous faudra sortir de ce sanctuaire. Au lieu de la tendresse de Marie, il vous faudra connaître la malice des hommes ; et cependant, nous vous en supplions, nous osons vous le rappeler, il est nécessaire que vous naissiez au jour marqué : c'est la volonté de votre Père ; c'est l'attente du monde, c'est le salut de ceux qui vous auront aimé."
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