vendredi, 23 février 2024
23 février. Saint Pierre Damien, cardinal-évêque d'Ostie, docteur de l'Eglise. 1072.
" Ce vigilant ne fuyait pas quand il voyait venir le loup : il allait au contraire l'attaquer dans sa retraite et lui donner la mort avant qu'il vint fondre sur son bercail, retranchant, par le glaive de l'excommunication, ceux qui voulaient introduire des erreurs dans l'esprit de ses diocésains. Il était le fléau des hérétiques, et il savait si efficacement réprimer leur audace et leur témérité, que les autres prélats l'envoyaient prier avec instance de venir à leur secours, pour les aider à dissiper les pernicieuses doctrines qui s'étaient glissées dans leurs églises."
Petits Bollandistes.
Antiveduto Grammatica. XVIIe.
L'austère réformateur des mœurs chrétiennes au XIe siècle, le précurseur du saint pontife Grégoire VII, Pierre Damien en un mot, paraît aujourd'hui sur le Cycle. A lui revient une partie de la gloire de cette magnifique régénération qui s'accomplit en ces jours où le jugement dut commencer par la maison de Dieu (I Petr. IV, 17.). Dressé à la lutte contre les vices sous une sévère institution monastique, Pierre s'opposa comme une digue au torrent des désordres de son temps, et contribua puissamment à préparer, par l'extirpation des abus, deux siècles de foi ardente qui rachetèrent les hontes du Xe siècle. L'Eglise a reconnu tant de science, de zèle et de noblesse, dans les écrits du saint Cardinal, que, par un jugement solennel, elle l'a placé au rang de ses Docteurs. Apôtre de la pénitence, Pierre Damien nous appelle à la conversion, dans les jours où nous sommes ; écoutons-le et montrons-nous dociles à sa voix.
Pierre, né à Ravenne, de parents aisés, étant encore à la mamelle, fut rejeté par sa mère qui était mécontente d'avoir un grand nombre d'enfants. Il fut recueilli demi-mort et soigné par une personne de la maison, qui le rendit à la mère, après l'avoir rappelée aux sentiments de l'humanité. Ayant perdu ses parents, il se vit réduit à une dure servitude, sous la tutelle d'un de ses frères qui le traita comme un vil esclave. Ce fut alors qu'il donna un rare exemple de religion envers Dieu, et de piété filiale. Ayant trouvé par hasard une pièce de monnaie, au lieu de l'employer à soulager sa propre indigence, il la porta à un prêtre, lui demandant d'offrir le divin Sacrifice pour le repos de l'âme de son père. Un autre de ses frères nommé Damien, dont on dit qu'il a tiré son nom, l'accueillit avec bonté, et l'instruisit dans les lettres. Pierre y fit de si rapides progrès, qu'il devint l'objet de l'admiration des maîtres eux-mêmes.
Son habileté et sa réputation dans les sciences libérales l'ayant fait connaître, il les enseigna lui-même avec honneur. Dans cette nouvelle situation, afin de soumettre les sens à la raison, il portait un cilice sous des habits recherchés, se livrant avec ardeur aux jeûnes, aux veilles et aux oraisons. Etant dans l'ardeur de la jeunesse, et se sentant vivement pressé des aiguillons de la chair, il allait la nuit éteindre ces flammes rebelles dans les eaux glacées d'un fleuve ; puis il se mettait en marche pour visiter les sanctuaires en vénération, et récitait le Psautier tout entier. Il soulageait les pauvres avec un zèle assidu, et les servait de ses propres mains dans des repas qu'il leur donnait fréquemment.
Désirant mener une vie plus parfaite, il entra dans le monastère d'Avellane. au diocèse de Gubbio, de l'Ordre des moines de Sainte-Croix de Fontavellane, fondé par le bienheureux Ludolphe, disciple de saint Romuald. Peu après, envoyé par son Abbé à l'abbaye de Pomposia, puis à celle de Saint-Vincent de Petra-Pertusa, il édifia ces deux monastères par ses prédications saintes, par son enseignement distingué et par sa manière de vivre. A la mort de son Abbé, la communauté d'Avellane le rappela pour le mettre à sa tête ; et il développa d'une manière si remarquable cette famille monastique par les nouvelles maisons qu'il créa, et par les saintes institutions qu'il lui donna, qu'on le regarde avec raison comme le second père de cet Ordre et son principal ornement.
Plusieurs monastères d'institut différent, des chapitres de chanoines, des populations entières, éprouvèrent les salutaires effets du zèle de Pierre Damien. Il rendit de nombreux services au diocèse d'Urbin ; il secourut l'évêque Theuzon dans une cause importante, et l'aida par ses conseils et par ses travaux dans la bonne administration de son évêché. La contemplation des choses divines, les macérations du corps et les autres traits d'une sainteté consommée élevèrent à un si haut point sa réputation, que le pape Etienne IX, malgré la résistance du saint, le créa Cardinal de la sainte Eglise Romaine et Evoque d'Ostie. Pierre éclata dans ces hautes dignités par des vertus et des œuvres en rapport avec la sainteté du ministère épiscopal.
Par sa doctrine, ses légations et toute sorte de travaux, il fut d'un secours merveilleux à l'Eglise Romaine et aux Souverains Pontifes, dans des temps très difficiles. Il combattit jusqu'à la mort avec un zèle intrépide l'hérésie Simoniaque et celle des nicolaïtes. Après avoir purgé de ce double fléau l'Eglise de Milan, il la réconcilia avec l'Eglise Romaine. Il s'opposa courageusement aux antipapes Benoît et Cadalous. Il retint Henri IV, roi de Germanie, qui était sur le point de divorcer injustement avec son épouse. La ville de Ravenne fut ramenée par lui à l'obéissance au Pontife Romain, et rétablie dans la jouissance des choses saintes.
Il mit la réforme chez les chanoines de Vellétri. Dans la province d'Urbin, presque toutes les Eglises épiscopales éprouvèrent ses services ; celle de Gubbio, qu'il administra pendant quelque temps, fut par lui soulagée d'un grand nombre de maux ; quant aux autres, il les soigna toujours autant qu'il lui fut possible, comme si elles eussent été confiées à sa garde. S'étant démis du cardinalat et de la dignité épiscopale, il ne relâcha rien de son empressement à soulager le prochain.
Il fut le propagateur du jeûne du Vendredi, en l'honneur du mystère de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, et du petit Office de la Mère de Dieu, ainsi que de son culte le jour du Samedi. Il étendit par son zèle l'usage de la discipline volontaire, pour l'expiation des péchés qu'on a commis.
Enfin, après une vie tout éclatante de sainteté, de doctrine, de miracles et de grandes actions, lorsqu'il revenait de la légation de Ravenne, son âme s'envola vers le Christ, à Faënza, le huit des calendes de mars. Son corps, gardé dans cette ville chez les Cisterciens, est honoré d'un grand nombre de miracles, du concours et de la vénération des peuples. Plus d'une fois les habitants de Faënza ont éprouvé son secours dans les calamités ; et pour ce motif, leur ville l'a choisi pour patron auprès de Dieu. Son Office et sa Messe, qui se célébraient déjà comme d'un Confesseur Pontife dans plusieurs diocèses et dans l'Ordre des Camaldules, ont été étendus à l'Eglise universelle, de l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, par le pape Léon XII, qui a ajouté la qualité de Docteur.
On a représenté saint Pierre Damien :
- avec une discipline à la main, pour exprimer l'ardeur avec laquelle il s'adonnait à la mortification ;
- sous les costumes divers de cardinal, d'ermite et de pélerin ;
- en pélerin, on lui met un diplôme ou une bulle à la main pour rappeler les diverses légations dont il fut chargé par les Papes.
Fortifiez dans les brebis le respect, la fidélité et l'obéissance envers ceux qui les conduisent dans les pâturages du salut. Vous qui fûtes non seulement l'apôtre, mais l'exemple de la pénitence chrétienne, au milieu d'un siècle corrompu, obtenez que nous soyons empressés à racheter, par les œuvres satisfactoires, nos péchés et les peines qu'ils ont méritées. Ranimez dans nos âmes le souvenir des souffrances de notre Rédempteur, afin que nous trouvions dans sa douloureuse Passion une source continuelle de repentir et d'espérance. Accroissez encore notre confiance en Marie, refuge des pécheurs, et donnez-nous part à la tendresse filiale dont vous vous montrâtes animé pour elle, au zèle avec lequel vous avez publié ses grandeurs."
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jeudi, 22 février 2024
22 février. Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.
" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société."
Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth.
Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s'étendre en dehors de la race juive.
Quelques disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Juif converti depuis peu d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.
La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité tout entière.
Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.
Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius son disciple.
Evodius sera le successeur de Pierre en tant qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne. C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.
Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers.
Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de la fête que nous célébrons aujourd'hui.
Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être. S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.
Saint Pierre et les clefs du Royaume.
Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux."
C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."
Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres Pasteurs : les Evêques, " que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ", gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a " donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que, " pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que " le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que " le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".
L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.
C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que " le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux " ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles elles doivent se conformer."
C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que " l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que " les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que " l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".
Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.
Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de la Chaire de Pierre.
Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.
Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.
Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.
Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche.
C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner d'eux.
C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !
Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie,
Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.
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mercredi, 21 février 2024
21 février. Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
- Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.
Pape : Saint Séverin (+640) ; Jean IV. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II.
" Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache et ne s'est point attaché à l'or."
Eccli., XXXI, 8.
Saint Pépin de Landen administrant.
Ce saint duc était le fils du prince Carloman et de la princesse Emegarde. Il fut maire du palais sous Clotaire II, Dagobert Ier et Sigebert II, rois de France, et exerça cette grande charge, qui était peu différente de l'autorité royale, avec une rare prudence.
Il ne pouvait rien ajouter à sa fidélité pour son roin ni à son amour pour son peuple. Il embrassait, avec une constance invincible, les justes intérêts de l'un et de l'autre, sans souffrir que, pour favoriser le peuple, on fît tort au rdroits du roi ; ni que, sous prétexte des droits du roi, l'on opprimât et accablât le peuple, parce qu'il préférait les volontés de Dieu à celles des hommes, et savait qu'il défend de favoriser les puissants au préjudice des faibles. Ainsi, il rendait au peuple ce que la justice voulait qu'on lui rendît, et à César ce qui appartenait légitimement à César.
Clotaire II recevant l'hommage des Lombards.
Il n'en faut point de meilleure preuve que son désir d'avoir pour associé, dans sa conduite, saint Arnoul, évêque de Metz ; il ne faisait rien sans son conseil, connaissant son éminente vertu et sa grande capacité dans le gouvernement de l'Etat. Après la mort de saint Arnoul, il prit pour collègue, dans l'administration des affaires, un autre grand saint, Cunibert, archevêque de Cologne. On peut assez juger avec quelle ardeur il embrassait les choses justes, puisqu'il choisissait des hommes si excellents et si incorruptibles pour être les directeurs de ses conseils et les fidèles témoins de ses actions.
Clotaire II, Dagobert son fils, saint Arnoul de Metz et
Le roi Clotaire II ne se contenta pas de mettre entre les mains de cet excellent prince la première charge de son Etat, en le faisant maire du palais : il l'honora aussi de toute sa confiance, et lui donna tout le pouvoir qu'un grand ministre peut espérer. Ayant résolu d'associer son fils Dagobert à une partie de sa puissance et de partager avec lui ses Etats, en le mettant, dès son vivant, en possession du royaume d'Austrasie, il choisit, parmi tous les grands de la cour, cet homme admirable pour lui confier entièrement la conduite de ce jeune prince, qui devait n'agir que d'après ce conseiller (622).
Statue de Dagobert Ier. XIXe. Versailles.
Pépin s'acquitta si dignement de cette charge, qu'il n'oublia rien de ce qui pouvait imprimer dans l'esprit de Dagobert la crainte de Dieu et l'amour de la justice : il lui mettait souvent devant les yeux cette belle parole de l'Evangile :
" Le trône d'un roi qui rend justice aux pauvres ne sera jamais ébranlé."
Ainsi, ce fut par sa prudence que Dagobert gouverna si bien et si heureusement, non seulement l'Austrasie, mais aussi tous les Etats que son père lui laissa en mourant. Son frère Caribert, et plusieurs grands les lui ayant disputés, cette faction fut bientôt dissipée par la valeur de Pépin, qui n'était pas moins généreux dans la guerre que juste et sage dans la paix ; et Dagobert, après s'être maintenu dans le droit qui lui appartenait, gagna de telle sorte le coeur de tous ses sujets par sa libéralité, sa justice, sa douceur et toutes les autres qualités dignes d'un grand roi, qu'il égala et surpassa même la réputation de ses plus illustres prédécesseurs ; son règne eût été des plus beaux, s'il eût toujours suivi les avis d'un si saint et si habile maître.
Mais, comme rien n'est plus difficile que de conserver son esprit pur au milieu de la corruption du siècle, et son corps chaste au milieu des plaisirs qui accompagnent la prospérité et la souveraine puissance, ce roi se plongea dans la volupté, et il eut recours à des moyens injustes pour satisfaire à ses dépenses folles et désordonnées. Saint Pépin, qui en eut le coeur tout percé de douleur, l'en reprit sévèrement, et lui reprocha son ingratitude envers Dieu. Ce prince reçut d'abord si mal les avis de notre saint, qu'il pensa même à le faire mourir, étant poussé en cela par quelques grands de sa cour qui haïssaient Pépin et portaient envi à sa vertu.
Mais Dieu, qui est le protecteur des justes, délivra Pépin de ce péril. Le roi comprit enfin la justesse de ses remontrances et eut plus de vénération que jamais pour le mérite et la vertu d'un si grand ministre. Pour lui en donner une preuve non équivoque, il mit entre ses mains son fils Sigisbert, qu'il envoya régner en Austrasie sous sa conduite (633). Ainsi Sigisbert étant roi de nom et saint Pépin gouvernant en effet le royaume, l'Austrasie se trouva délivrée des grandes incursions des Barbares qu'elles souffrait auparavant. Il les réprima, les resserra dans leurs pays ; et, après la mort de Dagobert, il eût mis Sigebert en possession de tous ses Etats, si son père ne l'eût obligé, dès son vivant, de se contenter de l'Austrasie et de laisser le royaume de France à Clovis, son puîné.
Baptême de saint Sigebert par saint Amand de Troyes en présence
Notre saint duc mourut le 21 février 640 au château de Landen, en Brabant ; l'affliction que toute l'Austrasie en conçut fut si extraordinaire, qu'elle ne le pleura pas moins que l'un de ses meilleurs rois : car sa vie était toute sainte, sa réputation sans tache, sa sagesse et sa conduite admirables ; et on pouvait le nommer, avec vérité, le protecteur des lois, le soutien des faibles, l'ennemi de la division, l'ornement de la cour, l'exemple des grands, le conducteur des rois et le père de la patrie.
Statue de saint Pépin de Landen. Louvain. Belgique.
Son corps fut d'abord déposé au lieu où il mourut, puis fut transféré au monastère de Nivelle. Au reste, il faut prendre garde de ne le point confondre avec deux autres Pépin dont le nom est célèbre dans notre histoire :
- le premier, Pépin d'Héristal, aussi maire du palais et père de Charles Martel ;
- le second, Pépin le Bref, fils du même Charles Martel, et le premier de nos rois de la seconde race.
Saint Pépin de Landen, dont nous parlons, est le plus ancien des trois, et fut l'aïeul de Pépin d'Héristal par sa fille sainte Begghe, qui, ayant épousé Ansegise, fils de saint Arnoul, lui donna ce fils pour le bien de la France et le soutien de cette grande et illustre monarchie qui vécut aussi longtemps qu'elle fut le soutien fidèle de notre sainte mère l'Eglise.
Il reste à remarquer que la maison de saint Pépin n'était qu'une compagnie de Saints et de Saintes : car sa femme, nommée Itte, ou Ideburge, soeur de saint Modoald, archevêque de Trèves, après avoir vécu saintement dans le mariage, à l'exemple de son mari, ne s'occupa, quand elle fut veuve, qu'à pratiquer toutes sortes de bonnes oeuvres ; et elle reçut enfin, des mains de saint Amand, le voile sacré de religieuse dans le célèbre monastère de Nivelle, qu'elle avait elle-même fait bâtir. Elle y passa le reste de ses jours dans une si grande perfection, qu'elle offrait à toutes les religieuses qui y demeuraient un rare exemple de vertu.
Sainte Wautrude et sainte Gertrude.
L'aînée des filles de saint Pépin et d'Ideburge, la grand et illustre sainte Gertrude, abbesse du même monastère de Nivelle, fut si éminente en sainteté, qu'on peut la considérer comme une des plus belles lumières de la religion.
Sainte Gertrude de Nivelle, fille de saint Pépin. Gravure du XVIIIe.
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mardi, 20 février 2024
20 février. Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
- Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.
Exod., III, 11.
Saint Eleuthère. Portail de la cathédrale de Tournai.
Eleuthère, ou Lehire, selon l’ancienne appellation, vit le jour à Tournai en 454 ou 456. Serenus, son père, et Blanda, sa mère, étaient d’une noble origine et jouissaient d’une grande aisance. Serenus comptait parmi ses ancêtres Hirénée, qui fut un des premiers habitants de Tournai qui embrassa le christianisme à la voix de saint Piat, et qui donna le terrain sur lequel s’éleva dans la suite l’église de Notre-Dame.
Eleuthère avait reçu de Dieu un si heureux naturel, qu’il fit autant de progrès dans les lettres que dans la piété. Il fut élevé avec saint Médard, depuis évêque de Noyon, qui lui prédit qu’il serait un jour évêque de Tournai. La prédiction se vérifia en 486, lorsque Eleuthère, âgé de trente ans environ, fut élu pour succéder à l’évêque Théodore.
Déjà avant la mort de Théodore, la violence des païens avait obligé les principaux chrétiens de Tournai de se réfugier à Blandain, village situé à une lieue de Tournai, où les parents d’Eleuthère avaient des propriétés. Les Tournaisiens avaient beaucoup dégénéré depuis la mort de leur apôtre saint Piat. Leur foi s’éteignait de jour en jour, soit par le commerce et la violence des païens, soit par les désordres des rois francs, qui étaient encore idolâtres et qui faisaient leur résidence à Tournai.
Tel était l’état de l’église de cette ville, lorsque saint Eleuthère en fut fait évêque. Les premières années de son épiscopat furent pour lui un temps de troubles et de rudes épreuves. Son troupeau se trouvait mêlé, d’une part avec les Francs maîtres du pays et encore païens, et d’autre part avec divers hérétiques qui répandaient parmi le peuple des doctrines contraires au dogme de l’Incarnation de Jésus-Christ. Ce fut pour Eleuthère un sujet de redoubler sa vigilance pastorale et ses travaux. Il arracha un grand nombre de Francs aux superstitions du paganisme, et défendit de vive voix et par écrit le mystère de l’Incarnation contre les hérétiques.
Saint Eleuthère.
Son zèle pour gagner des âmes à Jésus-Christ le porta plus d’une fois à pénétrer secrètement dans Tournai, où il prêchait l'Evangile à des familles délaissées et à des hommes qui avaient reconnu la vanité des idoles. Telles étaient ses occupations ordinaires, quand un événement singulier, mais que Dieu fit servir au salut d’un grand nombre, vint lui rouvrir, ainsi qu’aux autres exilés, les portes de sa ville natale.
La fille du gouverneur de Tournai, païenne comme son père, avait conçu une secrète affection pour le jeune et vertueux Eleuthère, avant qu'il eût été banni avec sa famille. Jamais elle n’avait communiqué ce sentiment à personne; mais un jour elle se transporta à Blandain pour en faire l’aveu à saint Eleuthère lui-même.
" Malheureuse, lui dit-il, n’avez-vous point entendu dire que Satan osa tenter le Seigneur, et que celui-ci répondit : Retire-toi ; oses-tu bien tenter ton Seigneur et ton Dieu ? A l’exemple de mon Sauveur et au nom de la sainte et indivisible Trinité, je vous commande de vous retirer et de ne plus revenir en ce lieu."
Dans le même instant elle sortit du tombeau sous les yeux d’une multitude de spectateurs et demanda à recevoir le baptême. Malgré un prodige si éclatant, le père résistait encore, sans doute par la crainte qu’il avait des autres païens : c’était le motif ordinaire de ces sortes de résistances à la grâce. Une contagion subite éclata alors parmi eux et fit d’épouvantables ravages. Dans leur aveuglement, les idolâtres attribuèrent ce châtiment du ciel aux artifices de saint Eleuthère, qu’ils traitaient de magicien ; et ayant tenu conseil entre eux, ils résolurent de le faire périr.
La conversion de Clovis, en 496, ayant rendu le temps plus calme, Eleuthère en profita pour rétablir à Tournai le siège épiscopal, fixé depuis quelques années au village de Blandain. II fit trois fois le voyage de Rome pour s’éclaircir sur les moyens propres à remédier aux maux de son église. La dernière fois qu’il en revint, il rapporta les reliques de saint Etienne, premier martyr, et de sainte Marie l’Egyptienne.
Châsse de saint Eleuthère à Tournai.
Le retour du Saint au milieu de son troupeau excita partout la joie la plus vive. Le clergé et le peuple, sortis de la ville par la porte Nervienne, étaient allés à sa rencontre, et déjà le cortège descendait la colline du mont Sacré, aujourd’hui le mont Saint-André, lorsque, du haut de cette éminence, le vénérable évêque apparut, tenant élevées dans ses mains les précieuses reliques qu’il portait. Deux cercles de lumière se formèrent au même instant autour de lui sous les yeux du peuple, qui poussait des cris d’admiration ; puis tous se mirent en marche vers la basilique de Notre-Dame en chantant des hymnes et des cantiques. Sur la route, un grand nombre de malades ou d’estropiés furent guéris, et un muet, bien connu des habitants, recouvra l’usage de la parole.
Clovis se distingua par le succès de ses armes et par la protection qu’il accorda à la religion ; mais il souilla sa mémoire par des actes de perfidie et de violence. La légende de saint Eleuthère nous offre une protestation publique de la part du clergé contre les moyens barbares par lesquels le vainqueur de Tolbiac tacha d’étendre et de consolider sa domination. Clovis vint un jour à Tournai ; à peine arrivé, il se rendit à l’église pour remercier Dieu de ses victoires.
Eleuthère l’attendait sur le seuil :
" Seigneur roi, lui dit-il, je sais pourquoi vous venez à moi."
Etonné de ces paroles, Clovis protesta qu’il n’avait rien de particulier à dire à l’évêque.
" Ne parlez pas ainsi, Ô roi, reprit saint Eleuthère, vous avez péché et vous n’osez l’avouer."
Alors le vainqueur s’émut, ses yeux se mouillèrent de larmes, il avoua qu’il se sentait coupable et pria le pieux évêque de célébrer la messe pour lui et d’implorer du ciel le pardon de ses crimes. Eleuthère se mit en prières et y resta toute la nuit, arrosant le sol de ses pleurs.
Le lendemain, pendant qu’il célébrait la messe, et au moment où il se préparait à recevoir l’hostie sainte, une lumière éclatante se répandit dans l’église, et un ange lui apparut :
" Eleuthère, lui dit-il, serviteur de Dieu, tes prières sont exaucées."
En même temps il lui remit un écrit où était tracé le pardon accordé aux fautes royales qu’il n’est pas permis de divulguer. Absous par la clémence divine, Clovis rendit grâces à Dieu et au saint évêque, et fit des dons considérables à l’église de Tournai. Les courageuses remontrances d’Eleuthère, le repentir public du prince, l’ange apportant du ciel le pardon des crimes politiques, sont au moins, si l’on tient à contester la certitude de ces faits, une admirable peinture des sentiments populaires de cette époque.
Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos.
Pour extirper les dernières racines des doctrines hérétiques qui désolaient son diocèse, Eleuthère réunit vers l’an 520 un synode, dans lequel il parait avoir prononcé un discours sur le mystère de l’Incarnation. Son zèle à maintenir le dépôt de la foi dans sa pureté lui coûta la vie. Un jour, en sortant de l’église, il fut assailli par une bande d’hérétiques qui se jetèrent sur lui et l’accablèrent de coups. Le Saint survécut peu de jours à ses blessures; sa mort arriva en 531, le 20 février, jour auquel l’Eglise honore sa mémoire.
L’illustre ami d’Eleuthère, saint Médard, évêque de Noyon, s’était empressé de venir à Tournai à la nouvelle des violences auxquelles on s’était porté contre lui. Après avoir répandu des larmes abondantes sur son corps inanimé, il se mit en devoir de lui rendre les honneurs de la sépulture.
" Lui-même célébra les sacrés mystères, pour remercier Dieu de ce qu’il avait daigné admettre saint Eleuthère dans le séjour de la gloire."
Les cérémonies achevées, on transporta le corps dans l’église de Blandain, où il resta jusqu’à la fin du IXe siècle. A cette époque, une pieuse dame, qui habitait le lieu appelé Roubaix, eut une révélation, dans laquelle saint Eleuthère lui commanda d’aller de sa part auprès d'Heidilon, évêque de Tournai et de Noyon, pour lui dire de lever de terre son corps et de le transporter à Tournai. Cette sainte femme remplit la mission qui lui était confiée et l'évêque, avec son clergé, se hâta d’accomplir cette volonté de Ciel qui lui était manifestée.
En 1247 ces reliques furent mises dans une nouvelle châsse : la même que la cathédrale possède encore aujourd’hui. Cette châsse, ouvrage d’orfèvrerie de la plus grande délicatesse, a été faussement attribuée à saint Eloi, argentier de Dagobert.
Pendant les guerres de religion du XVIe siècle, le Chapitre de Tournai préserva de la profanation les reliques de saint Eleuthère en les enroyant à Douai (1566). Menacées à nouveau pendant la Révolution française, elles furent mises à l'abri dans une maison particulière de Tournai; elle. y restèrent jusqu’en 1801, époque à laquelle Mgr Hirn en fit la translation solennelle à la cathédrale.
On représente saint Eleuthère :
1. recevant la confession de Clovis ;
2. avec une église sur la main pour rappeler qu’il fut, sinon le fondateur, au moins le restaurateur du siège épiscopal de Tournai. II est figuré avec cet attribut par une statuette qui se voit encore aujourd'hui sur l'élégante châsse du Saint, dans la belle église romane de Notre-Dame de Tournai ;
3. avec une verge ou un fouet, symbole des fléaux que la dureté de cœur des Tournaisiens, avant leur conversion, leur attira.
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lundi, 19 février 2024
19 février. Saint Loup, archevêque de Sens. 610.
" Le Seigneur conduit le juste par des voies droites, et partout Il lui montre le royaume de Dieu."
Sap., X, 10.
Saint Loup faisant l'aumône. Vies de saints. R. de Monbaston. XIVe.
Saint Loup, né à Orléans de famille royale, resplendissait de toutes les vertus quand il fut élu archevêque de Sens. Il donnait presque tout aux pauvres, et un jour qu'il avait invité beaucoup de personnes à manger, il n'avait pas assez de vin pour suffire jusqu'au milieu du repas ; il dit alors à l’officier qui l’en prévenait :
" Je crois que Dieu, qui repaît les oiseaux, viendra au secours de notre charité."
Et à l’instant se présenta un messager qui annonça cent muids de vin à la porte.
Les gens de la cour l’attaquaient vivement d'aimer sans mesure une vierge, servante de Dieu, et fille de son prédécesseur ; en présence de ses détracteurs, il prit cette vierge et l’embrassa en disant :
" Les paroles d'autrui ne nuisent pas à celui auquel sa propre conscience ne reproche rien."
En effet, comme il savait que cette vierge aimait Dieu ardemment ; il la chérissait avec une intention très pure. Clotaire, roi des Francs, entrant en Bourgogne, avait envoyé, contre les habitants de Sens, son sénéchal qui se mit en devoir d'assiéger la ville, saint Loup entra dans l’église (550) de saint Étienne et se mit à sonner la cloche. En l’entendant, les ennemis furent saisis d'âne si grande frayeur qu'ils crurent ne pouvoir échapper à la mort, s'ils ne prenaient la fuite.
Enfin après s'être rendu maître du royaume de Bourgogne, le roi envoya un autre sénéchal à Sens : et comme saint Loup n'était pas venu au-devant de lui avec, des présents, le sénéchal outré le diffama auprès du roi afin que celui-ci l’envoyât en exil.
Saint Loup y brilla par sa doctrine et par ses miracles. Pendant ce temps-là, les Sénonais tuèrent un évêque usurpateur du siège de saint Loup et demandèrent au roi de rappeler le saint de son exil. Quand le roi vit revenir cet homme si mortifié, Dieu permit qu'il fût changé, à son égard, au point de se prosterner à ses pieds en lui demandant pardon. Il le combla de présents et le rétablit dans sa ville.
Saint Loup. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.
En revenant par Paris, une grande foule de prisonniers dont les cachots s'étaient ouverts et qui avaient été délivrés de leurs fers, vint à sa rencontre.
Un dimanche, pendant qu'il célébrait la messe, une pierre précieuse tomba du ciel dans son saint calice, et le roi la déposa avec ses autres reliques. Le roi Clotaire entendant que la cloche de Saint-Étienne avait des sons admirablement doux, donna des ordres pour qu'on la transportât à Paris afin de pouvoir l’entendre plus souvent. Mais comme cela déplaisait à saint Loup, aussitôt que la cloche eut été sortie de Sens, elle perdit le moelleux, de ses sons. A cette nouvelle, le roi la fit restituer à l’instant et aussitôt après elle rendit un son qui fut entendu dans la ville d'où elle était éloignée de sept milles. C'est pourquoi saint Loup alla (551) au-devant de ce qu'il regrettait d'avoir perdu et reçut la cloche avec honneur.
Saint Loup faisant l'aumône. Legenda aurea. R. de Monbaston. XIVe.
Une nuit qu'il priait, le démon lui fit ressentir une soif extraordinaire ; le saint homme se fit apporter de l’eau froide ; mais découvrant les ruses de l’ennemi, il mit son coussin sur le vase où il renferma le diable qui se mit à hurler et à crier pendant toute la nuit. Quand vint le matin, celui qui avait choisi les ténèbres pour tenter le saint, s'enfuit tout confus en plein jour.
Une fois qu'il venait de visiter, selon sa coutume, les églises de la ville, en rentrant chez lui, il entendit ses clercs se disputer parce qu'ils voulaient faire le mal avec des femmes. Il entra alors dans l’église, pria pour eux, et à l’instant, l’aiguillon de la tentation cessa absolument de les tourmenter : ils vinrent le trouver et lui demandèrent pardon.
Enfin après s'être rendu illustre, par une foule de vertus, il reposa en paix, vers l’an du Seigneur 610, du temps d'Héraclius.
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dimanche, 18 février 2024
Ier dimanche de Carême.
- Ier dimanche de Carême.
La tentation au désert. Duccio di Buoninsegna. XIVe.
Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Quarantaine, est aussi l'un des plus solennels de Tannée. Son privilège, qu'il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne cédera aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l'Eglise, ou de la Dédicace. Sur les anciens Calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l'Introït de la Messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d'un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s'étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l'église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.
C'est aujourd'hui que le Carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le Mercredi des Cendres, les fidèles n'ont pas l'obligation d'entendre la Messe. La sainte Eglise, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l'Office des Matines, en se servant de l'éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :
Notre Seigneur Jésus-Christ au désert. Alessandro Boncivino. XVIIe.
" Très chers fils, ayant a vous annoncer le jeûne sacré et solennel du Carême, puis-je mieux commencer mon discours qu'en empruntant les paroles de l'Apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répétant ce qu'on vient de vous lire : Voici maintenant a le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Car encore qu'il n'y ait point de temps dans l'année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d'une nouvelle confiance. En effet, le Carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la Passion du Seigneur.
Il est vrai qu'un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n'est pas le fait du grand nombre; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l'austérité du jeûne. et que les diverses occupations de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C'est donc avec une grande utilité pour nous qu'a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l'année.
Saint Léon le Grand allant au devant d'Attila.
Raphaël, Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIe.
A notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d'obéir au commandement de l'Apôtre, en nous affranchissant de tout ce qui peut souiller la chair et l'esprit, afin que le jeûne réprimant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l'âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l'occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire.
Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs langues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s'imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l'on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n'éloignait pas son âme de l'iniquité."
Notre Seigneur Jésus-Christ au désert.
Ivan Kramskoy. XIXe.
A LA MESSE
La Station, à Rome, est dans la Basilique patriarcale de Saint-Jean-de-Latran. Il était juste qu'un Dimanche aussi solennel fût célébré dans l'Eglise Mère et Maîtresse de toutes les Eglises. non seulement de la ville sainte, mais du monde entier. C'est là que les Pénitents publics étaient réconciliés le Jeudi saint ; là aussi, dans le Baptistère de Constantin, que les Catéchumènes recevaient le saint Baptême, dans la nuit de Pâques ; nulle autre Basilique ne convenait autant pour la réunion des fidèles, en ce jour où le jeûne quadragésimal fut promulgué tant de fois par la voix des Léon et des Grégoire.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. VI.
Saint Paul prêchant. Joseph-Benoît Suvée. XVIIIe.
" Mes Frères, nous vous exhortons de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ; car il est dit : " Je t'ai exaucé au temps favorable, et je t'ai aidé au jour du salut ". Voici maintenant ce temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Prenons garde de ne blesser personne, afin que notre ministère ne soit point un sujet de blâme ; mais agissons en toutes choses comme des serviteurs de Dieu, et avec une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes; par la chasteté, par la science, par la longanimité, par la douceur, par le Saint-Esprit, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice dont nous combattons à droite et à gauche ; dans l'honneur et dans l'ignominie, dans la bonne et la mauvaise renommée ; comme des séducteurs, quoique sincères el véritables ; comme des inconnus, quoique très connus ; comme toujours à la mort, et vivant néanmoins ; comme châtiés, mais non jusqu'à en mourir ; comme tristes, et cependant sans cesse dans la joie ; comme pauvres, et toutefois enrichissant plusieurs ; comme n'ayant rien, et possédant tout."
Saint Paul. Lorenzo di Niccolò di Martino. XVe.
Ce passage de l'Apôtre nous montre la vie chrétienne sous un aspect bien différent de celui sous lequel l'envisage ordinairement notre mollesse. Pour en éviter la portée, nous serions aisément disposés à penser que de tels conseils convenaient au premier âge de l'Eglise, où les fidèles, sans cesse exposés à la persécution et à la mort, avaient besoin d'un degré particulier de renoncement et d'héroïsme. Cependant ce serait une grande illusion de croire que tous les combats du chrétien sont finis. Reste toujours la lutte avec les démons, avec le monde, avec la chair et le sang ; et c'est pour cela que l'Eglise nous envoie au désert avec Jésus-Christ pour y apprendre à combattre.
C'est là que nous comprendrons que la vie de l'homme sur la terre est une milice (Job, VII, 1.), et que si nous ne luttons pas courageusement et toujours, cette vie que nous voudrions passer dans le repos finira par notre défaite. C'est pour nous faire éviter ce malheur que l'Eglise nous dit aujourd'hui, par l'organe de l'Apôtre : " Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ". " Agissons donc en toutes choses comme des serviteurs de Dieu " ; et tenons ferme jusqu'à la fin de cette sainte carrière. Dieu veille sur nous, comme il a veillé sur son Fils au désert.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IV.
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sandro Boticcelli. XVIe.
" En ce temps-là, Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable. Et après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur, s'approchant, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains."
Jésus répondit :
" Il est écrit : " L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu"."
Alors le diable le transporta dans la ville sainte, et l'ayant posé sur le sommet du temple, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : " Il a commandé à ses Anges de prendre soin de toi ; ils te soutiendront de leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied contre la pierre "."
Jésus lui dit :
" Il est écrit aussi : " Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu "."
Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, et, lui montrant tous les royaumes du monde avec leur pompe, il lui dit :
" Je te donnerai tout cela, si tu veux te prosterner devant moi et m'adorer."
Alors Jésus lui dit :
" Arrière ! Satan ; car il est écrit : " Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul "."
Alors le diable le laissa, et aussitôt les Anges s'approchèrent de lui, et le servaient."
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ (détail).
Sandro Boticcelli. XVIe.
Admirons l'ineffable bonté du Fils de Dieu qui, non content d'expier par la croix tous nos pèches, a daigné, pour nous encourager à la pénitence, s'imposer un jeûne de quarante jours et de quarante nuits. Il n’a pas voulu que la justice de son Père pût exiger de nous un sacrifice qu'il n'eût offert lui-même le premier en sa personne, et toujours avec des circonstances mille fois plus rigoureuses que celles qui peuvent se rencontrer en nous. Que sont nos œuvres de pénitence, si souvent encore disputées à la justice de Dieu par notre lâcheté, si nous les comparons à la rigueur de ce jeûne du Sauveur sur la montagne ? Chercherons-nous encore à nous dispenser de ces légères satisfactions dont le Seigneur daigne se contenter, et qui sont si loin de ce qu'ont mérite nos fautes ? Au lieu de plaindre une légère incommodité, une fatigue de quelques jours, compatissons plutôt à ce tourment de la faim qu'éprouve notre Rédempteur innocent, durant ces longs jours et ces longues nuits du désert.
La prière, le dévouement pour nous, la pensée des justices de son Père le soutiennent dans ses défaillances ; mais, à l'expiration de la quarantaine, la nature humaine est aux abois. C'est alors que la tentation vient l'assaillir ; mais il en triomphe avec un calme et une fermeté qui doivent nous servir d'exemple. Quelle audace chez Satan d'oser approcher du Juste par excellence ! Mais aussi quelle patience en Jésus ! Il daigne souffrir que le monstre de l'abîme mette la main sur lui, qu'il le transporte par les airs d'un lieu à un autre. L'âme chrétienne est souvent exposée à de cruelles insultes de la part de son ennemi ; quelquefois même, elle serait tentée de se plaindre à Dieu de l'humiliation qu'elle souffre. Qu'elle songe alors à Jésus, le Saint des Saints, donné, pour ainsi dire, en proie à l'esprit du mal. Il n'en est pas moins le Fils de Dieu, le vainqueur de l'enfer ; et Satan n'aura recueilli qu'une honteuse défaite.
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ary Scheffer. XIXe.
De même, l'âme chrétienne, sous l'effort de la tentation, si elle résiste de toute son énergie, n'en reste pas moins l'objet des plus tendres complaisances de Dieu, à la honte et au châtiment éternel de Satan. Unissons-nous aux Anges fidèles qui, après le départ du prince des ténèbres, s'empressent de reparer les forces épuisées du Rédempteur, en lui présentant de la nourriture. Comme ils compatissent a ses divines fatigues ! Comme ils réparent, dans leurs adorations, l'horrible outrage dont Satan vient de se rendre coupable envers le souverain Maître de toutes choses! Comme ils admirent cette charité d'un Dieu qui, dans son amour pour les hommes, semble avoir oublié jusqu'à sa dignité, pour ne plus songer qu'aux malheurs et aux besoins des enfants d'Adam !
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18 février. Saint Siméon, évêque de Jérusalem et martyr. 106.
" La plus vénérable de toutes les vieillesses n'est pas celle qui compte le plus d'années ; mais celle qui, à ses cheveux blancs, joint l'honneur d'une vie sans reproche et sans faiblesse ; car, dit encore le Seigneur, il est trois choses que je déteste par-dessus toutes : un pauvre orgueilleux, un riche vaniteux et un vieillard fat et insensé."
Sap., IV, 8 ; Eccli., XXV, 4.
Le Cycle nous amène aujourd'hui un vieillard de cent vingt ans, un Evêque, un Martyr. Siméon est l'Evêque de Jérusalem, le successeur de l'Apôtre tint Jacques sur ce siège ; il a connu le Christ, il a été son disciple ; il est son parent selon la chair, de la même maison de David ; fils de Cléophas, et de cette Marie que les liens du sang unissaient de si près à la Mère de Dieu qu'on l'a appelée sa sœur. Que de titres de gloire dans cet auguste vieillard qui vient augmenter le nombre des Martyrs dont la protection encourage l'Eglise, dans cette partie de l'année où nous sommes ! Un tel athlète, contemporain de la vie mortelle du Christ, un pasteur qui a répété aux fidèles les leçons reçues par lui de la propre bouche du Sauveur, ne devait remonter vers son Maître que par la plus noble de toutes les voies. Comme Jésus, il a été attaché à une croix ; et à sa mort, arrivée en l'an 106, finit la première période de l'Histoire Chrétienne, ce que l'on appelle les Temps Apostoliques.
Honorons ce majestueux Pontife en qui se réunissent tant de souvenirs, et prions-le d'étendre sur nous cette paternité dont les fidèles de Jérusalem se glorifièrent si longtemps. Du haut du trône éclatant où il est arrivé par la Croix, qu'il jette un regard sur nous, et qu'il nous obtienne les grâces de conversion dont nos âmes ont tant besoin.
Siméon, fils ou petit-fils de Cléopas, et cousin du Sauveur, était àgé de cent vingt ans. Depuis quelques mois on avait provoqué dans diverses villes de Judée des mouvements populaires dirigés contre les chrétiens. A Jérusalem, la haine des Juifs fit cause commune avec celle des hérétiques ébionites, esséens, elkasaïtes, dont plusieurs étaient à peine chrétiens.
Ces malheureux dénoncèrent l'évêque au double titre de chrétien et de descendant de David. Déjà, sous Domitien, l'autorité romaine avait poursuivi quelques pauvres gens apparentés à l'ancienne famille royale, mais ces poursuites s'étaient vite arrêtées devant l'inanité de l'accusation; sous Trajan, on reprit l'affaire, et la double accusation intentée contre le vieil évêque fut accueillie par le légat consulaire de la Palestine Tiberius Claudius Atticus.
Parmi ces hérétiques, il s'en trouva qui accusèrent Siméon, fils de Cléophas, d'appartenir à la famille de David et d'être chrétien. Siméon subit le martyre à l'âge de cent vingt ans, sous le règne de Trajan Auguste et l'administration d'Atticus, légat consulaire pour la Syrie. Siméon fut donc appelé à comparaître devant Atticus, et torturé pendant plusieurs jours de la façon la plus cruelle, Il ne laissa pas un instant de confesser sa foi, à ce point qu'Atticus lui-même et tous les assistants admirèrent grandement son courage. étonnés qu'un homme âgé de cent vingt ans pût supporter de si nombreuses tortures. On finit par le mettre en croix.
Martyr de saint Siméon. Gravure de Jacques Callot. XVIIe.
" Celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les deux, est pour moi un frère, une sœur, une mère." (Matth.XII, 50.).
Nous n'avons point reçu immédiatement, comme vous, de la bouche de Jésus, la doctrine du salut ; mais nous ne la possédons pas moins pure, au moyen de cette tradition sainte dont vous êtes l'un des premiers anneaux ; obtenez que nous y soyons toujours dociles, et que nos infractions nous soient pardonnées. Une croix n'a pas été dressée pour que nous y soyons cloués par nos membres ; mais ce monde est semé d'épreuves auxquelles le Seigneur a donné lui-même le nom de Croix. Il nous faut les subir avec constance, si nous voulons avoir part avec Jésus dans sa gloire. Demandez, Ô Siméon, que nous nous montrions plus fidèles, que notre cœur ne se révolte pas, que nous réparions les fautes que souvent nous avons commises, en voulant nous soustraire à l'ordre de Dieu."
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