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26 juillet. Sainte Anne et saint Joachim, parents de Notre Dame la très sainte Vierge Marie. Ier siècle.

- Sainte Anne et saint Joachim, parents de Notre Dame la très sainte Vierge Marie. Ier siècle.

Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.

" Ô couple trois fois heureux de saint Joahim et de sainte Anne ! Vous avez à notre reconnaissance un droit imprescriptible : grâce à vous, nous avons pu offrir à notre Dieu le don le plus sensible à son coeur, une mère vierge, la seule mère digne du Créateur."
Saint Jean Damascène. Orat. I de nat. B. M. V.


Saint Joachim et sainte Anne à la Porte dorée. Nicolas d'Ypres. XVIe.

Joignant le sang des rois à celui des pontifes, Anne apparaît glorieuse plus encore de son incomparable descendance au milieu des filles d'Eve. La plus noble de toutes celles qui conçurent jamais en vertu du Croissez et multipliez des premiers jours (Gen. I, 28.), à elle s'arrête, comme parvenue à son sommet, comme au seuil de Dieu, la loi de génération de toute chair ; car de son fruit Dieu même doit sortir, fils uniquement ici-bas de la Vierge bénie, petit-fils à la fois d'Anne et de Joachim.

Avant d'être favorisés de la bénédiction la plus haute qu'union humaine dût recevoir, les deux saints aïeuls du Verbe fait chair connurent l'angoisse qui purifie l'âme. Des traditions dont l'expression, mélangée de détails de moindre valeur, remonte pourtant aux origines du christianisme, nous montrent les illustres époux soumis à l'épreuve d'une stérilité prolongée, en butte à cause d'elle aux dédains de leur peuple, Joachim repoussé du temple allant cacher sa tristesse au désert, et Anne demeurée seule pleurant son veuvage et son humiliation. Quel exquis sentiment dans ce récit, comparable aux plus beaux que nous  aient gardes les saints Livres (dans le proto-évangile de Jacques) !

" C'était le jour d'une grande fête du Seigneur. Maigre sa tristesse extrême, Anne déposa ses vêtements de deuil, et elle orna sa tête, et elle se revêtit de sa robe nuptiale. Et vers la neuvième heure, elle descendit au jardin pour s'y promener ; et voyant un laurier, elle s'assit à son ombre et répandit sa prière en présence du Seigneur Dieu, disant :
" Dieu de mes pères, bénissez-moi et exaucez mes supplications, comme vous avez béni Sara et lui avez donné un fils !"

Et levant les yeux au ciel, elle vit sur le laurier un nid de passereau, et gémissant elle dit :
" Hélas ! Quel sein m'a portée, pour être ainsi malédiction en Israël ? A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux oiseaux du ciel ; car les oiseaux sont bénis de vous, Seigneur.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux animaux de la terre ; car eux aussi sont féconds devant vous.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer aux eaux ; car elles ne sont point stériles en votre présence, et les fleuves et les océans poissonneux vous louent dans leurs soulèvements ou leur cours paisible.
A qui me comparer ? Je ne puis me comparer  à la terre même; car la terre elle aussi porte ses fruits en son temps, et elle vous bénit, Seigneur."


Or voici qu'un Ange du Seigneur survint, lui disant :
" Anne, Dieu a exaucé ta prière ; tu concevras et enfanteras, et ton fruit sera célébré dans toute terre habitée."
Et le temps venu, Anne mit au monde une fille, et  elle  dit :
" Mon âme  est magnifiée à cette heure."

Et elle nomma l'enfant Marie ; et lui donnant le sein, elle entonna ce cantique au Seigneur :
" Je chanterai la louange du Seigneur mon Dieu ; car il m'a visitée, il a éloigné de moi l'opprobre, il m'a donné un fruit de justice. Qui annoncera aux fils de Ruben qu'Anne est devenue féconde ? Ecoutez, écoutez, douze tribus : voici qu'Anne allaite !"

Sainte Anne avec Notre Dame allant au Temple. J. Stella. XVIIe.

La fête de Joachim, que l'Eglise a placée au Dimanche dans l'Octave de l'Assomption de sa bienheureuse fille, nous permettra de compléter bientôt l'exposé si suave d'épreuves et de joies qui furent aussi les siennes. Averti par le ciel de quitter le désert, il avait rencontré son épouse sous la porte Dorée donnant accès au temple du côté de l'Orient. Non loin, près de la piscine Probatique, où les agneaux destinés à l'autel lavaient leur blanche toison avant d'être offerts au Seigneur, s'élève aujourd'hui la basilique restaurée de Sainte-Anne, appelée primitivement Sainte-Marie de la Nativité. C'est là que, dans la sérénité du paradis, germa sur la tige de Jessé le béni rejeton salué du Prophète a et qui devait porter la divine fleur éclose au sein du Père avant tous les temps. Séphoris, patrie d'Anne, Nazareth, où vécut Marie, disputent, il est vrai, à la Ville sainte l'honneur que réclament ici pour Jérusalem d'antiques et constantes traditions. Mais nos hommages à coup sûr ne sauraient s'égarer, quand ils s'adressent en ce jour à la bienheureuse Anne, vraie terre incontestée des prodiges dont le souvenir renouvelle l'allégresse des cieux, la fureur de Satan, le triomphe du monde.

Anne, point de départ du salut, horizon qu'observaient les Prophètes, région du ciel la première empourprée des feux de l'aurore ; sol béni, dont la fertilité  si pure  donna dès lors à croire aux Anges qu'Eden nous était rendu ! Mais dans l'auréole d'incomparable paix qui l'entoure, saluons en elle aussi la terre de victoire éclipsant tous les champs de  bataille fameux : sanctuaire de l'Immaculée Conception, là fut repris par notre race humiliée le grand combat (Apoc. XII, 7-9.) commencé près du trône de  Dieu par les célestes phalanges ; là le dragon chassé des deux vit broyer sa tête, et Michel surpassé en gloire remit joyeux à la douce souveraine qui, dès son éveil à l'existence, se déclarait ainsi, le commandement des armées du Seigneur.

Quelle bouche humaine, si le charbon  ardent ne l’a touchée (Isai. VI, 6-7.), pourra dire l'admiratif étonnement des angéliques principautés, lorsque la  sereine complaisance de la  Trinité sainte, passant des brûlants Séraphins jusqu'aux  derniers  rangs des neuf chœurs, inclina leurs regards de feu à la contemplation de la sainteté subitement éclose au sein d'Anne ? Le Psalmiste avait dit de la Cité glorieuse dont les fondations se cachent en celle qui auparavant fut stérile: Ses fondements sont posés sur les saintes montagnes (Psalm. LXXXVI, 1.) ; et les célestes hiérarchies couronnant les pentes des collines éternelles découvrent là des hauteurs inconnues qu'elles n'atteignirent jamais, des sommets avoisinant la divinité de si presque déjà elle s'apprête à y poser son trône. Comme Moïse à la vue du buisson ardent sur Horeb, elles sont saisies d'une frayeur sainte, en reconnaissant au désert de notre monde de néant la montagne de Dieu, et comprennent que l'affliction d'Israël va cesser (Ex. III, 1-10.). Quoique sous le nuage qui la couvre encore, Marie, au sein d'Anne, est en effet déjà cette montagne bénie dont la base, le point de départ de grâce, dépasse le faîte des monts où les plus hautes saintetés créées trouvent leur consommation dans la gloire et l'amour.

Reliquaire de la cathédrale d'Apt. Y sont conservées
les précieuses reliques de sainte Anne. Provence.

Oh ! Combien donc justement Anne, par son nom, signifie grâce, elle qui, neuf mois durant, resta le lieu des complaisances souveraines du Très-Haut, de l'extase des très purs esprits, de l'espoir de toute chair ! Sans doute ce fut Marie, la fille et non la mère, dont l'odeur si suave attira dès lors si puissamment les cieux vers nos humbles régions. Mais c'est le propre du parfum d'imprégner de lui premièrement le vase qui le garde, et, lors même qu'il en est sorti, d'y laisser sa senteur. La coutume n'est-elle pas du reste que ce vase lui aussi soit avec mille soins préparé d'avance, qu'on le choisisse d'autant plus pure, d'autant plus noble matière, qu'on le relève d'autant plus riches ornements que plus exquise et plus rare est l'essence qu'on se propose d'y laisser séjourner ?

Ainsi Madeleine renfermait-elle son nard précieux dans l'albâtre (Marc, XIV, 3.). Ne croyons pas que l'Esprit-Saint, qui préside à la composition des parfums du ciel, ait pu avoir de tout cela moins souci que les hommes. Or le rôle de la bienheureuse Anne fut loin de se borner, comme fait le vase pour le parfum, à contenir passivement le trésor du monde. C'est de sa chair que prit un corps celle en qui Dieu prit chair à son tour ; c'est de son lait qu'elle fut nourrie ; c'est de sa bouche que, tout inondée qu'elle fût directement de la divine lumière, elle reçut les premières et pratiques notions de la vie. Anne eut dans l'éducation de son illustre fille la part de toute mère ; non seulement, quand Marie dut quitter ses genoux, elle dirigea ses premiers pas ; elle fut en toute vérité la coopératrice de l'Esprit-Saint dans la formation de cette âme et la préparation de ses incomparables destinées : jusqu'au jour où, l'œuvre parvenue à tout le développement qui relevait de sa maternité, sans retarder d'une heure, sans retour sur elle-même, elle offrit l'enfant de sa tendresse à celui qui la lui avait donnée.

" Sic fingit tabernaculum Deo."
" Ainsi elle crée un tabernacle à Dieu."
C'était la devise que portaient, autour de l'image de sainte Anne instruisant Marie, les jetons de l'ancienne corporation des ébénistes et des menuisiers, qui, regardant la confection des tabernacles de nos églises où Dieu daigne habiter comme son œuvre la plus haute, avait pris sainte Anne pour patronne et modèle auguste. Heureux âge que celui où ce que l'on aime à nommer la naïve simplicité de nos pères, atteignait si avant dans l'intelligence pratique des mystères que la stupide infatuation de leurs fils se fait gloire d'ignorer ! Les travaux du fuseau, de tissage, de couture, de broderie, les soins d'administration domestique, apanage de la femme forte exaltée au livre des Proverbes (Prov. XXXI, 10-31.), rangèrent naturellement aussi dans ces temps les mères de famille, les maîtresses de maison, les ouvrières du vêtement, sous la protection directe de la sainte épouse de Joachim. Plus d'une fois, celles que le ciel faisait passer par l'épreuve douloureuse qui, sous le nid du passereau, avait dicté sa prière touchante, expérimentèrent la puissance d'intercession de l'heureuse mère de Marie pour attirer sur d'autres qu'elle-même la bénédiction du Seigneur Dieu.

Pardon de Sainte-Anne-la-Palud. XVIIIe siècle.

L'Orient précéda l'Occident dans le culte public de l'aïeule du Messie. Vers le milieu du VIe siècle, Constantinople lui dédiait une église. Le Typicon de saint Sabbas ramène sa mémoire liturgique trois fois dans l'année : le 9 septembre, en la compagnie de Joachim son époux, au lendemain de la Nativité  de leur illustre fille ; le 9 décembre, où les Grecs, qui retardent d'un jour sur les Latins la solennité de la Conception immaculée de Notre-Dame, célèbrent cette fête sous un titre qui rappelle plus directement la part d'Anne au mystère ; enfin le 25 juillet, qui, n'étant point occupé chez eux par la mémoire de saint Jacques le Majeur anticipée au 3o avril, est appelé Dormition ou mort précieuse de sainte Anne, mère de la très sainte Mère de Dieu : ce sont les expressions mêmes que le Martyrologe romain devait adopter par la suite.

Si Rome, toujours plus réservée, n'autorisa que beaucoup plus tard l'introduction dans les Eglises latines d'une fête liturgique de sainte Anne, elle n'avait point attendu cependant pour diriger de ce côté, en l'encourageant, la piété des fidèles. Dès le temps de saint Léon III (795-816.) ,et parle commandement exprès de l'illustre Pontife, on représentait l'histoire d'Anne et de Joachim sur les ornements sacrés destinés aux plus nobles basiliques de la Ville éternelle (Lib. pontif. in Leon.  III.). L'Ordre des Carmes, si dévot à sainte Anne, contribua  puissamment, par son heureuse transmigration dans nos contrées, ai développement croissant d'un culte appelé d'ailleurs comme naturellement par les progrès de la dévotion des peuples à la Mère de Dieu. Cette étroite relation des deux cultes est en effet rappelée dans les termes de la concession par laquelle, en 1381, Urbain VI donnait satisfaction aux vœux des fidèles d'Angleterre et autorisait pour ce royaume la fête de la bienheureuse Anne (Labb. Concil. XI, p. II, col. 2050.). Déjà au siècle précédent, l'Eglise d'Apt en Provence était en possession de cette solennité : priorité s'expliquant chez elle par l'honneur insigne qui lui échut pour ainsi dire avec la foi, lorsque au premier âge du christianisme elle reçut en dépôt le très saint corps de l'aïeule du Messie.

Saint Joachim et Notre Dame. J. Stella. XVIIe.

Depuis que le Seigneur remonté aux cieux a voulu  que, comme lui, Notre-Dame y fût couronnée sans plus tarder dans la totalité de son être virginal, n'est-il pas vrai de dire que les  reliques de la Mère de Marie doivent être doublement chères au monde : et comme toutes autres, en raison de la sainteté de celle dont ils sont les restes augustes ; et plus qu'aucunes autres, par ce côté qui nous les montre en voisinage plus immédiat qu'aucune avec le mystère de la divine Incarnation ? Dans son abondance, l'Eglise d'Apt crut pouvoir se montrer prodigue ; si bien qu'il nous serait impossible d'énumérer les sanctuaires qui, soit de cette source incomparable, soit d'ailleurs pour de plus ou moins notables portions, se trouvent aujourd'hui  enrichis  d'une part de ces restes précieux. Nous ne pouvons omettre de nommer cependant, parmi ces lieux privilégiés, l'insigne basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs ; dans une apparition à sainte Brigitte de Suède (Revelationes S. Birgittae, Lib. VI, cap. 104.), Anne voulut confirmer elle-même l'authenticité du bras que l'église où repose le Docteur des nations, conserve d'elle comme un des plus nobles joyaux de son opulent trésor.

Ce fut seulement en 1584, que Grégoire XIII ordonna la célébration de la fête du 26 juillet dans le monde entier, sous le rit double. C'était Léon XIII qui devait, de nos jours (1879), l'élever en même temps que celle de saint Joachim à la dignité des solennités de seconde Classe. Mais auparavant, en 1622, Grégoire XV, guéri d'une grave maladie par sainte Anne, avait déjà mis sa fête au nombre des fêtes de précepte entraînant l'abstention des œuvres serviles.

Anne recevait enfin ici-bas les hommages dus au rang qu'elle occupe au ciel ; elle ne tardait pas à reconnaître par des bienfaits nouveaux la louange plus solennelle qui lui venait delà terre. Dans les années 1623, 1624, 1625, au village de Keranna près Auray en Bretagne, elle se manifestait à Yves Nicolazic, et lui faisait trouver au champ du Bocenno, qu'il tenait à ferme, l'antique statue dont la découverte allait, après mille ans d'interruption et de ruines, amener les peuples au lieu où l'avaient jadis honorée les habitants de la vieille Armorique. Les grâces sans nombre obtenues en ce lieu, devaient en effet porter leur renommée bien au delà des frontières d'une province à laquelle sa foi, digne des anciens âges, venait de mériter la faveur de l'aïeule du Messie ; Sainte-Anne d'Auray allait compter bientôt parmi les principaux pèlerinages du monde chrétien.

CULTE

Le culte de sainte Anne a subi diverses alternatives. Son corps fut transporté dans les Gaules, au premier siècle de l'ère chrétienne, et enfoui dans un souterrain de l'église d'Apt, en Provence, à l'époque des persécutions. A la fin du VIIIe siècle, il fut miraculeusement découvert et devint l'objet d'un pèlerinage. Mais c'est surtout au XVIIe siècle que le culte de sainte Anne acquit la popularité dont il jouit. De tous les sanctuaires de sainte Anne, le plus célèbre est celui d'Auray, en Bretagne ; son origine est due à la miraculeuse découverte d'une vieille statue de la grande Sainte, accompagnée des circonstances les plus extraordinaires et suivies de prodiges sans nombre. Sainte-Anne d'Auray est encore aujourd'hui l'objet d'un pèlerinage national.


Statue de saint Joachim et de sainte Anne à la Porte dorée.
Troyes. Champagne. XVIIe.

En Espagne elle avait été, dit-on, introduite par le Carmel qui lui a maintenu sa fidélité. On trouve un bel exemple de la dévotion espagnole dans Anne d'Autriche, qui, non contente de porter son nom, se plut à propager le culte de sa sainte patronne et à enrichir ses sanctuaires français d'Apt et d'Auray, après la naissance quasi miraculeuse de Louis XIV.

Mais la sainte avait décidé d'établir elle-même son culte en France et d'en faire en quelque sorte sa terre d'élection. Déjà la Provence l'honorait à Apt et se vantait de " posséder son corps ". (Il est vrai qu'on ne sait trop comment il y serait venu. Peut-être à la suite des croisades ? Ce fut une occasion pour beaucoup d'églises d'Occident de s'e

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mercredi, 26 juillet 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)

22 novembre. Sainte Cécile de Rome, vierge et martyre, avec saint Tiburce et saint Valérien, martyrs. 177 - 180.

- Sainte Cécile de Rome, vierge et martyre, avec saint Tiburce et saint Valérien, martyrs. 177, 180.

Pape : Saint Eleuthère. Empereur romain d'Occident : Marc-Aurèle.

" Plurima cum sponso generavit pignora virgo."
" Vierge avec un épous vierge, elle a enfanté à l'Eglise une famille nombreuse."
Hugues Vaillant, Fasta Sacri.


Sainte Cécile. Anonyme. XVIIe. Chambéry.

Pour prévenir tout malentendu, nous répéterons que dire de certains actes qu'ils sont interpolés, ce n'est pas rejeter du même coup l'existence ou le martyre d'un saint. Prenons pour exemple sainte Cécile ; nous ne pensons pas qu'un seul historien admette aujourd'hui l'authenticité de ses actes ; on peut s'en rapporter là-dessus à son plus illustre historien, Dom Guéranger. Mais ce n'est pas à dire que l'existence ou le martyre de la sainte patricienne, ni même que certains éléments de son procès ne soient pas authentiques.

Les Actes de sainte Cécile ne sont, à première vue, qu'un fatras de discours insérés dans les intervalles de quelques faits assez bien circonstanciés. L'étude attentive de cette pièce conduit aux conclusions suivantes : Le martyrologe d'Adon donne d'abord la date du martyre qu'il a dû emprunter à un document ancien : " Passa est beata virgo Marco Aurelio et Commodo imperatoribus ", ce qui nous limite aux années emprises entre l'élévation de Commode à la dignité d'Auguste et la mort de Marc-Aurèle (177-180).

En ce qui concerne l'épisode lui-même du martyre, il se réduit à ceci : Une jeune clarissime épouse un patricien à qui elle persuade de garder la continence, puis le convertit et lui fait donner le baptême. Le frère du mari se convertit également et reçoit le baptême. Les deux jeunes hommes pleins de zèle, s'ingénient à procurer la sépulture aux corps des martyrs. Dénoncés de ce chef au préfet urbain, ils refusent de sacrifier et sont décapités.


Sainte Cécile et deux anges. Antiveduto Grammatica. XVIIe. Italie.

On les conduit à quatre milles de Rome ; eux, en chemin, convertissent le greffier et plusieurs employés. Le greffier se déclare chrétien et on l'assomme à coups de fouets plombés. Les trois martyrs sont enterrés sur la voie Appienne par Cécile, qui elle-même est arrêtée peu après. Mais elle était prévenue et avait pris ses dispositions touchant ses biens. L'interrogatoire contient plusieurs traits probablement authentiques. Le préfet lui rappela le texte des rescrits impériaux alors en vigueur :
" Ignores-tu que nos seigneurs, les invincibles princes, ont ordonné de punir ceux qui ne renieraient pas la religion chrétienne et de renvoyer absous ceux qui la renieraient ?"

Ce sont les propres termes du rescrit adressé en 177 au légat de la Lyonnaise.
" Voici, ajouta-t-il, les accusateurs qui déposent que tu es chrétienne. Nie-le, et les conséquences de l'accusation retomberont sur eux."
Allusion très claire au rescrit d'Hadrien à Minucius Fundanus, qui n'avait pas cessé de faire loi. Cécile fut condamnée à être asphyxiée dans la salle de bains de sa maison ; mais la sainte survécut à ce supplice ; un licteur, envoyé pour lui couper la tête, lui entailla le cou par trois fois et la laissa respirant encore ; elle agonisa pendant trois jours. On l'enterra dans un domaine funéraire de la voie Appienne.

Plusieurs traits de ce récit démontrent quelles Actes contiennent une part sérieuse de vérité. La formule du pluriel pour désigner les empereurs, le refus de sépulture aux martyrs, la citation des rescrits d'Hadrien et de Marc-Aurèle dont le règne et celui de Commode devaient voir disparaître la jurisprudence à laquelle il est fait allusion ici.

Huit épisodes de la vie de sainte Cécile.
Le Maître de Sainte-Cécile. Florence. XIVe

La découverte et la reconnaissance des restes apporta un témoignage décisif. En 822, le pape Pascal Ier trouva le corps intact dans le cercueil de cyprès dont parlent les Actes; les vêtements, les compresses qui avaient étanché le sang confirmaient le récit des Actes.

En 1599, une seconde reconnaissance donna lieu aux mêmes constatations. On découvrit alors un autre sarcophage qui contenait deux corps du sexe masculin, tous deux décapités, et un troisième dont la chevelure brune collée de sang recouvrait encore un crâne fracturé en divers endroits, ce qui est d'accord avec le récit des Actes touchant le supplice des plumbatae infligé à Maxime.

Par contre, les Actes ont confondu un évêque du nom d'Urbain avec le pape Urbain, postérieur d'un demi-siècle ; de plus, ils racontent à rebours tout ce qui a trait à l'inhumation de Cécile dans la crypte où furent dans la suite déposés les papes, lorsque ce domaine fut devenu propriété ecclésiastique.


Sainte Cécile. Raphaël. XVIe.

Cécile avait entendu la voix qui nous dit dans l'Évangile :
" Venez à moi vous tous qui travaillez, et qui êtes accablés, et je vous soulagerai."

Aussi portait-elle toujours sur sa poitrine les saints Évangiles, qu'elle lisait et relisait nuit et jour au cours d'une prière ininterrompue. Elle avait un tout jeune fiancé nommé Valérien, épris de sa beauté. Le jour des noces était fixé. Sous sa robe tissée d'or elle portait un cilice. Quand vint le jour du mariage, Cécile disait pendant le concert :
" Seigneur, faites que mon coeur et mon âme demeurent immaculés, qu'ils soient tout entiers à vos préceptes, afin que je ne sois pas confondue."

Elle jeûna pendant deux ou trois jours, se recommandant à Dieu, invoquant les Anges, suppliant les Apôtres et implorant toutes les saintes servantes de Jésus-Christ afin qu'ils l'aidas-sent ; elle remettait sa chasteté entre les mains de Dieu.

La nuit arriva, elle se trouva seule avec son mari et réclama d'abord un secret absolu sur la confidence qu'elle voulait lui faire ; il s'y engagea. Alors Cécile lui confia qu'elle était vierge et que celui qui attenterait à sa chasteté, fût-il son mari, serait frappé de Dieu. Le mari, vivement intrigué de tout ce mystère, consentit à aller en chercher l'explication chez un évêque qui habitait Rome et qui avait nom Urbain. Ce personnage catéchisa séance tenante le visiteur, le baptisa, lui apprit le symbole et le renvoya à Cécile. Dans sa ferveur de converti, il tenta d'amener à la foi son propre frère Tiburce, dont le même évêque Urbain acheva l'instruction et consomma la régénération.


Psautier cistercien. Besançon. XIIIe.

Turcius Almachius était alors préfet de la ville ; il ne se passait pas de jour qu'il ne fit mourir quelque chrétien. Il était défendu de prendre soin de leur sépulture. Néanmoins Tiburce et Valérien s'y employaient tous les jours, ainsi qu'à l'aumône et à la prière. Tandis qu'ils s'adonnaient à ces oeuvres, il arriva — les bons ne sont-il pas toujours à charge aux méchants ? — qu'on dénonça leur conduite au préfet ; on exposa ce que Dieu, par leur entremise faisait aux pauvres, et le soin qu'ils prenaient d'enterrer ceux que le préfet avait condamnés à mort. Ils furent arrêtés et comparurent.

[Tiburce fut interrogé le premier, ce fut ensuite le tour de Valérien.] Almachius ordonna que Valérien fût flagellé. Pendant le supplice, il disait doucement :
" Voilà l'heure que je désirais tant, voilà un jour plus beau que tous les jours de fête."
Tandis qu'on le battait, le héraut criait :
" Ne blasphème pas les dieux et les déesses."

Valérien criait aux spectateurs :
" Romains, que cette misère ne vous détourne pas de la vérité, tenez bon, piétinez les idoles de bois et de pierre d'Almachius, car leurs adorateurs iront au supplice éternel."


Cathédrale Sainte-Cécile d'Albi.

Tarquinius, assesseur du préfet — on l'appelait quelquefois Laccas — dit à l'oreille d'Almachius :
" Saisis l'occasion par les cheveux, commence par débarrasser la terre de cette femme. Si tu tardes encore, remettant d'un jour à l'autre, ils auront dissipé toute leur fortune pour les pauvres, et une fois morts, on ne trouvera plus rien."


Sainte Cécile. Demi-relief.
Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. Picardie.

Le préfet jugea l'avis bon à suivre et ordonna aux licteurs d'emmener les condamnés, et s'ils refusaient de sacrifier l'un et l'autre à Jupiter, de leur couper la tête. Les confesseurs partirent, le greffier Maxime les escortait, on se rendit au Pagus Triopius. [Pendant la route, le greffier fut touché de la grâce et se convertit, ainsi que plusieurs appariteurs.]

Arrivés à quatre milles de Rome, il fallait passer devant le portail d'un temple devant lequel tous les passants étaient tenus de brûler de l'encens à Jupiter. Quand Tiburce et Valérien arrivèrent, ils furent invités à offrir l'encens ; ils refusèrent, s'agenouillèrent, et on leur coupa la tète...

Almachius, prévenu de ce qui s'était passé, ordonna de casser la tète à Maxime à coups de fouet plombé. Cécile, qui avait enseveli près de là Tiburce et Valérien, leur adjoignit Maxime et fit sculpter un phénix sur son tombeau. [Quelque temps après, on arrêta Cécile, qui avait eu le temps de céder sa maison à un sénateur nommé Gordien, à charge de remettre la propriété à l'Église de Rome.]


Sainte Cécile et saint Valérien.
Legenda aurea. J. de Voragine. Mâcon. XVe.
 
Almachius fit comparaître Cécile :
" Jeune fille, ton nom ?
— Cécile.
— De quelle condition ?
— Libre, noble, clarissime.
— Je t'interroge sur ta religion et non pas sur ta famille.
— Ta question n'est donc pas bien faite, puisqu'on peut y faire deux réponses.
— Qu'est-ce qui te rend si audacieuse ?
— Le repos de ma conscience et la pureté de ma foi.
— Ignores-tu l'étendue de mes pouvoirs ?
— C'est toi qui ignore ton pouvoir. Si tu m'avais interrogée sur ton pouvoir, je t'aurais répondu en toute vérité.
— Explique-toi.
— Toute puissance humaine ressemble à une outre gonflée vent, une piqûre d'aiguille et elle s'affaisse, et tout ce qui semblait avoir consistance s'est évaporé.
— Tu as commencé par des insolences, tu continues.
— Il n'y a d'insolence qu'à tromper. Ai-je trompé ? montre-le, alors je conviendrai de l'insolence, sinon, repens-toi, tu en as menti.
— Ne sais-tu pas que nos maîtres, les invincibles empereurs, ont ordonné que tous ceux qui ne voudront pas nier qu'ils sont chrétiens soient punis, et que ceux qui consentiront à le nier soient élargis ?
— Vous vous valez, les empereurs et ton Excellence. L'ordre qu’ils ont porté prouve leur cruauté et notre innocence. Si le nom de chrétien était criminel, ce serait à nous de le nier et à vous de nous le faire confesser, même par force.
— C'est dans leur clémence que les empereurs ont pris cette disposition, ils ont voulu vous fournir un moyen de sauver votre vie.
— Y a-t-il rien d'aussi scélérat et de plus funeste aux innocents que d'employer, à l'égard des malfaiteurs, toutes les tortures afin de leur faire avouer leur crime et leurs complices, vous nous savez innocents et c'est notre nom seul que vous punissez. Mais nous savons ce que vaut le nom du Christ et nous nous ne pouvons le renier. Mieux vaut mourir pour le bonheur que vivre pour la douleur. Nous ne mentons pas et ainsi nous vous punissons, parce que vous voudriez nous faire mentir.
— Choisis entre les deux, sacrifie ou bien nie que tu es chrétienne, et tout sera pardonné.


Statue de sainte Cécile. XVIIe.
Cathédrale Notre-Dame de Tulle. Limousin.

Cécile se mit à rire :
" Ô piteux magistrat ! Il veut que je nie afin d'être innocente, et c'est cela qui me rendra coupable. Si tu veux condamner, il ne faut pas me faire nier ; si tu veux me renvoyer, renseigne-toi.
— Voici les témoins ; ils déposent que tu es chrétienne. Nie-le et tout sera dit. Si tu ne nies pas, ne t'en prends qu'à ta sottise quand tu seras condamnée.
— Je désirais cette dénonciation et la peine à laquelle tu me condamneras sera ma victoire.
— Malheureuse, j'ai le droit de vie et de mort ; les empereurs me l'ont donné. Comment oses-tu me parler avec cet orgueil ?
— L'orgueil est un, la fermeté est autre. J'ai parlé avec fermeté mais sans orgueil, car, nous autres, nous condamnons l'orgueil. Si tu ne craignais pas d'entendre une vérité de plus, je te montrerais encore une fois que tu as menti.
— En quoi ai-je menti ?
— Tu as dit que les empereurs t'ont accordé le droit de vie et de mort.
— Et j'en ai menti ?
— Oui, et si tu veux, je te le ferai voir.
— Parle.
— Tu as dit que les empereurs t'ont donné le droit de vie et de mort. Or, tu n'as que le droit de mort Tu peux faire perdre la vie aux vivants, mais tu ne peux pas donner la vie aux morts. Vante-toi d'avoir reçu des empereurs un ministère de mort. Si tu en dis plus, tu mens, et cela ne tient pas debout.
— Assez de bavardages, madame, assez de fanfaronnades, approche, sacrifie.
— As-tu perdu les yeux ? A la place des dieux, je vois — et tous ceux qui ont bonne vue en sont là — je vois des pierres, de l'airain, du plomb.
— En philosophe, je méprisais tes impertinences à mon égard, maintenant il s'agit des dieux, c'en est plus que je ne puis souffrir.
— Depuis que tu parles, tu n'as dit que mensonges, folies et sottises. Je te l'ai fait voir. Maintenant te voilà aveugle, là où il y a une pierre bonne à rien, tu appelles cela : dieu. Je vais te donner une idée : prends-les en mains, tu verras si ce n'est pas de la pierre. C'est honteux de faire rire tout le monde de toi. Tout le monde sait que Dieu est au ciel, mais pour ces pierres, on en pourrait bien faire de la chaux, elles se détériorent à ne rien faire et ne peuvent te défendre ni elles-mêmes si on en fait de la chaux, ou si tu péris toi-même."


Martyre de sainte Cécile. Urbain et le cercueil de la sainte martyre.
Legenda aurea. J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Le préfet ordonna que Cécile fût reconduite chez elle et asphyxiée dans la salle de bains de sa maison. Elle y demeura enfermée un jour et une nuit, pendant qu'on y entretenait grand feu, mais elle s'y trouvait comme dans un lieu bien aéré et, Dieu aidant, sans aucun mal, son corps ne portait même pas trace de sueur.
Almachius, prévenu, envoya un licteur pour lui couper la tête dans cette même salle de bains. Le bourreau lui donna trois coups d'épée et s'en alla ; la tête tenait encore à moitié. Tous ceux que Cécile avait convertis vinrent tremper du linge et des éponges dans son sang.
Elle survécut trois jours encore, pendant lesquels elle ne cessa de

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mercredi, 22 novembre 2023 | Lien permanent

16 avril. Saint Paterne ou saint Pair, évêque d'Avranches, et saint Scubilion, le compagnon de sa solitude. 565.

- Saint Paterne ou saint Pair, évêque d'Avranches, et saint Scubilion, le compagnon de sa solitude. 565.

Pape : Jean III. Roi de France : Sigebert Ier.

" Efforcez-vous d'affermir votre vocation et votre élection par les bonnes oeuvres."
II Pet., I, 10.


Saint Paterne et saint Scubilion.
Verrière de l'église Saint-Patrice. Rouen. Normandie.

Saint Paterne, dit autrement saint Pair, naquit à Poitiers, ville de Guyenne, vers l'an 480, de parents fort illustres par leur noblesse et par les charges qu'ils possédaient. Son père y remplissait des fonctions importantes. Après la mort de celui-ci, Julite, sa veuve, éleva son fils dans les principes qu'une mère vertueuse peut inspirer à ses enfants, et le jeune Paterne fit de grands progrès dans l'exercice de la loi chrétienne.

Il avait ainsi atteint sa vingtième année, lorsque cédant à une inspiration du ciel, il prit l'habit religieux au monastère d'Ansion, appelé depuis Saint-Jouin-de-Marnes. Son esprit d'ordre, sa discrétion, son amour de la régularité persuadèrent à son abbé qu'il remplirait bien la charge de cellérier, et en effet il s'en acquitta de manière à prouver qu'un jour il pourrait diriger des affaires autrement importantes.

Bientôt, il voulut chercher une solitude plus retirée, afin d'y vivre selon une pratique plus parfaite de l'humilité, de la mortification et de la pénitence. Il s'en ouvrit à son confrère nommé Scubilion et ils s'enfuirent en secret dans une région lointaine pour se fixer dans la Normandie, non loin de la ville de Coutances, ville déjà pourvue d'un évêché. Il n'y vécurent pas longtemps sans que le peuple, attiré vers eux par des vertus qui l'édifiait, ne leur rendît bientôt importunes des visites journalières qui leur ôtaient la liberté de la prière et des saints exercices.


Eglise Saint-Pair. Saint-Pair-sur-Mer
(cette commune s'appelait autrefois Scicy). Cotentin.

Ils y vécurent quelques temps comme des ermites, en un lieu fort solitaire ; enfin, un homme de bien de ce pays les pria d'aller à un village nommé Scicy, pour en convertir les habitants qui vivaient encore dans les ténèbres du paganisme. Ils y allèrent et y semèrent le bon grain de l'Evangile ; mais cette terre, n'étant pas disposée à le recevoir, ne produisit pas le fruit qu'on pouvait en attendre. Au contraire, les habitants, féroces comme des bêtes sauvages, les accablèrent d'outrages.

Cependant, les deux saints personnages se retirèrent dans une caverne où il vécurent pendant trois. Au bout de ce temps, l'abbé d'Ansion, Générosus, qui, admirant l'excès de leur pénitence, essaya néanmoins de la modérer : il reconduisit saint Scubilion au monastère poitevin, et recommanda saint Paterne à l'évêque de Coutances, Léontien. Ce prélat, connaissant les talents que Dieu vait donné pour la prédication de l'Evangile à notre Saint, l'ordonna diacre d'abord, puis prêtre en 512.


Saint Paterne. Eglise Saint-Paterne.
Louvigné-de-Bais. Marches de Bretagne.

Saint Paterne fit bien profiter le talent du Seigneur et, rejoint par saint Scubilion sur ordre de l'abbé d'Ansion, il entreprit de convertir la contrée de Scicy, d'arracher les restes de l'idolâtrie, et, de faire ainsi pour toutes les contrées qu'il parcourut avec son saint confrère : le Cotentin, le Bessin, le pays du Mans, d'Avranches, de Rennes en Bretagne (à ce sujet, on ne confondra pas saint Patern, dit l'Ancien, premier évêque de Vannes au Ve siècle, que l'on fête au 15 avril, et dont une magnifique église de cette ville porte le nom et conserve une infime et précieuse partie de ses reliques). Il établit dans toutes ces provinces des monastères qu'il peupla de saints religieux dont il fut le supérieur et l'abbé.

Dieu l'honora de si grands et de si fréquents miracles, que le bruit de sa sainteté se répandit bientôt à la cour de Childebert, roi de France ; et ce prince l'envoya prier de venir à Paris. Ce ne fut sur son parcours que miracles : par ses prières et le signe de la croix, il rendait la vue aux aveugles, délivrait les possédés, etc.


Eglise Saint Paterne. Louvigné-de-Bais. Marches de Bretagne.

Après avoir satisfait à ce que le roi désirait de lui, il s'en retourna en sa première solitude du Cotentin, près de Scicy, jusqu'à ce que Notre Seigneur Jésus-Christ lui fit voir en songe trois saints évêques décédés depuis peu, saint Melaine, saint Léontien et saint Vigor le consacré lui-même évêques. Pensant être trompé par une illusion, saint Paterne n'en parla à personne, mais bientôt l'évêque d'Avranches décéda et il fut porté sur le siège épiscopal par la volonté unanime du clergé et du peuple.

Saint Paterne gouverna cette église l'espace de treize ans avec tout le zèle et toute la sollicitude d'un vigilant prélat. Il assista au troisième concile de Paris, en 557, et, de retour à Avranches, il tomba malade le lendemain de Pâques, alors qu'il se disposait à rendre visite au monastère de Scicy qu'il avait fondé et qui était si cher à son coeur puisque c'est saint Scubilion qui en était l'abbé.

Se sentant en danger, il envoya prier saint Scubilion de le venir assister en ce dernier passage. Mais son messager en rencontra un autre en chemin, qui venait de la part de ce saint abbé, aussi tombé malade, lui faire la même prière. Ainsi, l'évêque et l'abbé moururent le même jour, le 16 avril 565, pour se rencontrer ensemble à une même heure devant le tribunal de Dieu et dans la posssession de l'éternité bienheureuse.

Nos deux Saints choisirent leur sépulture dans l'église du monastère de Scicy. Il arriva de plus, que les convois, dont l'un était conduit par saint Lô (ou Laud), évêque de Coutances, et l'autre par Lascivius, évêque d'un autre lieu, arrivèrent ensemble et au même moment devant la porte de l'église du monastère.


Tombe renfermant le sarcophage de saint Pair.
Eglise Saint-Pair. Saint-Pair-sur-Mer. Cotentin.

RELIQUES

Les reliques de saint Paterne et de saint Scubilion se toruvent toujours dans l'église de Scicy - devenue aujourd'hui Saint-Pair-sur-Mer -, qui est depuis longtemps l'église paroissiale.

Des parties de ces reliques ont été détachées et ont été transportées à Issoudun et à Orléans, où l'on bâtit des églises du nom de saint Paterne. Il faut mentionner que celle d'Issoudun n'existe plus : elle fut ravagée pendant la tempête révolutionnaire. Les saintes reliques ont été sauvé par un brave homme et existent toujours et sont conservées dans l'église Saint-Cyr de la même ville. Cette ville avait aussi reçu des reliques de saint Patern l'Ancien, premier évêque de Vannes ; les bêtes sauvages révolutionnaires s'en emparèrent et les détruisirent.


Eglise Saint-Paterne. Orléans.

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mardi, 16 avril 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

10 décembre. Notre Dame de Lorette. Translation de la maison de la sainte Vierge de Nazareth en Dalmatie et de Dalmatie

- Translation de la maison de la sainte Vierge de Nazareth en Dalmatie et de Dalmatie à Lorette. 1294.

Pape : Innocent IV. Empereur germanique : Frédéric II de Hohenstaufen.

" Oui, nous voudrons tous entrer dans sa maison, nous voudrons baiser amoureusement le sol que foulèrent jadis les pieds sacrés."
Ps. CXXXI.


La translation de la sainte maison à Lorette. Saturnino Gatti. XVIe.

Cette fête n'est pas inscrite sur le Calendrier universel et obligatoire ; mais elle se célèbre en ce jour, à Rome et dans tout l'Etat Pontifical, dans la Toscane, le Royaume de Naples, l'Espagne, la Belgique, dans de nombreux diocèses de la Chrétienté, et aussi dans la plupart des Ordres religieux. Elle a pour but de remercier Dieu du grand bienfait dont il daigna gratifier la Chrétienté occidentale, lorsque, pour compenser la perte du saint Sépulcre, il fit transporter miraculeusement en terre catholique l'humble et auguste maison dans laquelle la Vierge Marie reçut le message de l'Ange, et où, par le consentement de cette divine Mère de Dieu, le Verbe se fît chair et commença d'habiter avec nous.


Loreto. Marche d'Ancône. Italie.

Tel est le résultat du triste rationalisme auquel la piété française avait été asservie durant plus d'un siècle, qu'il n'est pas rare de rencontrer des personnes sincèrement dévouées à la foi catholique, et pour lesquelles un si grand événement est presque comme s'il n'était pas. Pour venir à leur secours, au cas que ce livre leur tombât entre les mains, nous avons cru devoir placer ici le récit exact et succinct du prodige qui fait l'objet de la Fête d'aujourd'hui ; et afin d'accomplir cette tâche d'une manière qui puisse satisfaire toutes les susceptibilités, nous emprunterons la narration qu'a publiée de cet événement merveilleux le savant et judicieux auteur de la Vie de M. Olier, dans les notes du premier livre de cette excellente biographie :


Basilique della Santa Casa. Loreto. Marche d'Ancône. Italie.

" Ce fut sous le Pontificat de Célestin V, en 1291, et lorsque les Chrétiens avaient entièrement perdu les Saints-Lieux de la Palestine, que la petite maison où s'est opéré le mystère de l'Incarnation dans le sein de Marie, fut transportée par les Anges, de Nazareth dans la Dalmatie ou l'Esclavonie, sur un petit mont appelé Tersato.

Les miracles qui s'opéraient tous les jours dans cette sainte maison, l'enquête juridique que des députés du pays allèrent faire à Nazareth même, pour constater sa translation en Dalmatie, enfin la persuasion universelle des peuples qui venaient la vénérer de toutes parts, semblaient être des preuves incontestables de la vérité du prodige. Dieu voulut néanmoins en donner une nouvelle, qui eût en quelque sorte l'Italie et la Dalmatie pour témoins.

Après trois ans et sept mois, en 1294, la sainte maison fut transportée à travers la mer Adriatique au territoire de Recanati, dans une forêt appartenant à une Dame appelée Lorette ; et cet événement jeta les peuples de la Dalmatie dans une telle désolation, qu'ils semblaient ne pouvoir y survivre. Pour se consoler, ils bâtirent, sur le même terrain, une église consacrée à la Mère de Dieu, qui fut desservie depuis par des Franciscains, et sur la porte de laquelle on mit cette inscription : " Hic est locus in quo fuit sacra Domus Nazarena quae nunc in Recineti partibus colitur ".


Pièce de la Sainte Maison. Basilique de Lorette.

Il y eut même beaucoup d'habitants de la Dalmatie qui vinrent en Italie fixer leur demeure auprès de la sainte Maison, et qui y établirent la Compagnie du Corpus Domini, appelée pour cela des Esclavons, jusqu'au Pontificat de Paul III.

Cette nouvelle translation fit tant de bruit dans la Chrétienté, qu'il vint de presque toute l'Europe une multitude innombrable de pèlerins à Recanati, afin d'honorer la Maison dite depuis de Lorette. Pour constater de plus en plus la vérité de cet événement, les habitants de la province envoyèrent d'abord en Dalmatie, et ensuite à Nazareth, seize personnes des plus qualifiées, qui firent sur les lieux de nouvelles enquêtes.

Mais Dieu daigna en montrer lui-même la certitude en renouvelant, deux fois coup sur coup, le prodige de la translation dans le territoire même de Recanati. Car, au bout de huit mois, la forêt de Lorette se trouvant infestée d'assassins qui arrêtaient les pèlerins, la Maison fut transportée à un mille plus avant, et se plaça sur une petite hauteur qui appartenait à deux frères de la famille des Antici ; et enfin ceux-ci ayant pris les armes l'un contre l'autre pour partager les offrandes des pèlerins, la Maison fut transférée, en 1295, dans un endroit peu éloigné, et au milieu du chemin public où elle est restée, et où a été bâtie, depuis, la ville appelée Lorette."


Pièce de la Sainte Maison. Basilique de Lorette.

Sous le point de vue de simple critique, ce prodige est attesté non seulement par les annalistes de l'Eglise, et par les historiens particuliers de Lorette, tels que Tursellini et Martorelli, mais par des savants de premier ordre, entre lesquels nous citerons Papebrock, Noël Alexandre, Benoît XIV, Trombelli, etc. Quel homme grave et impartial oserait avouer de vaines répugnances, en présence de ces oracles de la science critique, dont l'autorité est admise comme souveraine en toute autre matière ?

Au point de vue de la piété catholique, on ne peut nier que ceux-là se rendraient coupables d'une insigne témérité, qui ne tiendraient aucun compte des prodiges sans nombre opérés dans la sainte Maison de Lorette ; comme si Dieu pouvait accréditer par des miracles ce qui ne serait que la plus grossière et la plus immorale des supercheries.


Coupole de la basilique de la Sainte Maison. Lorette.

Ils ne mériteraient pas moins cette note, pour le mépris qu'ils feraient de l'autorité du Siège Apostolique qui s'est employé avec tant de zèle, depuis plus de cinq siècles, à reconnaître ce prodige, et à le proposer aux fidèles comme un puissant moyen de rendre gloire au Verbe incarné et à sa très sainte Mère.


Peinture murale représentant l'Ange qui visite saint Joseph.
Basilique de la Sainte Maison. Lorette.

Nous citerons, comme actes explicités du Saint-Siège sur le miracle de Lorette, les Bulles de Paul II, de Léon X, de Paul III, de Paul IV et de Sixte V ; le Décret d'Urbain VIII, en 1632, pour en établir la Fête dans la Marche d'Ancône ; celui d'Innocent XII, en 1699, pour approuver l'Office ; enfin les induits de Benoît XIII et de ses successeurs, pour étendre cette Fête à un grand nombre de provinces de la catholicité.


Translation de la Sainte Maison de Notre Dame à Lorette.
Gianbattista Tiepolo. XVIIIe.

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dimanche, 10 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

Dimanche de la Pencôte.

- Le dimanche de la Pencôte.

" Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende."
" Venez , Ô Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour."


Duccio di Buoninsegna. XIVe.

La grande journée qui consomme l'oeuvre divine sur la race humaine a lui enfin sur le monde. " Les jours de la Pentecôte sont accomplis ." (Act II, 1.).

Depuis la Pâque, nous avons vu se dérouler sept semaines ; voici le jour qui fait suite et amène le nombre mystérieux de cinquante. Ce jour est le Dimanche, consacré par les augustes souvenirs de la création de la lumière et de la résurrection du Christ ; son dernier caractère lui va être imposé, et par lui nous allons recevoir " la plénitude de Dieu " (Voir la Mystique du Temps Pascal, tome 1, pages 20 à 23.).

Sous le règne des figures, le Seigneur marqua déjà la gloire future du cinquantième jour. Israël avait opéré, sous les auspices de l'agneau de la Pâque, son passage à travers les eaux de la mer Rouge. Sept semaines s'écoulèrent dans ce désert qui devait conduire à la terre promise, et le jour qui suivit les sept semaines fut celui où l'alliance fut scellée entre Dieu et son peuple. La Pentecôte (le cinquantième jour) fut marquée par la promulgation des dix préceptes de la loi divine, et ce grand souvenir resta dans Israël avec la commémoration annuelle d'un tel événement. Mais ainsi que la Pâque, la Pentecôte était prophétique : il devait y avoir une seconde Pentecôte pour tous les peuples, de même qu'une seconde Pâque pour le rachat du genre humain. Au Fils de Dieu, vainqueur de la mort, la Pâque avec tous ses triomphes ; à l'Esprit-Saint, la Pentecôte, qui le voit entrer comme législateur dans le monde placé désormais sous sa loi.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Mais quelle dissemblance entre les deux Pentecôtes ! La première sur les rochers sauvages de l'Arabie, au milieu des éclairs et des tonnerres, intimant une loi gravée sur des tables de pierre ; la seconde en Jérusalem, sur laquelle la malédiction n'a pas éclaté encore, parce qu'elle contient dans son sein jusqu'à cette heure les prémices du peuple nouveau sur lequel doit s'exercer l'empire de l'Esprit d'amour. En cette seconde Pentecôte, un feu divin s'est emparé d'eux, et ce feu embrasera la terre entière. Jésus avait dit :
" Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon vœu, sinon de le voir s'éprendre ?" (Luc. XII, 49.).
L'heure est venue, et celui qui en Dieu est l'Amour, la flamme éternelle et incréée, descend du ciel pour remplir l'intention miséricordieuse de l'Emmanuel.

En ce moment où le recueillement plane sur le Cénacle tout entier, Jérusalem est remplie de pèlerins accourus de toutes les régions de la gentilité, et quelque chose d'inconnu se remue au fond du cœur de ces hommes. Ce sont des Juifs venus pour les fêtes de la Pâque et de la Pentecôte de tous les lieux où Israël est allé établir ses synagogues. L'Asie, l'Afrique, Rome elle-même, ont fourni leur contingent mêlés à ces Juifs de pure race, on aperçoit des gentils qu'un mouvement de piété a portés à embrasser la loi de Moïse et ses pratiques : on les appelle Prosélytes. Cette population mobile qui doit se disperser sous peu de jours, et que le seul désir d'accomplir la loi a rassemblée dans Jérusalem, représente, par la diversité des langages, la confusion de Babel ; mais ceux qui la composent sont moins influencés que les habitants de la Judée par l'orgueil et les préjugés. Arrivés d'hier, ils n'ont pas, comme ces derniers, connu et repoussé le Messie, ni blasphémé ses oeuvres qui rendaient témoignage de lui. S'ils ont crié devant Pilate avec les autres Juifs pour demander que le Juste fût crucifié, c'est qu'ils étaient entraînés par l'ascendant des prêtres et des magistrats de cette Jérusalem vers laquelle leur piété et leur docilité à la loi les avaient amenés.


Missel à l'usage d'Aix-en-Provence. XIVe.

Soudain un vent violent qui venait du ciel se fait entendre ; il mugit au dehors et remplit le Cénacle de son souffle puissant. Au dehors il convoque autour de l'auguste édifice que porte la montagne de Sion une foule d'habitants de Jérusalem et d'étrangers ; au dedans il ébranle tout, il soulève les cent-vingt disciples du Sauveur, et montre que rien ne lui résiste. Jésus avait dit de lui : " C'est un vent qui souffle où il veut, et vous entendez retentir sa voix " (Johan III, 8.) ; puissance invisible qui creuse jusqu'aux abîmes dans les profondeurs de la mer, et lance les vagues jusqu'aux nues. Désormais ce vent parcourra la terre en tous sens, et rien ne pourra l'arrêter dans son domaine.

Nos yeux tout d'abord cherchent respectueusement Marie, Marie plus que jamais " pleine de grâce ". Une nouvelle mission s'ouvre pour Marie : à cette heure, la sainte Eglise est enfantée par elle ; Marie vient de mettre au jour l'Epouse de son Fils, et de nouveaux devoirs l'appellent. Jésus est monté seul dans les cieux ; il l'a laissée sur la terre, afin qu'elle prodigue à son tendre fruit ses soins maternels.


Anonyme. Flandres. XVIe.

Qu'elle est touchante, mais aussi qu'elle est glorieuse cette enfance de notre Eglise bien-aimée, reçue dans les bras de Marie,allaitée par elle, soutenue de son appui dès les premiers pas de sa carrière en ce monde ! Il faut donc à la nouvelle Eve, à la véritable " Mère des vivants ", un surcroît de grâces pour répondre à une telle mission : aussi est-elle l'objet premier des faveurs de l'Esprit-Saint.
Il la féconda autrefois pour être la mère du Fils de Dieu ; en ce moment il forme en elle la mère des chrétiens. " Le fleuve de la grâce, comme parle le Roi-prophète, submerge de ses eaux cette Cité de Dieu qui les reçoit avec délices " ; l'Esprit d'amour accomplit à ce moment l'oracle divin du Rédempteur mourant sur la croix. Il avait dit, en désignant l’homme : " Femme, voilà votre fils " ; l'heure est arrivée, et Marie a reçu avec une plénitude merveilleuse cette grâce maternelle qu'elle commence à appliquer dès aujourd'hui, et qui l'accompagnera jusque sur son trône de reine, lorsqu'enfin la sainte Eglise ayant pris un accroissement suffisant, sa céleste nourrice pourra quitter la terre, monter aux cieux et ceindre le diadème qui l'attend.

Regardons maintenant le collège apostolique. Ces hommes que quarante jours de relations avec leur Maître ressuscité avaient relevés, et que nous trouvions déjà si différents d'eux-mêmes, que sont-ils devenus depuis l'instant où l'Esprit divin les a saisis ? Tout ce que le Maître leur avait annoncé est accompli en eux ; et c'est véritablement la Vertu d'en haut qui est descendue pour les armer au combat.
Où sont-ils ceux qui tremblaient devant les ennemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa résurrection ? La vérité que le Maître leur a enseignée brille aux regards de leur intelligence ; ils voient tout, ils comprennent tout. L'Esprit-Saint leur a infus le don de la foi dans un degré sublime, et désormais, ils n'aspirent qu'à affronter tous les périls en prêchant, comme Jésus le leur a commandé, à toutes les nations son nom et sa gloire.


Anonyme. Eglise Saint-Christophe, ancien prieuré bénédictin.
Châteaufort. Île-de-France. XVIe.

Il fallait rompre, en effet, avec les siens, mériter par le sacrifice les faveurs de la nouvelle Pentecôte, passer de la Synagogue dans l'Eglise. Plus d'un combat se livra dans les cœurs de ces hommes ; mais le triomphe de l'Esprit-Saint fut complet en ce premier jour. Trois mille personnes se déclarèrent disciples de Jésus, et furent marquées aujourd'hui même du sceau de l'adoption. Demain c'est au temple même que Pierre parlera, et à sa voix cinq mille personnes se déclareront à leur tour disciples de Jésus de Nazareth.

Salut donc, Ô Eglise, noble et dernière création de l'Esprit-Saint, société immortelle qui militez ici-bas, en même temps que vous triomphez dans les cieux.
Ô Pentecôte, jour sacré de notre naissance, vous ouvrez avec gloire la série des siècles que doit parcourir en ce monde l'Epouse de l'Emmanuel. Vous nous donnez l'Esprit divin qui vient écrire, non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs, la loi qui régira les disciples de Jésus.
Ô Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais qui devez étendre vos bienfaits à ceux " qui sont au loin ", c'est-à-dire aux peuples de la gentilité, vous venez remplir les espérances que nous fit concevoir le touchant mystère de l'Epiphanie. Les mages venaient de l'Orient ; nous les suivîmes au berceau de l'Entant divin, et nous savions que notre tour viendrait.
Votre grâce, Ô Esprit-Saint, les avait secrètement attirés à Bethléhem ; mais dans cette Pentecôte qui déclare votre souverain empire avec tant d'énergie, vous nous appelez tous ; l'étoile est transformée en langues de feu, et la face de la terre va être renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les dons que vous nous apportez, ces dons que le Père et le Fils qui vous envoient nous ont destinés !


Heures à l'usage de Rouen. XVe.

L'importance du mystère de la Pentecôte étant si principale dans l'économie du christianisme, on ne doit pas s'étonner que l'Eglise lui ait assigné dans la sainte Liturgie un rang aussi distingué que celui qu'elle attribue à la Pâque elle-même.
La Pâque est le rachat de l'homme par la victoire du Christ : dans la Pentecôte l'Esprit-Saint prend possession de l'homme racheté ; l'Ascension est le mystère intermédiaire. D'un côté, elle consomme la Pâque en établissant l'Homme-Dieu, vainqueur de la mort et chef de ses fidèles, à la droite du Père ; de l'autre, elle détermine l'envoi de l'Esprit-Saint sur la terre. Cet envoi ne pouvait avoir lieu avant la glorification de Jésus, comme nous dit saint Jean (Johan. VII, 39.), et de nombreuses raisons alléguées par les Pères nous aident à le comprendre. Il fallait que le Fils de Dieu, qui avec le Père est le principe de la procession du Saint-Esprit dans l'essence divine, envoyât personnellement aussi cet Esprit sur la terre.

La mission extérieure de l'une des divines personnes n'est qu'une suite et une manifestation de la production mystérieuse et éternelle qui a lieu au sein de la divinité. Ainsi le Père n'est envoyé ni par le Fils ni par le Saint-Esprit, parce qu'il n'est pas produit par eux. Le Fils a été envoyé aux hommes par le Père, étant engendré par lui éternellement. Le Saint-Esprit est envoyé par le Père et par le Fils, parce qu'il procède de l'un et de l'autre. Mais pour que la mission du Saint-Esprit s'accomplit de manière à donner plus de gloire au Fils, il était juste qu'elle n'eût lieu qu'après l'intronisation du Verbe incarné à la droite du Père, et il était souverainement glorieux pour la nature humaine qu'au moment de cette mission elle fût indissolublement unie à la nature divine dans la personne du Fils de Dieu, en sorte qu'il fût vrai de dire que l'Homme-Dieu a envoyé le Saint-Esprit sur la terre.


Heures à l'usage de Rouen. XVIe.

Cette auguste mission ne devait être donnée à L'Esprit divin que lorsque les hommes auraient perdu la vue de l'humanité de Jésus. Ainsi que nous l'avons dit, il fallait désormais que les yeux et les cœurs des fidèles poursuivissent le divin absent d'un amour plus pur et tout spirituel. Or, à qui appartenait-il d'apporter aux hommes cet amour nouveau, sinon à l'Esprit tout-puissant qui est le lien du Père et du Fils dans un amour éternel ? Cet Esprit qui embrase et qui unit est appelé dans les saintes Ecritures le " don de Dieu " ; et c'est aujourd'hui que le Père et le Fils nous envoient ce don ineffable. Rappelons-nous la parole de notre Emmanuel à la femme de Samarie, au bord du puits de Sichar.


Psautier à l'usage d'Arras. XIIIe.

" Oh ! Si tu connaissais le don de Dieu !" (Johan. IV, 10.).
Il n'était pas descendu encore ; il ne se manifestait jusqu'alors aux hommes que par des bienfaits partiels. A partir d'aujourd'hui, c'est une inondation de feu qui couvre la terre: l'Esprit divin anime tout, agit en tous lieux. Nous connaissons le don de Dieu ; nous n'avons plus qu'à accepter, qu'à lui ouvrir l'entrée de nos cœurs, comme les trois mille auditeurs fidèles que vient de rencontrer la parole de Pierre que nous rappelons ici (Act. II.) :
" Hommes juifs, s'écrie dans la plus haute éloquence le pêcheur du lac de Génézareth, hommes juifs et vous tous qui habitez en ce moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez l'oreille à mes paroles. Non, ces hommes que vous voyez ne sont pas ivres comme vous l'avez pensé ; car il n'est encore que l'heure de tierce ; mais en ce moment s'accomplit ce qu'avait prédit le prophète Joël :
" Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens seront favorisés de visions, et vos vieillards auront des songes prophétiques. Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront."
Hommes Israélites, écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de Nazareth, que Dieu même avait accrédité au milieu de vous par les prodiges au moyen desquels il opérait par lui, ainsi que vous le savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le décret divin résolu à l'avance, a été livré à ses ennemis, et vous-mêmes vous l'avez fait mourir par la main des impies. Mais Dieu l'a ressuscite, en l'arrachant à l'humiliation du tombeau qui ne pouvait le retenir.
David n'avait-il pas dit de lui :
" Ma chair reposera dans l'espérance ; car vous ne permettrez pas, Seigneur, que celui qui est votre Saint éprouve la corruption du tombeau ?"
Ce n'était pas en son propre nom que David parlait ; car il est mort, et son sépulcre est encore sous nos yeux ; mais il annonçait la résurrection du Christ qui n'a point été laissé dans le tombeau, et dont la chair n'a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui-même l'a ressuscité, et nous en sommes tous témoins. Elevé à la droite de Dieu, il a, selon la promesse qu'en avait faite le Père, répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi que vous le voyez et l'entendez. Sachez donc, maison d'Israël, et sachez-le avec toute certitude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu en a fait le Seigneur et le Christ."
" Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi, au don du Saint-Esprit. La promesse a été faite pour vous et pour vos fils et également pour ceux qui sont loin, c'est-à-dire les gentils : en un mot, pour tous ceux qu'appelle le Seigneur notre Dieu."


Giotto di Bondone. Sienne. XIVe.

Mais voyons à quel moment de l'année l'Esprit divin vient prendre possession de son domaine. Nous avons vu notre Emmanuel, Soleil de justice, s'élever timidement du sein des ombres du solstice d'hiver et monter d'une course lente à son zénith. Dans un sublime contraste, l'Esprit du Père et du Fils a cherche d'autres harmonies. Il est feu, feu qui consume (Deut. IV, 24.) ; il éclate sur le monde au moment où le soleil brille de toute sa splendeur, où cet astre contemple couverte de fleurs et de fruits naissants la terre qu'il caresse de ses rayons. Accueillons de même la chaleur vivifiante du divin Esprit, et demandons humblement qu'elle ne se ralentisse plus en nous. A ce moment de l'Année liturgique, nous sommes en pleine possession de la vérité par le Verbe incarné ; veillons à entretenir fidèlement l'amour que l'Esprit-Saint vient nous apportera son tour.

Fondée sur un passé de quatre mille ans quant aux figures, la Pentecôte chrétienne, le vrai quinquagénaire, est du nombre des fêtes instituées par les Apôtres eux-mêmes. Nous avons vu qu'elle partagea avec la Pâque, dans l'antiquité, l'honneur de conduire les catéchumènes à la fontaine sacrée, et de les en ramener néophytes et régénérés. Son Octave, comme celle de Pâques, ne dépasse pas le samedi par une raison identique. Le baptême se conférait dans la nuit du samedi au dimanche, et pour les néophytes la solennité de la Pentecôte s'ouvrait au moment même de leur baptême. Comme ceux de la Pâque, ils revêtaient alors les habits blancs, et ils les déposaient le samedi suivant, qui était compté po

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dimanche, 28 mai 2023 | Lien permanent | Commentaires (34)

Dimanche de la Sexagésime.

- Dimanche de la Sexagésime.



Noé. Lorenzo Monaco. XVe.

Dans le cours de la semaine qui commence aujourd'hui, la sainte Eglise présente à notre attention l'histoire de Noé et du déluge universel. Malgré la sévérité de ses avertissements, Dieu n'a pu obtenir la fidélité et la soumission de la race humaine. Il est contraint d'employer un châtiment terrible contre ce nouvel ennemi. Toutefois, il a trouvé un homme juste, et, dans sa personne, il fera encore alliance avec nous. Mais auparavant il veut faire sentir qu'il est le souverain Maître, et que tout aussitôt qu'il lui plaira, l'homme si fier d'un être emprunté s'abîmera sous les ruines de sa demeure terrestre.

Nous placerons d'abord ici, comme base des enseignements de cette semaine, quelques lignes du Livre de la Genèse empruntées à l'Office des Matines de ce jour :

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. VI.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

" Dieu voyant que la malice des Hommes était extrême sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se tournaient continuellement vers le mal, il se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Et, étant touché de douleur jusqu'au fond du cœur, Il dit :
" J'exterminerai de dessus la terre l'homme que j'ai créé ; je les détruirai tous, depuis l'homme jusqu'aux animaux, depuis ceux qui rampent sur la terre jusqu'aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits."
Mais Noé trouva grâce devant le Seigneur.

Voici les enfants qu'engendra Noé : Noé, homme juste et parfait dans toute la conduite de sa vie, marcha avec Dieu, et engendra trois fils, Sem, Cham et Japheth. Or la terre était corrompue devant Dieu, et remplie d'iniquité. Dieu, voyant donc cette corruption de la terre (car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre), dit à Noé :
" J'ai résolu de faire périr tous les hommes ; ils ont rempli la terre d'iniquité ; je les exterminerai avec la terre."


La catastrophe qui fondit alors sur l'espèce humaine fut encore le fruit du péché ; mais du moins un homme juste s'était rencontré,et le monde fut sauvé d'une ruine totale par lui et par sa famille. Après avoir daigné renouveler son alliance, Dieu permit que la terre se repeuplât, et que les trois enfants de Noé devinssent les pères des trois grandes races qui l'habitent.



Noé trouve grâce aux yeux de Dieu.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Tel est le mystère de l'Office durant cette semaine. Celui de la Messe, qui est figuré par le précédent, est plus important encore. Dans le sens moral, la terre n'est- elle pas submergée sous un déluge de vices et d'erreurs ? Il faut qu'elle se peuple d'hommes craignant Dieu, comme Noé. Cette génération nouvelle, c'est la Parole de Dieu, semence de vie, qui la suscite. C'est elle qui produit ces heureux enfants dont parle le Disciple bien-aimé, " qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même " (Johan. I, 13.).

Efforçons-nous d'entrer dans cette famille, et, si nous en sommes déjà membres, gardons chèrement notre bonheur. Il s'agit, dans ces jours, d'échapper aux flots du déluge, de chercher un abri dans l'arche du salut ; il s'agit de devenir cette bonne terre dans laquelle la semence fructifie au centuple. Songeons à fuir la colère à venir, pour ne pas périr avec les pécheurs, et montrons-nous avides de la Parole de Dieu qui éclaire et convertit les âmes (Psalm. XVIII.).

Chez les Grecs, ce Dimanche est le septième jour de la semaine qu'ils appellent Apocreos, laquelle commence dès le lundi qui suit notre Dimanche de la Septuagésime. Cette semaine est ainsi nommée dans l’Église grecque, parce qu'elle annonce et précède immédiatement celle où l'on suspend déjà l'usage de la viande, jusqu'à la fête de Pâques.

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. C'est autour du tombeau du Docteur des nations, du propagateur de la divine semence, du père de tant de peuples par sa prédication, que l'Eglise Romaine réunit les fidèles en ce jour où elle veut leur rappeler que le Seigneur a épargné la terre, à la condition qu'elle se peuplera de vrais croyants et d'adorateurs de son Nom.

EPITRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. XI.



Saint Paul. Filippo di Memmo. XIVe.

" Mes Frères, étant sages comme vous êtes, vous supportez sans peine les imprudents, puisque vous souffrez même qu'on vous réduise en servitude, qu'on vous dévore, qu'on vous pille, qu'on s'élève contre vous, qu'on vous frappe au visage. C'est à ma confusion que je rappelle cela : puisque nous passons pour avoir été trop faibles dans des épreuves semblables. Cependant aucun d'eux - excusez mon imprudence - ne saurait se glorifier de rien que je ne le puisse aussi moi-même.

Sont-ils Hébreux ? Je le suis aussi. Sont-ils enfants d'Israël ? Je le suis aussi. Sont-ils de la race d'Abraham ? J'en suis aussi. Sont-ils ministres du Christ ? Au risque de passer encore comme imprudent, j'ose dire que je le suis plus qu'eux : j'ai plus souffert de travaux, plus enduré de prisons, plus reçu de coups. Souvent je me suis vu près de la mort.

J'ai reçu des Juifs, à cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet ; j'ai été battu de verges trois fois ; j'ai été lapidé une fois ; j'ai fait naufrage trois fois ; j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer. Fréquemment j'ai été en péril dans les voyages ; en péril sur les fleuves ; en péril du côté des voleurs ; en péril de la part de ceux de ma nation ; en péril de la part des gentils ; en péril dans les villes ; en péril dans les solitudes ; en péril sur la mer ; en péril au milieu des faux frères.

J'ai souffert toutes sortes de travaux et de fatigues, des veilles fréquentes, fa faim, la soif, des jeûnes réitérés, le froid et la nudité. A ces maux extérieurs ajoutez mes préoccupations quotidiennes, la sollicitude de toutes les Eglises. Qui est faible, sans que je me fasse faible avec lui ? Qui est scandalisé, sans que j'en sois brûlé ? Que s'il est permis de se glorifier, je me glorifierai de mes souffrances.



La flagellation de saint Paul et de saint Silas.
Louis Testelin. Cathédrale Notre Dame. Paris. XVIIe.

Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui est béni dans tous les siècles, sait que je ne mens pas. A Damas, le gouverneur de la province pour le roi Arétas faisait faire la garde dans la ville pour m'arrêter prisonnier : on me descendit par une fenêtre, le long de la muraille, dans une corbeille ; et je m'échappai ainsi de ses mains. S'il faut se glorifier, quoique cela ne convienne pas, je viendrai maintenant aux visions et aux révélations du Seigneur. Je connais en Jésus-Christ un homme qui fut ravi, il y a quatorze ans ; si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait ; qui fut ravi, dis-je, jusqu'au troisième ciel. Et je sais que cet homme, si ce fut en son corps, ou hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait ; que cet homme, dis-je, fut ravi dans le Paradis, et qu'il entendit des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter. Je pourrais me glorifier en parlant d'un tel homme ; mais, pour moi, je ne veux me glorifier que dans mes infirmités.

Ce ne serait cependant pas imprudence à moi, si je voulais me glorifier, car je dirais la vérité ; mais je me retiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend de moi. Aussi, de peur que la grandeur des révélations ne me causât de l'orgueil, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan, qui me donne des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a répondu : " Ma grâce te suffit " ; car la force se perfectionne dans l'infirmité. Je prendrai donc plaisir à me glorifier dans mes infirmités, afin que la force du Christ habite en moi."


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. VIII.



Parabole du semeur. Pieter Brueghel l'Ancien. XVIe.

" En ce temps-là, le peuple s'assemblant en foule et se pressant de sortir des villes pour venir au-devant de Jésus, il leur dit en parabole :
" Celui qui sème s'en alla pour semer son grain ; et comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin, où elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Et une autre partie tomba sur la pierre, et, après avoir levé, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Et une autre tomba au milieu des épines, et les épines croissant avec la semence l'étouffèrent. Et une autre partie tomba sur de la bonne terre, et ayant levé, elle porta du fruit, cent pour un."
En disant cela, il criait :
" Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre."

Ses disciples l'interrogèrent sur le sens de cette parabole, et il leur dit :
" Pour vous, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu ; mais pour les autres, il ne leur est proposé qu'en paraboles, de sorte que voyant ils ne voient point, et qu'entendant ils ne comprennent point.
Voici donc le sens de cette parabole : La semence est la Parole de Dieu. Ceux qui sont marqués par ce qui tombe le long du chemin, sont ceux qui écoutent ; mais le diable vient, et enlève de leurs cœurs la parole, de peur que croyant, ils ne soient sauvés.
Ceux qui sont marqués par ce qui tombe sur la pierre, sont ceux qui, ayant écouté la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n'ont point de racines ; ils croient pour un temps, et ils se retirent à l'heure de la tentation.
Cequi tombe dans les épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais en qui elle est étouffée par les inquiétudes, par les richesses et parles plaisirs de cette vie, et ils ne portent point de fruit.
Enfin, ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole, la conservent dans un cœur bon et excellent, et portent du fruit par la patience."



Parabole du semeur. Heures à l'usage de Rouen. XVe.

Saint Grégoire le Grand observe avec raison que la parabole qui vient d'être lue n'a pas besoin d'explication, la Sagesse éternelle s'étant chargée elle-même de nous en donner la clef. Il ne nous reste donc plus qu'à profiter d'un si précieux enseignement, et qu'à recevoir en bonne terre la semence céleste qui tombe sur nous. Combien de fois jusqu'ici ne l'avons-nous pas laissée fouler aux passants, ou enlever par les oiseaux du ciel ? Combien de fois ne s'est-elle pas desséchée sur le rocher de notre cœur, ou n'a-t-elle pas été étouffée par de funestes épines ? Nous écoutions la Parole ; elle avait pour nous un certain charme qui nous rassurait. Souvent même nous la reçûmes avec joie et empressement ; mais, si quelquefois elle germait en nous, sa croissance était bientôt arrêtée.

Désormais, il nous faut produire et fructifier ; et telle est la vigueur de la semence qui nous est confiée, que le divin Semeur en attend cent pour un. Si la terre de notre cœur est bonne, si nous avons soin de la préparer en mettant à profit les secours que nous offre la sainte Eglise, la moisson sera abondante au jour où le Seigneur, s'échappant vainqueur de son sépulcre, viendra associer ses fidèles croyants aux splendeurs de sa Résurrection.

HYMNE A VÊPRES

Nous terminerons cette journée par une Hymne que nous empruntons aux anciens Bréviaires des Eglises de France, et qui exprime les sentiments dont les fidèles doivent être animés au temps de la Septuagésime :



Parabole du semeur. Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

" Les jours de liberté s'écoulent ; ceux des saintes observances arrivent : le temps de la sobriété est proche ; d'un cœur pur cherchons le Seigneur.

Nos cantiques et nos louanges apaiseront celui qui est notre juge et Seigneur : il ne refuse pas le pardon, lui qui veut que l'homme implore de lui sa grâce.

Après avoir subi le joug de Pharaon, après avoir porté les chaînes de la cruelle Babylone, que l'homme affranchi cherche la céleste Jérusalem, sa patrie.

Fuyons de cet exil ; cherchons demeure auprès du Fils de Dieu : la plus grande gloire pour le serviteur, c'est de devenir le cohéritier de son maître.

Ô Christ ! Soyez notre guide dans cette nouvelle souvenez-vous que nous sommes vos brebis pour lesquelles, ô pasteur, vous avez donné votre vie et subi la mort.

Au Père, au Fils, soit la gloire ; honneur pareil au saint Paraclet ; comme il était au commencement, et maintenant et toujours.

Amen."

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dimanche, 04 février 2024 | Lien permanent

Dimanche de la Septuagésime.

- Dimanche de la Septuagésime.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La sainte Eglise nous rassemble aujourd'hui pour repasser avec nous le lamentable récit de la chute de notre premier père. Un si affreux désastre nous fait déjà pressentir le dénouement de la vie mortelle du Fils de Dieu fait homme, qui a daigné prendre sur lui la charge d'expier la prévarication du commencement et toutes celles qui l'ont suivie. Pour être en mesure d'apprécier le remède, il nous faut sonder la plaie. Cette semaine sera donc employée à méditer la gravité du premier péché, et toute la suite des malheurs qu'il a entraînés sur l'espèce humaine.

Autrefois l'Eglise lisait en ce jour, à l'Office de Matines, la narration simple et sublime par laquelle Moïse a initié toutes les générations à ce triste événement. La disposition actuelle de la Liturgie n'amène pas cette lecture avant le Mercredi de cette semaine, les jours qui précèdent étant employés à lire le récit des six jours de la création. Nous placerons néanmoins dès aujourd'hui cette importante lecture, comme le fondement des enseignements de la semaine.

Lecture du Livre de la Genèse. Chap. III. :



Eve écoute le serpent. Ars moriendi. XVe.

" Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait formés sur la terre. Il dit à la femme :
" Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du jardin ?"
La femme lui répondit :
" Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le jardin ; mais, pour ce qui est du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu nous a commandé de n'en point manger, et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourrions."
Le serpent dit à la femme :
" Assurément, vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que le jour où vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."
La femme donc considéra que le fruit de cet arbre était bon à manger, qu'il était beau et agréable à la vue, et, en ayant pris, elle en mangea, et en donna à son mari qui en mangea aussi. Et en même temps, leurs yeux furent ouverts à tous deux.



Adam et Eve mange du fruit de l'Arbre.
Heures à l'usage de Rouen. XVIe.

Ayant reconnu leur nudité, ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s'en firent des ceintures. Et ayant entendu la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin après midi, à l'heure où il s'élève un vent doux, Adam et son épouse se cachèrent sous l'ombrage des arbres du jardin, pour fuir la face du Seigneur Dieu.
Et le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit :
" Où es tu ?"
Il répondit :
" J'ai entendu votre voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que j'étais nu ; c'est pourquoi je me suis caché."
Le Seigneur reprit :
" Qui t'a appris que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger ?"
Et Adam répondit :
" La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé."
Et le Seigneur Dieu dit à la femme :
" Pourquoi as-tu fait cela ?"
Elle répondit :
" Le serpent m'a trompée , et j'en ai mangé."



Dieu surprend Adam et Eve. Ars moriendi. XVe.

Et le Seigneur Dieu dit au serpent :
" Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et les bêtes de la terre. Tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne : elle t'écrasera la tête, et tu tâcheras de la mordre au talon."
Il dit aussi à la femme :
" Je multiplierai tes angoisses après que tu auras conçu ; tu enfanteras tes fils dans la douleur ; tu seras sous la puissance de l'homme, et il te dominera."
Il dit ensuite à Adam :
" Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais commandé de ne pas manger, la terre sera maudite à cause de ce que tu as fait : tu tireras d'elle ta nourriture à force de travail, tous les jours de ta vie. Elle te produira des épines et des ronces, et tu te nourriras de l'herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes en la terre dont tu as été tiré : car tu es poussière, et tu rentreras dans la poussière."



Adam et Eve sont chassés du Paradis.
La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

La voilà cette page terrible des annales humaines. Elle seule nous explique la situation présente de l'homme sur la terre. Par elle aussi, nous apprenons l'attitude qui nous convient à l'égard de Dieu. Nous reviendrons sur ce lugubre récit dans les jours qui vont suivre ; dès à présent, il doit faire le principal objet de nos réflexions. Reprenons maintenant l'explication de la Liturgie d'aujourd'hui.

Dans l'Eglise grecque, le dimanche que nous appelons de la Septuagésime est désigné sous le nom de Prosphonésime, c'est-à-dire Proclamation, parce qu'il annonce au peuple le jeûne du Carême qui doit bientôt commencer. Il est aussi appelé le dimanche de l'Enfant prodigue, parce qu'on y lit cette parabole, comme une invitation aux pécheurs de recourir à la miséricorde de Dieu. Il faut observer néanmoins que ce Dimanche est le dernier jour de la semaine appelée Prosphonésime, laquelle commence dès le lundi précédent, selon la manière de compter des Grecs.

A LA MESSE

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Les anciens liturgistes font remarquer la relation qui existe entre le juste Abel, dont le sang répandu par son frère fait l'objet d'un des Répons des Matines d'aujourd'hui, et le courageux martyr sur le tombeau duquel l'Eglise Romaine vient ouvrir la Septuagésime.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. Chap. IX.



La Cité de Dieu. Bourgogne. XVe.

" Mes Frères, ne savez-vous pas que, quand on court dans la lice, tous courent, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous le remportiez. Or, tout athlète garde en toutes choses la tempérance, et ils ne le font que pour gagner une couronne corruptible ; la nôtre au contraire sera incorruptible. Pour moi, je cours, mais non pas comme au hasard ; je combats, mais non pas en donnant des coups en l'air ; je châtie mon corps, et je le réduis en servitude ; de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne devienne moi-même réprouvé. Je ne veux pas que vous ignoriez, mes Frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé la mer ; qu'ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer ; qu'ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle et bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient de l'eau de la Pierre spirituelle qui les suivait ; et cette Pierre était Jésus-Christ. Mais cependant, sur un si grand nombre, il y en eut peu qui fussent agréables à Dieu."

La parole énergique de l'Apôtre vient augmenter encore l'émotion que nous apportent les grands souvenirs qui se rattachent à ce jour. Il nous dit que ce monde est une arène dans laquelle il faut courir, et que le prix n'est que pour ceux dont la marche est agile et dégagée. Gardons-nous donc de ce qui pourrait appesantir notre course et nous faire manquer la couronne.

Ne nous faisons pas illusion : rien n'est sûr pour nous, tant que nous ne sommes pas au bout de la carrière. Notre conversion n'a pas été plus sincère que celle de saint Paul, nos œuvres plus dévouées et plus méritoires que les siennes; toutefois, il le confesse lui-même, la crainte de devenir réprouvé n'est pas entièrement éteinte dans son cœur. Il châtie son corps, et il le réduit en servitude.

L'homme dans l'état actuel n'a plus cette volonté droite qu'avait Adam avant son péché, et dont cependant il sut faire un si malheureux usage. Un penchant fatal nous entraîne, et nous ne pouvons garder l'équilibre qu'en sacrifiant la chair à l'esprit.
Cette doctrine paraît dure au grand nombre, et c'est pour cela que beaucoup n'arriveront pas au terme de la carrière, et n'auront pas part à la récompense qui leur était destinée.

Comme les Israélites dont parle ici l'Apôtre, ils mériteront d'être ensevelis dans le désert, et ne verront pas la terre promise. Néanmoins, les mêmes merveilles dont turent témoins Josué et Caleb s'étaient accomplies sous leurs yeux ; mais rien ne guérit l'endurcissement d'un cœur qui s'obstine à mettre tout son espoir dans les choses de la vie présente, comme si leur périlleuse vanité ne se révélait pas d'elle-même à chaque heure.

Mais si le cœur se confie en Dieu, s'il se fortifie par la pensée que le secours divin ne manque jamais à celui qui l'implore, il parcourra sans faiblir l'arène de cette vie, et il arrivera heureusement au terme. Le Seigneur a les yeux constamment ouverts sur celui qui travaille et qui souffre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XX.



Les ouvriers de la dernière heure.
Nicolaes Cornelisz Moyaert. Pays-Bas. XVIIe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
" Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Etant demeuré d'accord avec eux d'un denier pour leur journée, il les envoya dans sa vigne. Et étant sorti vers la troisième heure, il en vit d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire, et il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste."
Et ils y allèrent.
Il sortit encore sur la sixième et la neuvième heure, et il fit la même chose.
Enfin étant sorti sur la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient là, et il leur dit :
" Pourquoi demeurez-vous ici le long du jour sans travailler ?"
Et ils lui dirent :
" Parce que personne ne nous a loués."
Il leur dit :
" Allez-vous-en aussi dans ma vigne."
Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant :
" Appelle les ouvriers, et donne-leur le salaire, en commençant par les derniers et finissant par les premiers."

Ceux donc qui n'étaient venus que vers la onzième heure, s'étant approchés, reçurent chacun un denier. Ceux qui étaient venus les premiers pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage ; mais ils ne reçurent que chacun un denier. Et en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille et disaient :
" Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, et vous leur avez donné autant qu'à nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur."
Mais il répondit à l'un d'eux :
" Mon ami, je ne vous fais point de tort. N'êtes-vous pas convenu avec moi d'un denier ? Prenez ce qui vous appartient et vous en allez ; mais je veux donner à ce dernier autant qu'à vous. Est-ce qu'il ne m'est pas permis de faire ce que je veux ? Votre œil est-il mauvais parce que je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, parce qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus."



Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.

Il importe de bien saisir ce célèbre passage de l'Evangile, et d'apprécier les motifs qui ont porté l'Eglise à le placer en ce jour. Considérons d'abord les circonstances dans lesquelles le Sauveur prononce cette parabole, et le but d'instruction qu'il s'y propose directement. Il s'agit d'avertir les Juifs que le jour approche où leur loi tombera pour faire place à la loi chrétienne, et de les disposer à accueillir favorablement l'idée que les Gentils vont être appelés à former alliance avec Dieu.

La vigne dont il est ici question est l'Eglise sous ses différentes ébauches, depuis le commencement du monde, jusqu'à ce que Dieu vînt lui-même habiter parmi les hommes et constituer sous une forme visible et permanente la société de ceux qui croient en lui.

Le matin du monde dura depuis Adam jusqu'à Noé ; la troisième heure s'étendit de Noé jusqu'à Abraham ; la sixième heure commença à Abraham pour aller jusqu'à Moïse ; la neuvième heure fut l'âge des Prophètes, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Le Messie est venu à la onzième heure, lorsque le monde semblait pencher à son déclin. Les plus grandes miséricordes ont été réservées pour cette période durant laquelle le salut devait s'étendre aux Gentils par la prédication des Apôtres.

C'est ce dernier mystère par lequel Jésus-Christ veut confondre l'orgueil judaïque. Il signale les répugnances que les Pharisiens et les Docteurs de la Loi éprouvaient en voyant l'adoption s'étendre aux nations, par les remontrances égoïstes que les ouvriers des premières heures osent faire au Père de famille. Cette obstination sera punie comme elle le mérite. Israël, qui travaillait avant nous, sera rejeté à cause de la dureté de son cœur; et nous, Gentils, qui étions les derniers, nous deviendrons les premiers, étant faits membres de cette Eglise catholique, qui est l'Epouse du Fils de Dieu.



Evangéliaire à l'usage de Cambrai. XIIIe.

Telle est l'interprétation donnée à cette parabole par les saints Pères, notamment par saint Augustin et saint Grégoire le Grand ; mais cet enseignement du Sauveur présente encore un autre sens également justifié par l'autorité de ces deux saints Docteurs. Il s'agit ici de l'appel que Dieu adresse à chaque homme pour l'inviter à mériter le Royaume éternel par les pieux labeurs de cette vie.

Le matin, c'est notre enfance ; la troisième heure, selon la manière de compter des anciens, est celle où le soleil commence à monter dans le ciel : c'est l'âge de la jeunesse.

La sixième heure, par laquelle on désignait ce que nous appelons Midi, est l'âge d'homme.

La onzième heure précède de peu d'instants le coucher du soleil : c'est la vieillesse.

Le Père de famille appelle ses ouvriers à ces différentes heures ; c'est eux de se rendre, dès qu'ils ont entendu sa voix ; mais il n'est pas permis à ceux qui sont conviés dès le matin de retarder leur départ pour la vigne, sous le prétexte qu'ils se rendront plus tard, lorsque la voix du Maître se fera entendre de nouveau. Qui les a assurés que leur vie se prolongera jusqu'à la onzième heure ? Lorsque la troisième sonne, peut-on compter même sur la sixième ? Le Seigneur ne convoquera au travail des dernières heures que ceux qui seront en ce monde lorsqu'elles viendront à sonner ; et il ne s'est point engagé à adresser une nouvelle invitation à ceux qui auront dédaigné la première.

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dimanche, 28 janvier 2024 | Lien permanent

Octave de la Nativité.

- Octave de la Nativité.


Nicolas d'Ypres. XVe.

De tous les jours de l'Octave de Noël, c’est Ie seul occupé régulièrement par une fête. Dans les Octaves de l'Epiphanie, de Pâques et de la Pentecôte, l'Eglise est tellement absorbée de la grandeur du mystère, qu'elle écarte tous souvenirs qui l'en pourraient distraire ; dans celle de Noël, au contraire, les fêtes abondent, et l'Emmanuel ne nous est montré qu'environné du cortège de ses serviteurs. Ainsi l'Eglise, ou plutôt Dieu même, le premier auteur du Cycle, nous a voulu faire voir combien, dans sa Naissance, l'Enfant divin, Verbe fait chair, se montre accessible à l'humanité qu'il vient sauver.

Nous avons démontré que la Nativité du Sauveur s'est opérée le jour du Dimanche, qui est celui où Dieu créa la lumière. Ce sera aussi le Dimanche que nous verrons le Christ ressusciter. Ce premier jour de la création, qui est, en même temps, le premier jour de la semaine, était consacré au Soleil chez les peuples anciens ; il est devenu sacré à jamais par le double lever du Soleil de justice : Noël et Pâques le réclament tour à tour. Mais, pour des raisons particulières que nous avons exposées, si Pâques est toujours célébré le Dimanche, Noël doit sanctifier successivement tous les jours de la semaine. Toutefois, le mystère de la divine Naissance est mieux exprimé dans les années où son glorieux anniversaire tombe le Dimanche ; dans les autres où cette coïncidence n'a pas lieu, les fidèles doivent du moins un honneur particulier à celui des jours de l'Octave qui se trouve dévolu à la célébration expresse du Dimanche. La sainte Eglise a décoré celui-ci d'une Messe et d'un Office particuliers, que nous allons reproduire ici, pour l'usage des fidèles.


Luca Giordano. XVIIe.

A LA MESSE

Ce fut au milieu de la nuit que le Seigneur délivra son peuple de la captivité, par le Passage de son Ange, armé du glaive, sur la terre des Egyptiens ; c'est pareillement au sein du silence nocturne que l'Ange du grand Conseil est descendu de son trône royal, pour apporter la miséricorde sur la terre.

EPITRE

Lecture de l’Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Galates. Chap. IV.

" Mes Frères, tant que l'héritier est encore enfant, il n'est pas différent du serviteur, quoiqu'il soit le maître de tout ; mais il est sous la puissance des tuteurs et des curateurs, jusqu'au temps marqué par son père. Ainsi, lorsque nous étions encore enfants, nous étions assujettis aux premiers éléments de ce monde ; mais lorsque la plénitude du temps a été venue, Dieu a envoyé son Fils formé de la femme, et assujetti à la Loi, pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, et pour nous rendre enfants d'adoption. Or, parce que vous êtes enfants de Dieu, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, qui crie : " Père ! Père !" Chacun de vous n'est donc plus serviteur, mais fils. Que s'il est fils, il est aussi héritier par la bonté de Dieu."


Maitre de Sainte-Catherine. XVe.

L'enfant, né de Marie, couché dans la crèche de Bethléhem, élève sa faible voix vers le Père des siècles, et il l'appelle mon Père ! Il se tourne vers nous, et il nous appelle mes Frères ! Nous pouvons donc aussi, en nous adressant à son Père éternel, le nommer notre Père. Tel est le mystère de l'adoption divine, déclarée en ces jours. Toutes choses sont changées au ciel et sur la terre : Dieu n'a plus seulement un Fils, mais plusieurs fils ; nous ne sommes plus désormais, en sa présence, des créatures qu'il a tirées du néant, mais des enfants de sa tendresse. Le ciel n'est plus seulement le trône de sa gloire ; il est devenu notre héritage ; et une part nous y est assurée à côté de celle de notre frère Jésus, fils de Marie, fils d'Eve, fils d'Adam selon l'humanité, comme il est, dans l'unité de personne, Fils de Dieu selon la divinité. Considérons tour à tour l'Enfant béni qui nous a valu tous ces biens, et l'héritage auquel nous avons droit par lui. Que notre esprit s'étonne d'une si haute destinée pour des créatures ; que notre cœur rende grâces pour un bienfait si incompréhensible.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II.

" En ce temps-là, Joseph et Marie, mère de Jésus, étaient dans l'admiration de ce qu'on disait de lui. Et Siméon les bénit, et il dit à Marie sa mère : Cet enfant est pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs en Israël. Et il sera un signe de contradiction ; et un glaive transpercera votre âme, afin que les pensées de plusieurs, qui sont cachées au fond de leur cœur, soient découvertes. Il y avait aussi une Prophétesse nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser ; elle était fort avancée en âge, et après avoir vécu sept ans avec son mari, qu'elle avait épousé étant vierge, elle était demeurée veuve jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne sortait pas du temple, servant Dieu nuit et jour, dans les jeûnes et les prières. Etant donc survenue à la même heure, elle se mit à louer le Seigneur et à parler de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël. Et après qu'ils eurent accompli toutes choses selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur cité de Nazareth. Or, l'enfant croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui."


Anonyme. Flandres. XVIe.

La marche des récits du saint Evangile contraint l'Eglise à nous présenter déjà le divin Enfant entre les bras de Siméon, qui prophétise à Marie les destinées de l'homme qu'elle amis au jour. Ce cœur de mère, tout inondé des joies d'un si merveilleux enfantement, sent déjà le glaive annoncé par le vieillard du temple. Le fils de ses entrailles ne sera donc, sur la terre, qu'un signe de contradiction ; et le mystère de l'adoption du genre humain ne devra s'accomplir que par l'immolation de cet Enfant devenu un homme. Pour nous, rachetés par ce sang, n'anticipons pas trop sur l'avenir. Nous aurons le temps de le considérer, cet Emmanuel, dans ses labeurs et dans ses souffrances ; aujourd'hui, il nous est permis de ne voir encore que l'Enfant qui nous est né, et de nous réjouir dans sa venue. Ecoutons Anne, qui nous parlera de la rédemption d'Israël. Voyons la terre régénérée par l'enfantement de son Sauveur ; admirons et étudions, dans un humble amour, ce Jésus plein de sagesse et de grâce qui vient de naître sous nos yeux.

ORAISON

" Considérons, dans ce sixième jour de la Naissance de notre Emmanuel, le divin Enfant étendu dans la crèche d'une étable, et réchauffé par l'haleine de deux animaux. Isaïe l'avait annoncé : " Le bœuf, avait-il dit, connaîtra son maître, et l'âne la crèche de son seigneur ; Israël ne me connaîtra pas " (I, 3.). Telle est l'entrée en ce monde du grand Dieu qui a fait ce monde. L'habitation des hommes lui est fermée par leur dureté et leur mépris : une étable lui offre seule un abri hospitalier, et il vient au jour dans la compagnie des êtres dépourvus de raison.

Mais ces animaux sont son ouvrage. Il les avait assujettis à l'homme innocent. Cette création inférieure devait être vivifiée et ennoblie par l'homme ; et le péché est venu briser cette harmonie. Toutefois  comme nous l'enseigne l'Apôtre , elle n'est point restée insensible à la dégradation forcée que le pécheur lui fait subir. Elle ne se soumet à lui qu'avec résistance (Rom. VIII, 20) ; elle le châtie souvent avec justice ; et au jour du jugement, elle s'unira à Dieu pour tirer vengeance de l'iniquité à laquelle trop longtemps elle est demeurée asservie. (Sap. V, 21.).

Aujourd'hui, le Fils de Dieu visite cette partie de son oeuvre ; les hommes ne Payant pas reçu, il se confie à ces êtres sans raison ; c'est de leur demeure qu'il partira pour commencer sa course ; et les premiers hommes qu'il appelle à le reconnaître et à l'adorer, sont des pasteurs de troupeaux, des cœurs simples qui ne se sont point souillés à respirer l'air des cités.

Le bœuf, symbole prophétique qui figure auprès du trône de Dieu dans le ciel, comme nous l'apprennent à la fois Ezéchiel et saint Jean, est ici l'emblème des sacrifices de la Loi. Sur l'autel du Temple, le sang des taureaux a coulé par torrents ; hostie incomplète et grossière, que le monde offrait dans l'attente de la vraie victime. Dans la crèche, Jésus s'adresse à son Père et dit : Les holocaustes des taureaux et des agneaux ne vous ont point apaisé ; me voici. (Hebr. X, 6.).

Un autre Prophète annonçant le triomphe pacifique du Roi plein de douceur, le montrait faisant son entrée dans Sion sur l'âne et le fils de l'ânesse. (Zachar. IX, 9.). Un jour cet oracle s'accomplira comme les autres ; en attendant, le Père céleste place son Fils entre l'instrument de son pacifique triomphe et le symbole de son sacrifice sanglant.

Telle a donc été, Ô Jésus ! Créateur du ciel et de la terre, votre entrée dans ce monde que vous avez formé. La création tout entière, qui eût dû venir à votre rencontre, ne s'est pas ébranlée ; aucune porte ne vous a été ouverte ; les hommes ont pris leur sommeil avec indifférence, et lorsque Marie vous eut déposé dans une crèche, vos premiers regards y rencontrèrent les animaux, esclaves de l'homme. Toutefois, cette vue ne blessa point votre cœur ; vous ne méprisez point l'ouvrage de vos mains ; mais ce qui afflige ce cœur, c'est la présence du péché dans nos âmes, c'est la vue de votre ennemi qui tant de fois est venu y troubler votre repos. Nous serons fidèles, Ô Emmanuel, à suivre l'exemple de ces êtres insensibles que nous recommande votre Prophète : nous voulons toujours vous reconnaître comme notre Maître et notre Seigneur. C'est à nous qu'il appartient de donner une voix à toute la nature, de l'animer, de la sanctifier, de la diriger vers vous ; nous ne laisserons plus le concert de vos créatures monter vers vous, sans y joindre désormais l'hommage de nos adorations et de nos actions de grâces."

SEQUENCE

Pour rendre nos hommages au divin Enfant, insérons ici cette Séquence qui est d'Adam de Saint-Victor, et l'une des plus mystérieuses que l'on rencontre dans les Missels du moyen âge :


" Celui qui est la splendeur du Père et sa forme incréée, a pris la forme de l'homme.
Sa puissance, et non la nature, a rendu féconde une vierge.
Que le vieil Adam se console enfin; qu'il chante un cantique nouveau.
Longtemps fugitif et captif, qu'il paraisse au grand jour.

Eve enfanta le deuil ; une vierge, dans l'allégresse, enfante le fruit de vie.
Et ce fruit n'a point lésé le sceau de sa virginité.
Si le cristal humide est offert aux feux du soleil, le rayon scintille au travers ;
Et le cristal n'est point rompu : ainsi n'est point brisé le sceau de la pudeur dans l'enfantement de la Vierge.

A cette naissance, la nature est dans l'étonnement, la raison est confondue.
C'est chose inénarrable, cette génération du Christ, si pleine d'amour et si humble.
D'une branche aride sont sorties la feuille, la fleur et la noix ; et de la Vierge pudique, le Fils de Dieu.
La toison a porté la rosée céleste, la créature le Créateur, rédempteur de la créature.

La feuille, la fleur, la noix, la rosée : emblèmes mystérieux de l'amour du Sauveur.
Le Christ est la feuille qui protège, la fleur qui embaume, la noix qui nourrit, la rosée de céleste grâce.
Pourquoi l'enfantement de la Vierge est-il un scandale au juif, quand il a vu l'amandier fleurir sur une verge desséchée ?
Contemplons encore la noix ; car la noix, mise en lumière, offre un mystère de lumière.

En elle trois choses sont réunies ; elle nous présente trois bienfaits : onction, lumière, aliment.
La noix est le Christ ; l'écorce amère de la noix est la croix dure à la chair ; l'enveloppe marque le corps.
La divinité, revêtue de chair, la suavité du Christ, c'est le fruit caché dans la noix.
Le Christ, c'est la lumière des aveugles, l'onction des infirmes, le baume des coeurs pieux.

Oh ! qu'il est suave, ce mystère qui change la chair, cette herbe fragile, en divin froment pour les fidèles !
Ceux que, dans cette vie, tu nourris, Ô Jésus ! Sous les voiles de ton Sacrement, rassasie-les un jour de l'éclat de ta face.
Coéternelle splendeur du Père, enlève-nous de ce séjour jusqu'aux joies des clartés paternelles.
Amen."

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lundi, 01 janvier 2024 | Lien permanent

Le dimanche de la Passion.

- Le dimanche de la Passion.

Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Graduel à l'usage de l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.

Durant les semaines qui ont précédé, nous avons vu monter chaque jour la malice des ennemis du Sauveur. Sa présence, sa vue même les irrite, et l'on sent que cette haine concentrée n'attend que le moment d'éclater. La bonté, la douceur de Jésus continuent d'attirer à lui les âmes simples et droites ; en même temps que l'humilité de sa vie et l'inflexible pureté de sa doctrine repoussent de plus en plus le Poldève superbe qui rêve un Messie conquérant, et le pharisien qui ne craint pas d'altérer la loi de Dieu, pour en faire l'instrument de ses passions.

Cependant Jésus continue le cours de ses miracles ; ses discours sont empreints d'une énergie nouvelle ; ses prophéties menacent la ville et ce temple fameux dont il ne doit pas rester pierre sur pierre. Les docteurs de la loi devraient du moins réfléchir, examiner ces œuvres merveilleuses qui rendent un si éclatant témoignage au fils de David, et relire tant d'oracles divins accomplis en lui jusqu'à cette heure avec la plus complète fidélité.

Hélas ! Ces prophétiques oracles, ils s'apprêtent à les accomplir eux-mêmes jusqu'au dernier iota. David et Isaïe n'ont pas prédit un trait des humiliations et des douleurs du Messie que ces hommes aveugles ne s'empresseront de réaliser.

En eux s'accomplit donc cette terrible parole : " Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle futur " (Matth. XII, 32.).

La synagogue court à la malédiction. Obstinée dans son erreur, elle ne veut rien écouter, rien voir ; elle a faussé à plaisir son jugement : elle a éteint en elle la lumière de l'Esprit-Saint ; et on la verra descendre tous les degrés de l'aberration jusqu'à l'abîme. Lamentable spectacle que l'on retrouve encore trop souvent de nos jours, chez ces pécheurs qui, à force de résister à la lumière de Dieu, finissent par trouver un affreux repos dans les ténèbres !

Et ne soyons pas étonnés de rencontrer en d'autres hommes les traits que nous observons dans les coupables auteurs de l'effroyable drame qui va s'accomplir à Jérusalem. L'histoire de la Passion du Fils de Dieu nous fournira plus d'une leçon sur les tristes secrets du cœur humain et de ses passions. Il n'en saurait être autrement : car ce qui se passe à Jérusalem se renouvelle dans le cœur de l'homme pécheur. Ce cœur est un Calvaire sur lequel, selon l'expression de l'Apôtre, Jésus-Christ est trop souvent crucifié. Même ingratitude, même aveuglement, même fureur ; avec cette différence que le pécheur, quand il est éclairé des lumières de la foi, connaît celui qu'il crucifie, tandis que les Juifs, comme le dit encore saint Paul, ne connaissaient pas comme nous ce Roi de gloire (I Cor II, 8.) que nous attachons à la croix. En suivant les récits évangéliques qui vont, jour par jour, être mis sous nos yeux, que notre indignation contre les Juifs se tourne donc aussi contre nous-mêmes et contre nos péchés. Pleurons sur les douleurs de notre victime, nous dent les fautes ont rendu nécessaire un tel sacrifice.

 

Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Roman de Dieu et de sa Mère. Hermann de Valenciennes. XVe.

En ce moment, tout nous convie au deuil. Sur l'autel, la croix elle-même a disparu sous un voile sombre; les images des Saints sont couvertes de linceuls ; l'Eglise est dans l'attente du plus grand des malheurs. Ce n'est plus de la pénitence de l’Homme-Dieu qu'elle nous entretient ; elle tremble à la pensée des périls dont il est environné. Nous allons lire tout à l'heure dans l'Evangile que le Fils de Dieu a été sur le point d'être lapidé comme un blasphémateur ; mais son heure n'était pas venue encore. Il a dû fuir et se cacher. C'est pour exprimer à nos yeux cette humiliation inouïe du Fils de Dieu que l'Eglise a voilé la croix. Un Dieu qui se cache pour éviter la colère des hommes ! Quel affreux renversement ! Est-ce faiblesse, ou crainte de la mort ? La pensée en serait un blasphème ; bientôt nous le verrons aller au-devant de ses ennemis.

En ce moment, il se soustrait à la rage des Juifs, parce que tout ce qui a été prédit de lui ne s’est pas encore accompli. D'ailleurs ce n'est pas sous les coups de pierres qu'il doit expirer ; c'est sur l'arbre de malédiction, qui deviendra dès lors l'arbre de vie. Humilions-nous, en voyant le Créateur du ciel et de la terre réduit à se dérober aux regards des hommes, pour échapper à leur fureur. Pensons à cette lamentable journée du premier crime, où Adam et Eve, coupables, se cachaient aussi, parce qu'ils se sentaient nus. Jésus est venu pour leur rendre l'assurance par le pardon : et voici qu'il se cache lui-même ; non parce qu'il est nu, lui qui est pour ses saints le vêtement de sainteté et d'immortalité ; mais parce qu'il s'est rendu faible, afin de nous rendre notre force. Nos premiers parents cherchaient à se soustraire aux regards de Dieu ; Jésus se cache aux yeux des hommes ; mais il n'en sera pas toujours ainsi. Le jour viendra où les pécheurs, devant qui il semble fuir aujourd'hui, imploreront les rochers et les montagnes, les suppliant de tomber sur eux et de les dérober à sa vue ; mais leur vœu sera stérile, et " ils verront le Fils de l'homme assis sur les nuées du ciel, dans une puissante et souveraine majesté " (Matth. XXIV, 30.).

Ce dimanche est appelé Dimanche de la Passion, parce que l'Eglise commence aujourd'hui à s'occuper spécialement des souffrances du Rédempteur. On le nomme aussi Dimanche Judica, du premier mot de l'Introït de la messe ; enfin Dimanche de la Néoménie, c'est-à-dire de la nouvelle lune pascale, parce qu'il tombe toujours après la nouvelle lune qui sert à fixer la fête de Pâques.

Dans l'Eglise grecque, ce Dimanche n'a pas d'autre nom que celui de cinquième Dimanche des saints jeûnes.

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. L'importance de ce Dimanche, qui ne cède la place à aucune fête, quelque solennelle qu'elle soit, demandait que la réunion des fidèles eût lieu dans l'un des plus augustes sanctuaires de la ville sainte.

CONTRE LES PERSÉCUTEURS DE L'ÉGLISE

" Daignez, Seigneur, vous laisser fléchir par les prières de votre Eglise, afin que toutes les adversités et toutes les erreurs ayant disparu, elle puisse vous servir dans une paisible liberté."

OU POUR LE PAPE

Nous donnons ici cette prière (ainsi que les deux autres que l’Eglise dit à la messe de ce jour à l’Offertoire et après la communion) à titre documentaire. La vacance du siège de Pierre – Ô Seigneur ! Votre humble troupeau Vous supplie d’y remédier – ne permet guère d’autre prière que celle qui consiste à crier au ciel que Notre Père des Cieux, par Notre Dame, saint Michel Archange, les saints Apôtres Pierre et Paul et saint Jean-Baptiste, daigne rétablir pleinement son Eglise.

" Ô Dieu, qui êtes le Pasteur et le Conducteur de tous les fidèles, regardez d'un œil propice votre serviteur N., que vous avez mis à la tête de votre Eglise en qualité de Pasteur ; donnez-lui, nous vous en supplions, d'être utile par ses paroles et son exemple à ceux qui sont sous sa conduite, afin qu'il puisse parvenir à la vie éternelle avec le troupeau qui lui a été confie. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."


Notre Seigneur Jésus-Christ s'adressant aux Juifs.
Summa aurea. Henricus de Segusia. XIVe.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître de saint Paul, Apôtre, aux Hébreux. Chap. IX.

" Mes Frères, Jésus-Christ, le Pontife des biens futurs, étant venu à paraître, est entré une fois dans le sanctuaire par un tabernacle plus grand et plus parfait, qui n'a point été fait de main d'homme, c'est-à-dire qui n'a point été formé par la voie commune et ordinaire. Il est entré une fois dans le Saint des Saints, non avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang ; nous ayant acquis une rédemption éternelle ; car si le sang des boucs et des taureaux, et l'aspersion de l'eau mêlée avec la cendre d'une génisse, sanctifient ceux qui ont été souillés, et leur donnent une pureté extérieure et charnelle ; combien plus le sang du Christ qui par l'Esprit-Saint s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres mortes, pour nous rendre capables de servir le Dieu vivant ? Et c'est pourquoi il est le médiateur du Testament nouveau, afin que, par la mort qu'il a subie pour racheter les prévarications commises sous le premier Testament, ceux qui y sont appelés reçoivent l'héritage éternel, en Jésus-Christ notre Seigneur."

C'est seulement par le sang que l'homme peut être racheté. La majesté divine offensée ne s'apaisera que par l'extermination de la créature rebelle qui, par son sang épanché à terre avec sa vie, rendra témoignage de son repentir et de son abaissement extrême devant celui contre lequel elle s'est révoltée. Autrement la justice de Dieu se compensera par le supplice éternel du pécheur. Tous les peuples l'ont compris, depuis le sang des agneaux d'Abel jusqu'à celui qui coulait à flots dans les hécatombes de la Grèce, et dans les innombrables immolations par lesquelles Salomon inaugura la dédicace de son temple.

Cependant Dieu dit :
" Ecoute, Israël, je suis ton Dieu. Je ne te ferai pas de reproches sur tes sacrifices : tes holocaustes s'accomplissent fidèlement devant moi ; mais je n'ai pas besoin de tes boucs ni de tes génisses. Toutes ces bêtes ne sont-elles pas à moi ? Si j'avais faim, je n'aurais pas besoin de te le dire : l'univers est à moi, et tout ce qu'il renferme. Est-ce que la chair des taureaux est ma nourriture ? Est-ce que le sang des boucs est un breuvage pour moi ?" (Psalm. XLIX.).

Ainsi Dieu commande les sacrifices sanglants, et il déclare qu'ils ne sont rien à ses yeux. Y a-t-il contradiction ? Non : Dieu veut à la fois que l'homme comprenne qu'il ne peut être racheté que par le sang, et que le sang des animaux est trop grossier pour opérer ce rachat. Sera-ce le sang de l'homme qui apaisera la divine justice ? Non encore : le sang de l'homme est impur et souillé ; d'ailleurs, fût-il pur, il est impuissant à compenser l'outrage fait à un Dieu. Il faut le sang d'un Dieu ; et Jésus s'apprête à répandre tout le sien.

En lui va s'accomplir la plus grande figure de l'ancienne loi. Une fois l'année, le grand-prêtre entrait dans le Saint des Saints, afin d'intercéder pour le peuple. Il pénétrait derrière le voile, en lace de l'Arche sainte ; mais cette redoutable faveur ne lui était accordée qu'à la condition qu'il n'entrerait dans cet asile sacré qu'en portant dans ses mains le sang de la victime qu'il venait d'immoler.

En ces jours, le Fils de Dieu, Grand-Prêtre par excellence, va faire son entrée dans le ciel, et nous y pénétrerons après lui ; mais il faut pour cela qu'il se présente avec du sang, et ce sang ne peut être autre que le sien. Nous allons le voir accomplir cette prescription divine. Ouvrons donc nos âmes, afin que ce sang " les purifie des œuvres mortes, comme vient de nous dire l'Apôtre, et que nous servions désormais le Dieu vivant ".

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. VIII :



Bernardino Luini. XVIe.

" En ce temps-là, Jésus disait à la foule des Juifs :
" Qui de vous me convaincra de péché ? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu, écoute la parole de Dieu. Vous ne l'écoutez point, parce que vous n'êtes pas de Dieu."
Les Juifs lui dirent :
" N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, et que vous êtes possédé du démon ?"
Jésus répondit :
" Je ne suis point possédé du démon ; mais j'honore mon Père, et vous me déshonorez. Pour moi, je ne cherche pas ma gloire ; il est un autre qui la cherchera et qui jugera. En vérité, en vérité, je vous le dis : Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort."
Les Juifs lui dirent donc :
" Maintenant nous voyons bien que le démon est en vous. Abraham est mort, et les Prophètes aussi ; et vous dites : " Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort ". Etes-vous donc plus grand que notre père Abraham, qui est mort, et que les Prophètes qui aussi sont morts ? Que prétendez-vous être ?"
Jésus répondit :
" Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie. Vous dites qu'il est votre Dieu, et vous ne le connaissez pas ; mais moi je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais comme vous un menteur. Mais je le connais et je garde sa parole. Abraham votre père a désiré ardemment de voir mon jour : il l'a vu, et il en a été comblé de joie."
Les Juifs lui dirent :
" Vous n'avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ?"
Jésus leur dit :
" En vérité, en vérité, je vous le dis : avant qu'Abraham fût créé, je suis."
Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple."


On le voit, la fureur des Juifs est au comble, et Jésus est réduit à fuir devant eux. Bientôt ils le feront mourir ; mais que leur sort est différent du sien ! Par obéissance aux décrets de son Père céleste, par amour pour les hommes, il se livrera entre leurs mains, et ils le mettront à mort ; mais il sortira victorieux du tombeau, il montera aux cieux, et il ira s'asseoir à la droite de son Père.
Eux, au contraire, après avoir assouvi leur rage, ils s'endormiront sans remords jusqu'au terrible réveil qui leur est préparé. On sent que la réprobation de ces hommes est sans retour. Voyez avec quelle sévérité le Sauveur leur parle :
" Vous n'écoutez pas la parole de Dieu, parce que vous n'êtes pas de Dieu."
Cependant il fut un temps où ils étaient de Dieu : car le Seigneur donne sa grâce à tous ; mais ils ont rendu inutile cette grâce ; ils s'agitent dans les ténèbres, et ils ne verront plus la lumière qu'ils ont refusée.

" Vous dites que le Père est votre Dieu ; mais vous ne le connaissez même pas."
A force de méconnaître le Messie, la synagogue en est venue à ne plus connaître même le Dieu unique et souverain dont le culte la rend si chère ; en effet, si elle connaissait le Père, elle ne repousserait pas le Fils. Moïse, les Psaumes, les Prophètes sont pour elle lettre close, et ces livres divins vont bientôt passer entre les mains des gentils, qui sauront les lire et les comprendre.

" Si je disais que je ne connais pas le Père, je serais comme vous un menteur."

A la dureté du langage de Jésus, on sent déjà la colère du juge qui descendra au dernier jour pour briser contre terre la tête des pécheurs. Jérusalem n'a pas connu le temps de sa visite ; le Fils de Dieu est venu à elle, et elle ose dire qu'il est " possédé du démon ". Elle dit en face au Fils de Dieu, au Verbe éternel qui prouve sa divine origine par les plus éclatants prodiges, qu'Abraham et les Prophètes sont plus que lui. Etrange aveuglement qui procède de l'orgueil et de la dureté du coeur !

La Pâque est proche ; ces hommes mangeront religieusement l'agneau figuratif ; ils savent que cet agneau est un symbole qui doit se réaliser. L'Agneau véritable sera immolé par leurs mains sacrilèges, et ils ne le reconnaîtront pas. Son sang répandu pour eux ne les sauvera pas. Leur malheur nous fait penser à tant de pécheurs endurcis pour lesquels la Pâque de cette année sera aussi stérile de conversion que celle des années précédentes ; redoublons nos prières pour eux, et demandons que le sang divin qu'ils foulent aux pieds ne crie pas contre eux devant le trône du Père céleste.

 

Giotto di Bondone. XIVe.

CONTRE LES PERSÉCUTEURS DE L’ÉGLISE

" Protégez-nous, Seigneur, nous qui célébrons vos mystères, afin que, nous attachant aux choses divines, nous vous servions dans le corps et dans l'âme. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."


OU POUR LE PAPE (voir suppra)

" Laissez-vous fléchir, Seigneur, par l'offrande de ces dons, et daignez gouverner par votre continuelle protection votre serviteur N., que vous avez voulu établir Pasteur de votre Eglise. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."


CONTRE LE

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dimanche, 17 mars 2024 | Lien permanent

Ier dimanche de Carême.

- Ier dimanche de Carême.



La tentation au désert. Duccio di Buoninsegna. XIVe.

Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Quarantaine, est aussi l'un des plus solennels de Tannée. Son privilège, qu'il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne cédera aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l'Eglise, ou de la Dédicace. Sur les anciens Calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l'Introït de la Messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d'un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s'étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l'église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.

C'est aujourd'hui que le Carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le Mercredi des Cendres, les fidèles n'ont pas l'obligation d'entendre la Messe. La sainte Eglise, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l'Office des Matines, en se servant de l'éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :



Notre Seigneur Jésus-Christ au désert. Alessandro Boncivino. XVIIe.

" Très chers fils, ayant a vous annoncer le jeûne sacré et solennel du Carême, puis-je mieux commencer mon discours qu'en empruntant les paroles de l'Apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répétant ce qu'on vient de vous lire : Voici maintenant a le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Car encore qu'il n'y ait point de temps dans l'année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d'une nouvelle confiance. En effet, le Carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la Passion du Seigneur.

Il est vrai qu'un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n'est pas le fait du grand nombre; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l'austérité du jeûne. et que les diverses occupations de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C'est donc avec une grande utilité pour nous qu'a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l'année.



Saint Léon le Grand allant au devant d'Attila.
Raphaël, Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIe.

A notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d'obéir au commandement de l'Apôtre, en nous affranchissant de tout ce qui peut souiller la chair et l'esprit, afin que le jeûne réprimant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l'âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l'occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire.

Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs langues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s'imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l'on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n'éloignait pas son âme de l'iniquité."



Notre Seigneur Jésus-Christ au désert.
Ivan Kramskoy. XIXe.

 A LA MESSE

La Station, à Rome, est dans la Basilique patriarcale de Saint-Jean-de-Latran. Il était juste qu'un Dimanche aussi solennel fût célébré dans l'Eglise Mère et Maîtresse de toutes les Eglises. non seulement de la ville sainte, mais du monde entier. C'est là que les Pénitents publics étaient réconciliés le Jeudi saint ; là aussi, dans le Baptistère de Constantin, que les Catéchumènes recevaient le saint Baptême, dans la nuit de Pâques ; nulle autre Basilique ne convenait autant pour la réunion des fidèles, en ce jour où le jeûne quadragésimal fut promulgué tant de fois par la voix des Léon et des Grégoire.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. VI.



Saint Paul prêchant. Joseph-Benoît Suvée. XVIIIe.

" Mes Frères, nous vous exhortons de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ; car il est dit : " Je t'ai exaucé au temps favorable, et je t'ai aidé au jour du salut ". Voici maintenant ce temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Prenons garde de ne blesser personne, afin que notre ministère ne soit point un sujet de blâme ; mais agissons en toutes choses comme des serviteurs de Dieu, et avec une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes; par la chasteté, par la science, par la longanimité, par la douceur, par le Saint-Esprit, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice dont nous combattons à droite et à gauche ; dans l'honneur et dans l'ignominie, dans la bonne et la mauvaise renommée ; comme des séducteurs, quoique sincères el véritables ; comme des inconnus, quoique très connus ; comme toujours à la mort, et vivant néanmoins ; comme châtiés, mais non jusqu'à en mourir ; comme tristes, et cependant sans cesse dans la joie ; comme pauvres, et toutefois enrichissant plusieurs ; comme n'ayant rien, et possédant tout."



Saint Paul. Lorenzo di Niccolò di Martino. XVe.

Ce passage de l'Apôtre nous montre la vie chrétienne sous un aspect bien différent de celui sous lequel l'envisage ordinairement notre mollesse. Pour en éviter la portée, nous serions aisément disposés à penser que de tels conseils convenaient au premier âge de l'Eglise, où les fidèles, sans cesse exposés à la persécution et à la mort, avaient besoin d'un degré particulier de renoncement et d'héroïsme. Cependant ce serait une grande illusion de croire que tous les combats du chrétien sont finis. Reste toujours la lutte avec les démons, avec le monde, avec la chair et le sang ; et c'est pour cela que l'Eglise nous envoie au désert avec Jésus-Christ pour y apprendre à combattre.

C'est là que nous comprendrons que la vie de l'homme sur la terre est une milice (Job, VII, 1.), et que si nous ne luttons pas courageusement et toujours, cette vie que nous voudrions passer dans le repos finira par notre défaite. C'est pour nous faire éviter ce malheur que l'Eglise nous dit aujourd'hui, par l'organe de l'Apôtre : " Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ". " Agissons donc en toutes choses comme des serviteurs de Dieu " ; et tenons ferme jusqu'à la fin de cette sainte carrière. Dieu veille sur nous, comme il a veillé sur son Fils au désert.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IV.



La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sandro Boticcelli. XVIe.

" En ce temps-là, Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable. Et après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur, s'approchant, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains."
Jésus répondit :
" Il est écrit : " L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu"."
Alors le diable le transporta dans la ville sainte, et l'ayant posé sur le sommet du temple, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : " Il a commandé à ses Anges de prendre soin de toi ; ils te soutiendront de leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied contre la pierre "."
Jésus lui dit :
" Il est écrit aussi : " Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu "."
Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, et, lui montrant tous les royaumes du monde avec leur pompe, il lui dit :
" Je te donnerai tout cela, si tu veux te prosterner devant moi et m'adorer."
Alors Jésus lui dit :
" Arrière ! Satan ; car il est écrit : " Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul "."
Alors le diable le laissa, et aussitôt les Anges s'approchèrent de lui, et le servaient."



La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ (détail).
Sandro Boticcelli. XVIe.

Admirons l'ineffable bonté du Fils de Dieu qui, non content d'expier par la croix tous nos pèches, a daigné, pour nous encourager à la pénitence, s'imposer un jeûne de quarante jours et de quarante nuits. Il n’a pas voulu que la justice de son Père pût exiger de nous un sacrifice qu'il n'eût offert lui-même le premier en sa personne, et toujours avec des circonstances mille fois plus rigoureuses que celles qui peuvent se rencontrer en nous. Que sont nos œuvres de pénitence, si souvent encore disputées à la justice de Dieu par notre lâcheté, si nous les comparons à la rigueur de ce jeûne du Sauveur sur la montagne ? Chercherons-nous encore à nous dispenser de ces légères satisfactions dont le Seigneur daigne se contenter, et qui sont si loin de ce qu'ont mérite nos fautes ? Au lieu de plaindre une légère incommodité, une fatigue de quelques jours, compatissons plutôt à ce tourment de la faim qu'éprouve notre Rédempteur innocent, durant ces longs jours et ces longues nuits du désert.

La prière, le dévouement pour nous, la pensée des justices de son Père le soutiennent dans ses défaillances ; mais, à l'expiration de la quarantaine, la nature humaine est aux abois. C'est alors que la tentation vient l'assaillir ; mais il en triomphe avec un calme et une fermeté qui doivent nous servir d'exemple. Quelle audace chez Satan d'oser approcher du Juste par excellence ! Mais aussi quelle patience en Jésus ! Il daigne souffrir que le monstre de l'abîme mette la main sur lui, qu'il le transporte par les airs d'un lieu à un autre. L'âme chrétienne est souvent exposée à de cruelles insultes de la part de son ennemi ; quelquefois même, elle serait tentée de se plaindre à Dieu de l'humiliation qu'elle souffre. Qu'elle songe alors à Jésus, le Saint des Saints, donné, pour ainsi dire, en proie à l'esprit du mal. Il n'en est pas moins le Fils de Dieu, le vainqueur de l'enfer ; et Satan n'aura recueilli qu'une honteuse défaite.



La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ary Scheffer. XIXe.

De même, l'âme chrétienne, sous l'effort de la tentation, si elle résiste de toute son énergie, n'en reste pas moins l'objet des plus tendres complaisances de Dieu, à la honte et au châtiment éternel de Satan. Unissons-nous aux Anges fidèles qui, après le départ du prince des ténèbres, s'empressent de reparer les forces épuisées du Rédempteur, en lui présentant de la nourriture. Comme ils compatissent a ses divines fatigues ! Comme ils réparent, dans leurs adorations, l'horrible outrage dont Satan vient de se rendre coupable envers le souverain Maître de toutes choses! Comme ils admirent cette charité d'un Dieu qui, dans son amour pour les hommes, semble avoir oublié jusqu'à sa dignité, pour ne plus songer qu'aux malheurs et aux besoins des enfants d'Adam !

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dimanche, 18 février 2024 | Lien permanent

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