mardi, 28 février 2023
28 février. Saint Romain & saint Lupicin, frères, abbés de Condat, fondateurs des monastères du Mont Jura. 460.
" Il n'y a qu'une seule, vraie et douce patrie ; en dehors de celle-là, tout n'est que déplacement et pélerinage."
St. Aug. sup. Psalm. XLI.

Saint Romain et saint Lupicin naquirent d'une honnête famille, vers la fin du IVe siècle, dans l'ancienne province des Séquanais, le Haut-Bugey, dans le diocèse actuel de Belley. Quelques auteurs pensent que la ville d'Izernore, considérable à l'époque, fut la patrie de deux frères.La jeunesse de Romain demeura pure de toute corruption du siècle. Après s'être mis quelques temps sous la conduite du saint abbé Sabin, qui gouvernait le monsatère d'Ainay à Lyon, et qui lui fit étudier sérieusement la vie cénobitique, il se retira, âgé de trente-cinq ans, à Condat, dans les forêts du Jura, où il mena la vie des anciens anachorètes, au milieu des bêtes féroces, et oublié du monde, qu'il avait oublié le premier.

Saint Romain. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.
Mais ce n'était là, dans les desseins de Dieu, qu'une préparation : la vocation de Romain, c'était de fonder des monastères où l'on verrait fleurir toutes les merveilles de sainteté accomplies depuis plus de deux siècles dans les déserts d'Orient. Le premier de ses disciples fut son frère Lupicin.Dieu avait donné aux deux frères des caractères fort différents ; autant Romain était doux et indulgent, autant Lupicin était ferme et rigide, et on eût pu l'accuser d'excès, s'il n'avait encore été plus dur pour lui que pour les autres. Chez les deux Saints, ces divergences étaient toujours, chose étonnante, accompagnées d'une parfaite union. Si Lupicin avait paru dépasser la mesure, Romain était là pour tout concilier ; s'il était besoin d'un coup d'énergie, Romain avait recours à Lupicin, dont le bras de fer brisait tout obstacle.
Une année que les récoltes avaient été très abondantes, les religieux se relâchèrent de leur abstinence et ne se rendirent point aux douces observations de Romain. Le saint abbé confia l'affaire à son frère, qui ne fit servir à la communauté, pendant un certain temps, que de la bouillie d'orge sans apprêt. Douze moines quittèrent le monastère, les autres retrouvèrent leur ferveur. Romain pleura ses douze religieux et se plaignit à son frère ; il versa tant de larmes et fit tant de prières, que les douze fugitifs revinrent et menèrent une vie austère et pleine d'édification.
Un des plus anciens religieux lui reprocha un jour de recevoir trop facilement tous les sujets qui se présentaient, au risque de n'avoir plus de place pour accueillir les sujets d'élite :
" Mon frère, lui dit le Saint, Dieu seul discerne le fond des coeurs, confions-nous en Lui. Accueillons toutes ces brebis que nous envoie le divin Pasteur, et, par notre zèle, conduisons-les avec nous aux portes du Paradis."
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lundi, 27 février 2023
27 février. Saint Léandre, archevêque de Séville. 596.
- Saint Léandre, archevêque de Séville. 596.
Pape : Saint Grégoire Ier le Grand. Empereur romain d'Orient : Maurice Ier *. Roi d'Espagne : Récarède Ier le Catholique. Rois de France : Théodebert II ; Thierry II.
" Celui-ci a échangé les ténèbres de cette vie contre la lumière éternelle."
Rossi, I, 76. Epitap. des catac. de l'année 354.
Saint Léandre. Murillo. XVIe.
Saint Léandre, d'une famille princière, naquit en Espagne. Il embrassa de bonne heure la vie monastique et y puisa l'esprit de dévouement et de discipline qui devait lui valoir l'honneur d'exercer une influence prépondérante sur l'avenir de son pays.
Séville fut le théâtre de son zèle et de ses vertus. Moine d'abord, puis archevêque de cette cité, il créa, à l'ombre de sa métropole, une école destinée à propager, en même temps que la foi catholique, l'étude de toutes les sciences et de tous les arts. Il présidait lui-même aux exercices des maîtres savants et des nombreux élèves qu'il avait su attirer.
Parmi ses disciples, le plus célèbre fut son jeune frère, saint Isidore, qui devint son successeur, et surpassa sa gloire. Mais une autre illustration de l'école de Léandre fut saint Herménégilde, un des fils du roi arien Leuvigilde; c'est lui qui avait gravé au coeur de l'illustre jeune homme cette foi invincible qui fit de lui la victime de son propre père.
Une des gloires de saint Léandre est d'avoir été un ami du grand Pape saint Grégoire le Grand. On aime à trouver ces tendres et fortes amitiés, dont la vie des Saints fournit tant d'exemples; elles seules sont vraies et solides, parce qu'elles reposent sur la seule base ferme et inébranlable, l'amour de Dieu.

Statue de saint Léandre. Cartagène. Espagne.
Rien de plus attendrissant que la correspondance intime de ces deux grands personnages :
" Absent par le corps, écrivait le Pape à son fidèle ami, vous êtes toujours présent à mes regards, car je porte gravés au fond de mon âme les traits de votre visage... Ma lettre est bien courte, mais elle vous montrera combien je suis écrasé par le poids de ma charge, puisque j'écris si peu à celui que j'aime le plus au monde."
Quel éloge de notre Saint sous la plume d'un si grand Pape !
Saint Léandre, éprouvé par la persécution, eut enfin le bonheur de voir le triomphe de son Église. Le roi Leuvigilde se convertit avant de mourir, et mit son fils Récarède sous la conduite du saint archevêque, qu'il avait exilé. Récarède eut la gloire de ramener tout son peuple à l'Église romaine ; cette gloire, il faut le dire, rejaillit en grande partie sur Léandre, qui s'empressa d'annoncer la nouvelle au Pape saint Grégoire.
On ne connaîtrait qu'à demi ce docteur et cet apôtre de l'Espagne, si l'on ignorait que sa vie fut toujours mortifiée et recueillie comme celle d'un moine, sans faste comme celle d'un pauvre de Jésus-Christ, laborieuse comme celle d'un soldat de la foi.
La conversion de Récarède Ier. Muñoz Degrain. XIXe. Madrid. Espagne.
* Maurice Ier est fameux pour être l'auteur du Strategikon, l'un des grands classiques de la stratégie et de la tactique militaire. Il présente une théorie sophistiquée de l'utilisation des armes combinées. Il est toujours enseigné dans les écoles de guerre digne de ce nom.
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dimanche, 26 février 2023
Ier dimanche de Carême.
- Ier dimanche de Carême.
La tentation au désert. Duccio di Buoninsegna. XIVe.
Ce dimanche, le premier de ceux qui se rencontrent dans la sainte Quarantaine, est aussi l'un des plus solennels de Tannée. Son privilège, qu'il partage avec le Dimanche de la Passion et celui des Rameaux, est de ne cédera aucune fête, pas même à celle du Patron, du Saint titulaire de l'Eglise, ou de la Dédicace. Sur les anciens Calendriers, il est appelé Invocabit, à cause du premier mot de l'Introït de la Messe. Au moyen âge on le nommait le Dimanche des brandons, par suite d'un usage dont le motif ne semble pas avoir été toujours ni partout le même ; en certains lieux, les jeunes gens qui s'étaient trop laissé aller aux dissipations du carnaval devaient se présenter ce jour-là à l'église, une torche à la main, pour faire satisfaction publique de leurs excès.
C'est aujourd'hui que le Carême apparaît dans toute sa solennité. On sait que les quatre jours qui précèdent ont été ajoutés assez tardivement, pour former le nombre de quarante jours de jeûne, et que, le Mercredi des Cendres, les fidèles n'ont pas l'obligation d'entendre la Messe. La sainte Eglise, voyant ses enfants rassemblés, leur adresse la parole, à l'Office des Matines, en se servant de l'éloquent et majestueux langage de saint Léon le Grand :
Notre Seigneur Jésus-Christ au désert. Alessandro Boncivino. XVIIe.
" Très chers fils, ayant a vous annoncer le jeûne sacré et solennel du Carême, puis-je mieux commencer mon discours qu'en empruntant les paroles de l'Apôtre en qui Jésus-Christ parlait, et en répétant ce qu'on vient de vous lire : Voici maintenant a le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Car encore qu'il n'y ait point de temps dans l'année qui ne soient signalés par les bienfaits de Dieu, et que, par sa grâce, nous ayons toujours accès auprès de sa miséricorde ; néanmoins nous devons en ce saint temps travailler avec plus de zèle à notre avancement spirituel et nous animer d'une nouvelle confiance. En effet, le Carême, nous ramenant le jour sacré dans lequel nous fûmes rachetés, nous invite à pratiquer tous les devoirs de la piété, afin de nous disposer, par la purification de nos corps et de nos âmes, à célébrer les mystères sublimes de la Passion du Seigneur.
Il est vrai qu'un tel mystère mériterait de notre part un respect et une dévotion sans bornes, et que nous devrions toujours être devant Dieu tels que nous voulons être dans la fête de Pâques ; mais comme cette constance n'est pas le fait du grand nombre; que la faiblesse de la chair nous oblige à relâcher l'austérité du jeûne. et que les diverses occupations de cette vie divisent et partagent nos sollicitudes : il arrive que les cœurs religieux sont sujets à contracter quelque peu de la poussière de ce monde. C'est donc avec une grande utilité pour nous qu'a été établie cette institution divine qui nous donne quarante jours pour recouvrer la pureté de nos âmes, en rachetant par la sainteté de nos œuvres et par le mérite de nos jeûnes les fautes des autres temps de l'année.
Saint Léon le Grand allant au devant d'Attila.
Raphaël, Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIe.
A notre entrée, mes très chers fils, en ces jours mystérieux qui ont été saintement institués pour la purification de nos âmes et de nos corps, ayons soin d'obéir au commandement de l'Apôtre, en nous affranchissant de tout ce qui peut souiller la chair et l'esprit, afin que le jeûne réprimant cette lutte qui existe entre les deux parties de nous-mêmes, l'âme recouvre la dignité de son empire, étant elle-même soumise à Dieu et se laissant gouverner par lui. Ne donnons à personne l'occasion de se plaindre de nous ; ne nous exposons point au juste blâme de ceux qui veulent trouver à redire.
Car les infidèles auraient sujet de nous condamner, et nous armerions nous-mêmes, par notre faute, leurs langues impies contre la religion, si la pureté de notre vie ne répondait pas à la sainteté du jeûne que nous avons embrassé. Il ne faut donc pas s'imaginer que toute la perfection de notre jeûne consiste dans la seule abstinence des mets ; car ce serait en vain que l'on retrancherait au corps une partie de sa nourriture, si en même temps on n'éloignait pas son âme de l'iniquité."
Notre Seigneur Jésus-Christ au désert.
Ivan Kramskoy. XIXe.
A LA MESSE
La Station, à Rome, est dans la Basilique patriarcale de Saint-Jean-de-Latran. Il était juste qu'un Dimanche aussi solennel fût célébré dans l'Eglise Mère et Maîtresse de toutes les Eglises. non seulement de la ville sainte, mais du monde entier. C'est là que les Pénitents publics étaient réconciliés le Jeudi saint ; là aussi, dans le Baptistère de Constantin, que les Catéchumènes recevaient le saint Baptême, dans la nuit de Pâques ; nulle autre Basilique ne convenait autant pour la réunion des fidèles, en ce jour où le jeûne quadragésimal fut promulgué tant de fois par la voix des Léon et des Grégoire.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. II, Chap. VI.
Saint Paul prêchant. Joseph-Benoît Suvée. XVIIIe.
" Mes Frères, nous vous exhortons de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ; car il est dit : " Je t'ai exaucé au temps favorable, et je t'ai aidé au jour du salut ". Voici maintenant ce temps favorable ; voici maintenant les jours du salut. Prenons garde de ne blesser personne, afin que notre ministère ne soit point un sujet de blâme ; mais agissons en toutes choses comme des serviteurs de Dieu, et avec une grande patience dans les tribulations, dans les nécessités, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes; par la chasteté, par la science, par la longanimité, par la douceur, par le Saint-Esprit, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice dont nous combattons à droite et à gauche ; dans l'honneur et dans l'ignominie, dans la bonne et la mauvaise renommée ; comme des séducteurs, quoique sincères el véritables ; comme des inconnus, quoique très connus ; comme toujours à la mort, et vivant néanmoins ; comme châtiés, mais non jusqu'à en mourir ; comme tristes, et cependant sans cesse dans la joie ; comme pauvres, et toutefois enrichissant plusieurs ; comme n'ayant rien, et possédant tout."
Saint Paul. Lorenzo di Niccolò di Martino. XVe.
Ce passage de l'Apôtre nous montre la vie chrétienne sous un aspect bien différent de celui sous lequel l'envisage ordinairement notre mollesse. Pour en éviter la portée, nous serions aisément disposés à penser que de tels conseils convenaient au premier âge de l'Eglise, où les fidèles, sans cesse exposés à la persécution et à la mort, avaient besoin d'un degré particulier de renoncement et d'héroïsme. Cependant ce serait une grande illusion de croire que tous les combats du chrétien sont finis. Reste toujours la lutte avec les démons, avec le monde, avec la chair et le sang ; et c'est pour cela que l'Eglise nous envoie au désert avec Jésus-Christ pour y apprendre à combattre.
C'est là que nous comprendrons que la vie de l'homme sur la terre est une milice (Job, VII, 1.), et que si nous ne luttons pas courageusement et toujours, cette vie que nous voudrions passer dans le repos finira par notre défaite. C'est pour nous faire éviter ce malheur que l'Eglise nous dit aujourd'hui, par l'organe de l'Apôtre : " Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant les jours du salut ". " Agissons donc en toutes choses comme des serviteurs de Dieu " ; et tenons ferme jusqu'à la fin de cette sainte carrière. Dieu veille sur nous, comme il a veillé sur son Fils au désert.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IV.
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sandro Boticcelli. XVIe.
" En ce temps-là, Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable. Et après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur, s'approchant, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains."
Jésus répondit :
" Il est écrit : " L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu"."
Alors le diable le transporta dans la ville sainte, et l'ayant posé sur le sommet du temple, lui dit :
" Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : " Il a commandé à ses Anges de prendre soin de toi ; ils te soutiendront de leurs mains, de peur que tu ne heurtes du pied contre la pierre "."
Jésus lui dit :
" Il est écrit aussi : " Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu "."
Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, et, lui montrant tous les royaumes du monde avec leur pompe, il lui dit :
" Je te donnerai tout cela, si tu veux te prosterner devant moi et m'adorer."
Alors Jésus lui dit :
" Arrière ! Satan ; car il est écrit : " Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul "."
Alors le diable le laissa, et aussitôt les Anges s'approchèrent de lui, et le servaient."
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ (détail).
Sandro Boticcelli. XVIe.
Admirons l'ineffable bonté du Fils de Dieu qui, non content d'expier par la croix tous nos pèches, a daigné, pour nous encourager à la pénitence, s'imposer un jeûne de quarante jours et de quarante nuits. Il n’a pas voulu que la justice de son Père pût exiger de nous un sacrifice qu'il n'eût offert lui-même le premier en sa personne, et toujours avec des circonstances mille fois plus rigoureuses que celles qui peuvent se rencontrer en nous. Que sont nos œuvres de pénitence, si souvent encore disputées à la justice de Dieu par notre lâcheté, si nous les comparons à la rigueur de ce jeûne du Sauveur sur la montagne ? Chercherons-nous encore à nous dispenser de ces légères satisfactions dont le Seigneur daigne se contenter, et qui sont si loin de ce qu'ont mérite nos fautes ? Au lieu de plaindre une légère incommodité, une fatigue de quelques jours, compatissons plutôt à ce tourment de la faim qu'éprouve notre Rédempteur innocent, durant ces longs jours et ces longues nuits du désert.
La prière, le dévouement pour nous, la pensée des justices de son Père le soutiennent dans ses défaillances ; mais, à l'expiration de la quarantaine, la nature humaine est aux abois. C'est alors que la tentation vient l'assaillir ; mais il en triomphe avec un calme et une fermeté qui doivent nous servir d'exemple. Quelle audace chez Satan d'oser approcher du Juste par excellence ! Mais aussi quelle patience en Jésus ! Il daigne souffrir que le monstre de l'abîme mette la main sur lui, qu'il le transporte par les airs d'un lieu à un autre. L'âme chrétienne est souvent exposée à de cruelles insultes de la part de son ennemi ; quelquefois même, elle serait tentée de se plaindre à Dieu de l'humiliation qu'elle souffre. Qu'elle songe alors à Jésus, le Saint des Saints, donné, pour ainsi dire, en proie à l'esprit du mal. Il n'en est pas moins le Fils de Dieu, le vainqueur de l'enfer ; et Satan n'aura recueilli qu'une honteuse défaite.
La Tentation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ary Scheffer. XIXe.
De même, l'âme chrétienne, sous l'effort de la tentation, si elle résiste de toute son énergie, n'en reste pas moins l'objet des plus tendres complaisances de Dieu, à la honte et au châtiment éternel de Satan. Unissons-nous aux Anges fidèles qui, après le départ du prince des ténèbres, s'empressent de reparer les forces épuisées du Rédempteur, en lui présentant de la nourriture. Comme ils compatissent a ses divines fatigues ! Comme ils réparent, dans leurs adorations, l'horrible outrage dont Satan vient de se rendre coupable envers le souverain Maître de toutes choses! Comme ils admirent cette charité d'un Dieu qui, dans son amour pour les hommes, semble avoir oublié jusqu'à sa dignité, pour ne plus songer qu'aux malheurs et aux besoins des enfants d'Adam !
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26 février. Saint Porphyre, évêque de Gaza en Palestine, et sainte Irène, vierge. 420.
- Saint Porphyre, évêque de Gaza en Palestine, et sainte Irène, vierge. 420.
Pape : Saint Boniface Ier. Empereur romain : Flavius Honorius.
" Les hommes sont étrangers et pélerins sur la terre."
Heb., XI, 14.

Saint Porphyre de Gaza.
Saint Porphyre, né à Thessalonique en 353, de parents riches et vertueux, fut élevé dans la piété, dans la crainte de Dieu ainsi que dans les sciences divines et humaines.
A l'âge de vingt-cinq ans, l'amour divin lui fit abandonner toutes les richesses de la terre, quitter son pays et ses parents pour embrasser la vie religieuse dans un monastère de Scété en Egypte. Après cinq ans de vie austère, ayant reçu de ses supérieurs l'ordre de partir, à cause de sa santé délabrée, il se rendit en Terre Sainte, et parvint extrêmement malade à Jérusalem.
A Thessalonique, il n'avait pu faire le partage de ses richesses avec ses frères qui étaient trop jeunes, il n'avait pas encoore exécuté le précepte de l'Evangile de vendre tout son bien et de le distribuer aux pauvres. Il envoya donc, depuis Jérusalem, un jeune homme nommé Marc, afin qu'il fît procéder à ce partage. Marc, qui deviendra son fidèle disciple, rapporta le lot de saint Porphyre qui consistait en 4 400 écus d'or et quantité de meubles précieux.

Quant Marc arriva, il fut très heureusement surpris de trouver notre Saint en pleine santé. Saint Porphyre lui raconta qu'il s'était, presque à l'article de la mort, traîné jusqu'au Calvaire, que Notre Seigneur Jésus-Christ lui était apparu sur la Croix, lui avait mis une croix sur les épaules et que d'un coup il avait été guéri et ne ressentait plus depuis aucune souffrance.
Les richesses rapportées de Thessalonique furent distribuer aux pauvres de jérusalem et aux monastères environnants. C'est bien Dieu Lui-même qui dirigeait Son serviteur vers la Palestine, où la réputation de ses vertus et de son mérite le fit bientôt élever au siège épiscopal de Gaza.
A l'âge de quarante ans, Prayle, patriarche de Jérusalem, l'ordonna prêtre, et lui confia la garde du bois adorable de Notre Sauveur. Trois ans plus tard, il fut fait évêque de Gaza, en Palestine, par Jean, archevêque de Césarée, métropolitain de cette province, saint homme, auquel le clergé et le peuple avaient remis cette élection, parce qu'il n'avaient pu s'accorder. Ainsi, au lieu de ne penser qu'à expier ses péchés, comme il le disait lui-même, il se trouva engagé à travailler à l'expiation de ceux des autres. Dès qu'il fut sacré, il se rendit à Gaza, où les idolâtres, dont cette ville était toute remplie, le regardèrent comme le plus grand ennemi de leurs dieux.

Eglise de La Nativité. Gaza.
Reconnaissant l'évêque, la jeune fille, qui se trouvait seule à ce moment, se jeta à ses pieds et le vénéra. L'évêque lui demanda le nom de ses parents.
" Je n'ai plus ni père ni mère, j'ai seulement une vieille grand-mère que je nourris avec moi de mon travail.
- Etes-vous Chrétienne mon enfant ?
- Non, mais je désire le devenir.
Que ce peuple est porté au bien ! Si l'ennemi n'y mettait pas obstacle... Mais Dieu sera le maître !"
Puis, il pria Irène de leur prêter une place sur la terrasse de la maison pour se reposer et de ne dire à personne qu'ils y fussent. Sainte Irène s'exécuta et fit preuve d'une grande générosité et d'un zèle si touchant dans le service de notre Saint que celui-ci en pleura tendrement.

Autel d'une chapelle de l'église de La Nativité. Gaza.
Saint Porphyre ordonna des prières spéciales. Un jour de jeûne fut fixé, et on se réunit un soir dans la plus grande église de la ville, où l'assemblée chrétienne chanta durant toute la nuit, dans l'attitude de la pénitence, des invocations à Dieu et aux Saints.

Eglise Notre-Dame édifiée dans une grotte sur le lieu-dit " Aïn el habis ".
" Le Christ a vaincu !"
Ce prodige détermina la conversion d'un très grand nombre d'idolâtres.
Tous les nombreux miracles de Porphyre avaient pour but la conversion des âmes. Un jour qu'il traversait la mer sur un navire, une tempête affreuse éclata, le naufrage était inévitable. Mais Porphyre, éclairé de Dieu, déclara au pilote que la tempête cesserait dès qu'il aurait abjuré l'hérésie d'Arius. Le pilote, étonné de voir un homme qui lisait dans les coeurs, abjura aussitôt l'erreur, et les flots devinrent calmes.

L'église de La Nativité. Les Chrétiens de Gaza gardent leur église...
Le saint évêque demanda alors à sainte Irène si elle ne voulait pas s'établir, en lui promettant de la doter et de lui présenter un futur mari chrétien.
" Mais, saint père, vous m'avez déjà donner un Epoux, et vous ne voudrez pas que j'en accepte un autre.
- Mais quel Epoux ma fille ?
- Le Sauveur de mon âme, l'Epoux des vierges."
Le saint prélat se mit à pleurer de joie. Il la renvoya donc en sa maison, lui recommandant de mener une vie et une conduite digne de sa vocation.
Quelques temps plus tard, à la suite du décès de sa grand-mère, saint Porphyre confia sainte Irène à la conduite de la diaconesse Manaris. Un grand nombre de jeunes filles suivirent l'exemple de sainte Irène, qui mourut dans sa virginité baptismale en 490.
Porphyre, en mourant le 26 février 420, laissa Gaza entièrement chrétienne et délivrée des Idolâtres comme des hérétiques.
* Merci à " Basile ", qui a bien voulu nous corriger et nous préciser que le lieu-dit " Aïn el habis " signifie " la source de l'ermite " et se trouve au monastère Saint-Jean-du-Désert près de Jérusaleme et non pas près de Gaza. Selon la tradition, c'est dans ce désert que saint Jean-Baptiste enfant et sa mère sainte Élisabeth se soustrayèrent à la fureur du roi Hérode.
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samedi, 25 février 2023
25 février. Saint Félix III, pape. 483-492.
- Saint Félix III, pape. 483-492.
Papes : Saint Simplice (prédecesseur, +483) ; saint Gélase Ier (successeur). Empereur romain d'Orient : Zénon. Rois d'Italie : Odoacre ; Théodoric.
" La croix assure la victoire."
Saint Félix III. Mosaïque. Anonyme.
Basilique Saint-Côme-et-Saint-Damien. Rome. VIe.
Saint Félix appartenait à la famille Anicia, la plus puissante, la plus riche et la plus noble de Rome. Son père avait été marié avant que d'être prêtre. Mais, en s'engageant dans les liens du sacerdoce, il avait, selon les règles canoniques, renoncé à ceux du mariage. Félix lui-même avait été marié avant d'entrer dans les Ordres et de devenir Pape.
Saint Grégoire le Grand, qui était de la même famille patricienne des Anicii, rappelle ce fait en ces termes dans une homélie prononcée devant le peuple romain à la basilique de Saint-Clément :
" Mon père eut trois sœurs, Tharsilla, Gordiana et Amiliana, qui, éprises d'une même ardeur de perfection, se consacrèrent le même jour au Seigneur, prirent le voile des vierges et vécurent ensemble dans leur maison, observant les règles monastiques. Ma tante Tharsilla se distinguait par son assiduité à la prière, ses mortifications, son abstinence et l'édification d'une vie consommée en Dieu. Une nuit, dans une vision, mon quatrisaïeul le pontife Félix, qui me précéda sur ce siège de Rome, lui apparut, et découvrant à ses regards les magnifiques splendeurs du royaume des cieux, lui dit : " Ma fille, l'heure est venue où je dois t'introduire dans ce séjour de la gloire éternelle ".
Quelque temps après, Tharsilla fut prise d'une maladie soudaine, et bientôt on comprit qu'elle allait mourir. Selon la coutume dans les familles nobles, une foule considérable remplit la demeure pour assister la malade et consoler ses proches. Ma mère se trouvait au chevet de la mourante. Elle la vit tout à coup lever les yeux au ciel, comme dans une extase ; puis, en se tournant vers les assistants, elle dit : " Retirez-vous, retirez-vous, Jésus vient à moi !" A ces mots, cette âme sainte se dégagea des liens du corps; un parfum céleste se répandit dans l'appartement, comme si l'auteur de toute suavité qui venait d'apparaître à son humble servante eût voulu laisser à tous cette marque de sa présence."
Félix succéda à Simplicius et fut élu le 8 mars de l'année 483, par le sénat, le clergé et le peuple assemblés dans la basilique de Saint-Pierre. Durant l'interrègne qui fut de six jours, selon les uns, de vingt-six jours, suivant les autres, Odoacre, en sa qualité de roi d'Italie, intrigua pour diriger les affaires de l'assemblée et s'arroger le droit de confirmer l'élection. Le mémoire qui contenait ces prétentions fut condamné vingt ans plus tard comme impie et sacrilége par un concile de Rome toute l'antiquité ecclésiastique ratifia cette condamnation quant aux manoeuvres d'Odoacre, elles échouèrent complètement.
Le début du pontificat de saint Félix coïncida avec la nouvelle apportée à Rome du rétablissement de l'hérétique Pierre Monge (1) sur le siège épiscopal d'Alexandrie, par l'influence d'Acace, archevêque de Constantinople. Le vénérable Félix cita Acace à son tribunal et déposa Pierre Monge. Il fit partir pour Constantinople les deux évêques Misenus et Vital, les chargeant de notifier la sentence. Mais ces légats furent circonvenus par les intrigues des deux prélats schismatiques. Ils se laissèrent corrompre, moyennant une somme d'argent, et n'exécutèrent pas les ordres du Saint-Siège. A leur retour en Italie, Félix réunit un synode où ils furent convaincus de simonie et excommuniés. Après la déposition des légats, les Pères du concile prononcèrent de nouveau la déposition solennelle de Pierre Monge. Le Pape ne voulait point encore sévir contre Acace dont les derniers événements lui avaient fait connaître la mauvaise foi. Cependant, comme il ne daignait pas même répondre aux lettres paternelles du souverain Pontife et qu'il continuait à demeurer en communion avec Pierre Monge, Félix fut obligé de le ranger parmi les hérétiques et de le séparer de la communion catholique.
Pour porter ce décret à Constantinople, le Pape fit choix du prêtre Tutus. Il lui remit de plus deux lettres, l'une pour l'empereur Zénon, l'autre. pour le clergé et le peuple de Constantinople cette dernière était destinée à réparer le scandale donné publiquement par ses précédents légats. Acace refusa obstinément de recevoir le décret du Pape pour qu'il ne pût pas prétexter de son ignorance sur une sentence qui l'excommuniait, un moine du couvent où le légat avait trouvé un refuge fut assez hardi pour attacher le décret à son manteau pontifical, un dimanche qu'il entrait dans la basilique pour y célébrer. Cet acte de courage attira la vengeance d'Acace sur tous les moines de Constantinople un certain nombre d'entre eux furent égorgés par ses affidés. C'est ainsi qu'Acaco eut le triste honneur de commencer la séparation entre Rome et Constantinople. Ce premier schisme dura trente-cinq ans (484-519). Qui pourrait dire toutes les violences, toutes les persécutions, toutes les cruautés des Eutychiens triomphants contre les catholiques ? Trois intrus, trois apostats occupaient les trois grands sièges d'Orient : Pierre le Foulon à Antioche, Pierre Monge à Alexandrie, Acace à Constantinople tout puissants à la cour de Zénon et unis dans leur révolte contre le Saint-Siège, ils durent croire avoir triomphé et regarder l'eutychianisme implanté pour jamais en Orient. Mais Dieu allait confondre leurs orgueilleuses pensées. Pierre le Foulon mourut le premier en 488 Acace le suivit au tombeau quelques mois après il expira chargé de la malédiction de Dieu et des hommes. Quant à Zénon, qui n'avait pas eu le courage de se montrer ce qu'il était au fond, un prince vraiment catholique, il fut enterré tout vif par sa propre femme il mourut dans son tombeau de faim et de rage.
Félix ne se contenta pas de donner des soins tendres et bienveillants aux intérêts de l'Eglise d'Orient il se tourna avec compassion vers cette malheureuse Eglise d'Afrique foulée aux pieds par les Vandales. Il écrivit à l'empereur pour qu'il intervînt auprès de Hunéric, leur roi, et qu'il l'engageât à cesser ses cruautés envers les catholiques. Le roi persécuteur vécut de courtes années, et Gondamond, son successeur, rendit la paix à l'Eglise.
Ceux qui étaient tombés pendant la persécution demandèrent à rentrer en grâce Félix régla les conditions de leur pénitence et rétablit les anciens Canons.
Dans le domaine politique, le pontificat de saint Félix III fut marqué par l'invasion de Théodoric, roi des Ostrogoths, en Italie, et l'expulsion d'Odoacre, roi des Hérules. Les habitants des provinces et des villes, horriblement pressurés par les barbares, n'avaient d'autres ressources que la charité des évêques. L'Eglise ne faillit pas à sa mission. Saint Félix mourut pendant cette lutte qui amenait une domination arienne en Italie (492).
D'un caractère énergique, prudent et modéré, il sut, au milieu des difficultés de l'Orient agité par l'hérésie, et de l'Occident déchiré par des guerres sanglantes, maintenir l'autorité du Siége apostolique, et la faire respecter malgré les intrigues, malgré les défections. Le talent, la capacité, la vertu qu'il déploya sur le trône, lui valurent les honneurs de la canonisation. Il fut inhumé dans la basilique du bienheureux Paul, apôtre.
Saint Félix III. Gravure. Anonyme. XVIe.
ACTES DE SON ADMINISTRATION
Il établit que les églises seraient consacrées par les évêques seulement.
Il défendit de rebaptisé ceux qui l'avaient été une première fois.
Il construisit la basilique Saint-Agapet, près de clele de Saint-Laurent.
Le premier, il donna aux empereurs le nom de Fils. Le premier encore, il employa comme date l'indiction, c'est-à-dire une manière de compter par périodes de quinze années, à partir de l'an 312 de Jésus-Christ, epoque de la conversion de Constantin.
Sous son pontiticat et la troisième année de son règne, saint Barnabé. apôtre, apparut à Anthème, évêqne de Salamine, en Chypre, tenant en main l'Evangile de saint Matthieu ; cette révélation se renouvela trois fois et le corps de saint Barnabé fut trouvé avec un exemplaire de cet Evangile.
C'est encore sous son pontificat que les habitants du Norique, fuyant leur pays, apportèrent en Italie les reliques du grand saint Séverin.
(1). Son hérésie était l'Eutychianisme. Voir sur cette question le concile de Chalcédoine dans les conciles généraux et particuliers, par Mgr Guérin.
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vendredi, 24 février 2023
24 février. Saint Matthias, Apôtre et martyr. 63.
- Saint Matthias *, Apôtre et martyr. 63.
Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.
" Apprenons par la vie de saint Matthias à consulter Dieu dans toutes nos entreprises."
Mgr Guérin.
Le Fils de Dieu, qui était venu en ce monde pour attirer les coeurs des hommes à Son amour, voulut être suivi par douze hommes pauvres et de peu d'apparence, mais puissants en oeuvres et en paroles, appelés Apôtres, qu'Il anima de Son esprit et de Sa grâce, afin que, comme de braves et vaillants capitaines, ils fissent la guerre au péché, au prince des ténèbres et à tous ses suppôts.

Saint Matthias. Eglise abbatiale de l'abbaye Saint-Oyend,
Parmi ces douze Apôtres, il s'en trouva un, nommé Judas Iscariote, qui après avoir été élevé à cette éminente dignité de l'apostolat, et être demeuré quelques temps dans l'école d'un si bon et si adorable Maître, prêché et fait plusieurs miracles dans la Judée, étant enfin dominé par l'avarice, vendit à vil prix le Prix infini de la Rédemption de tous les hommes, Le livrant à Ses ennemis ; mais lorsqu'il Le vit condamné à mort, il ajouta crime sur crime, et, désespérant de Son pardon, il se pendit et s'étrangla de ses propres mains. En effet, il n'y en avait point d'assez infâmes dans toute la nature pour donner la mort à ce misérable.

Bartolomeo Bulgarini. XIVe.
Cet enfant de perdition ayant fait une si malheureuse fin, et étant déchu du rang que Notre Seigneur Jésus-Christ lui avait donné, les Apôtres et tous les autres Disciples, après l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les cieux, s'assemblèrent ; saint Pierre, comme chef et pasteur universel de l'Eglise, prit la parole ; et, après avoir représenté l'impiété et la punition de Judas, leur dit que " pour accomplir la prophétie de Daniel, il fallait choisir un de ceux qui étaient présents et qui avaient conversé avec Notre Seigneur Jésus-Christ depuis le baptême de saint Jean jusqu'au jour où Lui-même était monté au cieux ; afin que celui qu'on élirait de nouveau fût mis en la place de ce désespéré, pour être témoin avec les autres de la vie miraculeuse de leur Maître et de la tromphante victoire qu'Il avait remporté sur la mort " (Act. I.).
Telle fut cette première allocution pontificale, dont les Consistoires romains ont retenu la forme solennelle et dont les Papes conserveront jusqu'à la fin des siècles le fraternel langage.

Election de saint Matthias. Domenico Tiepolo. XVIIIe.
L'avis de saint Pierre fut trouvé bon par toute l'assistance, composée d'environ cent-vingt personnes ; et, d'un commun accord, ils en choisirent deux, savoir : Joseph, dit Barsabas, et, à cause de sa sainteté, surnommé Juste ; et Matthias, l'un des soixante-douze Disciples. Ensuite, tous se mirent en oraison et demandèrent à Celui qui pénètre le fond des coeurs qu'Il lui plût de déclare lequel des deux Il avait choisi pour succéder à l'apostolat du traitre Judas.

Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
" Aussitôt ils tirèrent leurs noms au sort : le sort tomba sur Matthias, et il fut compté parmi onze Apôtres."
Deux choses rendent légitimes l'emploi que les Apôtres firent du sort : ils avaient à choisir entre deux sujets d'un égal mérite ; mais le mérite ne suffit pas pour le ministère ecclésiastique, il faut la vocation ; il s'agissait donc de savoir lequel, de Joseph ou de Matthias, était appelé de Dieu à l'apostolat ; il plut à Dieu de déclarer cette fois Sa volonté par le sort, et c'est Lui sans doute qui inspira aux Apôtres d'employer ce moyen.

Estampe allemande du XVe.
Hors ces cas extraordinaires où, le mérite égal des sujets jetant dans l'incertitude, une lumière surnaturelle inspire d'avoir recours au sort, l'emploi en est illégitime. Ce serait tenter Dieu, qui a laissé à Son Eglise d'autres marques pour s'assurer de la vocation de ses ministres, et qui, dans la suite, est souvent venu à son secours par des miracles.
Il faut dire aussi que tous les interprètes ne voient pas dans ce passage de l'Ecriture un emploi du sort. Quelques-uns, s'appuyant sur d'autres passages, donnent au mot sort un autre sens : celui de vocation, de lot ; de sorte qu'il faudrait traduire : Et ce fut Matthias qui eut, pour vocation, pour lot, l'apostolat.

Saint Matthias & saint Marc. Psalterium. Tigré. Ethiopie. XVe.
Quoiqu'il en soit, notre Saint ayant été élu Apôtre, reçut le Saint-Esprit avec les autres, et commença à prêcher aux peuples le mystère ineffable de la Croix, avec une grande sainteté de vie et une admirable ferveur d'esprit ; puis, lorsque les Apôtres divisèrent entre eux les provinces pour savoir où chacun d'eux devait aller annoncer l'Evangile, la Judée échut à saint Matthias. Il se mit aussitôt à y prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ : il le fit avec tant d'ardeur, qu'il convertit beaucoup de monde à la foi comme le ramrque saint Isidore en sa vie.
Au rapport de saint Sophrone, de Nicphore et de Dorothée, il alla, en continuant toujours sa prédication, jusqu'au fond de l'Ethiopie.
Cependant les Juifs ne cessèrent de lui faire la guerre, parce qu'il leur faisait voir, par les Ecritures, la venue du Messie. Les persécutions de ces perfides furent plus difficiles et à vaincre que les traverses du monde les plus insupportables : car, après avoir prêcher l'espace de trente-trois années, il fut assommé par ces Juifs et par les Gentils à coups de pierres et ensuite décapité. Quelques-uns disent qu'il fut crucifié, puis détaché de la croix pour avoir la tête tranchée.

Décolation de saint Matthias.
Il mourut l'an 63 de notre salut, sous l'empire de Néron. Son saint corps fut apporté à Rome par sainte Hélène, mère de Constantin, et une partie des ossements de son chef et de ses autres membres se voient encore aujourd'hui dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure ; l'autre partie fut donnée par cette sainte impératrice, comme un riche présent, à saint Agrice, archevêque de Trèves, qui la mit en l'ancienne église de Saint-Eucher, hors les murs de cette ville : c'est pourquoi cette église a changé son nom, et a pris celui de Saint-Matthias. Il s'y est fait un grand nombre de miracles par les mérites de l'intercession de notre Saint.

Saint Matthias. Panneau droit d'un dyptique.
Une partie du vénérable chef de saint Matthias a longtemps été conservé à Barbezieux, en Saintonge. Déplorons que les bêtes féroces calvinistes l'aient arrachée de son reliquaire, jetée dans le feu et réduite en cendres.
Peut-être était-ce " vengeance " sur le succès triomphal de Jean Eck sur Luther qui invoquait saint Matthias avant toute dispute, puisqu'une autre partie des reliques de notre Saint avait été apportée et était vénérée à Augsbourg.

Gravure de Théophile et Rodolphe Deckherr. Montbéliard. XIXe.
Dans les groupes formés de douze Apôtres, on reconnaît saint Matthias à la hache ou hallebarde, comme on reconnaît saint Pierre aux clefs. Isolé, il tient une crois à longue hampe, souvenir du genre de mort qu'il endura pour Notre Seigneur Jésus-Christ.
En considération de sa hache, saint Matthias a été choisi pour patron des charpentiers et des taillandiers.

Saint Grégoire le Grand et saint Matthias. Masolino. XVe.
Trèves et Goslar, en Hanovre, comptent saint Matthias parmi leurs patrons.
* Les années bissextiles, saint Matthias se fête le 25 février. Il est honoré ordinairement le 24 de ce mois et anticipé ou repoussé si ce jour est le mercredi des Cendres.
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jeudi, 23 février 2023
23 février. Saint Pierre Damien, cardinal-évêque d'Ostie, docteur de l'Eglise. 1072.
" Ce vigilant ne fuyait pas quand il voyait venir le loup : il allait au contraire l'attaquer dans sa retraite et lui donner la mort avant qu'il vint fondre sur son bercail, retranchant, par le glaive de l'excommunication, ceux qui voulaient introduire des erreurs dans l'esprit de ses diocésains. Il était le fléau des hérétiques, et il savait si efficacement réprimer leur audace et leur témérité, que les autres prélats l'envoyaient prier avec instance de venir à leur secours, pour les aider à dissiper les pernicieuses doctrines qui s'étaient glissées dans leurs églises."
Petits Bollandistes.

Antiveduto Grammatica. XVIIe.
L'austère réformateur des mœurs chrétiennes au XIe siècle, le précurseur du saint pontife Grégoire VII, Pierre Damien en un mot, paraît aujourd'hui sur le Cycle. A lui revient une partie de la gloire de cette magnifique régénération qui s'accomplit en ces jours où le jugement dut commencer par la maison de Dieu (I Petr. IV, 17.). Dressé à la lutte contre les vices sous une sévère institution monastique, Pierre s'opposa comme une digue au torrent des désordres de son temps, et contribua puissamment à préparer, par l'extirpation des abus, deux siècles de foi ardente qui rachetèrent les hontes du Xe siècle. L'Eglise a reconnu tant de science, de zèle et de noblesse, dans les écrits du saint Cardinal, que, par un jugement solennel, elle l'a placé au rang de ses Docteurs. Apôtre de la pénitence, Pierre Damien nous appelle à la conversion, dans les jours où nous sommes ; écoutons-le et montrons-nous dociles à sa voix.
Pierre, né à Ravenne, de parents aisés, étant encore à la mamelle, fut rejeté par sa mère qui était mécontente d'avoir un grand nombre d'enfants. Il fut recueilli demi-mort et soigné par une personne de la maison, qui le rendit à la mère, après l'avoir rappelée aux sentiments de l'humanité. Ayant perdu ses parents, il se vit réduit à une dure servitude, sous la tutelle d'un de ses frères qui le traita comme un vil esclave. Ce fut alors qu'il donna un rare exemple de religion envers Dieu, et de piété filiale. Ayant trouvé par hasard une pièce de monnaie, au lieu de l'employer à soulager sa propre indigence, il la porta à un prêtre, lui demandant d'offrir le divin Sacrifice pour le repos de l'âme de son père. Un autre de ses frères nommé Damien, dont on dit qu'il a tiré son nom, l'accueillit avec bonté, et l'instruisit dans les lettres. Pierre y fit de si rapides progrès, qu'il devint l'objet de l'admiration des maîtres eux-mêmes.
Son habileté et sa réputation dans les sciences libérales l'ayant fait connaître, il les enseigna lui-même avec honneur. Dans cette nouvelle situation, afin de soumettre les sens à la raison, il portait un cilice sous des habits recherchés, se livrant avec ardeur aux jeûnes, aux veilles et aux oraisons. Etant dans l'ardeur de la jeunesse, et se sentant vivement pressé des aiguillons de la chair, il allait la nuit éteindre ces flammes rebelles dans les eaux glacées d'un fleuve ; puis il se mettait en marche pour visiter les sanctuaires en vénération, et récitait le Psautier tout entier. Il soulageait les pauvres avec un zèle assidu, et les servait de ses propres mains dans des repas qu'il leur donnait fréquemment.
Désirant mener une vie plus parfaite, il entra dans le monastère d'Avellane. au diocèse de Gubbio, de l'Ordre des moines de Sainte-Croix de Fontavellane, fondé par le bienheureux Ludolphe, disciple de saint Romuald. Peu après, envoyé par son Abbé à l'abbaye de Pomposia, puis à celle de Saint-Vincent de Petra-Pertusa, il édifia ces deux monastères par ses prédications saintes, par son enseignement distingué et par sa manière de vivre. A la mort de son Abbé, la communauté d'Avellane le rappela pour le mettre à sa tête ; et il développa d'une manière si remarquable cette famille monastique par les nouvelles maisons qu'il créa, et par les saintes institutions qu'il lui donna, qu'on le regarde avec raison comme le second père de cet Ordre et son principal ornement.
Plusieurs monastères d'institut différent, des chapitres de chanoines, des populations entières, éprouvèrent les salutaires effets du zèle de Pierre Damien. Il rendit de nombreux services au diocèse d'Urbin ; il secourut l'évêque Theuzon dans une cause importante, et l'aida par ses conseils et par ses travaux dans la bonne administration de son évêché. La contemplation des choses divines, les macérations du corps et les autres traits d'une sainteté consommée élevèrent à un si haut point sa réputation, que le pape Etienne IX, malgré la résistance du saint, le créa Cardinal de la sainte Eglise Romaine et Evoque d'Ostie. Pierre éclata dans ces hautes dignités par des vertus et des œuvres en rapport avec la sainteté du ministère épiscopal.
Par sa doctrine, ses légations et toute sorte de travaux, il fut d'un secours merveilleux à l'Eglise Romaine et aux Souverains Pontifes, dans des temps très difficiles. Il combattit jusqu'à la mort avec un zèle intrépide l'hérésie Simoniaque et celle des nicolaïtes. Après avoir purgé de ce double fléau l'Eglise de Milan, il la réconcilia avec l'Eglise Romaine. Il s'opposa courageusement aux antipapes Benoît et Cadalous. Il retint Henri IV, roi de Germanie, qui était sur le point de divorcer injustement avec son épouse. La ville de Ravenne fut ramenée par lui à l'obéissance au Pontife Romain, et rétablie dans la jouissance des choses saintes.
Il mit la réforme chez les chanoines de Vellétri. Dans la province d'Urbin, presque toutes les Eglises épiscopales éprouvèrent ses services ; celle de Gubbio, qu'il administra pendant quelque temps, fut par lui soulagée d'un grand nombre de maux ; quant aux autres, il les soigna toujours autant qu'il lui fut possible, comme si elles eussent été confiées à sa garde. S'étant démis du cardinalat et de la dignité épiscopale, il ne relâcha rien de son empressement à soulager le prochain.
Il fut le propagateur du jeûne du Vendredi, en l'honneur du mystère de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, et du petit Office de la Mère de Dieu, ainsi que de son culte le jour du Samedi. Il étendit par son zèle l'usage de la discipline volontaire, pour l'expiation des péchés qu'on a commis.
Enfin, après une vie tout éclatante de sainteté, de doctrine, de miracles et de grandes actions, lorsqu'il revenait de la légation de Ravenne, son âme s'envola vers le Christ, à Faënza, le huit des calendes de mars. Son corps, gardé dans cette ville chez les Cisterciens, est honoré d'un grand nombre de miracles, du concours et de la vénération des peuples. Plus d'une fois les habitants de Faënza ont éprouvé son secours dans les calamités ; et pour ce motif, leur ville l'a choisi pour patron auprès de Dieu. Son Office et sa Messe, qui se célébraient déjà comme d'un Confesseur Pontife dans plusieurs diocèses et dans l'Ordre des Camaldules, ont été étendus à l'Eglise universelle, de l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, par le pape Léon XII, qui a ajouté la qualité de Docteur.

On a représenté saint Pierre Damien :
- avec une discipline à la main, pour exprimer l'ardeur avec laquelle il s'adonnait à la mortification ;
- sous les costumes divers de cardinal, d'ermite et de pélerin ;
- en pélerin, on lui met un diplôme ou une bulle à la main pour rappeler les diverses légations dont il fut chargé par les Papes.
Fortifiez dans les brebis le respect, la fidélité et l'obéissance envers ceux qui les conduisent dans les pâturages du salut. Vous qui fûtes non seulement l'apôtre, mais l'exemple de la pénitence chrétienne, au milieu d'un siècle corrompu, obtenez que nous soyons empressés à racheter, par les œuvres satisfactoires, nos péchés et les peines qu'ils ont méritées. Ranimez dans nos âmes le souvenir des souffrances de notre Rédempteur, afin que nous trouvions dans sa douloureuse Passion une source continuelle de repentir et d'espérance. Accroissez encore notre confiance en Marie, refuge des pécheurs, et donnez-nous part à la tendresse filiale dont vous vous montrâtes animé pour elle, au zèle avec lequel vous avez publié ses grandeurs."
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