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vendredi, 10 janvier 2025

10 janvier. Saint Guillaume, archevêque de Bourges.

- Saint Guillaume, archevêque de Bourges. 1209.
 
Pape : Innocent III. Roi de France : Philippe II Auguste.

" Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes comme les hypocrites ; ils montrent un visage exténués afin que leurs jeûnes paraissent devant les hommes."
Math., VI, 16.


Saint Guillaume. Heures à l'usage de Rome. Paris. XVe.

Guillaume de Donjeon (ou Berruyer), issu de l'antique maison des comtes de Nevers, vint au monde vers le milieu du XIIe siècle au bourg d'Arthel. Il fut élevé avec soin dans la crainte de Dieu sous la conduite de son oncle, Guillaume, archidiacre de Soissons et surnommé l'Ermite à cause de ses vertus, auquel sa mère Maëncia l'avait confié. Le Seigneur lui avait donné toutes les dispositions de la nature et de la grâce nécessaires à l'accomplissement des grands desseins qu'Il avait sur lui ; aussi fit-il des progrès rapides et acquit-il en peu de temps des connaissances au-dessus de son âge et un trésor croissant de sainteté.

Le monde lui souriait, avec sa gloire et ses plaisirs ; il renonça à tout, il s'éloigna même des honneurs ecclésiastiques qui semblaient le poursuivre, tant comme chanoine à Soissons qu'ensuite à Paris. Il résigna ses bénéfices et parti au monastère de Grand-Mont d'abord, au diocèse de Limoges, puis à l'abbaye de Pontigny, deuxième fondation de Cîteaux à Chablis, car il avait fuit Grand-Mont à cause des querelles qui opposaient les moines autour de la place des affaires spirituelles soutenues par les moines de choeur par rapport aux affaires temporelles, soutenues par les frères converts.


Abbaye cistercienne de Pontigny.
IIe fondation de l'ordre de Citeaux. 1114.

Après avoir édifié Pontigny par ses vertus où il fut amené à en devenir l'abbé, il alla implanter deux fondations de Pontigny, l'abbaye de Fontaine-Jean au diocèse de Sens, où saint Guillaume fit tant l'admiration de ses frères qu'ils en firent leur prieur claustral. Il fut ensuite élu abbé de Fontaine-Saint-Jean, au diocèse de Sens. Et plus tard abbé de Chalis en 1136, qu'il fonda aussi. Ces monastères durent leur naissance, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, à la générosité du grand et trop méconnu roi Louis VI.

Tous les frères conservèrent de lui le souvenir d'un moine doux et gai, encore que constamment préoccupé de la mortification des sens et des passions. Au demeurant, il exerçait avec talent ses fonctions de gouvernement et enseignait bien. Il vécut dans cette sainte retraite de Chalis jusqu'en 1099.

Non content d'avoir quitté le monde, il en perdit jusqu'au souvenir, et vécut dans la présence continuelle de Dieu ; sa modestie, sa dévotion, sa régularité, ranimaient la ferveur de ses frères ; il suffisait de le regarder au choeur ou à l'autel pour être embrasé du saint désir de marcher sur ses traces. Il avait surtout un grand amour pour le Saint-Sacrement, près duquel il trouvait ses délices, et ses larmes ne tarissaient pas durant le saint sacrifice de la Messe.


Saint Guillaume. Chapelle Saint-Jean-Baptiste.
Saint Merd-la-Breuille. Limousin. XVIIe.

Or, il advint que mourut Henry de Sully, l'archevêque de Bourges, dont la succession s'avérait si difficile que le chapitre s'en remit à Eudes de Sully, évêque de Paris, pour choisir le nouvel archevêque entre les trois abbés de l'Ordre de Cîteaux.

Eudes de Sully se retira dans la prière puis s'en vint à Notre-Dame-de-Sales où, après écrit le nom de chaque abbé sur un papier différent, les déposa sur l'autel avant que de célébrer la messe. A la fin de la messe, il tira au sort et Guillaume fut désigné comme le nouvel archevêque de Bourges ; Eudes de Sully se rendit à Saint-Etienne de Bourges où l'attendait le chapitre qui proclama son nouvel archevêque le 23 novembre 1200.

Effrayé par le poids de sa nouvelle charge, il ne l'accepta, à la demande du légat pontifical, qu'en obéissance à l'abbé de Cîteaux. Il fut sacré en présence des évêques dont il devenait le primat pour la part de l'Aquitaine qui lui revenait. Notre saint dut donc bientôt se résigner à s'élever et répondre à l'appel du Ciel clairement manifesté. Sacré archevêque de Bourges, Guillaume montra, dès les premiers jours, toutes les vertus des plus illustres Pontifes. Il demeura moine dans son palais, moine par l'habit et plus encore par les austérités. Il sut concilier les exercices de sa piété avec les immenses occupations de sa charge ; il parcourait son diocèse, prêchait, instruisait les petits et les humbles, administrait les sacrements, visitait les hôpitaux, délivrait les captifs, et multipliait les prodiges. Quand on lui demandait un miracle, il disait : " Je ne suis qu'un pauvre pécheur " ; mais il cédait aux larmes des malades et les guérissait par sa bénédiction.


Saint Guillaume agenouillé devant l'évêque de Soissons.
Dessin de Giovanni Francesco Barbieri. XVIIe.

Archevêque, il continuait de vivre comme un moine, dans une grande austérité, touchant les cœurs par sa grande humilité, sa douceur et sa joie, autant que par ses mortifications et sa grande charité.

Dans l'exercice de sa charge pastorale, il se montrait toujours si ferme sur les principes qu'il s'attira la colère de Philippe II Auguste quand le roi était interdit par Innocent III pour avoir répudié Ingelburge et épousé Agnès de Méranie et que l'archevêque suspendit le culte dans son diocèse. Il connut aussi la haine d'une large partie de son clergé qui ne voulait pas se plier à la discipline. Philippe Auguste rentra enfin en lui-même et fit pénitence, recouvra par là la pleine amitié de saint Guillaume, et bien des clercs depuis firent pénitence publique.


Eglise Saint-Guillaume. Saint-Gonlay. Bretagne.

Saint Guillaume gouverna l'archidiocèse de Bourges pendant dix ans où il fut remarquable dans les missions qu'il prêchait contre des hérétiques de l'espèce manichéenne, et c'est en se préparant à partir pour une nouvelle tournée pastorale qu'il fut saisi par la maladie et dut s'aliter pour la première fois de sa vie, le 9 janvier 1209. Il dicta son testament, reçut les derniers sacrements et entra en agonie ; il eut encore la force de se lever pour recevoir la Sainte Communion à genoux sur le pavé ; il fit jurer à son chapitre de remettre son cadavre aux cisterciens, puis, au moment d'expirer, exigea qu'on le couchât par terre, sur la cendre, et mourut le 10 janvier 1209.


Saint Guillaume. Faïence de Nevers. Bourgogne. XVIIIe.

On a conservé de lui quelques belles paroles :
" Tel pasteur, telles brebis."
" J'ai à expier et mes propres péchés et ceux de mon peuple."

Sa mort fut digne de sa vie ; il expira revêtu du cilice qu'il avait toujours porté, et couché sur la cendre. Il avait commencé par ses écrits à mener le combat contre les ignobles cathares. Au moment de sa mort, il vit distinctement les anges battant des ailes au-dessus de sa tête, et il rendit l'âme en leur tendant les bras. Pendant ses obsèques, la foule aperçut au-dessus de l'église un globe de feu planant dans les airs.


Retable de saint Guillaume. Bas-relief en bois polychrome.
Chapelle Saint-Guillaume de Loudéac. Bretagne. XVIIe.

La population prit le deuil et refusa de rendre la dépouille du saint aux moines de Chalis qui s'inclinèrent à partir du moment où le pape Honorius III l'inscrivit au livre des saints, en 1218, et que son corps fut déposé dans une chasse magnifique derrière le maître-autel de sa cathédrale. Les moines de Chalis eurent un os du bras, et le collège de Navarre, puisque l'université de Paris avait choisi saint Guillaume comme patron et protecteur, eut une côte. Pendant les guerres de religion, les bêtes féroces calvinistes détruisirent la chasse, mais les reliques furent recueillies et exposées en l'église Saint-Léger-d'Auvergne, au diocèse du Puy, où elles opérèrent de nombreux miracles avant que d'être profanées et détruites par les non moins féroces bêtes de la révolution.

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mardi, 07 janvier 2025

7 janvier. Saint Lucien d'Antioche, prêtre et martyr. 312.

- Saint Lucien d'Antioche, prêtre et martyr. 312.
 
Pape : Saint Miltiade. Empereur romain d'Orient : Licinius ; Maximin II Daïa. Empereur romain d'Occident : Galère ; Maxence (Rome) ; Constantin Ier.

" Seigneur, l'explication de votre parole éclaire et donne de l'intelligence aux petits."
Ps. CXVIII.


Saint Lucien d'Antioche. Bas-relief. Arles. XIe.

Ce grand personnage était Syrien de nation, d'une famille illustre de Samosate (d'après l'hagiographe Baillet, cette famille était d'Antioche). Ses parents, Chrétiens, prirent un soin particulier de l'élever dans la crainte de Dieu. Il devint orphelin de père et de mère à l'âge de douze ans et dès lors, jugeant que la vie religieuse était un port assuré contre les orages du monde, il se retira chez un saint personnage appelé Macaire, qui faisait profession d'étudier et d'interpréter les saintes écritures à Edesse. Lucien profita si bien à cette sainte école, qu'il se prescrivit dès lors une façon de vivre très austère. L'oraison et le silence étaient ses plus familiers entretiens, et, s'il lui échappait parfois une parole, elle était toujours puisée dans les saintes Ecritures.

Avançant de plus en plus en âge et en vertu, il se fit ordonné prêtre à Antioche ; et, pour se fiare utile au public, il entreprit d'instruire la jeunesse, tant dans les belles lettres que dans la pratique de la piété. Pour cet effet, il tint école ouverte, à l'exemple de son maître saint Macaire, afin que tous ceux qui voulait jouir de ses travaux le pussent faire sans aucune difficulté. De plus, pour avoir de quoi faire l'aumône aux pauvres, il s'acquit une telle facilité de bien écrire, qu'il y gagnait assez pour son entretien et celui des autres. Il entreprit en outre un ouvrage très difficile ; car, ayant observé que les hérétiques, traduisant diversement les livres sacrés, y avaient glissé beaucoup d'erreurs, il résolut d'en revoir toutes les traductions, et d'en faire une toute nouvelle de l'hébreu en grec. Cette édition mérita l'estime universelle et fut très utile à saint Jérôme qui rapporte que l'on s'en servait dans l'Eglise d'Orient, particulièrement depuis Constantinople jusqu'à Antioche.

C'est pour partie à saint Lucien d'Antioche que l'on doit l'invention des reliques de saint Etienne. Il vint un jour s'entretenir avec l'évêque de Jérusalem du lieu, qu'il avait vu en songe, où les précieuses reliques seraient découvertes.

Comme notre saint travaillait ainsi pour la religion, l'empereur Maximin renouvela les édits de ses prédécesseurs Dioclétien et Maximien, et continua de persécuter les Chrétiens. Sachant que ce très saint prêtre était un des plus fermes soutiens et une des plus fortes colonnes de l'Eglise catholique d'Antioche, et que les fidèles avaient pour lui beaucoup de déférence, il résolut de le faire arrêter. Le saint homme en ayant avis, pour ne pas s'exposer témérairement au péril, il sortit de la ville et se retira secrètement dans la campagne, pratiquant en cela le conseil du Sauveur qui dit à ses disciples (Matth. X, 23.) :
" Quand les hommes vous persécuterons en une ville, fuyez en une autre."


Saint Lucien d'Antioche. D'après une Icône grecque du Xe.

Cependant, ayant été dénoncé par un méchant apostat partisan de l'hérésiarque Sabellius, il fut fait prisonnier et conduit à Nicomédie en 303.

En passant par la Cappadoce, il rencontra quelque soldats de sa connaissance, qui, par crainte ou par la violence des tourments, avaient renoncé au Christianisme : notre saint, animé de ferveur et de zèle, leur fit une si vive et charitable remontrance, que, touchés de repentir, ils promirent de ne faire désormais que des actes de bons Chrétiens ; et de quarante qu'ils étaient, la plupart moururent courageusement pour Notre Seigneur Jésus-Christ ; les autres, triomphant de la cruauté des tourments, survécurent à la rage du tyran.

Le saint martyr ne produisit pas un moindre fruit quand il arriva à Nicomédie. Il trouva encore quelques Chrétiens qui avaient fait naufrage dans la foi. Il les ramena par ses ferventes exhortations et les fit rentrer dans le sein de l'Eglise. Aussi, ce très saint prêtre porte-t-il à très juste titre le nom de Lucien, qui vient de lux, lumière, brillant par l'éclat de sa foi, de sa doctrine et de ses vertus, non seulement pour lui-même mais aussi pour les autres.

Il semble que Maximin craignait d'être éclairé par cette lumière s'il l'interrogeait lui-même ; en effet, il se couvrit pour ainsi dire d'un voile, et ne parla à Lucien que par un interprète. Il lui offrit de se l'associer au gouvernement de l'empire et de la faire son collègue et conseil s'il voulait " seulement " sacrifier aux idoles ; mais notre saint se moquant de ces vaines promesses, protesta hautement qu'il n'en ferait jamais rien. Alors Maximin, passant des promesses aux menaces, le fit conduire an prison, où, après plusieurs autres outrages, le saint confesseur eut à subir d'affreux traitements. On prépara une grosse pièce de bois, percée en quatre endroits différents, et après lui avoir fait entrer les jambes jusqu'aux genoux dans les deux trous de dessus, on les replia pour les faire entrer dans les trous de dessous, ce qui lui déboîta les os et força horriblement les jointures. Ensuite, on lui attacha les mains par-dessus la tête à une autre pièce de bois, afin qu'étant couché il ne pût nullement remuer, et, la place ayant été couverte de têts de pots cassés, on l'étendit nu sur ce lit de douleur pour lui faire souffrir sans relâche une torture insupportable.

Les bourreaux le laissèrent ainsi douze ou quatorze jours, sans rien lui donner à manger que les viandes qui avaient été présentées aux idoles ; mais, comme il eût plutôt souffert mille morts que de toucher un seul de ces morceaux, s'appuyant sur cette loi qu'on ne peut manger ce qui a été offert aux idoles s'il en doit résulter du scandale pour les faibles et s les Païens l'exigeet comme un acte d'idolâtrie, il s'abstint sans défaillance.

Cependant la fête de l'Epiphanie approchait, et ses disciples qui le venait visiter, eussent bien voulu de le voir libre en ce jour afin de participer avec lui aux saints mystères de notre rédemption. Le saint le leur promit. Ainsi, le jour arrivé, il leur dit que sa poitrine servirait d'autel, et eux, d'église, en se rangeant autour de sa personne. Ils apportèrent donc le pain et le vin sur le sein du prêtre qui, après les prières accoutumées, les bénit l'un et l'autre, les consacra et reçut la sainte Eucharistie, qu'il fit distribuer ensuite à toute l'assistance. Chose admirable : Dieu ne permit pas qu'un seul Païen se présentât pour interrompre l'auguste cérémonie.
Ce fait, qui se trouve dans les Actes de saint Lucien, est aussi rapporté par Philostorge, historien arien (liv. II, ch. 12, 13).

Le lendemain, l'empereur, irrité de ce que le martyr vivait si longtemps, envoya voir s'il était mort ; mais d'aussi loin qu'il apercut les ministres d'iniquité, saint Lucien s'écria :
" Je suis Chrétien !"
Le bourreau, étonné de cette constance, lui demanda de quel pays il était :
" Je suis Chrétien !" répondit saint Lucien.
" Quelle est ta profession ?" demanda le ministre de Satan.
" Je suis Chrétien !" répondit le saint prêtre.
" Mais qui sont tes parents ?" ajouta encore le Païen.
" Je suis Chrétien !" reprit encore le généreux martyr.

Il n'eut pas si tôt fait cette dernière profession de foi que saint Lucien rendit son âme à Dieu : ce fut le 7 janvier de l'an 312.
 
Saint Lucien d'Antioche s'entretient avec l'évêque de Jérusalem au
sujet du lieu où se pourront découvrir les reliques de saint Etienne.
Détail. Tapisserie de la Légende de saint Etienne. Colyn de Coter.
Cathédrale Saint-Etienne d'Auxerre. XVIe.

On croit qu'il resta 9 ans en prison, puisque, au rapport d'Eusèbe, il en reçut la couronne du martyre qu'après la mort de saint Pierre d'Alexandrie arrivée en 311.

Saint Jean Chrysostome a écrit des merveilles sur cette admirable réponse de saint Lucien ; " parce que le disciple de Notre Seigneur Jésus-Christ, en disant qu'il est Chrétien, explique parfaitement bien, en un seul mot, quelle est sa patrie, sa famille et sa profession. Sa partie parce que, n'en ayant point sur la terre, il n'en reconnaît pas d'autre que la Jérusalem céleste ; sa famille, parce qu'il ne croit pas avoir d'autres parents que les Saints ; enfin sa profession, puisque toute sa vie est dans le ciel ".

Le tyran, écoutant sa rage, même après la mort de saint Lucien, commanda qu'on lui attachât une grosse pierre à la main droite, et que son corps fût jeté dans la mer, afin d'en ôter à jamais le souvenir. Mais le Créateur de toutes choses le conserva 14 jours dans les eaux, autant qu'il avait souffert de jours le martyre ; et au 15e, le saint apparut à l'un de ses parents qui était son disciple, Glycérius, pour lui dire qu'il allât en un tel endroit du rivage qu'il lui marquait, et qu'il y trouverait alors infailliblement son corps. Glycérius se rendit à cet endroit avec quelques autres Chrétiens. Ils n'y furent pas plus tôt arrivés, qu'ils apercurent un grand dauphin qui, portant ce précieux trésor sur son dos, le déchargea à leur vue sur le bord de la mer. On put facilement se convaioncre que ce dauphin n'était pas un fantôme mais un vrai poisson, car il expira qur le rivage aussitôt qu'il se fut déchargé, ainsi qu'il paraît par le dernier couplet d'une hymne que l'on chante en l'honneur de saint Lucien :

" Le dauphin, paraissant, se chargea du Martyr,
Et voulant à son corps rendre un pieux hommage,
Le porta sur son dos jusqu'au bord du rivage,
Où devant tout le monde il mourut de plaisir."

Ce saint corps fut reçut tout entier et sans aucune corruption ni mauvaise odeur, si ce n'est la main droite qui en avait été séparée par la pesanteur de la pierre qui y avait été attachée. Mais Dieu voulant ratifier par un nouveau miracle le travail de cette même main qui avait servi à la correction des erreurs introsuites dans les versions des saintes Ecritures, fit que peu de temps après, la mer l'ayant rapportée sur ses ondes, elle fut parfaitement réunie au corps de saint Lucien ; lequel reut les honneurs de la sépulture autant que ses disciples le pouvaient faire dans ces circonstances de persécutions.

Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, passant par Nicomédie au retour de la visite des lieux saints, eut dévotion d'honorer le sépulcre du saint martyr Lucien, et fit bâtir une belle ville, qui changea son nom de Drépan et Hélenopolis, dans laquelle elle fit élever un beau temple dédié à saint Lucien.


Colonne Saint-Lucien. Vestige de l'église dédiée à saint Lucien.
Place du Forum. Arles.

Dans la suite des temps, saint Charlemagne fit apporter les saintes reliques de notre saint prêtre et martyr dans la ville d'Arles, en Provence, après y avoir fait bâtir une église en son honneur.

Après que les bêtes féroces de 1793 aient profané cette église, l'archevêque d'Aix, Mgr Bernet, reconnut néanmoins en 1839 les reliques qui avaient échapé aux outrages comme étant bien celles de saint Lucien et de saint Vincent.

L'église Saint-Lucien s'élevait autrefois sur la place du Forum, dans la partie occupée actuellement par le café Van Gogh. Elle était aussi désignée sous l'appellation de Notre-Dame-du-Temple ou Notre-Dame-de-la-Minerve à cause d'une tradition voulant qu'elle ait été fondée sur un ancien temple de Minerve dont une portion lui aurait servi de nef. Saint Charlemagne y fit placer des reliques de saint Lucien, ce qui lui conféra son nom.

Elle était au cœur d'une paroisse de gens aisés, principalement de négociants, majoritairement de merciers. Un escalier donnait accès à une chapelle basse, du XIIe siècle, dont on peut encore voir l'abside ainsi que la base de l'autel à l'extrémité de la galerie Nord des Cryptoportiques. Chapelle placée sous la dédicace de Saint-Michel.

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lundi, 06 janvier 2025

6 janvier. Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

- Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger :


L'adoration des mages. Rogier van der Weyden. XVe.

Le jour des Mages, le jour du Baptême, le jour du Festin nuptial est arrivé ; les trois puissants rayons du Soleil de justice luisent sur nous. Les ténèbres matérielles sont aussi moins épaisses ; la nuit a déjà perdu de son empire, la lumière progresse de jour en jour. Dans son humble berceau, les membres sacrés du divin Enfant prennent accroissement et force. Aux Bergers, Marie le fit voir étendu dans la crèche ; aux Mages, elle va le présenter sur ses bras maternels. Les présents que nous avons à lui offrir doivent être préparés : suivons donc nous aussi l'étoile, et mettons-nous en marche pour Bethléhem, la Maison du Pain de vie.

CAPITULE
(Isaïe, LX.).


Lorenzo Monaco. XVe.

" Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi."

R/. br. " Les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents : Alleluia, alleluia. Les Rois de Tharsis."

V/. " Les Rois de l'Arabie et de Saba lui apporteront des dons. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Les Rois de Tharsis."

V/. " La foule viendra de Saba, alleluia, "

R/. " Lui apporter l'or et l'encens, alleluia."

A LA MESSE

A Rome, la station est à Saint-Pierre, au Vatican, près de la tombe du Prince des Apôtres, à qui toutes les nations ont été données en héritage dans le Christ.

EPÎTRE

Lecture du Prophète Isaïe. Chap. LX.


Joos van Wassenhove. Flandres. XVe.

" Lève-toi, Jérusalem ; sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Les ténèbres couvriront la terre, une nuit sombre enveloppera les peuples ; mais sur toi le Seigneur se lèvera, et sa gloire éclatera sur toi. Et les Nations marcheront à ta lumière, et les Rois à la splendeur de ta clarté naissante. Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci, que tu vois rassemblés, sont venus pour toi. Des fils te sont venus de loin, et des filles se lèvent à tes côtés. En ce jour, tu verras, et tu seras dans l'opulence, et ton cœur sera dans l'admiration, et il se dilatera : en ce jour où la multitude des nations qui habitent les bords de la mer se tournera vers toi, quand la force des Gentils viendra à toi. Les chameaux, les dromadaires de Madian et d'Epha, arriveront chez toi comme un déluge : la foule viendra de Saba t'apporter l'or et l'encens, en chantant la louange du Seigneur."

Ô gloire infinie de ce grand jour, dans lequel commence le mouvement des nations vers l'Eglise, la vraie Jérusalem ! Ô miséricorde du Père céleste qui s'est souvenu de tous ces peuples ensevelis dans les ombres de la mort et du crime ! Voici que la gloire du Seigneur s'est levée sur la Cité sainte ; et les Rois se mettent en marche pour l'aller contempler. L'étroite Jérusalem ne peut plus contenir ces flots des nations ; une autre ville sainte est inaugurée ; et c'est vers elle que va se diriger cette inondation des peuples gentils de Madian et d'Epha. Dilate ton sein, dans ta joie maternelle, Ô Rome ! Tes armes t'avaient assujetti des esclaves ; aujourd'hui ce sont des enfants qui arrivent en foule à tes portes ; lève les yeux, et vois : tout cela est à toi ; l'humanité tout entière vient prendre dans ton sein une nouvelle naissance. Ouvre tes bras maternels ; et accueille-nous, nous tous qui venons du Midi et de l'Aquilon, apportant l'encens et l'or à Celui qui est ton Roi et le nôtre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. II.


Adoration des rois mages. Gérard David. Flandres. XVIe.

" Jésus étant né en Bethléhem de Juda, aux jours du roi Hérode, voici que des Mages vinrent d'Orient à Jérusalem, et ils disaient :
" Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer."
A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. Et rassemblant tous les Princes des prêtres et les Docteurs du peuple, il leur demandait où le Christ devait naître.
Et ils lui dirent :
" En Bethléhem de Juda ; car il est écrit par le Prophète : " Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda ; car de toi sortira le Chef qui régira mon peuple d'Israël."
Alors Hérode, ayant appelé les Mages en secret, s'enquit d'eux avec grand soin du temps auquel l'étoile leur avait apparu.
Et les envoyant à Bethléhem, il leur dit :
" Allez et informez-vous exactement de cet enfant, et lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que je vienne aussi l'adorer."

Ayant ouï ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait, jusqu'à ce que, étant arrivée sur le lieu où était l'enfant, elle s'y arrêta. Lorsqu'ils revirent l'étoile, ils furent transportés de joie, et étant entrés dans la maison, ils trouvèrent l'Enfant avec Marie sa mère, et se prosternant (ici on se met à genoux), ils l'adorèrent, et ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent pour présents l'or, l'encens et la myrrhe. Et ayant reçu en songe l'ordre de ne point aller trouver Hérode, ils s'en retournèrent dans leur pays par un autre chemin."


Albrecht Dürer. XVIe.

Les Mages, prémices de la Gentilité, ont été introduits auprès du grand Roi qu'ils cherchaient, et nous les avons suivis. L'Enfant nous a souri comme à eux. Toutes les fatigues de ce long voyage qui mène à Dieu sont oubliées ; l'Emmanuel reste avec nous, et nous avec lui. Bethléhem, qui nous a reçus, nous garde à jamais ; car à Bethléhem nous possédons VEnfant et Marie sa Mère. En quel lieu du monde trouverions-nous des biens aussi précieux ?

Supplions cette Mère incomparable de nous présenter elle-même ce Fils qui est notre lumière, notre amour, notre Pain de vie, au moment où nous allons approcher de l'autel vers lequel nous conduit l'Etoile de la foi. Dès ce moment ouvrons nos trésors ; tenons à la main notre or, notre encens et notre myrrhe, pour le nouveau-né. Il agréera ces dons avec bonté ; il ne demeurera point en retard avec nous. Quand nous nous retirerons comme les Mages, comme eux aussi nous laisserons nos cœurs sous le domaine du divin Roi ; et ce sera aussi par un autre chemin, par une voie toute nouvelle, que nous rentrerons dans cette patrie mortelle qui doit nous retenir encore, jusqu'au jour où la vie et la lumière éternelle viendront absorber en nous tout ce qui est de l'ombre et du temps.

 
SEQUENCE

Pour honorer la pure et glorieuse Mère de notre divin Roi, empruntons cette Séquence au pieux moine Herman Contract :

" Salut, glorieuse Etoile de la mer ; votre lever divin, Ô Marie, présage la lumière aux nations.

Salut, Porte céleste, fermée à tout autre qu'à Dieu ! Vous introduisez en ce monde la Lumière de vérité, le Soleil de justice, revêtu de notre chair.

Vierge, beauté du monde, Reine du ciel, brillante comme le soleil, belle comme l'éclat de la lune, jetez les yeux sur tous ceux qui vous aiment.

Dans leur foi vive, les anciens Pères et les Prophètes vous désirèrent sous l'emblème de ce rameau qui devait naître sur l'arbre fécond de Jessé.

Gabriel vous désigna comme l'arbre de vie qui devait produire, par la rosée de l'Esprit-Saint, l'amandier à la divine fleur.

C'est vous qui avez conduit l'Agneau-Roi, le Dominateur de la terre, de la pierre du désert de Moab à la montagne de la fille de Sion.

Vous avez écrasé Léviathan, malgré ses fureurs, et brisé les anneaux de ce tortueux serpent, en délivrant le monde du crime qui causa sa damnation.

Nous donc, restes des nations, pour honorer votre mémoire, nous appelons sur l'autel, pour l'immoler mystérieusement, l'Agneau de propitiation, Roi éternel des cieux, le fruit de votre enfantement merveilleux.

Les voiles étant abaissés, il nous est donné à nous, vrais Israélites, heureux fils du véritable Abraham, de contempler, dans notre admiration, la manne véritable que figurait le type mosaïque : priez, Ô Vierge, que nous soyons rendus dignes du Pain du ciel.

Donnez-nous de nous désaltérer, avec une foi sincère, à cette douce fontaine représentée par celle qui sortit de la pierre du désert; que nos reins soient ceints de la ceinture mystérieuse ; que nous traversions heureusement la mer, et qu'il nous soit donné de contempler sur la croix le serpent d'airain.

Les pieds mystérieusement dégagés de leurs chaussures, les lèvres pures, le cœur sanctifié, donnez-nous d'approcher du feu saint, le Verbe du Père, que vous avez porté, comme le buisson porta la flamme, Ô Vierge devenue mère !

Ecoutez-nous ; car votre Fils aime à vous honorer en vous exauçant toujours.

Sauvez-nous, Ô Jésus ! nous pour qui la Vierge-Mère vous supplie.

Donnez-nous de contempler la source de tout bien, d'arrêter sur vous les yeux purifiés de notre âme.

Que notre âme, désaltérée aux sources de la Sagesse, puisse aussi percevoir la saveur de la vraie Vie.

Qu'elle orne par les œuvres la foi chrétienne qui habite en elle, et que, par une heureuse fin, elle passe de cet exil vers vous, Auteur du monde.

Amen."


Il Corregio, le Corrège. Italie. XVe.

PRIERE

" Nous venons à notre tour vous adorer, Ô Christ, dans cette royale Epiphanie qui rassemble aujourd'hui à vos pieds toutes les nations. Nous nous pressons sur les pas des Mages ; car, nous aussi, nous avons vu l'étoile, et nous sommes accourus. Gloire à vous, notre Roi ! A vous qui dites dans le Cantique de votre aïeul David : " C'est moi qui ai été établi Roi sur Sion, sur la montagne sainte, pour annoncer la loi du Seigneur. Le Seigneur m'a dit qu'il me donnerait les nations pour héritage, et l'empire jusqu'aux confins de la terre. Maintenant donc, Ô rois, comprenez ; instruisez-vous, arbitres du monde !" (Psalm. II.).

Bientôt vous direz, Ô Emmanuel, de votre propre bouche : " Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre " (Matth. XXVIII) ; et, quelques années plus tard, l'univers entier sera sous vos lois. Déjà Jérusalem s'émeut ; Hérode tremble sur son trône ; mais l'heure approche où les hérauts de votre avènement iront annoncer à la terre entière que Celui qui était l'attente des nations est arrivé. La parole qui doit vous soumettre le monde partira ; elle s'étendra au loin comme un vaste incendie. En vain les puissants de la terre tenteront de l'arrêter dans son cours. Un Empereur, pour en finir, proposera au Sénat de vous inscrire solennellement au rang de ces dieux que vous venez renverser ; d'autres croiront qu'il est possible de refouler votre domination par le carnage de vos soldats. Vains efforts ! Le jour viendra où le signe de votre puissance ornera les enseignes prétoriennes, où les Empereurs vaincus déposeront leur diadème à vos pieds, où cette Rome si fière cessera d'être la capitale de l'empire de la force, pour devenir à jamais le centre de votre empire pacifique et universel.

Ce jour merveilleux, nous en voyons poindre l'aurore ; vos conquêtes commencent aujourd'hui, Ô Roi des siècles ! Du fond de l'Orient infidèle, vous appelez les prémices de cette gentilité que vous aviez délaissée, et qui va désormais former votre héritage. Plus de distinction de Juif ni de Grec, de Scythe ni de barbare. Vous avez aimé l'homme plus que l'Ange, puisque vous relevez l'un, et laissez l'autre dans sa chute. Mais si, durant de longs siècles, votre prédilection fut accordée à la race d'Abraham, désormais votre préférence est pour nous Gentils. Israël ne fut qu'un peuple, et nous sommes nombreux comme les sables de la mer, comme les étoiles du firmament. Israël fut placé sous la loi de crainte ; vous avez réservé pour nous la loi d'amour.

Dès aujourd'hui vous commencez, Ô divin Roi, à éloigner de vous la Synagogue qui dédaigne votre amour ; aujourd'hui vous acceptez pour Epouse la Gentilité, dans la personne des Mages. Bientôt votre union avec elle sera proclamée sur la croix, du haut de laquelle, tournant le dos à l'ingrate Jérusalem, vous étendrez les bras vers la multitude des peuples. Ô joie ineffable de votre Naissance ! Mais joie plus ineffable encore de votre Epiphanie, dans laquelle il nous est donné à nous, déshérités jusqu'ici, d'approcher de vous, de vous offrir nos dons, et de les voir agréés par votre miséricorde, Ô Emmanuel !

Grâces vous soient donc rendues, Enfant tout-puissant, " pour l'inénarrable don de la foi " (II Cor. IX, 15) qui nous transfère de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière ! Mais donnez-nous de comprendre toujours toute l'étendue d'un si magnifique présent, et la sainteté de ce grand jour où vous formez alliance avec la race humaine tout entière, pour arriver avec elle à ce mariage sublime dont parle votre éloquent Vicaire, Innocent III : " mariage, dit-il, qui fut promis au patriarche Abraham, juré au roi David, accompli en Marie devenue Mère, et aujourd'hui consommé, confirmé et déclaré : consommé dans l'adoration des Mages, confirmé dans le baptême du Jourdain, déclaré dans le miracle de l'eau changée en vin ". Dans cette fête nuptiale où l'Eglise votre Epouse, née à peine, reçoit déjà les honneurs de Reine, nous chanterons, Ô Christ, dans tout l'enthousiasme de nos cœurs, cette sublime Antienne des Laudes, où les trois mystères se fondent si merveilleusement en un seul, celui de votre Alliance avec nous :
" Aujourd'hui l'Eglise s'unit au céleste Epoux : ses péchés sont lavés par le Christ dans le Jourdain ; les Mages accourent aux Noces royales, apportant des présents ; l'eau est changée en vin, et les convives du festin sont dans la joie. Alleluia."

dimanche, 05 janvier 2025

Saint Nom de Jésus.

- Le Saint Nom de Jésus.


Gérard David. XVe.

Le troisième Mystère de l'Epiphanie nous montre la consommation des plans de la divine miséricorde sur le monde, en même temps qu'il nous manifeste une troisième fois la gloire de l'Emmanuel. L'Etoile a conduit l'âme à la foi, l'Eau sanctifiée du Jourdain lui a conféré la pureté, le Festin Nuptial l'unit à son Dieu. Nous avons chanté l'Epoux sortant radieux au-devant de l'Epouse ; nous l'avons entendu l'appeler des sommets du Liban ; maintenant qu'il l'a éclairée et purifiée, il veut l'enivrer du vin de son amour.

Un festin est préparé, un festin nuptial ; la Mère de Jésus y assiste ; car, après avoir coopéré au mystère de l'Incarnation du Verbe, il convient qu'elle soit associée à toutes les œuvres de son Fils, à toutes les faveurs qu'il prodigue à ses élus. Mais, au milieu de ce festin, le vin vient à manquer. Jusqu'alors la Gentilité n'avait point connu le doux vin de la Charité ; la Synagogue n'avait produit que des raisins sauvages. Le Christ est la vraie Vigne, comme il le dit lui-même. Lui seul pouvait donner ce vin qui réjouit le cœur de l'homme (Psalm. CIII.), et nous présenter à boire de ce calice enivrant qu'avait chanté David. (Psalm. XXII.).

Marie dit au Sauveur : " Ils n'ont point de vin ". C'est à la Mère de Dieu de lui représenter les besoins des hommes, dont elle est aussi la mère. Cependant, Jésus lui répond avec une apparente sécheresse :
" Femme, qu'importe à moi et à vous ? Mon heure n'est pas encore venue."
C'est que, dans ce grand Mystère, il allait agir, non plus comme Fils de Marie, mais comme Fils de Dieu. Plus tard, à une heure qui doit venir, il apparaîtra aux yeux de cette même Mère, expirant sur la croix, selon cette humanité qu'il avait reçue d'elle. Marie a compris tout d'abord l'intention divine de son Fils, et elle profère ces paroles qu'elle répète sans cesse à tous ses enfants :
" Faites ce qu'il vous dira."


Les noces de Cana. Benvenuto Tisi da Garofalo. XVIe.

Or, il y avait là six grands vases de pierre, et ils étaient vides. Le monde, en effet, était parvenu à son sixième âge, comme l'enseignent saint Augustin et les autres docteurs après lui. Durant ces six âges, la terre attendait son Sauveur, qui devait l'instruire et la sauver. Jésus commande de remplir d'eau ces vases ; mais l'eau ne convient pas pour le festin de l'Epoux. Les figures, les prophéties de l'ancien monde étaient cette eau ; et nul homme, jusqu'à l'ouverture du septième âge, où le Christ, qui est la Vigne, devait se communiquer, n'avait contracté l'alliance avec le Verbe divin.

Mais lorsque l'Emmanuel est venu, il n'a qu'une parole à dire : « Puisez maintenant. Le vin de la nouvelle Alliance, ce vin qui avait été réservé pour la fin, remplit seul maintenant les vases. En prenant notre nature humaine, nature faible comme l'eau, il en a ménagé la transformation ; il l'a élevée jusqu'à lui, nous rendant participants de la nature divine (II Petr. IV, 1) ; il nous a rendus capables de contracter l'union avec lui, de former ce seul corps dont il est le Chef, cette Eglise dont il est l'Epoux, et qu'il aimait de toute éternité d'un si ardent amour, qu'il est descendu du ciel pour célébrer ces noces avec elle.

" Ô sort admirable que le nôtre ! Dieu a daigné, comme dit l'Apôtre, montrer les richesses de sa gloire sur des vases de miséricorde " (Rom. IX,23). Les urnes de Cana, figures de nos âmes, étaient insensibles, et nullement destinées à tant d'honneur. Jésus ordonne à ses ministres d'y verser l'eau ; et déjà, par cette eau, il les purifie ; mais il pense n'avoir rien fait encore tant qu'il ne les a pas remplies jusqu'au haut de ce vin céleste et nouveau, qui ne devait se boire qu'au royaume de son Père. Ainsi la divine charité, qui réside dans le Sacrement d'amour, nous est-elle communiquée ; et pour ne pas déroger à sa gloire, l'Emmanuel, qui veut épouser nos âmes, les élève jusqu'à lui. Préparons-les donc pour cette union ; et, selon le conseil de l'Apôtre, rendons-les semblables à cette Vierge pure qui est destinée à un Epoux sans tache. (II Cor. XI.).


Alessandro Boticelli. XVIe.

Saint Matthieu, Evangéliste de l'humanité du Sauveur, a reçu de l'Esprit-Saint la charge de nous annoncer le mystère de la foi par l'Etoile ; saint Luc, Evangéliste du Sacerdoce, a été choisi pour nous instruire du mystère delà Purification par les Eaux ; il appartenait au Disciple bien-aimé de nous révéler le mystère des Noces divines. C'est pourquoi, suggérant à la sainte Eglise l'intention de ce troisième mystère, il se sert de cette expression : Ce fut le premier des miracles de Jésus, et il y manifesta sa gloire. A Bethléhem, l'Or et l'Encens des Mages prophétisèrent la divinité et la royauté cachées de l'Enfant ; sur le Jourdain, la descente de l'Esprit-Saint, la voix du Père, proclamèrent Fils de Dieu l'artisan de Nazareth ; à Cana, Jésus agit lui-même et il agit en Dieu : " car, dit saint Augustin, Celui qui transforma l'eau en vin dans les vases ne pouvait être que Celui-là même qui, chaque année, opère un prodige semblable dans la vigne ". Aussi, de ce moment, comme le remarque saint Jean, " ses Disciples crurent en lui ", et le collège apostolique commença à se former.

Nous ne devons donc pas nous étonner que, dans ces derniers temps, l'Eglise, enivrée des douceurs du festin de l'Emmanuel, et voulant accroître la joie et la solennité de ce jour, l'ait choisi de préférence à tout autre pour recevoir la glorieuse mémoire du très saint Nom de Jésus. C'est au jour nuptial que le nom de l'Epoux devient propre à l'Epouse : ce nom désormais témoignera qu'elle est à lui. Elle a donc voulu l'honorer d'un culte spécial, et unir ce cher souvenir à celui des Noces divines.

L'ancienne alliance avait environné le Nom de Dieu d'une terreur profonde : ce nom était pour elle aussi formidable que saint, et l'honneur de le proférer n'appartenait pas à tous les enfants d'Israël. Dieu n'avait pas encore été vu sur la terre, conversant avec les hommes ; il ne s'était pas encore fait homme lui-même pour s'unir à notre faible nature : nous ne pouvions donc lui donner ce Nom d'amour et de tendresse que l'Epouse donne à l'Epoux.


Diego Velasquez. XVIIe.

Mais quand la plénitude des temps est arrivée, quand le mystère d'amour est sur le point d'apparaître, le Nom de Jésus descend d'abord du ciel, comme un avant-goût de la présence du Seigneur qui doit le porter. L'Archange dit à Marie : " Vous lui donnerez le Nom de Jésus " ; or, Jésus veut dire Sauveur. Que ce Nom sera doux à prononcer à l'homme qui était perdu ! Combien ce seul Nom rapproche déjà le ciel de la terre ! En est-il un plus aimable, un plus puissant ? Si, à ce Nom divin, tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers, est-il un cœur qui ne s'émeuve d'amour à l'entendre prononcer ? Mais laissons raconter à saint Bernard la puissance et la douceur de ce Nom béni. Voici comme il s'exprime, à ce sujet, dans son XVe Sermon sur les Cantiques :

" Le Nom de l'Epoux est une lumière, une nourriture, un remède. Il éclaire, quand on le publie ; il nourrit, quand on y pense à part soi ; et quand on l'invoque dedans la tribulation, il procure l'adoucissement et l'onction. Parcourons, s'il vous plaît, chacune de ces qualités. D'où pensez-vous qu'ait pu se répandre, par tout l'univers, cette si grande et si soudaine lumière de la Foi, si ce n'est de la prédication du Nom de Jésus ? N'est-ce pas par la lumière de ce Nom béni, que Dieu nous a appelés en son admirable lumière ? De laquelle étant illuminés, et voyant en cette lumière une autre lumière, nous oyons saint Paul nous dire à bon droit : Vous avez été jadis ténèbres ; mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.


Bramanti. XVe.

Or, le Nom de Jésus n'est pas seulement lumière ; mais encore, il est nourriture. N'êtes-vous donc pas confortés, toutes fois et quantes que vous rappelez à votre cœur ce doux Nom ? Qu'est-il au monde qui nourrisse autant l'esprit de celui qui pense à lui ? Qu'est-ce qui, de la même sorte, répare les sens affaiblis, donne de l'énergie aux vertus, fait florir les bonnes mœurs, et entretient les honnêtes et chastes affections ? Toute nourriture de l'âme est sèche, si elle n'est détrempée de cette huile ; elle est insipide, si elle n'est assaisonnée de ce sel.

Quand vous m'écrivez, votre récit n'a pour moi nulle saveur, si je n'y lis le Nom de Jésus. Lorsque vous disputez ou conférez avec moi, le conteste n'a pour moi aucun intérêt, si je n'y entends résonner le Nom de Jésus. Jésus est un miel à ma bouche, une mélodie à mon oreille, une jubilation à mon cœur ; oui même, outre ce, une médecine bienfaisante. L'un de vous est-il triste ? Que Jésus vienne en son cœur ; que de là il passe en sa bouche, et incontinent, à la venue de ce divin Nom qui est une vraie lumière, tout nuage s'enfuit, la sérénité revient. Quelqu'un tombe-t-il dans le crime ; voire même, court-il, en se désespérant, au lacs de la mort ? S'il invoque le Nom de Jésus, ne recommencera-t-il pas de suite à respirer et à vivre ? Qui jamais oncques demeura dedans l'endurcissement du cœur, comme font tant d'autres, ou bien dedans la torpeur de la fétardie, la rancune, ou la langueur de l'ennui ? Quel est celui qui, par aventure, ayant à sec la source des larmes, ne l'ait sentie soudainement couler plus abondante et plus suave, sitôt que Jésus a été invoqué ? Quel est l'homme qui, palpitant et s'alarmant, au fort des périls, puis venant à invoquer ce Nom de vaillance, n'a pas senti tout aussitôt naître en soi la confiance et fuir la crainte ? Quel est celui, je vous le demande, qui, ballotté et flottant à la merci des doutes, n'a pas, sur-le-champ, je le dis sans balancer, vu reluire la certitude, à l'invocation d'un Nom si éclatant ? Qui est-ce qui, durant l'adversité, écoutant la méfiance, n'a pas repris courage, au seul son de ce Nom de bon secours ? Par effet, ce sont là les maladies et langueurs de l'âme, et il en est le remède.


Fabriano da Gentile. XIVe.

Certes, et je puis vous le prouver par ces paroles : Invoque-moi, dit le Seigneur, au jour de la tribulation, et je t'en tirerai, et tu m’honoreras. Rien au monde n'arrête si bien l'impétuosité de la colère, et n'accoise pareillement l'enflure de la superbe. Rien aussi parfaitement ne guarit les plaies de la tristesse, comprime les débordements de la paillardise, éteint la flamme de la convoitise, étanche la soif de l'avarice, et bannit toutes les démangeaisons des passions déshonnêtes. De vrai, quand je nomme Jésus, je me propose un homme débonnaire et humble de cœur, bénin, sobre, chaste, miséricordieux, et, en un mot, brillant de toute pureté et sainteté. C'est Dieu lui-même tout-puissant qui me guérit par son exemple, et me renforce par son assistance. Toutes ces choses retentissent à mon cœur, lorsque j'entends sonner le Nom de Jésus. Ainsi, en tant qu'il est homme, j'en tire des exemples, pour les imiter ; et en tant qu'il est le Tout-Puissant, j'en tire un secours assuré. Je me sers desdits exemples comme d'herbes médicinales, et du secours comme d'un instrument pour les broyer, et j'en fais une mixtion telle que nul médecin n'en saurait faire de semblable.

Ô mon âme ! Tu as un antidote excellent, caché comme en un vase, dans ce Nom de Jésus ! Jésus, pour le certain, est un Nom salutaire et un remède qui jamais oneques ne se trouvera inefficace pour aucune maladie. Qu'il soit toujours en votre sein, toujours à votre main : si bien que tous vos sentiments et vos actes soient dirigés vers Jésus."

Telle est donc la force et la suavité du très saint Nom de Jésus, qui fut imposé à l'Emmanuel le jour de sa Circoncision ; mais, comme le jour de l'Octave de Noël est déjà consacré à célébrer la divine Maternité, et que le mystère du Nom de l'Agneau demandait à lui seul une solennité propre, la fête d'aujourd'hui a été instituée. Son premier promoteur fut, au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne, qui établit et propagea l'usage de représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus, réduit à ses trois premières lettres IHS, réunies en monogramme. Cette dévotion se répandit rapidement en Italie, et fut encouragée par l'illustre saint Jean de Capistran, de l'Ordre des Frères Mineurs, comme saint Bernardin de Sienne. Le Siège Apostolique approuva solennellement cet hommage au Nom du Sauveur des hommes ; et, dans les premières années du XVIe siècle, Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l'Ordre de saint François le privilège de célébrer une fête spéciale en l'honneur du très saint Nom de Jésus.


Eugenio Cajes. XVIe.

Rome étendit successivement cette faveur à diverses Eglises ; mais le moment devait venir où le Cycle universel en serait enrichi lui-même. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI, Empereur d'Allemagne, que le Pape Innocent XIII décréta que la Fête du très saint Nom de Jésus serait célébrée dans l'Eglise entière, et il la fixa au deuxième Dimanche après l'Epiphanie, dont elle complète si merveilleusement les mystères.

A LA MESSE

Dès l'Introït, l'Eglise annonce la gloire du Nom de son Epoux. Ciel, terre, abîme, tressaillez au bruit de ce Nom adorable ; car le Fils de l'Homme qui le porte est aussi le Fils de Dieu.

" Au Nom de Jésus, que tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père."

Ps. " Seigneur, notre Seigneur, que votre Nom est admirable par toute la terre ! Gloire au Père. Au Nom de Jésus."

EPÎTRE

Lecture des Actes des Apôtres. Chap. IV.


Dieric Bouts. XVe.

" En ces jours-là, Pierre, rempli du Saint-Esprit, dit : Princes du peuple et anciens, écoutez : puisque aujourd'hui nous sommes appelés en jugement pour un bienfait à l'égard d'un homme infirme, qui a été guéri par nous, sachez, vous tous, et tout le peuple d'Israël, que c'est au Nom de notre Seigneur Jésus-Christ, le Nazaréen, crucifié par vous, et ressuscité par Dieu d'entre les morts, que cet homme est devant vous en santé. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, laquelle est devenue la principale pierre de l'angle; et il n'y a pas de salut dans un autre que lui. Car il n'a point été donné aux hommes, sous le ciel, un autre nom dans lequel nous puissions être sauvés."

Nous le savons, Ô Jésus ! Nul autre nom que le vôtre ne pouvait nous donner le salut : ce Nom, en effet, signifie Sauveur. Soyez béni d'avoir daigné l'accepter; soyez béni de nous avoir sauvés ! Cette alliance ineffable que vous nous annoncez aujourd'hui dans les Noces mystérieuses, est tout entière exprimée dans votre doux et admirable Nom. Vous êtes du ciel, et vous prenez un nom de la terre, un nom qu'une bouche mortelle peut prononcer; vous unissez donc pour jamais la divine et l'humaine nature. Oh! rendez-nous dignes d'une si sublime alliance, et ne permettez pas qu'il nous arrivé jamais de la rompre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II. :


Alessandro Boticelli. XVIe.

" En ce temps-là, le huitième jour étant venu, auquel l'Enfant devait être circoncis, on lui donna le Nom de Jésus, qui était le Nom que l'Ange lui avait donné, avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère."

C’est au moment de la première effusion de votre sang dans la Circoncision, Ô Jésus, que vous avez reçu votre Nom; et il en devait être ainsi, puisque ce nom veut dire Sauveur, et que nous ne pouvions être sauvés que par votre sang. Cette alliance fortunée que vous venez contracter avec nous vous coûtera un jour la vie ; l'anneau nuptial que vous passerez à notre doigt mortel sera trempé dans votre sang, et notre vie immortelle sera le prix de votre cruelle mort. Votre Nom sacré nous dit toutes ces choses, Ô Jésus ! Ô Sauveur ! Vous êtes la Vigne, vous nous conviez à boire votre Vin généreux, mais la céleste grappe sera durement foulée dans le pressoir de la justice du Père céleste ; et nous ne pourrons nous enivrer de son suc divin qu'après qu'elle aura été violemment détachée du cep et broyée. Que votre Nom sacré, Ô Emmanuel, nous rappelle toujours ce sublime mystère ; que son souvenir nous garde du péché, et nous rende toujours fidèles.

EVANGILE

En place de la lecture ordinaire de l'Evangile de saint Jean, l'Eglise lit, à la fin de la Messe, le passage où le même Evangéliste raconte le mystère des Noces de Cana :

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. II. :


Les noces de Cana. Gérard David. XVe.

" En ce temps-là, il se fit des noces à Cana, en Galilée, et la Mère de Jésus y était. Jésus fut aussi invité aux noces avec ses Disciples. Et le vin venant à manquer, la Mère de Jésus lui dit :
" Ils n'ont point de vin."
Et Jésus lui répondit :
" Femme, qu'importe à moi et à vous ? Mon heure n'est pas encore venue."
Sa Mère dit à ceux qui servaient :
" Faites tout ce qu'il vous dira."
Or, il y avait là six grands vases de pierre, pour servir aux purifications des Juifs, et dont chacun tenait deux ou trois mesures.
Jésus leur dit :
" Emplissez d'eau ces vases."
Et ils les remplirent jusqu'au haut.
Et Jésus leur dit :
" Puisez maintenant, et portez-en au maître d'hôtel ."
Et ils lui en portèrent. Le maître d'hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et ne sachant d'où venait ce vin, quoique les serviteurs qui avaient puisé l'eau le sussent bien, appela l'époux et lui dit :
" Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a beaucoup bu, il en sert de moindre ; mais vous, vous avez réservé jusqu'à cette heure le bon vin."
Ce fut là le premier des miracles de Jésus, qui se fit à Cana en Galilée ; et par là, il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui."

HYMNE

" Jesu, dúlcis memória,
Dans vera córdis gáudia :
Sed super mel et ómnia
Ejus dúlcis præséntia.

Nil cánitur suávius,
Nil audítur jucúndius,
Nil cogitátur dúlcius,
Quam Jésus Déi Fílius.

Jésu, spes pæniténtibus,
Quam píus es peténtibus !
Quam bónus te quæréntibus !
Sed quid inveniéntibus ?

Nec língua válet dícere,
Nec líttera exprímere :
Expértus pótest crédere,
Quid sit Jésum dilígere.

Sis, Jésu, nóstrum gáudium,
Qui est futúrus praémium
Sit nóstra in te glória,
Per cúncta semper saécula.

Amen."


Dieric Bouts. XVe.

" Jésus ! Nom de douce souvenance, qui donne au cœur les joies véritables ; mais plus suave que le miel et toutes les douceurs, est la présence de Celui qui le porte.

Nul chant plus mélodieux, nulle parole plus agréable, nulle pensée plus douce, que Jésus, le Fils de Dieu.

Jésus ! espoir des pénitents, que vous êtes bon pour ceux qui vous implorent ! Bon pour ceux qui vous cherchent ! Mais que n'êtes-vous pas pour ceux qui vous ont trouvé !

Ni la langue ne saurait dire, ni l'écriture ne saurait exprimer ce que c'est qu'aimer Jésus; celui qui l'éprouve peut seul le croire.

Soyez notre joie, Ô Jésus, vous qui serez notre récompense : que notre gloire soit en vous, durant tous les siècles, à jamais.

Amen."
SÉQUENCE

La Séquence que nous donnons ensuite est de la composition du pieux franciscain Bernardin de Bustis, qui rédigea, sous Sixte IV, un Office et une Messe du saint Nom de Jésus :


Alessandro Boticelli. Détail. XVIe.

" Le doux Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, gracieux, débonnaire, beau et florissant :

Pour le salut de son peuple, il a subi la mort et les tourments, pâle et livide sur la croix.

Doux Nom, doux surnom ; c'est le Nom par excellence, qui surpasse tous les noms.

Il calme les pécheurs, il réchauffé les justes, il les fortifie, il les garde contre les attaques.

Sous l'étendard de ce Roi, tu vis dans un état tranquille, et tes ennemis s'éloignent.

Le Nom de Jésus, quand on le médite, dissipe l'appareil de la guerre ; l'adversaire vaincu s'enfuit.

C'est un Nom qu'il faut révérer, un Nom redoutable aux malins esprits.

C'est un Nom de salut, une consolation singulière qui soulage les affligés.

Il nous le faut honorer, le placer dans le trésor de notre cœur, le méditer, l'aimer, mais d'un héroïque amour.

Ce Nom, Ignace l'a publié, il l'a fait retentir au milieu des tourments ; son cœur ouvert a laissé voir Jésus, écrit en caractères célestes.

Que pouvons-nous souhaiter de plus que d'avoir Jésus pour intime ? De tous il est le plus aimant, et il désire nous aimer.

Il aime avec ardeur, il aime avec constance, il aime avec fidélité, et veut secourir les siens.

Tel il a fait son Nom, qu'il puisse être pour tous le charme du cœur, l'objet excellent et principal d'un amour intime.

Les droits de la nature l'exigent: nous devons aimer de toutes nos forces celui qui nous aime, prévenir ses désirs avec empressement.

Le Nom de Jésus renferme tout bien, il résonne avec douceur, il nous vaut un trône au royaume du ciel, il réjouit notre oreille.

En lui brille la splendeur du Père, en lui éclate la beauté de sa Mère ; en lui se reflète la gloire de son Père, il fait la grandeur de ses frères.

Si donc quelqu'un veut connaître pourquoi le Nom de Jésus fait si vivement souhaiter aux justes de s'attacher à lui :

C'est que Jésus est beau dans son éclat, que sa bonté est souveraine, qu'il est doux, facile, plein de mansuétude, porté à la clémence.

Jésus est le Roi de gloire; Jésus est brillant de beauté, Jésus est plein de grâce dans ses paroles, admirable dans ses œuvres.

Jésus est fort et vaillant; Jésus est un athlète vigoureux ; Jésus est magnifique dans ses dons, il aime à les distribuer.

Jésus est tendre et compatissant, Jésus est un guide lumineux ; Jésus est rempli de délices et de la plus douce saveur.

Jésus est illustre et glorieux ; Jésus est pour tous abondant en fruits ; Jésus est la source des vertus ; aux siens il donne ses faveurs.

Le plus élevé dans les honneurs, le plus chéri dans l'amour ; toutes les gloires sont à lui.

Par sa science il connaît tout, dans son immensité il embrasse tout, par son amour il ravit les cœurs, et les retient dans ses liens.

Que ce Nom, le Nom du doux Jésus, nous soit donc toujours cher ; qu'il soit fixé dans notre cœur, et que rien ne l'en puisse arracher.

Qu'il enlève le mal du péché, qu'il inspire des chants d'allégresse, qu'il nous donne de jouir de la demeure des bienheureux !

Amen."

HYMNE


Domenico Ghirlandaio. XVe.

Nous empruntons aux anciens Missels d'Allemagne l'Hymne suivante, qui reproduit souvent les sentiments et les expressions de la Séquence de Bernardin de Bustis :

" Il est un Nom digne de tout honneur, adoré au plus haut des cieux, un Nom de gloire souveraine ; révélé à Gabriel, par lui sur terre il fut annoncé à la Mère de grâce.

Marie donne le nom de Sauveur à son Fils circoncis le huitième jour, selon la coutume de ses pères. Publié dans le monde entier, cet heureux Nom sauve ceux qui croient en lui.

En ce Nom brille la splendeur de la Trinité et de l'Unité ; il fait la joie du ciel. En ce Nom resplendit l'honneur du Père ; en ce Nom éclate la beauté de la Mère ; ce Nom fait la gloire des frères du Sauveur.

C'est là le Nom salutaire, la consolation singulière qui vient au secours des cœurs affligés. C'est le Nom qu'il nous faut honorer, bénir et louer, dans la joie constante de nos âmes.

Si on le prononce, c'est une mélodie ; si on l'invoque, c'est un doux miel ; il nous garde contre nos ennemis. Le cœur jubile, en songeant à ce Nom si formidable aux esprits de malice.

C'est le Nom plein de grâce, abondant en fruits, fécond en vertus, par-dessus tous les noms. C'est lui qui fait connaître aux hommes la face d'un Dieu toute gracieuse, remplie de beauté et d'amour.

Ce Nom est beau dans son éclat ; il est le souverain bien lui-même ; sa saveur intime est la plus douce. Tout-puissant en sa force, sublime en ses honneurs, il est le principe des délices et de la félicité.

Donc, Ô Pasteur des âmes, leur lumière incessante, Ô bon Jésus ! par votre Nom si cher, protégez-nous, et fermez sous nos pas le noir chaos des ténèbres.

Réformateur de toutes les nations humaines, Vie qui avez détruit la mort, restaurateur de la ruine qu'avaient soufferte les tribus angéliques, daignez vous donner à nous.

Amen."

5 janvier. Saint Télesphore, pape et martyr. 138.

- Saint Télesphore, pape et martyr. 138.

Papes : Saint Sixte Ier (prédécesseur) ; saint Hygin (successeur). Empereurs romains : Hadrien (+138) ; Antonin le Pieux (dit).

" Frère bien-aimés, nous avons la confiance que vous gardez intacte la foi des Apôtres."
Epître de saint Télesphore aux évêque de la catholicité. (Patrol. grecque, T. V.).


Saint Télesphore. Frise des papes.
Basilique Saint-Pierre. Rome.

Saint Télesphore était Grec de nation et anachorète. C'est une tradition, dans l'ordre des Carmes, que le lieu où il exerça sa vie solitaire, avant d'entreprendre la prédication de l'Evangile, était le mont Carmel célèbre par le séjour des saints prophètes Elie et Elisée.

Etant venu à Rome pour travailler à l'établissement de la religion chrétienne, il donna des marques si visibles d'une sagesse et d'une sainteté consommées, qu'après le martyre de saint Sixte, premier de ce nom, il fut mis en sa place, et créé souverain Pontife, sous l'empire d'Adrien.

Entre plusieurs beaux réglements qu'il fit pour l'avancement de l'Eglise, l'un des principaux fut celui du jeûne de quarante jours avant Pâques, que nous appelons le Carême. Ce n'est pas qu'il soit le premier auteur de cette observance ; car saint Ignace, martyr, qui vivait avant lui, en fait mention dans son Epître aux Philippiens ; et c'est le sentiment commun des Pères de de l'Eglise, qu'elle est de tradition apostolique : plusieurs même en parlent comme d'une institution divine, en tant que Notre Seigneur Jésus-Christ nous l'a apprise par son exemple. Mais ce que fit ce saint pape, fut d'établir par un décret ce qui n'était gardé que par l'autorité de la tradition, de réveiller la ferveur des Chrétiens qui commençait à se relâcher dans cette sainte pratique : on peut voir à ce sujet un traité fort curieux touchant les jeûnes, que la père Thomassin, si connu par sa pénétration dans l'antiquité ecclésiastique, a donné au public.

On dit aussi que notre Saint ordonna qu'à la sollennité de Noël, on célèbrerait la messe au milieu de la nuit, au lieu qu'aux autres temps, on ne la célébrait qu'à l'heure de tierce c'est-à-dire sur les neuf heures du matin : ce qui se doit entendre de la messe solennelle, et de ce qui se faisait le plus ordinairement dans les églises.


Vierge de la Très Sainte Trinité. Cimabue. Italie.. XIIIe.

On lui attribue encore le commandement de chanter l'hymne des anges, Gloria in excelcis, avant l'action du sacrifice. On sait, à ce sujet, que les premières paroles de ce cantique ont été chantées par les anges, lorsqu'ils annoncèrent la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, Notre Divin Sauveur. De là lui est venu le nom d'hymne angélique. L'origine des paroles qui suivent n'est pas tout à fait certaine : on les attribuent aux Apôtres, à saint Télesphore, au pape Symnaque à saint Hilaire, évêque de Poitiers. Il est facile de voir l'analogie qu'il y a entre notre Gloria in excelcis et celui des Constitutions apostoliques, tel que le transcrit le docteur Grancolas :
" Gloria in excelcis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis."

Toutes ces ordonnances sont rapportées dans le Liber pontificalis.

Il s'éleva, du temps de ce bienheureux pontife, trois hérétiques très permicieux, savoir : Valentin, Marcion et Appelès, dont les dogmes gnostiques, impies et sacrilèges sont rapportés par saint Epiphane et par les auteurs ecclésiastiques qui ont écrit sur les hérésies.

Cet homme apostolique ne manqua pas de les combattre avec toute la vigueur que l'on pouvait attendre d'un chef de l'Eglise aussi savant et aussi pieux qu'il l'était, et il fut aider dans ce combat par le grand saint Justin, philosophe chrétien, qui présenta aussi, depuis, aux empereurs, deux excellentes apologies, pour justifier notre sainte religion des crimes que les païens lui imputaient, poussés qu'ils étaient par leur propre malice, et par la doctrine diabolique et les moeurs corrompues de ces hérétiques qui se donnaient pour chrétiens.


Couronnement de la sainte Vierge.
Maître de la vie de Marie. Flandres. XVe.

Enfin, saint Télesphore, après avoir gouverné l'Eglise onze ans, trois mois et vingt-deux jours, fut couronné d'un très glorieux martyre, comme le dit expressément saint Irénée. Il avait fait trois fois les ordres au mois de décembre, et créé douze prêtres, huit diacres et treize évêques. Son corps fut enterré au Vatican, proche de celui du Prince des Apôtres, et sa mémoire est célébrée dans l'Eglise au jour même de son martyre, selon l'ordre du bréviaire réformé par Clément VIII.

On représente saint Télesphore avec un calice surmonté de trois hosties, pour rappeler qu'il institua la pratique de dire trois messes le jour de Noël.

MEMOIRE DE SAINT TELESPHORE

" Ô Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, accordez à nous qui célébrons sa Naissance, de jouir de sa protection."

" Sanctifiez, Seigneur, ces dons qui vous sont offerts ; et, par l'intercession du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, qu'ils vous apaisent et attirent sur nous vos regards."

" Rassasiés par la participation du don sacré, nous vous prions, Seigneur notre Dieu, par l'intercession du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, de nous faire ressentir l'effet du Mystère que nous célébrons."

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Saint Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et sa circoncision.

- Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ et du Saint Nom adorable qui lui fut donné. La première année de Son règne.

" Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et aux enfers."
Saint Paul. Lettre aux Philippiens. II.

" Il n'a pas été donné sous le ciel d'autre nom qui ait la vertu de sauver les hommes."
Actes des Apôtres. III.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Giulio Romano. XVIe.

Le huitième jour de la Naissance du Sauveur est arrivé ; l'étoile qui conduit les Mages approche de Bethléhem ; encore cinq jours, et elle s'arrêtera sur le lieu où repose l'Enfant divin. Aujourd'hui, ce Fils de l'Homme doit être circoncis, et marquer, par ce premier sacrifice de sa chair innocente, le huitième jour de sa vie mortelle. Aujourd'hui, un nom va lui être donné ; et ce nom sera celui de Jésus, qui veut dire Sauveur. Les mystères se pressent dans cette grande journée ; recueillons-les tous, et honorons-les dans toute la religion et toute la tendresse de nos coeurs.

Mais ce jour n'est pas seulement consacré à honorer la Circoncision de Jésus ; le mystère de cette Circoncision fait partie d'un plus grand encore, celui de l'Incarnation et de l'Enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d'occuper l'Eglise, non seulement durant cette Octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël. D'autre part, l'imposition du nom de Jésus doit être glorifiée par une solennité particulière, que nous célébrerons demain. Cette grande journée offre place encore à un autre objet digne d'émouvoir la piété des fidèles. Cet objet est Marie, Mère de Dieu. Aujourd'hui, l'Eglise célèbre spécialement l'auguste prérogative de cette divine Maternité, conférée à une simple créature, coopératrice du grand ouvrage du salut des hommes.

Autrefois la sainte Eglise Romaine célébrait deux Messes au premier janvier : l'une pour l'Octave de Noël, l'autre en l'honneur de Marie. Depuis, elle les a réunies en une seule, de même qu'elle a mélangé dans le reste de l'Office de ce jour les témoignages de son adoration envers le Fils, aux expression de son admiration et de sa tendre confiance envers la Mère.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Bartolomeo Veneto. Italie. Début du XVIe.

Pour payer son tribut d'hommages à celle qui nous adonné l'Emmanuel, l'Eglise Grecque n'attend pas le huitième jour de la Naissance de ce Verbe fait chair. Dans son impatience, elle consacre à Marie le propre lendemain de Noël, le 26 décembre, sous le titre de Synaxe de la Mère de Dieu, réunissant ces deux solennités en une seule, en sorte qu'elle n'honore saint Etienne que le 27 décembre.

Pour nous, fils aînés de la sainte Eglise Romaine, épanchons aujourd'hui tout l'amour de nos cœurs envers la Vierge-Mère, et conjouissons-nous à la félicité qu'elle éprouve d'avoir enfanté son Seigneur et le nôtre. Durant le saint Temps de l'Avent, nous l'avons considérée enceinte du salut du monde ; nous avons proclamé la souveraine dignité de cette Arche de la nouvelle alliance qui offrait dans ses chastes flancs comme un autre ciel à la Majesté du Roi des siècles. Maintenant, elle l'a mis au jour, ce Dieu enfant ; elle l'adore ; mais elle est sa Mère. Elle a le droit de l'appeler son Fils ; et lui, tout Dieu qu'il est, la nomme en toute vérité sa Mère.

Ne nous étonnons donc plus que l'Eglise exalte avec tant d'enthousiasme Marie et ses grandeurs. Comprenons au contraire que tous les éloges qu'elle peut lui donner, tous les hommages qu'elle peut lui offrir dans son culte, demeurent toujours beaucoup au-dessous de ce qui est dû à la Mère du Dieu incarné. Personne sur la terre n'arrivera jamais à décrire, pas même à comprendre tout ce que cette sublime prérogative renferme de gloire. En effet, la dignité de Marie provenant de ce qu'elle est Mère d'un Dieu, il serait nécessaire, pour la mesurer dans son étendue, de comprendre préalablement la Divinité elle-même.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Bernardino Zenale. Début du XVIe.

C'est à un Dieu que Marie a donné la nature humaine ; c'est un Dieu qu'elle a eu pour Fils ; c'est un Dieu qui s'est fait gloire de lui être soumis, selon l'humanité ; la valeur d'une si haute dignité dans une simple créature ne peut donc être estimée qu'en la rapprochant de la souveraine perfection du grand Dieu qui daigne ainsi se constituer sous sa dépendance. Anéantissons-nous donc en présence de la Majesté du Seigneur ; et humilions-nous devant la souveraine dignité de celle qu'il s'est choisie pour Mère.

Que si nous considérons maintenant les sentiments qu'une telle situation inspirait à Marie à l'égard de son divin Fils, nous demeurons encore confondus par la sublimité du mystère. Ce Fils, qu'elle allaite, qu'elle tient dans ses bras, qu'elle presse contre son cœur, elle l'aime, parce qu'il est le fruit de ses entrailles ; elle l'aime, parce qu'elle est mère, et que la mère aime son fils comme elle-même et plus qu'elle-même ; mais si elle vient à considérer la majesté infinie de Celui qui se confie ainsi à son amour et à ses caresses, elle tremble et se sent près de défaillir, jusqu'à ce que son coeur de Mère la rassure au souvenir des neuf mois que cet Enfant a passés dans son sein, et du sourire filial avec lequel il lui sourit au moment où elle l'enfanta. Ces deux grands sentiments de la religion et de la maternité se confondent dans ce cœur sur ce seul et divin objet. Se peut-il imaginer quelque chose de plus sublime que cet état de Mère de Dieu ; et n'avions-nous pas raison de dire que, pour le comprendre tel qu'il est en réalité, il nous faudrait comprendre Dieu lui-même, qui seul pouvait le concevoir dans son infinie sagesse, et seul le réaliser dans sa puissance sans bornes ?


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Détail. Bernardino Zenale. Début du XVIe.

Une Mère de Dieu! tel est le mystère pour la réalisation duquel le monde était dans l'attente depuis tant de siècles ; l'œuvre qui, aux yeux de Dieu, dépassait à l'infini, comme importance, la création d'un million de mondes. Une création n'est rien pour sa puissance ; il dit, et toutes choses sont faites. Au contraire, pour qu'une créature devienne Mère de Dieu, il a dû non seulement intervertir toutes les lois de la nature en rendant féconde la virginité, mais se placer divinement lui-même dans des relations de dépendance, dans des relations filiales, à l'égard de l'heureuse créature qu'il a choisie. Il a dû lui conférer des droits sur lui-même, accepter des devoirs envers elle ; en un mot, en faire sa Mère et être son Fils.

Il suit de là que les bienfaits de cette Incarnation que nous devons à l'amour du Verbe divin, nous pourrons et nous devrons, avec justice, les rapporter dans un sens véritable, quoique inférieur, à Marie elle-même. Si elle est Mère de Dieu, c'est qu'elle a consenti à l'être. Dieu a daigné non seulement attendre ce consentement, mais en faire dépendre la venue de son Fils dans la chair. Comme ce Verbe éternel prononça sur le chaos ce mot FIAT, et la création sortit du néant pour lui répondre ; ainsi, Dieu étant attentif, Marie prononça aussi ce mot FIAT, qu'il me soit fait selon votre parole, et le propre Fils de Dieu descendit dans son chaste sein. Nous devons donc notre Emmanuel, après Dieu, à Marie, sa glorieuse Mère.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Maître de la Sainte Parenté. XVe.

Cette nécessité indispensable d'une Mère de Dieu, dans le plan sublime du salut du monde, devait déconcerter les artifices de l'hérésie qui avait résolu de ravir la gloire du Fils de Dieu. Selon Nestorius, Jésus n'eût été qu'un homme ; sa Mère n'était donc que la mère d'un homme : le mystère de l'Incarnation était anéanti. De là, l'antipathie de la société chrétienne contre un si odieux système. D'une seule voix, l'Orient et l'Occident proclamèrent le Verbe fait chair, en unité de personne, et Marie véritablement Mère de Dieu, Deipara, Theotocos, puisqu'elle a enfanté Jésus-Christ. Il était donc bien juste qu'en mémoire de cette grande victoire remportée au concile d'Ephèse, et pour témoigner de la tendre vénération des chrétiens envers la Mère de Dieu, des monuments solennels s'élevassent qui attesteraient aux siècles futurs cette suprême manifestation. Ce fut alors que commença dans les Eglises grecque et latine le pieux usage de joindre, dans la solennité de Noël, la mémoire de la Mère au culte du Fils. Les jours assignés à cette commémoration furent différents ; mais la pensée de religion était la même.

A Rome, le saint Pape Sixte III fit décorer l'arc triomphal de l'Eglise de Sainte-Marie ad Praesepe, de l'admirable Basilique de Sainte-Marie-Majeure, par une immense mosaïque à la gloire de la Mère de Dieu. Ce précieux témoignage delà foi du cinquième siècle est arrivé jusqu'à nous ; et au milieu du vaste ensemble sur lequel figurent, dans leur mystérieuse naïveté, les événements racontés par les saintes Ecritures et les plus vénérables symboles, on peut lire encore la noble inscription par laquelle le saint Pontife dédiait ce témoignage de sa vénération envers Marie, Mère de Dieu, au peuple fidèle : XISTUS EPISCOPUS PLEBI DEI.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ottoviano Nelli. XVe.

Des chants spéciaux furent composés aussi à Rome pour célébrer le grand mystère du Verbe fait homme par Marie. De sublimes Répons, de magnifiques Antiennes, ornés d'un chant grave et mélodieux, vinrent servir d'expression à la piété de l'Eglise et des peuples, et ils ont porté cette expression à travers tous les siècles. Entre ces pièces liturgiques, il est des Antiennes que l'Eglise Grecque chante avec nous, dans sa langue, en ces mêmes jours, et qui attestent l'unité de la foi en même temps que la communauté des sentiments, en présence du grand mystère du Verbe incarné.

Considérons, en ce huitième jour de la Naissance du divin Enfant, le grand mystère de la Circoncision qui s'opère dans sa chair. C'est aujourd'hui que la terre voit couler les prémices du sang qui doit la racheter ; aujourd'hui que le céleste Agneau, qui doit expier nos péchés, commence à souffrir pour nous. Compatissons à notre Emmanuel, qui s'offre avec tant de douceur à l'instrument qui doit lui imprimer une marque de servitude.

Marie, qui a veillé sur lui dans une si tendre sollicitude, a vu venir cette heure des premières souffrances de son Fils, avec un douloureux serrement de son coeur maternel. Elle sent que la justice de Dieu pourrait ne pas exiger ce premier sacrifice, ou encore se contenter du prix infini qu'il renferme pour le salut du monde ; et cependant, il faut que la chair innocente de son Fils soit déjà déchirée, et que son sang coule déjà sur ses membres délicats.

Elle voit avec désolation les apprêts de cette dure cérémonie ; elle ne peut ni fuir, ni considérer son Fils dans les angoisses de cette première douleur. Il faut qu'elle entende ses soupirs, son gémissement plaintif, qu'elle voie des larmes descendre sur ses tendres joues.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il Garofalo. XVIe.

" Mais lui pleurant, dit saint Bonaventure, crois-tu que sa Mère pût contenir ses larmes ? Elle pleura donc quant et quant elle-même. La voyant ainsi pleurer, son Fils, qui se tenait debout sur le giron d'icelle, mettait sa petite main à la bouche et au visage de sa Mère, comme la priant par signe de ne pas pleurer ; car celle qu'il aimait si tendrement, il la voulait voir cesser de pleurer. Semblablement de son côté, cette douce Mère, de qui les entrailles étaient totalement émues par la douleur et les larmes de son Enfant, le consolait parle geste et les paroles. Et de vrai, comme elle était moult prudente, elle entendait bien la volonté d'icelui, jaçoit qu'il ne parlât encore. Et elle disait : " Mon Fils, si vous me voulez voir cesser de pleurer, cessez vous-même ; car je ne puis, vous pleurant, ne point pleurer aussi ". Et lors, par compassion pour sa Mère, le petit Fils désistait de sangloter. La Mère lui essuyait alors les yeux, et aussi les siens à elle, et puis elle appliquait son visage sur le visage de son Enfant, l'allaitait et le consolait de toutes les manières qu'elle pouvait (Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Tome Ier, page 51.)."

Maintenant, que rendrons-nous au Sauveur de nos âmes, pour la Circoncision qu'il a daigné souffrir, afin de nous montrer son amour ? Nous devrons suivre le conseil de l'Apôtre (Coloss. II, II), et circoncire notre cœur de toutes ses mauvaises affections, en retrancher le péché et ses convoitises, vivre enfin de cette nouvelle vie dont Jésus enfant nous apporte du ciel le simple et sublime modèle. Travaillons à le consoler de cette première douleur ; et rendons-nous de plus en plus attentifs aux exemples qu'il nous donne.

SEQUENCE

A la louange du Dieu circoncis, nous chanterons cette belle Séquence empruntée aux anciens Missels de l'Eglise de Paris :


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Federico Baroccio. Italie. XVIe.

" Aujourd'hui, est apparue la merveilleuse vertu de la grâce, dans la Circoncision d'un Dieu.

Un Nom céleste, un Nom de salut, le Nom de Jésus lui est donné.

C'est le Nom qui sauve l'homme, le Nom que la bouche du Seigneur a prononcé dès l'éternité.

Dès longtemps, à la Mère de Dieu, dès longtemps, à l'époux de la Vierge, un Ange l'a révélé.

Nom sacré, tu triomphes de la rage de Satan et de l'iniquité du siècle.

Jésus, notre rançon, Jésus, espoir des affligés, guérissez nos âmes malades.

A tout ce qui manque à l'homme suppléez par votre Nom, qui porte avec lui le salut.

Que votre Circoncision épure notre cœur, cautérise ses plaies.

Que votre sang répandu lave nos souillures, rafraîchisse notre aridité, qu'il console nos afflictions.

En ce commencement d'année, pour étrennes fortunées, préparez notre récompense, Ô Jésus !

Amen."

SEQUENCE

Adam de Saint-Victor nous offre, pour louer dignement la Mère de Dieu, cette gracieuse composition liturgique qui a été longtemps un des plus beaux ornements des anciens Missels Romains-Français :


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Maître de Saint-Séverin. Flandres. XVIe.

" Salut ! Ô Mère du Sauveur ! Vase élu, vase d'honneur, vase de céleste grâce.

Vase prédestiné éternellement, vase insigne, vase richement ciselé par la main de la Sagesse.

Salut ! Mère sacrée du Verbe, fleur sortie des épines, fleur sans épines ; fleur, la gloire du buisson.

Le buisson, c'est nous ; nous déchirés par les épines du péché ; mais vous, vous n'avez pas connu d'épines.

Porte fermée, fontaine des jardins, trésor des parfums, trésor des aromates,

Vous surpassez en suave odeur la branche du cinnamome, la myrrhe, l'encens et le baume.

Salut ! la gloire des vierges, la Médiatrice des hommes, la mère du salut.

Myrte de tempérance, rose de patience, nard odoriférant.

Vallée d'humilité, terre respectée par le soc, et abondante en moissons.

La fleur des champs, le beau lis des vallons, le Christ est sorti de vous.

Paradis céleste, cèdre que le fer n'a point touché, répandant sa douce vapeur.

En vous est la plénitude de l'éclat et de la beauté, de la douceur et des parfums.

Trône de Salomon, à qui nul trône n'est semblable, pour l'art et la matière.

En ce trône, l'ivoire par sa blancheur figure le mystère de chasteté, et l'or par son éclat signifie la charité.

Votre palme est à vous seule, et vous demeurez sans égale sur la terre et au palais du ciel.

Gloire du genre humain, en vous sont les privilèges des vertus, au-dessus de tous.

Le soleil brille plus que la lune, et la lune plus que les étoiles ; ainsi Marie éclate entre toutes les créatures.

La lumière sans éclipse, c'est la chasteté de la Vierge ; le feu qui jamais ne s'éteint, c'est sa charité immortelle.

Salut ! Mère de miséricorde, et de toute la Trinité l'auguste habitation.

Mais à la majesté du Verbe incarné vous avez offert un sanctuaire spécial.

Ô Marie ! Etoile de la mer, dans votre dignité suprême, vous dominez sur tous les ordres de la céleste hiérarchie.

Sur votre trône élevé du ciel, recommandez-nous à votre Fils ; obtenez que les terreurs ou les tromperies de nos ennemis ne triomphent pas de notre faiblesse.

Dans la lutte que nous soutenons, défendez-nous par votre appui ; que la violence de notre ennemi plein d'audace et de fourberie cède à votre force souveraine ; sa ruse, à votre prévoyance.

Jésus ! Verbe du Père souverain, gardez les serviteurs de votre Mère ; déliez les pécheurs, sauvez-les par votre grâce, et imprimez sur nous les traits de votre clarté glorieuse.

Amen."

samedi, 04 janvier 2025

4 janvier. Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

- Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.

" Il faut qu'un évêque soit sans tache, comme il convient à un dispensateur des dons de Dieu."
Ep. ad Tit.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Un saint Evêque de l'âge apostolique, un disciple du grand Paul, s'offre aujourd'hui à notre vénération. Ses actions nous sont peu connues ; mais en lui adressant une de ses Lettres inspirées, le Docteur des Gentils l'a rendu immortel. Partout où la foi du Christ a été et sera portée, Tite, ainsi que Timothée, sera connu des fidèles ; jusqu'à la fin des temps, la sainte Eglise consultera, avec un souverain respect, cette Epître adressée à un simple évêque de l'île de Crète, mais dictée par l'Esprit-Saint, et par là même destinée à faire partie du corps des Ecritures sacrées qui contiennent la pure Parole de Dieu. Les conseils et les directions que renferme cette admirable lettre, furent la règle souveraine du saint Evêque à qui Paul avait voué une si affectueuse tendresse. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans cette île fameuse où le paganisme avait un de ses principaux centres. Il survécut à son maître immolé dans Rome par le glaive de Néron ; et comme saint Jean, à Ephèse, il s'endormit paisiblement dans une heureuse vieillesse, entouré des respects de la chrétienté qu'il avait fondée. Sa vie a laissé peu de traces ; mais les quelques traits qui nous restent à son sujet donnent l'idée d'un de ces hommes de vertu supérieure que Dieu choisit au commencement, pour en faire les premières assises de son Eglise.

Tite, évêque de Crète, fut initié par les enseignements de l'Apôtre saint Paul aux mystères de la foi chrétienne ; et, préparé par les sacrements, il répandit une telle lumière de sainteté sur l'Eglise encore au berceau, qu'il mérita de prendre place entre les disciples du Docteur des Gentils. Appelé à partager le fardeau de la prédication, son ardeur à répandre l'Evangile et sa fidélité le rendirent si cher à saint Paul, que celui-ci étant venu à Troade, pour prêcher la foi dans cette ville, atteste lui-même qu'il n'y trouva pas le repos de son esprit, parce qu'il n'y rencontra pas Tite son frère. L'Apôtre, s'étant rendu peu après en Macédoine, exprime son affection pour ce disciple par ces paroles :
" Dieu qui console les humbles nous a consolés par l'arrivée de Tite."


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Envoyé à Corinthe par l'Apôtre, il sut s'acquitter de cette mission qui consistait principalement à recueillir les aumônes offertes par la piété des fidèles pour soulager la pauvreté de l'Eglise des Hébreux, avec tant de sagesse et de douceur, que non seulement il maintint les Corinthiens dans la foi du Christ, mais qu'il excita en eux des regrets accompagnés de larmes, et l'empressement le plus vif pour revoir Paul qui leur avait donné la première instruction. Après de nombreux voyages sur terre et sur mer, pour répandre la semence de la divine parole chez les nations les plus dissemblables par le langage et par la situation géographique ; après avoir supporté avec la plus grande fermeté d'âme mille soucis et mille travaux pour établir ainsi l'étendard de la Croix, il aborda à l'île de Crète avec Paul son maître. L'Apôtre le choisit pour remplir la charge d'Evêque dans l'Eglise qu'il fonda en cette île ; et il est certain que Tite y remplit ses fonctions de manière à devenir le modèle des fidèles dans les bonnes œuvres, et que, selon les conseils de son maître Paul, il brilla par la doctrine, par son intégrité et la gravité de ses mœurs.

Semblable à un flambeau, il répandit les rayons du christianisme sur ceux qui étaient assis sous les ombres de la mort, dans les ténèbres de l'idolâtrie et du mensonge. Une tradition prétend qu'il serait ensuite passé chez les Dalmates, et qu'il aurait essuyé les plus rudes fatigues pour planter la foi chez ces peuples.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Enfin, plein de jours et de mérites, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, il s'endormit dans le Seigneur, de la mort précieuse des justes, la veille des nones de janvier ; et il fut enseveli dans l'église où l'Apôtre l'avait établi ministre de la parole. Son nom couvert déloges par saint Jean Chrysostome et par saint Jérôme se lit en ce même jour au Martyrologe romain ; mais, en établissant sa fête pour être célébrée avec l'Office et la Messe dans tout le monde catholique par le clergé séculier et régulier, le souverain Pontife Pie IX l'a fixée au premier jour libre qui suit l'anniversaire de la mort du saint. Mais cette fête est plus ou moins différée, selon les lieux, par la liberté qu'a laissée le Saint-Siège de la placer au premier jour qui ne se trouve pas occupé par une autre fête. Dans la plupart des Eglises, elle n'est célébrée qu'en février.

PRIERE

" Heureux disciple du grand Paul, la sainte Eglise a voulu qu'un jour dans l'année fût employé à célébrer vos vertus et à implorer votre suffrage ; soyez propice aux fidèles qui glorifient le divin Esprit pour les dons qu'il a répandus en vous. Vous avez rempli avec zèle et constance la charge pastorale ; tous les traits que Paul énumère dans l'Epître qu'il vous a adressée comme devant former le caractère de l'Evêque, se sont trouvés réunis en votre personne ; et vous brillez sur la couronne du Christ, le Prince des Pasteurs, comme l'un de ses plus riches diamants. Souvenez-vous de l'Eglise de la terre dont vous avez soutenu les premiers pas. Depuis le jour où vous lui fûtes ravi, dix-huit siècles ont achevé leur cours. Souvent ses jours ont été mauvais ; mais elle a triomphé de tous les obstacles, et elle chemine dans la voie, recueillant les âmes et les dirigeant vers son céleste Epoux, jusqu'à l'heure où il viendra arrêter le temps, et ouvrir les portes de l'éternité.


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Tant que cette heure n'a pas sonné, nous comptons , Ô Tite , sur votre puissant suffrage ; du haut du ciel, sauvez les âmes par votre intercession, comme vous les sauviez ici-bas au moyen de vos saintes fatigues. Demandez pour nous à Jésus des Pasteurs qui vous soient semblables. Relevez la Croix dans cette île que vous aviez conquise à la vraie foi, et sur laquelle s'étendent aujourd'hui les ombres de l'infidélité et les ravages du schisme ; que par vous la chrétienté d'Orient se ranime, et qu'elle aspire enfin à l'unité, qui, seule, peut la préserver d'une dissolution complète. Exaucez, Ô Tite, les vœux du Pontife qui a voulu que votre culte s'étendît à l'univers entier, afin d'accélérer par votre suffrage les jours de paix et de miséricorde que le monde attend."

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