dimanche, 07 juillet 2024
7 juillet. Saint Cyrille et saint Méthode, frères, évêques et confesseurs, apôtres des Slaves. IXe siècle.
- Saint Cyrille et saint Méthode, frères, évêques et confesseurs, apôtres des Slaves. IXe siècle.
Pape : Jean VIII. Empereur byzantin : Basile Ier, le Macédonien. Rois des Francs : Louis III ; Carloman II.
" Pour enseigner les autres et les sanctifier, il faut être patient."
Saint Grégoire.
Saint Cyrille et saint Méthode et l'alphabet slave.
Il convenait que l'Octave des Princes des Apôtres ne s'éloignât point, sans qu'apparussent au Cycle sacré quelques-uns des satellites glorieux qui empruntent d'eux leur lumière à travers les siècles. Deux astres jumeaux se lèvent au ciel de la sainte Eglise, illuminant des feux de leur apostolat d'immenses contrées. Partis de Byzance, on croirait tout d'abord que leur évolution va s'accomplir indépendante des lois que l'ancienne Rome a puissance de dicter aux mouvements des cieux, dont il est dit qu'ils racontent la gloire de Dieu et les œuvres de ses mains (Psalm. XVIII, 2.). Mais saint Clément Ier, dont les reliques sont tirées par eux d'une obscurité de huit siècles, incline leur marche vers la cité maîtresse ; et bientôt on les voit graviter avec un éclat incomparable dans l'orbite de Pierre, manifestant une fois de plus au monde que toute vraie lumière, dans l'ordre du salut, rayonne uniquement du Vicaire de l'Homme-Dieu. Alors aussi, une fois de plus, se réalise magnifiquement la parole du Psaume, que tout idiome et toute langue entendra la voix des messagers de la lumière (Ibid. 4.).
Au subit et splendide épanouissement de la Bonne Nouvelle qui marqua le premier siècle de notre ère, avait succédé le labeur du second apostolat, chargé par l'Esprit-Saint d'amener au Fils de Dieu les races nouvelles appelées par la divine Sagesse à remplacer l'ancien monde. Déjà, sous l'influence mystérieuse de la Ville éternelle s'assimilant par un triomphe nouveau ceux qui l'avaient vaincue, une autre race latine s'était formée des barbares mêmes dont l'invasion, comme un déluge, semblait avoir pour jamais submergé l'Empire. L'accession des Francs au baptême, la conversion des Goths ariens et de leurs nombreux frères d'armes achevaient à peine cette transformation merveilleuse, que les Anglo-Saxons, puis les Germains, suivis bientôt des Scandinaves, venaient, sous la conduite des moines Augustin, Boniface et Anschaire, frapper eux-mêmes aux portes de l'Eglise. A la voix créatrice des apôtres nouveaux, l'Europe apparaissait, sortant des eaux de la fontaine sacrée.
Cependant, le mouvement continu de la grande émigration des peuples avait amené sur les rives du Danube une famille dont le nom commençait, au IXe siècle, à fixer l'attention du monde. Entre l'Orient et l'Occident, les Slaves, mettant à profit la faiblesse des descendants de Charlemagne et les révolutions de la cour de Byzance, tendaient à ériger leurs tribus en principautés indépendantes de l'un et l'autre empire. C'était l'heure que la Providence avait choisie, pour conquérir au christianisme et à la civilisation une race jusque-là sans histoire. L'Esprit de la Pentecôte se reposait sur les deux saints frères que nous fêtons en ce jour. Préparés par la vie monastique à tous les dévouements, à toutes les souffrances, ils apportaient à ces peuples qui cherchaient à sortir de leur obscurité passée, les premiers éléments des lettres et la connaissance des nobles destinées auxquelles le Dieu Sauveur conviait les hommes et les nations. Ainsi la race Slave devenait digne de compléter la grande famille européenne, et Dieu, dans cette Europe objet des éternelles prédilections, lui concédait l'espace plus largement qu'il ne l'avait fait pour ses devancières.
Heureuse, si toujours elle s'était tenue attachée à cette Rome qui, dans les rivalités dont ses origines eurent à subir l'assaut, l'avait si grandement aidée ! Rien, en effet, ne seconda plusses aspirations à l'indépendance que la faveur d'une langue spéciale dans les rites sacrés, obtenue pour elle du Siège de Pierre par ses deux apôtres. Les réclamations de ceux qui prétendaient la garder sous leurs lois montrèrent assez, dès lors, la portée politique d'une concession aussi insolite qu'elle était décisive pour consacrer dans ces régions l'existence d'un peuple nouveau, distinct à la fois des Germains et des Grecs. L'avenir le devait mieux prouver encore. Si aujourd'hui, des Balkans à Toural, des rivages grecs aux bords glacés de l'Océan du Nord, la race Slave s'étend, toujours forte, irréductible aux invasions, maintenant, au sein des empires qui ont pu la terrasser un jour, ce dualisme que le peuple vainqueur doit se résigner à porter en ses flancs comme une menace toujours vivante à travers les siècles : un tel phénomène, qui ne se retrouve point ailleurs en pareille mesure, est le produit de la démarcation puissante opérée il y a mille ans, entre cette race et le reste du monde, par l'introduction dans la Liturgie de sa langue nationale.
Devenu sacré par cet usage, le Slavon primitif ne connut point les variations inhérentes aux idiomes des autres nations ; tout en donnant naissance aux dialectes variés de divers peuples issus de la souche commune, il resta le même, suivant les moindres tribus slaves dans les péripéties de leur histoire et continuant, pour le plus grand nombre, de les grouper à part de toutes autres au pied des autels. Belle unité, gloire de l'Eglise, si le désir, si l'espérance des deux Saints qui l'avaient établie sur le roc immuable, avaient pu l'y maintenir! Arme terrible au service de la tyrannie, si jamais Satan la faisait tomber parle schisme entre les mains de quelqu'un des suppôts de l'enfer.
Cyrille et Méthode étaient frères germains ; ils naquirent à Thessalonique de très nobles parents. De bonne heure ils se rendirent à Constantinoplc, pour se former aux arts libéraux dans cette capitale de l'Orient. Leurs progrès furent en peu de temps considérables.
Cyrille surtout acquit une telle réputation de science, que pour le distinguer par honneur on l'appelait le philosophe. Méthodius avait embrassé la vie monastique. Pour Cyrille, à l'inspiration du Patriarche Ignace, il fut jugé digne par l'impératrice Théodora d'aller instruire dans la foi chrétienne les Khazares habitant au delà de la Chersonèse ; ses enseignements les amenèrent par l'aide de Dieu à Jésus-Christ et mirent fin à leurs nombreuses superstitions.
Ayant organisé au mieux la nouvelle communauté chrétienne, il revint plein de joie à Constantinople, et rejoignit lui-même Methode au monastère de Polychrone. Cependant la renommée des succès obtenus au delà de la Chersonèse étant parvenue à Ratislas prince de Moravie, porta ce dernier à revenir jusqu'à trois fois à la charge près de l'empereur Michel pour obtenir de Constantinople quelques ouvriers évangéliques. Cyrille et Methode étant donc désignés pour cette expédition, furent reçus en Moravie avec grande allégresse ; ils mirent tant de force, tant de soins et d'habileté à infuser dans les esprits la doctrine chrétienne, qu'il ne fallut pas longtemps pour que cette nation donnât de grand cœur son nom à Jésus-Christ.
Ce dénouement ne fut pas peu favorisé par la connaissance de la langue slavonne que Cyrille avait acquise auparavant ; ne fut point non plus de peu de poids la traduction qu'il fit, dans l'idiome propre à ces peuples, de l'Ecriture sainte des deux Testaments. Cyrille et Methode, en effet, furent les premiers à donner l'alphabet dont se servent les Slaves, et pour cette cause, non sans raison, ils sont regardés comme les pères de cette langue.
Le bruit public porta jusqu'à Rome la gloire de si grandes actions, et le Pape saint Nicolas Ier envoya l'ordre de s'y rendre aux illustres frères. Ils se mettent en route, apportant avec eux les reliques du Pape saint Clément Ier, que Cyrille avait découvertes à Cherson. A cette nouvelle, Adrien II, qui avait succédé à Nicolas, se porte en grand honneur à leur rencontre, accompagné des clercs et du peuple. Cyrille et Methodius rendent ensuite compte au Souverain Pontife entouré du clergé romain, des saints labeurs de leur charge apostolique.
Comme des envieux basaient contre eux une accusation, sur ce fait qu'ils s'étaient permis d'user de la langue slavonne dans l'accomplissement des rites sacrés, ils appuyèrent leur cause de raisons si claires et si sûres, qu'ils reçurent du Pontife et de l'assistance approbation et louange. Tous deux s'étant alors engagés sous serment à persévérer dans la foi du bienheureux Pierre et des Pontifes Romains, furent consacrés évêques par Adrien.
Mais il était arrêté dans les décrets divins que Cyrille, plus mûr par la vertu que par l'âge, terminerait à Rome le cours de sa vie. Le corps du défunt fut l'objet de solennelles funérailles, et placé dans le tombeau même qu'Adrien s'était fait préparer ; on le conduisit ensuite à l'église de saint Clément, pour y reposer près des cendres du saint Pape.
Ces marches par la Ville au milieu du chant festif des psaumes, cette pompe moins funèbre que triomphale, sembla de la part du peuple romain comme l'inauguration des honneurs célestes pour un si saint personnage. Methode retourna en Moravie ; il mit toute son âme à s'y montrer le modèle du troupeau, se dépensant toujours plus ardemment au service des intérêts catholiques. On le vit même, indépendamment des Moraves, confirmer dans la foi du nom chrétien Pannoniens, Bulgares, Dalmates, et s'employer grandement à amener les Carinthiens au culte du seul Dieu véritable.
Cependant Jean VIII avait succédé à Adrien. L'apôtre, accusé de nouveau comme suspect dans la foi et violateur des règles des anciens, fut mandé à Rome. En présence de Jean, de plusieurs évêques et du clergé de la Ville, il vengea sans peine la pureté de la croyance qu'il avait gardée pour lui fidèlement et enseignée aux autres avec zèle ; pour l'usage du Slavon dans la sainte Liturgie, il montra qu'il avait agi légitimement, avec la permission du Pape Adrien et pour de bons motifs qui n'allaient point contre les saintes Lettres.
C'est pourquoi, quant au présent, le Pontife, embrassant la cause de Methode, donna ordre qu'on reconnût son pouvoir archiépiscopal et la légitimité de son expédition chez les Slaves, publiant même des lettres à cet effet.
De retour donc en Moravie, Methode continua de remplir avec un soin toujours plus vigilant la charge qui lui était assignée, et souffrit même pour elle l'exil de bon cœur. Il amena à la foi le prince des Bohémiens et son épouse, et répandit au loin dans cette nation le nom chrétien. Il porta la lumière de l'Evangile en Pologne, et, au rapport de quelques historiens, avant établi à Léopol un siège épiscopal, il pénétra dans la Moscovie proprement dite où il fonda le trône pontifical de Kiew.
Enfin, revenu en Moravie chez les siens, et sentant que le terme de ses pérégrinations ici-bas était proche, il se désigna lui-même un successeur, encouragea par de suprêmes recommandations le clergé et le peuple à la vertu, et termina en grande paix cette vie qui avait été pour lui le chemin du ciel. Ainsi que Rome avait fait pour Cyrille, la Moravie entoura Méthode mourant des plus grands honneurs. Leur fête était solennisée depuis longtemps déjà chez les peuples Slaves, lorsque le Souverain Pontife Léon XIII ordonna qu'elle fût célébrée tous les ans dans l'Eglise universelle, avec un Office et une Messe propres.
Géographie des langues Slaves.
HYMNES
En inscrivant la solennité des saints Cyrille et Méthodius au calendrier universel, le Souverain Pontife Léon XIII a voulu donner lui-même leur expression aux hommages et prières de l'Eglise, dans les deux Hymnes de la fête :
" Chantez, fidèles, les deux athlètes reçus dans les brillantes demeures des cieux ; chantez du peuple Slave la double force et la gloire.
Un même amour a réuni ces frères, une même piété les arrache au désert : ils brûlent de porter à plusieurs les gages de la vie bienheureuse.
Par eux la lumière qui brille dans les temples d'en haut, remplit Bulgares, Moraves et Bohémiens, farouches multitudes, que bientôt ils amènent à Pierre en bataillons pressés.
Ceignant la couronne méritée, oh ! continuez pourtant d'être propices aux prières et aux larmes : il est besoin que vous gardiez aux Slaves vos présents d'autrefois.
Que la généreuse terre qui crie vers vous, conserve la pureté de la foi éternelle ; comme elle fit au commencement, Rome elle-même toujours lui donnera le salut.
Auteur de la race humaine et son Rédempteur, dont la bonté nous vaut tous les biens, à vous action de grâces, à vous soit gloire dans tous les siècles.
Amen."
" Belle lumière de la patrie, lumière aimée des peuples Slaves, Ô frères, à vous nos vœux, à vous chaque année nos cantiques.
Rome applaudit à votre venue ; mère, elle embrasse ses fils ; elle les décore du diadème des Pontifes, les revêt d'une force nouvelle.
Jusqu'au plus loin des terres barbares vous allez porter Jésus-Christ ; vous nourrissez de sa lumière bienfaisante ceux dont se jouait une vaine erreur.
Les cœurs sont délivrés des vices, une ardeur d'en haut s'en empare ; l'horreur des ronces fait place aux fleurs de la sainteté.
Et maintenant membres de l'heureuse cour des habitants des deux, écoutez nos vœux suppliants : sauvez pour Dieu les peuples Slaves.
Que l'unique bercail du Christ rassemble ceux qu'entraînait l'erreur ; qu'émule des gestes des aïeux, leur foi reverdisse plus belle.
Trinité bienheureuse, faites sentir à nos âmes l'aiguillon du céleste amour ; qu'on voie les fils suivre les traces illustres de leurs pères.
Amen."
Saint Cyrille. Fresque. Berenda. Bulgarie. XIIIe.
PRIERE
" A cet auguste hommage nous joignons nos vœux, Ô saints frères. Avec le Pontife suprême, nous osons chanter vos louanges, et vous recommander l'immense portion de l'héritage du Christ où vos sueurs firent germer, à la place des ronces, les fleurs de la sainteté. Préparés dans la solitude à toute œuvre bonne et utile au Seigneur (II Tim. II, 21.), vous ne craignîtes point d'aborder les premiers ces régions inconnues, l'effroi du vieux monde, ces terres de l'aquilon où les Prophètes avaient signalé le trône de Satan (Isai. XIV, 13.), la source intarissable des maux ravageant l'univers (Jerem. I, 14; XLVII, 2 ; etc.). L'appel de l'Esprit-Saint vous faisait apôtres, et les Apôtres ayant reçu ordre d'enseigner toutes les nations (Matth. XXVIII, 19.) vous alliez, dans la simplicité de votre obéissance, à celles qui n'étaient pas encore évangélisées. Cette obéissance, Rome, c'était son devoir, voulut l'éprouver, et reconnut qu'elle était sans alliage. Satan aussi le reconnut, à sa défaite ; car l'Ecriture avait dit :
" L'homme obéissant racontera ses victoires." (Prov. XXI, 28.).
Autre puissance qui fut la vôtre, et que nous révèle encore l'Ecriture, disant :
" Le frère aidé par le frère est comme une ville forte, et leurs conseils sont comme les barres des portes des villes." (Ibid. XVIII, 19.).
Chassé par plus fort que lui, le fort armé vit donc avec rage passer au Christ le domaine qu'il croyait posséder la paix (Luc. XI, 21-22.), et ses dernières dépouilles, les peuples de l'aquilon, devenir comme ceux du midi l'ornement de l'Epouse (Isai. XLIX, 12, 18.). Louez le Seigneur, toutes les nations ; louez-le, tous les peuples (Psalm. CXVI, 1.) : toute langue confesse le Seigneur Jésus-Christ (Philipp. II, 11.) ! Comme monument de la victoire, le septénaire des langues sacrées se complète en ce jour (Latine, Grecque, Syriaque, Copte, Ethiopienne, Arménienne et Slavonne.). Mais, Ô Méthode, Ô Cyrille, au milieu même des Hymnes saintes que vous dédiait le Pontife souverain, un cri d'alarme a retenti :
" Gardez à Dieu les peuples Slaves ! Il est urgent à vous de protéger vos dons."
Levez vos yeux, pourrions-nous en effet dire avec le prophète ; considérez, vous qui venez de l'aquilon : où est le troupeau qui vous fut donné, ce troupeau magnifique ? Quoi donc ! est-ce contre vous que vous l'avez instruit ? L'avez-vous armé pour votre perte (Jerem. XIII, 20-21.) ? Profondeurs de Satan (Apoc. II, 24.) ! Le prince de l'aquilon a trop su réparer sa défaite ; et vos bienfaits, et la condescendance de Pierre, sont devenus par ses soins une arme de mort pour ces peuples auxquels vous aviez donné la vie. Détournée de sa voie, l'unité sainte que vous aviez fondée s'est traduite de nos jours, en caractères de sang, dans la formule d'un hideux panslavisme. Entre Byzance déjà de vos temps travaillée par le schisme, et l'Occident latin que l'hérésie devait lui-même plus tard affaiblir et démembrer, elle pouvait être, à son heure, un appui pour l'Eglise, un espoir de salut pour le monde. Perspectives séduisantes, que votre cœur sans doute avait rêvées, et qui, hélas ! Ont abouti à ces atroces persécutions, scandale de nos temps, opprobre de la terre.
Réconfortez les exilés, soutenez les martyrs, gardez les restes d'un peuple de héros ; écartez de quelques autres la fatale illusion qui les solliciterait à courir d'eux-mêmes au-devant de la tyrannie ; pour tous que luise enfin le jour des justices du Seigneur, mais bien plutôt s'il se peut, tout est possible à Dieu, celui de sa miséricorde, assez puissante pour changer les bourreaux sans frustrer leurs victimes. Serait-il donc arrêté que le poids des crimes d'un grand empire a trop fait pencher la balance du côté de la condamnation, pour que ses chefs ouvrent maintenant les yeux, et comprennent quel rôle pourrait être le leur en l'état présent du monde, si Pierre, qui leur tend les bras, voyait revenir à lui l'immense troupeau que paralyse le schisme ? Apôtres des Slaves, et en même temps citoyens de cette Rome où reposent près de celles de Clément vos reliques saintes, aidez les efforts du Pontife suprême cherchant à replacer sur la base où vous l'aviez établi l'édifice qui fut votre gloire."
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samedi, 06 juillet 2024
6 juillet. Saint Goar, prêtre et ermite au diocèse de Trèves. 575.
M. l'abbé Martin. Serm. sur saint Goar.
Le roi Sigebert voulut bientôt le faire évêque ; mais Goar obtint un délai de vingt jours, pendant lequel il pria Dieu avec tant de larmes, qu'il obtint une grave maladie qui se prolongea pendant sept ans et mit le roi dans l'impossibilité de réaliser ses desseins. Goar offrit à Dieu ses longues et horribles souffrances pour l'extension et le triomphe de l'Église.
quelques reliques de ce grand saint.
RELIQUES
Le corps de saint Goar fyt enterré dans la petite église que notre saint avait bâtie dans son ermitage. Pépin le Bref, père de saint Charlemagne agrandit avec faste cette église afin d'honorer notre saint confesseur. Le même Pépin, fondateur de l'abbaye de Pruym, établit que l'abbé de ce monastère serait le supérieur perpétuel de Saint-Goar.
La collégiale et la ville de Saint-Goar s'éleva depuis l'endroit ou se trouvait la cellule de notre saint. Malheureusement, au temps de la prétendue réforme, lorsque le pays tomba aux mains du landgrave de Hesse, elle fut en partie ruinée par les bêtes féroces protestantes qui, de plus, dispersèrent les reliques de saint Goar.
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vendredi, 05 juillet 2024
5 juillet. Saint Antoine-Marie Zaccaria, prêtre, fondateur de la congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, dits Barnabites. 1539.
Saint Ambroise.
Après Gaétan de Thienne, avant Ignace de Loyola, Antoine-Marie mérita d'être le père d'une de ces familles religieuses qui furent appelées en si grand nombre, au XVIe siècle, à réparer les ruines de la maison de Dieu. La Lombardie, épuisée, démoralisée par les guerres dont la possession du duché de Milan avait été l'enjeu, se reprit à croire, à espérer, à aimer, au spectacle des héroïques vertus de Zaccaria ; elle écouta ses prédications enflammées qui l'appelaient à la pénitence, à la méditation de la Passion du Sauveur, au culte plus assidu, à l'adoration plus solennelle de la très sainte Eucharistie. Ainsi fut-il en toute vérité le précurseur de saint Charles Borromée qui, dans la réforme du clergé, du peuple, des monastères du Milanais, n'eut pas d'auxiliaires plus précieux que ses fils et ses filles, les Clercs réguliers et les Angéliques de Saint-Paul.
L'oratoire de l’éternelle Sagesse avait vu, à Milan, les débuts de la Congrégation nouvelle ; l'église Saint-Barnabé, où elle s'établit peu après la mort de Zaccaria et qui garde aujourd'hui son corps, fit donner le nom de Barnabites à ces autres disciples du Docteur des nations. Ils devaient par la suite se répandre, non seulement dans toute l'Italie, mais en France, en Autriche, en Suède, et jusqu'en Chine et en Birmanie, s'adonnant aux missions, à l'enseignement de la jeunesse, à toutes les œuvres qui intéressent le culte divin et la sanctification des âmes. Quant au saint fondateur, dès l'année 1539, aux premières Vêpres de l'Octave des Apôtres, il s'envolait au ciel à trente-six ans, de la maison même où il était né, des bras de la pieuse mère qui l'avait élevé pour Dieu et qui le rejoignait peu après.
Lorsque parurent au siècle suivant les célèbres décrets d'Urbain VIII, il manquait cinq années à la prescription centenaire qui eût permis de considérer comme acquis le culte rendu au bienheureux dès après sa mort; et comme, d'autre part, les témoins requis dans ces mêmes décrets pour la canonisation régulière des serviteurs de Dieu avaient disparu, la cause demeura en suspens : ce fut le Souverain Pontife Léon XIII qui, de nos jours, ayant d'abord, en 1890, réintégré le culte d'Antoine-Marie, l'inscrivit solennellement, quelques années plus tard, au nombre des Saints et étendit sa fête à toute l'Eglise.
Saint Antoine-Marie Zaccaria naquit à Crémone, en Italie, d'une famille d'opulents patriciens. Son père, enlevé par une mort soudaine alors qu'Antoine-Marie était encore au berceau, laissa sa mère veuve à l'âge de dix-huit ans. Elle se consacra tout entière à l'éducation de son fils. Chrétienne fervente, elle s'appliquait surtout à former le petit Antoine-Marie à la vertu. A son école, il apprit vite à soulager les pauvres avec une grande compassion. Cet enfant au bon coeur allait jusqu'à se priver volontairement de nourriture pour pouvoir nourrir et vêtir les indigents. Sa sincère charité lui attira d'abondantes bénédictions et des grâces de choix.
Formé aux belles-lettres dans sa ville natale, il étudia à Pavie la philosophie, à Padoue la médecine, ne l'emportant pas moins sur ses compagnons par la pénétration de l'intelligence qu'il l'emportait sur tous par l'intégrité de la vie. Rentré docteur en sa patrie, Dieu lui fit comprendre que sa vocation était moins de soigner les corps que de guérir les âmes ; il s'adonna donc à l'acquisition des sciences sacrées, ne cessant pas cependant de visiter les malades, d'enseigner aux enfants la doctrine chrétienne, aux jeunes gens réunis par ses soins la piété, souvent même aux personnes plus âgées l'amendement de leurs mœurs. Pour se préparer à l'apostolat des âmes, il se mit à étudier avec ardeur la théologie, les écrits des Pères de l'Église. Il reçut l'ordination sacerdotale à l'âge de vint-six ans, en 1528. Ordonné prêtre, on raconte que lorsqu'il célébra sa première Messe, il apparut, à la grande admiration du peuple, entouré d'une troupe d'Anges dans une lumière céleste.
Saint Antoine-Marie Zaccaria enseignant des enfants.
Gravure du XIXe.
Depuis lors, la poursuite du salut des âmes, la lutte contre les vices eurent toutes ses pensées. Objets aussi de ses sollicitudes paternelles, les étrangers, les indigents, les affligés affluaient à sa maison, devenue un asile de malheureux que réconfortait sa parole compatissante et qu'aidaient ses aumônes ; aussi mérita-t-il de ses concitoyens les noms d'ange et de père de la patrie.
Pendant ses études, il ne perdit jamais de vues sa propre sanctification ni celle de son prochain. Il visitait les malades dans les hôpitaux, rassemblait les petits enfants abandonnés et leur enseignait le catéchisme.
Devenu prêtre, il oeuvra à Crémone où sa parole simple et persuasive ramena beaucoup de chrétiens à la pratique de leurs devoirs.
" Allons voir l'ange de Dieu !" disaient ses compatriotes.
Bien qu'il passa des heures au confessionnal, il ne suffisait pas à la tâche. C'est alors que saint Antoine-Marie Zaccaria songea à réunir autour de lui un certain nombre de prêtres zélés, qui tout en s'appliquant à se sanctifier eux-mêmes, travailleraient en plus à la sanctification de leurs frères en combattant l'ignorance, la paresse et la corruption du siècle.
A Milan, faisant réflexion qu'il serait possible de produire plus de fruits de salut s'il s'associait des compagnons qui travailleraient comme lui à la vigne du Seigneur, il communiqua cette pensée à Barthélémy Ferrari et Jacques Morigia, très nobles et très saints personnages, et jeta les fondements d'une société de Clercs réguliers, à laquelle son amour pour l'Apôtre des nations lui fit donner le nom de saint Paul. Approuvée par le Souverain Pontife Clément VII et confirmée par Paul III, elle se répandit bientôt en beaucoup de contrées.
Saint Antoine-Marie Zaccaria disant sa première messe.
La société des religieuses dites Angéliques eut aussi Antoine-Marie pour auteur et pour père. Lui cependant avait si bas sentiment de lui-même, qu'on ne put aucunement l'amener à prendre le gouvernement de son Ordre. Si grande était sa patience, que les plus redoutables tempêtes soulevées contre les siens ne troublaient point son calme ; si grande sa charité, qu'il ne cessa jamais d'enflammer par ses pieuses exhortations les religieux à l'amour de Dieu, de rappeler les prêtres à la manière de vie des Apôtres, de porter au bien les pères de famille qu'il associait en confréries. Parfois même, portant la Croix avec les siens par les rues et les places publiques, il ramenait les âmes dévoyées dans la voie du salut par l'ardeur et la force de ses discours.
Ces prêtres menaient une vie pauvre et frugale, prêchant surtout par l'exemple.
" C'est le propre des grands coeurs, leur disait le Saint, de vouloir servir sans récompense, combattre sans ravitaillement assuré."
Le pape leur permit de constituer une nouvelle congrégation sous le nom de : Clercs réguliers de St-Paul. On leur confia l'église St-Barnabé à Milan, d'où leur vint le nom de Barnabites.
Devant ce renouveau chrétien, les médiocres traitèrent les fervents de fanatiques et de superstitieux. Saint Antoine-Marie Zaccaria fut critiqué, moqué, décrié, mais un grande paix et sérénité ne cessait d'envelopper son âme.
Le zélé fondateur institua encore des Conférences spirituelles pour les prêtres. Les personnes mariées eurent une Congrégation spéciale où elles s'exercèrent aux bonnes oeuvres corporelles et spirituelles de Miséricorde. Il fonda en outre un Ordre de religieuses, dites les " Angéliques de Saint-Paul " pour l'instruction des jeunes filles pauvres et l'entretien des linges des églises.
La dévotion à la Sainte Eucharistie fut son moyen de choix pour conquérir les coeurs à Dieu. Saint Antoine-Marie Zaccaria fut le premier, en 1534, qui exposa sans voiles la sainte Hostie à l'adoration des fidèles durant quarante heures, en souvenir du temps que le Seigneur demeura au tombeau ; on sait comment le pieux usage passa de Milan dans l'Eglise entière, et nous avons dit ailleurs l'application spéciale qui en fut faite à la sanctification des trois jours qui précèdent le Carême.
On doit aussi savoir que ce fut lui qui, dans son brûlant amour de Jésus crucifié, établit l'usage de sonner la cloche chaque vendredi, à trois heures, pour rappeler à tous le mystère de la Croix. Sans cesse, dans ses écrits, comme sur ses lèvres, se retrouvait le très saint nom de Jésus-Christ dont ce vrai disciple de Paul portait les souffrances en son corps. L'ardeur dont il brûlait pour la sainte Eucharistie en fit l'apôtre du retour à la pratique de la communion fréquente, et on lui attribue l'introduction de l'adoration publique des Quarante Heures.
Telles étaient les délicatesses de sa pureté, qu'elles semblèrent, pour s'affirmer encore, rendre vie à son corps inanimé. Extases, don des larmes, connaissance de l'avenir et du secret des cœurs, puissance contre l'ennemi du genre humain, étaient venus de la part du ciel relever ses vertus.
Mais les grands travaux qu'il entreprenait partout l'avaient épuisé ; à Guastalla, où on l'avait appelé comme médiateur de paix, il fut pris d'une maladie grave. On le transporta à Crémone, où, réconforté par une céleste apparition des Apôtres et en particulier de saint Paul et prophétisant les développements que sa Congrégation devait prendre, il mourut saintement, au milieu des larmes de ses disciples, entre les bras de sa pieuse mère à laquelle il prédit qu'elle ne tarderait pas à le suivre ; c'était le trois des nones de juillet de l'année 1539 ; il avait seulement trente-six ans.
Le culte public rendu aussitôt à un si grand personnage, pour sa sainteté et ses nombreux miracles, fut approuvé et confirmé par le Souverain Pontife Léon XIII qui, en l'année 1897, au jour de l'Ascension du Seigneur, l'inscrivit solennellement aux fastes des Saints.
Miracle obtenu par l'intercession de saint Antoine-Marie Zaccaria.
De notre temps comme de vos jours, les démolisseurs applaudissent au renversement prochain de la maison de Dieu ; et tout semble, maintenant comme alors, justifier leur funeste espérance. De notre temps comme de vos jours cependant, l'enseignement des Apôtres, soutenu de l'exemple et de la prière des Saints, suffit à sauver la terre. Si plus que jamais le monde ne voit que folie dans la Croix et ceux qui la prêchent, plus que jamais elle demeure seule pourtant la vertu de Dieu (I Cor. I, 18.).
Derechef s'accomplit sous nos yeux l'oracle qui dit :
" Je perdrai la sagesse des sages, je condamnerai la prudence des prudents." (Ibid. 19.).
Autre miracle obtenu par l'intercession de
Où sont à cette heure, en effet, les sages ? Où sont les doctes et les habiles (Ibid. 20.) qui se promettaient d'adapter aux exigences de temps nouveaux la parole du salut ?
" La première condition du triomphe qui ne manque jamais, dit l'Apôtre, aux fidèles du Christ Jésus (II Cor. II, 14.), est de n'altérer point le Verbe de Dieu, de l'annoncer sous l'œil de Dieu tel que Dieu nous le donne (Ibid. 17.), ne prétendant point le rendre acceptable pour ceux qui s'obstinent à périr (Ibid. 15, 16.)."
Disciple de Paul et son imitateur fidèle, ce fut la science du Christ apprise à son école qui, de médecin des corps, vous fit sauveur d'âmes ; ce fut l'amour, supérieur à toute science (Eph. III, 19.), qui jusque par delà le tombeau rendit féconde votre vie si courte et pourtant si remplie. Puisse Dieu, comme le demande par votre intercession l'Eglise (Collecte de la fête.), susciter au milieu de nous cet esprit réparateur et sauveur ; puissent, les premiers, vos fils et vos filles, rangés sous la bannière apostolique, faire honneur toujours au grand nom du Docteur des nations."
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jeudi, 04 juillet 2024
4 juillet. Sainte Berthe, veuve, fondatrice et abbesse de Blangy en Artois. 723.
Saint Jérôme.
Fresque. Eglise Sainte-Colombe. La Flèche. Maine.
Si la noblesse du sang pouvait ajouter quoique chose à la sainteté, la bienheureuse Berthe, plus que toute autre sainte, aurait un double droit à nos hommages, puisque dans ses veines coula tout à la fois le sang des rois et des héros. Mais la Foi, méprisant toutes ces vaines distinctions, n'a placé Berthe sur nos autels qu'afin de nous offrir en elle un modèle accompli des vertus héroïques qu'elle a pratiquées, vertus que la terre honore, et que le Ciel a récompensées par l'immortalité bienheureuse.
Rigobert, comte du palais sous Clovis II, après avoir taillé en pièces les hordes de Huns qui, dans le VIIe siècle, envahirent la Picardie et la Morinie, s'acquit, par cette brillante expédition, toute la confiance de son souverain.
Peu après le mariage de Clovis, Rigobert, séduit par la beauté et les vertus d'Ursanne, fille d'Ercombert, roi de Kent, demanda et obtint la main de cette princesse, et les deux nobles époux vinrent se fixer au château de Blangy, que Clovis avait donné à Rigobert, avec plusieurs terres du Ternois qui en dépendaient, pour le récompenser de ses valeureux services. Là, aussi unis par les liens de la piété que par ceux du mariage, ils obtinrent du Ciel, en 644, une fille qu'ils nommèrent Berthe, c'est-à-dire " Brillante, Lumineuse ", doux présage de la splendeur et de l'éclat que ses vertus devaient répandre dans l'Eglise !
Ursanne ne voulut point confier à des mains étrangères le précieux trésor commis à sa garde, et en nourrissant la petite Berthe, elle lui fit sucer avec le lait la piété et la vertu.
Aussi, cette tendre plante, élevée pour le Ciel par une si sainte mère, donna-t-elle dès l'enfance ces fruits de vertus dont l'Esprit-Saint se plaît à enrichir les âmes innocentes. La beauté morale de Berthe était en si parfaite harmonie avec les grâces pudiques répandues sur toute sa personne, qu'on ne pouvait la voir sans l'aimer ; aussi la proclamait-on la jeune fille la plus aimable et la plus belle de son siècle.
Sous les yeux d'une si sage mère, véritable femme Chrétienne, Berthe fit de rapides progrès dans la science des saints et dans les sciences humaines. La vivacité de son esprit et l'élévation de son intelligence la rendirent supérieure aux personnes de son sexe et de son âge ; mais Berthe apprécia de bonne heure les choses d'ici-bas à leur juste valeur. Elle résolut de se consacrer à Dieu, dont les perfections infinies la ravissaient d'un si délicieux amour. Elle n'avait pas de plaisir plus grand que celui de s'entretenir dans l'oraison avec son céleste Bien-Aimé.
Ursanne était trop parfaitement mère Chrétienne pour ignorer que l'exemple est la leçon la plus efficace ; aussi Berthe l'accompagnait dans toutes ses oeuvres de charité.
Avec Berthe elle visitait le pauvre, le malade, le prisonnier ; avec Berthe elle allait au pied des autels se délasser des travaux du jour et remercier Dieu des bénédictions répandues sur sa famille. Sous les yeux vigilants de sa mère, elle se formait aussi aux vertus, et faisait présager qu'après avoir été l'exemple des filles Chrétiennes, elle offrirait aux personnes mariées un modèle parfait de la femme telle que le Christianisme sait en donner au monde.
Berthe voulut ensevelir dans l'obscurité de la maison paternelle toutes les qualités dont elle était ornée ; mais elles étaient trop brillantes pour rester ignorées. Aussi, bientôt le bruit s'en répandit-il jusqu'à la cour de France. Sigefroy, jeune seigneur de la lignée des rois, et cousin-germain de Clovis, séduit par tout ce qu'en racontait de merveilleux de la jeune comtesse de Blangy, la demanda en mariage. Sa demande fut acceptée, et il obtint, avec la main de Berthe, la terre et le château de Blangy, ainsi que de grandes propriétés dans le Ternois.
Berthe, après avoir été le modèle des jeunes filles, montra, dans son nouvel état, à quel degré de perfection une femme peut parvenir dans l'état du mariage, quand elle l'envisage au point de vue Chrétien. Occupée tout entière du soin de plaire à Dieu et d'être unie à son mari, elle parvint, par ses douces vertus, à lui faire partager ses pieux sentiments. Sigefroy, d'un caractere naturellement indécis, n'hésita plus à se donner tout à fait à Dieu, et tous deux n'eurent plus qu'un coeur et qu'une âme pour marcher avec la même ardeur dans le sentier de la perfection. Dieu bénit leur union en leur accordant 5 filles : Gertrude, Déotile, Emma, Gise et Geste ; ces 2 dernières moururent fort jeunes, et les 3 autres, élevées par leur mère, répondirent par leurs vertus aux soins d'une si sainte institutrice.
Après 20 ans passés dans l'union la plus douce, Dieu appela à lui Sigefroy. Ce noble fils des ducs de Douai, plein de vertus et de mérites, précéda Berthe dans le Ciel, en 672, et du séjour bienheureux, veilla avec amour sur l'épouse et les filles qu'il laissait sur la terre. Berthe, dont la Foi avait épuré, mais non pas éteint les sentiments de la nature, pleura avec amertume l'époux que le Ciel lui enlevait, et le fit inhumer à Blangy, près de l'église, avec tous les honneurs.
Libre désormais de toute attache terrestre, elle se résout alors à se consacrer entièrement à Dieu dans la vie monastique, et commence à mettre son projet à exécution. Elle renonce à tous les intérêts de la terre avec le même zèle qu'avait montré sainte Rictrude, sa belle-soeur, qui dirigeait alors avec tant de succès le monastère de Marchiennes. Elle implore avec larmes les lumières de l'Esprit-Saint, et croyant connaître, par la pureté du motif qui l'anime, que telle est la volonté de Dieu, elle se dispose à suivre l'impulsion divine. Elle choisit dans sa terre de Blangy un endroit propre à construire un monastère; elle en fait le voeu, et met aussitôt la main à l'oeuvre.
Eglise Saint-Germain. Saint-Germain Beaupré. Limousin. XVIIe.
A environ un quart de lieue est de l'abbaye qui fut depuis érigée, elle fait bâtir auprès de la Ternoise une église et des cellules dont on voyait encore, du temps du père Malbrancq, les fondations anciennes et une chapelle de la sainte Vierge. Le sanctuaire seul restait à construire, quand Berthe, voulant dire un dernier adieu à sainte Rictrude et la consulter sur la mise à exécution de son projet, lui donna rendez-vous à Quiery, l'une de ses terres, où les 2 Saintes se rencontrèrent.
Berthe et Rictrude, après les premiers épanchements de joie, allèrent à l'église remercier Dieu de cette faveur ; puis elles s'entretinrent de tout ce qui s'était passé depuis leur dernière entrevue, et répandirent des larmes au souvenir des deux vertueux époux que Dieu avait appelés à lui.
Berthe déclara alors à Rictrude la résolution qu'elle avait prise d'embrasser la vie monastique, et lui parla de l'emploi qu'elle avait fait d'une partie de ses grands biens. Mais tout à coup son visage pâlit, la parole expire sur ses lèvres, et un tremblement s'empare de tous ses membres :
" Qu'avez-vous, ma soeur bien-aimée ? lui dit Rictrude, alarmée de ce changement subit, qu'avez-vous ?
- Rien, répond Berthe, dont le visage se rassérène, rien ; mais il me semble avoir entendu un bruit pareil à celui d'un édifice qui s'écroule. Je ne sais quel pressentiment me fait croire que Dieu m'envoie encore une nouvelle épreuve. Qu'il soit béni ! Toutes ses vues, bien que cachées à notre pénétration, sont souverainement adorables."
En effet, lorsqu'elle se préparait à retourner à Blangy, on vint lui annoncer que son monastère venait de s'écrouler entièrement. Berthe, à cette nouvelle, surmontant les sentiments de la nature, se soumit sans murmure à cet événement fâcheux, et ne s'affligea que du retard qu'il apportait à son dessein de s'ensevelir dans la retraite.
" Ma bonne soeur, lui dit Rictrude, Dieu veut peut-être vous faire connaître par là que ce n'est point en ce lieu qu'Il veut que vous bâtissiez un monastère.
- Oui, ma chère Rictrude, je vois, par l'impression pénible que j'ai ressentie, que je ne suis pas encore assez détachée de la terre, et Dieu veut par là m'apprendre à me renoncer moi-même jusque dans ce qui regarde Son service. Mais comment savoir qu'Il veut que je bâtisse un autre monastère ? Comment connaître le lieu qui Lui agréera? Ah! ma soeur, que toute votre maison prie avec moi, et le Ciel nous dévoilera sa volonté."
Toute la communauté se mit en prières pendant 3 jours, et pendant ce temps observa un jeûne rigoureux. La nuit du 3e jour, un Ange montra à Berthe, au milieu d'une verte prairie arrosée par la Ternoise, et dépendante du château de Blangy, l'endroit où le monastère devait être construit. Une douce rosée couvrait l'herbe touffue, et un ange, dessinant une croix latine, désigna la place où devaient être construits l'église et le monastère.
De retour à Blangy, Berthe s'empressa d'aller visiter le lieu que lui avait indiqué la céleste vision ; elle y vit quatre pierres disposées de manière que deux marquaient quelle devait être la longueur de l'édifice, et deux autres la largeur. Berthe, bénissant le Seigneur Qui lui manifestait si visiblement Sa volonté, fit faire sur-le-champ de nouvelles constructions. Elle employa les architectes les plus habiles : l'église et le monastère furent bâtis avec une telle somptuosité, qu'ils excitèrent l'admiration générale ; car il n'y en avait point en Artois qui pussent leur être comparés.
Au bout de deux ans tous les travaux furent terminés. Berthe en fit faire la consécration d'une manière extrêmement solennelle. Ravenger, évêque de Thérouanne, dans le diocèse duquel Blangy était alors situé, vint en faire la dédicace ; l'archevêque de Rouen, les évêques de Paris, de Meaux, de Noyon, de Tournai, de Cambrai et d'Arras, et un grand nombre d'abbés, s'y trouvèrent, ainsi que plusieurs seigneurs de la cour, par considération pour Berthe, proche parente du roi. L'église fut dédiée à la Mère de Dieu, le 5 des ides de janvier 682.
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mercredi, 03 juillet 2024
3 juillet. Saint Léon II, pape et confesseur. 683.
Saint Ambroise. Lib. I, Offic., C, XXXIX.
Saint Léon II. Missel romain. Bologne. XIVe.
Après la mort du pape saint Agathon, le siège apostolique demeura vacant pendant dix-neuf mois. Ce fut après cette longue vacance que fut élu un des derniers papes du Moyen-Age, saint Léon II originaire de la Grande-Grèce, à Piano-di-San-Martino, près de Reggio. Fils de médecin, parfaitement versé dans les Saintes Ecritures, il était aussi pieux que savant, et ses bons exemples portaient tout le monde à la vertu. Devenu chanoine régulier, il prit un soin particulier des pauvres, des orphelins et des veuves.
Son court pontificat qui dura dix mois seulement, fut marqué par la confirmation du sixième concile oecuménique que son prédécesseur avait fait assembler à Constantinople pour combattre les hérétiques Monothélites ainsi appelés parce qu'ils ne reconnaissaient en Jésus-Christ qu'une volonté et une seule opération. Connaissant aussi bien la langue grecque que latine, saint Léon traduisit les actes de ce concile pour les Occidentaux, du grec au latin.
Le saint pape Léon II ordonna qu'on donnerait la paix à tous les assistants pendant la messe. Cette pieuse coutume avait été pratiquée et observée dès les premiers siècles de l'Eglise, comme on peut le constater dans les écrits de saint Denis et de saint Justin.
Le plain-chant que saint Grégoire le Grand avait composé et établi dans l'Église se trouvait alors dans une extrême confusion et décadence. Saint Léon II réforma lui-même le chant grégorien et composa aussi quelques nouvelles hymnes que l'Eglise a conservées jusqu'à nos jours.
Bien qu'il n'ait tenu le siège que dix mois et dix-sept jours, saint Léon II est un des plus excellents papes qui aient gouverné l'Eglise. Aimé et respecté de tout le monde, tant à cause de sa vertu que pour son naturel doux, affable et bienveillant, il ne manquait d'aucune des qualités requises pour exercer la charge de Pasteur suprême. Tous les fidèles le regrettèrent comme un père véritable.
On inhuma son corps dans l'église Saint-Pierre, tombeau ordinaire des souverains pontifes. On le représente embrassant un mendiant, par allusion à sa charité envers les malheureux, ou tenant un livre où se lisent des notes musicales.
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mardi, 02 juillet 2024
2 juillet. La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.
- La Visitation de la Très Sainte Vierge Marie à sainte Elisabeth.
" Si vous aimez Marie, si vous cherchez à lui plaire, imitez sa modestie. Ce n'est pas seulement dans son silence qu'éclate son humilité ; ses paroles à l'archange Gabriel et à sa cousine Elisabeth la proclament d'une manière plus frappante encore."
Saint Bernard. Hom. de Praerogat. B. M. V.
Déjà, dans les jours qui précédèrent la naissance du Sauveur, la visite de Marie à sa cousine Elisabeth a fait l'objet de nos méditations. Mais il convenait de revenir sur une circonstance aussi importante de la vie de Notre-Dame; la simple mémoire de ce mystère, au Vendredi des Quatre-Temps de l'Avent, ne suffisait point à faire ressortir ce qu'il renferme par lui-même d'enseignement profond et de sainte allégresse. En se complétant dans le cours des âges, la sainte Liturgie devait exploiter cette mine précieuse, à l'honneur de la Vierge-mère. L'Ordre de saint François et quelques églises particulières, comme celles du Mans, de Reims et de Paris, avaient déjà pris les devants, lorsqu'Urbain VI, en l'année 1389, institua la solennité du présent jour. Le Pape conseillait le jeûne en la vigile de la fête, et ordonnait qu'elle fût suivie d'une Octave; il accordait à sa célébration les mêmes indulgences qu'Urbain IV avait, dans le siècle précédent, attachées à la fête du Corps du Seigneur. La bulle de promulgation, arrêtée par la mort du Pontife, fut reprise et publiée par Boniface IX qui lui succéda sur le Siège de saint Pierre.
Nous apprenons des Leçons de l'Office primitivement composé pour cette fête, que le but de son institution avait été, dans la pensée d'Urbain, d'obtenir la cessation du schisme qui désolait alors l'Eglise. Exilée de Rome durant soixante-dix ans, la papauté venait d'y rentier à peine ; l'enfer, furieux d'un retour qui contrariait ses plans opposés là comme partout à ceux du Seigneur, s'en était vengé en parvenant à ranger sous deux chefs le troupeau de l'unique bercail. Telle était l'obscurité dont de misérables intrigues avaient su couvrir l'autorité du légitime pasteur, qu'on vit nombre d'églises hésiter de bonne foi et, finalement, préférer la houlette trompeuse du mercenaire. Les ténèbres devaient même s'épaissir encore, et la nuit devenir un moment si profonde, que les ordres de trois papes en présence allaient se croiser sur le monde, sans que le peuple fidèle, frappé de stupeur, parvînt à discerner sûrement la voix du Vicaire du Christ. Jamais situation plus douloureuse n'avait été faite à l'Epouse du Fils de Dieu. Mais Notre-Dame, vers qui s'était tourné le vrai Pontife au début de l'orage, ne fit point défaut à la confiance de l'Eglise.
Il restait à montrer qu'un pareil rapprochement des peuples au sein même de la tempête, était bien l'œuvre de celle que le pilote avait, un demi-siècle auparavant, appelée au secours de la barque de Pierre. On vit les factieux de l'assemblée de Bàle en donner la preuve, trop négligée par des historiens qui ne soupçonnent plus l'importance des grands faits liturgiques dans l'histoire de la chrétienté ; sur le point de se séparer, les derniers tenants du schisme consacrèrent la quarante-troisième session de leur prétendu concile à promulguer, pour ses adhérents, cette même fête de la Visitation en l'établissement de laquelle Urbain VI avait dès l'abord mis son espoir. Malgré la résistance de quelques obstinés, le schisme était vraiment fini dès lors ; l'orage se dissipait : le nom de Marie, invoqué des deux parts, resplendissait comme le signe de la paix sur les nuées (Gen. IX, 12-17.). Ainsi l'arc-en-ciel unit dans sa douce lumière les extrémités opposées de l'horizon. Contemplez-le, dit l'Esprit-Saint, et bénissez celui qui l'a fait ; car il est beau dans sa splendeur ! Il embrasse les cieux dans le circuit de sa gloire (Eccli. XLIII, 12-13.). Si l'on se demande pourquoi Dieu voulut que le mystère de la Visitation, et non un autre, devînt, par cette solennité qui lui fut consacrée, le monument de la paix reconquise : il est facile d'en trouver la raison dans la nature même de ce mystère et les circonstances où il s'accomplit.
C'est là surtout que Marie apparaît, en effet, comme la véritable arche d'alliance : portant en elle, non plus les titres périmés du pacte de servitude conclu au bruit du tonnerre entre Jéhovah et les Juifs ; mais l'Emmanuel, témoignage vivant d'une réconciliation plus vraie, d'une alliance plus sublime entre la terre et les cieux. Par elle, mieux qu'en Adam, tous les hommes seront frères ; car celui qu'elle cache en son sein sera le premier-né de la grande famille des fils de Dieu. A peine conçu, voici que pour lui commence l'œuvre d'universelle propitiation. Levez-vous, ô Seigneur, vous et l'arche d'où votre sainteté découlera sur le monde (Psalm. CXXXI, 8.). De Nazareth aux montagnes de Judée, dans sa marche rapide, elle sera protégée par l'aile des chérubins jaloux de contempler sa gloire. Au milieu des guerriers les plus illustres et des chœurs d'Israël, David conduisit l'arche figurative de la maison d'Abinadab à celle d'Obedédom (II Reg. VI.) ; mieux que lui, Dieu votre Père saura entourer l'arche sacrée du Testament nouveau, lui composant une escorte de l'élite des célestes phalanges.
Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l'hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d'or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l'éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer mer l'union qu'ambitionnait son amour ! Par le péché d'origine, l'ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l'ornement dans les siècles sans fin ; l'ambassade de l'ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n'avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d'Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d'Azot en firent autrefois l'expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l'arche (I Reg. V.) : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l'âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l'arche de l'alliance n'arrêtera ses triomphes qu'avec la réconciliation du dernier des élus.
Célébrons cette journée par nos chants d'allégresse ; car toute victoire, pour l'Eglise et ses fils, est en germe dans ce mystère : désormais l'arche sainte préside aux combats du nouvel Israël. Plus de division entre l'homme et Dieu, le chrétien et ses frères ; si l'arche ancienne fut impuissante à empêcher la scission des tribus, le schisme et l'hérésie n'auront licence de tenir tête à Marie durant plus ou moins d'années ou de siècles, que pour mieux enfin faire éclater sa gloire. D'elle sans cesse, comme en ce jour béni, s'échapperont, sous les yeux de l'ennemi confondu, et la joie des petits, et la bénédiction de tous, et la perfection des pontifes (Psalm. CXXXI, 8-9, 14-18.). Au tressaillement de Jean, à la subite exclamation d'Elisabeth, au chant de Zacharie, joignons le tribut de nos voix ; que toute la terre en retentisse. Ainsi jadis était saluée la venue de l'arche au camp des Hébreux ; les Philistins, l'entendant, savaient par là que le secours du Seigneur était descendu ; et, saisis de crainte, ils gémissaient, disant :
" Malheur à nous : il n'y avait pas si grande joie hier ; malheur à nous !" (I Reg. IV, 5-8.).
Oui certes, aujourd'hui avec Jean, le genre humain tressaille et il chante ; oui certes, aujourd'hui à bon droit l'ennemi se lamente : le premier coup du talon de la femme (Gen. III, 11.) frappe aujourd'hui sa tête altière, et Jean délivré est en cela le précurseur de nous tous. Plus heureux que l'ancien, le nouvel Israël est assuré que jamais sa gloire ne lui sera ôtée ; jamais ne sera prise l'arche sainte qui lui fait traverser les flots (Josué, III, IV.) et abat devant lui les forteresses (Ibid. VI.). Combien donc n'est-il pas juste que ce jour, où prend fin la série de défaites commencée en Eden, soit aussi le jour des cantiques nouveaux du nouveau peuple ! Mais à qui d'entonner l'hymne du triomphe, sinon à qui remportela victoire ? Levez-vous donc, levez-vous, Debbora ; levez-vous et chantez le Cantique (Judic. V, 12.). Les forts avaient disparu, jusqu'à ce que s'élevât Marie, la vraie Debbora, jusqu'à ce que parût la Mère en Israël (Ibid. 7.).
" C'est moi, c'est moi, dit-elle en effet, qui chanterai au Seigneur, qui célébrerai le Dieu d'Israël (Ibid. 3.). Selon la parole de mon aïeul David, magnifiez avec moi le Seigneur, et tous ensemble exaltons son saint nom (Psalm. XXXIII, 4.). Mon cœur, comme celui d'Anne, a tressailli en Dieu son Sauveur (I Reg. II, 1.). Car, de même qu'en Judith sa servante, il a accompli en moi sa miséricorde (Judith, XIII, 18.) et fait que ma louange sera dans toutes les bouches jusqu'à l'éternité (Ibid. 23, 31 ; XV, 11.). Il est puissant celui qui a fait en moi de grandes choses (Exod. XV, 2-3, 11.) ; il n'est point de sainteté pareille à la sienne (I Reg. II, 2.). Ainsi que par Esther, il a pour toutes les générations sauvé ceux qui le craignent (Esther, IX, 28.) ; dans la force de son bras (Judith, IX, 11.), il a retourné contre l'impie les projets de son cœur, renversant l'orgueilleux Aman de son siège et relevant les humbles; il a fait passer des riches aux affamés l'abondance (I Reg. II, 4-3.) ; il s'est ressouvenu de son peuple et a eu pitié de son héritage (Esther, X, 12.). Telle était bien la promesse que reçut Abraham, et que nos pères nous ont transmise : il a fait comme il avait dit." (Ibid. XIII, 15 ; XIV, 5.).
Filles de Sion, et vous tous qui gémissiez dans les fers de Satan, l'hymne de la délivrance a donc retenti sur notre terre. A la suite de celle qui porte en son sein le gage de l'alliance, formons des chœurs ; mieux que Marie sœur d'Aaron, et à plus juste titre, elle préside au concert d'Israël (Exod. XV, 20-21.). Ainsi elle chante en ce jour de triomphe, rappelant tous les chants de victoire qui préludèrent dans les siècles de l'attente à son divin Cantique. Mais les victoires passées du peuple élu n'étaient que la figure de celle que remporte, en cette fête de sa manifestation, la glorieuse souveraine qui, mieux que Debbora, Judith ou Esther, a commencé de délivrer son peuple ; en sa bouche, les accents de ses illustres devancières ont passé de l'aspiration enflammée des temps de la prophétie à l'extase sereine qui marque la possession du Dieu longtemps attendu. Une ère nouvelle commence pour les chants sacrés : la louange divine reçoit de-Marie le caractère qu'elle ne perdra plus ici-bas, qu'elle gardera jusque dans l'éternité.
Les considérations qui précèdent nous ont été inspirées par le motif spécial qui porta l'Eglise, au XIVe siècle, à instituer cette fête. En rendant Rome à Pie IX exilé, au 2 juillet de l'année 1849 (Voir au 1er juillet, en la fête du Précieux Sang), Marie a montré de nouveau dans nos temps que cette date était bien pour elle une journée de victoire. Mais le mystère de la glorieuse Visitation est si vaste, que nous ne saurions, eu égard aux limites qui nous sont imposées, songer à épuiser ici tous les enseignements qu'il renferme. Quelques-uns d'eux, au reste, nous ont été donnés dans les jours de l'Avent; d'autres plus récemment, à l'occasion de la fête de saint Jean-Baptiste et de son Octave ; d'autres enfin seront mis en lumière par l'Epître et l'Evangile de la Messe qui va suivre.
HYMNE
" Salut, astre des mers.
Mère de Dieu féconde !
Salut, Ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !
Vous qui de Gabriel
Ayez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Eva.
Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.
Montrez en vous la Mère ;
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.
Ô Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.
Donnez vie innocente
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.
Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.
Amen."
V/. " Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
R/. Et le fruit de vos entrailles est béni."
SEQUENCE
" Venez, glorieuse souveraine ; Marie, vous-même visitez-nous : illuminez nos âmes malades, donnez-nous de vivre saintement.
Venez, vous qui sauvâtes le monde, enlevez la souillure de nos crimes ; dans cette visite à votre peuple, écartez tout péril de peine.
Venez, reine des nations, éteignez les flammes du péché ; quiconque s'égare, redressez-le , donnez à tous vie innocente.
Venez, visitez les malades ; Marie, fortifiez les courages par la vertu de votre impulsion sainte, bannissez les hésitations.
Venez, étoile, lumière des mers, faites briller le rayon de la paix ; que Jean tressaille devant son Seigneur.
Venez, sceptre des rois, ramenez les foules errantes à l'unité de foi qui est le salut des citoyens des cieux.
Venez, implorez pour nous ardemment les dons de l'Esprit-Saint, afin que nous suivions une ligne plus droite dans les actes de cette vie.
Venez, louons le Fils, louons l'Esprit-Saint, louons le Père, unique Dieu : qu'il nous donne secours.
Amen."
En ce jour où Satan voit pour la première fois reculer son infernale milice devant l'arche sainte, deux combattants de l'armée des élus font cortège à leur Reine. Députés vers Marie par Pierre lui-même en son Octave glorieuse, ils ont dû cet honneur à la foi qui leur fit reconnaître dans le condamné de Néron le chef du peuple de Dieu.
Le prince des Apôtres attendait son martyre au fond de la prison Mamertine, lorsque la miséricorde divine amena près de lui deux soldats romains, ceux-là mêmes dont les noms sont devenus inséparables du sien dans la mémoire de l'Eglise. L'un se nommait Processus, et l'autre Martinien. Ils furent frappés de la dignité de ce vieillard confié à leur garde pour quelques heures, et qui ne devait remonter à la lumière que pour périr sur un gibet. Pierre leur parla de la vie éternelle et du Fils de Dieu qui a aimé les hommes jusqu'à donner son sang pour leur rachat. Processus et Martinien reçurent d'un cœur docile cet enseignement inattendu, ils l'acceptèrent avec une foi simple, et demandèrent la grâce de la régénération. Mais l'eau manquait dans le cachot, et Pierre dut faire appel au pouvoir de commander à la nature que le Rédempteur avait confié à ses Apôtres, en les envoyant dans le monde. A la parole du vieillard, une fontaine jaillit du sol, et les deux soldats furent baptisés dans l'eau miraculeuse. La piété chrétienne vénère encore aujourd'hui cette fontaine, qui ne diminue ni ne déborde jamais. Processus et Martinien ne tardèrent pas à payer de leur vie l'honneur qu'ils avaient reçu d'être initiés à la foi chrétienne par le prince des Apôtres, et ils sont honorés entre les martyrs (" Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles.").
Leur culte remonte aussi haut que celui de Pierre même. A l'âge de la paix, une basilique s'éleva sur leur tombe. Saint Grégoire y prononça, en la solennité anniversaire de leurs combats, la trente-deuxième de ses Homélies sur l'Evangile ; le grand Pape rend témoignage aux miracles qui s'opéraient dans ce lieu sacré, et il célèbre en particulier le pouvoir que les deux saints martyrs ont de protéger leurs dévots clients au jour des justices du Seigneur (In Ev. Hom. XXXII, 7-9.). Plus tard, saint Paschal Ier enrichit de leurs corps la basilique du prince des Apôtres. Ils occupent aujourd'hui la place d'honneur dans le bras gauche de la croix latine formée par l'immense édifice, et donnent leur nom à tout ce côté du transept où le concile du Vatican a tenu ses sessions immortelles ; il convenait que l'auguste assemblée poursuivît ses travaux sous le patronage des deux vaillants soldats, gardiens de Pierre et sa conquête aux jours de sa glorieuse confession. N'oublions point ces illustres protecteurs de l'Eglise. La fête de la Visitation, d'institution plus récente que la leur, ne l'a cependant point amoindrie ; si maintenant leur gloire se perd, pour ainsi dire, en celle de Notre-Dame, leur puissance n'a pu que s'accroître à ce rapprochement avec la douce souveraine de la terre et des deux.
PRIERE
" Quelle est celle-ci, qui s'avance belle comme l'aurore à son lever, terrible comme une armée rangée en bataille (Cant. VI, 9.) ? Ô Marie, c'est aujourd'hui que, pour la première fois, votre douce clarté réjouit la terre. Vous portez en vous le Soleil de justice ; et sa lumière naissante frappant le sommet des monts, tandis que la plaine est encore dans la nuit, atteint d'abord le Précurseur illustre dont il est dit qu'entre les fils des femmes il n'est point de plus grand. Bientôt l'astre divin, montant toujours, inondera de ses feux les plus humbles vallées. Mais que de grâce en ces premiers rayons qui s'échappent de la nuée sous laquelle il se cache encore ! Car vous êtes, Ô Marie, la nuée légère, espoir du monde, terreur de l'enfer (III Reg. XVIII, 44 ; Isai. XIX, 1.) ; en sa céleste transparence, contemplant de loin les mystères de ce jour, Elie le père des prophètes et Isaïe leur prince découvrirent tous deux le Seigneur. Ils vous voyaient hâtant votre course au-dessus des montagnes, et ils bénissaient Dieu; car, dit l'Esprit-Saint, lorsque l'hiver a enchaîné les neuves, desséché les vallées, brûlé les montagnes, le remède à tout est dans la hâte de la nuée (Eccli. XLIII, 21-24.).
Hâtez-vous donc, Ô Marie ! Venez à nous tous, et que ce ne soient plus seulement les montagnes qui ressentent les bienfaits de votre sereine influence : abaissez-vous jusqu'aux régions sans gloire où la plus grande partie du genre humain végète, impuissante à s'élever sur les hauteurs ; que jusque dans les abîmes de perversité les plus voisins du gouffre infernal, votre visite fasse pénétrer la lumière du salut. Oh ! puissions-nous, des prisons du péché, de la plaine où s'agite le vulgaire, être entraînés à votre suite ! Ils sont si beaux vos pas dans nos humbles sentiers (Cant. VII, 1.), ils sont si suaves les parfums dont vous enivrez aujourd'hui la terre (Ibid. I, 5.) ! Vous n'étiez point connue, vous-même vous ignoriez, Ô la plus belle des filles d'Adam, jusqu'à cette première sortie qui vous amène vers nos pauvres demeures (Ibid, 7.) et manifeste votre puissance. Le désert, embaumé soudain des senteurs du ciel, acclame au passage, non plus l'arche des figures, mais la litière du vrai Salomon, en ces jours mêmes qui sont les jours des noces sublimes qu'a voulu contracter son amour (Ibid. III, 6-11.). Quoi d'étonnant si d'une course rapide elle franchit les montagnes, portant l'Epoux qui s'élance comme un géant de sommets en sommets (Psalm. XVIII, 6-7.) ?
Vous n'êtes pas, Ô Marie, celle qui nous est montrée dans le divin Cantique hésitante àl'action malgré le céleste appel, inconsidérément éprise du mystique repos au point de le placer ailleurs que dans le bon plaisir absolu du Bien-Aimé. Ce n'est point vous qui, à la voix de l'Epoux, ferez difficulté de reprendre pour lui les vêtements du travail, d'exposer tant qu'il le voudra vos pieds sans tache à la poussière des chemins de ce monde (Cant. V, 2-10.). Bien plutôt : à peine s'est-il donné à vous dans une mesure qui ne sera connue d'aucune autre, que, vous gardant de rester absorbée dans la jouissance égoïste de son amour, vous-même l'invitez à commencer aussitôt le grand œuvre qui l'a fait descendre du ciel en terre :
" Venez, mon bien-aimé, sortons aux champs, levons-nous dès le matin pour voir si la vigne a fleuri, pour hâter l'éclosion des fruits du salut dans les âmes ; c'est là que je veux être à vous." ( Cant. VII, 10-13.).
Et, appuyée sur lui, non moins que lui sur vous-même, sans rien perdre pour cela des délices du ciel, vous traversez notre désert (Ibid. VIII, 5.) ; et la Trinité sainte perçoit, entre cette mère et son fils, des accords inconnus jusque-là pour elle-même ; et les amis de l'Epoux, entendant votre voix si douce (Ibid. 13.), ont, eux aussi, compris son amour et partagé vos joies. Avec lui, avec vous, de siècle en siècle, elles seront nombreuses les âmes qui, douées de l'agilité de la biche et du faon mystérieux, fuiront les vallées et gagneront les montagnes où brûle sans fin le pur parfum des cieux (Ibid. 14.).
Bénissez, Ô Marie, ceux que séduit ainsi la meilleure part. Protégez le saint Ordre qui sefait gloire d'honorer spécialement le mystère de votre Visitation ; fidèle à l'esprit de ses illustres fondateurs, il ne cesse point de justifier son titre, en embaumant l'Eglise de la terre de ces mêmes parfums d'humilité, de douceur, de prière cachée, qui furent pour les anges le principal attrait de ce grand jour, il y a dix-huit siècles. Enfin, ô Notre-Dame, n'oubliez point les rangs pressés de ceux que la grâce suscite, plus nombreux que jamais en nos temps, pour marcher sur vos traces à la recherche miséricordieuse de toutes les misères ; apprenez-leur comment on peut, sans quitter Dieu, se donner au prochain : pour le plus grand honneur de ce Dieu très-haut et le bonheur de l'homme, multipliez ici-bas vos fidèles copies. Que tous enfin, vous ayant suivie en la mesure et la manière voulues par Celui qui divise ses dons à chacun comme il veut (I Cor. XII, 11.), nous nous retrouvions dans la patrie pour chanter d'une seule voix avec vous le Magnificat éternel !"
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lundi, 01 juillet 2024
1er juillet. Très précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.
- Fête du Très précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.
" Ayons donc confiance, Ô mes Frères, nous dit l'Apôtre ; et, par le Sang du Christ, entrons dans le Saint des Saints."
Saint Paul. Heb., X, 19-24.
Jean-Baptiste a montré l'Agneau, Pierre affermi son trône, Paul préparé l'Epouse: œuvre commune, dont l'unité fut la raison qui devait les rapprocher de si près tous trois sur le Cycle. L'alliance étant donc maintenant assurée, tous trois rentrent dans l'ombre ; et seule, sur les sommets où ils l'ont établie, l'Epouse apparaît, tenant en mains la coupe sacrée du festin des noces.
Tel est le secret de la fête de ce jour. Son lever au ciel de la sainte Liturgie, en la saison présente, est plein de mystère. Déjà, et plus solennellement, l'Eglise a révélé aux fils de la nouvelle Alliance le prix du Sang dont ils furent rachetés, sa vertu nourrissante et les honneurs de l'adoration qu'il mérite. Au grand Vendredi, la terre et les cieux contemplèrent tous les crimes noyés dans le fleuve de salut dont les digues éternelles s'étaient enfin rompues, sous l'effort combiné de la violence des hommes et de l'amour du divin Cœur. La fête du Très-Saint-Sacrement nous a vus prosternés devant les autels où se perpétue l'immolation du Calvaire, et l'effusion du Sang précieux devenu le breuvage des humbles et l'objet des hommages des puissants de ce monde. Voici que l'Eglise, cependant, convie de nouveau les chrétiens à célébrer les flots qui s'épanchent de la source sacrée : qu'est-ce à dire, sinon, en effet, que les solennités précédentes n'en ont point sans doute épuisé le mystère ?
La paix faite par ce Sang dans les bas lieux comme sur les hauteurs ; le courant de ses ondes ramenant des abîmes les fils d'Adam purifiés, renouvelés, dans tout l'éclat d'une céleste parure ; la table sainte dressée pour eux sur le rivage, et ce calice dont il est la liqueur enivrante : tous ces apprêts seraient sans but, toutes ces magnificences demeureraient incomprises, si l'homme n'y voyait les avances d'un amour dont les prétentions entendent n'être dépassées par les prétentions d'aucun autre amour. Le Sang de Jésus doit être pour nous à cette heure le Sang du Testament, le gage de l'alliance que Dieu nous propose (Ex. XXIV, 8 ; Heb. IX, 20.), la dot constituée par l'éternelle Sagesse appelant les hommes à cette union divine, dont l'Esprit de sainteté poursuit sans fin la consommation dans nos âmes. Et c'est pourquoi la présente fête, fixée toujours à quelqu'un des Dimanches après la Pentecôte, n'interrompt point l'enseignement qu'ils ont mission de nous donner en ce sens, mais le confirme merveilleusement au contraire.
" Ayons donc confiance, Ô mes Frères, nous dit l'Apôtre ; et, par le Sang du Christ, entrons dans le Saint des Saints. Suivons la route nouvelle dont le secret est devenu nôtre, la route vivante qu'il nous a tracée au travers du voile, c'est-à-dire de sa chair. Approchons d'un cœur vrai, d'une foi pleine, purs en tout, maintenant ferme la profession de notre inébranlable espérance ; car celui qui s'est engagé envers nous est fidèle. Excitons-nous chacun d'exemple à l'accroissement de l'amour (Heb. X, 19-24.). Et que le Dieu de paix qui a ressuscité d'entre les morts notre Seigneur Jésus-Christ, le grand pasteur des brebis dans le Sang de l'Alliance éternelle, vous dispose à tout bien, pour accomplir sa volonté, pour que lui-même fasse en vous selon son bon plaisir par Jésus-Christ, à qui soit gloire dans les siècles des siècles !" (Ibid. XIII, 20-21.).
A LA MESSE
L'Eglise, que les Apôtres ont rassemblée de toutes les nations qui sont sous le ciel, s'avance vers l'autel de l'Epoux qui l'a rachetée de son Sang, et chante dans l'Introït son miséricordieux amour. C'est elle qui est désormais le royaume de Dieu, la dépositaire de la vérité.
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Hébreux. Chap. IX.
" Mes Frères, Jésus-Christ, le Pontife des biens futurs, étant venu à paraître, est entré une fois dans le Sanctuaire par un tabernacle plus grand et plus parfait, qui n'a point été fait de main d'homme, c'est-à-dire qui n'a point été formé par la voie commune et ordinaire. Il est entré, non avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre Sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle ; car si le sang des boucs et des taureaux, et l'aspersion de l'eau mêlée avec la cendre d'une génisse, sanctifient ceux qui ont été souillés, et leur donnent une pureté extérieure et charnelle : combien plus le Sang du& Christ, qui par l'Esprit-Saint s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres mortes, pour nous rendre capables de servir le Dieu vivant ! Et c'est pourquoi il est le médiateur du Testament nouveau, afin que, parla mort qu'il a subie pour racheter les prévarications commises sous le premier Testament, ceux qui y sont appelés reçoivent l'objet de la promesse, l’héritage éternel, en Jésus-Christ notre Seigneur."
" Or, dit saint Ambroise, c'est à la vérité que nous devons tendre. Ici est l'ombre, ici l'image, là-haut la vérité. Dans la Loi c'était l'ombre, l'image se trouve dans l'Evangile, la vérité au ciel. Jadis on sacrifiait un agneau ; maintenant c'est le Christ : mais ici sous les signes des Mystères, tandis qu'au ciel il est sans voiles. Là seulement donc est la pleine perfection à laquelle se doivent arrêter nos pensées, parce que toute perfection est dans la vérité sans image et sans ombre." (Ambr. De Offic. I, 48.).
Là seulement sera le repos. Là, dès ce monde, aspirent les fils de Dieu : sans y atteindre pleinement, ils s'en rapprochent chaque jour ; car là seulement se trouve la paix qui fait les saints.
" Seigneur Dieu, dit à son tour un autre grand Docteur, saint Augustin, donnez-nous cette paix, la paix du repos, la paix du septième jour, du sabbat sans couchant. Car, il est vrai, tout cet ordre de la nature et de la grâce est bien beau pour vos serviteurs, et bien bonnes sont les réalités qu'il recouvre ; mais ses images, ses modes successifs, n'auront qu'un temps, et, leur évolution accomplie, il passera. Les. jours que vous avez remplis de vos créations se composent de matin et de soir, le septième excepté qui n'a pas de déclin, parce que vous l'avez sanctifié dans votre reposa jamais. Or ce repos, quel est-il, sinon celui que vous prenez en nous, quand nous-mêmes reposons en vous dans la paix féconde qui couronne en nous la série de vos grâces ? Repos sacré, plus productif que tout labeur, les parfaits seuls vous connaissent, ceux-là qui ont laissé le travail divin accomplir en eux l'œuvre des six jours." (Aug. Confess. XIII, 35-37 ; de Genesi ad litt. IV, 13-17 ; et alibi passim.).
Ecoutons l'Apôtre s'adressant à tous, dans cette même Epître aux Hébreux que l'Eglise nous fait lire en cette fête :
" Oui, sans doute ; grandes et ineffables sont ces choses. Mais si vous êtes devenus peu capables de les comprendre, c'est par votre fait ; car, depuis le temps, vous devriez y être maîtres. Vous êtes réduits au lait des enfants, quand votre âge réclame la nourriture solide des parfaits. Quant à nous, dans nos instructions, faisant trêve aux discours qui n'ont pour but que d'inoculer les premiers éléments du Christ, nous devons nous porter plus avant, sans revenir sans cesse à poser le fondement, qui consiste à se dégager des œuvres mortes et à ouvrir sur Dieu les yeux de la foi. N'avez-vous pas été illuminés ? N'avez-vous pas goûté le don céleste ? N'avez-vous pas été faits participants de l'Esprit-Saint ? Quelle pluie de grâces, à tous moments, sur la terre de vos âmes ! Il est temps qu'elle rapporte en conséquence à Dieu qui la cultive. Assez tardé ; soyez de ceux qui par la patience et la foi hériteront des promesses, jetant votre espérance, comme une ancre assurée, au delà du voile, aux plus intimes profondeurs, où Jésus n'est entré devant nous que pour nous attirer à sa suite." (Aug. Homil. diei, ex Tract, CXX in Johan.).
La Flagellation et le Couronnement d'épines.
Maître de Cappenberg. XVIe.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XIX.
" En ce temps-là, Jésus ayant pris le vinaigre, dit : Tout est consommé. Et baissant la tête, il rendit l'esprit. Or ce jour-là étant celui de la Préparation, afin que les corps ne demeurassent pas en croix durant le Sabbat (car ce Sabbat était un jour très solennel), les Juifs prièrent Pilate qu'on leur rompit les jambes, et qu'on les enlevât. Il vint donc des soldats qui rompirent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec lui. Etant venus à Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau. Et celui qui le vit en rend témoignage, et son témoignage est vrai."
Et toi, Ô âme, rebelle longtemps aux touches secrètes des grâces de choix, ne te désole point ; ne dis pas :
" L'amour n'est plus pour moi !"
Si loin qu'ait pu t'égarer l'antique ennemi par ses ruses funestes, n'est-il pas vrai qu'il n'est point de détour, point d'abîme peut-être, hélas ! Où ne t'aient suivie les ruisseaux partis de la source sacrée ? Crois-tu donc que le long trajet qu'il t'a plu d'imposer à leur poursuite miséricordieuse, en ait épuisé la vertu ? Fais-en l'épreuve. Et tout d'abord, baigne-toi dans ces ondes purifiantes ; puis, abreuve à longs traits au fleuve de vie cette pauvre âme fatiguée; enfin, t'armant de foi, remonte le cours du fleuve divin. Car s'il est sûr que, pour arriver jusqu'à toi, il ne s'est point séparé de son point de départ, il est également assuré que, ce faisant, tu retrouveras la source elle-même.
" Nous donc aimons Dieu, puisqu'il nous a aimés lui-même le premier." (I Johan. IV, 19.).
L'Eglise, présentant les dons pour le Sacrifice, rappelle en ses chants que le calice offert par elle à la bénédiction des prêtres ses fils devient, par la vertu dès paroles sacrées, l'intarissable réservoir d'où s'épanche sur le monde le Sang du Seigneur.
Si cette fête doit passer comme toute fête ici-bas, son objet reste et fait le trésor du monde. Qu'elle soit pour chacun de nous, comme elle l'est pour l'Eglise, un monument des plus sublimes faveurs du ciel. Puisse chaque année, en ramenant son passage sur le Cycle, trouver en nos cœurs de nouveaux fruits d'amour éclos sous la rosée féconde du Précieux Sang.
" Que par les chemins résonnent des accents de tète ; que la joie brille au front des habitants de la cité ; portant des torches enflammées, que s'avancent dans un ordre harmonieux enfants et vieillards.
Mourant sur la dure couche de l'arbre du salut, de plaies sans nombre le Christ a répandu son Sang ; cette fête en garde le souvenir ; sachons au moins, en hommage, y mêler nos larmes.
L'ancien Adam, par son crime, avait perdu le genre humain ; l'Adam nouveau, par son innocence et par son amour, a rendu la vie à tous.
Le Père souverain a entendu des cieux le cri puissant de son Fils expirant ; ce Sang l'apaise, et nous mérite grâce.
Quiconque lave sa robe en ce Sang, n'a plus aucune tache ; l'éclat empourpré qu'il y puise le rend soudain semblable aux Anges et agréable au Roi.
Désormais qu'aucune inconstance ne nous fasse quitter la voie droite ; atteignons le terme suprême : lieu qui nous aide dans la course, récompensera noblement nos efforts.
Père très puissant, soyez-nous propice : achetés du Sang de votre Fils unique, créés à nouveau dans l'Esprit pacificateur, conduisez-nous jusqu'aux sommets des cieux.
Amen."
V/. " Daignez donc secourir vos serviteurs,
R/. Que vous avez rachetés de votre précieux Sang."
" Le Créateur, dans sa juste colère, a sous les eaux vengeresses englouti l'univers coupable, Noé seul étant sauvé dans l'arche ; puis la merveilleuse violence de l'amour a lavé dans le Sang l'univers.
Imbibée d'une telle pluie de salut, l'heureuse terre, qui n'abondait qu'en épines, a produit des fleurs ; et l'absinthe a pris le goût du nectar.
Soudain le serpent cruel a perdu son poison funeste, et des bêtes féroces est tombée la fureur : du doux Agneau blessé telle fut la victoire.
Ô de la science souveraine profondeur insondable ! Ô suavité jamais assez louée d'un cœur rempli d'amour ! L'esclave était digne de mort, le Roi subit la peine dans sa bonté.
Quand par des fautes nous provoquons la colère du Juge, alors mettons-nous sous l'abri de ce Sang toujours prêt à plaider pour nous : l'armée des maux suspendus sur nos têtes alors se dissipera.
Racheté par vous, plein de vos dons, que l'univers vous loue en sa reconnaissance, Ô guide de l'éternel salut, divin auteur de la grâce, qui possédez avec le Père et l'Esprit les royaumes bienheureux.
Amen."
LITANIES DU PRECIEUX SANG DE NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST
" Seigneur, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous.
O Christ, ayez pitié de nous. O Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous.
Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils, Rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Trinité Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.
Sang du Christ, fils unique du Père Eternel, Sauvez-nous
Sang du Christ, Verbe incarné, Sauvez-nous
Sang du Christ,Nouveau et Ancien Testament, Sauvez-nous
Sang du Christ, répandu sur la terre pendant son agonie, Sauvez-nous
Sang du Christ, versé dans la flagellation, Sauvez-nous
Sang du Christ, émanant de la couronne d'épines, Sauvez-nous
Sang du Christ,répandu sur la Croix, Sauvez-nous
Sang du Christ, prix de notre salut, Sauvez-nous
Sang du Christ, sans lequel il ne peut y avoir de rémission, Sauvez-nous
Sang du Christ, nourriture eucharistisque et purification des âmes, Sauvez-nous
Sang du Christ, fleuve de miséricorde, Sauvez-nous
Sang du Christ, victoire sur les démons, Sauvez-nous
Sang du Christ, force des martyrs, Sauvez-nous
Sang du Christ, vertu des confesseurs, Sauvez-nous
Sang du Christ, source de virginité, Sauvez-nous
Sang du Christ, soutien de ceux qui sont dans le danger, Sauvez-nous
Sang du Christ, soulagement de ceux qui peinent, Sauvez-nous
Sang du Christ, espoir des pénitents, Sauvez-nous
Sang du Christ, secours des mourants, Sauvez-nous
Sang du Christ, paix et douceur des coeurs, Sauvez-nous
Sang du Christ, gage de vie éternelle, Sauvez-nous
Sang du Christ, qui délivre les âmes du Purgatoire, Sauvez-nous
Sang du Christ, digne de tout honneur et de toute gloire, Sauvez-nous
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Jésus.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Jésus.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Jésus.
V- Vous nous avez rachetés, Seigneur par votre Sang..
R- Et vous avez fait de nous le royaume de Dieu.
Prions : Dieu éternel et tout-puissant qui avez constitué votre fils unique, Rédempteur du monde, et avez voulu être apaisé par son sang, faîtes, nous vous en prions, que, vénérant le prix de notre salut et étant par lui protégés sur la terre contre les maux de cette vie, nous recueillions la récompense éternelle dans le Ciel. Par le même Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi-soit-il."
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