mercredi, 24 septembre 2025
24 septembre. Notre Dame de la Merci et l'Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de la Merci pour la rédemption des captifs. 1218 ; 1621.
" Redemit eos de manu inimici."
" Elle les a délivré des mains de l'ennemi."
Psalm. CV, 10.

Chapelle Notre Dame de la Merci.
Dans l’expression Notre-Dame de la Merci, le mot Merci traduit l’espagnol merced qui signifie grâce, ou le latin merces qui signifie rançon. A l’origine de l’Ordre des Mercédaires qui s’occupèrent de racheter les chrétiens captifs des musulmans, Notre-Dame apparut à saint Pierre Nolasque (fête le 31 janvier), à saint Raymond de Penyafort (fête le 23 janvier) et au roi Jacques I° d’Aragon.
Au milieu de la nuit du 1er août 1218, alors que l’Eglise célébrait la fête de Saint-Pierre-aux-Liens, la vierge Marie, accompagnée d’anges et de saints, apparut à saint Pierre Nolasque et lui dit :
" Mon fils, je suis la Mère du Fils de Dieu qui, pour le salut et la liberté du genre humain, répandit tout son sang en souffrant la mort cruelle de la Croix ; je viens ici chercher des hommes qui veuillent, à l’exemple de mon Fils, donner leur vie pour le salut et la liberté de leurs frères captifs. C’est un sacrifice qui lui sera très agréable. Je désire donc que l’on fonde en mon honneur un Ordre dont les religieux, avec une foi vive et une vraie charité, rachètent les esclaves chrétiens de la puissance et de la tyrannie des Turcs, se donnant même en gage, s’il est nécessaire, pour ceux qu’ils ne pourront racheter autrement. Telle est, mon fils, ma volonté ; car, lorsque dans l’oraison tu me priais avec des larmes de porter remède à leurs souffrances, je présentais tes vœux à mon Fils qui, pour ta consolation et pour l’établissement de cet Ordre sous mon nom, m’a envoyée du ciel vers toi."

Saint Pierre Nolasque et l'apparition de l'ange.
Saint Pierre Nolasque répondit :
" Je crois d’une foi vive que vous êtes la Mère du Dieu vivant et que vous êtes venue en ce monde pour le soulagement des pauvres chrétiens qui souffrent dans une barbare servitude. Mais que suis-je, moi, pour accomplir une œuvre si difficile au milieu des ennemis de votre divin Fils et pour tirer ses enfants de leurs cruelles mains ?"
Et Notre-Dame de lui répondre :
" Ne crains rien, Pierre, je t’assisterai dans toute cette affaire et, pour que tu aies foi en ma parole, tu verras bientôt l’exécution de ce que je t’ai annoncé et mes fils et mes filles de cet Ordre se glorifieront de porter des habits blancs comme ceux dont tu me vois revêtue."
En disant cela, la Vierge disparut.

Saint Raymond de Penyafort.
Pierre Nolasque passa en prière le reste de la nuit puis rejoignit Raymond de Penyafort qui lui dit :
" J’ai eu cette nuit la même vision que vous : j’ai été aussi favorisé de la visite de la Reine des anges et j’ai entendu de sa bouche l’ordre qu’elle me donnait de travailler de toutes mes forces à l’établissement de cette religion et d’encourager dans mes sermons les catholiques fidèles à venir en aide à une œuvre de charité si parfaite. C’est pour remercier Dieu et la très sainte Vierge que j’étais venu si matin à la cathédrale."
Le roi Jacques Ier d’Aragon entra alors dans la cathédrale et leur dit :
" La glorieuse Reine des anges m’est apparue cette nuit, avec une beauté et une majesté incomparables, m’ordonnant d’instituer, pour la rédemption des captifs, un Ordre qui porterait le nom de Sainte-Marie de la Merci ou de la Miséricorde ; et, comme je connais en toi, Pierre Nolasque, un grand désir de racheter les esclaves, c’est toi que je charge de l’exécution de cette œuvre. Pour toi, Raymond, dont je sais la vertu et la science, tu seras le soutien de l’Ordre par tes prédications."
Le 10 août donc de l'an du Seigneur 1218, le roi Jacques Ier exécuta le dessein précédemment mûri par ces saints personnages ; par un quatrième vœu, les nouveaux religieux s'obligeaient à rester en gage sous puissance des païens, s'il était nécessaire pour la délivrance des chrétiens. Le roi leur accorda de porter sur la poitrine ses propres armes ; il prit soin d'obtenir de Grégoire IX la confirmation d'un institut religieux que recommandait une charité si éminente envers le prochain.
Mais lui aussi Dieu même, par la Vierge Mère, donna tels accroissements à l'œuvre, qu'elle fut bientôt heureusement connue dans le monde entier ; elle compta nombre de sujets remarquables en sainteté, piété, charité, recueillant les aumônes des fidèles du Christ et les employant au rachat du prochain, se livrant eux-mêmes plus d'une fois pour la délivrance d'un grand nombre. Il convenait que pour une telle institution, pour tant de bienfaits, de dignes actions de grâces fussent rendues à Dieu et à la Vierge Mère ; et c'est pourquoi le Siège apostolique, après mille autres privilèges dont il avait comblé cet Ordre, accorda la célébration de cette fête particulière et de son Office.

Statue du roi Jacques Ier d'Aragon. Madrid.
Septembre se termine avec la lecture du livre de Judith et de celui d'Esther en l'Office du Temps. Libératrices glorieuses, qui figurèrent Marie dont la naissance illumine ce mois d'un éclat si pur, dont, sans plus tarder, le secours est acquis au monde.
" Adonaï, Seigneur, Vous êtes grand ; nous Vous admirons, Dieu qui remettez le salut aux mains de la femme " (Ant. ad Magnificat in Iis Vesp. Dom. IV septembr.) : ainsi l'Eglise ou re l'histoire de l'héroïne qui sauva Béthulie par le glaive, tandis que, pour arracher son peuple à la mort, la nièce de Mardochée n'employa qu'attraits et prières. Douceur de l'une, vaillance de l'autre, beauté des deux, la Reine que s'est choisie le Roi des rois éclipse tout dans sa perfection sans rivale ; or, la fête présente est un monument de la puissance qu'elle déploie pour délivrer, elle aussi, les siens.
Le Croissant ne grandissait plus. Refoulé sur la terre des Espagnes, contenu en Orient par le royaume latin de Jérusalem, on le vit, dans le cours du XIIe siècle, demander plus que jamais à la piraterie les esclaves que la conquête avait cessé de lui fournir. Moins inquiétée par les croisés d'alors, l'Afrique sarrasine courut la mer pour alimenter le marché musulman. L'âme frémit à la pensée des innombrables infortunés de toute condition, de tout sexe, de tout âge, enlevés sur les côtes des pays chrétiens ou capturés sur les flots, et subitement distribués entre le harem ou le bagne.
.Il y eut là pourtant, sous l'affreux secret de geôles sans histoire, d'admirables héroïsmes où Dieu ne fut pas moins honoré que dans les luttes des anciens martyrs remplissant à bon droit le monde de leur renommée ; sous l'œil surpris des Anges, après douze siècles, il y eut là pour Marie l'occasion d'ouvrir, dans le domaine de la charité, des horizons nouveaux où les chrétiens restés libres, se dévouant à sauver leurs frères, feraient preuve eux-mêmes d'héroïsmes encore inconnus. Et n'est-ce point là, amplement justifiée, la raison qui permet le mal passager de cette terre ? sans lui, le ciel, qui doit durer toujours, eût été moins beau à jamais.
Lorsque, en 1696, Innocent XII étendit la fête de ce jour à l'Eglise entière, il ne fit qu'offrir à la reconnaissance du monde le moyen de s'exprimer dans un témoignage aussi universel que l'était le bienfait.
A la différence de l'Ordre de la Très Sainte Trinité qui l'avait précédé de vingt ans, celui de la Merci, fondé pour ainsi dire en plein champ de bataille contre les Maures, compta plus de chevaliers que de clercs à son origine. On le nomma l'Ordre royal, militaire et religieux de Notre-Dame de la Merci pour la rédemption des captifs. Ses clercs vaquaient plus spécialement à l'accomplissement de l'Office du chœur dans les commanderies ; les chevaliers surveillaient les côtes, et s'acquittaient de la mission périlleuse du rachat des prisonniers chrétiens. Saint Pierre Nolasque fut le premier Commandeur ou grand Maître de l'Ordre ; on le retrouva, lors de l'invention de ses précieux restes, armé encore de la cuirasse et de l'épée.
En ce monde qui tressaille au souvenir récemment renouvelé de votre bénie naissance, votre sourire a suffi toujours pour dissiper les nuages, pour sécher les pleurs. Que de douleurs encore cependant sur cette terre où, dans les jours de votre mortalité, vous-même voulûtes goûter à si longs traits au calice des souffrances ! Douleurs sanctifiantes pour quelques-uns, douleurs fécondes ; hélas ! aussi, douleurs stériles et pernicieuses d'infortunés qu'aigrit l'injustice sociale, pour qui l'asservissement de l'usine, l'exploitation aux mille formes du faible par le fort, apparaît bientôt pire que n'eût été l'esclavage d'Alger ou de Tunis.
Vous seule, Ô Marie, pouvez dénouer ces inextricables liens dont l'ironie du prince du monde enserre une société qu'il a dévoyée au nom des grands mots d'égalité et de liberté. Daignez intervenir ; montrez que vous êtes Reine. La terre entière, l'humanité vous dit comme Mardochée à celle qu'il avait nourrie : Parler au Roi pour nous, et délivrez-nous de la mort (Ibid. XV, 1-3.).
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24 septembre. Saint Gérard Sagredo, évêque de Chonad en Hongrie, martyr. 1047.
- Saint Gérard Sagredo, saint Gellert pour les Hongrois, évêque de Chonad (Csanád) en Hongrie, martyr. 1047.
Pape : Clément II. Roi de Hongrie : André Ier.
" Ô frères biens-aimés, qui pourra chanter dignement les louanges de la Vierge Marie ?"
Saint Gérard Sagredo.
Saint Gérard Sagredo. Gravure italienne. XVIIIe.
La grâce de Dieu prévint avec tant d'abondance saint Gérard, né de parents vénitiens, qu'il commença dès son enfance à aimer tendrement Notre-Seigneur Jésus-Christ et à pratiquer les maximes de l'Evangile : encore tout jeune, il prit te saint habit de religion ; et, renonçant aux inclinations du vieil Adam, se revêtit de celles du nouveau. Pendant qu'il pratiquait exactement tous les exercices de la vie monastique il lui vint à la pensée de visiter le sépulcre du Sauveur, à Jérusalem, afin d'imiter, dans son pèlerinage, la mortification du fils de Dieu, qui a méprisé toutes les richesses et s'est fait. pauvre pour notre amour. Il quitta donc son pays et sa parenté, et prit le chemin de l'Orient mais en passant par la Hongrie, il plut tellement au roi saint Etienne (997-1038), pour la pureté de ses mœurs et l'excellence de sa doctrine, que ce prince l'obligea de s'arrêter dans ses Etats pour y être la bonne odeur de Jésus-Christ, et même, de crainte qu'il ne lui échappât, il lui donna quelque temps des gardes.
Gérard, se voyant forcé d'y faire sa demeure, se retira dans un lieu appelé le Béel (diocèse de Vesprin), où it se bâtit un petit ermitage pour y vivre séparé du commerce des créatures. Il y passa sept ans dans le jeûne et les oraisons, sans autre compagnie que celle d'un religieux nommé Maur.
Le monastère bénédictin de Saint-Georges-Majeur
où saint Gérard Sagredo fut moine. Venise. Vénétie.
Pendant ce temps, saint Etienne triompha de l'impiété de ces peuples, encore idolâtres ; il adoucit leurs mœurs cruelles et barbares, et prépara les cœurs de la plupart à recevoir la religion chrétienne. Quand il se vit en paix, il fit sortir Gérard de sa solitude et le plaça malgré lui sur le siège épiscopal de la ville de Chonad ou Chzonad, a huit lieues de Temeswar, afin qu'il formât les nouveaux fidèles, selon les règles de l'Evangile. Notre Saint s'acquit une si grande réputation par ses prédications et par sa belle conduite, que les Pannoniens lui portaient un amour extraordinaire et le regardaient comme un nouvel Abraham, qui était devenu leur père dans la foi.
A mesure que les idolâtres se convertissaient il faisait bâtir des églises dans les villes et tes bourgs. La principale fut celle qu'il dédia en l'honneur de saint Georges ; il y dressa un autel sous le vocable de la Mère de Dieu et voulut qu'on y brûlât jour et nuit de l'encens ; pour entretenir cette pieuse cérémonie, il établit deux vieillards qui devaient incessamment y veiller. Tous les samedis de l'année il faisait célébrer un office à neuf leçons, contenant les éloges magnifiques de cette Reine des anges ; et cela avec autant de solennité que le jour de son Assomption dans le ciel.
Les autres jours, après l'office du matin et du soir, il venait avec ses clercs faire sa prière dans cette sainte chapelle. Il avait une dévotion si tendre envers cette auguste Vierge, qu'il ne pouvait rien refuser de tout ce qu'on lui demandait en son nom ; il fondait en larmes lorsqu'il entendait parler d'elle, et il appelait ses " chers enfants " ceux qui l'asssuraient qu'ils croyaient sincèrement qu'elle était la Mère de Dieu. Il la fit appeler par tout le royaume Notre-Dame, afin que tous se regardassent comme ses sujets. Dans le même sens, saint Etienne appelait son royaume la " Famille de Marie ".
Statue de saint Etienne Ier de Hongrie. Esztergom. Hongrie.
Notre Saint avait une adresse merveilleuse pour se mortifier on l'a vu aller la nuit dans la forêt y faire des fagots pour les rapporter ensuite sur ses épaules. Il prévenait souvent le travail de ses domestiques et faisait lui-même leur ouvrage, il portait ordinairement le cilice et des habits faits de poils de chèvre ; il embrassait tendrement les lépreux et les laissait quelquefois coucher dans son lit ; quand il faisait un voyage, il n'allait point à cheval, mais dans un chariot, afin de pouvoir lire et étudier durant le chemin. Un jour, un de ses serviteurs ayant fait une faute notable, il se laissa emporter de colère contre lui, comme il arrive quelquefois aux plus grands serviteurs de Dieu, et le condamna à être fouetté et attaché quelque temps à un pieu. Ses gens, qui connaissaient sa clémence et sa douceur, firent semblant de lui obéir, et, ayant mis du sang d'un animal sur le dos, les épaules et les bras de ce pauvre criminel, ils l'attachèrent en cet état à un endroit par où ils savaient que leur maître devait passer. Ce pitoyable objet toucha si sensiblement le saint pasteur, qu'il descendit de son chariot, accourut vers le patient, et lui baisant tantôt les bras, tantôt les mains, tantôt les pieds ou les liens, le conjura de lui pardonner la sévérité qu'il avait exercée envers lui ; enfin, il le fit délier et ne lui témoigna plus que de l'amour et de la tendresse. C'était là être changé, selon l'esprit de l'Evangile, en la nature des enfants, qui n'ont point de ressentiment et oublient en peu de temps les injures qu'on leur a faites.
Sa dignité et ses fonctions pastorales ne l'empêchaient point de mener une vie presque solitaire. Il se fit bâtir, dans les bois, près des villes où il allait prêcher, de petites cellules, où il se retirait pour se remplir des lumières célestes avant que d'en faire la distribution à son peuple. Il y passait les nuits en oraison et y pratiquait des austérités qui ne sont connues que de Dieu seul. Il avait une joie extraordinaire lorsqu'il voyait des personnes servir Dieu avec allégresse un jour, ayant trouvé dans son hôtellerie une servante qui chantait en tournant avec force un moulin, il s'écria qu'elle était bienheureuse et lui fit donner une grosse somme d'argent.
Légende de saint Gérard Sagredo. Saint Gérard et saint
Etienne de Hongrie. Saint Gérard dans son ermitage.
Saint Gérard sacré évêque. Saint Gérard prêchant.
Manuscrit angevin. Hongrie. XIIIe.
Après la mort de saint Etienne (1038), qui avait confié l'éducation et l'instruction de son fils saint Emeric (Imre pour les Hongrois), à saint Gérard depuis l'âge de 14 ans jusqu'à l'âge de 23 ans, saint Gérard eut de grandes traverses à supporter. Les Hongrois prirent pour roi Pierre le Germanique, neveu de ce saint monarque mais au bout de quelques années, ne pouvant plus endurer sa cruauté et les excès de sa vie déréglée, ils le déposèrent et le chassèrent du royaume (1041).
Ils mirent ensuite à sa place un seigneur appelé Samuel, et surnommé Aba, qui n'était pas meilleur que lui. Le clergé et le peuple consentirent à son élection mais notre Saint, sachant combien elle était de dangereuse conséquence, s'y opposa et refusa absolument de lui mettre la couronne sur la tête. Il n'appréhenda point sa puissance et ne redouta point sa cruauté ; mais il soutint énergiquement que, le roi étant vivant, il ne devait point monter sur son trône. Son zèle le porta même à le reprendre en public de ses injustices, et surtout de ce qu'abusant de son autorité, il avait déjà fait empaler plusieurs officiers de son conseil. Enfin, il lui prédit que son règne ne serait pas de longue durée, et qu'après deux ans il en irait rendre compte au juste jugement de Dieu Sa prédiction fut véridique ; car Samuel étant devenu plus insolent et plus insupportable que son prédécesseur, les Hongrois se révoltèrent contre lui et le firent honteusement mourir par la main d'un bourreau (1044).
Saint Gérard Sagredo instruisant saint Emeric, fils du
roi saint Etienne de Hongrie. Szekesfehervar. Hongrie.
Par ce moyen, Pierre, qui avait été chassé, fut rétabli dans ses Etats et reprit en main les rênes du gouvernement mais ce ne fut pas pour longtemps. Deux ans après, ses nouveaux crimes le firent rejeter une seconde foi, et André Ier, fils de Ladislas le Chauve, cousin-germain de saint Eiienne, fut élu roi (1046), à condition qu'il rétablirait l'idolâtrie, abolirait la religion chrétienne, en exterminerait les prêtres et les évêques, en démolirait les ég!ises et ruinerait tout ce que saint Etienne avait si sagement établi. Ce prince, lâche et ambitieux, qui préférait un royaume aux devoirs de sa conscience, accéda à toutes les exigences de ses sujets, nourrissant néanmoins le dessein de rétablir toutes choses lorsqu'il serait en paisible possession de ses Etats.
Gérard, apprenant ce que le roi avait fait, crut qu'il était de son devoir de lui remontrer sa faute et de lui faire rétracter ce qu'il avait accordé si lâchement. Il se mit donc en route pour l'aller trouver à l'Albe Royale (aujourd'hui Stuhlweissembourg), avec trois autres évêques transportés du même zèle que lui. Chemin faisant, il eut une vision où il croyait voir Notre-Seigneur qui lui présentait le calice de son sang, à lui et à deux des évêques qui l'accompagnaient. Il reconnut par là que l'honneur du martyr leur était préparé. Après avoir dit tous ensemble la messe au bourg de Gyod, dans l'église de Sainte-Sabine, martyre, ils continuèrent leur voyage et arrivèrent au bord du Danube, où le duc Vatha, le plus méchant apostat et le plus grand ennemi de Jésus-Christ qui fût dans toute la Hongrie, les ayant rencontrés, commanda à ses gens de les assommer à coups de pierres.
Légende de saint Gérard Sagredo. Les païens en révolte offrant
la palme du martyre à la suite de saint Gérard, composée de
deux autres évêques, saint Bezterd de Neitra et saint Buld
d'Erlau, et de nombreux prêtres. Martyre de saint Gérard,
précipité du haut de la colline qui porte aujourd'hui son nom.
Procession du corps de saint Gérard vers son diocèse de Chonad.
Inhumation de saint Gérard. Manuscrit angevin. Hongrie. XIIIe.
Saint Gérard fit le signe de la croix sur ces pierres, et à l'heure même elle demeurèrent suspendues en l'air ; mais ce miracle, ne touchant nullement le despote, il fit tirer le Saint de son chariot, et après qu'on l'eu traîné avec beaucoup d'indignité sur la pointe du rocher qui donnait sur le Danube, il le fit précipiter du haut en bas. Ce coup était sufSsant pour le faire mourir ; mais ces apostats, voyant qu'il avait encore quelque souffle de vie qu'il employait, à l'exemple de Jésus-Christ et de saint Etienne, à prier pour ses meurtriers, l'achevèrent à coups de javeline (24 septembre 1047). Bezterd de Neitra et Buld d'Erlau, deux des évêques qui l'accompagnaient et un grand nombre d'ecclésiastiques et de laïques furent martyrisés avec lui.
Les gouttes de son sang demeurèrent sept ans imprimées sur le caillou où il s'était bnsé la tête en tombant, sans que ni les pluies du ciel, ni les inondations de la rivière en pussent eitacer la trace. C'était comme une marque permanente de l'injustice et de la cruauté des idolâtres, et une invocation muette de la vengeance de Dieu contre les auteurs du meurtre.
Statue monumentale de saint Gérard Sagredo bénissant Budapest et
la Hongrie. Mont Saint-Gérard (saint Gellert). Budapest. Hongrie.
CULTE ET RELIQUES
Le roi, qui n'y avait pas consenti en particulier, et qui ; depuis, promulgua de nombreux édits pour le rétablissement du Christianisme dans toutes ses terres, fit lever le corps du Saint et ordonna qu'il fût enterré dans l'église de Saint-Georges et dans la chapelle de la Sainte-Vierge, que lui-même avait fait bâtir. Cette chapelle se trouvait près du lieu où le Saint avait rendu le dernier soupir. On y transposa aussi la pierre arrosée et teinte de son sang, que l'on fit entrer dans la structure de l'autel pour mémoire éternelle de son martyre. Plus lard ses reliques furent transférées dans la cathédrale de de Chonad. 5ous le règne de saint Ladislas, elles furent renfermées dans une châsse. Les Vénitiens les ayant obtenues du roi de Hongrie, après bien des sollicitations, les firent transporter solennellement dans leur ville et les déposèrent dans l'église de Notre-Dame de Murano.
Reliquaire de saint Gérard Sagredo. Trésor de
la basilique Saint-Etienne. Estergom. Hongrie.
On le représente :
1. avec l'encensoir à la main devant un autel de la très-sainte Vierge ; c'est pour rappeler, comme nous l'avons insinué plus haut, qu'il fonda devant l'autel de Notre-Dame, dans l'église dédiée a saint Georges, un encensoir d'argent confié aux soins de deux vieillards chargé de veiller à ce que l'encens y brûlât toujours ;
2. en compagnie de saint Etienne de Hongrie, dont il fut le coopérateur pour la conversion des Magyars ;
3. portant une image de la sainte Vierge, on devine pourquoi ;
4. percé d'une lance ;
5. instruisant saint Emeric (Imre pour les Hongrois), le fils de saint Etienne de Hongrie, assassiné à 25 ans avant de pouvoir monter sur le trône, et canonisé pour sa vie particulièrement pieuse et chrétienne par le pape saint Grégoire VII en 1084.
Basilique primatiale Saint-Etienne. Esztergom. Hongrie.
Saint Gérard, saint Gellert pour les Honrois, jouit encore d'une très grande popularité chez les Hongrois. Sur la colline qui porte son saint nom et qui domine Budapest, un magnifique mémorial veille toujours sur la ville et par là sur le pays, orné d'une statue monumentale de notre Saint bénissant la Hongrie. On ne compte pas les statues et autres lieux de dévotion à saint Gellert (Estergom, Shekesvehervar, Temeswar, etc.) dans ce pays qui fut appelé par saint Etienne, rappelons-le, la " Famille de Marie ".
La vie de saint Gérard Sagrado a été écrite par un auteur de son temps ; elle est rapportée par Surius. Bonfinius parle aussi de lui au livre II de la seconde décade de son Histoire de Hongrie. Baronius en fait mention dans ses Annales, où il dit qu'on l'appelle le Premier Martyr de Hongrie, depuis que saint Etienne, roi, l'avait rendue chrétienne.
Saint Gérard Sagredo prêchant. Statue. Hongrie.
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mardi, 23 septembre 2025
23 septembre. Saint Libère, pape, fondateur de l'église Sainte-Marie-des-Neiges (basilique Sainte-Marie-Majeure). 366.
- Saint Libère, pape, fondateur de l'église Sainte-Marie-des-Neiges (aujourd'hui basilique Sainte-Marie-Majeure) de Rome. 366.
Papes : Saint Jules Ier (prédécesseur) ; saint Damase Ier (successeur). Empereur romain d'Orient : Valens. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier.
" Soyez ferme comme l'enclume que l'on frappe : un grand athlète doit recevoir les coups et vaincre."
Saint Ignace d'Antioche. Epist. XI ad Polycarp.
Saint Libère. Détail.
Giovanni Battista Cima da Conegliano. XVIe.
Le pontificat de saint Libère, successeur de saint Jules Ier (du 22 mai 353 au 24 septembre 366), fut l'un des plus tourmentés que présentent les annales de l'Eglise. Deux grandes persécutions vinrent successivement l'agiter l'une, suscitée par les Ariens, qui conduisit saint Libère en exil et laissa un moment incertaine la foi du Siége apostolique ; l'autre, suscitée par Julien l'Apostat, persécution astucieuse et savante, qui aurait fait de tristes ravages, si Dieu n'avait abrégé l'épreuve en interrompant bientôt le règne du persécuteur. Il ne devait manquer aucun genre de lutte à la gloire de l'Eglise et du souverain Pontificat.
Libère était Romain il avait été ordonné diacre par le pape saint Sylvestre, et s'était fait remarquer par ses vertus et par son humilité dans les fonctions de son ordre. Lorsqu'il fut élu Pape, il résista longtemps avant d'accepter la redoutable charge mais il était réservé, hélas à en porter tout le poids. Constance II, deuxième fils de Constantin, et seul maître de l'empire, allait faire triompher l'arianisme avec lui. Dès la première année du pontificat de Libère, ce prince, prévenu contre Athanase, demanda sa condamnation. Le Pape assembla à Rome un concile qui reconnut l'innocence d'Athanase, et Libère écrivit dans ce sens à l'empereur. Constance entra en fureur ; le Pape lui délégua Vincent de Capoue, qui se rendit à Arles, où il eut la faiblesse de souscrire à la condamnation du saint patriarche.
La chute de Vincent afiligea profondément le Pape :
" J'espérais beaucoup de son intervention, écrit-il à Osius de Cordoue, il était personnellement connu de l'empereur, à qui il avait précédemment porté les actes du concile de Sardique, et non seulement il n'a rien obtenu, mais il s'est laissé entraîner à une déplorable faiblesse. J'en suis doublement affligé, et je demande à Dieu de mourir, plutôt que de me prêter au triomphe de l'injustice."
Il désavoua hautement le légat prévaricateur, et supplia l'empereur de consentir à la réunion d'un concile général.
Saint Athanase le Grand exilé en Prison. Un messager de saint
Athanase apporte la défense de celui-ci au pape saint Jules Ier.
Livre des merveilles. Jean Mandeville. Maître de la Mazarine. XVe.
Le concile s'assembla à Milan, mais des scènes tumultueuses et la conduite de Constance lui enlevèrent toute liberté. Lucifer de Cagliari, légat du Pape, montra une grande fermeté :
" Quand même Constance, dit-il, armerait contre nous tous ses soldats, il ne nous forcera jamais à renier la foi de Nicée et à signer les blasphèmes d'Arius.
- C'est moi, lui dit Constance, qui suis personnellement l'accusateur d'Athanase croyez donc à la vérité de mes assertions.
- Il ne s'agit pas ici, répondit Lucifer avec les évêques catholiques, d'une affaire temporelle, où l'autorité
de l'empereur serait décisive, mais d'un jugement ecclésiastique, où l'on doit agir avec une impartialité égale envers l'accusateur et l'accusé. Athanase est absent il ne peut être condamné sans avoir été entendu. La règle
de l'Eglise s'y oppose.
- Mais ce que je veux, dit Constance, doit servir de règle. Les éveques de Syrie le reconnaissent. Obéissez, ou vous serez exilés."
Les trois légats du Pape, Lucifer de Cagliari, saint Eusèbe de Verceil et saint Hilaire furent en effet exilés. Hilaire, dont la fermeté avait déplu davantage, fut même fouetté sur la place publique avant de partir pour le lieu de son exil. La persécution s'étendit à tout l'empire ; saint Athanase se réfugia au désert ; les femmes et les vierges chrétiennes d'Alexandrie furent indignement outragées ; quarante-six évêques d'Egypte furent bannis de leurs sièges on déclara criminels de lèse-majesté tous les défenseurs du consubstantiel, et un grand nombre de catholiques fidèles obtinrent la gloire du martyre (356).
Le pape Libère écrivit aux évêques exilés une lettre pleine de tendresse et de charité :
" Quelles louanges puis-je vous donner, partagé que je suis entre la douleur de votre absence et la joie de votre gloire ? La meilleure consolation que je puisse vous offrir, c'est que vous veuillez me croire exilé avec vous. J'aurais souhaité, mes bien-aimés frères, être le premier immolé pour vous tous, et vous donner l'exemple de la gloire que vous avez acquise ; mais cette prérogative a été la récompense de vos mérites."
Saint Hilaire, saint Eusèbe de Verceil, Lucifer de Cagliari combattant
les hérétiques ariens. Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.
La tempête que Libère déplorait vint l'atteindre à son tour. On lui demanda directement la condamnation d'Athanase il refusa alors on le conduisit à Milan, où se trouvait Constance, et l'empereur essaya lui-même de faire uéehir le courage du saint Pontife. Le récit de cette entrevue forme l'une des plus belles pages de l'histoire des Papes ; nous l'empruntons à Théodoret, évêque de Tyr, qui vivait au commencement du siècle suivant.
L'empereur : Comme vous êtes chrétien et évêque de notre ville, nous avons jugé à propos de vous faire venir pour vous exhorter à renoncer à cette maudite extravagance, à la communion de l'impie Athanase. Toute la terre l'ajugé ainsi, et il a été retranché de la communion de l'Eglise parle jugement du concile de Milan.
Saint Libère : Seigneur, les jugements ecclésiastiques se doivent faire avec une grande justice. Ordonnez donc que l'on établisse un tribunal, et si Athanase est trouvé coupable, sa sentence sera prononcée selon la procédure ecclésiastique car nous ne pouvons condamner un homme que nous n'avons pas jugé.
L'empereur : Toute la terre a condamné son impie Lé il ne chercha qu'a gagner du temps, comme il l'a toujours fait.
Saint Libère : Tous ceux qui ont souscrit à sa condamnation n'ont point vu de leurs yeux tout ce qui s'est passé ils ont été touchés du désir de la gloire que-vous leur promettiez, ou de la crainte de l'infamie dont vous les menaciez.
L'empereur : Que voulez-vous dire par la gloire, la crainte et l'infamie ?
Saint Libère : Tous ceux qui n'aiment pas la gloire de Dieu, préférant vos bienfaits, ont condamné sans le juger celui qu'ils n'ont point vu ; cela ne convient pas à des chrétiens.
L'empereur : Il a été jugé au concile de Tyr, où il était présent, et dans ce concile tous les évÊques l'ont condamné.
Saint Libère : Jamais il n'a été jugé en sa présence à Tyr, on l'a condamné sans raison, après qu'il se fut retiré.
L'empereur : Pour combien donc vous comptez-vous dans le monde, de vous élever seul avec un impie pour troubler l'univers ?
Saint Libère : Quand je serais seul, la cause de la foi ne succomberait pas pour cela.
L'empereur : Ce qui a été une fois réglé ne peut être renversé le jugement de la plupart des évoques doit l'emporter, vous êtes le seul qui vous attachiez à l'amitié de cet impie.
Saint Libère : Seigneur, nous n'avons jamais entendu dire qu'un accusé n'étant pas présent, un juge le traitât d'impie comme étant son ennemi particulier.
L'empereur : Il a offensé généralement tout le monde, et moi plus que personne. Je m'applaudis plus d'avoir éloigné ce scélérat des affaires de l'Eglise que d'avoir vaincu Maxence.
Saint Libère : Seigneur, ne vous servez pas des évoques pour vous venger de vos ennemis ; les mains des ecclésiastiques doivent être occupées à sanctifier.
L'empereur : Il n'est question que d'une chose je veux vous envoyer à Rome quand vous aurez embrassé la communion des Eglises. Cédez au bien de la paix, souscrivez, et retournez à Rome.
Saint Libère : J'ai déjà pris congé des frères de Rome, car les liens de l'Eglise sont préférables au séjour de Rome.
L'empereur : Vous avez trois jours pour délibérer si vous voulez souscrire ou retourner à Rome ; or, voyez en quel lieu vous voulez être mené.
Saint Libère : L'espace de trois jours ou de trois mois ne change point ma résolution ; envoyez-moi donc où il vous plaira."
Saint Libère. Giuseppe Franchi. Milan. XVIe.
Deux jours après, Constance envoya chercher Libère, et, comme il n'avait pas changé de sentiment, il le fit reléguera Bérée, en Thrace. Quand Libère fut sorti, l'empereur lui fit offrir cinq cents sous d'or pour sa dépense : " Allez, dit saint Libère à celui qui les apportait, rendez-les à l'empereur, il en a besoin pour ses soldats." L'impératrice lui en envoya autant : " Rendez-les à l'empereur, dit encore Libère, il en a besoin pour la dépense de ses armées." L'eunuque Eusèbe voulut à son tour lui faire accepter de l'argent. Le saint Pontife refusa en disant : " Tu as rendu désertes les Eglise du monde, et tu m'offres une aumône comme à un criminel ; va, commence par te faire chrétien." Et, sans avoir rien accepté, il partit trois jours après pour son exil.
L'hérésie triomphait. Aussitôt que Libère eut quitté l'Italie, l'empereur flt sacrer un anti-pape, Félix, archidiacre de l'Eglise romaine. Le peuple romain ne voulut pas communiquer avec ce Pape, à qui l'on doit rendre du reste cette justice que, tout en favorisant le parti des Ariens, il n'abandonna pas la foi de Nicée et fut irrépréhensible dans sa conduite (355). Aussi plusieurs écrivains ecclésiastiques, parmi lesquels on compte Bellarmin et Roncaglia, ne le considèrent-ils pas comme anti-pape. D'après eux, saint Libère ne voulant pas que Rome restât sans pasteur pendant son exil, avait provisoirement abdiqué et conseillé l'élection de Félix, qui, à son retour, aurait volontairement renoncé a u souverain pontificat. Lorsque Grégoire XIII fit faire, en 1582, une nouvelle édition du martyrologe romain, le nom de saint Félix II fut conservé par son ordre après celui de saint Libère. L'épreuve dura plus d'un an. Constance finit par céder à l'opinion publique. Libère revint à Rome, en 359, et Félix se retira dans une autre ville.
Le retour de saint Libère à Rome ne mit pas fin aux douleurs de l'Eglise les Ariens continuèrent leurs intrigues des évêques catholiques donnèrent de tristes exemples de faiblesse Constance fit assembler conciles sur conciles pour imposer l'erreur, mais Libère se conduisit avec tant de prudence et de fermeté, que l'erreur ne put jamais triompher que partiellement. Constance avait été persécuteur il était peu probable qu'il mourût au milieu des prospérités. Il était en effet occupé dans une guerre contre les Perses, lorsqu'il apprit que les légions des Gaules s'étaient révoltées, et avaient proclamé empereur, à Lutèce, le César Julien, neveu de Constantin. Constance, furieux, se mit en marche pour punir le rebelle, dont il avait été le bienfaiteur, et à qui il avait donné sa propre sœur en mariage ; mais il mourut en route, à Mopsucrène, en Cilicie, après avoir reçu le baptême d'un évêque arien, et Julien resta seul maître de l'empire (361).
Saint Libère. Frise. Basilique Saint-Pierre. Rome.
A la persécution sanglante et à l'hérésie succéda une persécution plus raffinée, plus savante et mille fois plus dangereuse celle de Julien l'Apostat. Mais devant le roc inébranlable de l'Eglise, elle resta impuissante comme les autres saint Libère put assister à l'horrible agonie de l'Apostat (26 juin 363) et contempler, au milieu des ruines accumulées de toutes parts, le triomphe du Christianisme et, quoique les dernières années de son Pontificat aient encore été troublées par les intrigues des Ariens et par celles des Macédoniens, partisans de l'intrus Macédonius, qui, développant l'hérésie arienne, avait fini par nier la divinité du Saint-Esprit, il eut la consolation de voir enfin la paix rendue à l'Eglise, les év6qucs orthodoxes rétablis sur leurs sièges, et la puissance politique disposée à soutenir la vraie foi.
C'est au milieu de ces lueurs d'espérance que saint Libère rendit à Dieu son âme héroïque, le 8 des calendes d'octobre (24 septembre 366). Il avait occupé le siège pontifical, dans une première période, du 22 mai 332, au 10 mars 358 ; et, dans une seconde, au retour de son exil, de 359 à 366.
Rome doit à ce Pontife, entre autres monuments, la basilique de Sainte-Marie-Majeure, ainsi appelée parce qu'elle tient le premier rang parmi les églises dédiées à la sainte Vierge. La nuit du 4 au 5 août 356, la sainte Vierge apparut en rêve à saint Libère, ainsi qu'à un riche romain nommé Jean. Elle demanda d'ériger un sanctuaire à un lieu déterminé. Au matin, constatant qu'il avait neigé en plein mois d'août, à l'endroit que la Vierge leur avait indiquée, le pape ordonna de construire la basilique Liberiana de Santa-Maria-ad-Nives (Sainte-Marie-des-Neige) sur la surface enneigée en haut de la colline Esquilin.
Basilique Sainte-Marie-Majeure. Fondée par saint Libère
sous la dédicace de Sainte-Marie-des-Neiges. Chevet. Rome.
NOTE CRITIQUE SUR LA PRETENDUE CHUTE DU PAPE SAINT LIBERE DANS L'HEHESIE ARIENNE.
Tout le monde connait le fameux mensonge historique qui se trouve même dans le Liber Pontificalis, et qui consiste à placer à l'époque du retour de Libère, de Bérée à Rome (359), un double acte de faiblesse de ce pape : la souscription à la condamnation de saint Athanase, et la souscription à une formule de foi arienne. Que faut-il penser de cette chute, qui a été admise par des auteurs graves, et qu'on appuie du témoignage de saint Jérôme, de saint Hilaire, de saint Athanase. et de Libère lui-même ? C'est ce que nous allons examiner.
Les témoignages que l'on cite de saint Athanase, de saint Jérôme, de saint Hilaire, de Libère lui-même, s'ils étaient authentiques, perdent toute leur force devant une saine critique historique. Saint Athanase parle de la chute de Libère dans son Apologie contre les ariens et dans son Histoire des Ariens. Or, l'Apologie a été écrite au plus tard en 350, c'est-à-dire deux ans avant que Libère fût pape il est donc évident qu'il y a eu une interpolation postérieure, et faite par une main malhabile, car cette addition rend l'Apologie inepte et ridicule.
L'Histoire des Ariens a été également écrite avant l'époque où l'on place la chute de Libère, c'est-à-dire en 357 ou 358, et le passage où l'on en parle ne peut être qu'une addition faite après coup. Les Ariens ont fait pour Libère ce que les Donatistes firent pour le pape saint Marcellin. On voit d'ailleurs poindre, cinquante ans seulement après, les commencements de la calomnie. Rufin, prêtre d'Aquilée, qui avait pu connaître Libère dans sa jeunesse, et qui avait certainement connu Fortunatien, l'auteur prétendu de la prétendue chute de Libère, écrit, un demi-siècle après cet événement :
" Libère, évêque de Rome, était rentré du vivant de Constance, mais je ne sais au juste si l'empereur le lui accorda, ou parce qu'il avait consenti à souscrire, ou pour faire plaisir au peuple romain, qui l'en avait prié avant son départ."
Ainsi Rufin connaît le bruit répandu sur la mémoire de Libère, et il reste dans le doute, lui qui avait été à même de connaitre le fait de la bouche même de Fortunatien !
Ce doute serait-il possible si Libère avait réellement souscrit une formule arienne ?
Saint Libère bénissant son légat saint Eusèbe de Verceil.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Le témoignage de saint Athanase contre Libère n'existe donc pas. Celui de saint Hilaire n'existe pas davantage, car les passages que l'on cite n'ont aucune authenticité, pas plus que les lettres de Libère qui se trouvent dans les Fragments attribués à saint Hilaire, et il est reconnu que ces Fragments ont été l'objet d'audacieuses et nombreuses falsifications. Saint Jérôme a écrit ces mots dans sa Chronique : " Libère, vaincu par les ennuis de l'exil, souscrivit à l'hérésie, et entra dans Rome en triomphateur ". Ce témoignage, qui paraît avoir une grande force, n'en a plus aucune, lorsque l'on considère que la Chronique a été écrite plus de trente ans après l'exil de Libère, et en Orient, où l'on répandait sur ce Pape les bruits les plus calons Il est prouvé de plus que la Chronique a été extraordinairement altérée dans son texte enfin, dit le docteur Thomas Ménochius " il n'y a pas de trace de la chute de Libère dans le manuscrit des Chroniques de saint Jérôme, que l'on conserve au Vatican, et qui fut donne au Pape par la reine de Suède ; manuscrit qu'Holsténius soutient être d'une très-grande antiquité, et que les savants croient avoir été écrit au VIe ou au VIIe siècle ". Il s'agit donc encore ici d'une addition faite après coup. Un autre passage tiré des Écrivains ecclésiastiques de saint Jérôme n'est pas plus authentique.
Rien de ce qui est à la charge de Libère ne subsiste, tandis que les témoignages à sa décharge sont nombreux et magnifiques. Ce sont d'abord tous les éveque. du monde catholique qui continuent de communiquer avec saint Libère après son retour comme auparavant ils lui envoient les actes des synodes qu'ils célèbrent et le consultent sur les difficultés majeures qu'ils rencontrent.
Puis, de tous côtés les plus grands saints, les hommes les mieux informés, rendent hommage à ses vertus et à son codage saint Sirice le regarde comme un de ses plus illustres prédécesseurs ; saint Basile l'appelle " très-bienheureux " ; saint Epiphane l'appelle " Pontife d'heureuse mémoire " ; Cassiodore dit : " le grand Libère, le très-saint évêque, qui surpasse tous les autres en mérite et se trouve en tout un des plus célèbres."
Théodoret le regarde comme un " illustre et victorieux athlète dela vérité " ; Sozomène, comme " un homme rare sous quelque rapport qu'on le considère " ; saint Ambroise dit de lui qu'il fut " un Saint et très-saint évêque " :
" Il est temps, dit-il à sa soeur Marceline, de vous rappeler les instructions de Libère, ce Pontife de sainte mémoire, les paroles d'un orateur plaisant d'autant plus que ses vertus sont plus grandes."
Saint Hilaire de Poitiers, saint Eusèbe de Verceil et Lucifer
de Cagliari, légats du pape au concile de Milan,combattant les
hérétiques au concile de Milan. Vies de Saints. XIVe.
Enfin, le Ménologe des Grecs, qui ne peut être suspect, annonce la fête de saint Libère en ces termes :
" 27 septembre, mémoire de notre saint Père Libère. Le bienheureux Libère, défenseur de la vérité, était évêque de Rome sous le règne de Constance ; le zèle dont il brùlait pour la foi orthodoxe lui fit prendre la defense du grand Athanase, persécuté par les hérétiques et expulsé de son siége d'Alexandrie, à cause de l'attachement qu'il professait pour la vérité. Tant que Constantin et Constant, les deux premiers fils de Constantin le Grand, vécurent, la foi orthodoxe triompha mais, après la mort de ces princes, Constance, le plus jeune, qui était arien, fut seul maitre de l'empire, et l'hérésie prévalut. Ce fut alors que Libère, qui combattait de toute sa force l'impiété des hérétiques, fut relégué à Bérée, ville de Thrace ; mais les Romains, dont il possédait l'amour et l'estime, lui restèrent fidèles et demandèrent son retour à l'empereur. Libère revint à Rome, où il mourut, après avoir sagement gouverné son troupeau."
Enfin, grâce à l'administrateur de la Bibliothèque Saint-Libère (http://www.liberius.net/blog/files/7bc0e750b9aca7fea59c57...), on lira avec intérêt cet extrait de l’encyclique Principi Apostolorum de Benoît XV, où le Pape mentionne avantageusement le grand saint Libère, pape, dénigré hélas, par ignorance, hélas, parfois pertinace, trois fois hélas par nombre de tenants du catholicisme qui se prétendent " traditionnels " :
" Et ces Pontifes, qui osera dire qu'ils aient failli, même sur un point, à la mission, qu'ils tenaient du Christ, de confirmer leurs frères ? Loin de là ; pour rester fidèles à ce devoir, les uns prennent sans faiblir le chemin de l'exil, tels les Libère, les Silvère, les Martin ; d'autres prennent courageusement en main la cause de la foi orthodoxe et de ses défenseurs qui en avaient appelé au Pape, et vengent la mémoire de ceux-ci même après leur mort. "
Saint Libère est ici en compagnie de saint Silvère, pape de 536 à 538, mort martyr en exil, et aussi de saint Martin Ier, pape de 649 à 655, mort également martyr en exil.
La totalité de cette encyclique du 5 octobre 1920 proclamant Docteur de l’Église saint Ephrem le Syrien, moine d'Édesse est disponible dans le tome III des Actes de Benoît XV, aux pages 7 à 29. En voici les premiers paragraphes :
" Le divin fondateur de l’Église a confié à Pierre, Prince des apôtres, étroitement uni à Dieu par l'infaillibilité de sa foi, « coryphée du chœur des apôtres », commun maître et chef de tous, la mission de paître le troupeau de Celui qui bâtit son Église sur l'autorité du magistère visible, perpétuel et immuable, de Pierre lui-même et de ses successeurs. C'est sur cette pierre mystique, fondement de tout l'édifice de l’Église, que devait reposer, comme sur son pivot et son centre, la communion de la foi catholique et de la charité chrétienne.
La primauté dont Pierre était investi comportait, en effet, la charge de répandre partout et de sauvegarder dans toutes les âmes le trésor de la charité comme celui de la foi ; au lendemain de l'ère apostolique, Ignace le Théophore l'affirmait en des termes remarquables. Dans l'admirable lettre que, en route, il écrivait à l'Eglise de Rome en vue d'annoncer son arrivée dans cette ville où l'attendait le martyre pour le Christ, il rendit un éclatant témoignage à la primauté que cette Eglise exerce sur toutes les autres ; il l'appelle « la Présidente de l'universelle Assemblée de la charité », faisant entendre par là non seulement que l'Eglise universelle est à nos yeux l'image de la charité divine, mais encore que saint Pierre, voulant allumer les mêmes flammes aux cœurs de tous les fidèles, a laissé au Siège de Rome, en même temps que sa primauté, l'héritage de son amour pour le Christ, affirmé par un triple témoignage.
Profondément convaincus que ce double caractère était le privilège de l'autorité pontificale, les anciens Pères, ceux-là surtout qui occupaient les sièges les plus célèbres d'Orient, chaque fois que les menaçaient les flots de l'hérésie ou des déchirements intérieurs, avaient accoutumé de recourir à ce Siège apostolique, comme à la seule source d'où pouvait leur venir le salut dans les crises les plus graves.
C'est ainsi que nous voyons Basile le Grand, Athanase, le vaillant défenseur de la foi de Nicée, Jean Chrysostome, ces messagers de Dieu, Pères de la foi orthodoxe, en appeler des conciles d'évêques au jugement suprême des Pontifes romains, conformément aux prescriptions des antiques canons de l'Eglise.
Et ces Pontifes, qui osera dire qu'ils aient failli, même sur un point, à la mission, qu'ils tenaient du Christ, de confirmer leur frères ? Loin de là : pour rester fidèles à ce devoir, les uns prennent sans faiblir le chemin de l'exil, tels les Libère, les Silvère, les Martin ; d'autres prennent courageusement en main la cause de la foi orthodoxe et de ses défenseurs qui en avaient appelé au Pape, et vengent la mémoire de ceux-ci même après leur mort. Nous en avons un exemple dans Innocent Ier, qui prescrivit aux évêques d'Orient de rétablir le nom de Chrysostome sur les diptyques liturgiques afin d'en faire mémoire en même temps que des Pères orthodoxes au cours du Saint Sacrifice. "
Après tous ces témoignages, on peut hardiment conclure que la chute de Libère est un mensonge historique des plus pervers. Si ce courageux a Pontife a signé une formule de foi autre que celle de Nicée, il n'a certainement signé qu'une formule de foi orthodoxe, exprimant la consubstantialité du Verbe, et tous les actes authentiques du saint Pape le montrent le défenseur intrépide et constant de la religion catholique.
Nous avons tiré la vie de ce saint pape, que nous tenons à réhabiliter dans l'opinion des fidèles, de l'Histoire générale de l’Église, par M. l'abbé Darras ; et de l'Histoire populaire des Papes par Chantrel, deux auteurs de la saine critique.
On verra aussi l'Histoire et Infaillibilité des Papes, par M. l'abbé Constant. La question de la chute de saint Libère y est étudiée sous toutes ses faces, et le résultat de cette étude est la justification complète du saint Pontife.
Saint Libère avec saint Jean-Baptiste et saint Lanfranc de Pavie.
Giovanni Battista Cima da Conegliano. XVIe.
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23 septembre. Saint Lin de Volterra, pape et martyr. 67.
- Saint Lin de Volterra, pape et martyr. 67.
Papes : Saint Pierre (prédécesseur) ; saint Clet (successeur). Empereur romain : Néron.
" Il y a beaucoup plus de mérite à supporter l'adversité qu'à faire des actes de vertus."
Thomas à Kempis.
Saint Lin bénissant des fidèles.
Bréviaire romain. XVe.
Une obscurité mystérieuse entoure la vie des premiers Vicaires de l'Homme-Dieu ; ainsi se dérobent aux yeux les premières assises d'un monument fait pour défier la durée. Porter l'Eglise éternelle est assez pour leur gloire ; assez pour justifier notre confiance, animer notre gratitude. Cette fête était réclamée par le cœur de l'Epouse : elle est le témoignage de sa vénération émue pour l'humble et doux Pontife qui, le premier, rejoignit Pierre aux cryptes Vaticanes.
Saint Lin était fils d'Herculanus, homme noble et fort considérable de la ville de Volterra (Volaterrae) en Toscane (province de Pise). S'étant converti à Rome, où saint Pierre prêchait l'Evangile, il quitta son père et renonça à tous ses biens pour pratiquer plus parfaitement la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Peu de temps après sa conversion, il donna de si grandes preuves de son zèle, de son érudition et de sa prudence, que le saint Apôtre l'employa à la prédication de la parole de Dieu et à l'administration des Sacrements.
Il fut d'abord envoyé dans les Gaules pour y porter le flambeau de la foi, et la ville de Besançon eut le bonheur de le recevoir et de l'avoir pour premier évêque. Onasius, qui en était le tribun, le logea chez lui, et, en récompense de cette hospitalité, Dieu lui fit la grâce de le convertir à la religion chrétienne par les exhortations de notre Saint, qui changea cette maison en une petite église consacrée en l'honneur de la résurrection du Sauveur, de la sainte Vierge et de saint Etienne, premier martyr.
Buste-reliquaire de saint Lin.
Eglise Saint-Lin. Volterra. Toscane. XVIIIe.
Le nombre des fidèles s'augmentait déjà de jour en jour par la conversion de plusieurs idolâtres, qui sortaient des ténèbres de leurs erreurs pour entrer dans les clartés admirables de l'Evangile, mais ces heureux progrès furent arrêtés tout à coup par la malice du démon. Les païens firent une fête solennelle en l'honneur de leurs dieux, dans laquelle ils devaient leur otfrir beaucoup de sacrifices. Le Saint, dont le cœur brûlait du zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, entreprit de les détourner de ce culte abominable, et, s'étant transporté sur la place, il leur dit généreusement :
" Que faites-vous, mes chers enfants ? Quelle marque de divinité voyez-vous dans ces simulacres que vous adorez ? Ce ne sont que des statues qui n'ont ni esprit ni sentiment, et qui ne représentent que des hommes dont l'incontinence et l'impiété ont été toutes publiques. Ces idoles de pierre et de cuivre ne méritent nullement vos respects c'est à Dieu seul, créateur du ciel et de la terre, que vous devez offrir des victimes. Quittez donc ce culte sacrilége et acquiescez aux vérités que je vous prêche."
Ces paroles, qu'il prononça avec une ferveur apostolique, furent comme un coup de tonnerre qui jeta par terre l'une des colonnes du temple et mit en poudre l'idole qu'elle soutenait. Un si grand prodige devait sans doute ouvrir les yeux à ces peuples et leur faire reconnaître la véritable religion que le Saint leur annonçait, mais, au lieu d'en protiter, ils s'endurcirent davantage, et, se jetant tumultueusement sur leur apôtre, ils le chassèrent à l'heure même de la ville. Voilà quelle est la tradition de Besançon qui honore saint Lin comme son premier évêque et comme celui par le ministère duquel elle a reçu les premiers rayons de la foi.
Saint Lin baptisant saint Nazaire. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.
Lorsqu'il fut retourné à Rome, saint Pierre se servit utilement de lui pour la conduite de l'Eglise, et il s'acquitta avec tant de gloire de toutes les fonctions qui lui furent commises, qu'après la mort du prince des Apôtres, il fut jugé digne de remplir sa place où il donna d'excellents témoignages de son zèle et de sa vigilance pastorale.
En deux fois qu'il fit les Ordres au mois de décembre, il créa quinze évêques et dix-huit prêtres. Il défendit aux femmes d'entrer dans l'église sans avoir la tête couverte d'un voile, ce que saint Pierre avait aussi défendu. Et saint Paul jugeait cela si nécessaire pour l'édification des fidèles, qu'il en fit une loi expresse ; comme on le voit dans le chapitre VII de sa première Epître aux Corinthiens. C'est encore de saint Lin que nous tenons l'histoire de la dispute du prince des Apôtres avec Simon le Magicien, quoique l'original ait disparu. Il écrivit aussi deux livres du martyre de saint Pierre et de saint Paul, qui sont au VIIe tome de la Bibliothèque des Pères ; mais les erreurs dont ils sont remplis, en certains endroits, font assez voir que nous ne les avons pas dans leur pureté, et on peut voir ce qu en dit le cardinal Bellarmin dans son Traité des Ecrivains ecclésiastiques.
Le Bréviaire romain dit que la foi et la sainteté de ce bienheureux Pape fut si grande, qu'il ressuscita et chassa les démons des corps de plusieurs énergumènes. Enfin, après avoir gouverné l'Eglise pendant un an, trois mois et douze jours, il versa son sang pour servir de semence à de nouveaux fidèles.
Le corps de ce bienheureux Pontife fut enterré au Vatican, auprès de celui de saint Pierre, le 9 des calendes d'octobre. L'apôtre saint Paul fait mention de lui au chapitre IVe de sa seconde Epître à Timothée, et il le met entre les premiers et les principaux chrétiens de la ville de Rome et le martyrologe romain, avec ceux d'Usuard et d'Adon, le livre des souverains Pontifes, en parlent aussi fort honorablement.
Eglise Saint-Lin, bâtie au lieu où se trouvait la
maison natale de saint Lin. Volterra. Toscane.
En 1630,quand le pape Urbain VIII fit achever les travaux de la Confession de saint Pierre, dans la basilique du Vatican, on découvrit une tombe sur laquelle se lisait cette inscription Linus. C'était le premier successeur de saint Pierre, dont la sépulture apparaissait, après tant de siècles, à côté de celle de son glorieux maître.
On représente saint Lin délivrant des possédés et ressuscitant un mort ; on rapporte en effet qu'il délivra du démon la fille du consul Saturninus.
PRIERE
" Ce fut personnellement et à la vue de tous, que le Seigneur investit Simon, fils de Jean, du pontificat suprême ; non moins directement, bienheureux Pontife, mais invisiblement, vous reçûtes de Jésus les clefs du royaume des cieux. A vous commence ce règne complet de la foi pure où l'Eglise, sans ouïr derechef l'Homme-Dieu dire à Pierre : " Pais mes brebis ", s'incline pourtant devant la permanence de son autorité en l'homme dûment désigné comme représentant de l'Epoux. Ô saint Lin, obtenez que les ombres d'ici-bas ne rendent jamais incertaine notre obéissance ; faites qu'au jour de l'éternité, nous méritions de contempler avec vous le Chef divin dans la lumière."
Acta Sanctorum et Liber Pontificalis.
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lundi, 22 septembre 2025
22 septembre. Saint Maurice et ses compagnons, martyrs à Agaune (Saint-Maurice), en Valais. 286.
Et cruor effusus fluminis instar iit.
Prodigium Alpino natura in culmine vidit,
Spectavit rubeas nam stupefacta nives."
" Sur l'ordre du tyran, la phalange invincible tombe foudroyée,
Et des fleuves de sang courent annoncer au monde son héroïque martyre.
Stupéfaite, la nature contemple un spectacle inouï :
Des neiges rouges au sommet des Alpes !"
P. Hugues Vaillant, Fast Sacri.

Sous Maximien-Hercule, qui partageait avec Dioclétien, et comme son collègue, l'empire de la république romaine, presque toutes les provinces virent déchirer et massacrer des peuples entiers de martyrs. Car non-seulement ce prince se livrait avec une sorte de fureur à l'avarice, à la débauche, à la cruauté, en un mot à tous les vices ; mais encore il était passionné pour les rites abominables des gentils, et dans la rage de son impiété contre le Roi du Ciel, il s'était armé pour détruire le nom Chrétien.
Tous ceux qui osaient faire profession de la Foi au vrai Dieu, des corps de troupes qu'il envoyait partout à leur recherche les enlevaient pour les traîner au supplice et à la mort. On eût dit qu'il avait fait trève avec les peuples barbares, afin de tourner toutes ses forces contre la Foi.
Il y avait alors dans les armées romaines une légion de soldats qu'on appelait les Thébains. La légion était un corps de 6.600 hommes sous les armes. On les avait fait venir du fond de l'Orient pour renforcer l'armée de Maxirnien. C'étaient des guerriers intrépides dans les combats, d'un courage magnanime, d'une Foi plus magnanime encore ; ils se montraient avec une noble émulation, pleins de générosité pour l'empereur et de dévouement au Christ ; car ils n'avaient point oublié dans les camps le précepte de l’Évangile, rendant fidèlement à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.

Ils refusent tous d'adorer l'empereur.
Nous n'avons pas oublié que c'est pour protéger nos concitoyens, et non pour les frapper, que nous avons pris les armes. Toujours nous avons combattu pour la justice, pour la piété, pour le salut des innocents. Jusqu'ici, au milieu des dangers que nous avons affrontés, nous n'avons pas ambitionné d'autre récompense. Nous avons combattu, par respect pour la foi que nous vous avons promise ; mais comment pourrions-nous la garder, si nous refusions à notre Dieu celle que nous Lui avons donnée ?
Nous avons vu tomber sous le glaive les compagnons de nos travaux et de nos dangers, et leur sang a rejailli jusque sur nous. Cependant nous n'avons point pleuré la mort, le cruel massacre de ces bienheureux frères ; nous n'avons pas même plaint leur sort ; au contraire, nous les avons félicités de leur bonheur, nous avons accompagné leur sacrifice des élans de notre joie, parce qu'ils ont été trouvés dignes de souffrir pour leur Seigneur et leur Dieu.
Quant à nous, nous ne sommes pas des rebelles que l'impérieuse nécessité de vivre a jetés dans la révolte ; nous ne sommes pas armés contre vous par le désespoir, toujours si puissant dans le danger. Nous avons des armes en main, et nous ne résistons pas. Nous aimons mieux mourir que de donner la mort, périr innocents que vivre coupables. Si vous faites encore des lois contre nous, s'il vous reste de nouveaux ordres à donner, de nouvelles sentences à prononcer, le feu, la torture, le fer ne nous effraient pas ; nous sommes prêts à mourir.
Nous confessons hautement que nous sommes Chrétiens et que nous ne pouvons pas persécuter des Chrétiens." (cf. Rq).

En recevant cette réponse, Maximien comprit qu'il avait à lutter contre des cœurs inflexibles dans la Foi du Christ. C'est pourquoi, désespérant de triompher de leur généreuse constance, il résolut de faire périr d'un seul coup la légion tout entière. De nombreux bataillons de soldats reçurent l'ordre de l'entourer pour la massacrer. Arrivés devant la bienheureuse légion, les impies qu'envoyait l'empereur tirèrent leurs glaives contre ces milliers de saints que l'amour de la vie n'avait point fait fuir devant la mort. Le fer les moissonnait dans tous les rangs, et il ne leur échappait pas une plainte, pas un murmure.
Ils avaient déposé leurs armes ; les uns tendaient le cou, les autres présentaient la gorge à leurs persécuteurs ; tous offraient aux bourreaux un corps sans défense. Malgré leur nombre et leur puissante armure, ils ne se laissèrent point emporter au désir de faire triompher la justice et leur cause par le fer. Une seule pensée les animait : le Dieu qu'ils confessaient S'était laissé traîner à la mort sans un murmure ; comme un agneau, Il n'avait point ouvert la bouche.
Eux de même, les brebis du Seigneur, ils se laissèrent déchirer par des loups furieux.
La terre fut couverte des cadavres de ces saintes victimes, et leur noble sang y coulait en longs ruisseaux. Jamais, en dehors des combats, la rage d'un barbare entassa-t-elle tant de débris humains ? Jamais la cruauté frappa-t-elle par une seule sentence tant de victimes à la fois, même en punissant des scélérats ? Pour eux, ils étaient punis, malgré leur innocence et leur multitude, quoique souvent on laisse des crimes sans vengeance, à cause du grand nombre des coupables. Ainsi l'odieuse cruauté d'un tyran sacrifia tout un peuple de saints, qui dédaignaient les biens de cette vie présente dans l'espérance du bonheur futur. Ainsi périt cette légion vraiment digne des Anges. C'est pour cela que notre Foi nous les montre aujourd'hui réunis aux légions des Anges, et chantant éternellement avec eux dans le Ciel le Seigneur, le Dieu des armées.

Retable représentant le martyr de la légion thébaine. XIVe.
Quant au martyr Victor, il ne faisait pas partie de cette légion ; même il n'était plus soldat, ayant obtenu, après de longs services, son congé de vétéran. Mais dans un voyage qu'il faisait, il tomba, sans le savoir, au milieu des bourreaux qui, joyeux de leur butin, se livraient aux orgies d'un grand festin. Ils l'invitèrent à partager avec eux les joies de la fête. Quand il eut appris de ces malheureux, dans l'exaltation de l'ivresse, la cause qui les réunissait, il refusa avec horreur et méprisa le festin et les convives. On lui demanda alors s'il était Chrétien ; à peine eut-il répondu qu'il l'était et le serait toujours, que tout aussitôt on se jeta sur lui et on le massacra. Ainsi frappé au même lieu que les autres martyrs, il partagea avec eux et leur mort et leurs honneurs. De ce grand nombre de saints, 4 noms seulement nous sont connus : les saints martyrs Maurice, Exupère, Candide et Victor.
Un vitrail de la cathédrale de Strasbourg représente saint Maurice vêtu en chevalier. On le peint tenant un étendard crucifère, une grande épée et la couronne d'épines. Dans la collection des Saints du cabinet des estampes de Paris, on le voit tantôt représenté à cheval ; tantôt en tête des officiers de sa légion ; tantôt avec ses compagnons d'armes, refusant de sacrifier aux idoles, puis massacré par ordre de l'empereur.
ORAISON
" Dieu tout-puissant, daignez nous entendre : que la solennité festive de vos saints Martyrs Maurice et ses compagnons soit pour nous source d'allégresse ; comme leur suffrage est notre appui, que leur naissance au ciel soit notre gloire. Par Jésus-Christ Notre Seigneur..."
CULTE ET RELIQUES
Les corps des bienheureux martyrs d'Agaune furent découverts par révélation à saint Théodore, évêque de Sion en Valais. Il fit élever en leur honneur une basilique adossée d'un côté à un énorme rocher. Or, pendant qu'on la bâtissait, il arriva un miracle que nous ne pouvons passer sous silence.

Cathédrale Saint-Maurice de Vienne. Dauphiné. France.
Parmi les miracles des saints Martyrs, nous ne devons point oublier un fait qui a eu du retentissement, et que tous ont connu. Une dame, épouse de Quincius, personnage d'un rang distingué, était atteinte d'une paralysie qui lui avait enlevé l'usage de ses pieds. Elle sollicita son mari de la faire conduire à Agaune, quoique la distance fût considérable. A son arrivée, des serviteurs la portèrent dans leurs bras jusqu'à la basilique des saints martyrs ; elle revint à pied à son hôtellerie. Et aujourd'hui, dans ces mêmes membres que la mort avait déjà frappés, elle porte partout le témoignage du miracle qui l'a guérie.
Aux miracles racontés par saint Eucher (évêque de Lyon, célèbre saint et ascète), nous ajouterons celui qui arriva à saint Martin. Ce grand prélat, qui portait une singulière dévotion à nos glorieux martyrs, se rendit à Agaune pour tâcher d'avoir de leurs reliques ; mais n'ayant pu en obtenir des moines qui possédaient ce lieu, il se transporta à l'endroit où ils avaient enduré la mort. Et là, après avoir fait une oraison très-fervente, il prit un couteau et en enleva, en forme de couronne, un morceau de terre, et aussitôt, ô prodige admirable il en sortit du sang en abondance, qu'il reçut dans un vase apporté exprès pour cela, et en laissa une partie à Agaune avec ce même couteau ; il apporta le reste à Tours, et le distribua ensuite à plusieurs églises, particulièrement à sa cathédrale et à celle d'Angers. Il en conserva seulement pour lui une petite fiole, qu'il porta toujours depuis par dévotion, et avec laquelle il voulut être enterré.
La mémoire de saint Maurice et de ses compagnons a toujours été très-célèbre dans l'Église. Les fidèles ont coutume, dans les guerres contre les ennemis de la Foi, de l'invoquer avec saint Georges, pour en obtenir la victoire par la force de leur intercession.
Les Grecs ont eu aussi un martyr du nom de saint Maurice, qui souffrit dans Apamée, le 4 juillet, et dont Métaphraste a décrit le combat. Plusieurs l'ont confondu avec celui dont nous parlons, et le cardinal Baronius confesse qu'il avait suivi cette opinion ; mais il l'a rétractée dans ses Notes sur le martyrologe romain, au 22 septembre.

Cathédrale Saint-Maurice d'Angers. France.
Le culte de Saint-Maurice et de ces compagnons, né en Valais sous les yeux des témoins de leur martyre, passa dans les Gaules vers la fin du IVe siècle ; il s'étendit plus tard en Italie ; aujourd'hui il est connu et répandu dans toute la Chrétienté. Déjà vers l'an 390, saint Théodore, évêque de Sion, envoie des ossements des Thébéens [ou Thébains] à saint Victrice, évêque de Rouen. Saint Germain, évêque d'Auxerre, fait bâtir en 420, dans sa ville épiscopale, une église en l'honneur de saint Maurice et de ses compagnons.
Les églises paroissiales élevées sous le vocable de saint Maurice et de ses illustres frères d'armes, soit dans les diocèses voisins, soit à l'étranger, sont innombrables ; il y a en Suisse peu d'églises où l'on n’aperçoive quelque part la statue de Maurice ou le signe qui le rappelle, la croix tréflée qui porte son nom figure partout; on la voit peinte aux voûtes des sanctuaires sur les vieux drapeaux, gravée sur les armoiries des villes et jusque sur les monnaies anciennes et modernes qui ont subsisté jusque dans ces derniers temps.
L'église actuelle de l'abbaye de Saint-Maurice-en-Valais, dans laquelle les reliques des martyrs thébéens furent transférées solennellement au milieu d'un concours immense de peuple, possède :
- 1. Une grande châsse plaquée en argent, ornée de nombreuses pierres précieuses, renfermant plusieurs parties du corps de saint Maurice ;
- 2. 2 bustes, l'un en argent, renfermant la tête de saint Candide, un des lieutenants de saint Maurice ; l'autre en argent doré, surmonté des armes de la maison de Savoie, renferme la tête de saint Victor, vétéran romain martyrisé avec les Thébéens ;
- 3. une statue équestre, de 50 centimètres, en argent, représentant saint Maurice ;
- 4. 2 bras en argent, enrichi de pierres précieuses, dont l'un renferme une côte et un ossement de saint Bernard de Menthon ; l'autre, les reliques de saint Innocent, martyr thébéen ;
- 5. 2 châsses plaquées argent, plus petites que celle de saint Maurice. L'une renferme des ossements des martyrs thébéens ; l'autre, les reliques des enfants de saint Sigismond, patron de la paroisse ;
- 6. 2 coupes en argent, renferment des reliques de saint Séverin, premier abbé de Saint-Maurice (478), des Thébéens, de saint François de Sales, etc. ;
- 7. un vase d’agate d'une seule pièce, don de saint Charlemagne, travail Grec de l'ère païenne, très-remarqué des connaisseurs, contenant de la terre imbibée du sang des martyrs thébéens ;
- 8. une aiguière, travail arabe non moins précieux que l’agate, présent aussi de l'empereur saint Charlemagne ; c'est émail sur or, orné de superbes saphirs ; elle contient aussi du sang de nos Martyrs ;
- 9. l'anneau de saint Maurice, véritable anneau des chevaliers romains du IIIe au IVe siècle ; c'est un saphir brut monté sur or ;
- 10. un reliquaire renfermant 127 dents des martyrs thébéens, et un autre renfermant des reliques du chef de la légion.
Les reliques de ces glorieux martyrs furent distribuées en divers endroits de la Chrétienté. Le diocèse de Troyes en possède une partie. L'église de l'abbaye de Larrivour avait une châsse dans laquelle se trouvaient des restes de saint Maurice et de ses compagnons. Cette châsse est actuellement dans l'église de Lusigny, à la muraille de la chapelle Saint-Nicolas, du côté de l’Évangile. Une relique de saint Maurice est également dans une des châsses qui proviennent de l'abbaye de Montiéramey et qui sont exposées dans l'église paroissiale.
Saint Maurice est le patron de plusieurs paroisses dans le diocèse de Nevers. Le monastère de la Visitation de Nevers possède le corps de saint Ours, un des compagnons de saint Maurice.
En 1837 une société militaire, sous le nom de Saint-Maurice, a été fondée au Mans par des officiers en retraite. Elle avait pour but de venir en aide à ceux de ses membres qui, par suite de maladies, se trouvaient dans une position fâcheuse ; de leur faire rendre les derniers devoirs d'une manière convenable ; d'assister leurs veuves et leurs orphelins ; mais elle n'existe plus.
Aujourd'hui, on peut s'interroger quant au sens de l'obéissance des Chrétiens qui servent dans l'armée de la république dite française (régime illégitime et satanique, cause et instrument de tant de martyrs religieux ou laïcs qui piétine sans cesse les droits du Souverain Maître), à l'entendement qu'ils forment de leur vocation et à la manière fausse qu'ils ont de concilier l'inconciliable...
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