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dimanche, 17 décembre 2023

IIIe dimanche de l'Avent.

- IIIe dimanche de l'Avent.

Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger :



Saint Jean-Baptiste. Paolo Veneziano. XIVe.

La joie de l'Eglise s'accroît encore dans ce Dimanche. Elle soupire toujours après le Seigneur ; mais elle sent qu'il approche, et elle croit pouvoir tempérer l'austérité de cette carrière de pénitence par l'innocente allégresse des pompes religieuses. D'abord, ce Dimanche a reçu le nom de Gaudete, du premier mot de son Introït ; mais, de plus, on y observe les touchants usages qui sont propres au quatrième Dimanche de Carême appelé Laetare. On touche l'orgue à la Messe ; les ornements sont de la couleur rose ; le Diacre reprend la dalmatique, et le Sous-Diacre la tunique ; dans les Cathédrales, l'Evoque assiste, paré de la mitre précieuse.

Admirable condescendance de l'Eglise, qui sait si bien unir la sévérité des croyances à la gracieuse poésie des formes liturgiques ! Entrons dans son esprit, et réjouissons-nous aujourd'hui, à cause de l'approche du Seigneur. Demain, nos soupirs reprendront leur cours ; car bien qu'il ne doive par tarder, il ne sera pas venu encore.

La Station a lieu dans la Basilique de Saint-Pierre, au Vatican. Ce temple auguste qui couvre le tombeau du Prince des Apôtres est l'asile universel du peuple chrétien ; il convient qu'il soit témoin des joies comme des tristesses de l'Eglise. L'Office de la nuit débute par un nouvel Invitatoire : la voix de l'Eglise ne convie plus les fidèles à venir adorer avec terreur le Roi qui doit venir, le Seigneur. Son langage change de caractère ; son cri est un cri d'allégresse; tous les jours, jusqu'à la Vigile de Noël, elle ouvre les Nocturnes par ces grandes paroles :

" Prope est jam Dominus : venite, adoremus."
" Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le."


Prenons maintenant le livre du Prophète, et lisons avec la sainte Eglise, du Prophète Isaïe. Chap. XXVI :

" En ce jour-là on chantera ce cantique en la terre de Juda : Sion est la ville de notre force : le Sauveur en sera la muraille et le rempart. Ouvrez les portes et qu'un peuple juste y entre, un peuple observateur de la vérité. L'erreur ancienne est passée : vous nous conserverez la paix ; la paix, car nous avons espéré en vous. Vous avez mis à jamais votre espérance dans le Seigneur, dans le Seigneur Dieu, toujours invincible ; car il abaissera ceux qui sont dans l'élévation, il humiliera la cité superbe. Il l'humiliera jusqu'en terre, il la fera descendre jusqu'à la poussière. Le pied la foulera, le pied des pauvres, le pas de l'indigent. Le sentier du juste est droit, le chemin où il marche est sans détour : aussi nous vous avons attendu, Seigneur, dans le sentier de votre justice ; votre Nom et votre souvenir sont les délices de l'âme. Mon âme vous a désiré pendant la nuit, et je m'éveillerai vers le point du jour, pour m'occuper de vous dans mon esprit et dans mon cœur."

Ô sainte Eglise Romaine, Cité de notre force ! Nous voici rassemblés dans tes murs, autour du tombeau de ce pêcheur dont la cendre te protège sur la terre, tandis que son immuable doctrine t'éclaire du haut du ciel. Mais, si tu es forte, c'est par le Sauveur qui va venir. Il est ta muraille d'enceinte ; car c'est lui qui enveloppe tous tes enfants dans sa miséricorde ; il est ton rempart invincible ; car c'est par lui que les puissances de l'enfer ne prévaudront jamais contre toi. Dilate tes portes, afin que tous les peuples se pressent dans ton enceinte : car tu es la maîtresse de la sainteté, la gardienne de la vérité. Puisse l’antique erreur qui s'oppose à la foi finir bientôt, et la paix s'étendre sur tout le troupeau !

Ô sainte Eglise Romaine ! tu as mis à jamais ton espérance dans le Seigneur ; et à son tour fidèle à sa promesse, il a humilié devant toi les hauteurs superbes, les cités d'orgueil. Où sont les Césars qui crurent t'avoir noyée dans ton propre sang ? Où sont les Empereurs qui voulurent forcer l'inviolable virginité de ta foi ? Où sont les sectaires que chaque siècle, pour ainsi dire, a vus s'attaquer successivement à tous les articles de ta doctrine ? Où sont les princes ingrats qui tentèrent de t'asservir, toi qui les avais faits ce qu'ils étaient ? Où est cet Empire du Croissant qui tant de fois rugit contre toi, lorsque, désarmée, tu refoulais si loin l'orgueil de ses conquêtes ? Où sont les Réformateurs qui prétendirent constituer un Christianisme sans toi ? Où sont ces sophistes modernes, aux yeux desquels tu n'étais plus qu'un fantôme impuissant et vermoulu ? Où seront, dans un siècle, ces rois tyrans de l'Eglise, ces peuples qui cherchent la liberté hors de la vérité ? Ils auront passé avec le fracas du torrent ; et toi, tu seras toujours calme, toujours jeune, toujours sans rides, ô sainte Eglise Romaine, assise sur la pierre inébranlable.


Saint Jean-Baptiste. Luca di Tommè. XIVe.

Ta marche à travers tant de siècles aura été droite, comme celle du juste ; tu te retrouveras toujours semblable à toi-même, comme déjà tu n'as cessé de l'être durant dix-huit siècles, sous le soleil qui hors de toi n'éclaire que les variations de l'humanité. D'où te vient cette solidité, si ce n'est de celui qui lui-même est la Vérité et la Justice ? Gloire à lui en toi ! Chaque année, il te visite ; chaque année, il t'apporte de nouveaux dons, pour t'aider à achever le pèlerinage ; et jusqu'à la fin des siècles, il viendra ainsi te visiter, te renouveler, non seulement par la puissance de ce regard avec lequel il renouvela Pierre, mais en te remplissant de lui-même, comme il remplit la glorieuse Vierge, l'objet de ton plus doux amour, après celui que tu portes à l'Epoux. Nous prions avec toi, Ô notre Mère ! Et nous disons : " Venez, Seigneur Jésus !" Votre Nom et votre souvenir sont les délices de nos âmes ; elles vous désirent durant la nuit, et dès le point du jour nous nous réveillons pour songer à vous.

A LA MESSE

Tout le peuple étant attentif, la voix des chantres entonne la mélodie grégorienne, et fait retentir ces consolantes paroles de l'Apôtre :

INTROÏT

" Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur ; je vous le dis encore, réjouissez-vous. Que votre modestie soit connue de tous les hommes : le Seigneur est proche. Soyez sans inquiétude ; mais faîtes connaître à Dieu vos désirs par les prières et les supplications."
Ps. Seigneur, vous avez béni la terre qui est à vous ; vous avez ramené Jacob de la captivité,
V/. Gloire au Père, ...


Saint Jean-Baptiste. Hans Memling. XVe. 

EPITRE

Lecture de l'Epître de saint Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. IV.

" Mes Frères, réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur; je vous le dis encore : réjouissez-vous. Que votre modestie soit connue de tout le monde: le Seigneur est proche. Soyez sans inquiétude ; mais faîtes connaître à Dieu vos désirs par les prières et les supplications accompagnées d'actions de grâces. Et que la paix de Dieu, laquelle est au-dessus de toutes nos pensées, garde vos cœurs et vos intelligences, en Jésus-Christ notre Seigneur."


Nous devons, en effet, nous réjouir dans le Seigneur ; car le Prophète et l'Apôtre s'accordent à encourager nos désirs vers le Sauveur : l'un et l'autre nous annoncent la paix. Soyons donc sans inquiétude : Le Seigneur est proche; il est proche de son Eglise ; il est proche de chacune de nos âmes. Pouvons-nous demeurer auprès d'un feu aussi ardent, et demeurer glacés ? Ne le sentons-nous pas venir, à travers tous les obstacles que sa souveraine élévation, notre profonde bassesse, nos nombreux péchés lui suscitaient ? Il franchit tout. Encore un pas, et il sera en nous. Allons au-devant de lui par ces prières, ces supplications, ces actions de grâces dont parle l'Apôtre.

GRADUEL

Redoublons de ferveur et de zèle pour nous unir à la sainte Eglise, dont les vœux vont devenir de jour en jour plus ardents vers celui qui est sa lumière et son amour. Répétons d'abord avec elle :

" Vous qui êtes assis sur les Chérubins, faites éclater votre puissance, Seigneur, et venez.
V/. Ecoutez-nous, Ô vous qui gouvernez Israël, qui conduisez Joseph comme une brebis.
Alleluia, alleluia.
V/. Seigneur, faites éclater votre puissance, venez et sauvez-nous. Alleluia."

EVANGILE

Suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. I.



Prédication de saint Jean-Baptiste. Filippo d'Angeli. XVIIe. 

" En ce temps-là, les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites vers Jean pour lui demander :
" Qui êtes-vous ?"
Et il confessa, et il ne nia pas ; et il confessa qu'il n'était pas le Christ.
Et ils l'interrogèrent de nouveau, disant :
" Quoi donc ? Êtes-vous Elie ?"
Et il leur dit :
" Je ne le suis point."
- Etes-vous prophète ?
Et il répondit :
" Non."
Ils lui dirent donc :
"Qui êtes-vous, afin que nous puissions rendre réponse a ceux qui nous ont envoyés ? Que dites-vous de vous-même ?
- Je suis, dit-il, la voix qui crie dans le désert : " Rendez droites les voies du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe."
Or, ceux qu'on lui avait envoyés étaient Pharisiens. Et ils l'interrogèrent, et ils lui dirent :
" Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni prophète ?
Jean leur fit cette réponse, disant :
" Pour moi, je baptise dans l'eau ; mais il y en a un au milieu de vous, que vous ignorez. C'est celui-là même qui doit venir après moi, et qui est avant moi : et je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure."
Ces choses se passèrent en Béthanie au-delà du Jourdain, où Jean baptisait."


" Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas ", dit saint Jean-Baptiste aux envoyés des Juifs. Le Seigneur peut donc être proche ; il peut même être venu, et cependant demeurer encore inconnu à plusieurs. Ce divin Agneau fait la consolation du saint Précurseur, qui estime à si grand honneur de n'être que la Voix qui crie aux hommes de préparer les sentiers du Rédempteur. Saint Jean est en cela le type de l'Eglise et de toutes les âmes qui cherchent Jésus-Christ. Sa joie est entière à cause de l'arrivée de l'Epoux ; mais il est entouré d'hommes pour qui ce divin Sauveur est comme s'il n'était pas.

Or, nous voici parvenus à la troisième semaine de ce saint temps de l'Avent : tous les cœurs sont-ils ébranlés au bruit de la grande nouvelle de l'arrivée du Messie ? Ceux qui ne veulent pas l'aimer comme Sauveur, songent-ils du moins à le craindre comme juge ? Les voies tortueuses se redressent-elles ? Les collines songent-elles à s'abaisser ? La cupidité et la sensualité ont-elles été sérieusement attaquées dans le cœur des chrétiens ? Le temps presse : Le Seigneur est proche ! Si ces lignes tombaient sous les yeux de quelques-uns de ceux qui dorment au lieu de veiller dans l'attente du divin Enfant, nous les conjurerions d'ouvrir les yeux et de ne plus tarder à se rendre dignes d'une visite qui sera pour eux, dans le temps, l'objet d'une grande consolation, et qui les rassurera contre les terreurs du dernier jour. Ô Jésus ! Envoyez votre grâce avec plus d'abondance encore; forcez-les d'entrer, afin que ce que saint Jean disait de la Synagogue ne soit pas dit du peuple chrétien : " Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas ".

17 décembre. " O Sapientia ". Commencement des Grandes Antiennes.

- " O Sapientia ". Commencement des Grandes Antiennes.


La Très Sainte Trinité. Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

COMMENCEMENT DES GRANDES ANTIENNES

L'Eglise ouvre aujourd'hui la série septenaire des jours qui précèdent la Vigile de Noël, et qui sont célèbres dans la Liturgie sous le nom de Féries majeures. L'Office ordinaire de l'Avent prend plus de solennité ; les Antiennes des Psaumes, à Laudes et aux Heures du jour, sont propres au temps et ont un rapport direct avec le grand Avènement. Tous les jours, à Vêpres, on chante une Antienne solennelle qui est un cri vers le Messie, et dans laquelle on lui donne chaque jour quelqu'un des titres qui lui sont attribués dans l'Ecriture.

Le nombre de ces Antiennes, qu'on appelle vulgairement les " O " de l'Avent, parce qu'elles commencent toutes par cette exclamation, est de sept dans l'Eglise romaine, une pour chacune des sept Féries majeures, et elles s'adressent toutes à Jésus-Christ. D'autres Eglises, au moyen âge, en ajoutèrent deux autres : une à la Sainte Vierge, " O Virgo Virginum !", et une à l'Ange Gabriel, " O Gabriel !", ou encore à saint Thomas, dont la fête tombe dans le cours des Fériés majeures. Cette dernière commence ainsi : " O Thomas Didyme !". Elle est plus moderne ; mais à partir du XIIIe siècle elle remplaça presque universellement celle : " O Gabriel !".

Il y eut même des Eglises qui portèrent jusqu'à douze le nombre des grandes Antiennes, en ajoutant aux neuf dont nous venons de parler, trois autres, savoir : une au Christ, " O Rex pacifice !", une seconde à la Sainte Vierge, " O mundi Domina !", et enfin une dernière en manière d'apostrophe à Jérusalem, " O Hierusalem !".

L'instant choisi pour faire entendre ce sublime appel à la charité du Fils de Dieu, est l'heure des Vêpres, parce que c'est sur le Soir du monde, vergente mundi vespere, que le Messie est venu. On les chante à Magnificat, pour marquer que le Sauveur que nous attendons nous viendra par Marie. On les chante deux fois, avant et après le Cantique, comme dans les fêtes Doubles, en signe de plus grande solennité ; et même l'usage antique de plusieurs Eglises était de les chanter trois fois, savoir : avant le Cantique lui-même, avant Gloria Patri, et après Sicut erat.

Enfin, ces admirables Antiennes, qui contiennent toute la moelle de la Liturgie de l'Avent, sont ornées d'un chant plein de gravité et de mélodie ; et les diverses Eglises ont retenu l'usage de les accompagner d'une pompe toute particulière, dont les démonstrations toujours expressives varient suivant les lieux. Ajoutons en toute fin que la deuxième lettre de chacune de ces sept antiennes  forment un acrostiche en partant de celle qui précède la venue du Sauveur, " ERO CRAS " qui signifie littéralement en latin " JE SERAI DEMAIN ".

Entrons dans l'esprit de l'Eglise et recueillons-nous, afin de nous unir, dans toute la plénitude de notre cœur, à la sainte Eglise, lorsqu'elle fait entendre à son Epoux ces dernières et tendres invitations, auxquelles il se rend enfin.

PREMIÈRE ANTIENNE

" O Sapientia, quae ex ore Altissimi prodiisti, attingens a fine usque ad finem fortiter, suaviterque disponens omnia : veni ad docendum nos viam prudentiae."

" O Sagesse, qui êtes sortie de la bouche du Très-Haut , qui atteignez d'une extrémité à l'autre, et disposez toutes choses avec force et douceur : venez nous apprendre les voies de la prudence."


La Très Sainte Trinité. Agnolo Gaddi. XIVe.

" O Sagesse incréée qui bientôt allez vous rendre visible au monde, qu'il apparaît bien en ce moment que vous disposez toutes choses ! Voici que, par votre divine permission, vient d'émaner un Edit de l'empereur Auguste pour opérer le dénombrement de l'univers. Chacun des citoyens de l'Empire doit se faire enregistrer dans sa ville d'origine. Le prince croit dans son orgueil avoir ébranlé à son profit l'espèce humaine tout entière. Les hommes s'agitent par millions sur le globe, et traversent en tous sens l'immense monde romain ; ils pensent obéir à un homme, et c'est à Dieu qu'ils obéissent. Toute cette grande agitation n'a qu'un but : c'est d'amener à Bethléhem un homme et une femme qui ont leur humble demeure dans Nazareth de Galilée ; afin que cette femme inconnue des hommes et chérie du ciel, étant arrivée au terme du neuvième mois depuis la conception de son fils, enfante à Bethléhem ce fils dont le Prophète a dit : " Sa sortie est dès les jours de l'éternité ; Ô Bethléhem ! Tu n'es pas pas la moindre entre les mille cités de Jacob ; car il sortira aussi de toi ".

Ô Sagesse divine ! que vous êtes forte, pour arriver ainsi à vos fins d'une manière invincible quoique cachée aux hommes ! que vous êtes douce, pour ne faire néanmoins aucune violence à leur liberté! mais aussi, que vous êtes paternelle dans votre prévoyance pour nos besoins ! Vous choisissez Bethléhem pour y naître, parce que Bethléhem signifie la Maison du Pain. Vous nous montrez par là que vous voulez être notre Pain, notre nourriture, notre aliment de vie. Nourris d'un Dieu, nous ne mourrons plus désormais. Ô Sagesse du Père, Pain vivant descendu du ciel, venez bientôt en nous, afin que nous approchions de vous, et que nous soyons illuminés de votre éclat ; et donnez-nous cette prudence qui conduit au salut."


La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste. José Vergara. XVIIIe.

PRIERE POUR LE TEMPS DE L’AVENT

D'après le bréviaire Mozarabe, IVe dimanche de l’Avent, oraison :

" Ô Christ, Fils de Dieu, né d'une Vierge en ce monde, vous qui ébranlez les royaumes par la terreur de votre Nativité, et contraignez les rois à l'admiration : donnez-nous votre crainte qui est le commencement de la sagesse ; afin que nous y puissions fructifier et vous présenter en hommage un fruit de paix. Vous qui, pour appeler les nations, êtes arrivé avec la rapidité d'un fleuve, venant naître sur la terre pour la conversion des pécheurs, montrez-nous le don de votre grâce, afin que toute frayeur étant bannie, nous vous suivions toujours dans le chaste amour d'une intime charité. Amen."

samedi, 16 décembre 2023

16 décembre. Saint Eusèbe, évêque de Verceil, confesseur. 370.

- Saint Eusèbe, évêque de Verceil, confesseur. 370.

Pape : Saint Damase Ier. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier. Empereur romain d'Orient : Valens.

" Avec l'austérité du jeûne, il gouvernait son Eglise."
Saint Ambroise de Milan.

" Les pasteurs doivent exhorter les fidèles à ne pas considérer les villes du monde comme leur demeure stable, mais à chercher la Cité future, la Jérusalem du Ciel définitive."
Saint Eusèbe de Verceil. Ep. secunda.

" Je vous recommande chaudement de conserver la foi avec le plus grand soin, de préserver la concorde, d'être assidus dans la prière."
Saint Eusèbe de Verceil. Ep. secunda.


Les Ariens lapidant saint Eusèbe de Verceil.
Bréviaire romain. Auvergne. XVe.

Né en Sardaigne, d'une famille noble - fils de sainte Restitute -, saint Eusèbe se retira en Italie après la mort de son père et fit ses études à Verceil (alors sous l'autorité de l'intendance de Novare). Il se distingua tellement dans le clergé de cette ville, que, le siège épiscopal étant venu à vaquer, il fut élu à l'unanimité pour le remplir.

Le nouvel évêque s'appliqua de tout son pouvoir à former de dignes ministres de Notre Seigneur Jésus-Christ. Sa conduite fut justifiée par le succès : plusieurs églises voulurent être gouvernées par ses disciples, et l'on vit sortir de son clergé un grand nombre de saints prélats aussi reccommandables par leurs vertus que par leurs lumières.


Verceil se situe à la frontière du Piémont et de la Savoie.

Saint Eusèbe s'était déjà acquis une haute réputation de sainteté : celle-ci allait être éprouvée par les persécutions. En 355 se tint à Milan un concile où plusieurs Catholiques, intimidés par les menaces de l'empereur Constance et les fureurs des Ariens, signèrent la sentence qui fut pronocée par les hérétiques contre saint Athanase d'ALexandrie. Notre saint résista ouvertement à l'empereur et lui reprocha hautement son impiété. Constance répondit par des violences : saint Eusèbe fut exilé à Scythopolis, en Palestine ; plus tard, on le transféra en Cappadoce, et quelques temps après, il fut conduit dans la Haute-Thébaïde. En ces différents endroits, les Ariens l'accablèrent d'outrages et lui firent souffrir les plus cruels traitements dont une lapidation pendant laquelle notre saint ne fléchit jamais.


Baptême de saint Eusèbe de Verceil par le pape saint Sylvestre (?).
Avec le pape saint Libère. Avec une pénitente.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Cependant, l'heure de la délivrance vint à sonner. Constance étant mort en 361, Julien l'Apostat permit à l'illustre exilé de retourner dans son diocèse : il revint en effet, et l'Italie quitta ses habits de deuil. Eusèbe ne resta pas inactif : de concert avec saint Hilaire de Poitiers, il dépensa tout son zèle à combattre l'Arianisme dans ses derniers retranchements. Enfin, rempli de jours et de mérites, il s'endormit plein d'espérance dans le Seigneur, le 1er août 370.

On garde dans la cathédrale de Verceil la châsse qui renferme ses précieuses reliques.


Cathédrale Saint-Eusèbe de Verceil.

Il ne nous reste des écrits de saint Eusèbe que deux lettres, adressées, l'une à son Eglise, pendant son exil à Scythopolis ; l'autre à Grégoire, évêque d'Elvire, rédigée dans son exil en Haute-Thébaïde. Il y exhorte Grégoire à s'opposer courageusement à Osius, qui avait eu le malheur de tomber dans l'hérésie, ainsi qu'à tous ceux qui avaient abandonné la foi de l'Eglise, et (exhorte) de ne point craindre la puissance des princes. Ces deux lettres se trouvent dans les Annales de Baronius et dans le tome XII de la Patrologie de M. l'abbé Migne.

On trouve aussi, dans la même Patrologie un traîté sur la Très Sainte Trinité, De Sanctissima Trinitate Confessio, attribué à notre saint évêque.

PRIERE

" Athlète invincible du Christ que nous attendons, Eusèbe, Martyr et Pontife, que vos fatigues et vos souffrances pour la cause de ce divin Messie ont été grandes ! Elles vous ont cependant paru légères, en comparaison de ce qui est dû à ce Verbe éternel du Père, que son amour a porté à devenir, par l'Incarnation,le serviteur de sa créature. Nous avons, envers ce divin Sauveur, les mêmes obligations que vous. C'est pour nous qu'il va naître d'une Vierge aussi bien que pour vous ; priez donc, afin que notre cœur lui soit toujours fidèle dans la guerre comme dans la paix, en face de nos tentations et de nos penchants, comme s'il s'agissait de le confesser devant les puissances du monde. Fortifiez les Pontifes de la sainte Eglise, afin que nulle erreur ne puisse tromper leur vigilance, nulle persécution lasser leur courage. Qu'ils soient fidèles imitateurs du souverain Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, et qu'ils paissent toujours le troupeau dans l'unité et la charité de Jésus-Christ."

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vendredi, 15 décembre 2023

15 décembre. Sainte Chrétienne, vierge et esclave, apôtre des Ibériens. 309.

- Sainte Chrétienne, ou Christiane, ou Nina ou Ninon, vierge et esclave, apôtre des Ibériens. 309.

Papes : Saint Marcel Ier (+ 309) ; saint Eusèbe Ier. Empereur romain d'Orient : Maximin II Daïa (+ 310) . Empereur romain d'Occident : Constantin Ier. Roi d'Ibérie (Géorgie) : Mirian III.

" Etonnante est la puissance de la prière."
Saint Bonaventure.

Sainte Chrétienne ou Nina. Icone du XXe.

Parmi les industries dont la sagesse divine s'est servie pour convertir les peuples les plus barbares qui étaient hors les bornes de l'empire romain, une des plus merveilleuses a été d'y envoyer des bannis, des fugitifs, des captifs et des esclaves chrétiens, lesquels, par la pureté de leurs moeurs, par l'éclat de leurs miracles et par la lumière de leurs exhortations, ont converti leurs propres maîtres et leur ont fait ouvrir les yeux pour connaître la vérité de l'Evangile.

Nous en avons un grand nombre d'exemples dans toute l'histoire ecclésiastique ; mais un des principaux et des plus illustres est celui de sainte Chrétienne, qui se trouva captive et esclave chez les Ibériens, au-delà du Pont-Euxin, du temps de l'empereur Constantin le Grand. On ne dit point de quel pays elle était, ni par quel malheur elle tomba entre les mains de ces barbares ; son nom même n'a pu être connu, et celui de Chrétienne est plutôt le nom de la religion qu'elle professait et qu'elle fit recevoir dans l'Ibérie, que celui de son baptême.

Dans la servitude, son esprit ne fut point captif ; elle y servait Dieu avec une innocence et une pureté admirables. L'oraison était sa vie et le jeûne sa nourriture. Elle obéissait à son maître et à sa maîtresse avec une douceur, une patience et une modestie qui les ravissaient ; elle méprisait l'or, l'argent et les ornements du corps, et ne se mettait en peine que de parer son âme des plus nobles vertus ; on la voyait, après avoir fait le devoir de sa condition, se rtirer dans un coin de la maison et y passer des heures entières, tant de jour que de nuit, les larmes aux yeux, et dans une prière très fervente.

Mtskheta. Géorgie : autrefois appelée Ibérie.

Cette conduite étonna d'abord les femmes du pays. Elles ne pouvaient assez admirer qu'elle vécût chaste dans un corps corruptible, et qu'elle fût joyeuse et contente dans une condition si misérable. Ses prières et ses abstinences, si longues et si constantes, les effrayaient, et elles ne comprenaient pas pourquoi elle refusait tous les plaisirs de la vie, lors même qu'ell en pouvait jouir et qu'ils lui étaient offerts. Elles l'interrogèrent sur toutes ces choses, et elle leur dit que le Dieu qu'elle adorait était un Dieu d'une pureté infinie ; que Notre Seigneur Jésus-Christ, son Fils, étant descendu sur la terre pour le salut des hommes, leur avait donné, par son exemple et sa parole, des leçons de mortification et de pénitence qu'elle était obligée de pratiquer, et qu'elle attendait après cette vie de misère un bonheur éternel, qui récompenserait abondamment toutes ses bonnes actions.

Cette réponse les étonna encore davantage, mais elles n'y comprenaient rien. Comme elles avaient coutume, lorsqu'un enfant était malade, de le porter à leurs voisines pour savoir si elles n'avaient point quelque remède à son mal, une de ces barbares lui apporta un jour son fils et lui demanda si elle ne savait point un moyen pour le guérir. Elle lui dit qu'elle n'en savait point de naturel, mais que Jésus-Christ, son Seigneur et son Dieu, le pouvait faire, et qu'elle espérait qu'il ne lui refuserait point cette grâce. En effet, elle le prit, le mit sur le cilice qui lui servait de lit et par une fervente prière, elle le rendit à la santé.

Ce miracle fit grand bruit dans la ville. La reine, qui était extrêmement malade, en fut avertie, et elle envoya aussitôt chercher la captive pour recevoir d'elle le même bienfait ; mais cette sage Chrétienne refusant d'y aller par modestie et par humilité, la reine se fit porter dans sa chambre, où, s'étant couchée sur son cilice, elle guérit semblablement par sa prière.

Mirian III, premier roi chrétien d'Ibérie.
Fresque de la cathédrale de Mtskheta. Géorgie. Ve.

Notre sainte lui dit aussitôt que Jésus-Christ l'ayant guérie, elle devait croire en Lui si elle voulait éviter les peines éternelles préparées aux idolâtres et aux infidèles. Dès qu'elle fut retournée au palais, elle raconta au roi ce qui s'était passé, et ce prince voulant envoyer de grands présents à Chrétienne, en reconnaissance d'une grâce si considérable, la reine lui dit que la captive ne voulait ni or, ni argent, ni habits précieux, parce qu'elle aimait la pauvreté et les souffrances ; mais qu'elle demandait seulement que l'on reconnût Jésus-Christ pour vrai Dieu, et que l'on quittât la superstition de l'idolâtrie, qui n'est qu'un culte abominable des démons.

Le roi fit d'abord la sourde oreille à ces propositions ; mais étant allé à la chasse et s'y trouvant en grand danger de mort, il fit voeu, s'il en était délivré, d'embrasser la religion de la captive et de croire en Jésus-Christ. Sa délivrance suivit aussitôt son voeu ; ainsi, étant retourné sain et sauf dans son palais, il fit appeler notre Sainte et lui demanda les avis nécessaires pour embrasser cette nouvelle religion. Elle lui expliqua nos mystères, selon les instructions qu'elle avait reçues dans l'Eglise et les lumières surnaturelles qui lui avaient été données dans l'oraison, et le pria de faire bâtir une église dont elle lui donna le plan. Il se rendit à tout ce qu'elle voulut, assembla son peuple avec les seigneurs de son Etat, leur fit la proposition de tout ce qu'il avait appris d'une si sainte femme, leur rapporta les miracles que Jésus-Christ avait déjà faits par son moyen, et les exhorta comme un apôtre à quitter les erreurs où il avait vécu jusqu'alors, pour reconnaître la vérité d'un seul Dieu.

Cathédrale de Mtskheta. Géorgie. IVe-Xe.

La reine, de son côté, et notre sainte, prêchèrent les femmes d'une manière très forte et très touchante. Ainsi, tout le monde convint qu'il fallait embrasser le Christianisme, détruire les idoles et leurs temples et bâtir une église où on adorerait Notre Seigneur Jésus-Christ. Le roi et la reine s'appliquèrent avec un grand zèle à cette construction, où il arriva que l'enceinte des murs étant faite et deux colonnes déjà placées sur leur base et leur piédestal, la troisième devint tellement immobile, que ni les hommes, ni les boeufs ne la purent jamais remuer ; mais la nuit, à la prière de la captive, elle s'éleva d'elle-même au-dessus de sa base, de telle sorte, néanmoins, qu'elle était suspendue en l'air à un pied au-dessus de son assiette. Le matin, tout le monde fut témoin de cette merveille, et l'on vit la colonne descendre peu à peu au lieu où elle devait être placée. Les Ibériens ayant vu ce nouveau miracle, furent parfaitement confirmés dans la foi. Le roi, par le conseil de  sainte Chrétienne, envoya des ambassadeurs à Constantin pour avoir un évêque et des prêtres, et il obtint ce qu'il demandait, avec de grands honneurs que l'empereur lui fit de son propre mouvement. Il se fit baptiser avec tout son peuple, et se maintint toute sa vie dans le zèle ardent qu'il avait pour la religion chrétienne.

Quant à notre bienheureuse captive, elle continua jusqu'à la mort la vie sainte qu'elle avait menée parmi ces peuple, et elle les confirma toujours de plus en plus dans la foi par ses paroles et ses miracles. Enfin, Notre Père des Cieux, le Grand Père de famille l'appela dans le ciel pour la récompenser des services qu'elle lui avait rendus sur la terre, et tout le pays l'honora depuis comme une sainte.

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jeudi, 14 décembre 2023

14 décembre. Saint Nicaise, archevêque de Reims, martyr. 407.

- Saint Nicaise, archevêque de Reims, martyr. 407.

Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius. Roi des Francs : Théodomir.

" Un pasteur véritable doit travailler jusqu'à l'effusion de son sang plutôt que d'abandonner le troupeau de Jésus-Christ."
Saint Athanase.


Martyre de saint Nicaise. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Les Eglises du nord de la Gaule, quoique parvenues assez tard à une existence officielle, s'étaient bien vite dédommagées.

Chaque jour qui s'écoulait, dit M. Kurth, marquait un progrès pour les chrétientés de la Gaule du nord. Bientôt elle fut à même de payer sa dette aux Eglises du midi. C'est un enfant de Toul, saint Honorat, qui alla fonder, en 405, cet illustre monastère de Lérins, foyer de la vie monastique en Gaule et pépinière de l'épiscopat gaulois. C'est un fils de Trèves, Salvien, qui brilla au premier rang des écrivains ecclésiastiques du cinquième siècle, et dont la pathétique éloquence n'a pas vieilli pour l'histoire. C'est à Trèves encore, dans la société du saint prêtre Banosus, que se développa la vocation religieuse de saint Jérôme ; et si on se rappelle que cette ville a eu pour professeur Lattante et pour élève Ambroise, on trouvera que l'Eglise de Belgique n'a pas été inutile à l'Eglise universelle.

On ne comprendrait pas bien le grand rôle réservé à cette Eglise dans l'histoire de la jeunesse du monde moderne, si à l'étude de sa vie intime on n'ajoutait celle de ses organismes essentiels. Comme l'Eglise universelle elle-même, l'Eglise des Gaules alors était une fédération de diocèses reliés entre eux par la communion, par les assemblées conciliaires et par l'obéissance à l'autorité du Souverain Pontife. En dehors de ce triple et puissant élément d'unité, toute son activité et toute sa vie résidaient dans les groupes diocésains.

Chaque diocèse était comme une monarchie locale dont l'évêque était le chef religieux et tendait à devenir le chef temporel. Chef religieux, il était la source de l'autorité, le gardien de la discipline, le dispensateur des sacrements, l'administrateur de la charité, le protecteur-né de tout ce qui était pauvre, faible, souffrant ou abandonné. Chacune de ces attributions concentrait dans ses mains une somme proportionnée d'autorité et d'influence. L'Etat lui-même avait reconnu et affermi cette influence en accordant à l'épiscopat les deux grands privilèges qui lui garantissaient l'indépendance : je veux dire l'exemption des charges publiques et la juridiction autonome. Les constitutions lui accordaient même une part d'intervention dans la juridiction séculière, chaque fois qu'une cause touchait particulièrement à la morale ou au domaine religieux.


Saint Nicaise. Petites heures de Jean de Berry. XIVe.

La confiance du peuple allait plus loin. N'ayant plus foi dans les institutions civiles, ils s'habituèrent à confier la défense de tous leurs intérêts aux autorités ecclésiastiques. Ils ne se préoccupèrent pas de faire le départ du spirituel et du temporel : ils donnèrent tous les pouvoirs à qui rendait tous les services. Sans l'avoir cherché, en vertu de sa seule mission religieuse et grâce à l'affaiblissement de l'Etat, les évêques se trouvèrent chargés du gouvernement de leur côté, c'est-à-dire de leurs diocèses Gouverneurs sans mandat officiel, il est vrai, mais d'autant plus obéis que tout ce qui avait un caractère officiel inspirait plus de défiance et d'aversion, ils furent, en Gaule surtout, les bons génies du monde agonisant. Ils fermèrent les plaies que l'Etat ouvrait ; ils firent des prodiges de dévouement et de charité. Les évêques, dit un historien protestant parlant de la Gaule pratiquèrent alors la bienfaisance dans des proportions que le monde n'a peut-être jamais revues.

Telle était la situation lorsque éclata la catastrophe de 406. Ce fut un coup terrible pour les chrétientés de la Gaule septentrionale. Nous ne savons que peu de chose de ces jours pleins de troubles et de terreurs, où l'histoire même se taisait, comme écrasée par l'immensité des souffrances qu'il eût fallu enregistrer. Même les quelques souvenirs qu'en ont gardés les peuples ont été brouillés et, confondus avec celui de l'invasion hunnique, arrivée un demi-siècle plus tard. Un seul des épisodes consignés par l'hagiographie peut être rapporté avec certitude aux désastres de 406 ; il s'agit de la mort du vénérable pontife de Reims, saint Nicaise, égorgé par les Vandales au milieu de son troupeau qu'il n'avait pas voulu abandonner.

Que les combats fameux du bienheureux Nicaise, évêque de Reims et martyr du Christ, dont nous célébrons le triomphe, et de sa sainte soeur Entropie, dont nous admirons l'intrépidité et la pudeur, nous soient propices en ce jour où nous attendons joyeux les consolations que leurs prières et leurs mérites nous obtiendront. Tandis qu'ils luttaient encore sur cette terre au service du Christ, ils la remplirent des heureux exemples de leur sainteté.


Missel à l'usage de l'abbaye Saint-Nicaise de Reims.

Elevés maintenant sur les sièges célestes, le souvenir de ce qu'ils furent nous instruit encore, et ils protègent certainement par leurs prières continuelles ceux qui s'efforcent attentivement d'atteindre la perfection, les sauvegardant des dangers présents, passés et futurs. La bienheureuse vierge Entropie suivait infatigable et sans faiblir son très saint frère qu'elle imitait et aidait, afin d'en recevoir la protection pour sa chasteté, et afin que, débarrassée des souillures de l'esprit, elle servît Dieu en toute la pureté et intégrité d'un corps défendu contre les plaisirs de la chair. Tous deux rendaient les hommages assidus de leur piété jusqu'au moment où éclatèrent les jours menaçants des persécutions.

Nicaise, le véritable serviteur de Dieu, cultivait avec vigueur le champ qui lui avait été confié et, se conformant au précepte de l'Apôtre, il prodiguait à temps et à contre-temps, par l'effusion de la parole de Dieu, les semailles qu'il avait le devoir de répandre.

Mais, comme le dit la parole divine, telle partie tombe sur la route, telle autre sur les pierres et les terrains arides, telle dans les épines, telle enfin dans une terre préparée, et celle-ci rend une moisson abondante. Ainsi parmi les hommes il y a un grand nombre d'appelés, mais peu d'élus ; il s'en trouva plusieurs qui suivirent le Christ en sa compagnie et, remplis du Saint-Esprit, se préparèrent au martyre. Qu'est-ce donc qui a provoqué la colère divine à cet écrasement des Gaules qu'une révélation lui avait fait connaître avant qu'elle arrivât ? C'est alors qu il condamnait une richesse d'origine infâme, proclamant dans son angoisse la future destruction de la province amenée par l'excès du plaisir et la paresse de l'impuissance, lamentable maladie de l'âme, ou par la convoitise de l'avarice, passions qui enchaînent misérablement le coeur humain. L'évêque exhortait donc ses ouailles dont la conscience coupable l'inquiétait, prêt à mourir pour tous afin de détourner de tous la colère de Dieu ; il suppliait, l'esprit contrit et le coeur humilié, l'invincible clémence céleste afin que le glaive des hommes ne pénétrât pas jusqu'aux âmes, mais pour que, sauvés par la pénitence et la prière continuelle et la conscience renouvelée, ils reçussent le plein pardon, grâce à l'ineffable grandeur de la miséricorde divine.


Portail de saint Sixte ou portail des Saints. Saint Nicaise portant sa tête,
sainte Eutropie et un ange à l'encensoir. Cathédrale Notre-Dame de Reims.

Sous le règne des Césars païens qui persécutèrent les chrétiens depuis le temps des apôtres jusqu'à l'époque de Constantin, l'esprit malin s'efforça par les mille ruses de l'hérésie d'atteindre le dogme de la sainte Trinité et la foi chrétienne ; il ne cessera pas d'agir de même jusqu'à la fin des temps, trompant les fidèles par d'apparents rapprochements soucieux de tout perdre, de faire souffrir, de rompre et de réduire à néant l'unité de l'Eglise qui est dans le Christ. Après le baptême de Constantin et la fin de la persécution atroce commencée par son prédécesseur Dioclétien, la sainte Eglise de Dieu commença à retrouver peu à peu la paix ; à la faveur d'un repos bien désiré, elle s'étendit, s'enrichit et s'accrut de disciples et d'honneurs. Malheureusement l'Eglise de Gaule se laissa abuser par ces biens et, à l'instigation du démon, se livra au plaisir et à la bonne chère ; bientôt on ne rougit plus de délaisser la religion, de mettre en oubli les préceptes divins, de provoquer des scandales, des scissions, et d'offenser Dieu.

Et voilà que soudain, parmi tant de dissipations, s'émut la fureur de nations intraitables. La cohue des Vandales, vengeresse de l'offense faite à Dieu, se lance sur plusieurs provinces. Ces bandes, détruisant les villes de fond en comble, tuant tout le monde sans distinction, ne semblaient rechercher autre chose que de répandre le sang humain. Dans cette bourrasque, la Gaule se trouvait avoir de très illustres serviteurs de Dieu, saint Nicaise de Reims et saint Aignan d'Orléans, que leurs miracles et les dons qui les ornaient avaient fait connaître à tous. Ils avaient lutté longtemps par leurs prodiges et leurs prières à écarter la colère de Dieu, s'efforçant à éteindre les hérésies et l'immoralité et à ramener les peuples au Roi-Dieu par la pénitence, et de détourner de leurs peuples une pareille persécution. Ils poussaient leurs fidèles par leurs prédications et par tout ce qu'ils tentaient à revenir à la pénitence, à la patience et au martyre, afin que ceux qu'une funeste prospérité avait conduits au péché trouvassent dans l'adversité non le jugement de condamnation, mais la grâce du pardon et l'occasion du salut. L'armée des Vandales vint donc camper sous les murs de Reims ; presque tout le monde s'était enfui ; ils ne songeaient cependant qu'à tuer ceux qui ne partageaient pas leur croyance.

Le dernier jour de ce pillage, comme les Vandales cherchaient de tous côtés et menaçaient gravement la ville, les citoyens terrifiés vinrent trouver Nicaise, qui priait à genoux, le suppliant de les consoler et de dire ce qu'ils avaient à faire de mieux, ou se livrer en esclavage aux barbares, ou combattre jusqu'à la mort pour sauver la ville. Entendant cela, Nicaise, à qui une révélation avait faut connaître le sort réservé à la ville, répondit :
" Il faut combattre pour le salut, non par les armes, niais par les mœurs, non avec la confiance de la force, mais avec le soutien de ses vertus, non pas tant avec le corps qu'avec l'esprit. Nous savons que cette indignation a été amenée par le juste jugement de Dieu, aussi le seul conseil de salut que l'on puisse donner serait de s'humilier sous le châtiment divin, sans violence, comme des enfants de péché, mais avec patience, comme des enfants de prière, afin que nous puissions être appelés à bon droit et que nous soyons réellement enfants de Dieu. Acceptons ce péril en esprit d'expiation, offrons-nous pour obtenir le pardon et ne pas tomber pour nos péchés dans la peine éternelle, ainsi les misères présentes seront moins un tourment qu'un remède. En ce qui me concerne, je suis prêt, comme doit l'être le pasteur, à donner ma vie pour mes brebis, à mépriser la vie présente afin que vous receviez la vie éternelle qui a été promise. Prions donc instamment pour nos ennemis, sollicitons leur salut, demandons qu'ils se repentent de leurs crimes, afin que nous les voyions aimer et servir la vérité avec la même passion qu'ils ont apportée dans l'impiété."

Nicaise et sa soeur Entropie excitaient ainsi le peuple à affronter le martyre, et ils s'offraient eux-mêmes vaillamment, remettant à Dieu le soin de leur victoire. Ce fut sur ces entrefaites que l'invasion des barbares commença. Nicaise, rempli de la force de l'Esprit-Saint, accompagné d'Entropie, accourut sur le portail de la basilique de la Sainte-Vierge — qu'il avait bâtie lui-même pour son église cathédrale, car jadis la chaire épiscopale se trouvait dans l'église des Saints-Apôtres —, et ils entonnèrent des psaumes et des cantiques.


Martyre de saint Nicaise. Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.

Dès qu'il vit les gens armés qui approchaient, il commanda le silence d'un geste de la main et dit :
" Ô armes victorieuses, et plût à Dieu que ce fût pour le Christ, Ô force exécutive des volontés divines, pourquoi, contrairement à la nature de la condition humaine, changez-vous votre victoire en rage ? Le droit des vainqueurs était jadis ainsi résumé : Epargner les humbles, combattre les puissants. Voici donc une foule de chrétiens humbles et pieux, prosternés devant son Dieu en votre présence, qui attend, obéissante jusqu'à la mort, la rémission de ses péchés dans le lieu même où elle fut régénérée. Tandis que le temps est favorable et que durent encore les jours de salut, faites vous-mêmes pénitence pour vos péchés, reconnaissant le vrai Dieu dont vous satisfaites à l'indignation en corrigeant les fils de sa miséricorde, qui chaque jour perdent la vie à cause de vous, de peur que sa colère qui vaut à ses fils la correction pour le salut, ne soit pour vous le paiement dans la damnation éternelle. Si vous rejetez la vérité, et que vous tuez mes brebis, prenez-moi à leur place, offrez à la majesté divine le sacrifice de mon corps, afin que le pasteur mérite d'être trouvé digne de la récompense céleste, ainsi que ses brebis."

Là-dessus Nicaise se prosterna avec sa soeur et chanta d'une voix forte :
" Mon âme a été comme attachée à la terre."
Un violent coup d'épée trancha dans son gosier le verset commencé, mais ses lèvres achevèrent de murmurer :
" Seigneur, vivifie-moi selon ta parole."

Sainte Eutropie, voyant autour d'elle la fureur s'adoucir et redoutant que sa beauté ne la destinât aux plaisirs des païens, sauta sur l'assassin en criant :
" Hélas ! Méchant tyran, tu as fait mourir de tes mains indignes un grand serviteur de Dieu et tu me réserves pour abuser de moi. Le jugement de Dieu te damnera pour t'en punir."
Et pour le provoquer, elle bondit, lui arracha les paupières et les yeux, et à l'instant même elle fut percée par des épées, qu'elle préférait aux attouchements des païens. Son sang se répandit et elle recueillit avec son frère la palme du martyre.

Les païens, furieux de l'audace et de la constance de la vierge et confondus du châtiment soudain de l'assassin de Nicaise, changeant l'indulgence qui les avait poussés à l'épargner, lui firent subir d'odieux outrages.

Le meurtre fini, les habitants massacrés, une terreur subite envahit les persécuteurs. Comme si les armées célestes étaient venues venger un crime si atroce, on entendit un bruit insolite et énorme dans l'église ; l'ennemi affolé perdit son arrogance ; ce fut un sauve-qui-peut général dans les montagnes, sur les routes ; il abandonna son butin et on ne le revit plus.

La ville demeura longtemps déserte, les chrétiens ayant fui dans la montagne par crainte des barbares ; mais les corps des martyrs étaient gardés par les anges ; la nuit, on voyait de très loin leur céleste lueur et beaucoup de gens les entendirent chanter. Cependant les habitants, réconfortés par des révélations divines, revinrent dans la ville ensevelir les corps des saints martyrs dont l'odeur exquise les guidait. Mêlant la joie aux larmes et chantant des hymnes lugubres, ils enterrèrent les martyrs avec respect dans des lieux consacrés à cet effet autour de la ville. Et tout ceci arriva afin que la force sacerdotale invincible, éprouvée durement, fût glorifiée et la négligence criminelle du peuple reçût son juste traitement, et expiée par l'effusion du sang, fût effacée.

Les corps de Nicaise et d'Eutropie furent inhumés dans le cimetière de Saint-Agricola, sur la route qui est à l'est de la ville, dans le temple fameux construit jadis par le préfet Jovinus, afin que l'on vît le dessein providentiel qui avait voulu que ce temple tirât son lustre non de sa destination première, mais de la sainteté de ses hôtes. Ces corps s'y trouvent et ils sont glorifiés par de nombreux miracles.

Les gens de Reims possèdent là deux gages perpétuels d'intercession en leur faveur... Assurés par ces prières, souhaitons donc d'arriver aux joies désirables dont les bienheureux jouissent sans fin dans le Christ.

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mercredi, 13 décembre 2023

Mercredi des Quatre-Temps de l'Avent. 14 décembre 2022.

- Mercredi des Quatre-Temps de l'Avent.

" Prope est jam Dominus : venite, adoremus."
" Le Seigneur est déjà proche : venez, adorons-le."
Office du jour.


L'Annonciation. Francisco de Zurbarán. XVIe.

L'Eglise commence à pratiquer en ce jour le jeûne appelé des Quatre-Temps, lequel s'étend aussi au Vendredi et au Samedi suivants. Cette observance n'appartient point à l'économie liturgique de l'Avent : elle est une des institutions générales de l'Année Ecclésiastique. On peut la ranger au nombre des usages qui ont été imités de la Synagogue par l'Eglise ; car le prophète Zacharie parle du Jeûne du quatrième, du cinquième, du septième et du dixième mois. L'introduction de cette pratique dans l'Eglise chrétienne semble remonter aux temps apostoliques ; c'est du moins le sentiment de saint Léon, de saint Isidore de Séville, de Rhaban Maur et de plusieurs autres écrivains de l'antiquité chrétienne: néanmoins, il est remarquable que les Orientaux n'observent pas ce jeûne.

Dès les premiers siècles, les Quatre-Temps ont été fixés, dans l'Eglise Romaine, aux époques où on les garde encore présentement ; et si l'on trouve plusieurs témoignages des temps anciens dans lesquels il est parlé de Trois Temps et non de Quatre, c'est parce que les Quatre-Temps du printemps, arrivant toujours dans le cours de la première semaine de Carême, n'ajoutent rien aux observances de la sainte Quarantaine déjà consacrée à une abstinence et à un jeûne plus rigoureux que ceux qui se pratiquent dans tout autre temps de l'année.

Les intentions du jeûne des Quatre-Temps sont les mêmes dans l'Eglise que dans la Synagogue : c'est-à-dire de consacrer par la pénitence chacune des saisons de l'année. Les Quatre-Temps de L'Avent sont connus, dans l'antiquité ecclésiastique, sous le nom de Jeûne du dixième mois ; et saint Léon nous apprend, dans un des Sermons qu'il nous a laissés sur ce jeûne, et dont l'Eglise a placé un fragment au second Nocturne du troisième dimanche de l'Avent, que cette époque a été choisie pour une manifestation spéciale de la pénitence chrétienne, parce que c'est alors que la récolte des fruits de la terre étant terminée, il convient que les chrétiens témoignent au Seigneur leur reconnaissance par un sacrifice d'abstinence, se rendant d'autant plus dignes d'approcher de Dieu, qu'ils sauront dominer davantage l'attrait des créatures.


Vision de saint Léon. Legenda aurea. Bx J. de Voragine.
R. de Monbaston. XIVe.

" Car, ajoute le saint Docteur, le jeûne a toujours été l'aliment de la vertu. Il est la source des pensées chastes, des résolutions sages, des conseils salutaires. Par la mortification volontaire, la chair meurt aux désirs de la concupiscence, l'esprit se renouvelle dans la vertu. Mais parce que le jeûne seul ne nous suffit pas pour acquérir le salut de nos âmes, suppléons au reste par des œuvres de miséricorde envers les pauvres. Faisons servir la vertu ce que nous retrancherons au plaisir ; et que l'abstinence de celui qui jeûne devienne la nourriture de l'indigent."

Prenons notre part de ces avertissements, nous qui sommes les enfants de la sainte Eglise ; et puisque nous vivons à une époque où le jqoeûne de l'Avent n'existe plus, portons-nous avec d'autant plus de ferveur à remplir le précepte des Quatre-Temps, que ces trois jours, en y joignant la Vigile de Noël, sont les seuls auxquels la discipline actuelle de l'Eglise nous enjoigne d'une manière précise, en cette saison, l'obligation du jeûne.

Ranimons en nous, à l'aide de ces légères observances, le zèle des siècles antiques, nous souvenant toujours que si la préparation intérieure est surtout nécessaire pour l'Avènement de Jésus-Christ dans nos âmes, cette préparation ne saurait être véritable en nous, sans se produire à l'extérieur par les pratiques de la religion et de la pénitence.


L'Annonciation. Jan van Eyck. XVe.

Le jeûne des Quatre-Temps a encore une autre fin que celle de consacrer, par un acte de piété, les diverses saisons de l'année ; il a une liaison intime avec l'Ordination des Ministres de l'Eglise, qui reçoivent le samedi leur consécration, et dont la proclamation avait lieu autrefois devant le peuple à la Messe du Mercredi. Dans l'Eglise Romaine, l'Ordination du mois de Décembre fut longtemps célèbre ; et il paraît, par les anciennes Chroniques des Papes, que, sauf les cas tout à fait extraordinaires, le dixième mois fut, durant plusieurs siècles, le seul où l'on conférât les saints Ordres à Rome. Les fidèles doivent s'unir aux intentions de l'Eglise, et présenter à Dieu l'offrande de leurs jeûnes et de leurs abstinences, dans le but d'obtenir de dignes Ministres de la Parole et des Sacrements, et de véritables Pasteurs du peuple chrétien.

En l'Office des Matines, l'Eglise ne lit rien aujourd'hui du prophète Isaie ; elle se contente de rappeler le passage de l'Evangile de saint Luc dans lequel est racontée l'Annonciation de la Sainte Vierge, et lit ensuite un fragment du Commentaire de saint Ambroise sur ce même passage.

Le choix de cet Evangile, qui est le même que celui de la Messe, selon l'usage de toute l'année, a donné une célébrité particulière au Mercredi de la troisième semaine de l'Avent. On voit, par d'anciens Ordinaires à l'usage de plusieurs Eglises insignes, tant Cathédrales qu'Abbatiales, que l'on transférait les fêtes qui tombaient en ce Mercredi ; qu'on ne disait point ce jour-là, à genoux, les prières fériales ; que l'Evangile Missus est, c'est-à-dire de l'Annonciation, était chanté à Matines par le Célébrant revêtu d'une chape blanche, avec la croix, les cierges et l'encens, et au son de la grosse cloche ; que, dans les Abbayes, l'Abbé devait une homélie aux Moines, comme aux fêtes solennelles. C'est même à cet usage que nous sommes redevables des quatre magnifiques Sermons de saint Bernard sur les louanges de la Sainte Vierge, et qui sont intitulés : Super Missus est.


Vision de saint Bernard.
Pietro di Cristoforo Vannucci : Le Pérugin. XVIe.

Fin de la première homélie Super Missus est de saint Bernard :

[...] Ô homme, apprends à obéir, terre et poussière apprends à plier et à te soumettre. En parlant de ton Créateur, l'Evangéliste dit : " et il leur était soumis ", c'est-à-dire à Marie et à Joseph. Rougis donc, Ô cendre orgueilleuse ! Un Dieu s'abaisse et toi tu t'élèves ! Un Dieu se soumet aux hommes, et toi, non content de dominer tes semblables, tu vas jusqu'à te préférer à ton Créateur ? Ah ! Pussé-je, si jamais je suis dans ces dispositions, avoir la grâce que Dieu lui-même me dise comme il le fit un jour, mais sur le ton du reproche, à son Apôtre :
" Retirez-vous de moi, Satan, car vous ne goûtez point les choses de Dieu." (Matth., XVI, 23).

En effet, toutes les fois que j'ambitionne de commander aux hommes, je veux m'élever au dessus de Dieu même, et il est vrai de dire alors que je ne goûte point les choses de Dieu, car c'est de lui qu'il est dit : " et il leur était soumis ". Ô homme, si tu ne trouves pas qu'il soit digne de toi de prendre modèle sur un de tes semblables, certainement il l'est de marcher du moins sur les pas de ton Créateur. Si tu ne peux le suivre partout où il va, daigne au moins le suivre partout oit il condescend à ta bassesse. C'est-à-dire si tu ne peux t'engager dans les sentiers élevés de la virginité, suis au moins Dieu dans les voies parfaitement sûres de l'humilité, dont les vierges mêmes ne peuvent s'écarter, à vrai dire, et continue de suivre l'Agneau partout où il va. Sans doute, celui qui a perdu son innocence, s'il est humble ; l'orgueilleux s'il a conservé sa pureté, suivent l'Agneau ; mais ils ne le suivent point partout où il va.

En effet, le premier ne peut s'élever à la pureté de l'Agneau sans tache, et le second ne saurait descendre à la douceur de Celui qui a gardé le silence, non-seulement devant celui qui le dépouillait de sa toison, mais même sous la main de celui qui le mettait à mort. Toutefois, le pécheur a pris, pour marcher sur ses pas, en suivant les sentiers de l'humilité, un chemin plus sûr que l'homme qui, dans sa virginité, suit les voies de l'orgueil, car l'humilité de l'un le purifiera de ses souillures, tandis que l'orgueil de l'autre ne peut manquer de souiller sa pureté.

Mais heureuse est Marie, à qui ni l'humilité ni la virginité n'ont fait défaut. Et quelle virginité que celle que la fécondité a rendue plus éclatante au lieu de la flétrir. De même quelle incomparable fécondité que celle que la virginité et l'humilité accompagnent. Y a-t-il là quelque chose qui ne soit point admirable ? Qui ne soit point incomparable ? Qui ne soit point unique ? Je serais bien surpris si vous n'étiez embarrassé pour décider en y réfléchissant lequel des deux est le plus étonnant de voir une vierge féconde ou une mère demeurant vierge ; et ce qu'on doit plus admirer de cette sublime fécondité ou de cette humilité dans une elle élévation ; ou plutôt si vous ne préfériez sans hésiter toutes ces choses réunies, à chacune d'elles en particulier, et si vous ne regardiez comme incomparablement meilleur et préférable de les posséder toutes, que de ne posséder que l'une ou l'autre d'elles.

Après tout je serais bien surpris si le Dieu que les saintes Lettres nous montrent et que nous voyons nous-mêmes admirable dans ses saints (Psalm., LXVII, 36), ne s'était pas surpassé dans sa mère. Ô vous qui êtes mariés, respectez la pureté dans une chair corruptible ; mais vous, Ô vierges sacrées, admirez la fécondité dans une Vierge : enfin nous tous ô hommes admirons l'humilité de la Mère de Dieu. Anges saints, honorez la Mère de votre Roi, vous qui adorez le Fils de notre Vierge, qui est en même temps notre roi et le vôtre, le réparateur de notre race et l'architecte de votre cité. A ce Dieu si humble parmi nous si grand au milieu de vous, rendons également les uns et les autres les hommages qui lui sont dus. Honneur et gloire soient rendus à sa grandeur, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il."


Vision de saint Léon. Ta'amra Mâryâm. Ethiopie. XVIIe.

Rappels sur le jeûne et l'abstinence :

Le jeûne :
C'est ne faire qu'un repas complet par jour. On peut prendre une légère collation, le matin et le soir.

L'abstinence :
C'est s'abstenir de viande et de jus de viande.

Aliments défendus :
- La viande, les produits laitiers, les oeufs, bien sûr les friandises et ces choses dont nul n'a besoin pour vivre.
- Pas d'alcool non plus en ce jour béni, ni de ces boissons sucrées dont nul n'a besoin pour vivre.

Repas conseillé :
- Eau, pain, soupe.

Jours de jeûne et d'abstinence :
- Obligatoires (de 21 à 60 ans) sous peine de péché mortel : mercredi des Cendres, vendredi Saint, vigile de l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie (7 décembre), Vigile de Noël (24 décembre).
- Outre ces 4 jours, l'Eglise désire que tous ceux qui le peuvent observent l'ancienne discipline : jeûne tous les jours du Carême (du mercredi des Cendres au samedi Saint, sauf les dimanches) ; les jours des Quatre-Temps ; les vigiles de la Pentecôte et de la Toussaint.

Jours d'abstinence :
- Obligatoire (dès l'âge de 7 ans) sous peine de péché mortel : tous les vendredis de l'année.
- Outre les vendredis, l'Eglise désire que tous ceux qui le peuvent observent l'ancienne discipline : abstinence les samedis de Carême, les jours des Quatre-Temps, les vigiles de la Pentecôte et de la Toussaint.

Le jeûne eucharistique :
Avec la Sainte Communion, il est obligatoire de s'abstenir, sous peine de péché mortel :
- pendant 3 heures, de toute nourriture solide et de toute boisson alcoolisée,
- pendant 1 heure, de toute boisson non alcoolisée..
L'eau et les vrais médicaments peuvent être pris sans limite de temps.

Par respect pour le Saint Sacrement, l'Eglise désire que tous ceux qui le peuvent observent l'ancienne discipline : ne rien manger ni boire depuis minuit.

" Si vous m'aimez, gardez mes commandements." (Saint Jean, XIV,15.).

Extraits du catéchisme de Saint Pie X :

Q. Que nous ordonne le second précepte de l’Eglise par les mots : Jeûner aux jours commandés ?
R. Le second précepte de l’Eglise par les mots : Jeûner aux jours commandés nous ordonne de jeûner :
1. pendant le Carême ;
2. à certains jours de l’Avent, là où le jeûne est prescrit ;
3. aux Quatre-Temps ;
4. à certaines vigiles.

Q. En quoi consiste le jeûne ?
R. Le jeûne consiste à ne faire qu’un seul repas par jour et à s’abstenir des aliments défendus.

Q. Aux jours de jeûne, peut-on faire le soir une petite collation ?
R. Par une condescendance de l’Eglise on peut, les jours de jeûne, faire le soir une petite collation.

Q. A quoi sert le jeûne ?
R. Le jeûne sert à mieux nous préparer à la prière, à faire pénitence des péchés commis, et à nous préserver d’en commettre de nouveaux.

Q. Qui est obligé au jeûne ?

R. Sont obligés au jeûne tous les chrétiens qui ont vingt-et-un ans accomplis, et qui ne sont ni dispensés ni excusés par un empêchement légitime.

Q. Ceux qui ne sont pas obligés au jeûne sont-ils absolument dispensés de toute mortification ?

R. Ceux qui ne sont pas obligés au jeûne ne sont pas absolument dispensés de toute mortification, parce que nous sommes tous obligés à faire pénitence.

Q. Dans quel but a été institué le jeûne de l’Avent ?
R. Le jeûne de l’Avent a été institué pour nous disposer à célébrer saintement la fête de Noël.

Q. Dans quel but a été institué le jeûne des quatre-temps ?
R. Le jeûne des quatre-temps a été institué :
- pour consacrer chaque saison de l’année par une pénitence de quelques jours ;
- pour demander à Dieu la conservation des fruits de la terre ;
- pour le remercier des fruits qu’il nous a déjà donnés ;
- pour le prier de donner à son Eglise de saints ministres, dont l’ordination est faite les samedis des quatre-temps.

Q. Dans quel but a été institué le jeûne des vigiles ?
R. Le jeûne des vigiles a été institué pour nous préparer à célébrer saintement les fêtes principales.

Q. Qu’est-ce qui nous est défendu le vendredi, et les samedis où il n’y a pas de dispense ?

R. Le vendredi et les samedis où il n’y a pas de dispense, il nous est défendu de manger de la viande, sauf en cas de nécessité.

Q. Pourquoi l’Eglise a-t-elle voulu que nous nous abstenions ces jours-là de manger de la viande ?

R. Afin que nous fassions pénitence chaque semaine, et surtout le vendredi en l’honneur de la Passion, et le samedi en souvenir de la sépulture de Jésus-Christ, et en l’honneur de la très sainte Vierge Marie.

13 décembre. Sainte Lucie de Syracuse, vierge et martyre. 303.

- Sainte Lucie, vierge et martyre. 303.

Pape : Saint Marcelin. Empereur romain d'Occident : Maximien Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.

" Je ne m'étonne point que Lucie, pour acquérir le trésor inestimable que promet l'Evangile, se défasse sans regret des fragiles trésors d'une fortune périssable."
Hugues Vaillant. Fasti sacri.
 

Sainte Lucie. Francisco de Zurbaran. XVIe - XVIIe.

Voici la quatrième de nos Vierges sages, la vaillante Lucie. Son nom glorieux étincelle au sacré Diptyque du Canon de la Messe, à côté de ceux d'Agathe, d'Agnès et de Cécile ; mais, dans les jours de l'A vent, le nom de Lucie annonce la Lumière qui approche, et console merveilleusement l'Eglise. Lucie est aussi une des trois gloires de la Sicile chrétienne ; elle triomphe à Syracuse, comme Agathe brille à Catane, comme Rosalie embaume Palerme de ses parfums. Fêtons-la donc avec amour, afin qu'elle nous soit en aide en ce saint temps, et nous introduise auprès de Celui dont l'amour l'a rendue victorieuse du monde. Comprenons encore que si le Seigneur a voulu que le berceau de son Fils parût ainsi entouré d'une élite de Vierges, et s'il ne s'est pas contenté d'y faire paraître des Apôtres, des Martyrs et des Pontifes, c'est afin qu'au milieu de la joie d'un tel Avènement, les enfants de l'Eglise n'oublient pas d'apporter à la crèche du Messie, avec la foi qui l'honore comme le souverain Seigneur, cette pureté du cœur et des sens que rien ne saurait remplacer dans ceux qui veulent approcher de Dieu. Lisons maintenant les Actes glorieux de la Vierge Lucie.

Lucie vient de Lux, lumière. La lumière en effet est belle à voir, parce que, selon saint Ambroise, la lumière est naturellement gracieuse à la vue. Elle se répand ; sans se salir, quelque souillés que soient les lieux où elle se projette. Ses rayons suivent une ligne sans la moindre courbe, et elle traverse une étendue immense sans mettre aucune lenteur. Par où l’on voit que la bienheureuse vierge Lucie brille de l’éclat de la virginité, sans la plus petite souillure, elle répand la charité sans aucun mélange d'amour impur: elle va droit à Dieu sans le moindre détour ; elle n'apporte aucune négligence à suivre dans toute son étendue la voie qui lui est tracée par l’opération divine. Lucie peut encore signifier Chemin de Lumière, Lucis, via.
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Retable de sainte Lucie. Musée de Contes.

Lucie, vierge de Syracuse, noble d'origine ; entendant parler, par toute la Sicile, de la célébrité de sainte Agathe, alla à son tombeau avec sa mère Euthicie qui, depuis quatre ans, souffrait, sans espoir de guérison, d'une perte de sang. Or, à la messe, on lisait l’évangile où l’on raconte que Notre Seigneur Jésus-Christ guérit une femme affligée de la même maladie. Lucie dit alors à sa mère :

" Si vous croyez ce qu'on lit, croyez que Agathe jouit toujours de la présence de celui pour lequel elle a souffert. Si donc vous touchez son tombeau avec foi, aussitôt vous serez radicalement guérie."
 

Sainte Lucie au tombeau de sainte Agathe.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.

Quand toute l’assistance se fut retirée, la mère et la fille restèrent en prières auprès du tombeau ; le sommeil alors s'empara de Lucie, et elle vit Agathe entourée d'anges, ornée de pierres précieuses ; debout devant elle et lui disant :

" Ma soeur Lucie, vierge toute dévouée à Dieu, que demandez-vous de moi que Vous né puissiez vous-même obtenir à l’instant pour votre mère ? Car elle vient d'être guérie par votre foi."
Et Lucie qui s'éveilla dit :
" Mère, vous êtes guérie. Or, je vous conjure, au nom de celle qui vient d'obtenir votre guérison par ses prières, de ne pas me chercher d'époux; mais tout ce que vous deviez me donner en dot, distribuez-le aux pauvres.
- Ferme-moi les yeux auparavant, répondit la mère, et alors tu disposeras de ton bien comme tu voudras."
Lucie lui dit :
" En mourant, si vous donnez quelque chose c'est parce que tous ne pouvez l’emporter avec vous : donnez-le-moi tandis que vous êtes en vie, et vous en serez récompensée."
 

Panneau de la légende de sainte Lucie.
Maître de la légende de sainte Lucie. Bruges. XVe.

Après leur retour on faisait journellement des biens une part qu'on distribuait aux pauvres. Le bruit du partage de ce patrimoine vint aux oreilles du fiancé, et il en demanda le motif à la nourrice. Elle eut la précaution de lui répondre que sa fiancée avait trouvé une propriété de plus grand rapport, qu'elle voulait acheter à son nom ; c'était le motif pour lequel on la voyait se défaire de son bien. L'insensé, croyant qu'il s'agissait d'un commerce tout humain, se mit à faire hausser lui-même la vente. Or, quand tout fut vendu et donné aux pauvres, le fiancé traduisit Lucie devant le consul Pascasius : il l’accusa d'être chrétienne et de violer les édits des Césars. Pascasius l’invita à sacrifier aux idoles, mais elle répondit :

" Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est de visiter les pauvres, de subvenir à leurs besoins, et parce que je n'ai plus rien à offrir, je me donne moi-même pour lui être offerte."
Pascasius dit :
" Tu pourrais bien dire cela à quelque chrétien insensé, comme toi, mais à moi qui fais exécuter les décrets des princes, c'est bien inutile de poursuivre.
- Toi, reprit Lucie, tu exécutes les lois de tes princes, et moi j'exécute la loi de mon Dieu. Tu crains les princes, et moi je crains Dieu. Tu ne voudrais pas les offenser et moi je me garde d'offenser Dieu. Tu désires leur plaire et moi je souhaite ardemment de plaire à Notre Seigneur Jésus-Christ. Fais donc ce que tu juges te devoir être utile, et moi je ferai ce que je saurai m’ètre profitable."
Pascasius lui dit :
" Tu as dépensé ton patrimoine avec des débauchés, aussi tu parles comme une courtisane.
- J'ai placé, reprit Lucie, mon patrimoine en lieu sùr, et je suis loin de connaître ceux qui débauchent l’esprit et le corps."
Pascasius lui demanda :
" Quels sont-ils ces corrupteurs ?"
Lucie reprit :
" Ceux qui corrompent l’esprit, c'est vous qui conseillez aux âmes d'abandonner le créateur. Ceux qui corrompent le corps, ce sont ceux qui préfèrent les jouissances corporelles aux délices éternelles.
- Tu cesseras de parler, reprit Pascasius, lorsqu'on commencera à te fouetter.
- Les paroles de Dieu, dit Lucie, n'auront jamais de fin.
- Tu es donc Dieu, repartit Pascasius.
- Je suis, répondit Lucie, la servante du Dieu qui a dit : " alors que vous serez en présence des rois et des présidents, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, ce ne sera pas vous qui parlez, mais l’Esprit parlera en vous."
 

Sainte Lucie. Eglise Sainte-Agathe. Brescia. Italie.

Pascasius reprit :

" Alors tu as l’esprit saint en toi ?
- Ceux qui vivent dans la chasteté, dit Lucie, ceux-là sont les temples du Saint-Esprit."
- Alors, dit Pascasius je vais te faire conduire dans un lieu de prostitution, pour que tu y subisses le viol, et que tu perdes l’esprit saint.
- Le corps, dit Lucie, n'est corrompu qu'autant que le coeur y consent, car si tu me fais violer malgré moi, je gagnerai la couronne de la chasteté. Mais jamais tu ne sauras forcer ma volonté à y donner consentement. Voici mon corps, il est disposé à toutes sortes de supplices. Pourquoi hésites-tu ? Commence, fils du diable, assouvis sur moi ta rage de me tourmenter."
 

Sainte Lucie. Francisco de Zurbaran. XVIe - XVIIe.

Alors Pascasius fit venir des débauchés, en leur disant : " Invitez tout le peuple, et qu'elle subisse tant d'outrages qu'on vienne dire qu'elle en est morte."

Or, quand on voulut la traîner, le Saint-Esprit la rendit immobile et si lourde qu'on ne put lui faire exécuter aucun mouvement. Pascasius fit venir mille hommes et lui fit lier les pieds et les mains; mais ils ne surent la mouvoir en aucune façon. Aux mille hommes, il ajouta mille paires de bœufs, et cependant la vierge du Seigneur demeura immobile. Il appela des magiciens, afin que, par leurs enchantements, ils la fissent remuer, mais ce fut chose impossible.

Alors Pascasius dit :
" Quels sont ces maléfices ? une jeune fille ne saurait être remuée par mille hommes ?"
Lucie lui dit :
" Ce ne sont pas maléfices ; mais bénéfices de Notre Seigneur Jésus-Christ Et quand vous en ajouteriez encore dix mille, vous ne m’enverriez pas moins immobile."
Pascasius pensant, selon quelques rêveurs, qu'une lotion d'urine la délivrerait dit maléfice, il l’en fit inonder ; mais, comme auparavant, on ne pouvait venir à bout de la mouvoir, il en fut outré ; alors il fit allumer autour d'elle un grand feu. et jeter sur son corps de l’huile bouillante mêlée de poix et de résine.
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Scènes de la vie de sainte Lucie.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Après ce supplice, Lucie s'écria :

" J'ai obtenu quelque répit dans mes souffrances, afin d'enlever à ceux qui: croient la crainte des tourments, et à ceux qui ne croient pas, le temps de m’insulter."Les amis de Pascasius, le voyant fort irrité, enfoncèrent une épée dans la gorge de Lucie, qui, néanmoins, ne perdit point la parole :

" Je vous annonce, dit-elle, que la paix est rendue à l’Eglise, car Maximien vient de mourir aujourd'hui, et Dioclétien est chassé de son royaume : et de même que ma soeur Agathe a été établie la protectrice de la ville de Catane, de même j'ai été établie la gardienne de Syracuse."

Comme la vierge parlait ainsi, voici venir les ministres romains qui saisissent Pascasius, le chargent de chaînes et le mènent à César. César avait en effet appris qu'il avait pillé toute la province. Arrivé à Rome, il comparait devant le Sénat, est convaincu, et condamné à la peine capitale.

Quant à la vierge Lucie, elle ne fut pas enlevée du lieu où elle avait souffert, elle rendit l’esprit seulement quand les prêtres furent venus lui apporter le corps du Seigneur. Et tous les assistants répondirent : Amen.

Elle fut ensevelie dans cet endroit là même où on bâtit une église. Or, elle souffrit au- temps de Constantin et de Maxime, vers l’an de Notre Seigneur Jésus-Christ 310.
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Sainte Lucie. Francesco del Cossa. XVe.

PRIERES

Nous prenons dans l'Office de la Sainte quelques Antiennes, dont l'ensemble forme une oeuvre lyrique pleine de grâce et de fraîcheur :

" Sainte Lucie étant en prières, la bienheureuse Agathe lui apparut, et consolait la servante du Christ. Vierge Lucie, lui dit-elle, pourquoi me demandes-tu pour ta mère un secours que toi-même lui peux procurer ? A cause de toi, Vierge Lucie, la ville de Syracuse sera comblée de gloire par le Seigneur Jésus-Christ. Voix de Lucie : Je vous bénis, Ô Père de mon Seigneur Jésus-Christ, de ce que, par votre Fils, le feu qui m'environnait a été éteint. Dans ta patience, tu as possédé ton âme, Ô Lucie, Epouse du Christ ! tu as haï les choses du monde, et tu brilles avec les Anges : par ton propre sang, tu as vaincu l'ennemi."
 

Martyre de sainte Lucie. Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.

" Nous nous adressons à vous, Ô Vierge Lucie, pour obtenir la grâce de voir dans son humilité Celui que vous contemplez présentement dans la gloire : daignez nous accepter sous votre puissant patronage. Le nom que vous avez reçu signifie Lumière : soyez notre flambeau dans la nuit qui nous environne. Ô Lampe toujours brillante de la splendeur de virginité, illuminez nos yeux ; guérissez les blessures que leur a faites la concupiscence, afin qu'ils s'élèvent, au-dessus de la créature, jusqu'à cette Lumière véritable qui luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne comprennent point. Obtenez que notre œil purifié voie et connaisse, dans l'Enfant qui va naître, l'Homme nouveau, le second Adam, l'exemplaire de notre vie régénérée. Souvenez-vous aussi, Vierge Lucie, de la sainte Eglise Romaine et de toutes celles qui empruntent d'elle la forme du Sacrifice : car elles prononcent chaque jour votre doux nom à l'autel, en présence de l'Agneau votre Epoux, à qui il est agréable de l'entendre. Répandez vos bénédictions particulières sur l'île fortunée qui vous donna le jour terrestre et la palme de l'éternité. Maintenez-y l'intégrité de la foi, la pureté des moeurs, la prospérité temporelle, et guérissez les maux que vous connaissez."


Sainte Lucie et sainte Odile. Flandres. XVIe.
 
Rq : Nous fêtons aussi aujourd'hui sainte Odile - dont nous donnerons la notice prochainement. Ces deux grandes et héroïques saintes sont souvent associées dans le culte et la piété et donc dans l'iconographie.

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