dimanche, 14 juillet 2024
14 juillet. Saint Bonaventure, de l'ordre des Frères mineurs, cardinal-évêque d'Albano, docteur de l'Eglise. 1274.
- Saint Bonaventure, de l'ordre des Frères mineurs, cardinal-évêque d'Albano, docteur de l'Eglise. 1274.
Pape : Grégoire X. Roi de France : Philippe III le Hardi. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant. Roi d'Angleterre : Edouard Ier.
" Le Seigneur lui a ouvert la bouche au milieu de l'Eglise, et il l'a rempli de l'esprit de sagesse et d'intelligence."
Eccli. XV, 5.
Saint Bonaventure.
Saint Bonaventure d'après son vrai visage ;
Guérison de Jean de Fidenza par saint François d'Assise.
De là, le nom qui remplaça celui de Jean de Fidanza, On s'appliqua à entretenir en lui le souvenir de cette guérison et de la promesse qui l'avait précédée. En 1243, à l'âge de vingt-deux ans, il entra dans l'ordre des frères mineurs, autant pour répondre à l'appel de Notre Seigneur que pour accomplir le voeu de sa mère.
Bagnoreggio. Ville qui vit naître saint Bonaventure.
Il fut envoyé étudier à Paris, où les franciscains occupaient une des douze chaires de la faculté de théologie ; il y eut pour maître Alexandre de Hales, surnommé " Doctor irrefragabilis " et " Fons vitae " (mort en 1245). Ce maître, admirant l'innocence des moeurs de son élève, disait : " Il semble que le péché d'Adam n'a point passé dans Bonaventure ".
Jean de Rochelle remplaça Alexandre et lui-même fut remplacé par Bonaventure (1253). Trois ans auparavant, celui-ci avait déjà obtenu la permission de faire des leçons sur les Sentences de Pierre Lombard. C'est en 1254 qu'il fut reçu docteur.
St Bonaventure recevant la communion des mains d'un ange.
Bonaventure enseigna la philosophie et la théologie avec un succès égal a celui du dominicain saint Thomas d'Aquin. Il faut noter que quoique appartenant à des ordres rivaux et suivant des méthodes différentes, ces deux docteurs étaient unis par une amitié qu'aucun dissentiment ne troubla jamais.
Leurs succès et la prétention des ordres auxquels ils appartenaient de refuser, à raison de leurs privilèges, de se soumettre aux statuts de l'Université, émurent les professeurs séculiers. Guillaume de Saint-Amour attaqua l'institution même des ordres mendiants dans plusieurs traités, dont le plus important, " De periculis novissorum temporum ", composé en 1256, signale avec habileté et avec vigueur les dangers et les abus résultant de cette institution, qu'il ne nomme pourtant pas. Saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure répondirent ; la réponse de ce dernier est contenue dans les traités " Libellus apologeticus in eos qui ordini fratrum minorum adversantur et De paupertate Christi, adversus magis trum Guillelmum ".
Saint Bonaventure se signala aussi, et entre autres, par un combat aussi érudit qu'acharné, et toujours victorieux, contre les Avéroïstes et les Talmudistes.
Saint Bonaventure. Vittore Crivelli. XIVe.
En cette même année, saint Bonaventure, qui n'était encore âgé que de trente-cinq ans, fut élu général de son ordre en remplacement de Jean de Parme, qui l'avait désigné pour son successeur. S'empressant de tenir compte de quelques-uns des reproches de Guillaume de Saint-Amour, il écrivit à tous les supérieurs des franciscains (23 avril 1257), pour réclamer le retour à la règle, et ordonner de réprimer la cupidité, l'oisiveté et le vagabondage qu'on imputait aux frères ; dans une autre lettre, il réprimandait les religieux, à cause de leurs empiétements sur les droits des prêtres séculiers et de leurs obsessions auprès des malades pour obtenir des legs.
Cependant, malgré son mysticisme, il fut le constant adversaire de la tendance des franciscains dits spirituels. A l'égard d'une autre tendance fort différente, il convient de noter que ce fut sur ses ordres qu'on empêcha Roger Bacon de donner des leçons à Oxford et qu'on le mit en surveillance à Paris.
En 1263, Bonaventure sollicita sans succès Urbain IV de décharger les franciscains de la direction des religieuses de sainte Claire, en souvenance, dit-on, de ces paroles de saint François d'Assise : " Dieu nous a ôté les femmes, mais j'appréhende fort que le diable ne nous ait donné des soeurs pour nous tourmenter ".
Saint Bonaventure au concile de Lyon. Ecole flamande. XIVe.
Nommé archevêque d'York par Clément IV, il obtint de lui la permission de ne pas accepter cet office. Après la mort de ce pape (1268), le siège apostolique resta vacant pendant près de trois ans, les cardinaux ne pouvant s'accorder sur l'élection de son successeur. On rapporte qu'en fin ils s'engagèrent à nommer celui que saint Bonaventure désigrerait. Il désigna Thibaud Visconti, archidiacre de Liège, qui était alors en terre sainte et qui prit le nom de Grégoire X.
En 1273, ce pape lui imposa l'évêché d'Albano et, peu après, le nomma cardinal prêtre. A cette occasion, les envoyés du pape lui signifiant son élévation le trouvèrent, lui, général de l'Ordre, occupé, avec plusieurs frères, à laver la vaisselle.
En 1274, il fut envoyé comme légat au concile de Lyon ; il y prêcha la seconde et la troisième session ; mais il mourut trois jours avant la fin du concile. On lui fit des funérailles magnifiques, auxquelles tous les membres du concile, le pape lui-même et des rois assistèrent.
Son oraison funèbre fut prononcée par Pierre de Tarentaise, évêque d'Ostie. Dante l'avait placé dans le paradis ; Sixte IV le canonisa en 1482 ; Sixte V, en 1587, le mit, sixième en rang, au nombre des docteurs de l'Eglise, et lui confirma le titre de " Doctor Seraphicus ", le plaçant ainsi au-dessus de saint Thomas d'Aquin, qui n'était que " Doctor Angelicus ". Ce pape était franciscain lui-même.
Exposition du corps intact de saint Bonaventure au XVIIe.
Oeuvres spirituelles de saint Bonaventure :
- http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bonaventure ;
- http://www.jesusmarie.com/bonaventure.html.
Les ouvrages de saint Bonaventure ont été recueillis et imprimés pour la première fois à Rome, sur l'ordre de Sixte V et par les soins de Buonafocco Farnara, franciscain (1588-1596, 7 vol. in-fol.). C'est sur cette édition qu'a été faite celle de Lyon, 1668 (7 vol. in-fol.). Autres éditions : Mayence, 1609 (7 vol. in-fol.) ; Venise, 1751-1756 (14 vol. in-quart.) ; Paris, 1863-1872 (14 vol. gr. in-oct.) ; Florence, 1884, nouvelle édition publiée par les franciscains.
Saint Bonaventure.
Les Oeuvres spirituelles ont été traduites par le P. Berthomier (Paris, 1855, 6 vol. in-oct.). Parmi les reproductions partielles et les traductions on peut aussi placer l'ouvrage suivant : Alix, Théologie séraphique, extraite et traduite des oeuvres de saint Bonaventure (Paris, 1853-1856, 2 vol.). Dans l'ordre de l'édition de Lyon, les oeuvres de saint Bonaventure comprennent Méditations, expositions et sermons (3 vol.) ; Commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard (2 vol.) ; traités divers, opuscules et hymnes (2 vol.) : en totalité, quatre-vingt-huit ouvrages.
L'authenticité de quelques-uns des écrits qui lui sont attribués, est fortement contestée, et tout particulièrement celle du Psautier de la sainte Vierge. La Somme théologique qui porte son nom a été composée par le P. Trigose, capucin (2e édition, Lyon. 1616).
Quoique les franciscains aient toujours grandement prisé l'honneur de posséder le Docteur Séraphique, la doctrine caractéristique de leur ordre procède, non de Bonaventure, mais de Duns Scot, qui représente une méthode et une tendance fort différentes.
Bonaventure visait à l'édification infiniment plus qu'aux subtilités de la scolastique ; et son oeuvre tient une place beaucoup plus grande dans l'histoire des développements de la dévotion et du culte que dans celle des disputations théologiques.
Reprenant la tradition de l'école de Saint-Victor, qui s'était efforcée d'unir à l'explication dialectique de la doctrine ce qui sert à la piété et conduit à la contemplation, et de tenir le milieu entre une spéculation sans onction et sans chaleur, et une mysticité sans lumière, il joignit à l'emploi. de la scolastique dans l'étude de la théologie celui du mysticisme, dans un but d'édification.
II fit de la théologie une " scientia affectiva ", constituant une sorte de mysticisme à la fois pratique et spéculatif. Pour lui, le but suprême, c'est l'union avec Dieu dans la contemplation et dans un intense et absorbant amour. Ce but ne peut être complètement atteint dans cette vie ; mais il doit former la souveraine espérance de l'avenir, et il faut que tout y tende.
Saint Bonaventure part de ce principe, qu'on ne peut parvenir à la complète intelligence des choses divines au moyen du raisonnement et des définitions : ce qui la donne, c'est la lumière surnaturelle qu'un cour pur obtient par une foi profonde, une pieuse contemplation et l'exercice des vertus chrétiennes. Des idées mystiques et ascétiques forment le fond de la plupart de ses écrits.
Saint Bonaventure. Pierre-Paul Rubens. XVIIe.
A la théologie scolastique appartiennent les Commentaires sur le Maître des sentences et un court traité, Breviloquium ; son Centiloquium, ainsi dénommé a cause des cent chapitres dont il se compose, est un manuel pour les commençants.
L'exposé systématique de ses conceptions est présenté sommairement dans la Reductio artium ad theologiam.
Pour revenir à Dieu, dont il a été séparé par la chute, l'humain doit franchir quatre degrés :
- au premier, il est éclairé par la lumière extérieure, d'où viennent les arts mécaniques ;
- au second, par la lumière inférieure, celle des sens, qui procure les notions expérimentales ;
- au troisième, par la lumière intérieure, celle de la raison, qui, par le moyen de la réflexion, élève l'âme jusqu'aux choses intelligibles ;
- au quatrième par la lumière supérieure, qui ne vient que de la grâce et qui seule révèle les vérités qui sanctifient.
La raison naturelle, en commençant par l'observation empirique et en s'élevant de plus en plus par le raisonnement, peut parvenir jusqu'aux limites extrêmes de la nature créée ; mais, pour atteindre aux réalités surnaturelles, elle n'a d'autre guide que la foi.
C'est ainsi que toutes les sciences sont ramenées à la théologie, qui est leur couronnement. Il y a donc deux domaines, celui de la philosophie et celui de la foi. La philosophie ne donne pas la certitude ; la foi seule peut la procurer ; et, même dans l'ordre naturel, une assertion secundum pietatem est tenue par saint Bonaventure pour plus certaine que celle qui est présentée au nom de la science.
Dans son Commentaire sur les quatre livres des Sentences et dans quelques autres de ses traités, Bonaventure expose et défend amplement les doctrines et les institutions du Moyen âge, et tout particulièrement les plus récentes : transsubstantiation, communion sous une seule espèce, et il fait l'apologie du célibat des prêtres et de la vie monastique, qu'il considérait comme le plus sûr moyen de grâce.
Enthousiaste de la virginité, qu'il estimait une sorte de vertu théologale, il avait voué à Marie une très profonde dévotion, et il contribua puissamment à développer ce culte.
Dans un chapitre général tenu à Pavie, il ordonna aux religieux de saint François d'exhorter le peuple à adresser à la sainte Vierge une prière, au son de la cloche du soir (Angelus).
Les principaux de ses ouvrages mystiques sont l'Itinerarium mentis ad Deum et le traité De septem gradibus contenplationis. Il y décrit, d'après Richard de Saint-Victor, le chemin qu'il faut suivre pour connaître Dieu dans la pureté de son essence et arriver au point suprême de l'intelligence, où, délivré de toute image et de toute notion, l'humain sort de lui-même pour ne plus voir que Dieu et le posséder dans l'extase d'une sainte contemplation.
Entrée de saint Bonaventure dans l'Ordre franciscain.
F. de Herrera. XVIIe.
En dédiant à une religieuse de sainte Claire ses Méditations sur le vie de Jésus-Christ, Bonaventure lui écrivait : " Je vous raconterai les actions de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la manière dont on peut se les représenter par l'imagination ; car rien n'empêche de méditer ainsi, même l'Ecriture sainte ".
En effet, il y a énormément d'imagination dans les Méditations, ainsi que dans la Biblia pauperum, et dans la plupart des ouvrages d'édification de Bonaventure.
Non seulement il appliquait aux textes authentiques un système appuyé d'interprétation allégorique, permettant d'y trouver tout ce qu'il y mettait ; mais beaucoup des faits qu'il cite ne sont ni dans l'Ancien ni dans le Nouveau Testament, repris souvent dans les apocryphes, dans la tradition et les légendes ; peut-être même quelques-uns dans les visions de ses extases.
Suivant le même goût, sont choisis ses titres imagés : Carquois, Arbre de vie, Couronne de Marie, Miroir de la sainte Vierge, Diète du salut, les Six ailes des Chérubins, les Six ailes des Séraphins, les Vingt pas des novices, Aiguillon de l'amour divin. C'est par là surtout qu'il a fait école dans la littérature dévote. Il mit en vers les sentences des quatre livres de Pierre Lombard ; on lui attribue la prose Lauda, Sion, Salvatorem.
En philosophie, il professe l'existence des universaux ante rem, suivant la formule platonicienne : idées que Dieu avait produites d'abord dans son intelligence, comme des types d'après lesquels les diverses choses ont été créées. Il tient la matière pour une pure potentialité, qui ne reçoit son existence propre que de la puissance formative de Dieu; elle ne peut être considérée séparément de la forme. L'individuation résulte de l'union de la forme et de la matière.
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samedi, 13 juillet 2024
13 juillet. Saint Thuriau, évêque de Dol-de-Bretagne. 749.
Dom Lobineau. Eloge du saint.
Saint Thuriau. Chapelle Saint-Thuriau en Saint-Barthélémy.
Saint Thuriau naquit de parents nobles et riches, auprès du monastère de Ballon. Ce monastère était de la dépendance de celui de Dol. Dès son plus bas âge, son âme fut éclairée des lumières surnaturelles. Il méprisa de bonne heure les biens temporels, avant que son coeur eût eu le temps d'être séduit par leur usage ; et il commença à pratiquer les conseils les plus parfaits de l'Evangile, en abandonnant ses parents, sa maison, son pays et ses biens, pour chercher le royaume des cieux.
Il s'achemina du côté de Dol, et s'étant égaré, il fut rencontré par un homme charitable, qui le mena chez lui, et lui donna ses troupeaux à garder. Mais comme le saint enfant avait voué au Roi des siècles un service plus essentiel, il voulut, pour s'en rendre capable, être instruit dans les lettres. Un ecclésiastique, qu'il pria de lui en tracer les caractères sur des tablettes, lui rendit ce service. Il les eut bientôt appris, de même que la grammaire et les éléments de la langue latine. Il y joignit la science du chant, qu'il affectionnait d'autant plus, qu'il avait une voix éclatante et mélodieuse. Le goût qu'il prenait à l'employer, à faire retentir de tous côtés les louanges de Dieu, lui donna lieu d'être connu de l'évêque de Dol, nommé Thiarmail ou Armael, qui, touché des excellentes qualités qu'il trouva dans cet enfant, l'adopta pour son fils, l'emmena à Dol, lui donna tous ses soins, et lui enseigna les lettres sacrées.
Les progrès de ce jeune disciple furent si grands, que l'évêque ne trouva pas de difficulté à l'ordonner prêtre et à le mettre à la tête du clergé de son Eglise. Thuriau, élevé à cette dignité, fit de nouveaux efforts pour se surpasser lui-même, et pour devenir par ses vertus la règle vivante des autres. Thiarmail eut sujet de présumer que son choix était approuvé de Dieu, quand il vit les vertus de son cher disciple accompagnées du rare et précieux don des miracles. La confiance que lui donna l'approbation céleste l'engagea, à l'exemple de quelques-uns des plus saints de ses prédécesseurs, à mettre Thuriau à sa place, pour y exercer les fonctions pénibles de l'épiscopat, qui, à cause de son âge trop avancé, lui devenait désormais un poids trop difficile à soutenir.
Intronisation de saint Thuriau.
Le mérite extraordinaire de Thuriau rendit son élection et son ordination très-agréables aux autres évêques de Bretagne, au clergé et au peuple, qui se flattèrent de voir revivre saint Samson et saint Magloire dans ce nouveau prélat, déjà si favorisé du Ciel. Quant à lui, il avait déjà tout mis en usage dès qu'il était entré dans la carrière ecclésiastique pour acquérir la perfection des vertus de son saint état. Ses Actes rapportent qu'il se distinguait surtout par une humilité profonde, un zèle infatigable pour le salut des âmes, une ardente charité et une simplicité admirable, jointe à une grande innocence de moeurs. Il passait le jour à instruire son peuple, et presque toute la nuit en prière.
L'homme ennemi, qui veille toujours pour troubler l'Eglise et y semer le désordre et la division, profita, peu de temps après l'ordination de Thuriau, des dispositions qu'avaient à la violence un seigneur du pays, nommé Rivallon, et le porta à mettre le feu dans un monastère de la dépendance de l'évêché, distant de 7 à 8 lieues de Dol. On vint aussitôt annoncer à Thuriau que l'église, les livres sacrés, les ornements et les vases précieux avaient été pillés ou réduits en cendres ; il n'y eut que le missel qui fut épargné par miracle. Pénétré de douleur, il prit avec lui 12 de ses religieux, et se rendit à pied chez Rivallon, au lieu nommé " Kanfrut " ou " Lan-Kafrut ", qui paraît être le même que celui où cet homme violent venait de brûler le monastère.
Conversion de Rivallon. Saint Thuriau bénit Rivallon.
Rivallon, en le voyant, se sentit touché de repentir et, se jetant tout tremblant à ses pieds, lui fit des offres si avantageuses pour la réparation du mal qu'il avait commis, que Thuriau, qui ne cherchait que sa conversion, ne lui refusa pas le remède de la pénitence. Thuriau, satisfait, retourna dans son Eglise, et Rivallon, aidé des princes du pays, répara au septuple tout le dommage qu'il avait causé, à quoi il employa les sept années de pénitence que son prélat lui avait imposées.
On rapporte qu'il opéra plusieurs guérisons miraculeuses et qu'il rappela à la vie la fille unique d'un seigneur du pays, après s'être mis en prière avec tout son clergé.
Saint Thuriau, après avoir rempli tous les devoirs d'un bon pasteur, mourut saintement, dans un âge très-avancé, le 13 juillet, et son corps fut enterré dans son église cathédrale. Il a été depuis transporté en France, à l'époque où les Normands ravageaient la Bretagne, et déposé à Paris, dans l'église de Saint-Germain des Prés, qui l'a conservé jusqu'en 1793, époque à laquelle il a été détruit.
Saint Thuriau rescussitant une jeune fille.
Ce saint corps ne s'y trouvait pas tout entier ; l'église cathédrale de Chartres en possédait une partie, renfermée depuis l'an 1230 dans une châsse de vermeil très-curieuse. Cette partie a également été détruite pendant la révolution.
Il ne reste peut-être plus maintenant des reliques de saint Thuriau qu'un fragment d'ossement, qui se trouve dans l'église paroissiale de Quintin, ville du diocèse de Saint-Brieuc ; ce fragment est renfermé dans un chef en argent. Le saint évêque, nommé dans ce pays saint Thurian, est patron de cette église. Les anciens Bréviaires de Saint-Meen, de Saint-Brieuc, de Nantes et de Léon, mettent tous la fête de saint Thuriau au même jour, 13 juillet.
On le représente :
1. en habit de berger, pour rappeler ses premières années ;
2. avec une colombe sur l'épaule : il s'était mis en prière pour un seigneur emporté, qui s'offrait à faire pénitence, quand une colombe se reposa sur son épaule comme pour lui dire que le pécheur obtiendrait son pardon s'il tenait ses promesses.
Chapeau de saint Thuriau. Crac'h. Pays d'Auray. Bretagne.
" C'est un vent à déchapeauter saint Thuriau."
*Thuriaf, Thurian, Thurien, Thuriave, Thivisien, Thivisian.
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13 juillet. Saint Anaclet, pape et martyr. 96.
Cassiodor. sub psalm. LXXIX.
Saint Saintin, disciple de saint Denis, et saint Anaclet.
Le nom d'Anaclet nous apporte comme un dernier écho de la solennité du 29 juin. Lin, Clément, Clet, successeurs immédiats de Pierre, avaient reçu de lui la consécration des Pontifes ; Anaclet eut cette gloire moindre, et cependant inestimable, d'être fait prêtre par le vicaire de l'Homme-Dieu. Tandis que les autres Pontifes martyrs qui viendront après lui ne verront pas généralement s'élever leurs fêtes au delà du rite simple, il doit le degré relativement supérieur de la sienne au privilège qui nous montre ainsi en lui le dernier des Papes honorés de l'imposition des mains du prince des Apôtres. Ce fut aussi durant le pontificat d'Anaclet que la Ville éternelle vit porter au comble ses illustrations par l'arrivée du disciple bien-aimé dans ses murs, où il venait dégager la promesse qu'il avait faite au Seigneur de prendre part un jour à son calice (Matth. XX, 22.).
" Heureuse Eglise, s'écrie Tertullien, dans le sein de laquelle les Apôtres ont versé toute leur doctrine avec leur sang ; où Pierre a imité la Passion du Seigneur par la croix, où Paul a reçu comme Jean-Baptiste la couronne parle glaive, d'où Jean l'apôtre, sorti sain et sauf de l'huile bouillante, a été relégué dans une île." (De praescript. XXXVI.).
Par la vertu toute-puissante de l'Esprit de la Pentecôte, les progrès de la foi répondent dans Rome aux largesses du Seigneur. Peu à peu la Babylone ivre du sang des martyrs (Apoc. XVII, 6.) va se trouver supplantée par la cité sainte. Déjà toutes les classes de la société comptent leurs représentants dans ce peuple né d'hier, qui a les promesses de l'avenir. Près de la chaudière embrasée où le prophète de Pathmos fait hommage du tribut de sa glorieuse confession à la nouvelle Jérusalem, deux consuls, deux représentants à la fois de l'ancien patriciat et de la noblesse plus récente issue des césars, Acilius Glabrio et Flavius Clemens se donnent la main sous le glaive du martyre.
A l'exemple d'Anaclet ornant lui-même le tombeau du prince des Apôtres et pourvoyant à la sépulture des Pontifes, d'illustres familles ouvrent et développent sur toutes les voies aboutissant à la ville impériale les galeries des cimetières souterrains ; là déjà reposent nombreux les athlètes du Christ, victorieux dans leur sang ; et près d'eux, accompagnés de l'ancre du salut, dorment dans la paix les plus beaux noms de la terre.
Gravure. Jacques Callot. XVIIe.
Saint Anaclet, grec de nation, était originaire de la fameuse ville d'Athènes. Les bonnes qualités de cet adolescent frappèrent vivement saint Pierre qui le convertit lorsqu'il prêcha à Athènes. Charmé de sa piété exemplaire, de son zèle pour la religion, de l'intégrité de ses moeurs et des rares talents dont le Seigneur l'avait doué, le vicaire du Christ admit Anaclet dans le clergé, le reçut diacre, et lui conféra la dignité sacerdotale.
Revêtu de ce caractère sacré, saint Anaclet servit généreusement saint Pierre dans les fonctions de son apostolat et devint le compagnon inséparable de ses travaux et de ses voyages. Ange par la pureté de sa vie et par son zèle indéfectible au service de Dieu, Anaclet devint vite un des plus saints ministres de l'Église naissante.
Après que saint Pierre eut couronné son apostolat par un glorieux martyre, son fidèle disciple Anaclet se dévoua sous le pontificat de saint Lin et de saint Clet, avec le même empressement et le même succès. Il coopéra pour une large part aux merveilleux progrès que connut l'Eglise de Rome en ces temps si difficiles. L'excellence et la sainteté d'Anaclet devenait de jour en jour plus manifeste aux yeux de tous, lorsqu'en l'an 83, sous l'empire de Domitien, les voix des fidèles se réunirent à l'unanimité pour l'élire au souverain pontificat. Son élévation sur le trône de saint Pierre causa une joie universelle dans la chrétienté.
Dans ces premiers jours de l'Eglise, tout était à craindre : la puissance, la cruauté et la multitude des ennemis du Sauveur, la fureur des païens, la rage des Poldèves, la timidité et le relâchement des fidèles. Durant la troisième persécution que Trajan excita contre l'Eglise en l'an 107, saint Anaclet constata avec douleur les ravages causés dans le troupeau de Jésus-Christ. Quoique Trajan n'avait porté aucune loi officielle contre les chrétiens, une guerre sournoise d'extermination sévissait contre les fidèles et surtout les évêques. Le sang des martyrs coulait avec abondance dans l'Orient et dans l'Occident.
Au sein de la tourmente, Anaclet encourageait les uns et confondait les autres. Comme la violence de la persécution augmentait de jour en jour, ce pasteur vigilant n'oublia rien pour animer les fidèles à témoigner de leur foi en Jésus-Christ. Il publia de belles ordonnances pour retenir ses ouailles dans leur devoir. Il regardait comme chrétiens à demi vaincus ceux qui ne recevaient que rarement la divine Eucharistie.
Pour donner quelque marque de sa dévotion et de sa reconnaissance au prince des apôtres auquel il était redevable de sa conversion, saint Anaclet fit bâtir et orner une église à son sépulcre. Par une providence toute particulière, elle se conserva intacte au milieu des persécutions.
Ce digne représentant de Jésus-Christ sut conserver intact le dépôt sacré de la foi. Il travailla avec succès à établir la discipline de l'Eglise, conserva le bon règlement dans les affaires temporelles de l'Eglise et s'opposa aux désordres qui s'y étaient glissés. Ce saint pape ne pouvait échapper longtemps aux recherches du tyran qui envoyait chaque jour une multitude de condamnés au martyre. L'année précédent sa mort, en prévision du sort qui l'attendait, saint Anaclet conféra l'ordination épiscopale au prêtre Evariste qui devait lui succéder dans la charge du souverain pontificat. Après avoir gouverné l'Eglise neuf ans, trois mois et dix jours, saint Anaclet remporta la palme du martyre et fut enseveli au Vatican.
PRIERE
" Glorieux Pontife, votre mémoire se rattache de si près à celle de Pierre, qu'aux yeux de plusieurs vous seriez, sous un nom un peu différent, l'un des trois augustes personnages élevés par le prince des Apôtres au rang suprême de la hiérarchie. Pour vous distinguer de Clétus, qui parut en avril au Cycle sacré, il nous suffit pourtant et de cette autorité de la sainte Liturgie vous consacrant une fête spéciale, et du témoignage constant de Rome même qui sait mieux que personne à coup sûr les noms et l'histoire de ses Pontifes. Heureux êtes-vous de vous perdre ainsi dans les fondations sur lesquelles reposent jusqu'à nos temps et pour jamais la force et la beauté de l'Eglise ! Faites-nous aimer la place qui est nôtre dans l'édifice sacré. Recevez l'hommage reconnaissant de toutes les pierres vivantes appelées à composer le temple éternel, et qui s'appuieront sur vous dans les siècles sans fin."
L'année Litugique. Dom Prosper Guéranger. Notice de saint Anaclet.
- " Vespasien régnait encore lorsque saint Clet succéda à saint Clément..."
Histoire universelle de l'Eglise. Rohrbacher. T. II, p. 339.
- " Cependant, les évêques se succédaient dans les grands sièges. Anaclet avait succédé à Rome à saint Clet, dans les premières années de Domitien."
Histoire universelle de l'Eglise. Rohrbacher. T. II, p. 341.
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13 juillet. Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.
- Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.
Pape : Boniface VIII. Capitaine du peuple de Gènes : Olberto Doria. Roi de France : Philippe IV, le Bel.
" La science parfaite consiste à faire tout avec soin et à se bien pénétrer qu'on n'est rien par ses propres mérites."
Saint Bonaventure, sup. Job.
Statue du bienheureux Jacques de Voragine. Gènes.
Jacques de Voragine est né entre 1228 et 1229 à Varazze ou, plus probablement, à Gênes, où est attestée la présence d’une famille originaire de Varazze, appelée de " Varagine ". La formule de " Voragine " par laquelle il est parfois désigné dans les sources anciennes est une variante de " da Varagine ". L’idée remontant au XVIe siècle et devenue ensuite traditionnelle selon laquelle " Voragine " vient de " vorago ", pour indiquer l’abîme de connaissance dont Jacques a fait preuve dans ses oeuvres est donc extravagante, même si elle exprime une certaine vérité.
C’est le bienheureux Jacques lui-même qui fournit, dans une rapide autobiographie contenue dans l’une de ses oeuvres, la Chronica civitatis Ianuenses, les premières dates marquantes de sa vie : 1239 lorsque dans son enfance il assiste à une éclipse solaire, 1244 lorsque, adolescent, il entre dans l’Ordre des frères prêcheurs, et 1264, lorsqu’il a eu l’occasion d’admirer pendant quarante jours un autre fait prodigieux, c’est-à-dire l’apparition d’une comète.
Jacques avait pris une responsabilité importante à l’intérieur de l’Ordre avant 1267, date à laquelle il fut élevé, au Chapitre Général de Bologne, à l’office de prieur de l’importante province de Lombardie, qui comprenait à l’époque toute l’Italie septentrionale, l’Emilie et le Picenum. Il a occupé cette charge pendant dix années, participant aux chapitres provinciaux et généraux de l’Ordre et résidant probablement au couvent de Milan ou dans celui de Bologne, jusqu’à ce qu’il soit absolutus de cette charge au chapitre général de Bordeaux en 1277.
Après quelques années, au chapitre provincial de Bologne de 1281, il fut à nouveau nommé prieur de la province lombarde, charge qu’il a occupée pour cinq années encore, jusqu’en 1286. De 1283 à 1285, il exerça les fonctions de régent de l’Ordre après la mort de Jean de Verceil et avant l’élection du nouveau maître général, Munio de Zamora.
Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant. J. de Vignay. XIVe.
Entre temps, il continua à maintenir de forts liens avec la cité de Gênes. Le jour de Pâques 1283, comme il le raconte lui-même dans son opuscule Historia reliquiarum que sunt in monasterio sororum Sanctorum Philippi et Iacobi, il fit transporter une précieuse relique, la tête d’une des vierges de Sainte-Ursule, de Cologne au couvent des soeurs dominicaines de Gênes des saints Jacques et Philippe ; il s’agit du même couvent auquel quelques années plus tôt, durant son précédent priorat, il avait donné une autre relique, le doigt de saint Philippe, qu’il avait lui-même détaché de la main du saint conservée dans le couvent de Venise.
A cette occasion Jacques, après la procession solennelle, a donné une messe et un prêche au peuple. En 1288, alors qu’il n’était plus depuis deux ans prieur de la Lombardie, il fut candidat à la charge d’archevêque de Gênes, mais n’obtint pas, comme les trois autres candidats, la majorité des voix ; le pape Nicolas IV suspendit la nomination, confiant cependant à Jacques, le 18 mai de la même année, la tâche d’absoudre en une cérémonie publique, qui se tint dans l’église de Saint-Dominique, les Génois excommuniés pour avoir eu des rapports commerciaux avec les Siciliens, eux-mêmes excommuniés à cause de la guerre des Vêpres. La même année, il fut nommé diffinitor au chapitre général de Lucques.
En 1290, à l’occasion du chapitre général de Ferrare, Jacques résista aux pressions des cardinaux romains qui, dans une lettre,demandaient la démission du maître général Munio de Zamora, mal vu pour son rigorisme à l’intérieur de l’Ordre et de la Curie romaine. La lettre n’obtint aucun effet : non seulement le maître général ne démissionna pas, mais il fut soutenu par une déclaration publique, signée aussi de Jacques, qui exaltait sa vertu et approuvait sa politique.
Selon la relation de Gerolamo Borsello (XVe) et, après lui, d’autres biographes anciens, ce serait justement à cause de ce soutien donné à la ligne rigoureuse de Munio de Zamora que Jacques aurait subi cette année une tentative d’homicide de la part de confrères qui voulaient le jeter dans le puits du couvent de Ferrare. Une tentative qui, raconte encore Borsello, se serait répétée l’année suivante, en 1291, à Milan, cette fois parce que Jacques avait exclu du chapitre provincial frère Stefanardo, prieur du couvent milanais.
Rappelons à ce sujet que notre bienheureux combattit dans la grande querelle qui opposa les Guelfes et les Gibelins.
Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant.
En 1292, il fut nommé par le pape Nicolas IV archevêque de Gênes. Jacques consacra les six dernières années de sa vie à gouverner le diocèse génois, de 1292 à 1298, année de sa mort. Son action s’est tournée d’abord vers la réorganisation législative du clergé sous l’autorité archiépiscopale. Dans ce but, il convoca un concile provincial, qui se tint dans la cathédrale Saint-Laurent en juin 1293, durant lequel, comme le raconte Jacques lui-même dans la chronique de Gênes, fut accomplie, en présence des gouvernants et des notables puis de tout le peuple, une reconnaissance des os de san Siro, patron de la cité, qui confirmait solennellement l’authenticité de la relique.
L’activité de Jacques est intense sur le plan politique, il en offre lui-même un ample compte-rendu dans la Chronique de Gênes . En 1295, dans les premiers mois de l’année, il promut la pacification entre les factions de la cité et célébra la paix finalement obtenue dans une assemblée publique lors de laquelle il prêcha et entonna, avec ses ministres, les louanges à Dieu ; suivit ensuite une procession solennelle à travers les rues de la cité, guidée par ce même Jacques à cheval qui se conclut avec la remise de l’insigne de miles au podestat de Gênes, le milanais Jacques de Carcano.
La même année, en avril, avec les ambassadeurs envoyés par la Commune, il accomplit un voyage à Rome, convoqué par le pape Boniface VIII qui cherchait à prolonger l’armistice entre Gênes et Venise. Le séjour à la Curie romaine se prolongea une centaine de jours, et Jacques ne manqua pas de montrer une certaine fatigue face à l’indécision du pape et surtout face aux manoeuvres dilatoires des ambassadeurs vénitiens.
A ce point les Génois, après la longue attente, décidèrent d’aller à l’affrontement contre Venise, réunissant, dans l’enthousiasme populaire, une flotte qui aurait dû affronter les ennemis dans une bataille décisive près de Messine, à laquelle cependant les Vénitiens ne se présentèrent pas, contraignant le commandant Oberto Doria à retourner à Gênes sans avoir combattu, accueilli cependant en triomphe par la cité et par son évêque.
A la fin de 1295, Jacques subit un revers politique et une profonde déception personnelle : en effet, la paix entre les factions citadines se rompit, cette paix qu’il avait voulue et solennellement célébrée quelques mois plus tôt ; des incidents violents éclatèrent, durant lesquels la cathédrale Saint-Laurent fut incendiée, et son toit fut totalement brûlé. Les dommages furent si importants que Jacques demanda au pape une aide, qui lui fut accordée le 12 juin 1296.
Jacques mourut dans la nuit du 13 au 14 juillet 1298. Il demanda à ce que les frais nécessaire soient intégralement distribués aux pauvres. Son corps, d’abord enseveli dans l’église Saint-Dominique du couvent des frères prêcheurs de Gênes, fut, à la fin du XVIIIe siècle, transféré dans une autre église dominicaine, Santa Maria di Castello, où il se trouve encore. En vertu de la vénération et du culte dont il fut l’objet pendant des siècles, Jacques a été béatifié en 1816 par le pape Pie VII.
Son oeuvre est ample et remarquable tant par sa quantité que par sa qualité et sa science hors du commun. Quelques liens nous permettent de consulter entre autres la très fameuse Legenda aurea (tant de fois illustrée par les plus grands artistes) ou ses sermons.
Rq : On lira entre autres :
- http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm
- http://www.jesusmarie.com/jacques_de_voragine.html
- http://www.sermones.net et http://thesaurus.sermones.net/voragine/index.xsp;jsession...
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vendredi, 12 juillet 2024
12 juillet. Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.
- Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.
Papes : Alexandre II (1073 +), saint Grégoire VII. Empereur germanique : Henri IV. Roi de France : Philippe Ier.
" Nul ne doit espérer la miséricorde de Dieu, s'il est lui-même sans miséricorde."
Saint Augustin.
Saint Jean Galbert. Fresque. Détail.
Eglise de la Sainte-Trinité. Neri di Bicci. XIVe.
Depuis le jour où Simon le Mage se fit baptiser à Samarie, jamais l'enfer ne s'était vu si près d'être maître dans l'Eglise qu'au temps où nous ramène à l'occasion de la fête présente le Cycle sacré. Repoussé par Pierre avec malédiction, Simon, s'adressant aux princes, leur avait dit comme autrefois aux Apôtres :
" Donnez-moi pour argent ce pouvoir qu'à quiconque j'imposerai les mains, celui-là ait le Saint-Esprit." (Act. VIII.).
Et les princes, heureux à la fois de supplanter Pierre et d'augmenter leurs trésors, s'étaient arrogé le droit d'investir les élus de leur choix du gouvernement des Eglises ; et les évêques à leur tour avaient vendu au plus offrant les divers ordres de la sainte hiérarchie ; et s'introduisant à la suite de la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair avait rempli le sanctuaire d'opprobres sans nom.
Le dixième siècle avait assisté à l'humiliation même du pontificat souverain ; le onzième, au tiers de son cours, voyait le débordement du fleuve maudit changer en marais les derniers pâturages encore saufs des brebis du Seigneur. L'œuvre du salut s'élaborait à l'ombre du cloître ; mais l'éloquence de Pierre Damien n'avait point jusque-là franchi le désert, et la rencontre d'Hugues de Cluny, de Léon IX et d'Hildebrand devait se faire attendre plus encore. Or voici que dans le silence de mort qui planait sur la chrétienté, un cri d'alarme a retenti soudain, secouant la léthargie des peuples : cri d'un moine, vaillant homme d'armes jadis, vers qui s'est penchée la tête du Christ en croix pour reconnaître l'héroïsme avec lequel un jour il sut épargner un ennemi. Chassé par le flot montant de la simonie qui vient d'atteindre son monastère de San-Miniato, Jean Gualbert est entré dans Florence, et trouvant là encore le bâton pastoral aux mains d'un mercenaire, il a senti le zèle de la maison de Dieu dévorer son cœur (Psalm. LXVIII, 10.) ; en pleine place publique, il a dénoncé l'ignominie de l'évêque et de son propre abbé, voulant ainsi du moins délivrer son âme (Ezech. III, 19.).
Eglise Saint-Jean. Vilnius. Lituanie. XVIIIe.
A la vue de ce moine qui, dans son isolement, se dressait ainsi contre la honte universelle, il y eut un moment de stupeur au sein de la foule assemblée. Bientôt les multiples complicités qui trouvaient leur compte au présent état de choses regimbèrent sous l'attaque, et se retournèrent furieuses contre le censeur importun qui se permettait de troubler la bonne foi des simples. Jean n'échappa qu'à grand'peine à la mort ; mais, dès ce jour, sa vocation spéciale était fixée : les justes qui n'avaient point cessé d'espérer, saluèrent en lui le vengeur d'Israël ; leur attente ne devait pas être confondue.
Comme toujours cependant pour les œuvres authentiquement marquées du sceau divin, l'Esprit-Saint devra mettre un long temps à former l'élu de sa droite. L'athlète a jeté le gant aux puissances de ce monde ; la guerre sainte est ouverte : ne semble-t-il pas que dès lors il faille avant tout donner suite à la déclaration des hostilités, tenir campagne sans trêve ni repos jusqu'à pleine défaite de l'ennemi ? Et néanmoins le soldat des combats du Seigneur, allant au plus pressé, se retirera dans la solitude pour y améliorer sa vie, selon l'expression si fortement chrétienne de la charte même qui fonda Vallombreuse (Meliovandœ vitœ gratta : Litterœ donationis Ittae Abbatissae ; Ughelli, III, 299 vel 231.). Les tenants du désordre, un instant effrayés de la soudaineté de l'attaque et voyant sitôt disparaître l'agresseur, se riront de ce qui ne sera plus à leurs yeux qu'une fausse entrée dans l'arène ; quoi qu'il en coûte au brillant cavalier d'autrefois, il attendra humble et soumis, pour reprendre l'assaut, ce que le Psalmiste appelle le temps du bon plaisir de Dieu (Psalm. LXVIII, 14.).
Peu à peu, de toutes les âmes que révolte la pourriture de cet ordre social en décomposition qu'il a démasqué, se recrute autour de lui l'armée de la prière et de la pénitence. Des gorges des Apennins elle étend ses positions dans la Toscane entière, en attendant qu'elle couvre l'Italie et passe les monts. Septime à sept milles de Florence, Saint-Sauve aux portes de la ville, forment les postes avancés où, en 1063, reprend l'effort de la guerre sainte. Un autre simoniaque, Pierre de Pavie, vient d'occuper par droit d'achat le siège des pontifes. Jean et ses moines ont résolu de plutôt mourir que de porter en silence l'affront nouveau fait à l'Eglise de Dieu. Mais le temps n'est plus où la violence et les huées d'une foule séduite accueillaient seules la protestation courageuse du moine fugitif de San-Miniato.
Saint Jean Gualbert et saint Laurent. Fresque. Lorenza de Mozzi.
Le fondateur de Vallombreuse est devenu, par le crédit que donnent les miracles et la sainteté, l'oracle des peuples. A sa voix retentissant de nouveau dans Florence, une telle émotion s'empare du troupeau, que l'indigne pasteur, sentant qu'il n'a plus à dissimuler, rejette au loin sa peau de brebis (Matth. VII, 15.) et montre en lui le voleur qui n'est venu que pour voler, pour égorger et pour perdre (Johan. X, 10.). Une troupe armée à ses ordres fond sur Saint-Sauve ; elle met le feu au monastère, et se jette sur les moines qui, surpris au milieu de l'Office de la nuit, tombent sous le glaive, sans interrompre la psalmodie jusqu'au coup qui les frappe. De Vallombreuse, à la nouvelle du martyre ennoblissant ses fils, Jean Gualbert entonne un chant de triomphe. Florence, saisie d'horreur, rejette la communion de l'évêque assassin, Pourtant quatre années encore séparaient ce peuple de la délivrance, et les grandes douleurs pour Jean n'étaient pas commencées.
L'illustre ennemi de tous les désordres de son temps, saint Pierre Damien, venait d'arriver de la Ville éternelle. Investi de l'autorité du Pontife suprême, on était assuré d'avance qu'il ne pactiserait point avec la simonie, et l'on pouvait croire qu'il ramènerait la paix dans cette Eglise désolée. Ce fut le contraire qui eut lieu. Les plus grands saints peuvent se tromper, et, dans leurs erreurs, devenir les uns pour les autres un sujet d'épreuve d'autant plus acerbe que leur volonté, moins sujette aux changements capricieux des autres hommes, reste plus ferme dans la voie qu'ils se sont une fois tracée en vue des intérêts de Dieu et de son Eglise. Peut-être le grand évêque d'Ostie ne se rendit pas assez compte de la situation toute d'exception que faisaient aux victimes de Pierre de Pavie sa simonie notoire, et la violence avec laquelle il massacrait lui-même sans autre forme de procès les contradicteurs. Partant de l'incontestable principe que ce n'est point aux inférieurs à déposer leurs chefs, le légat réprouva la conduite de ceux qui s'étaient séparés de l'évêque ; et, arguant de certaines paroles extrêmes échappées à quelques-uns dans une indignation trop peu contenue, il retourna sur ceux qu'il appelait " ses confrères les moines " l'accusation d'hérésie portée par eux contre le prélat simoniaque (Petr. Dam. Opuscul. XXX, De Sacramentis per improbos administratis.).
L'accès du Siège apostolique restait ouvert aux accusés ; ils y portèrent intrépidement leur cause. Cette fois du moins, on ne pouvait soulever d'argument d'exception contre la canonicité de leur procédure. Mais là, dit l'historien (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.), beaucoup craignant pour eux-mêmes se mirent à s'élever contre eux; et lorsque presque tous, exhalant leur fureur, jugeaient dignes de mort ces moines dont la témérité osait faire la guerre aux prélats de l'Eglise, alors derechef, en plein concile romain, Pierre Damien prenant la parole alla jusqu'à dire au Pontife suprême :
" Seigneur et Père saint, ce sont là les sauterelles qui dévorent la verdure de la sainte Eglise ; que le vent du midi se lève et les emporte à la mer Rouge !"
Saint Jean Gualbert. Legenda aurea. Bx J. de Voragine XVe.
Mais le saint et très glorieux Pape Alexandre II, répondant avec douceur à ces excès de langage, prenait les moines en sa défense et rendait hommage à la droiture de leurs intentions. Cependant il n'osa donner suite à leur demande dépasser outre, parce que la plus grande partie des évêques favorisait Pierre de Pavie, et que seul l'archidiacre Hildebrand soutenait en tout l'abbé de Vallombreuse (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.).
L'heure néanmoins allait venir où Dieu même prononcerait ce jugement qu'on ne pouvait obtenir de la terre. Assaillis de menaces, traités comme des agneaux au milieu des loups (Ibid.), Jean Gualbert et ses fils criaient au ciel avec le Psalmiste :
" Levez-vous, Seigneur, aidez-nous ; levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, Ô Dieu : jugez votre cause." (Psalm. XLIII, LXXIII.).
A Florence, les sévices continuaient. Saint-Sauveur de Septime était devenu le refuge des clercs que la persécution bannissait de la ville ; le fondateur de Vallombreuse, qui résidait alors en ce lieu, multipliait pour eux les ressources de sa charité. Mais la situation devint telle enfin, qu'un jour du Carême de l'année 1067, le reste du clergé et la ville entière, laissant le simoniaque à la solitude de son palais désert, accourut à Septime. Ni la longueur du chemin détrempé par les pluies, ni la rigueur du jeûne observé par tous, dit la relation adressée dans les jours mêmes au Pontife souverain par le peuple et le clergé de Florence, ne purent arrêter les matrones les plus délicates, les femmes prêtes d'être mères ou les enfants (Epist. cleri et populi Florentini ad Alexandrum Pontificem.).
Saint Jean Gualbert. Raffaellino del Garbo. XVIe.
L'Esprit-Saint planait visiblement sur cette foule ; elle demandait le jugement de Dieu. Jean Gualbert, sous l'impulsion du même Esprit divin, permit l'épreuve ; et en témoignage de la vérité de l'accusation portée par lui contre l'évêque de Florence, Pierre, un de ses moines, nommé depuis Pierre Ignée, traversa lentement sous les yeux de la multitude un brasier immense qui ne lui fit aucun mal. Le ciel avait parlé; l'évêque fut déposé par Rome, et termina ses jours, heureux pénitent, dans ce même monastère de Septime.
En 1073, année de l'élévation d'Hildebrand son ami au Siège apostolique, Jean s'en allait à Dieu. Son action contre la simonie s'était étendue bien au delà de la Toscane. La république Florentine ordonna de chômer le jour de sa fête ; et l'on grava sur la pierre qui protégeait ses reliques sacrées :
" A JEAN GUALBERT, CITOYEN DE FLORENCE, LIBÉRATEUR DE L'ITALIE."
Saint Jean Gualbert, né à Florence, fut élevé avec soin dans les maximes de la piété et dans l'étude des lettres par une mère pieuse et de bonne noblesse. Son père, Gualbert, de bonne noblesse aussi, faisait profession des armes mais avait hélas un caractère tempétueux et impatient.
Mais à peine était-il entré dans le monde, qu'il y prit un goût excessif. L'amour des plaisirs l'emporta tellement, que ce qui lui avait paru criminel ne lui offrit plus rien que de légitime et d'innocent. Il était perdu sans ressources, si Dieu n'eût ménagé des circonstances pour lui ouvrir les yeux et le tirer de l'état déplorable où il s'était réduit.
Saint Jean Gualbert prend l'habit monastique
malgré l'opposition de son père. Italie. XVe.
Un jour de Vendredi saint, il rencontre le meurtrier de son frère, Hugues, et, plein d'idées de vengeance, il va le percer de son épée, lorsque le malheureux, se jetant à terre, les bras en croix, le conjure, par la Passion de Jésus-Christ, de ne pas lui ôter la vie. Gualbert ne peut résister à ce spectacle. L'exemple du Sauveur priant pour Ses bourreaux amollit la dureté de son coeur; il tend la main au gentilhomme et lui dit :
" Je ne puis vous refuser ce que vous me demandez au nom de Jésus-Christ. Je vous accorde non seulement la vie, mais mon amitié. Priez Dieu de me pardonner mon péché."
S'étant ensuite embrassés, ils se séparèrent. Jean se dirige de là vers l'église de l'abbaye Saint-Miniat ; il se jette lui-même aux pieds d'un crucifix, et y prie avec une ferveur extraordinaire. Dieu lui fait connaître par un prodige que sa prière est exaucée, et qu'il a obtenu le pardon de ses fautes ; car le crucifix devant lequel il priait baisse la tête et s'incline vers lui, comme pour le remercier du pardon qu'il a généreusement accordé par amour pour Dieu.
Changé en un homme nouveau, Jean prit l'habit de Saint-Benoît, contre l'avis de son père, et devint un religieux si fervent, qu'à la mort de l'abbé tous les suffrages se réunirent sur lui ; mais il ne voulut jamais accepter la dignité qu'on lui offrait. Il se retira à Vallombreuse, qui devint le berceau d'un nouvel Ordre, où la règle de Saint-Benoît était suivie dans toute sa rigueur.
On trouve dans la vie de saint Gualbert toutes les austérités et toutes les vertus qu'on rencontre dans la vie des plus grands Saints. Par un temps de disette, il se fit conduire au grenier presque vide, et les provisions, à sa prière, se multiplièrent au point qu'il put distribuer du blé à tous ses couvents et à tous les pauvres qui se présentèrent.
Epreuve du feu en présence de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.
Un jour qu'il faisait une halte dans un monastère opulent, notre saint apprit qu'en recevant un novice, on lui avait fait fait faire une donation totale de ses biens au bénéfice du monastèré et au détriment complet des ses héritiers naturels. Saint Jean Gualbert demanda d'en voir le contrat, le lu, et, scandalisé, le déchira en disant dans une grande colère :
" Il est bien plus convenable d'avoir peu de biens que de s'enrichir par des voies si peu charitables !"
Toujours en colère, il quitta sur le champs le monastère et pria Dieu de faire sentir son indignation. Aussitôt, le couvent fut presque entièrement dévasté par un violent incendie, et les religieux fort maltraités. Le moine qui accompagnait notre saint lui demanda de faire demi-tour afin de leur porter secours ; notre saint n'en fit rien et continua son chemin.
Saint Jean Gualbert tenait dans une particulière horreur la simonie. Il poursuivit constamment, Pierre, faux archevêque de Florence, qui avait acheté cette dignité. Témoignent de cette horreur de la simonie les lettres qu'écrivit à ce sujet le bienheureux cardinal Pierre Damien.
Ce violent simoniaque qu'était le faux archevêque de Florence envoya un jour ses seïdes dans un monastère de la congrégation de saint Jean Gualbert et le fit piller et incendier.
" Vous êtes maintenant de vrais religieux ! Oh que n'ai-je eu le bonheur d'être ici lorsque ces bourreaux y sont venus, pour avoir part à la gloire de vos couronnes !"
Dans ce combat contre la simonie de l'usurpateur du siège archiépiscopal de Florence, ce furent enfin les religieux de Vallombreuse qui l'emportèrent. Ayant proposé de prouver l'usurpation par l'épreuve du feu, l'un des religieux, nommé Pierre (comme l'usurpateur), y entra et y demeura longtemps sans y subir aucun dommage. Ce religieux fut dès lors nommé Igné et fut plus tard élevé à la dignité de cardinal.
Le Pape, à la prière du clergé et du peuple de Florence finit par déposer l'usurpateur.
Il faut noter que cette épreuve du feu était condamnée par le souverain pontife et par l'Eglise. En effet, elle offrait la possibilité à bien des escrocs ou des magiciens d'impressionner les pauvres gens et de les jeter dans la superstition. Cependant, son recours persistait encore au temps de saint Jean Gualbert.
Mort de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.
Il retourna le 12 juillet 1073 à Passignano à Notre Père des Cieux. L'on mit, ce que notre saint avait demandé, ce billet dans son cerceuil :
" Moi, Jean, je crois et je confesse la foi que les saints Apôtres ont prêchée et que les saints Pères ont confirmée par quatre conciles."
Canonisé par Célestin III en 1193, Clément X permit d'en faire l'office semi-double et Innocent IX le fit Double et de précepte.
PRIERE
" Vous avez été un vrai disciple de la loi nouvelle, Ô vous qui sûtes épargner un ennemi en considération de la Croix sainte. Apprenez-nous à conformer comme vous nos actes aux leçons que nous donne l'instrument du salut ; et il deviendra pour nous, comme il le fut pour vous, une arme toujours victorieuse contre l'enfer. Pourrions-nous, à sa vue, refuser d'oublier une injure venant de nos frères, quand c'est un Dieu qui, non content d'oublier nos offenses autrement criminelles à sa souveraine Majesté, se dévoue sur ce bois pour les expier lui-même ? Si généreux qu'il puisse être jamais, le pardon de la créature n'est qu'une ombre lointaine de celui que nous octroie chaque jour le Père qui est aux deux. A bon droit pourtant l'Evangile que l'Eglise chante à votre honneur nous montre, dans l'amour des ennemis, le caractère de ressemblance qui nous rapproche le plus de la perfection de ce Père céleste, et le signe même de la filiation divine en nos âmes (Matth. V. 45, 48.).
Vous l'avez eu, Ô Jean, ce caractère de ressemblance auguste ; Celui qui en vertu de sa génération éternelle est le propre Fils de Dieu par nature, a reconnu en vous ce cachet d'une incomparable noblesse qui vous faisait son frère. En inclinant vers vous sa tête sacrée, il saluait la race divine (Act. XVII, 29.) qui venait de se déclarer dans ce fils de la terre et allait éclipser mille fois l'illustration que vous teniez des aïeux d'ici-bas. Quel germe puissant l'Esprit-Saint alors déposait en vous ; et combien Dieu parfois récompense la générosité d'un seul acte !
Abbaye de Vallombreuse. Toscane.
Votre sainteté, la part glorieuse qui fut la vôtre dans la victoire de l'Eglise, et cette fécondité qui vous donne de revivre jusqu'à nos jours dans l'Ordre illustre qui plonge en vous ses racines : toutes ces grâces de choix pour votre âme et tant d'autres âmes, ont dépendu de l'accueil que vous alliez faire au malheureux que sa fatalité ou la justice du ciel, auraient dit vos contemporains, jetait sur vos pas. Il était digne de mort ; et dans ces temps où chacun plus ou moins se taisait justice lui-même, votre bonne renommée n'aurait point souffert, elle n'eût fait que grandir, en lui infligeant le châtiment qu'il avait mérité. Mais si l'estime de vos contemporains vous restait acquise, la seule gloire qui compte devant Dieu, la seule qui dure devant les hommes eux-mêmes, n'eût point été votre partage. Qui maintenant vous connaîtrait ? qui surtout prononcerait votre nom avec l'admiration et la reconnaissance qu'il excite aujourd'hui parmi les enfants de l'Eglise ?
Le Fils de Dieu, voyant vos dispositions conformes aux sentiments de son cœur sacré, a versé dans le vôtre son amour jaloux pour la cité sainte au rachat de laquelle il a voué tout son sang. Ô zélateur de la beauté de l'Epouse, veillez sur elle toujours ; éloignez d'elle les mercenaires qui prétendraient tenir de l'homme le droit de représenter l'Epoux à la tête des Eglises. Que l'odieuse vénalité de vos temps ne se transforme point dans les nôtres en compromissions d'aucune sorte à l'égard des pouvoirs de la terre. La simonie la plus dangereuse n'est point celle qui s'escompte à prix d'or ; il est des obséquiosités, des hommages, des avances, des engagements implicites, qui ne tombent pas moins sous l'anathème des saints canons que les transactions pécuniaires : et qu'importerait, de fait, l'objet ou la forme adoucie du contrat simoniaque, si la complicité achetée du pastorat laissait les princes charger l'Eglise à nouveau des chaînes que vous avez tant contribué à briser ?
Panneau de bois peint. Chapelle San-Miniato Al Monte. Florence. XIVe.
Ne permettez pas, Ô Jean Gualbert, un tel malheur qui serait l'annonce de désastres terribles. Que la Mère commune continue de sentir l'appui de votre bras puissant. Sauvez une seconde fois en dépit d'elle-même votre patrie de la terre. Protégez, dans nos temps malheureux, le saint Ordre dont vous êtes la gloire et le père ; que sa vitalité résiste aux confiscations, aux violences de cette même Italie qui vous proclama autrefois son libérateur. Obtenez aux chrétiens de toute condition Je courage nécessaire pour soutenir la lutte qui s'offre à tout homme ici-bas.
Toute l'Eglise fait écho en ce jour au solennel hommage que Milan continue de rendre, après seize siècles, à deux vaillants témoins du Christ. " Nos martyrs Félix et Nabor, dit saint Ambroise (In Luc. XIII, 19.), sont le grain de sénevé de l'Evangile. Ils possédaient la bonne odeur de la foi, mais sans qu'elle fût manifestée ; vint la persécution, ils déposèrent leurs armes, inclinèrent la tête, et frappés du glaive, ils répandirent jusqu'aux confins du monde entier la grâce qui se cachait en eux, en sorte que maintenant on peut dire à bon droit que leur voix a éclaté par toute la terre." (Psalm. XVIII, 5.).
Honorons-les, et méritons leurs suffrages par la prière que l'Eglise adresse aujourd'hui à Dieu en mémoire de leurs glorieux combats."
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12 juillet. Saint Menou, évêque de Quimper-Corentin et confesseur. VIIe.
Dom Lobineau. Eloge de saint Menou.
L'Irlande fut la patrie de saint Menou. Afin de servir Dieu d'une manière plus parfaite, il quitta, dès sa jeunesse, son pays et sa famille et se rendit d'abord dans la Grande-Bretagne, d'où il passa en Armorique et aborda à Quimper-Corentin, ville qui, à cette époque, faisait partie du pays des Ossimiens. Saint Corentin, deuxième du nom, en était alors évêque.
Il appela le jeune étranger, lui demanda d'où il venait et quel était le motif de son voyage. Menou lui répondit, en langue bretonne, qu'il était natif d'Irlande et que le désir de s'occuper uniquement du service de Dieu l'avait conduit dans cette contrée. Sa piété toucha le saint évêque, qui, le voyant d'ailleurs très-instruit, l'admit dans son clergé et l'éleva au sacerdoce.
Menou, devenu prêtre, ne se contenta pas d'immoler chaque jour la divine Victime, il s'offrait lui-même au Seigneur comme une hostie vivante, par une rude vie d'ascète. Sa Foi vive le rendait l'objet du respect et de l'affection du peuple. Aussi, à l'époque de la mort de saint Corentin fut-il appelé à lui succéder, par les voeux réunis du clergé et des fidèles. Devenu pasteur des âmes, le Saint ne se borna pas à les édifier par une vie régulière ; son soin principal fut de les instruire assidûment des vérités du Salut et de leur distribuer le pain sacré de la Parole de Dieu.
Sa charité, qui l'occupait sans cesse à pourvoir avec sollicitude aux besoins spirituels de ses ouailles, le rendait également sensible à leurs maux corporels. On rapporte qu'un homme noble du pays, que le prince retenait en prison, ayant entendu parler de l'éminente sainteté de l'évêque, témoigna le désir, s'il était rendu à la liberté, de se convertir, de suivre ses prédications et de recevoir sa bénédiction. Le zèlé pasteur, informé des pieuses dispositions du prisonnier, lui envoya son anneau et lui fit dire qu'il ne désespérât pas de Dieu, qu'il aurait bientôt des actions de grâces à rendre à Sa bonté infinie. Le prisonnier reçut avec plaisir cet anneau et en toucha ses chaînes, qui se brisèrent à la vue de tous les assistants, de telle manière qu'il put aller librement trouver le saint évêque, vers lequel il se hâta de se rendre. S'étant prosterné à ses pieds, et lui ayant témoigné sa vive reconnaissance, il en reçut le bienfait de l'instruction Chrétienne et le sacrement de Baptême, après lequel il s'en retourna chez lui plein de joie.
Il parait que saint Menou avait fait le voeu de visiter les tombeaux des saints Apôtres. Ce qu'il y a de certain c'est qu'il partit pour Rome accompagné de quelques-uns de ses prêtres. Arrivé à Rome, il n'y put tenir longtemps sa sainteté cachée ; car un miracle le fit bientôt connaître. Il accorda à un paralytique, qui lui demandait l'aumône, un bien plus grand avantage, celui de sa guérison. Ce prodige parvint aux oreilles du pape qui s'en réjouit et voulut voir le saint évêque. Il l'engagea beaucoup à prolonger son séjour à Rome ; mais le serviteur de Dieu ayant satisfait sa dévotion, résolut de retourner vers son troupeau.
Saint Menou. Bas-relief. Eglise Saint-Menoux.
Il quitta donc Rome, accompagné de ses prêtres, et étant rentré en France, il parvint jusqu'à Mouilly, petite ville du Bourbonnais et aujourd'hui du diocèse de Moulins. Là, il annonça à ses disciples que sa mort était prochaine, et il leur en prédit le jour et l'heure. Désolés d'apprendre cette triste nouvelle, ceux-ci ne le quittaient plus, et, réunis autour de lui, ils le priaient de vouloir bien être leur protecteur perpétuel dans la Ciel, comme il avait été leur maître dans les voies de la perfection sur la terre. Le vertueux évêque les exhorta à la persévérance dans le bien ; il reçut ensuite le saint Viatique, et, se plaçant comme s'il avait voulu se livrer au sommeil, il expira en priant, et fut aussi exempt des douleurs de la mort qu'il l'avait été pendant sa vie de la contagion du péché.
Son humilité lui avait fait demander d'être inhumé dans l'endroit le moins apparent du cimetière de Saint-Germain, et ses intentions furent remplies ; mais un miracle opéré à son tombeau porta un seigneur, nommé Arcade, à faire construire dans ce lieu une église en l'honneur du saint évêque ; on y fonda un monastère de filles, et Adalgise, troisième abbesse, fit lever son corps de terre dans le IXe siècle. L'abbaye est maintenant détruite, mais les reliques de saint Menou sont encore conservées dans l'ancienne église, qui est aujourd'hui paroissiale.
Le culte de saint Menou est depuis longtemps établi, non-seulement dans le lieu qui porte aujourd'hui son nom, mais dans tout le diocèse de Bourges. Le Bréviaire de cette église, imprimé en 1512, marque son office à trois leçons. Il n'est maintenant que du rite simple. On n'honore pas ce saint évêque en Bretagne, sans doute parce qu'il est mort hors de la province et que ses actions n'y étaient pas connues. Son nom cependant se retrouve assez fréquemment dans le pays ; Pont-Menou, le Vau-Meno et Kermeno le rappellent visiblement. Nous croyons que saint Nolf, dont une paroisse du diocèse de Vannes porte le nom, n'est autre que saint Menou, qui se nomme en latin " Menulphus ".
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jeudi, 11 juillet 2024
11 juillet. Saint Pie Ier, pape et martyr. 156.
Saint Pie Ier et sainte Praxède, vierge.
Un saint Pape du second siècle, le premier de cette série de Pontifes que le nom de Pie a illustrés jusqu'à nos jours, projette sur nous sa douce et sereine lumière. Malgré la situation toujours précaire de la société chrétienne, en face d'édits de persécution que les meilleurs des princes païens n'abrogèrent jamais, il mit à profit la paix relative que valait à l'Eglise la modération personnelle d'Antonin le Pieux, pour affermir les assises de la tour mystérieuse élevée par le Pasteur céleste à la gloire du Seigneur Dieu (Herm. Past.). Exerçant ses droits de suprême hiérarque, il établit que, nonobstant la pratique contraire suivie encore en divers lieux, la fête de Pâques serait désormais célébrée au dimanche par toutes les Eglises. Bientôt la glorieuse mémoire de Victor, successeur de Pie à la fin de ce siècle, viendra nous rappeler l'importance de la mesure qu'il crut ainsi devoir prendre et le retentissement qu'elle eut dans l'Eglise entière.
L'ancienne Légende de saint Pie Ier, modifiée récemment, rappelait le décret attribué dans le Corps du droit à notre Pontife (Cap. Si per negligentiam, 27. Dist. II de Consecratione.), touchant celui dont la négligence aurait laissé tomber quelque chose du Sang du Seigneur. Ces prescription: traduisent bien le respect profond que le sain : Pape voulait voir témoigner au Mystère de l'autel : la pénitence, y est-il ordonné, sera de quarante jours, si l'effusion du Sang précieux a lieu jusqu'à terre ; où que ce soit qu'il tombe, on devra le recueillir avec les lèvres s'il se peut, brûler la poussière et déposer la cendre en un lieu non profane.
Le premier pape qui porta le nom glorieux de Pie était un Italien de la ville d'Aquilée, dans l'état de Venise. Encore tout jeune, il vint habiter Rome où il fut admis au nombre des diacres. Le futur élu au souverain pontificat exerçait le sacerdoce lorsque le pape Hygin mourut martyr, en l'an 142. Il adopta le nom de Pie Ier, nom qui devait devenir si cher à l'Eglise.
Avec l'aide des lumières de saint Justin le Philosophe, il combattit l'hérésie de Valentin et refusa de communiquer avec Marcion qui tentait d'introduire dans l'Eglise la doctrine fataliste des deux principes, l'un auteur du bien, dont l'âme serait une émanation, l'autre auteur du mal, dont le corps serait l'ouvrage. Le saint pape Pie Ier eut surtout à combattre l'hérésie des Gnostiques implantée par Simon le Magicien qui avait essayé de tromper les fidèles de Rome par ses prestiges et ses artifices diaboliques.
Saint Pie Ier établit que la fête de Pâques se célébrerait le dimanche, en mémoire de la glorieuse Résurrection du Sauveur qui eut lieu ce jour de la semaine. Il fixa cette loi inviolable afin de continuer la pieuse coutume qui s'observait déjà par la tradition des Apôtres, et parce qu'il désirait abolir les superstitions de certaines Eglises qui voulaient imiter les Poldèves en cette sainte solennité.
Saint Pie Ier venait souvent célébrer le Saint Sacrifice de la messe dans l'illustre maison de saint Pudens, sénateur qui voulut consacrer sa maison afin de la convertir en église ouverte à tous les chrétiens. Comme une multitude de païens accouraient en ces lieux bénis pour demander leur admission au sein de l'Eglise naissante, cette affluence ne tarda pas à être remarquée par les idolâtres jaloux et hostiles qui s'empressèrent d'adresser leurs plaintes à l'empereur Marc-Aurèle Antonin.
Mosaïque représentant saint Pie Ier et sainte Praxède.
Ce prince ralluma la persécution à cause du grand nombre de conversions qui ne cessaient de se multiplier dans son empire. Il défendit aux chrétiens de se mêler au reste du peuple et de paraître dans les marchés, ainsi qu'aux thermes publics.
Saint Pie Ier gouverna la chrétienté pendant plus de quinze ans. L'histoire conteste que ce pontife ait donné son sang pour la foi, mais l'Église l'honore comme martyr. Il fut enseveli dans la catacombe du Vatican, auprès du corps de saint Pierre.
Dans la catacombe de Sainte-Priscille, sur la via Salaria, une peinture contemporaine de Pie Ier représente ce pontife, vêtu du Colobium, et assis sur une chaire épiscopale. La vierge sainte Praxède est debout devant lui tenant un voile déplié. Le pape lui impose les mains. Un prêtre assiste à cette sainte cérémonie ; il s'agit de Pastor, frère de saint Pie Ier.
Il y a des reliques de notre saint à Saint-Leu, aux Clarisses et aux Ursulines d'Amiens, au Saint-Sépulcre d'Abbeville, à Saint-Pierre de Roye et à Montreuil.
Eglise du Saint-Sépulcre d'Abbeville.
" C'est qu'en effet, proclamait dès le milieu du second siècle à la face du monde Justin le Philosophe, nous ne recevons pas comme un pain commun, comme un breuvage commun, cet aliment nommé chez nous Eucharistie ; mais de même que, fait chair par la parole de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur a eu et chair et sang pour notre salut, de même il nous a été appris que l'aliment fait Eucharistie par la prière formée de sa propre parole est et la chair et le sang de ce Jésus fait chair." (Apolog. I, 66.).
A cette doctrine, aux mesures qu'elle justifie si amplement, d'autres témoins autorisés faisaient écho, sur la fin du même siècle, en des termes qu'on croirait eux aussi empruntés à la lettre même des prescriptions qui vous sont attribuées :
" Nous souffrons anxieusement, si quoi que ce soit du calice ou du pain même qui est nôtre vient à tomber à terre ", disait Tertullien (De corona, III.) ; et Origène en appelait aux habitués des Mystères divins pour dire " quels soins, quelle vénération, entouraient les dons sacrés de peur que ne s'en échappât la moindre parcelle, ce qui, provenu de négligence, eût été regardé comme un crime " (In Ex. Homil. XII.).
Mosaïque représentant saint Pie Ier et sainte Praxède.
Et maintenant l'hérésie, pauvre de science comme de foi, prétend de nos jours que l'Eglise a dévié des antiques traditions, en exagérant ses hommages au Sacrement divin ! Faites en effet, Ô Pie, que nous revenions aux dispositions de nos pères : non dans leur foi, qui est toujours la nôtre ; mais dans la vénération et l'amour qu'ils puisaient en cette foi pour le calice enivrant (Psalm. XXII, 5.), trésor de la terre. Puisse l'Agneau réunir dans la célébration d'une même Pàque, selon vos volontés, tous ceux qu'honore le nom de chrétiens !"
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