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mercredi, 06 novembre 2024

6 novembre. Saint Léonard de Noblat, solitaire en Limousin, patron des prisonniers. seconde moitié du VIe siècle.

- Saint Léonard, solitaire en Limousin, patron des prisonniers. seconde moitié du VIe siècle.

Papes : Saint Symmaque ; Pélage II. Rois des Francs : Clovis Ier ; Sigebert Ier.

" Les dons de Dieu ne s'achètent pas à prix d'argent ; c'est la foi qui les mérite, et le Seigneur les distribue aux fidèles suivant la mesure de leur foi."
Saint Léonard.

" Baiser de paix " représentant saint Léonard. Filippo de Sulmone.
Italie. XVIe. Le Baiser de paix est un objet de culte que l'on baise
lors des solennités liées au saint qu'il représente et par l'intercession
duquel on a quelque faveur ou action de grâce à présenter à
Notre Père des Cieux.

Léonard veut dire odeur du peuple, de Leos, peuple, et nardus, nard, herbe odoriférante, parce que l’odeur d'une bonne renommée attirait le peuple à lui. Léonard peut encore venir de Legens ardua, qui choisit les lieux escarpés, ou bien il vient de Lion. Or, le lion possède quatre qualités :

1. La force qui, selon Isidore, réside dans sa poitrine et dans sa tète. De même, saint Léonard posséda la force dans son coeur, en mettant un frein aux mauvaises pensées, et dans la tête, par la contemplation infatigable des choses d'en haut ;
2. Il possède la sagacité en deux circonstances, savoir en dormant les yeux ouverts et en effaçant les traces de ses pieds quand il s'enfuit. De même, Léonard veilla par l’action du travail ; en veillant, il dormit dans le repos de la contemplation, et il détruisit en lui les traces de toute affection mondaine ;
3. Il possède une grande puissance dans sa voix, au moyen de laquelle il ressuscite au bout de trois jours son lionceau qui vient mort-né, et son rugissement fait arrêter court toutes les bêtes. De même, Léonard ressuscita une infinité de personnes mortes dans le péché, et il fixa dans la pratique des bonnes oeuvres beaucoup de morts qui vivaient en bêtes ;
4. Il est craintif au fond du coeur, car, d'après Isidore, il craint le bruit des roues et le feu. De même, Léonard posséda la crainte qui lui fit éviter le bruit des tracas du monde, c'est pour cela qu'il s'enfuit au désert ; il craignit le feu de la cupidité terrestre : voilà pourquoi il méprisa tous les trésors qu'on lui offrit. (Bréviaire de Limoges).

Léonard vécut, dit-on, vers l’an 500. Il naquit dans la province des Gaules au temps de l'empereur Anastase (491-518), de nobles francs, alliés du roi Clovis qui, " d'après des témoignages véridiques ", voulut bien être le parrain de l'enfant. Ce fut saint Remi, archevêque de Reims, qui le tint sur les fonts sacrés du baptême et, qui l’instruisit dans la science du salut.

Saint Léonard devant Clovis.
Vies de saints. Richard de Montbaston. XIVe.

Devenu grand, Léonard refusa de servir dans l'armée royale comme tous ses parents, mais voulut suivre saint Remi, évêque de Reims.

Saint Remi avait obtenu des rois que, chaque fois qu'ils viendraient à Reims ou qu'ils y passeraient, tous les prisonniers seraient aussitôt libérés. Léonard pour imiter cette charité demanda que tous les prisonniers qu'il visiterait soient aussitôt libérés : le roi accorda cette faveur dont le saint usa largement.

Or, comme la renommée de sa sainteté allait toujours croissant, le roi le fit rester longtemps auprès de lui, jusqu'à ce qu'il se présentât une occasion favorable de lui donner un évêché. Léonard le refusa, car, préférant la solitude, il quitta tout et vint avec son frère Liphard à Orléans où ils se livrèrent à la prédication.

Saint Léonard et saint Jacques. Domenico del Mazziere. Florence. XVe.

Après avoir passé quelque temps dans un monastère, Liphard ayant voulu rester solitaire sur les rives de la Loire, et Léonard, d'après l’inspiration du Saint-Esprit, se disposant à prêcher dans l’Aquitaine, ils se séparèrent après s'être embrassés mutuellement. Léonard prêcha donc en beaucoup d'endroits, fit un grand nombre de miracles et se fixa dans une forêt voisine de la ville de Limoges, où se trouvait un château royal bâti à cause de la chasse.

Or, il arriva qu'un jour le roi étant venu y chasser, la reine, qui l’avait accompagné pour son amusement, fut saisie par les douleurs de l’enfantement et se trouva en péril. Pendant que le roi et sa suite étaient en pleurs à raison du danger qui menaçait la reine, Léonard passa à travers la forêt et entendit leurs gémissements.
Emu de pitié, il alla au palais où on l’introduisit auprès du roi qui l’avait appelé. Celui-ci lui ayant demandé qui il était, Léonard lui répondit qu'il avait été disciple de saint Remi. Le roi conçut alors bon espoir et pensant qu'il avait été élevé par un bon maître, il le conduisit auprès de la, reine en le priant de lui obtenir par ses prières deux sujets de joie, savoir : la délivrance de son épouse et la naissance de l’enfant.

Léonard fit donc une prière et obtint à l’instant ce qu'il demandait. Or, comme le roi lui offrait beaucoup d'or et d'argent, il s'empressa de refuser et conseilla au prince de distribuer ces richesses aux pauvres :

" Pour moi, lui dit-il, je n'en ai aucun besoin, je ne désire qu'une chose : c'est de vivre dans quelque forêt, en méprisant les richesses de ce monde, et en ne servant que Notre Seigneur Jésus-Christ."
Et comme le roi voulait lui donner toute la forêt, Léonard lui dit :
" Je ne l’accepte pas tout entière, mais je vous prie seulement de me concéder la portion dont je pourrai, la nuit, faire le tour avec mon âne."
Ce à quoi le roi consentit bien volontiers.

Enseigne de pélerinage. Saint Léonard. XIVe.

Léonard construisit un oratoire en l'honneur de Notre-Dame et y dédia un autel en mémoire de saint Remi. Il se rendait souvent au tombeau de saint Martial.

On y éleva ensuite un monastère où Léonard vécut longtemps dans la pratique d'une abstinence sévère, avec deux personnes qu'il s'adjoignit.

Or, comme on ne pouvait se procurer de l’eau qu'à une demie-lieue de distance, il fit percer un puits sec dans son monastère et il le remplit d'eau par ses prières. Il appela ce lieu Nobiliac parce qu'il lui avait été donné par un noble roi. Il s'y rendit illustre par de si grands miracles que tout prisonnier, invoquant son nom, était délivré de ses chaînes et s'en allait libre, sans que personne n'osât s'y opposer ; il venait ensuite présenter à Léonard les chaînes ou les entraves dont il avait été chargé. Plusieurs de ces prisonniers restaient avec lui et servaient le Seigneur. Sept familles de ses parents, nobles comme lui, vendirent tout ce qu'elles possédaient pour le joindre : il distribua à chacune une portion de la forêt et leur exemple attira beaucoup d'autres personnes.

Notre Dame et son divin Fils entourée de saint Léonard à sa droite
et de saint Pierre à sa gauche. Maître de Madeleine. Italie. XIIIe.

Enfin, le saint homme Léonard, tout éclatant de nombreuses vertus, trépassa au Seigneur le 8 des Ides de novembre. Comme il s'opérait beaucoup de miracles au lieu où il reposait, il fut révélé aux clercs de faire construire une autre église ailleurs, parce que celle qu'ils avaient là leur était trop petite à raison de la multitude des pèlerins, puis d'y transférer avec honneur le corps de saint Léonard.

Quand les clercs et le peuple eurent passé trois jours dans le jeûne et la prière, ils virent tout le pays couvert de neige, mais ils remarquèrent que le lieu où voulait reposer saint Léonard en était entièrement dépourvu. Ce fut donc là qu'il fut transporté. L'immense quantité de différentes chaînes de fer suspendues devant son tombeau témoigne combien de miracles le Seigneur opèra par son intercession, surtout à l’égard de ceux qui sont incarcérés.

Saint Léonard. Vies de saints. Maître de Fauvel. XIVe.

Le vicomte de Limoges, pour effrayer les malfaiteurs, avait fait forger une chaîne énorme qu'il avait commandé de fixer au pied de sa tour. Quiconque avait cette chaîne au cou restait exposé à toutes les intempéries de l’air, c'était donc endurer mille morts à la fois.
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Or, il arriva qu'un serviteur de saint Léonard fut attaché à cette chaîne, sans l’avoir mérité. Il allait rendre le dernier soupir, quand il se recommanda, le mieux qu'il put et de tout coeur, à saint Léonard, en le priant, puisqu'il délivrait les autres, de venir aussi au secours de son serviteur.
A l’instant saint Léonard lui apparut, revêtu d'un habit blanc, et lui dit :
" Ne crains point, car tu ne mourras pas. Lève-toi et porte cette chaîne avec toi à mon église. Suis-moi, je te précéderai."
Cet homme se leva, prit la chaîne et suivit jusqu'à son église saint Léonard qui marchait en avant. Au moment où il arrivait vis-à-vis la porte, le bienheureux prit congé de lui. Le serviteur entra donc dans l’église et raconta à tout le monde le service que saint Léonard lui avait rendu, et il suspendit devant le tombeau cette chaîne énorme.

Un habitant de Nobiliac, qui était fort fidèle à saint Léonard, fut pris par un tyran, qui se dit en lui-même :
" Ce Léonard délivre tous ceux qui sont enchaînés et toute espèce de fer, quelle qu'en soit la force, fond en sa présence comme la cire devant le feu. Si donc je fais enchaîner cet homme, aussitôt Léonard viendra le délivrer ; mais si je pouvais le garder, j'en tirerais mille sous pour sa rançon. Je sais ce que j'ai à faire. Je ferai creuser au fond de ma tour une fosse profonde et j'y plongerai cet homme après l’avoir chargé d'entraves. Ensuite sur l’orifice de la fosse, je ferai construire une geôle de bois où veilleront des soldats en armes. Bien que Léonard brise le fer, cependant il n'est pas encore entré sous terre."
Ce tyran exécuta tout ce qu'il s'était proposé, et comme le prisonnier se recommandait à chaque instant à saint Léonard, le bienheureux vint la nuit et retournant la geôle où se trouvaient les soldats, il les y renferma dessous comme des morts dans un sépulcre. Ensuite étant entré dans la fosse, environné d'une grande lumière, il prit son fidèle serviteur par la main et lui dit :
" Dors-tu, ou veilles-tu ? Voici Léonard que tu désires voir."
Alors cet homme s'écria plein d'admiration :
" Seigneur, aidez-moi."
Aussitôt le saint brisa les chaînes, prit le prisonnier dans ses bras et le porta hors de la tour. Ensuite, s'entretenant avec lui, comme un ami le fait avec son ami, il le conduisit jusqu'à Nobiliac et même jusqu'à sa maison.

Saint Léonard. Détail. Antonio Allegri (Le Corrège). XVIe.

Un pèlerin qui revenait d'une visite à saint Léonard, fut pris en Auvergne et renfermé dans une cave. Il conjurait ses geôliers de le relâcher, par amour pour saint Léonard, car jamais il ne les avait offensés en rien. Ils répondirent que s'il ne donnait une somme importante pour sa rançon, il ne sortirait pas.
" Eh bien, dit le pèlerin, que l'affaire se vide entre vous et saint Léonard auquel vous saurez que je me suis recommandé."
Or, la nuit suivante, saint Léonard apparut au maître du château et lui commanda de laisser partir son pèlerin. Le matin à son réveil, cet homme n'estimant pas la vision qu'il avait eue plus qu'il n'eût fait d'un songe, ne voulut pas lâcher son prisonnier. La nuit suivante, saint Léonard lui apparut encore, en lui réitérant les mêmes ordres ; mais il refusa de nouveau d'y obtempérer ; alors la troisième nuit, le saint prit le pèlerin et le conduisit hors de la place.
Un instant après, la tour s'écroula avec la moitié du château ; plusieurs personnes furent écrasées et le seigneur, qui n'eut que les deux jambes cassées, fut préservé afin qu'il pût survivre à sa confusion.

Un soldat, prisonnier en Bretagne, invoqua saint Léonard, qui apparut au milieu de la maison, entra dans la prison, et après avoir brisé les chaînes qu'il remit entre les mains de cet homme, l’emmena en lui faisant traverser la foule frappée à cette vue de stupeur et d'effroi.

Saint Etienne, saint Laurent et saint Léonard. Anonyme.
Basilique San-Lorenzo. Florence. XVe.

A 22 kilomètres à l'est de Limoges, la petite ville de Saint-Léonard-de-Noblat a gardé l'aspect pittoresque que lui a donné au Moyen-Age sa grande prospérité. La vaste église, un des plus beaux monuments romans limousins, construite à la fin du XIe siècle et au XIIe, est flanquée au Nord par un splendide clocher à 5 étages et une curieuse chapelle du Saint-Sépulcre qui rappelle que saint Léonard fut souvent invoqué avec succès par les Croisés.

On regrette les malheureuses modifications dont cette église fut victime, surtout celles de 1603, qui défigurèrent le choeur. La prospérité a été apportée à la ville par les pèlerins qui, venant en foule au tombeau de saint Léonard, créèrent un important mouvement commercial.Selon certaines sources, l'église actuelle aurait été reconstruite sur l'emplacement d'une église du IXe siècle.

Dans sa Chronique écrite vers 1028, Adhémar raconte que lorsque, vers 1017, fut découvert à Saint-Jean-d'Angély le chef de saint Jean-Baptiste, les clercs et les fidèles accoururent en foule pour le vénérer en apportant les reliques de leurs saints. On vit celles de saint Martial, de saint Cybard, de saint Léonard, confesseur en Limousin, de saint Antonin, martyr du Quercy, etc., qui accomplirent tous beaucoup de miracles.

Adhémar se contente de présenter saint Léonard comme " confesseur limousin ", ce qui signifie que ses reliques reposaient dans ce diocèse, sans rien préjuger de son origine, puisque saint Antonin, qualifié de " martyr du Quercy ", n'appartient à cette région que parce que ses reliques avaient été déposées à l'abbaye Saint-Antonin de Noble-Val, à la limite du Rouergue et du Quercy.

Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat. Limousin. France.

Exactement à l'époque où Adhémar écrivait sa Chronique, peu avant 1028, un clerc, nommé Hildegaire, fit de la part de l'évêque de Limoges, Jourdain de Laron, une requête assez inattendue à l'évêque de Chartres, Fulbert : il lui demandait de lui envoyer la Vie de saint Léonard, s'il pouvait la trouver. Les Limousins s'adressaient à Fulbert comme à un savant habile à découvrir les trésors des bibliothèques - de nos jours encore, on s'adresse à des chercheurs lointains pour connaître ses gloires locales. Pour ne pas commettre d'impair, Hildegaire avançait prudemment : on dit que ce saint repose dans notre diocèse.

Le renom de la sainteté de Léonard se répandit dans toute l'Aquitaine, la Grande-Bretagne et la Germanie. Dieu glorifiait son serviteur, de sorte que si quelque prisonnier invoquait son nom, ses chaînes se brisaient et nul ne pouvait l'empêcher de partir. Beaucoup venaient de tous pays lui apporter leurs chaînes et certains voulaient se fixer auprès de lui. Le saint leur donnait un lopin de terre pour qu'ils puissent vivre honnêtement de la culture et éviter de nouveaux vols qui les ramèneraient en prison. Il guérissait aussi les nombreux malades qui venaient à lui.

A la fin du XIe siècle, la dévotion à saint Léonard se répandit très vite en France, sa fête fut célébrée à Limoges, dans les diocèses voisins, Bourges, Clermont, Le Puy, Rodez, Bordeaux, Saintes, Poitiers, dans l'Ouest à Angers et à Nantes, dans la région parisienne et en Normandie, d'où elle passa en Angleterre au moment de la conquête. La Flandre, l'Italie la reçurent également, mais sa popularité atteignit son maximum en Bavière, en Autriche et en Souabe.
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http://i84.servimg.com/u/f84/11/64/82/51/chapel10.jpg
Chapelle Saint-Léonard. Guingamp. XIIe - XIIIe. Cette chapelle fut
édifiée à Guingamp, au diocèse de Saint-Brieuc-Tréguier,
par des croisés qui, revenant de Terre sainte,
l'élevèrent en action de grâce et en reconnaissance à saint Léonard
par l'intercession duquel ils avaient été délivrés des mahométans.

Un des grands dévots du saint fut d'ailleurs un Allemand, l'évêque Waléran de Naumbourg en Saxe (+ 1111), qui séjourna quelques années à Noblat, où les chanoines le reçurent fort bien ; il leur en garda une profonde reconnaissance, copia pour eux la Vie et les Miracles du saint, puis en donna une nouvelle édition légèrement remaniée, qu'il dédia à une noble dame nommée Gertrude, peut-être la marquise de ce nom, belle-mère de Lothaire, duc de Saxe.

Saint Léonard fut très populaire auprès des Croisés. Pris dans une embuscade en août 1100, le " prince d'Antioche ", Bohémond, fut libéré seulement en 1103 ; l'année suivante, il partit pour l'Occident et passa à Saint-Léonard de Noblat, où il raconta à sa façon son aventure et sa délivrance qu'il attribuait au saint.

Les miracles de saint Léonard sont surtout des libérations miraculeuses de prisonniers et son église est remplie de leurs ex-voto : ceps, doubles boucles. Par allusion à ces doubles boucles, les fabricants de boucles le choisirent comme patron, ainsi que les fruitiers, beurriers, fromagers et coquetiers qui, courant la campagne pour ramasser leurs denrées, risquaient en temps de troubles d'être pris par des voleurs.

Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat. Limousin. France.
 
LA COLLEGIALE SAINT-LEONARD A SAINT-LEONARD-DE-NOBLAT
 
Chef d’œuvre d’art roman limousin, cette Collégiale romane fut construite au XIe siècle sur l’emplacement du tombeau du Saint.
L’une des particularités de l’édifice réside dans son clocher-porche à " gâbles ". C’est le plus bel exemple de clocher dit limousin. Il s’élève sur 3 étages principaux, puis sur 2 étages au plan octogonal, surmontés d’une flèche en pierre. Sa hauteur totale atteint 52 mètres. Il guidait les pèlerins faisant étape, et se rendant vers Saint-Jacques-de-Compostelle par la Voie limousine.

L’édifice est bâti sur le plan d’une croix latine. Son choeur est entouré de 7 chapelles rayonnantes percées de baies limousines. A la croisée du transept, une tour-lanterne éclaire l’intérieur. Une chapelle ronde, ou rotonde, accolée à la nef, sert de baptistère. Elle fut édifiée à la fin du XIe selon les souhaits d’un chevalier revenant de Croisade, et évoque le Saint Sépulcre de Jérusalem.

Le portail Ouest du XIIIe, est orné de mouluration limousine remarquable. La Collégiale conserve les reliques de Saint Léonard dans deux châsses en cuivre ornées d’émaux peints. Elles sont abritées dans une cage en fer forgé du XVe, au-dessus du maître-autel.

Dans le croisillon sud, se trouve dans un enfeu le tombeau de Saint Léonard. Il possède un couvercle de sarcophage de style mérovingien, en serpentine verte. Juste au-dessus, est suspendue au mur la célèbre chaîne, nommée " Verrou " (il figure d'ailleurs sur les armoiries de la ville de Saint-Léonard-de-Noblat). Elle enserrait la cheville et le cou des prisonniers. Le " Verrou " est lié à de très nombreux miracles obtenus par l’intercession de Léonard.

Tombeau de saint Léonard. On y voit la fameuse chaîne,
attribut de notre Saint. Elle est appelée le  Verrou.
Collégiale Saint-Léonard. Saint-Léonard-de-Noblat.
 
Cette chaîne en fer forgé reliant un collier cadenassé à une double entrave, accrochée au-dessus du tombeau du Saint, reste l’ultime ex-voto d’un culte et d’une dévotion très populaire et répandue en Europe. Saint Léonard a spécialement été invoqué en 1094, lors de l’épidémie du mal des Ardents qui a s'abbatit sur la région.

Saint Léonard est aussi imploré pour les problèmes de maladies et de stérilité féminine. La tradition dispose les femmes voulant se marier ou enfanter touchent le " Verrou " pour être exaucées.
Certes, la prière par l'intercession de saint Léonard libéra miraculeusement bien des captifs, retenu physiquement dans des prisons humaines, mais encore, elle libère efficacement le pécheur, retenu dans la prison de ses passions et de ses vices. On se recommandera avec ferveur à saint Léonard.

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vendredi, 18 octobre 2024

18 octobre. Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.

- Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.

Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.

" Saint Luc a peint admirablement les images de Jésus et de Marie en deux tableaux, après les avoir parfaitement exprimées dans son Evangile et dans son coeur."
Le père Nouet. Méditations.

Saint Luc. Simone Martini. XIVe.

Luc veut dire s'élevant ou montant, ou bien il vient de Lux, lumière. En effet il s'éleva au-dessus de l’amour du monde, et il a monté jusqu'à l’amour de Dieu. II fut la lumière du monde qu'il éclaira tout entier : " Vous êtes la lumière du monde ", dit Notre Seigneur Jésus-Christ (Matth., V.), or, " la lumière du monde est le soleil lui-même. Cette lumière est située en haut " (Eccl., XXVI) : " Le soleil se lève sur le monde au haut du trône de Dieu " ; elle est agréable à voir (Eccl., XI) : " La lumière est douce, et l’oeil se plait à voir le soleil, elle est rapide dans sa course " (III, Esdras, c. IV, p. 34) : " La terre est grande, le ciel est élevé et la course du soleil est rapide ".
Elle est utile en ses effets , parce que, d'après le Philosophe, l’homme engendre l’homme, et le soleil en fait autant. De même saint Luc eut cette élévation par la contemplation des choses célestes ; par sa douceur dans sa manière de vivre, par sa rapidité dans sa fervente prédication et par l’utilité de la doctrine qu'il a écrite.

Plaque de reliquaire. XIe.

Luc, Syrien de nation, originaire d'Antioche, médecin de profession, fut, selon quelques auteurs, un des soixante-douze disciples du Seigneur. Puisque saint Jérôme dit, avec raison, qu'il fut disciple des apôtres et non du Seigneur, et comme la Glose remarque (sur l’Exode, XXV) qu'il ne s'attacha pas à suivre le Seigneur dans sa prédication, mais qu'il ne vint à la foi qu'après sa résurrection, il vaut mieux dire qu'il ne fut pas un des soixante-douze disciples, malgré l’opinion de certains auteurs.

 
Sa vie fut si parfaite qu'il remplit exactement ses devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, et conformément à son ministère. En raison de ces quatre qualités, il est peint sous quatre faces, celle de l’homme, du lion, du boeuf et de l’aigle. " Chacun des animaux, dit Ezéchiel, avait quatre faces et quatre ailes."

Et pour mieux comprendre cela, figurons-nous un animal quelconque ayant une tête carrée, comme un carré de bois sur chacun de ses côtés figurons-nous une face, sur le devant celle d'un homme, à droite celle d'un lion, à gauche celle d'un veau, et par derrière la face d'un aigle. Or, comme la face de l’aigle s'élevait au-dessus des autres en raison de la longueur de son cou, c'est pour cela qu'on dit que l’aigle était par dessus.

Chacun de ces animaux avait quatre ailes ; car comme nous nous figurons chaque animal comme un carré et que dans un carré il se trouve quatre angles, à chaque angle se trouvait une aile. Par ces quatre animaux, d'après quelques saints, on entend les quatre Évangélistes dont chacun eut quatre faces dans ses écrits, savoir : celles de l’humanité, de la passion, de la résurrection et de la divinité ; cependant on attribue plus spécialement à chacun d'eux la face d'un seul animal.

Plaque de reliquaire. XIe.

D'après saint Jérôme, saint Mathieu est représenté sous la figure d'un homme, parce qu'il s'appesantit principalement sur l’humanité du Sauveur ; saint Luc sous celle d'un veau, car il traite du sacerdoce du Christ ; saint Marc, sous celle d'un lion, évidemment parce qu'il a décrit la résurrection. Les lionceaux, dit-on, restent morts trois jours en venant au monde, mais ils sont tirés de cet engourdissement le troisième jour ; par les rugissements du lion.

En outre, saisit Marc commence son évangile par la prédication de saint Jean-Baptiste. Saint Jean est représenté sous la figure d'un aigle, parce qu'il s'élève plus haut que les autres, quand il traite de la divinité du Christ. Or, Notre Seigneur Jésus-Christ. dont les évangélistes ont écrit la vie eut aussi les propriétés de ces quatre animaux : il fut homme en tant que né d'une vierge, veau dans sa passion, lion dans sa résurrection, et aigle dans son ascension. Par ces quatre faces sous lesquelles est désigné saint Luc, aussi bien que chacun des évangélistes, on a voulu montrer les quatre qualités qui le distinguent.

En effet par la face d'homme, on montre quelles furent ses qualités envers le prochain qu'il a dû instruire par la raison, attirer par la douceur et encourager par la libéralité ; car l’homme est une créature raisonnable, douce et libérale. Par la face d'aigle on montré ses dispositions par rapport à Dieu ; parce qu'en lui, l'oeil de l’intelligence regarde Dieu par la contemplation, son affection s'aiguise par la méditation, comme le bec de l’aigle par l’usage qu'il en fait, et il se dépouille de sa vieillesse en prenant un nouvel état de vie.

 
L'aigle en effet a la vue perçante, en sorte qu'il regarde le soleil sans que la réverbération des rayons de cet astre lui fasse fermer les yeux ; et quand il est élevé au plus haut des airs, il voit : les petits poissons dans la mer. Son bec est très recourbé pour qu'il ne soit pas gêné pour saisir sa proie, qu'il écrase sur les pierres de manière qu'elle peut lui servir de nourriture. Brûlé ensuite par l’ardeur du soleil, il se précipité avec grande impétuosité dans une fontaine et se dépouille de sa vieillesse. La chaleur du soleil dissipe les ténèbres qui obscurcissent ses yeux et fait muer son plumage.

Par la face du lion, on voit qu'il fut parfait en soi, car il posséda la générosité dans sa conduite, la sagacité nécessaire pour échapper aux embûches des ennemis, et des habitudes de compassion envers les affligés. Le lion en effet est un animal généreux, puisqu'il est le roi des animaux : il a la sagacité, puisque dans sa fuite, il détruit avec sa queue les vestiges de ses pas afin que personne ne le trouve, il a l’habitude des souffrances, car il souffre de la fièvre quarte.


Saint Luc dessinant la Vierge Marie. Roger van der Weyden. XVIIe.

Par la face de veau ou de boeuf, on voit qu'il remplit avec exactitude les fonctions de son ministère, qui consista à écrire son évangile. Il procéda dans ce livre avec circonspection; en commençant par la naissance du Précurseur, celle du Christ et son enfance, et il décrit ainsi avec enchaînement toutes les actions du Sauveur jusqu'au dernier sacrifice. Son récit est fait avec discernement, parce qu'écrivant après deux évangélistes, il supplée ce qu'ils ont omis et il omet les faits sur lesquels ils ont donné des renseignements suffisants. Il s'appesantit sur ce qui regarde le temple et les sacrifices ; ce qui est évident dans toutes les parties qui composent son livre. Le boeuf est, en effet, un animal lent, aux pieds fendus, ce qui désigne le discernement dans les sacrificateurs.

Figure d'applique d'une reliure. XIIIe.

Au reste, il est aisé de s'assurer d'une manière plus exacte encore que saint Luc eut les quatre qualités dont il vient d'être question, pour peu qu'on examine soigneusement l’ensemble de sa vie. En effet, il eut les qualités qui lui étaient nécessaires par rapport à Dieu. Elles sont au nombre de trois, d'après saint Bernard : l’affection, la pensée et l’intention :

1. L'affection doit être sainte, les pensées pures, et l’intention droite. Or, dans saint Luc, l’affection fut sainte, puisqu'il fut rempli du Saint-Esprit. Saint, Jérôme, dans son prologue de l’évangile de saint Luc, dit de lui qu'il mourut en Béthanie, plein du Saint-Esprit.

2. Ses pensées furent pures ; car il fut vierge de corps et d'esprit, ce qui démontre évidemment la pureté de ses pensées.

3. Son intention fut droite, car, dans tous ses actes, il recherchait l’honneur qui est dû à Dieu. Ces deux dernières vertus font dire dans le prologue sur les Actes des Apôtres : " Il se préserva de toute souillure en restant vierge " ; voici pour la pureté de ses pensées ; " il aima mieux servir le Seigneur ", c'est-à-dire, pour l’honneur du Seigneur, ce qui a trait à la droiture de ses intentions. Venons à ses qualités par rapport au prochain : Nous remplissons nos devoirs à son égard quand nous accomplissons envers lui ce à quoi le devoir nous oblige.
Or, d'après Richard de Saint Victor, nous devons au prochain notre pouvoir, notre savoir et notre vouloir, qui engagent à un quatrième devoir, les bonnes oeuvres. Nous lui devons notre pouvoir en l’aidant, notre savoir en le conseillant, notre vouloir en concevant en sa faveur de bons désirs, et nos actions en lui rendant de bons offices. Or, saint Luc eut ces quatre qualités. Il donna au prochain ce qu'il put pour le soulager : ce qui est évident par sa conduite envers saint Paul auquel il resta constamment attaché dans toutes les tribulations du Docteur des Gentils, qu'il ne quitta jamais, mais auquel il vint en aide dans la prédication. " Luc est seul avec moi ", dit saint Paul à Timothée (I, IV).
Et quand il dit ces mots " avec moi " il veut dire que saint Luc l’aide, le défend, fournit à ses besoins.
Quand il dit : " Luc est seul ", saint Paul montre qu'il lui est constamment attaché. Saint Paul dit encore dans la IIe Ep. aux Corinthiens (VIII), en parlant de saint Luc : " Il a été choisi par les Églises pour nous accompagner dans nos voyages ".
Il donna au prochain son savoir, par les conseils, lorsqu'il écrivit, pour l’utilité du prochain, ce qu'il avait appris de la doctrine des apôtres et de l’Évangile. Il se rend à lui-même ce témoignage, dans son prologue, quand il dit :
" J'ai cru, très excellent Théophile, qu'après avoir été informé exactement de toutes ces choses depuis leur commencement, je devais aussi vous en représenter par écrit toute la suite, afin que vous reconnaissiez la vérité de ce qui vous a été annoncé."
Il servit le prochain de ses conseils, puisque saint Jérôme dit en son prologue, que ses paroles sont des remèdes pour les âmes languissantes. Il fut plein de bons désirs, puisqu'il souhaita aux fidèles le salut éternel (Coloss., IV) :
" Luc, médecin, vous salue."
Il vous salue, c'est-à-dire qu'il souhaite le salut éternel.

4. Ses actions étaient de bons services chose évidente par cela qu'il reçut chez lui Notre-Seigneur qu'il prenait pour un voyageur. Car il était le compagnon de Cléophas qui allait à Emmaüs, au dire de quelques-uns ; ainsi le rapporte saint Grégoire, dans ses Morales, bien que saint Ambroise dise que ce fut un autre, dont il cite même le nom, (Saint Ambroise, in Luc.).

Le boeuf ailé de saint Luc. Plaque de croix reliquaire. XIe.

Troisièmement il posséda les vertus requises pour sa propre sanctification. " Trois vertus disposent l’homme à la sainteté, dit saint Bernard : la sobriété dans la manière de vivre, la justice dans les actes, et la piété du coeur ; chacune de ces qualités se subdivise encore en trois, toujours d'après saint Bernard. C'est vivre sobrement que de vivre avec retenue, politesse et humilité : les actes seront dirigés par la justice s'il existe en eux droiture, discrétion et profit : droiture dans l’intention qui doit être bonne, discrétion s'il y a modération, et profit par l’édification : il y aura piété de coeur, si notre foi nous fait voir Dieu souverainement puissant, souverainement sage, et souverainement bon : en sorte que nous croyons notre faiblesse soutenue par sa puissance, notre ignorance rectifiée par sa sagesse, et, notre iniquité détruite par sa bonté."

Or, saint Luc posséda toutes ces qualités :

1. Il y eut sobriété dans sa manière de vivre, en trois choses :
a) en vivant dans la continence ; car saint Jérôme dit de lui en son prologue sur saint Luc, qu'il ne se maria point, et qu'il n'eut pas d'enfants ;
b) en vivant avec politesse, comme on l’a vu tout à l’heure en parlant de Cléophas, supposé qu'il eût été l’autre disciple : " Deux des disciples de Jésus allaient ce jour-là à Emmaüs ".
Il fut poli, ce qui est indiqué par le mot " deux " ; c'étaient des disciples, donc c'étaient des personnes bien disciplinées et de bonne conduite ;
c) en vivant avec humilité, vertu insinuée en cela qu'il cite Cléophas son compagnon, mais sans se nommer lui-même. D'après l’opinion de quelques auteurs, il ne se nomme pas par humilité.

2. Il y eut justice en ses actes et chacun d'eux procéda d'une intention droite ; vertu indiquée dans l’oraison de son office où il est dit que, " pour la gloire du nom du Seigneur, il a continuellement porté sur son corps la mortification de la Croix " : il y eut discernement dans sa conduite calme ; aussi est-il représenté sous la face du boeuf qui a la corne du pied fendue, c'est le signe de la vertu de discernement. Ses actes produisirent des fruits d'édification ; car il était grandement chéri de tous.
Ce qui le fait appeler très cher par saint Paul en son épître aux Colossiens (IV) : " Luc, notre très cher médecin, vous salue ".

3. Il eut des sentiments pieux, car il eut la foi ; et dans son évangile il proclama la souveraine puissance de Dieu, comme sa souveraine sagesse, et sa souveraine bonté. Les deux premiers attributs de Dieu sont énoncés clairement au chap. IV : " Le peuple était tout étonné de la doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu'il parlait avec autorité ". Le troisième est énoncé dans le ch. XVIII : " Il n'y a que Dieu seul qui soit bon ".

Saint Luc et son Boeuf ailé. Fresque.
Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIe.

4. Enfin, il remplit exactement les fonctions de son ministère qui était d'écrire l’Évangile. Or, son évangile est appuyé sur la vérité, il est rempli de choses utiles, il est orné de beaux passages, et confirmé par de nombreuses autorités.

I. Il est appuyé sur la vérité. Il y en a de trois sortes : la vérité de la vie, de la justice et de la doctrine. La vérité de la vie est l’équation qui s'établit entre la main et la langue; la vérité de la justice est l’équation de la substance à la cause; la vérité de la doctrine est l’équation qui s'établit entre la chose perçue et l’intellect. Or, l’évangile de saint Luc est appuyé sur ces trois sortes de vérités qui y sont enseignées, car cet évangéliste montre que Notre Seigneur Jésus-Christ posséda ces trois sortes de vérités et les enseigna aux autres ; d'abord par le témoignage de ses adversaires : " Maître, est-il dit dans le chap. XX, nous savons que vous ne dites et n'enseignez rien que de juste " : voici la vérité de la doctrine , " et que vous n'avez point d'égard aux personnes " : voilà la vérité de la justice, " mais que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité " : voilà la vérité de la vie. La voie qui est bonne s'appelle la voie de Dieu. Saint Luc montre dans son évangile que Notre Seigneur Jésus-Christ a enseigné cette triple vérité :

1. la vérité de la vie qui consiste dans l’observation des commandements de Dieu. Au chapitre X il est écrit : " Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur... Faites cela et vous vivrez ".
Au chapitre XXIII, " un homme de qualité demanda à Notre Seigneur Jésus-Christ : " Bon maître, que faire pour que j'obtienne " la vie éternelle ?" Il lui est répondu : " Vous savez les commandements : " Vous ne tuerez point, etc... "

2. La vérité de la doctrine. Le Sauveur dit en s'adressant à certaines personnes qui altéraient la vérité de la doctrine : " Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme, c'est-à-dire qui enseignez qu'il faut payer la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes sortes d'herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu "(XI).
Il dit encore au même endroit : " Malheur à vous, docteurs de la loi, qui vous êtes saisis de la clef de la science, et qui n'y étant point entrés vous-mêmes, l’avez encore fermée à ceux qui voulaient y entrer ".

3. La vérité de la justice est énoncée au chapitre XX : " Rendez donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ". Au chapitre XIX : " Quant à mes ennemis, qui n'ont point voulu m’avoir pour roi, qu'on les amène ici, et qu'on les tue en ma présence ". Au chapitre XIII, où il est question du jugement, quand Notre Seigneur Jésus-Christ doit dire aux réprouvés : " Retirez-vous de moi, vous tous qui faites des oeuvres d'iniquité ".

II. Son évangile est d'une grande utilité. Aussi fut-il médecin pour nous montrer qu'il nous prépara une médecine très salutaire. Or, il y a trois sortes de médecine : la curative, la préservative et l’améliorative. Saint Luc montre dans son évangile que cette triple médecine nous a été préparée par le céleste médecin. La médecine curative guérit des maladies ; or, c'est la pénitence qui guérit toutes les maladies spirituelles. C'est cette médecine que saint Luc dit nous avoir été offerte par le céleste médecin, dans le chapitre IV : " J'ai été envoyé par l’Esprit du Seigneur pour guérir ceux qui ont le coeur brisé; pour annoncer aux captifs qu'ils vont être délivrés, etc. Je ne suis pas venu appeler tes justes, mais les pécheurs "(V).

La médecine qui améliore fortifie la santé, et c'est l’observance des conseils qui rend l’homme meilleur et plus parfait. C'est elle que le grand médecin nous a préparée, quand il dit (ch. XVIII) : " Tout ce que vous avez, vendez-le et le donnez aux pauvres ". " Si quelqu'un prend votre manteau, laissez-lui prendre aussi votre robe." (Ch. VI.)
La médecine préservative prévient la chute, et c'est la fuite des occasions du péché et des mauvaises compagnies qui nous est, enseignée au chapitre XII : " Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie " ; par où il nous apprend à fuir la compagnie des méchants. On peut dire encore que l’Evangile de saint Luc est fort utile, en ce sens que tous les principes de la sagesse y sont renfermés. Voici comme en parle saint Ambroise : " Saint Luc embrasse toutes les parties de la sagesse, dans soli évangile. Il y enseigne ce qui a rapport à la nature, lorsqu'il attribue au Saint-Esprit l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ ".

David avait aussi enseigné cette sagesse naturelle, quand il dit : " Envoyez votre Esprit et ils seront créés ". Ce que saint Luc fait encore, en parlant des ténèbres qui accompagnèrent la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, des tremblements de terre et du soleil qui retira ses rayons. Il enseigna la morale, puisqu'il donna une règle de moeurs dans le récit des Béatitudes. Son enseignement est conforme à la raison, quand il dit : " Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera dans les grandes ". Sans cette triple science, la naturelle, la morale et la rationnelle, point de foi, point de mystère de la Trinité possible. (Saint Ambroise.)

III. Son évangile est embelli par toutes sortes de grâces : son style, en effet, et son langage sont fleuris et fort clairs. Or, pour qu'un écrivain atteigne à cette grâce et à cet éclat, trois qualités sont nécessaires, d'après saint Augustin, plaire, éclairer et toucher. Pour plaire, il faut un style orné ; pour éclairer, il le faut clair ; pour toucher, il faut. parler avec feu.. Qualités que saint Luc posséda dans ses écrits et dans sa prédication.
Les deux premières, d'après ce témoignage de la IIe aux Corinthiens : " Nous avons envoyé avec lui un frère (La Glose entend par ce frère saint Barnabé ou saint Luc) qui est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile ".
Par ces mots " qui est devenu célèbre ", saint Paul fait entendre que son style est orné. Par ceux-ci " dans toutes les églises ", on voit qu'il a parlé avec clarté. Qu'il ait parlé avec feu, cela est évident, parce qu'il posséda un coeur ardent, selon qu'il le dit lui-même " Notre cour n'était-il pas embrasé en nous, lorsqu'il nous parlait dans le chemin et qu'il nous expliquait les Ecritures ?"

IV. Son évangile a été confirmé par de nombreuses autorités :

1. par celle du Père, qui dit dans Jérémie (XXXI) : " Le temps vient, dit le Seigneur,où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et la maison de Juda ; non selon l’alliance que je fis avec leurs pères, mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après que ce temps-là sera venu, dit le Seigneur : j'imprimerai ma loi dans leurs entrailles et je l’écrirai dans leur coeur ".
A la lettre, il parle ici de la doctrine évangélique.

2. Il a été corroboré par l’autorité du Fils, qui dit an chapitre XXI : " Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ".

3. Son évangile fut inspiré par l’Esprit-Saint, d'après ces paroles de saint Jérémie dans son prologue sur saint Luc : " Par le mouvement du Saint-Esprit, il a écrit son évangile dans l’Achaïe ".

4. Il fut figuré d'avance par les anges ; c'est à ce sujet qu'il est dit dans l’Apocalypse (XIV) : " Je vis l’ange de Dieu qui volait par le milieu du ciel, portant l’Evangile éternel ".
Or, cet Evangile est appelé éternel, parce qu'il a nue origine éternelle, c'est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ qui est éternel, dans sa nature, dans sa fin et dans sa durée.

Saint Luc. Maître de Madeleine. Florence. XIIIe.

V. Il a été annoncé par les prophètes. En effet, le prophète Ezéchiel a en vue l’évangile de saint Luc ; quand il dit qu'un des animaux avait une face de veau. Le même prophète veut en parler encore (II), quand il raconte avoir vu un livre écrit en dedans et en dehors, et dans lequel on avait écrit des plaintes lugubres, des cantiques et des malédictions. Ce qui a rapport à l’évangile de saint Luc, qui est écrit, en dedans par les mystères qu'il renferme, et en dehors, par le récit historique. On y trouve encore les plaintes de la Passion, le cantique de la Résurrection et les malédictions de la Damnation éternelle, dans le chapitre XI, où se rencontrent beaucoup d'imprécations.

VI. Il a été expliqué et manifesté par la Sainte Vierge, qui en conservait toutes les particularités dans son cour et les ruminait, est-il dit en saint Luc (II), afin de pouvoir les faire connaître dans la suite aux écrivains sacrés ; d'après ce que dit la Glose : " Tout ce qu'elle savait des actions et des paroles du Seigneur, elle le recueillit dans sa mémoire, afin qu'au moment de prêcher et d'écrire les circonstances de l’Incarnation, elle put expliquer, d'une manière satisfaisante, à qui le demanderait, tout ce qui s'était passé ". C'est ce qui fait que saint Bernard, expliquant pourquoi l’ange annonça à la Sainte Vierge la grossesse d'Elisabeth, dit :
" Si la conception d'Elisabeth est découverte à Marie, c'est afin que la venue du Sauveur et celle du Précurseur étant connues, elle pût, en conservant dans son esprit la suite et l’enchaînement des faits, en révéler, dans la suite la vérité aux écrivains et aux prédicateurs, puisque, dès le principe, elle fut pleinement instruite miraculeusement de tous ces mystères."

Aussi croit-on que les évangélistes lui demandaient bien des renseignements, sur lesquels elle les éclairait.
On a pensé de saint Luc en particulier qu'il eut recours à elle comme à l’arche du Testament, et qu'il en apprit avec certitude bien des faits, surtout ceux qui la concernaient personnellement, comme l’Annonciation de l’ange, la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ et autres semblables dont saint Luc est le seul qui fasse état.

VII. L'Evangile lui fut notifié par les apôtres. Puisque saint Luc ne fut pas témoin de toutes les actions et des miracles de Notre Seigneur Jésus-Christ if fut obligé d'écrire son évangile selon les données et le rapport des apôtres qui avaient été présents : il le donne à entendre dans son prologue quand il dit : " J'ai écrit sur le rapport que nous en ont fait ceux qui dès le commencement ont vu ces choses de leurs propres yeux et qui ont été les ministres de ta parole ".
Comme on a coutume de rendre témoignage soit de ce que l’on a vu, soit de ce que l’on a entendu, dit saint Augustin ; c'est pour cela que le Seigneur a voulu avoir deux témoins qui l’eussent vu, savoir saint Matthieu et saint Jean, et deux qui eussent entendu, savoir saint Marc et saint Luc. Mais parce que le témoignage de ce qu'on a vu est plus sûr et plus certain que celui de ce qu'on a entendu, c'est pour cette même raison, ajoute saint Augustin, que les deux évangélistes qui ont vu sont l’un au commencement et l’autre à la fin, et les deux qui ont entendu sont placés au milieu, afin que, tenant le milieu comme les plus faibles, ils soient protégés et défendus par ceux qui se trouvent au commencement et à la fin comme étant plus certains.

VIII. Il fut merveilleusement approuvé par saint Paul, qui, en preuve de ce qu'il disait, apportait le témoignage de l’évangile de saint Luc. Ce qui fait dire à saint Jérôme, dans son livre des Hommes illustres, que plusieurs estiment que si saint Paul parle ainsi dans ses épîtres : " Selon mon évangile ", il veut parler de l’ouvrage de saint Luc.
Saint Paul approuvait encore merveilleusement l’évangile de saint Lire quand il écrit aux Corinthiens (II, c. VIII) que " saint Luc est devenu célèbre dans toutes les églises par son évangile ".

On lit dans l’Histoire d'Antioche que les chrétiens qui habitaient cette ville s'étant livrés à d'affligeants et nombreux désordres, furent assiégés par les Turcs, et en proie à une grande misère et à la famine. Mais étant revenus tout à fait au Seigneur par la pénitence, il apparut à quelqu'un qui veillait dans l’église de Sainte-Marie de Tripoli un personnage éclatant de lumière et revêtu d'habits blancs ; et quand l’homme qui veillait eut demandé à celui-ci qui il était, il lui fut répondu, qu'il était saint Luc, venu d'Antioche, où le Seigneur avait convoqué la milice céleste, avec les apôtres et les martyrs, afin de combattre pour ses serviteurs. Alors les chrétiens, pleins d'ardeur, taillèrent en pièces l’armée entière des Turcs.

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lundi, 23 septembre 2024

23 septembre. Saint Libère, pape, fondateur de l'église Sainte-Marie-des-Neiges (basilique Sainte-Marie-Majeure). 366.

- Saint Libère, pape, fondateur de l'église Sainte-Marie-des-Neiges (aujourd'hui basilique Sainte-Marie-Majeure) de Rome. 366.

Papes : Saint Jules Ier (prédécesseur) ; saint Damase Ier (successeur). Empereur romain d'Orient : Valens. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier.

" Soyez ferme comme l'enclume que l'on frappe : un grand athlète doit recevoir les coups et vaincre."
Saint Ignace d'Antioche. Epist. XI ad Polycarp.

Saint Libère. Détail.
Giovanni Battista Cima da Conegliano. XVIe.

Le pontificat de saint Libère, successeur de saint Jules Ier (du 22 mai 353 au 24 septembre 366), fut l'un des plus tourmentés que présentent les annales de l'Eglise. Deux grandes persécutions vinrent successivement l'agiter l'une, suscitée par les Ariens, qui conduisit saint Libère en exil et laissa un moment incertaine la foi du Siége apostolique ; l'autre, suscitée par Julien l'Apostat, persécution astucieuse et savante, qui aurait fait de tristes ravages, si Dieu n'avait abrégé l'épreuve en interrompant bientôt le règne du persécuteur. Il ne devait manquer aucun genre de lutte à la gloire de l'Eglise et du souverain Pontificat.

Libère était Romain il avait été ordonné diacre par le pape saint Sylvestre, et s'était fait remarquer par ses vertus et par son humilité dans les fonctions de son ordre. Lorsqu'il fut élu Pape, il résista longtemps avant d'accepter la redoutable charge mais il était réservé, hélas à en porter tout le poids. Constance II, deuxième fils de Constantin, et seul maître de l'empire, allait faire triompher l'arianisme avec lui. Dès la première année du pontificat de Libère, ce prince, prévenu contre Athanase, demanda sa condamnation. Le Pape assembla à Rome un concile qui reconnut l'innocence d'Athanase, et Libère écrivit dans ce sens à l'empereur. Constance entra en fureur ; le Pape lui délégua Vincent de Capoue, qui se rendit à Arles, où il eut la faiblesse de souscrire à la condamnation du saint patriarche.
La chute de Vincent afiligea profondément le Pape :
" J'espérais beaucoup de son intervention, écrit-il à Osius de Cordoue, il était personnellement connu de l'empereur, à qui il avait précédemment porté les actes du concile de Sardique, et non seulement il n'a rien obtenu, mais il s'est laissé entraîner à une déplorable faiblesse. J'en suis doublement affligé, et je demande à Dieu de mourir, plutôt que de me prêter au triomphe de l'injustice."
Il désavoua hautement le légat prévaricateur, et supplia l'empereur de consentir à la réunion d'un concile général.

Saint Athanase le Grand exilé en Prison. Un messager de saint
Athanase apporte la défense de celui-ci au pape saint Jules Ier.
Livre des merveilles. Jean Mandeville. Maître de la Mazarine. XVe.

Le concile s'assembla à Milan, mais des scènes tumultueuses et la conduite de Constance lui enlevèrent toute liberté. Lucifer de Cagliari, légat du Pape, montra une grande fermeté :
" Quand même Constance, dit-il, armerait contre nous tous ses soldats, il ne nous forcera jamais à renier la foi de Nicée et à signer les blasphèmes d'Arius.
- C'est moi, lui dit Constance, qui suis personnellement l'accusateur d'Athanase croyez donc à la vérité de mes assertions.
- Il ne s'agit pas ici, répondit Lucifer avec les évêques catholiques, d'une affaire temporelle, où l'autorité
de l'empereur serait décisive, mais d'un jugement ecclésiastique, où l'on doit agir avec une impartialité égale envers l'accusateur et l'accusé. Athanase est absent il ne peut être condamné sans avoir été entendu. La règle
de l'Eglise s'y oppose.
- Mais ce que je veux, dit Constance, doit servir de règle. Les éveques de Syrie le reconnaissent. Obéissez, ou vous serez exilés."


Les trois légats du Pape, Lucifer de Cagliari, saint Eusèbe de Verceil et saint Hilaire furent en effet exilés. Hilaire, dont la fermeté avait déplu davantage, fut même fouetté sur la place publique avant de partir pour le lieu de son exil. La persécution s'étendit à tout l'empire ; saint Athanase se réfugia au désert ; les femmes et les vierges chrétiennes d'Alexandrie furent indignement outragées ; quarante-six évêques d'Egypte furent bannis de leurs sièges on déclara criminels de lèse-majesté tous les défenseurs du consubstantiel, et un grand nombre de catholiques fidèles obtinrent la gloire du martyre (356).

Le pape Libère écrivit aux évêques exilés une lettre pleine de tendresse et de charité :
" Quelles louanges puis-je vous donner, partagé que je suis entre la douleur de votre absence et la joie de votre gloire ? La meilleure consolation que je puisse vous offrir, c'est que vous veuillez me croire exilé avec vous. J'aurais souhaité, mes bien-aimés frères, être le premier immolé pour vous tous, et vous donner l'exemple de la gloire que vous avez acquise ; mais cette prérogative a été la récompense de vos mérites."

Saint Hilaire, saint Eusèbe de Verceil, Lucifer de Cagliari combattant
les hérétiques ariens. Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

La tempête que Libère déplorait vint l'atteindre à son tour. On lui demanda directement la condamnation d'Athanase il refusa alors on le conduisit à Milan, où se trouvait Constance, et l'empereur essaya lui-même de faire uéehir le courage du saint Pontife. Le récit de cette entrevue forme l'une des plus belles pages de l'histoire des Papes ; nous l'empruntons à Théodoret, évêque de Tyr, qui vivait au commencement du siècle suivant.

L'empereur : Comme vous êtes chrétien et évêque de notre ville, nous avons jugé à propos de vous faire venir pour vous exhorter à renoncer à cette maudite extravagance, à la communion de l'impie Athanase. Toute la terre l'ajugé ainsi, et il a été retranché de la communion de l'Eglise parle jugement du concile de Milan.
Saint Libère : Seigneur, les jugements ecclésiastiques se doivent faire avec une grande justice. Ordonnez donc que l'on établisse un tribunal, et si Athanase est trouvé coupable, sa sentence sera prononcée selon la procédure ecclésiastique car nous ne pouvons condamner un homme que nous n'avons pas jugé.
L'empereur : Toute la terre a condamné son impie Lé il ne chercha qu'a gagner du temps, comme il l'a toujours fait.
Saint Libère : Tous ceux qui ont souscrit à sa condamnation n'ont point vu de leurs yeux tout ce qui s'est passé ils ont été touchés du désir de la gloire que-vous leur promettiez, ou de la crainte de l'infamie dont vous les menaciez.
L'empereur : Que voulez-vous dire par la gloire, la crainte et l'infamie ?
Saint Libère : Tous ceux qui n'aiment pas la gloire de Dieu, préférant vos bienfaits, ont condamné sans le juger celui qu'ils n'ont point vu ; cela ne convient pas à des chrétiens.
L'empereur : Il a été jugé au concile de Tyr, où il était présent, et dans ce concile tous les évÊques l'ont condamné.
Saint Libère : Jamais il n'a été jugé en sa présence à Tyr, on l'a condamné sans raison, après qu'il se fut retiré.
L'empereur : Pour combien donc vous comptez-vous dans le monde, de vous élever seul avec un impie pour troubler l'univers ?
Saint Libère : Quand je serais seul, la cause de la foi ne succomberait pas pour cela.
L'empereur : Ce qui a été une fois réglé ne peut être renversé le jugement de la plupart des évoques doit l'emporter, vous êtes le seul qui vous attachiez à l'amitié de cet impie.
Saint Libère : Seigneur, nous n'avons jamais entendu dire qu'un accusé n'étant pas présent, un juge le traitât d'impie comme étant son ennemi particulier.
L'empereur : Il a offensé généralement tout le monde, et moi plus que personne. Je m'applaudis plus d'avoir éloigné ce scélérat des affaires de l'Eglise que d'avoir vaincu Maxence.
Saint Libère : Seigneur, ne vous servez pas des évoques pour vous venger de vos ennemis ; les mains des ecclésiastiques doivent être occupées à sanctifier.
L'empereur : Il n'est question que d'une chose je veux vous envoyer à Rome quand vous aurez embrassé la communion des Eglises. Cédez au bien de la paix, souscrivez, et retournez à Rome.
Saint Libère : J'ai déjà pris congé des frères de Rome, car les liens de l'Eglise sont préférables au séjour de Rome.
L'empereur : Vous avez trois jours pour délibérer si vous voulez souscrire ou retourner à Rome ; or, voyez en quel lieu vous voulez être mené.
Saint Libère : L'espace de trois jours ou de trois mois ne change point ma résolution ; envoyez-moi donc où il vous plaira."

Saint Libère. Giuseppe Franchi. Milan. XVIe.

Deux jours après, Constance envoya chercher Libère, et, comme il n'avait pas changé de sentiment, il le fit reléguera Bérée, en Thrace. Quand Libère fut sorti, l'empereur lui fit offrir cinq cents sous d'or pour sa dépense : " Allez, dit saint Libère à celui qui les apportait, rendez-les à l'empereur, il en a besoin pour ses soldats." L'impératrice lui en envoya autant : " Rendez-les à l'empereur, dit encore Libère, il en a besoin pour la dépense de ses armées." L'eunuque Eusèbe voulut à son tour lui faire accepter de l'argent. Le saint Pontife refusa en disant : " Tu as rendu désertes les Eglise du monde, et tu m'offres une aumône comme à un criminel ; va, commence par te faire chrétien." Et, sans avoir rien accepté, il partit trois jours après pour son exil.

L'hérésie triomphait. Aussitôt que Libère eut quitté l'Italie, l'empereur flt sacrer un anti-pape, Félix, archidiacre de l'Eglise romaine. Le peuple romain ne voulut pas communiquer avec ce Pape, à qui l'on doit rendre du reste cette justice que, tout en favorisant le parti des Ariens, il n'abandonna pas la foi de Nicée et fut irrépréhensible dans sa conduite (355). Aussi plusieurs écrivains ecclésiastiques, parmi lesquels on compte Bellarmin et Roncaglia, ne le considèrent-ils pas comme anti-pape. D'après eux, saint Libère ne voulant pas que Rome restât sans pasteur pendant son exil, avait provisoirement abdiqué et conseillé l'élection de Félix, qui, à son retour, aurait volontairement renoncé a u souverain pontificat. Lorsque Grégoire XIII fit faire, en 1582, une nouvelle édition du martyrologe romain, le nom de saint Félix II fut conservé par son ordre après celui de saint Libère. L'épreuve dura plus d'un an. Constance finit par céder à l'opinion publique. Libère revint à Rome, en 359, et Félix se retira dans une autre ville.

Le retour de saint Libère à Rome ne mit pas fin aux douleurs de l'Eglise les Ariens continuèrent leurs intrigues des évêques catholiques donnèrent de tristes exemples de faiblesse Constance fit assembler conciles sur conciles pour imposer l'erreur, mais Libère se conduisit avec tant de prudence et de fermeté, que l'erreur ne put jamais triompher que partiellement. Constance avait été persécuteur il était peu probable qu'il mourût au milieu des prospérités. Il était en effet occupé dans une guerre contre les Perses, lorsqu'il apprit que les légions des Gaules s'étaient révoltées, et avaient proclamé empereur, à Lutèce, le César Julien, neveu de Constantin. Constance, furieux, se mit en marche pour punir le rebelle, dont il avait été le bienfaiteur, et à qui il avait donné sa propre sœur en mariage ; mais il mourut en route, à Mopsucrène, en Cilicie, après avoir reçu le baptême d'un évêque arien, et Julien resta seul maître de l'empire (361).

Saint Libère. Frise. Basilique Saint-Pierre. Rome.

A la persécution sanglante et à l'hérésie succéda une persécution plus raffinée, plus savante et mille fois plus dangereuse celle de Julien l'Apostat. Mais devant le roc inébranlable de l'Eglise, elle resta impuissante comme les autres saint Libère put assister à l'horrible agonie de l'Apostat (26 juin 363) et contempler, au milieu des ruines accumulées de toutes parts, le triomphe du Christianisme et, quoique les dernières années de son Pontificat aient encore été troublées par les intrigues des Ariens et par celles des Macédoniens, partisans de l'intrus Macédonius, qui, développant l'hérésie arienne, avait fini par nier la divinité du Saint-Esprit, il eut la consolation de voir enfin la paix rendue à l'Eglise, les év6qucs orthodoxes rétablis sur leurs sièges, et la puissance politique disposée à soutenir la vraie foi.

C'est au milieu de ces lueurs d'espérance que saint Libère rendit à Dieu son âme héroïque, le 8 des calendes d'octobre (24 septembre 366). Il avait occupé le siège pontifical, dans une première période, du 22 mai 332, au 10 mars 358 ; et, dans une seconde, au retour de son exil, de 359 à 366.

Rome doit à ce Pontife, entre autres monuments, la basilique de Sainte-Marie-Majeure, ainsi appelée parce qu'elle tient le premier rang parmi les églises dédiées à la sainte Vierge. La nuit du 4 au 5 août 356, la sainte Vierge apparut en rêve à saint Libère, ainsi qu'à un riche romain nommé Jean. Elle demanda d'ériger un sanctuaire à un lieu déterminé. Au matin, constatant qu'il avait neigé en plein mois d'août, à l'endroit que la Vierge leur avait indiquée, le pape ordonna de construire la basilique Liberiana de Santa-Maria-ad-Nives (Sainte-Marie-des-Neige) sur la surface enneigée en haut de la colline Esquilin.

Basilique Sainte-Marie-Majeure. Fondée par saint Libère
sous la dédicace de Sainte-Marie-des-Neiges. Chevet. Rome.

NOTE CRITIQUE SUR LA PRETENDUE CHUTE DU PAPE SAINT LIBERE DANS L'HEHESIE ARIENNE.

Tout le monde connait le fameux mensonge historique qui se trouve même dans le Liber Pontificalis, et qui consiste à placer à l'époque du retour de Libère, de Bérée à Rome (359), un double acte de faiblesse de ce pape : la souscription à la condamnation de saint Athanase, et la souscription à une formule de foi arienne. Que faut-il penser de cette chute, qui a été admise par des auteurs graves, et qu'on appuie du témoignage de saint Jérôme, de saint Hilaire, de saint Athanase. et de Libère lui-même ? C'est ce que nous allons examiner.

Les témoignages que l'on cite de saint Athanase, de saint Jérôme, de saint Hilaire, de Libère lui-même, s'ils étaient authentiques, perdent toute leur force devant une saine critique historique. Saint Athanase parle de la chute de Libère dans son Apologie contre les ariens et dans son Histoire des Ariens. Or, l'Apologie a été écrite au plus tard en 350, c'est-à-dire deux ans avant que Libère fût pape il est donc évident qu'il y a eu une interpolation postérieure, et faite par une main malhabile, car cette addition rend l'Apologie inepte et ridicule.

L'Histoire des Ariens a été également écrite avant l'époque où l'on place la chute de Libère, c'est-à-dire en 357 ou 358, et le passage où l'on en parle ne peut être qu'une addition faite après coup. Les Ariens ont fait pour Libère ce que les Donatistes firent pour le pape saint Marcellin. On voit d'ailleurs poindre, cinquante ans seulement après, les commencements de la calomnie. Rufin, prêtre d'Aquilée, qui avait pu connaître Libère dans sa jeunesse, et qui avait certainement connu Fortunatien, l'auteur prétendu de la prétendue chute de Libère, écrit, un demi-siècle après cet événement :
" Libère, évêque de Rome, était rentré du vivant de Constance, mais je ne sais au juste si l'empereur le lui accorda, ou parce qu'il avait consenti à souscrire, ou pour faire plaisir au peuple romain, qui l'en avait prié avant son départ."
Ainsi Rufin connaît le bruit répandu sur la mémoire de Libère, et il reste dans le doute, lui qui avait été à même de connaitre le fait de la bouche même de Fortunatien !
Ce doute serait-il possible si Libère avait réellement souscrit une formule arienne ?

Saint Libère bénissant son légat saint Eusèbe de Verceil.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Le témoignage de saint Athanase contre Libère n'existe donc pas. Celui de saint Hilaire n'existe pas davantage, car les passages que l'on cite n'ont aucune authenticité, pas plus que les lettres de Libère qui se trouvent dans les Fragments attribués à saint Hilaire, et il est reconnu que ces Fragments ont été l'objet d'audacieuses et nombreuses falsifications. Saint Jérôme a écrit ces mots dans sa Chronique : " Libère, vaincu par les ennuis de l'exil, souscrivit à l'hérésie, et entra dans Rome en triomphateur ". Ce témoignage, qui paraît avoir une grande force, n'en a plus aucune, lorsque l'on considère que la Chronique a été écrite plus de trente ans après l'exil de Libère, et en Orient, où l'on répandait sur ce Pape les bruits les plus calons Il est prouvé de plus que la Chronique a été extraordinairement altérée dans son texte enfin, dit le docteur Thomas Ménochius " il n'y a pas de trace de la chute de Libère dans le manuscrit des Chroniques de saint Jérôme, que l'on conserve au Vatican, et qui fut donne au Pape par la reine de Suède ; manuscrit qu'Holsténius soutient être d'une très-grande antiquité, et que les savants croient avoir été écrit au VIe ou au VIIe siècle ". Il s'agit donc encore ici d'une addition faite après coup. Un autre passage tiré des Écrivains ecclésiastiques de saint Jérôme n'est pas plus authentique.

Rien de ce qui est à la charge de Libère ne subsiste, tandis que les témoignages à sa décharge sont nombreux et magnifiques. Ce sont d'abord tous les éveque. du monde catholique qui continuent de communiquer avec saint Libère après son retour comme auparavant ils lui envoient les actes des synodes qu'ils célèbrent et le consultent sur les difficultés majeures qu'ils rencontrent.

Puis, de tous côtés les plus grands saints, les hommes les mieux informés, rendent hommage à ses vertus et à son codage saint Sirice le regarde comme un de ses plus illustres prédécesseurs ; saint Basile l'appelle " très-bienheureux " ; saint Epiphane l'appelle " Pontife d'heureuse mémoire " ; Cassiodore dit : " le grand Libère, le très-saint évêque, qui surpasse tous les autres en mérite et se trouve en tout un des plus célèbres."
Théodoret le regarde comme un " illustre et victorieux athlète dela vérité " ; Sozomène, comme " un homme rare sous quelque rapport qu'on le considère " ; saint Ambroise dit de lui qu'il fut " un Saint et très-saint évêque " :
" Il est temps, dit-il à sa soeur Marceline, de vous rappeler les instructions de Libère, ce Pontife de sainte mémoire, les paroles d'un orateur plaisant d'autant plus que ses vertus sont plus grandes."

Saint Hilaire de Poitiers, saint Eusèbe de Verceil et Lucifer
de Cagliari, légats du pape au concile de Milan,combattant les
hérétiques au concile de Milan. Vies de Saints. XIVe.

Enfin, le Ménologe des Grecs, qui ne peut être suspect, annonce la fête de saint Libère en ces termes :
" 27 septembre, mémoire de notre saint Père Libère. Le bienheureux Libère, défenseur de la vérité, était évêque de Rome sous le règne de Constance ; le zèle dont il brùlait pour la foi orthodoxe lui fit prendre la defense du grand Athanase, persécuté par les hérétiques et expulsé de son siége d'Alexandrie, à cause de l'attachement qu'il professait pour la vérité. Tant que Constantin et Constant, les deux premiers fils de Constantin le Grand, vécurent, la foi orthodoxe triompha mais, après la mort de ces princes, Constance, le plus jeune, qui était arien, fut seul maitre de l'empire, et l'hérésie prévalut. Ce fut alors que Libère, qui combattait de toute sa force l'impiété des hérétiques, fut relégué à Bérée, ville de Thrace ; mais les Romains, dont il possédait l'amour et l'estime, lui restèrent fidèles et demandèrent son retour à l'empereur. Libère revint à Rome, où il mourut, après avoir sagement gouverné son troupeau." 

 

Enfin, grâce à l'administrateur de la Bibliothèque Saint-Libère (http://www.liberius.net/blog/files/7bc0e750b9aca7fea59c57...), on lira avec intérêt cet extrait de l’encyclique Principi Apostolorum de Benoît XV, où le Pape mentionne avantageusement le grand saint Libère, pape, dénigré hélas, par ignorance, hélas, parfois pertinace, trois fois hélas par nombre de tenants du catholicisme qui se prétendent " traditionnels " :
 
" Et ces Pontifes, qui osera dire qu'ils aient failli, même sur un point, à la mission, qu'ils tenaient du Christ, de confirmer leurs frères ? Loin de là ; pour rester fidèles à ce devoir, les uns prennent sans faiblir le chemin de l'exil, tels les Libère, les Silvère, les Martin ; d'autres prennent courageusement en main la cause de la foi orthodoxe et de ses défenseurs qui en avaient appelé au Pape, et vengent la mémoire de ceux-ci même après leur mort. "
 
Saint Libère est ici en compagnie de saint Silvère, pape de 536 à 538, mort martyr en exil, et aussi de saint Martin Ier, pape de 649 à 655, mort également martyr en exil.
 
La totalité de cette encyclique du 5 octobre 1920 proclamant Docteur de l’Église saint Ephrem le Syrien, moine d'Édesse est disponible dans le tome III des Actes de Benoît XV, aux pages 7 à 29. En voici les premiers paragraphes :
 
" Le divin fondateur de l’Église a confié à Pierre, Prince des apôtres, étroitement uni à Dieu par l'infaillibilité de sa foi, « coryphée du chœur des apôtres », commun maître et chef de tous, la mission de paître le troupeau de Celui qui bâtit son Église sur l'autorité du magistère visible, perpétuel et immuable, de Pierre lui-même et de ses successeurs. C'est sur cette pierre mystique, fondement de tout l'édifice de l’Église, que devait reposer, comme sur son pivot et son centre, la communion de la foi catholique et de la charité chrétienne.
 
La primauté dont Pierre était investi comportait, en effet, la charge de répandre partout et de sauvegarder dans toutes les âmes le trésor de la charité comme celui de la foi ; au lendemain de l'ère apostolique, Ignace le Théophore l'affirmait en des termes remarquables. Dans l'admirable lettre que, en route, il écrivait à l'Eglise de Rome en vue d'annoncer son arrivée dans cette ville où l'attendait le martyre pour le Christ, il rendit un éclatant témoignage à la primauté que cette Eglise exerce sur toutes les autres ; il l'appelle « la Présidente de l'universelle Assemblée de la charité », faisant entendre par là non seulement que l'Eglise universelle est à nos yeux l'image de la charité divine, mais encore que saint Pierre, voulant allumer les mêmes flammes aux cœurs de tous les fidèles, a laissé au Siège de Rome, en même temps que sa primauté, l'héritage de son amour pour le Christ, affirmé par un triple témoignage.
 
Profondément convaincus que ce double caractère était le privilège de l'autorité pontificale, les anciens Pères, ceux-là surtout qui occupaient les sièges les plus célèbres d'Orient, chaque fois que les menaçaient les flots de l'hérésie ou des déchirements intérieurs, avaient accoutumé de recourir à ce Siège apostolique, comme à la seule source d'où pouvait leur venir le salut dans les crises les plus graves.
 
C'est ainsi que nous voyons Basile le Grand, Athanase, le vaillant défenseur de la foi de Nicée, Jean Chrysostome, ces messagers de Dieu, Pères de la foi orthodoxe, en appeler des conciles d'évêques au jugement suprême des Pontifes romains, conformément aux prescriptions des antiques canons de l'Eglise.
 
Et ces Pontifes, qui osera dire qu'ils aient failli, même sur un point, à la mission, qu'ils tenaient du Christ, de confirmer leur frères ? Loin de là : pour rester fidèles à ce devoir, les uns prennent sans faiblir le chemin de l'exil, tels les Libère, les Silvère, les Martin ; d'autres prennent courageusement en main la cause de la foi orthodoxe et de ses défenseurs qui en avaient appelé au Pape, et vengent la mémoire de ceux-ci même après leur mort. Nous en avons un exemple dans Innocent Ier, qui prescrivit aux évêques d'Orient de rétablir le nom de Chrysostome sur les diptyques liturgiques afin d'en faire mémoire en même temps que des Pères orthodoxes au cours du Saint Sacrifice. "

 
Après tous ces témoignages, on peut hardiment conclure que la chute de Libère est un mensonge historique des plus pervers. Si ce courageux a Pontife a signé une formule de foi autre que celle de Nicée, il n'a certainement signé qu'une formule de foi orthodoxe, exprimant la consubstantialité du Verbe, et tous les actes authentiques du saint Pape le montrent le défenseur intrépide et constant de la religion catholique.

Nous avons tiré la vie de ce saint pape, que nous tenons à réhabiliter dans l'opinion des fidèles, de l'Histoire générale de l’Église, par M. l'abbé Darras ; et de l'Histoire populaire des Papes par Chantrel, deux auteurs de la saine critique.

On verra aussi l'Histoire et Infaillibilité des Papes, par M. l'abbé Constant. La question de la chute de saint Libère y est étudiée sous toutes ses faces, et le résultat de cette étude est la justification complète du saint Pontife.

 

Saint Libère avec saint Jean-Baptiste et saint Lanfranc de Pavie.
Giovanni Battista Cima da Conegliano. XVIe.

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23 septembre. Saint Lin de Volterra, pape et martyr. 67.

- Saint Lin de Volterra, pape et martyr. 67.

Papes : Saint Pierre (prédécesseur) ; saint Clet (successeur). Empereur romain : Néron.

" Il y a beaucoup plus de mérite à supporter l'adversité qu'à faire des actes de vertus."
Thomas à Kempis.

Saint Lin bénissant des fidèles.
Bréviaire romain. XVe.

Une obscurité mystérieuse entoure la vie des premiers Vicaires de l'Homme-Dieu ; ainsi se dérobent aux yeux les premières assises d'un monument fait pour défier la durée. Porter l'Eglise éternelle est assez pour leur gloire ; assez pour justifier notre confiance, animer notre gratitude. Cette fête était réclamée par le cœur de l'Epouse : elle est le témoignage de sa vénération émue pour l'humble et doux Pontife qui, le premier, rejoignit Pierre aux cryptes Vaticanes.

Saint Lin était fils d'Herculanus, homme noble et fort considérable de la ville de Volterra (Volaterrae) en Toscane (province de Pise). S'étant converti à Rome, où saint Pierre prêchait l'Evangile, il quitta son père et renonça à tous ses biens pour pratiquer plus parfaitement la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Peu de temps après sa conversion, il donna de si grandes preuves de son zèle, de son érudition et de sa prudence, que le saint Apôtre l'employa à la prédication de la parole de Dieu et à l'administration des Sacrements.

Il fut d'abord envoyé dans les Gaules pour y porter le flambeau de la foi, et la ville de Besançon eut le bonheur de le recevoir et de l'avoir pour premier évêque. Onasius, qui en était le tribun, le logea chez lui, et, en récompense de cette hospitalité, Dieu lui fit la grâce de le convertir à la religion chrétienne par les exhortations de notre Saint, qui changea cette maison en une petite église consacrée en l'honneur de la résurrection du Sauveur, de la sainte Vierge et de saint Etienne, premier martyr.

Buste-reliquaire de saint Lin.
Eglise Saint-Lin. Volterra. Toscane. XVIIIe.

Le nombre des fidèles s'augmentait déjà de jour en jour par la conversion de plusieurs idolâtres, qui sortaient des ténèbres de leurs erreurs pour entrer dans les clartés admirables de l'Evangile, mais ces heureux progrès furent arrêtés tout à coup par la malice du démon. Les païens firent une fête solennelle en l'honneur de leurs dieux, dans laquelle ils devaient leur otfrir beaucoup de sacrifices. Le Saint, dont le cœur brûlait du zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, entreprit de les détourner de ce culte abominable, et, s'étant transporté sur la place, il leur dit généreusement :
" Que faites-vous, mes chers enfants ? Quelle marque de divinité voyez-vous dans ces simulacres que vous adorez ? Ce ne sont que des statues qui n'ont ni esprit ni sentiment, et qui ne représentent que des hommes dont l'incontinence et l'impiété ont été toutes publiques. Ces idoles de pierre et de cuivre ne méritent nullement vos respects c'est à Dieu seul, créateur du ciel et de la terre, que vous devez offrir des victimes. Quittez donc ce culte sacrilége et acquiescez aux vérités que je vous prêche."

Ces paroles, qu'il prononça avec une ferveur apostolique, furent comme un coup de tonnerre qui jeta par terre l'une des colonnes du temple et mit en poudre l'idole qu'elle soutenait. Un si grand prodige devait sans doute ouvrir les yeux à ces peuples et leur faire reconnaître la véritable religion que le Saint leur annonçait, mais, au lieu d'en protiter, ils s'endurcirent davantage, et, se jetant tumultueusement sur leur apôtre, ils le chassèrent à l'heure même de la ville. Voilà quelle est la tradition de Besançon qui honore saint Lin comme son premier évêque et comme celui par le ministère duquel elle a reçu les premiers rayons de la foi.

Saint Lin baptisant saint Nazaire. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine.  R. de Montbaston. XIVe.

Lorsqu'il fut retourné à Rome, saint Pierre se servit utilement de lui pour la conduite de l'Eglise, et il s'acquitta avec tant de gloire de toutes les fonctions qui lui furent commises, qu'après la mort du prince des Apôtres, il fut jugé digne de remplir sa place où il donna d'excellents témoignages de son zèle et de sa vigilance pastorale.

En deux fois qu'il fit les Ordres au mois de décembre, il créa quinze évêques et dix-huit prêtres. Il défendit aux femmes d'entrer dans l'église sans avoir la tête couverte d'un voile, ce que saint Pierre avait aussi défendu. Et saint Paul jugeait cela si nécessaire pour l'édification des fidèles, qu'il en fit une loi expresse ; comme on le voit dans le chapitre VII de sa première Epître aux Corinthiens. C'est encore de saint Lin que nous tenons l'histoire de la dispute du prince des Apôtres avec Simon le Magicien, quoique l'original ait disparu. Il écrivit aussi deux livres du martyre de saint Pierre et de saint Paul, qui sont au VIIe tome de la Bibliothèque des Pères ; mais les erreurs dont ils sont remplis, en certains endroits, font assez voir que nous ne les avons pas dans leur pureté, et on peut voir ce qu en dit le cardinal Bellarmin dans son Traité des Ecrivains ecclésiastiques.

Le Bréviaire romain dit que la foi et la sainteté de ce bienheureux Pape fut si grande, qu'il ressuscita et chassa les démons des corps de plusieurs énergumènes. Enfin, après avoir gouverné l'Eglise pendant un an, trois mois et douze jours, il versa son sang pour servir de semence à de nouveaux fidèles.

Le corps de ce bienheureux Pontife fut enterré au Vatican, auprès de celui de saint Pierre, le 9 des calendes d'octobre. L'apôtre saint Paul fait mention de lui au chapitre IVe de sa seconde Epître à Timothée, et il le met entre les premiers et les principaux chrétiens de la ville de Rome et le martyrologe romain, avec ceux d'Usuard et d'Adon, le livre des souverains Pontifes, en parlent aussi fort honorablement.

Eglise Saint-Lin, bâtie au lieu où se trouvait la
maison natale de saint Lin. Volterra. Toscane.

En 1630,quand le pape Urbain VIII fit achever les travaux de la Confession de saint Pierre, dans la basilique du Vatican, on découvrit une tombe sur laquelle se lisait cette inscription Linus. C'était le premier successeur de saint Pierre, dont la sépulture apparaissait, après tant de siècles, à côté de celle de son glorieux maître.

On représente saint Lin délivrant des possédés et ressuscitant un mort ; on rapporte en effet qu'il délivra du démon la fille du consul Saturninus.

PRIERE

" Ce fut personnellement et à la vue de tous, que le Seigneur investit Simon, fils de Jean, du pontificat suprême ; non moins directement, bienheureux Pontife, mais invisiblement, vous reçûtes de Jésus les clefs du royaume des cieux. A vous commence ce règne complet de la foi pure où l'Eglise, sans ouïr derechef l'Homme-Dieu dire à Pierre : " Pais mes brebis ", s'incline pourtant devant la permanence de son autorité en l'homme dûment désigné comme représentant de l'Epoux. Ô saint Lin, obtenez que les ombres d'ici-bas ne rendent jamais incertaine notre obéissance ; faites qu'au jour de l'éternité, nous méritions de contempler avec vous le Chef divin dans la lumière."

Acta Sanctorum et Liber Pontificalis.

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jeudi, 05 septembre 2024

5 septembre. Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

- Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, confesseur. 1455.

Papes : Nicolas V ; Calixte III. Roi de France : Charles VII. Souverain du Saint-Empire : Frédéric III de Habsbourg. Roi de Castille et de Léon : Henri IV. Roi d'Aragon et de Naples : Alphonse V le Magnanime.

" Le premier sacrifice de justice que l'homme doit faire à Dieu, celui qui Lui est le plus agréable et qui le fait avancer davantage dans la perfection, c'est le sacrifice d'un coeur contrir à cause de ses péchés passés."
Esprit de saint Laurent Justinien.

Buste de saint Laurent Justinien. Venise.
 
Laurent naquit à Venise de l'illustre famille des Justiniani (ou Giustiniani). Il montra dès l'enfance une gravité rare. Son adolescence se passait dans les exercices de la piété, lorsque, invité par la Sagesse divine aux noces très pures du Verbe et de l'âme, il conçut la pensée d'embrasser l'état religieux. C'est pourquoi, préludant secrètement à cette milice nouvelle, il affligeait son corps en différentes manières et couchait sur la planche nue. Puis, comme un arbitre appelé à prononcer, il prenait séance entre, d'une part, les austérités du cloître, de l'autre, les douceurs du siècle et le mariage que lui préparait sa mère ; alors, tournant les yeux vers la croix du Christ souffrant : " C'est vous, disait-il, Seigneur, qui êtes mon espérance ; c'est là que vous avez placé pour moi votre asile très sûr."

Ce fut vers la congrégation des chanoines réguliers de Saint-Georges-in-Alga que le porta sa ferveur. On l'y vit inventer de nouveaux tourments pour sévir plus durement contre lui-même, se déclarant une guerre d'ennemi acharné, ne se permettant aucun plaisir.

Plus jamais il n'entra dans le jardin de sa famille, ni dans la maison paternelle, si ce n'est pour rendre les derniers devoirs à sa mère mourante, ce qu'il fit sans une larme. Non moindre était son zèle pour l'obéissance, la douceur, l'humilité surtout : il allait au-devant des offices les plus abjects du monastère ; il se plaisait à mendier par les lieux les plus fréquentés de la ville, cherchant moins la nourriture que l'opprobre ; les injures, les calomnies ne pouvaient l'émouvoir ni lui l'aire rompre le silence.

Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire :
" Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire ?"

Saint Laurent Justinien général de son ordre.
Francesco Morone. XVIe.
 
Il dut un jour subir une opération par le fer et par le feu ; aucune plainte ne sortit de sa bouche : " Allons, disait-il au chirurgien dont la main tremblait, coupez hardiment ; cela ne vaut pas les ongles de fer avec lesquels on déchirait les martyrs."

A un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé : " Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté ? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous !"
Ses vertus l'élevèrent bientôt aux fonctions de général de son Ordre.

Saint Laurent Justinien adorant le Saint Enfant Jésus
dans une vision. Giordano Luca.
Eglise Sainte Marie-Madeleine. Rome. XVII.

Son grand secours était dans la prière continuelle ; souvent l'extase le ravissait en Dieu ; telle était l'ardeur dont brûlait son âme, qu'elle embrasait ses compagnons, les prémunissant contre la défaillance, les affermissant dans la persévérance et l'amour de Jésus-Christ.

Vision de saint Laurent Justinien. A. Pellegrini. XVIIe.
 
Elevé par Eugène IV à l'épiscopat de sa patrie, l'effort qu'il fit pour décliner l'honneur ne fut dépassé que par le mérite avec lequel il s'acquitta de la charge. Il ne changea en rien sa manière de vivre, gardant jusqu'à la fin pour la table, le lit, l'ameublement, la pauvreté qu'il avait toujours pratiquée. Il ne retenait à ses gages qu'un personnel réduit de familiers, disant qu'il avait une autre grande famille, par laquelle il entendait les pauvres du Christ. Quelle que fût l'heure, on le trouvait toujours abordable ; sa paternelle charité se donnait a tous, n'hésitant pas à s'endetter pour soulager la misère.

Comme on lui demandait sur quelles ressources il comptait, ce faisant, il répondait :
" Sur celles de mon Seigneur, qui pourra facilement payer pour moi."

Saint Laurent Justinien donnant la sainte communion
à des religieuses cloîtrées. F. Morone.
 
 Et toujours, par les secours les plus inattendus, la Providence divine justifiait sa confiance : " Allons quêter des mépris, disait-il à son compagnon de quête, lorsqu'il y avait quelque avanie à souffrir ; nous n'avons rien fait, si nous n'avons renoncé au monde."

Il bâtit plusieurs monastères de vierges, et forma diligemment leurs habitantes à marcher dans les voies de la vie parfaite. Son zèle s'employa à détourner les matrones vénitiennes des pompes du siècle et des vaines parures, comme à réformer la discipline ecclésiastique et les mœurs.

Aussi fût-ce à bon droit que le même Eugène IV l'appela, en présence des cardinaux, la gloire et l'honneurde la prélature. Ce fut également pour reconnaître son mérite, que le successeur d'Eugène, Nicolas V, ayant transféré le titre patriarcal de Grado à Venise, l'institua premier patriarche de cette ville.

Saint Laurent Justinien prenant possession de
l'archevêché-patriarcat de Venise. Domenico Corvi.
Basilique Saint-Marc. Venise. XVIIe.
 
Honoré du don des larmes, il offrait tous les jours au Dieu tout-puissant l'hostie d'expiation. C'est en s'en acquittant une fois dans la nuit de la Nativité du Seigneur, qu'il mérita de voir sous l'aspect d'un très bel enfant le Christ Jésus. Efficace était sa garde autour du bercail à lui confié ; un jour, on sut du ciel que l'intercession et les mérites du Pontife avaient sauvé la république. Eclairé de l'esprit de prophétie, il annonça d'avance plusieurs événements que nul homme ne pouvait prévoir.

Maintes fois ses prières mirent en fuite maladies et démons. Bien qu'il n'eût presque point étudié la grammaire, il a laissé des livres remplis d'une céleste doctrine et respirant l'amour.

Cependant la maladie qui devait l'enlever de ce monde venait de l'atteindre ; ses gens lui préparaient un lit plus commode pour sa vieillesse et son infirmité ; mais lui, manifestant sa répulsion pour des délices trop peu en rapport avec la dure croix de son Seigneur mourant, voulut qu'on le déposât sur sa couche ordinaire. Sentant venue la fin de sa vie : " Un chrétien, dit-il avec saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice." " Je viens à vous, Ô bon Jésus !" dit-il, les yeux levés au ciel. Ce fut le huit janvier qu'il s'endormit dans le Seigneur.

Saint Laurent Justinien sur son lit de mort. F. Morone.

Combien sa mort avait été précieuse, c'est ce qu'attestèrent les concerts angéliques entendus par plusieurs Chartreux, et la conservation de son saint corps qui, pendant plus de deux mois que la sépulture en fut dilférée, demeura sans corruption, avec les couleurs de la vie et exhalant un suave parfum. D'autres miracles suivirent aussi cette mort, lesquels amenèrent le Souverain Pontife Alexandre VIII à l'inscrire au nombre des Saints. Innocent XII désigna pour sa fête le cinquième jour de septembre, où il avait été d'abord élevé sur la chaire des pontifes.

EXTRAITS DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Venez, vous tous que sollicite l'attrait du bien immuable, et qui vainement le demandez à ce siècle qui passe ; je vous dirai ce que le ciel a fait pour moi. Comme vous jadis je cherchais fiévreusement ; et ce monde extérieur ne donnait point satisfaction à mon désir brûlant. Mais, par la divine grâce qui nourrissait mon angoisse, enfin m'est apparue, plus belle que le soleil, plus suave que le baume, Celle dont alors le nom m'était ignoré. Venant à moi, combien son visage, était doux ! combien pacifiante était sa voix, me disant : " Ô toi dont la jeunesse est toute pleine de l'amour que je t'inspire, pourquoi répandre ainsi ton cœur ? La paix que tu cherches par tant de sentiers divers est avec moi ; ton désir sera comblé, je t'en donne ma foi : si, cependant, tu veux de moi pour épouse."

J'avoue qu'à ces mots défaillit mon cœur ; mon âme fut transpercée du trait de son amour. Comme toutefois je désirais savoir son nom, sa dignité, son origine, die me dit qu'elle se nommait la Sagesse de Dieu, laquelle, invisible d'abord au sein du Père, avait pris d'une Mère une nature visible pour être plus facilement aimée. Alors, en grande allégresse, je lui donnai consentement ; et elle, me donnant le baiser, se retira joyeuse."

[...] " Depuis, la flamme de son amour a été croissant, absorbant mes pensées. Ses délices durent toujours ; c'est mon épouse bien-aimée, mon inséparable compagne. Par elle, la paix que je cherchais fait maintenant ma joie. Aussi, écoutez-moi, vous tous : allez à elle de même; car elle met son bonheur à ne rebuter personne."

Saint Laurent Justinien. Fasciculus amoris, chap. XVI.

PRIERE ET ELOGE DE SAINT LAURENT JUSTINIEN

" Ô Sagesse qui résidez sur votre trône sublime, Verbe par qui tout fut fait, soyez-moi propice dans la manifestation des secrets de votre saint amour."

C'était, Laurent, votre prière, lorsque craignant d'avoir à répondre du talent caché si vous gardiez pour vous seul ce qui pouvait profitera plusieurs, vous résolûtes de divulguer d'augustes mystères. Soyez béni d'avoir voulu nous faire partager le secret des cieux. Par la lecture de vos dévots ouvrages, par votre intercession près de Dieu, attirez-nous vers les hauteurs comme la flamme purifiée qui ne sait plus que monter toujours. Pour l'homme, c'est déchoir de sa noblesse native que de chercher son repos ailleurs qu'en Celui dont il est l'image. Tout ici-bas n'est que pour nous traduire l'éternelle beauté, nous apprendre à l'aimer, chanter avec nous notre amour.

Quelles délices ne furent pas les vôtres, à ces sommets de la charité, voisins du ciel, où conduisent les sentiers de la vérité qui sont les vertus ! C'est bien de vous-même en cette vie mortelle que vous faites le portrait, quand vous dites de l'âme admise à l'ineffable intimité de la Sagesse du Père : Tout lui profite ; où qu'elle se tourne, elle n'aperçoit qu'étincelles d'amour ; au-dessous d'elle, le monde qu'elle a méprisé se dépense à servir sa flamme ; sons, spectacles, suavités, parfums, aliments délectables, concerts de la terre et rayonnement des cieux, elle n'entend plus, elle ne voit plus dans la nature entière qu'une harmonie d'épithalame et le décor de la fête où le Verbe l'a épousée. Ô ! Puissions-nous marcher comme vous à la divine lumière, vivre d'union et de désir, aimer plus toujours, pour toujours être aimé davantage."

De castoconnubio Verbi et animae.

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samedi, 10 août 2024

10 août. Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.

- Saint Laurent, archidiacre de l'église de Rome, martyr. 259.

Pape : Vacance (saint Sixte II, 258+ ; saint Denys 260). Empereurs romains : Valérien ; Gallien (Trente tyrans).

" Le feu qui dévore son corps n'est rien par rapport à celui qui embrase son âme."
Saint Léon. Serm. de S. Laurentio.


Saint Laurent. Giovanni di Piero. XVe.

Saint Laurent fut l'un des plus illustres martyrs de l'Église. Ses vertus, son mérite, lui gagnèrent l'affection du Pape Sixte II, qui le choisit comme son premier diacre.

L'an 258, le Pape fut arrêté et condamné à mort. Comme on le conduisait au supplice, Laurent, son diacre, le suivait en pleurant :
" Où allez-vous, mon père, disait-il, sans votre fils ? Où allez-vous, saint Pontife, sans votre diacre? Jamais vous n'offriez le sacrifice sans que je vous servisse à l'autel. En quoi ai-je eu le malheur de vous déplaire ?"
Le saint Pape, ému, lui dit :
" Je ne vous abandonne point, mon fils ; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées ; vous me suivrez dans trois jours."
Puis il lui ordonna de distribuer aux pauvres tous les trésors de l'Église, pour les soustraire aux persécuteurs : mission que Laurent accomplit avec joie.
Le préfet de Rome, à cette nouvelle, fit venir Laurent et lui demanda où étaient tous les trésors dont il avait la garde, car l'empereur en avait besoin pour l'entretien de ses troupes :
" J'avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l'empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer."
Le préfet accorda trois jours de délai.
 

Saint Laurent & saint Etienne. Mariotto di Nardo. Début XVe.

Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église ; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant :
" Voilà les trésors que je vous ai promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu ; l'Église n'a point d'autres richesses.
– Comment oses-tu me jouer, malheureux ? dit le préfet ; est-ce ainsi que tu outrages en moi le pouvoir impérial ?"
Puis il le fit déchirer à coups de fouets.

Laurent, après ce supplice, fut conduit en prison, où il guérit un aveugle et convertit l'officier de ses gardes, nommé Hippolyte. Rappelé au tribunal, il fut étendu sur un chevalet et torturé cruellement ; c'est alors qu'un soldat de la garde, nommé Romain, vit un Ange essuyer le sang et la sueur du martyr :
" Vos tourments, dit Laurent au juge, sont pour moi une source de délices."
Laurent fut ensuite rôti à petit feu sur un gril de fer, et quand il eut un côté tout brûlé :
" Je suis assez rôti de ce côté, dit-il au juge en souriant ; faites-moi rôtir de l'autre."
 
Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l'âme.
 
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Saint Laurent libère une âme du Purgatoire.
Francesco di Cenni. XIVe.
SEQUENCE
 
" Sur ses charbons Laurent paraît,méritant le laurier que signifiait son nom : admirons-le, vénérons-le dans nos louanges ; vénérons avec tremblement l'illustre Martyr, implorons-le avec amour.

Accusé, il ne se déroba pas, mais frappé résonna comme font les trompettes retentissantes : ainsi, dans les tortures, objet de ses vœux, tressaillait-il, résonnait-il en divines louanges.

Comme la corde rend sous l'archet sa mélodie, ainsi, tendu sur la lyre des tourments, il fit monter vers Jésus-Christ sa confession harmonieuse.

Vois, tyran, comme par la foi il demeure invincible parmi les coups, les menaces et les flammes : une intime espérance, une voix d'en haut le consolent, affermissent son courage.

Car les trésors que tu recherches, ce n'est pas à toi, mais à Laurent que tes tourments les acquièrent : il les entasse dans le Christ ; pour son combat, le Christ les lui garde comme récompense de triomphe.

La nuit du saint ignore l'ombre, rien dans sa peine dont le mélange puisse laisser quelque doute à sa foi : rendrait-il la lumière aux aveugles, si la lumière elle-même ne l'inondait pas ?

C'est la foi dont la confession resplendit en lui ; la lumière, il la place, non sous le boisseau, mais au milieu devant tous. Rôti comme un aliment, il plaît au serviteur de Dieu, au porteur de sa croix, d'être donné en spectacle aux Anges et aux nations.

Il ne craint pas d'être roulé sur les charbons, celui qui désire être affranchi de la chair et vivre avec le Christ ; il ne redoute pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme.

Comme la fournaise éprouve le travail des potiers, endurcit la substance : ainsi le feu, cuisant le martyr, en fait par la constance un vase affermi.

Quand le vieil homme en effet se dissout, un autre se répare au bûcher qui consume l'ancien ; c'est ainsi qu'au service de Dieu s'est fortifiée merveilleusement la puissance de l'athlète.

L'ardeur dont on l'entoure n'est que rosée pour son puissant amour et son zèle de justice; un feu brûlant, non consumant, surmonte tes brasiers assemblés, ministre impie.

Si tu ne le prends, si tu ne le brises, le grain de sénevé a peu de saveur ; c'est lorsqu'il brûle sur les charbons, que l'encens exhale mieux son parfum : ainsi pressé, ainsi brûlé, le Martyr plus pleinement, sous ce labeur, sous ces ardeurs, livre l'arôme de ses vertus.

Ô Laurent, fortuné à l'excès, roi magnifique ayant vaincu le roi du monde, fort chevalier du Roi des rois, tu réputas pour rien la souffrance dans ton combat pour la justice ; tu as surmonté tant de maux en contemplant les biens du Christ : par la grâce de tes mérites, fais-nous mépriser le mal, fais-nous mettre au bien notre joie.

Amen."
 

Pierre-Paul Rubens. XVIe.
PRIERE

" Trois fois heureux le Romain, qui t'honore au lieu où tes ossements reposent ! il se prosterne en ton sanctuaire ; pressant de sa poitrine la terre, il l'arrose de ses larmes et y répand ses vœux. Nous que séparent de Rome Alpes et Pyrénées, à peine pouvons-nous soupçonner de combien de trésors elle est pleine, combien son sol est riche en sépultures sacrées. Privés de ces biens, ne pouvant voir de près les traces du sang, nous contemplons le ciel de loin. O saint Laurent, c'est là que nous allons chercher le souvenir de tes souffrances ; car tu as deux palais pour demeure : celui du corps en terre, celui de l'âme au ciel. Le ciel, ineffable cité qui te fait membre de son peuple, qui, dans les rangs de son éternel sénat, place à ton front la couronne civique ! A tes pierreries resplendissantes, on dirait l'homme que Rome céleste élit pour perpétuel consul ! Tes fonctions, ton crédit, ta puissance paraissent, aux transports des Quirites exaucés dans leurs requêtes à toi présentées. Quiconque demande est entendu ; tous prient en liberté, formulent leurs vœux ; nul ne remporte avec lui sa douleur.

Sois toujours secourable à tes enfants de la cité reine : qu'ils aient pour ferme appui ton amour de père ; qu'ils trouvent en toi la tendresse et le lait du sein maternel. Mais parmi eux, ô toi l'honneur du Christ, écoute aussi l'humble client qui confesse sa misère et avoue ses fautes. Je me sais indigne, je le reconnais, indigne que le Christ m'exauce; mais protégé par les Martyrs, on peut obtenir le remède à ses maux. Ecoute un suppliant : dans ta bonté, délie mes chaînes, affranchis-moi de la chair et du siècle.
( Prudent, ubi supra.)."

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mercredi, 03 juillet 2024

3 juillet. Saint Léon II, pape et confesseur. 683.

- Saint Léon II, pape et confesseur. 683.
 
Papes : Saint Agathon (prédécesseur) ; Benoît II (successeur). Empereurs romain d'Orient : Constantin IV.
 
" La force n'est pas la vertu d'une âme médiocre ; c'est elle seule qui défend toutes les vertus ; elle est la gardienne de la justice."
Saint Ambroise. Lib. I, Offic., C, XXXIX.
 

Saint Léon II. Missel romain. Bologne. XIVe.

Après la mort du pape saint Agathon, le siège apostolique demeura vacant pendant dix-neuf mois. Ce fut après cette longue vacance que fut élu un des derniers papes du Moyen-Age, saint Léon II originaire de la Grande-Grèce, à Piano-di-San-Martino, près de Reggio. Fils de médecin, parfaitement versé dans les Saintes Ecritures, il était aussi pieux que savant, et ses bons exemples portaient tout le monde à la vertu. Devenu chanoine régulier, il prit un soin particulier des pauvres, des orphelins et des veuves.

Son court pontificat qui dura dix mois seulement, fut marqué par la confirmation du sixième concile oecuménique que son prédécesseur avait fait assembler à Constantinople pour combattre les hérétiques Monothélites ainsi appelés parce qu'ils ne reconnaissaient en Jésus-Christ qu'une volonté et une seule opération. Connaissant aussi bien la langue grecque que latine, saint Léon traduisit les actes de ce concile pour les Occidentaux, du grec au latin.

Le saint pape Léon II ordonna qu'on donnerait la paix à tous les assistants pendant la messe. Cette pieuse coutume avait été pratiquée et observée dès les premiers siècles de l'Eglise, comme on peut le constater dans les écrits de saint Denis et de saint Justin.

Le plain-chant que saint Grégoire le Grand avait composé et établi dans l'Église se trouvait alors dans une extrême confusion et décadence. Saint Léon II réforma lui-même le chant grégorien et composa aussi quelques nouvelles hymnes que l'Eglise a conservées jusqu'à nos jours.

Bien qu'il n'ait tenu le siège que dix mois et dix-sept jours, saint Léon II est un des plus excellents papes qui aient gouverné l'Eglise. Aimé et respecté de tout le monde, tant à cause de sa vertu que pour son naturel doux, affable et bienveillant, il ne manquait d'aucune des qualités requises pour exercer la charge de Pasteur suprême. Tous les fidèles le regrettèrent comme un père véritable.

On inhuma son corps dans l'église Saint-Pierre, tombeau ordinaire des souverains pontifes. On le représente embrassant un mendiant, par allusion à sa charité envers les malheureux, ou tenant un livre où se lisent des notes musicales.

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