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12 janvier. Saint Benoît Biscop, abbé en Angleterre. 690.

- Saint Benoît Biscop, abbé en Angleterre. 690.
 
Pape : Saint Serge Ier. Roi de Northumbrie : Aldfith. Roi des Francs : Thierry III.

" Le culte catholique est le vrai foyer de la civilisation et des beaux-arts."
" Mes enfants, dites tout ce que vous voudrez, pourvu que de votre bouche il ne sorte ni plainte contre Dieu ni parole malséante, ni discours désobligeant à l'endroit du prochain."


Icône de Terre Sainte représentant saint Benoît Biscop.

Benoît (de son vrai nom Biscop Baducing) était anglais d'origine, d'une famille fort considérable par sa noblesse. Ses parents le firent élever dans les exercices militaires, à dessein d'en faire, dans la suite, un grand capitaine ; et, comme il était naturellement fort et courageux, il acquit bientôt beaucoup de réputation dans les armes.

Oswy, roi de Northumberland, pays septentrional de l'Angleterre, l'ayant appelé à sa cour, le saint y passa quelques années ; mais Notre Seigneur Jésus-Christ, qui le destinât à d'autres emplois, lui parla dans le secret du coeur et le fit résoudre d'abandonner le monde. Il sortit non seulement de la cour, mais aissi du lieu de sa naissance, et entreprit le voyage de Rome pour honorer les tombeaux de des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul et pour être mieux instruit des principes de la foi et des règles de la perfection chrétienne, que l'on enseignait que fort imparfaitement dans son pays nouvellement converti.

Etant arrivé en cette ville, il visita avec une singulière piété tous les sanctuaires qui la rendent si vénérable ; à son retour, il s'appliqua entièrement à l'étude des saintes Ecritures et aux exercices de piété. Cinq ou six ans après, Alcfrid, fils du roi Oswy, eut envie de visiter les tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul ; il pria le saint de l'accompagner, mais le père du prince s'étant opposé à ce pèlerinage, Benoît parti seul pour Rome, afin de s'y perfectionner de plus en plus dans la science du salut. En revenant d'Italie, il passa par le célèbre monastère de Lérins, où il prit l'habit religieux. Après y être resté deux ans, il revint à Rome, l'an 658. Son dessein n'était pas d'en sortir ; mais le pape Vitalien voulut qu’il accompagnât saint Théodore, archevêque de Cantorbéry, et saint Adrien, qu’il envoyait en Angleterre afin de travailler à l’instruction de ce nouveau peuple chrétien.


Saint Benoît Biscop. Codex Amiatinus. VIIe, VIIIe.

Saint Benoît fut chargé du monastère de Saint-Pierre et de Saint-Paul, qui n’était pas éloigné de la ville de Cantorbéry : laissant cette charge quelques temps après à saint Adrien, il fit un nouveau voyage à Rome. Il voulait acquérir de nouvelles lumières sur la discipline de l’Eglise et sur les diverses constitutions monastiques : ce qui l’engagea à rester un temps assez considérable en divers endroits de l’Italie. A son retour, ayant trouvé grâce auprès de son prince, Egfrid, successeur d’Oswy, il bâtit deux monastères : l’un près de la rivière de la Were en l’honneur du prince des Apôtres, appelé pour cette raison Weremouth (674) ; l’autre, sous l’invocation de saint Paul, près de la rivière de Tyne ; ce dernier porta d’abord le Girwy, puis celui de Jarrow (677).
 
Comme ils étaient proche l’un de l’autre, il fut supérieur des deux, mais il lui fut bientôt nécessaire, à cause des voyages et des diverses occupations de saint Benoit qui ne lui permettait pas de tout faire par lui-même, d’avoir soin de mettre sous lui des personnes d’une éminente sainteté, à savoir : Esterwin et Céolfrid, que l’Eglise d’Angleterre honore en qualité de saints. Il enseigna à ses religieux toutes les pratiques de piété qui s’observaient dans les couvents de Rome et dans ceux qu’il avait visités en chemin, souhaitant passionnément de voir la vie monastique fleurir dans son pays comme elle florissait en France et en Italie ; il établit même en son abbaye un collège où il enseigna publiquement ; et il s’est trouvé en même temps jusqu’à 600 moines qui prenaient ses leçons. On lui confia le vénérable Bède dès l’âge de sept ans, afin que, étant élevé sous sa discipline, il répondît aux grandes espérances que l’on concevait de son beau naturel : ce qui réussit très avantageusement.

Ce bienheureux abbé fit encore d’autres fois le voyage de France et d’Italie, tant pour le bien de son ordre que pour l’utilité de toute l’Eglise d’Angleterre, dont il s’occupa toujours avec le plus grand soin. Il avait surtout un zèle extraordinaire pour tout ce qui pouvait relever la gloire et la beauté de la maison de Dieu, et rendre les cérémonies ecclésiastiques pompeuses et magnifiques. Il n’y avait presque point alors, en Angleterre, de temples ni de chapelles bâtis en pierre ; l’usage des vitres aux fenêtres y était inconnu, les peintures sacrées y étaient fort rares, et l’on n’y trouvait les livres des saints Pères qu’en très petite quantité.
 
Mais cet homme industrieux pourvut admirablement à tous ces besoins. Il amena avec lui, d’outre-mer, des architectes, des vitriers et des peintres, les plus habiles qu’il put trouver, et fit bâtir des basiliques de pierres solides, orner les fenêtres de vitres historiées, et décorer les autels et les parois de belles peintures. Il apporta aussi un grand nombre de livres dont il enrichit les bibliothèques de ses monastères, et beaucoup de tableaux où nos mystères étaient représentés ; il les exposa aux yeux des fidèles, afin que les ignorants y apprissent ce que nous croyons, comme les autres l’apprennent dans les livres. Les tableaux qu’il mit à Weremouth représentant la sainte Vierge, les douze Apôtres, l’histoire évangélique et les visions mystérieuses de l’Apocalypse. On voyait dans ceux de Jarrow plusieurs sujets tirés de l’Ecriture sainte et disposés de telle manière qu’ils montraient les rapports des deux Testaments, et que les figures étaient expliquées par la réalité. Par exemple, Notre Seigneur Jésus-Christ, chargé de la croix sur laquelle il allait consommer son sacrifice, se trouvait en regard d’Isaac portant le bois qui devait servir à son immolation.

Reste du prieuré Saint-Pierre de Weremouth.

Il ne manqua pas non plus de procurer à son pays des reliques fort considérables qui lui furent données par les Papes, à qui son ardeur pour les choses saintes fut fort agréable. Mais ce qui le satisfit principalement, fut que le Pape saint Agathon envoya avec lui Jean, abbé de Saint-Martin, maître de la musique et des cérémonies de Saint-Pierre, pour introduire ces cérémonies en Angleterre, et y apprendre la méthode de bien chanter. Aussi, tant qu’il fut dans l’Île, saint Benoît eut un soin extraordinaire de lui et ne permit pas que d’autres que ses religieux pourvussent à sa subsistance ; de là vient qu’ils furent les mieux instruits sur tout ce qui appartenait à la célébration des offices ecclésiastiques. Lui-même y devint si habile, qu’il composa un livre sur ce sujet, intitulé De la célébration des fêtes, afin que l’on oubliât pas ce qu’on avait appris de ce chantre de l’Eglise romaine. Le vénérable Bède, parlant de cette prévoyance charitable de son maître saint Benoît, dit qu’il a travaillé avec tant de zèle, afin que les siens vécussent en repos, et qu’il a entrepris tant de voyages, afin que, étant fournis des choses nécessaires, ils pussent s’en servir paisiblement Notre Seigneur dans l’enceinte de leurs monastères, sans être obligés d’en sortir. Il fit un cinquième voyage à Rome mais il est difficile d’en préciser la date.

Enfin, étant devenu vieux et infirme, il donna de rares exemples de patience à ses disciples, souffrant sans chagrin et avec beaucoup de tranquillité et de joie des maladies très douloureuses. Sa plus grande récréation était de parler quelquefois des lieux saints qu’il avait visités, de l’exacte observance des maisons religieuses, et du bonheur des personnes qui aiment leur vocation. Les trois dernières années de sa vie, une cruelle paralysie le priva de l’usage de ses membres et l’obligea enfin à garder le lit. Lorsqu’il ne lui fut plus possible d’assister à l’office canonial, quelques moines, partagés en deux chœurs, vinrent chanter à côté de lui les psaumes de chaque heure du jour et de la nuit ; il s’unissait à eux autant qu’il el pouvait, mêlant sa voix avec les leurs. Son esprit ne s’occupait que de Dieu et de la perfection de ses disciples qu’il exhortait fréquemment à observer leur règle avec exactitude :
" Mes enfants, n’allez pas regarder comme une invention de mon esprit les constitutions que je vous ai données. Après avoir visité dix-sept monastères bien disciplinés, dont j’ai tâché de connaître parfaitement les lois et les usages, j’ai formé un recueil de toutes les règles qui m’ont paru les meilleures : c’est ce recueil que je vous ai donné."
 

Abbaye de Thorney ou se conservèrent longtemps
une partie des reliques de saint Benoît Biscop.
Île de Thorney. Cambridgeshire. Angleterre.

Il mourut après avoir reçu le saint Viatique, le 12 janvier 690. On transféra ses reliques à l’abbaye de Thorney, en 970. Les moines de Glastonbury prétendaient en avoir une partie. Les Bénédictins anglais honorent ce saint comme un de leurs patrons.
 
Les abbayes de Weremouth et de Jarrow furent détruites par les Danois. Rétablies en partie, elles existaient encore sous le titre de prieurés, lorsque les monastères d’Angleterre furent détruits l’an 37 du règne de Henri VIII. Ces deux prieurés ont été à l’origine des deux villes de Weremouth et de Jarrow.

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dimanche, 12 janvier 2025 | Lien permanent

8 janvier. Saint Séverin du Norique, Apôtre de l'Autriche et de la Bavière. 482.

- Saint Séverin du Norique, Apôtre de l'Autriche et de la Bavière. 482.

Pape : Saint Simplice. Empereur romain, d'Orient : Zénon. Chute de l'empire romain d'Occident : Julius Népos (+480) ; Romulus Augustule. Chef des Hérules, patrice romain, etc. : Odoacre. Roi des Francs Saliens : Clovis Ier.

" Quand vous aurez vaincu, ne tuez pas les ennemis."
Saint Séverin au chef de la garnison de Vienne.

Saint Séverin du Norique.
Maître de Saint-Séverin. Autriche. XVe.

Dans le Ve siècle, un Solitaire d'Orient, poussé par l'esprit d'en-haut, vint annoncer la pénitence et le royaume de Dieu aux peuples barbares du Septentrion. On ne put savoir sa patrie ; aux questions qu'on lui faisait à ce sujet, il répondait qu'un prédicateur de l'Evangile n'avait point d'autre âge que l'éternité, ni d'autre pays que le ciel. Toutefois, on reconnut facilement, à son parler et à ses manières, qu'il était Romain ou d'un endroit ou d'un endroit où l'on parlait encore le bon latin. Comme il était humble et qu'il refusait de dire la condition de sa famille, on crut, non sans raison, que ses parents étaient illustres selon le monde. Il faisait précéder sa prédication de l'exemple de sa vie ; il était pieux, austère et charitable envers les pauvres, les malades et tous les nécessiteux.

Au temps où vécut saint Séverin, il y a plus de treize cents ans, Attila, ce terrible roi des Huns, dont nous avons déjà parlé, venait de mourir. En mourant, il laissa plusieurs fils, qui se disputèrent l'empire, principalement dans les contrées situées le long des deux rives du Danube. Au loin régnaient la terreur et la désolation. Saint Séverin demeurait alors aux environs de la ville d'Astures ; il anonça aux habitants de cette ville qu'ils étaient menacés des horreurs de la guerre, et que leur cité serait détruite, à moins qu'ils ne fléchissent le ciel par des jeûnes, des prières et des aumônes. Pour leur malheur, les Asturiens n'écoutèrent pas les sàges exhortations du Saint, et leur ville fut ruinée de fond en comble, de sorte qu'aujourd'hui l'on ne sait plus même le lieu où elle s'est trouvée (d'aucuns pensent que Stockeraw, au nord de Vienne est située sur le site de l'ancienne Astures).

Saint Séverin. Gravure. XVIIIe.

Mais avant le désastre, saint Séverin s'était retiré dans une autre ville, appelée Cumanis (aujourd'hui Haynburg, à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de Vienne). Là il renouvela ses conseils et ses sinistres prédictions ; mais là aussi il ne fut pas écouté. Alors un vieillard, qui seul avait échappé ua massacre et à l'incendie d'Astures, raconta aux habitants de Cumanis tous les détails de l'horrible désastre dont il avait été témoin ; et il ajouta qu'avant l'événement un homme inconnu était venu leur prédire tout ce qui était arrivé, et les avait exhortés à détourner ces malheurs par la pénitence :
" Et c'est parce qu'on ne l'a pas cru, dit-il en terminant son récit, que tous ces malheurs sont venus sur ma patries !..."
Et le vieillard, ayant vu saint Séverin qui l'écoutait discrètement mélé à son nombreux auditoire, s'écria aussitôt :
" C'est lui-même, écoutez-le !"

Alors les Cumaniens lui demandèrent pardon de n'avoir pas voulu l'écouter d'abord et pendant trois jours ils implorèrent le secours du ciel par des prières, des jeûnes et des aumônes. Pendant ce temps les farouches ennemis s'étaient rapprochée de Cumanis mais vers la fin du troisième jour leur camp fut ébranlé par un terrible tremblement de terre, et ils s'enfuirent épouvantés. Pendant la nuit suivante, ils s'imaginèrent être poursuivis, et, prenant leurs compagnons pour des ennemis, ils s'entre-tuèrent.

Saint Séverin prêchant aux habitants de la ville de Cumanis.
Cathédrale neuve Notre-Dame. Linz. Autriche. XVIIe.

Une autre ville * plus loin sur le Danube  était désolée par la famine. C'était au cœur de l'hiver, et l'on attendait des vivres qui devaient arriver des pays qui sont près de l'Inn. Mais le fleuve était gelé, les bateaux qui devaient transporter les vivres ne pouvaient arriver. Or, les habitants de cette ville ayant entendu parler de la merveilleuse efficacité des prières de saint Séverin, le firent inviter à se rendre auprès d'eux.

Son premier soin, en arrivant, fut de les exhorter à la prière et à la pénitence. Et presque aussitôt l'on vit arriver une foule de bateaux chargés de vivres. Que s'était-il donc passé ? Le fleuve, qui depuis longtemps tenait les bateaux emprisonnés dans les glaces, s'était subitement fondu par l'effet d'un dégel miraculeux survenu à une époque tout à fait indue. Grande fut la reconnaissance des Viennois, et grandes furent aussi leurs actions de grâces.

Or, il y avait à Vienne une riche veuve nommée Procule qui avait caché, pendant une famine, une immense quantité de blé : l'Esprit de Dieu ayant révélé cet acte d'avarice à Séverin, le Saint reprit publiquement la veuve sans entrailles, lui reprocha d'être cause, par sa cupidité, de la mort d'un grand nombre de pauvres, et lui fit voir qu'elle se disait en vain chrétienne, puisqu'en adorant les richesses elle était tombée dans une détestable idolâtrie. Procule comprit l'énormité de sa faute et la répara en ouvrant gratuitement ses greniers.

Saint Séverin. Gravure. M. Haffner. Autriche. XVIIIe.

Dans le même temps, des barbares menaçaient cette ville par le fer et le feu tout ce qu'ils pouvaient saisir au dehors des murs, hommes et bêtes, ils l'emmenaient avec eux. La ville était presque entièrement dépourvue de soldats : saint Séverin harangua leur chef, lui disant d'avoir confiance en Dieu, et d'aller attaquer résolument l'ennemi, lui assurant que Dieu lui donnerait la victoire. Il ajouta encore ces paroles remarquables :
" Mais quand vous aurez vaincu, ne tuez pas les ennemis !"


Le capitaine partit aussitôt, plein de confiance en Dieu et dans les prières de son fidèle serviteur. Les barbares, en l'apercevant, furent saisis d'épouvante, jetèrent leurs armes et s'enfuirent. Ceux d'entre eux qu'on put emmener captifs, furent conduits devant saint Séverin, qui, après leur avoir reproché leurs brigandages, leur fit donner à boire et à manger, et puis les renvoya dans leur pays.

Plus tard saint Séverin se retira dans une solitude, avec le désir de ne plus vivre que pour Dieu mais il n'y demeura pas longtemps seul. Une foule de gens allaient le trouver pour lui demander aide et conseil dans leurs besoins spirituels ou corporels.

Saint Séverin. Tobia Gorio. XVIIe.

Un homme, nommé Rufus, était malade depuis douze ans : il souffrait horriblement dans tous les membres de son corps. Or, les moyens employés jusque-là avaient été infructueux. Sa mère le mit sur une voiture et le conduisit devant l'habitation du Saint. Elle le supplia de guérir son fils. Le Saint répondit :
" Dieu seul peut rendre la santé aux malades ; mais je vais vous donner un conseil donnez des aumônes, selon vos moyens."
Cette femme, n'ayant pour le moment aucune autre chose à donner, se dépouilla de ses habits pour les donner aux pauvres. Mais le Saint lui dit :
" Remettez vos habits ; votre fils va être guéri ensuite, quand vous serez retournée chez vous, prouvez votre foi par es oeuvres."
Saint Séverin se mit ensuite en prières ; et aussitôt, au grand étonnement de tous les assistants, le malade se leva guéri, et s'en retourna chez lui. L'étonnement de tous ceux qui le connaissaient était si grand, que plusieurs ne voulurent pas croire que ce fût le même homme qu'ils avaient vu si infirme.

La renommée de la sainteté et des miracles de saint Séverin se répandit au loin. Plusieurs cités pensèrent que si elles possédaient un tel trésor, elles seraient à l'abri de toutes les calamités. Le Saint fut donc appelé avec instance de divers côtés. Or, un jour il se trouvait dans une ville, où une partie des habitants s'adonnait à l'idolâtrie. Saint Séverin leur représenta combien grand était ce crime, mais personne ne voulut s'avouer coupable.

 
Alors il prescrivit un jeûne de trois jours, et ordonna que le troisième jour chaque famille se rendrait à l'église avec un cierge non allumé. Le Saint s'étant mis en prières avec les prêtres et le peuple, les cierges des vrais croyants s'allumèrent d'eux-mêmes, tandis que ceux des idolâtres demeurèrent non allumés. Etant ainsi miraculeusement convaincus, les idolâtres confessèrent leur péché ; et le chroniqueur, en rapportant ce fait, ajoute :
" Ô douce puissance de mon Créateur, qui alluma les coeurs en même temps que les cierges ! Car le feu se mit aussi aux cierges des coupables, après qu'ils eurent confessé leur faute et pendant que ce feu consumait la cire qu'ils tenaient en leurs mains, un feu immatëriel consumait leurs cœurs et faisait couler de leurs yeux des larmes de componction."

Eglise Saint-Séverin. Passau. Bavière.

Une autre fois les campagnes d'alentour furent ravagées par des nuée de sauterelles, et l'on supplia encore saint Séverin d'éloigner ce fléau par ses prières. Comme toujours, il recommanda d'avoir recours à la prière, au jeûne et aux aumônes ; en même temps il exigea que personne n'allât aux champs : " car, dit-il, vos soins intempestifs seraient faits pour éloigner le secours de Dieu plutôt que pour chasser les sauterelles ". Tous se conformèrent scrupuleusement aux prescriptions du Saint, à l'exception d'un tout pauvre homme, qui voulait absolument aller visiter son champ. Ce champ se trouvait environné de plusieurs autres, et le pauvre homme s'y rendit pour en chasser les insectes destructeurs. Mais la nuit même les sauterelles disparurent complètement, en laissant intacts tous les champs, à l'exception de celui du pauvre incrédule, sur lequel elles ne laissèrent pas un fruit, ni un brin d'herbe. Ce malheureux alors courut à la ville, en se lamentant devant tout le monde de ce qui lui était arrivé. Là-dessus tous sortirent, et virent avec étonnement que leurs champs avaient été préservés du fléau, et que seul le champ de l'incrédule avait été dépouillé.

Le Saint alors leur dit ces simples paroles :
" Apprenez par les sauterelles à obéir toujours à Dieu !"
Alors le pauvre dit en se lamentant :
" Je veux bien, à l'avenir, obéir fidèlement à Dieu, mais qui me donnera de quoi vivre, car mon champ est dévasté ?"
Le Saint s'adressant à la foule, dit :
" Il est juste que celui qui par son châtiment vous apprend à être humbles et obéissants, soit, pour cette année, nourri par vous."
Et il fut fait une collecte au profit du pauvre.

Statue de saint Séverin. XVe.
Eglise Saint-Séverin. Passau. Bavière.

Une autre fois une femme, après avoir été longtemps malade, entra en agonie quelques-uns de ceux qui l'entouraient, la croyant déjà morte, se mirent à se lamenter, suivant la coutume en pareille occurrence. Les autres, au contraire, leur imposèrent silence, et, emportant la malade, ils allèrent la déposer devant la porte de saint Séverin. Le Saint leur dit :
" Que me voulez-vous ?"
Ils répondirent :
" Nous vous prions de rendre à ta santé cette femme qui va mourir."
Le Saint reprit :
" Vous demandez trop à un pauvre pécheur comme moi. Je suis indigne de faire des miracles ; tout ce que je puis faire, c'est de prier Dieu de me pardonner mes péchés."
Ceux-ci répliquèrent :
" Nous croyons que si vous priez pour la malade, elle sera guérie."
Alors le Saint se mit à prier et aussitôt la malade put se lever. Et le Saint leur dit :
" Ce miracle n'est pas dû à mes mérites, mais à votre foi ; pareille chose arrive journellement en maint endroit, chez tous les peuples, par la toute-puissance de Dieu, qui seul peut guérir les malades et ressusciter les morts, afin que tous les peuples sachent qu'il est le seul vrai Dieu."

Trois jours après, cette même femme était si bien guérie, qu'elle put de nouveau vaquer à ses travaux habituels.

Mais, quoiqu'il fît ces prodiges pour gagner les peuples à Jésus-Christ, il ne voulut point guérir un mal d'yeux qui causait des douleurs très vives à Bonose, le plus cher de ses disciples ; il aurait cru, en lui enlevant la souffrance, le priver d'un moyen de perfection. Sa réputation alla si loin que les princes, même d'au-delà du Danube, infidèles ou Ariens, lui demandaient ses avis pour la conduite civile de leurs Etats, quoiqu'ils refusassent d'ouvrir les yeux à la vérité et de corriger les déréglements de leur vie.

Notre Père des cieux ressuscitant une femme morte par
l'intercession de saint Séverin et de la foi des fidèles. XVIe.

Il établit plusieurs monastères, dont le plus considérable était près de Favienne. Il le quittait souvent pour aller à deux lieues au delà, dans un endroit écarté, pour prier plus tranquillement. Mais la charité l'obligeait souvent d'aller en divers lieux, consoler les habitants dans leurs alarmes car ils se croyaient en sûreté quand il était avec eux. Il recommandait à ses disciples surtout l'imitation des anciens et l'éloignement du siècle ; ses exemples leur prêchaient plus encore que ses paroles. Car, excepté les fêtes, il ne mangeait qu'après le soleil couché, et en Carême une seule fois dans la semaine il dormait tout vêtu sur un cilice, étendu sur le pavé de son oratoire. Il marchait toujours pieds-nus, même lorsque le Danube était gelé. Plusieurs villes le demandèrent pour évêque, mais il ne voulut jamais se rendre à leurs instances :
" N'est-ce pas assez que j'aie quitté ma chère solitude pour venir ici vous instruire et vous consoler ?"

Il ne faut donc pas croire que notre Saint ait établi d'une manière définitive et durable, ni la religion catholique, ni la vie monastique dans ces pays ; ce n'était ni le lieu ni le moment. La Providence l'avait amené là, lui Romain, moine catholique, représentant du monde civilisé qui allait être enfin envahi, afin d'arrêter un instant, et d'adoucir les envahisseurs ; ainsi Attila trouva saint Léon au passage du Mincio, saint Aignan sous les murs d'Orléans, et saint Loup aux portes de Troyes ainsi saint Germain d'Auxerre arrêta Eocharich, roi des Allemands, au cœur de la Gaule.

L'anachorète qui défendit le Norique, veillait en même temps dans l'intérêt de toute la Chrétienté. Si le débordement des invasions se fût précipité d'un seul coup, il aurait submergé la civilisation. L'empire était ouvert, mais les peuples n'y devaient entrer qu'un à un et le sacerdoce chrétien se mit sur la brèche, afin de les retenir jusqu'au moment marqué, et pour ainsi dire jusqu'à l'appel de leur nom. c'était le tour des Hérules : saint Séverin avait contenu leurs bandes sur le chemin de l'Italie.

Odoacre consultant saint Séverin.
Leopold Kupelwieser. Vienne. XVIIIe.

Parmi ceux qui venaient demander sa bénédiction, se trouva un jour un jeune homme, pauvrement vêtu, mais de race noble, et si grand qu'il lui fallait, se baisser pour entrer dans la cellule du moine :
" Va, lui dit Séverin, va vers l'Italie ; tu portes maintenant de chétives fourrures, mais bientôt tu auras de quoi faire largesse."
Ce jeune homme était Odoacre, à la tête des Thurilinges et des Hérules ; il s'empara de Rome, envoya Romulus Augustule mourir en exil, et, sans daigner se faire lui-même empereur, se contenta de rester le maître de l'Italie. Du sein de sa conquête, il se souvint de la prédiction du moine romain qu'il avait laissé sur les bords du Danube, et lui écrivit pour le prier de lui demander tout ce qu'il voudrait. Séverin en profita pour obtenir la grâce d'un exilé.

Si Odoacre, maître de Rome, usa de clémence, s'il épargna les monuments, les lois, les écoles, et ne détruisit que le vain nom de l'empire, c'est qu'il se souvint, notamment, du moine romain qui avait prédit sa victoire et béni sa jeunesse.

Une autre fois, comme les Allemands ravageaient le territoire de Passau, où il se trouvait alors, il alla trouver Gibold leur roi, et lui tint un langage si ferme, que le barbare troublé promit de rendre les captifs et d'épargner le pays on l'entendit ensuite déclarer à ses compagnons que jamais, en aucun péril de guerre, il n'avait tremblé si fort

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mercredi, 08 janvier 2025 | Lien permanent

9 janvier. Saint Julien d'Antioche et sainte Basilisse, mariés, religieux, vierges et martyrs, et leurs compagnons, mart

- Saint Julien d'Antioche et sainte Basilisse, mariés, religieux, vierges et martyrs, et leurs compagnons, martyrs. 313.

Pape : Saint Mechiade. Empereur romain d'Orient : Maximin Daïa II. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier.

" Et ecce ego morior !"
" Quel bonheur de mourir !"

1 Reg., XIV, 43.


Saint Julien d'Antioche. Jean Hey ou Jean Pichore.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Avant que de donner quelques éléments de la vie de saint Julien, notons au préalable que nous avons un peu plus de soixante saints portant le prénom de Julien.

Il se peut donner sans difficulté à saint Julien et à sainte Basilisse les quatre titres de mariés, de vierges, de religieux et de martyrs, quoique sainte Basilisse ait fini ses jours en paix et dans la ferveur de la prière : mais elle beaucoup souffert pour Notre Seigneur Jésus-Christ et disposé une infinité de personnes à mourir pour la foi qui lui a valu cette qualité de martyre.

Saint Julien d'Antioche naquit de parents riches qui le voulurent marier. Il fit voeux de rester chaste et d'engager son épouse à le demeurer, ce qu'elle fit aussi. Il choisirent d'ailleurs de ne pas demeurer ensemble.


Sainte Basilisse, associée à saint Julien l'Hospitalier,
avec saint Jacques le Majeur dans une barque.
Eglise Saint-Fuscien et Saint-Gentien. Fléchy. Picardie. XVe.

Leurs parents respectifs étant mort, ils héritèrent tous deux de grands biens qu'ils vendirent pour le soulagement des pauvres et pour fonder chacun des établissements destinés à leur soulagement.
Plusieurs jeunes hommes demandèrent rapidement à venir seconder saint Julien dans ses oeuvres et de même de nombreuses jeunes filles voulurent suivre l'exemple de sainte Basilisse.

Bientôt, Maximin II renouvella, après Dioclétien, la persécution en Orient. L'empereur envoya à Antioche un lieutenant appelé Marcien, homme particulièrement cruel. Il fit comparaître Julien devant son tribunal et ne pouvant le réduire, fit mettre le feu aux quatre coins de la batisse qui servait de maison aux novices. De là ils montèrent au Ciel.

Marcien fit à nouveau comparaître saint Julien. La constance de notre saint fut la même, et avec une grande fermeté, il supporta d'être battu avec des cordes nouées (guérissant au passage un des soldats qui avait reçu accidentellement un coup de corde qui lui avait fait perdre un oeil). Marcien fit ensuite traîner saint Julien dans Antioche, chargé de fers, et le fit tourmenter tout au long du chemin.


Mariage de saint Julien d'Antioche et de sainte Basilisse.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Il se trouve que le fils de Marcien, âgé de sept ans, Celse, était avec d'autres écoliers pas les rues d'Antioche. Touché par l'héroïque constance du saint, il s'approcha de lui et lui demanda d'être admis dans la société de Notre Seigneur.

Marcien fit mettre saint Julien et son propre fils dans une basse-fosse afin d'essayer de venir à bout de leur patience. A peine arrivé dans ce lieu, une lumière divine vint les éclairer et l'odeur épouvantable de la fosse se changea en un parfum admirable. Ce fut la cause de la conversion de la vingtaine de gardes que Marcien avait préposé à leur surveillance. Marcien fit ensuite préparer un brasier fait d'huile et de résine afin d'exterminer cette sainte troupe.

Comme des Gentils passaient avec un mort sur le chemin qui menait des geoles au lieu du supplice, Marcien demanda à saint Julien qu'il ressucitât ce mort s'il le pouvait. Saint Julien, après avoir prié le Maître de Vie, le ressucita en effet. Le ressucité dit à l'instant du retour de sa vie terrestre, que Jésus-Christ était bien le seul et vrai Dieu et qu'il emploierait le restant de sa vie à expier ses péchés.

Marcien ne se laissa pas plus toucher par ce miracle que par les précédents. Il fit conduire la troupe au lieu du supplice et on mit le feu au brasier. Aussitôt, ce feu fut changer en une agréable source de raffraîchissement, et Marcien fut obliger de reconduire nos saints en prison.


Miracle de saint Julien d'Antioche. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Marcien envoya alors son épouse, Marcionille, visiter son fils Celse afin de l'engager à revenir aux idoles. Elle fut tellement touchée par la compagnie de nos saints qu'elle demanda le baptême et Celse fut choisi pour être le parrain de sa mère. Marcien fit alors décorer le temple le plus majestueux temple d'Antioche, dédié à Jupiter, et fit préparer une cérémonie solennelle. Il dit à saint Julien de demander à son Dieu qu'Il lui plût, s'il Lui était possible, de détruire le temple. Aussitôt, la terre souvrit et engloutit le temple et les prêtres de Satan qui étaient là.

Renvoyés en prison, la sainte troupe en fut retirée le lendemain et jetée aux bêtes féroces, qui ne voulurent toucher nos saints que pour les lécher et se faire caresser. Marcien finit par leur faire couper la tête, en même temps que des criminels de droit commun.


Martyre de saint Julien d'Antioche et de ses compagnons.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Sainte Basilisse put terminer ses jours, avec les religieuses qui l'entouraient, dans la paix du Seigneur, non sans avoir été tourmentée sa vie durant il est vrai.

La France, et particulièrement, le diocèse de Sens, fut honorée d'avoir le crâne de saint Julien d'Antioche. L'abbaye de Morigny le conservait. Malheureusement, l'invasion des abbés commandataires au XVIIe siècle, encouragée par le petit-fils de l'usurpateur Bourbon Henri de Navarre, produisit la ruine puis l'abandon de cette abbaye.


Tour de Brunehaut et chapelle Saint-Julien. Morigny. Etampois.
Anciennement au diocèse de Sens. Gravure du XVIIIe.

Cette insigne relique se trouve probablement toujours au trésor de la cathédrale de Sens.

Rq : On trouvera des détails intéressants sur ces saintes reliques sur lien suivant : http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b10.html 

On lira et méditera avec fruit le magnifique sermon sur saint Julien de saint Jean Chrysostome : http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2011/01/09/saint...

 

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jeudi, 09 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

7 janvier. Saint Lucien d'Antioche, prêtre et martyr. 312.

- Saint Lucien d'Antioche, prêtre et martyr. 312.
 
Pape : Saint Miltiade. Empereur romain d'Orient : Licinius ; Maximin II Daïa. Empereur romain d'Occident : Galère ; Maxence (Rome) ; Constantin Ier.

" Seigneur, l'explication de votre parole éclaire et donne de l'intelligence aux petits."
Ps. CXVIII.


Saint Lucien d'Antioche. Bas-relief. Arles. XIe.

Ce grand personnage était Syrien de nation, d'une famille illustre de Samosate (d'après l'hagiographe Baillet, cette famille était d'Antioche). Ses parents, Chrétiens, prirent un soin particulier de l'élever dans la crainte de Dieu. Il devint orphelin de père et de mère à l'âge de douze ans et dès lors, jugeant que la vie religieuse était un port assuré contre les orages du monde, il se retira chez un saint personnage appelé Macaire, qui faisait profession d'étudier et d'interpréter les saintes écritures à Edesse. Lucien profita si bien à cette sainte école, qu'il se prescrivit dès lors une façon de vivre très austère. L'oraison et le silence étaient ses plus familiers entretiens, et, s'il lui échappait parfois une parole, elle était toujours puisée dans les saintes Ecritures.

Avançant de plus en plus en âge et en vertu, il se fit ordonné prêtre à Antioche ; et, pour se faire utile au public, il entreprit d'instruire la jeunesse, tant dans les belles lettres que dans la pratique de la piété. Pour cet effet, il tint école ouverte, à l'exemple de son maître saint Macaire, afin que tous ceux qui voulait jouir de ses travaux le pussent faire sans aucune difficulté. De plus, pour avoir de quoi faire l'aumône aux pauvres, il s'acquit une telle facilité de bien écrire, qu'il y gagnait assez pour son entretien et celui des autres. Il entreprit en outre un ouvrage très difficile ; car, ayant observé que les hérétiques, traduisant diversement les livres sacrés, y avaient glissé beaucoup d'erreurs, il résolut d'en revoir toutes les traductions, et d'en faire une toute nouvelle de l'hébreu en grec. Cette édition mérita l'estime universelle et fut très utile à saint Jérôme qui rapporte que l'on s'en servait dans l'Eglise d'Orient, particulièrement depuis Constantinople jusqu'à Antioche.

C'est pour partie à saint Lucien d'Antioche que l'on doit l'invention des reliques de saint Etienne. Il vint un jour s'entretenir avec l'évêque de Jérusalem du lieu, qu'il avait vu en songe, où les précieuses reliques seraient découvertes.

Comme notre saint travaillait ainsi pour la religion, l'empereur Maximin renouvela les édits de ses prédécesseurs Dioclétien et Maximien, et continua de persécuter les Chrétiens. Sachant que ce très saint prêtre était un des plus fermes soutiens et une des plus fortes colonnes de l'Eglise catholique d'Antioche, et que les fidèles avaient pour lui beaucoup de déférence, il résolut de le faire arrêter. Le saint homme en ayant avis, pour ne pas s'exposer témérairement au péril, il sortit de la ville et se retira secrètement dans la campagne, pratiquant en cela le conseil du Sauveur qui dit à ses disciples (Matth. X, 23.) :
" Quand les hommes vous persécuterons en une ville, fuyez en une autre."


Saint Lucien d'Antioche. D'après une Icône grecque du Xe.

Cependant, ayant été dénoncé par un méchant apostat partisan de l'hérésiarque Sabellius, il fut fait prisonnier et conduit à Nicomédie en 303.

En passant par la Cappadoce, il rencontra quelque soldats de sa connaissance, qui, par crainte ou par la violence des tourments, avaient renoncé au Christianisme : notre saint, animé de ferveur et de zèle, leur fit une si vive et charitable remontrance, que, touchés de repentir, ils promirent de ne faire désormais que des actes de bons Chrétiens ; et de quarante qu'ils étaient, la plupart moururent courageusement pour Notre Seigneur Jésus-Christ ; les autres, triomphant de la cruauté des tourments, survécurent à la rage du tyran.

Le saint martyr ne produisit pas un moindre fruit quand il arriva à Nicomédie. Il trouva encore quelques Chrétiens qui avaient fait naufrage dans la foi. Il les ramena par ses ferventes exhortations et les fit rentrer dans le sein de l'Eglise. Aussi, ce très saint prêtre porte-t-il à très juste titre le nom de Lucien, qui vient de lux, lumière, brillant par l'éclat de sa foi, de sa doctrine et de ses vertus, non seulement pour lui-même mais aussi pour les autres.

Il semble que Maximin craignait d'être éclairé par cette lumière s'il l'interrogeait lui-même ; en effet, il se couvrit pour ainsi dire d'un voile, et ne parla à Lucien que par un interprète. Il lui offrit de se l'associer au gouvernement de l'empire et de le faire son collègue et conseil s'il voulait " seulement " sacrifier aux idoles ; mais notre saint se moquant de ces vaines promesses, protesta hautement qu'il n'en ferait jamais rien. Alors Maximin, passant des promesses aux menaces, le fit conduire an prison, où, après plusieurs autres outrages, le saint confesseur eut à subir d'affreux traitements. On prépara une grosse pièce de bois, percée en quatre endroits différents, et après lui avoir fait entrer les jambes jusqu'aux genoux dans les deux trous de dessus, on les replia pour les faire entrer dans les trous de dessous, ce qui lui déboîta les os et força horriblement les jointures. Ensuite, on lui attacha les mains par-dessus la tête à une autre pièce de bois, afin qu'étant couché il ne pût nullement remuer, et, la place ayant été couverte de têts de pots cassés, on l'étendit nu sur ce lit de douleur pour lui faire souffrir sans relâche une torture insupportable.

Les bourreaux le laissèrent ainsi douze ou quatorze jours, sans rien lui donner à manger que les viandes qui avaient été présentées aux idoles ; mais, comme il eût plutôt souffert mille morts que de toucher un seul de ces morceaux, s'appuyant sur cette loi qu'on ne peut manger ce qui a été offert aux idoles s'il en doit résulter du scandale pour les faibles et si les Païens l'exigent comme un acte d'idolâtrie, il s'abstint sans défaillance.

Cependant la fête de l'Epiphanie approchait, et ses disciples qui le venait visiter, eussent bien voulu de le voir libre en ce jour afin de participer avec lui aux saints mystères de notre rédemption. Le saint le leur promit. Ainsi, le jour arrivé, il leur dit que sa poitrine servirait d'autel, et eux, d'église, en se rangeant autour de sa personne. Ils apportèrent donc le pain et le vin sur le sein du prêtre qui, après les prières accoutumées, les bénit l'un et l'autre, les consacra et reçut la sainte Eucharistie, qu'il fit distribuer ensuite à toute l'assistance. Chose admirable : Dieu ne permit pas qu'un seul Païen se présentât pour interrompre l'auguste cérémonie.
Ce fait, qui se trouve dans les Actes de saint Lucien, est aussi rapporté par Philostorge, historien arien (liv. II, ch. 12, 13).

Le lendemain, l'empereur, irrité de ce que le martyr vivait si longtemps, envoya voir s'il était mort ; mais d'aussi loin qu'il apercut les ministres d'iniquité, saint Lucien s'écria :
" Je suis Chrétien !"
Le bourreau, étonné de cette constance, lui demanda de quel pays il était :
" Je suis Chrétien !" répondit saint Lucien.
" Quelle est ta profession ?" demanda le ministre de Satan.
" Je suis Chrétien !" répondit le saint prêtre.
" Mais qui sont tes parents ?" ajouta encore le Païen.
" Je suis Chrétien !" reprit encore le généreux martyr.

Il n'eut pas si tôt fait cette dernière profession de foi que saint Lucien rendit son âme à Dieu : ce fut le 7 janvier de l'an 312.
 
Saint Lucien d'Antioche s'entretient avec l'évêque de Jérusalem au
sujet du lieu où se pourront découvrir les reliques de saint Etienne.
Détail. Tapisserie de la Légende de saint Etienne. Colyn de Coter.
Cathédrale Saint-Etienne d'Auxerre. XVIe.

On croit qu'il resta 9 ans en prison, puisque, au rapport d'Eusèbe, il en reçut la couronne du martyre qu'après la mort de saint Pierre d'Alexandrie arrivée en 311.

Saint Jean Chrysostome a écrit des merveilles sur cette admirable réponse de saint Lucien ; " parce que le disciple de Notre Seigneur Jésus-Christ, en disant qu'il est Chrétien, explique parfaitement bien, en un seul mot, quelle est sa patrie, sa famille et sa profession. Sa partie parce que, n'en ayant point sur la terre, il n'en reconnaît pas d'autre que la Jérusalem céleste ; sa famille, parce qu'il ne croit pas avoir d'autres parents que les Saints ; enfin sa profession, puisque toute sa vie est dans le ciel ".

Le tyran, écoutant sa rage, même après la mort de saint Lucien, commanda qu'on lui attachât une grosse pierre à la main droite, et que son corps fût jeté dans la mer, afin d'en ôter à jamais le souvenir. Mais le Créateur de toutes choses le conserva 14 jours dans les eaux, autant qu'il avait souffert de jours le martyre ; et au 15e, le saint apparut à l'un de ses parents qui était son disciple, Glycérius, pour lui dire qu'il allât en un tel endroit du rivage qu'il lui marquait, et qu'il y trouverait alors infailliblement son corps. Glycérius se rendit à cet endroit avec quelques autres Chrétiens. Ils n'y furent pas plus tôt arrivés, qu'ils apercurent un grand dauphin qui, portant ce précieux trésor sur son dos, le déchargea à leur vue sur le bord de la mer. On put facilement se convaioncre que ce dauphin n'était pas un fantôme mais un vrai poisson, car il expira qur le rivage aussitôt qu'il se fut déchargé, ainsi qu'il paraît par le dernier couplet d'une hymne que l'on chante en l'honneur de saint Lucien :

" Le dauphin, paraissant, se chargea du Martyr,
Et voulant à son corps rendre un pieux hommage,
Le porta sur son dos jusqu'au bord du rivage,
Où devant tout le monde il mourut de plaisir."

Ce saint corps fut reçut tout entier et sans aucune corruption ni mauvaise odeur, si ce n'est la main droite qui en avait été séparée par la pesanteur de la pierre qui y avait été attachée. Mais Dieu voulant ratifier par un nouveau miracle le travail de cette même main qui avait servi à la correction des erreurs introsuites dans les versions des saintes Ecritures, fit que peu de temps après, la mer l'ayant rapportée sur ses ondes, elle fut parfaitement réunie au corps de saint Lucien ; lequel reut les honneurs de la sépulture autant que ses disciples le pouvaient faire dans ces circonstances de persécutions.

Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, passant par Nicomédie au retour de la visite des lieux saints, eut dévotion d'honorer le sépulcre du saint martyr Lucien, et fit bâtir une belle ville, qui changea son nom de Drépan et Hélenopolis, dans laquelle elle fit élever un beau temple dédié à saint Lucien.


Colonne Saint-Lucien. Vestige de l'église dédiée à saint Lucien.
Place du Forum. Arles.

Dans la suite des temps, saint Charlemagne fit apporter les saintes reliques de notre saint prêtre et martyr dans la ville d'Arles, en Provence, après y avoir fait bâtir une église en son honneur.

Après que les bêtes féroces de 1793 aient profané cette église, l'archevêque d'Aix, Mgr Bernet, reconnut néanmoins en 1839 les reliques qui avaient échapé aux outrages comme étant bien celles de saint Lucien et de saint Vincent.

L'église Saint-Lucien s'élevait autrefois sur la place du Forum, dans la partie occupée actuellement par le café Van Gogh. Elle était aussi désignée sous l'appellation de Notre-Dame-du-Temple ou Notre-Dame-de-la-Minerve à cause d'une tradition voulant qu'elle ait été fondée sur un ancien temple de Minerve dont une portion lui aurait servi de nef. Saint Charlemagne y fit placer des reliques de saint Lucien, ce qui lui conféra son nom.

Elle était au cœur d'une paroisse de gens aisés, principalement de négociants, majoritairement de merciers. Un escalier donnait accès à une chapelle basse, du XIIe siècle, dont on peut encore voir l'abside ainsi que la base de l'autel à l'extrémité de la galerie Nord des Cryptoportiques. Chapelle placée sous la dédicace de Saint-Michel.

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mardi, 07 janvier 2025 | Lien permanent

16 janvier. Saint Marcel Ier, pape et martyr. 304 à 310.

- Saint Marcel Ier, pape et martyr. 308-309.

Papes : Saint Marcelin (prédécesseur, +304, puis vacance jusqu'au début de l'année 308) ; Saint Eusèbe Ier (successeur).  Empereur romain à Rome : Maxence. Empereur romain d'Occident : Licinius. Empereur romain d'Orient : Galère.

" Cette vie me plait, mais elle trompe."
Saint Honorat, évêque d'Arles et fondateur de l'abbaye de Lérins. Il est fêté aussi ce 16 janvier.


Saint Marcel Ier. Missel à l'usage de Saint-Didier d'Avignon. XIVe.
 
Marcellus vient de arcens malum a se, qui éloigne le mal de soi, ou de maria percellens, qui frappe la mer, c'est-à-dire qui éloigne et foule aux pieds les adversités du monde, le monde étant comparé à la mer ; car, comme dit saint Jean Chrysostome sur saint Mathieu : " Sur la mer, il y a un bruit confus, une crainte continuelle, l’image de la mort, une véhémence infatigable des eaux, et une agitation constante ".
 
Au glorieux Pape et Martyr Hygin, vient s'adjoindre sur le Cycle son vaillant successeur Marcel ; tous deux viennent faire hommage de leurs clefs au Chef invisible de l'Eglise ; leur frère Fabien les suivra de près. Tous trois, émules des Mages, ils ont offert leur vie en don à l'Emmanuel.

Marcel a gouverné l'Eglise à la veille des jours de paix qui bientôt allaient se lever. Encore quelques mois, et le tyran Maxence tombait sous les coups de Constantin, et la croix triomphante brillait sur le Labarum des légions. Les moments étaient courts pour le martyre ; mais Marcel sera ferme jusqu'au sang, et méritera d'être associé à Etienne, et de porter comme lui la palme près du berceau de l'Enfant divin. Il soutiendra la majesté du Pontificat suprême en face du tyran, au milieu de cette Rome qui verra bientôt les Césars s'enfuir à Byzance, et laisser la place au Christ, dans la personne de son Vicaire. Trois siècles se sont écoulés depuis le jour où les édits de César Auguste ordonnaient le dénombrement universel qui amena Marie en Bethléhem, où elle mit au monde un humble enfant : aujourd'hui, l'empire de cet enfant a dépassé les limites de celui des Césars, et sa victoire va éclater. Après Marcel va venir Eusèbe ; après Eusèbe, Melchiade qui verra le triomphe de l'Eglise.

Romain d'origine, Marcel fut choisi le 21 mai 308, pour succéder à saint Marcellin, martyrisé deux mois auparavant. (Il siégea sous le règne de Maxence, cinq ans, six mois et vingt-et-un jours.)
 

Saint Marcel Baptisant. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Devenu Pape, saint Marcel n'oublia point les exemples de vertus et de courage de son prédécesseur. Il obtint d'une pieuse matrone nommée Priscille, un endroit favorable pour y rétablir les catacombes nouvelles, et pour pouvoir y célébrer les divins mystères à l'abri des profanations des païens. Les vingt-cinq titres de la ville de Rome furent érigés en autant de paroisses distinctes, afin que les secours de la religion fussent plus facilement distribués aux fidèles. A la faveur d'une trève dans la persécution, Marcel s'efforça de rétablir la discipline que les troubles précédents avaient altérée. Sa juste sévérité pour les chrétiens qui avaient apostasié durant la persécution lui attira beaucoup de difficultés.

L'Église subissait alors la plus violente des dix persécutions. Dioclétien venait d'abdiquer en 305, après avoir divisé ses États en quatre parties, dont chacune avait à sa tête un César. Maxence, devenu César de Rome en 306, ne pouvait épargner le chef de l'Église universelle. L'activité du Saint Pontife pour la réorganisation du culte sacré au milieu de la persécution qui partout faisait rage, était aux yeux du cruel persécuteur, un grief de plus.

Maxence le fit arrêter par ses soldats et comparaître à son tribunal, où il lui ordonna de renoncer à sa charge et de sacrifier aux idoles. Mais ce fut en vain: saint Marcel répondit hardiment qu'il ne pouvait désister un poste où Dieu Lui-même l'avait placé et que la foi lui était plus chère que la vie. Le tyran, exaspéré par la résistance du Saint à ses promesses comme à ses menaces, le fit flageller cruellement. Il ne le condamna point pourtant à la mort ; pour humilier davantage l'Église et les fidèles, il l'astreignit à servir comme esclave dans les écuries impériales.


Saint Marcel Ier dans l'étable. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. Richard de Montbaston. XIVe.

Le Pontife passa de longs jours dans cette dure captivité, ne cessant dans la prière et le jeûne, d'implorer la miséricorde du Seigneur. Après neuf mois de détention, les clercs de Rome qui avaient négocié secrètement son rachat avec les officiers subalternes, vinrent pendant la nuit et le délivrèrent. Une pieuse chrétienne nommée Lucine, qui depuis dix-neuf ans avait persévéré dans la viduité, donna asile au Pontife. Sa maison devint dès lors un titre paroissial de Rome, sous le nom de Marcel, où les fidèles se réunissaient en secret.

Maxence en fut informé, fit de nouveau arrêter Marcel, et le condamna une seconde fois à servir comme palefrenier dans un haras établi sur l'emplacement même de l'église. Saint Marcel, Pape, mourut au milieu de ces vils animaux, à peine vêtu d'un cilice. Il est le saint patron des palefrenier et des valets d'écuries. La bienheureuse Lucine l'ensevelit dans la catacombe de Priscille, sur la voie Salaria. Les reliques de ce Souverain Pontife reposent dans l'ancienne église de son nom, illustrée par son martyre, mais son chef, après avoir été conservé longtemps par l'abbaye de Cluny est toujours aujourd'hui au trésor de la cathédrale d'Autun. Il fut le dernier des Papes persécutés par le paganisme.


Vision et martyre de saint Marcel Ier. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. Jacques de Besançon. XVe.
 
PRIERE

" Quelles furent vos pensées, Ô glorieux Marcel, lorsque l'impie dérision d'un tyran vous enferma en la compagnie de vils animaux ? Vous songeâtes au Christ, votre maître, naissant dans une étable, et étendu dans la crèche à laquelle étaient attachés aussi des animaux sans raison. Bethléhem vous apparut avec toutes ses humiliations, et vous reconnûtes avec joie que le disciple n'est pas au-dessus du maître. Mais de l'ignoble séjour où le tyran avait cru renfermer la majesté du Siège Apostolique, elle allait bientôt sortir affranchie et glorifiée, aux yeux de la terre entière. Rome chrétienne, abaissée en vous, allait être reconnue comme la mère de tous les peuples, et Dieu n'attendait plus qu'un moment pour livrer à vos successeurs les palais de cette fière cité qui n'avait pas encore le secret de sa destinée.


Saint Marcel Ier. Missel romain. XIVe.

Comme l'Enfant de Bethléhem, Ô Marcel, vous avez triomphé par vos abaissements. Souvenez-vous de l'Eglise qui vous est toujours chère ; bénissez Rome qui visite avec tant d'amour le lieu sacré de vos combats. Bénissez tous les fidèles du Christ qui vous demandent, dans ces saints jours, de leur obtenir la grâce d'être admis à faire leur cour au Roi nouveau-né. Demandez-lui pour eux la soumission à ses exemples, la victoire sur l'orgueil, l'amour de la croix, et le courage de demeurer fidèles dans toutes les épreuves."

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jeudi, 16 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

18 janvier. Chaire de saint Pierre à Rome.

- Chaire de saint Pierre à Rome.
 
" Tu es Petrus, et super hanc Petram aedificabo Ecclesiam meam. Et portae inferi non praevalebunt adversus eam. Et tibi dabo claves regni coelorum : et quodcumque ligaveris super terram, erit ligatum et in coelis, et quodcumque solveris super terram, erit solutum et in coelis."
" Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux."
Notre Seigneur Jésus-Christ à saint Pierre. Saint Matthieu, XVI, 18-19.
 

Roman de Dieu et de sa mère. XVe.

L’archange avait annoncé à Marie que le Fils qui naîtrait d'elle serait Roi, et que son Royaume n'aurait point de fin ; instruits par l'Etoile, les Mages vinrent, du fond de l'Orient, chercher ce Roi en Bethléhem ; mais il fallait une Capitale à ce nouvel Empire ; et parce que le Roi qui devait y établir son trône devait aussi, selon les conseils éternels, remonter bientôt dans les cieux, il était nécessaire que le caractère visible de sa Royauté reposât sur un homme qui fût, jusqu'à la fin des siècles, le Vicaire du Christ.

Pour cette sublime lieutenance, l'Emmanuel choisit Simon, dont il changea le nom en celui de Pierre, déclarant expressément que l'Eglise tout entière reposerait sur cet homme, comme sur un rocher inébranlable. Et comme Pierre devait aussi terminer par la croix ses destinées mortelles, le Christ prenait l'engagement de lui donner des successeurs dans lesquels vivraient toujours Pierre et son autorité.

Mais quelle sera la marque de cette succession, dans l'homme privilégié sur qui doit être édifiée l'Eglise jusqu'à la fin des temps ? Parmi tant d'Evêques, quel est celui dans lequel Pierre se continue ? Ce Prince des Apôtres a fondé et gouverné plusieurs Eglises; mais une seule, celle de Rome, a été arrosée de son sang ; une seule, celle de Rome, garde sa tombe : l'Evêque de Rome est donc le successeur de Pierre, et, par là même, le Vicaire du Christ. C'est de lui, et non d'un autre, qu'il est dit : " Sur toi je bâtirai mon Eglise ". Et encore : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ". Et encore : " J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères ". Et encore : " Pais mes agneaux; pais mes brebis ".


Chaire de saint Pierre.

L'hérésie protestante l'avait si bien compris, que longtemps elle s'efforça de jeter des doutes sur le séjour de saint Pierre à Rome, croyant avec raison anéantir, par ce stratagème, l'autorité du Pontife Romain, et la notion même d'un Chef dans l'Eglise. La science historique a fait justice de cette puérile objection ; et depuis longtemps, les érudits de la Réforme sont d'accord avec les catholiques sur le terrain des faits, et ne contestent plus un des points de l'histoire les mieux établis par la critique.

Ce fut pour opposer l'autorité de la Liturgie à une sr étrange prétention des Réformateurs, que Paul IV, en 1558, rétablit au dix-huit janvier l'antique fête de la Chaire de saint Pierre à Rome ; car, depuis de longs siècles, l'Eglise ne solennisait plus le mystère du Pontificat du Prince des Apôtres qu'au vingt-deux février. Désormais, ce dernier jour fut assigné au souvenir de la Chaire d'Antioche, la première que l'Apôtre ait occupée.

Aujourd'hui donc, la Royauté de notre Emmanuel brille de tout son éclat ; et les enfants de l'Eglise se réjouissent de se sentir tous frères et concitoyens d'un même Empire, en célébrant la gloire de la Capitale qui leur est commune à tous. Lorsque, regardant autour d'eux, ils aperçoivent tant de sectes divisées et dépourvues de toutes les conditions de la durée, parce qu'un centre leur manque, ils rendent grâces au Fils de Dieu d'avoir pourvu à la conservation de son Eglise et de sa Vérité, par l'institution d'un Chef visible dans lequel Pierre se continue à jamais, comme le Christ lui-même dans Pierre. Les hommes ne sont plus des brebis sans pasteur ; la parole dite au commencement se perpétue, sans interruption, à travers les âges ; la mission première n'est jamais suspendue, et, par le Pontife Romain, la fin des temps s'enchaîne à l'origine des choses.

" Quelle consolation aux enfants de Dieu !" S'écrie a Bossuet, dans le Discours sur l'Histoire universelle ; " mais quelle conviction de la vérité quand ils voient que d'Innocent XI, qui remplit aujourd'hui (1681) si dignement le premier Siège de l'Eglise, on remonte, sans interruption, jusqu'à saint Pierre, établi par Jésus-Christ prince des Apôtres : d'où, en reprenant les Pontifes qui ont servi sous la Loi, on va jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse ; de là jusqu'aux Patriarches et jusqu'à l'origine du monde !


Bible historiale. Guiard des Moulins. Saint-Omer. XIVe.

Pierre, en entrant dans Rome, vient donc accomplir et expliquer les destinées de cette cité maîtresse ; il vient lui promettre un Empire plus étendu encore que celui qu'elle possède. Ce nouvel Empire ne s'établira point parla force, comme le premier. De dominatrice superbe des nations qu'elle avait été jusqu'alors, Rome, parla charité, devient Mère des peuples; mais, tout pacifique qu'il est, son Empire n'en sera pas moins durable."

Ecoutons saint Léon le Grand, dans un de ses plus magnifiques Sermons, raconter, avec toute la pompe de son langage, l'entrée obscure, et pourtant si décisive, du Pêcheur de Génésareth dans la capitale du paganisme :

" Le Dieu bon, juste et tout-puissant, qui n'a jamais dénié sa miséricorde au genre humain, et qui, par l'abondance de ses bienfaits, a fourni à tous les mortels les moyens de parvenir à la connaissance de son Nom, dans les secrets conseils de son immense amour, a pris en pitié l'aveuglement volontaire des hommes, et la malice qui les précipitait dans la dégradation, et il leur a envoyé son Verbe, qui lui est égal et coéternel. Or, ce Verbe, s'étant fait chair, a si étroitement uni la nature divine à la nature humaine , que l'abaissement de la première jusqu'à notre abjection est devenu pour nous le principe de l'élévation la plus sublime.

Mais, afin de répandre dans le monde entier les effets de cette inénarrable faveur, la Providence a préparé l'Empire romain, et en a si loin reculé les limites, qu'il embrassât dans sa vaste enceinte l'universalité des nations. C'était, en effet, une chose merveilleusement utile à e l'accomplissement de l'œuvre divinement projetée, que les divers royaumes formassent la confédération d'un Empire unique, afin que la prédication générale parvînt plus vite à l'oreille des peuples, rassemblés qu'ils étaient déjà sous le régime d'une seule cité.

Cette cité, méconnaissant le divin auteur de ses destinées, s'était faite l'esclave des erreurs de tous les peuples, au moment même où elle les tenait presque tous sous ses lois, et croyait a encore posséder une grande religion, parce qu'elle ne rejetait aucun mensonge ; mais plus durement était-elle enlacée par le diable, plus merveilleusement fut-elle affranchie par le Christ.


Antiphonaire à l'usage de la collégiale Saint-Pierre d'Angers. XVe.

En effet, lorsque les douze Apôtres, après avoir reçu par l'Esprit-Saint le don de parler toutes les langues, se furent distribué les diverses parties de la terre, et qu'ils eurent pris possession de ce monde qu'ils devaient instruire de l'Evangile, le bienheureux Pierre, Prince de l'ordre Apostolique, reçut en partage la citadelle de l'Empire romain, afin que la Lumière de vérité, qui était manifestée pour le salut de toutes les nations, se répandît plus efficacement, rayonnant du centre de cet Empire sur le monde entier.

Quelle nation, en effet, ne comptait pas de nombreux représentants dans cette ville ? Quels peuples eussent jamais pu ignorer ce que Rome avait appris ? C'était là que devaient être écrasées les opinions de la philosophie ; là que devaient être dissipées les vanités de la sagesse terrestre ; là que le culte des démons devait être confondu ; là enfin devait être détruite l'impiété de tous les sacrifices, dans ce lieu même où une superstition habile avait rassemblé tout ce que les diverses erreurs avaient jamais produit.

Est-ce que tu ne crains pas, bienheureux Apôtre Pierre, de venir seul dans cette ville ? Paul l'Apôtre, le compagnon de ta gloire, est encore occupé à fonder d'autres Eglises ; et toi, tu t'enfonces dans cette forêt peuplée de bêtes farouches, tu marches sur cet océan dont la profondeur est pleine de tempêtes, avec plus de courage qu'au jour où tu marchais sur les eaux. Tu ne redoutes pas Rome, la maîtresse du monde, toi qui, dans la maison de Caïphe, avais tremblé à la voix d'une servante de ce prêtre. Est-ce que le tribunal de Pilate, ou la cruauté des Juifs, étaient plus à craindre que la puissance d'un Claude ou la férocité d'un Néron ? Non ; mais la force de ton amour triomphait de la crainte, et tu n'estimais pas redoutables ceux que tu avais reçu la charge d'aimer. Sans doute, tu avais déjà conçu le sentiment de cette intrépide charité, au jour où la profession de ton amour envers le Seigneur fut sanctionnée par le mystère d'une triple interrogation. Aussi n'exigea-t-on autre chose de ton âme, si ce n'est que, pour paître les brebis de Celui que tu aimais, ton cœur dépensât pour elles la substance dont il était rempli.

Ta confiance, il est vrai, devait s'accroître au souvenir des miracles si nombreux que tu avais opérés, de tant de précieux dons de la grâce que a tu avais reçus, et des expériences si multipliées de la vertu qui résidait en toi. Déjà tu avais instruit les peuples de la Circoncision, qui avaient cru à ta parole ; déjà tu avais fondé l'Eglise d'Antioche, où commença d'abord la dignité du nom Chrétien ; déjà tu avais soumis aux lois de la prédication évangélique le Pont, a la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ; et alors, sûr du progrès de ton œuvre et de la durée de ta vie, tu vins élever sur les remparts de Rome le trophée de la Croix du Christ, là même où les conseils divins avaient préparé pour toi l'honneur de la puissance suprême, et la gloire du martyre."

L'avenir du genre humain par l'Eglise est donc pour jamais fixé à Rome, et les destinées de cette ville sont pour toujours enchaînées à celles du Pontife immortel. Divisés, de races, de langages, d'intérêts, nous tous, enfants de l'Eglise, nous sommes Romains dans l'ordre de la religion; et ce titre de Romains nous unit par Pierre à Jésus-Christ, et forme le lien de la grande fraternité des peuples et des individus catholiques.


Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Notre Seigneur Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous régissent dans l'ordre du gouvernement spirituel. Tout pasteur dont l'autorité n'émane pas du Siège de Rome, est un étranger, un intrus. De même, dans l'ordre de la croyance, Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous enseignent la doctrine divine, et nous apprennent à discerner la vérité de l'erreur. Tout Symbole de foi, tout jugement doctrinal, tout enseignement, contraire au Symbole, aux jugements, aux enseignements du Siège de Rome, est de l'homme et non de Dieu, et doit être repoussé avec horreur et anathème. En la fêle de la Chaire de saint Pierre à Antioche, nous parlerons du Siège Apostolique comme source unique de la puissance de gouvernement dans l'Eglise ; aujourd'hui, honorons la Chaire romaine comme la source et la règle de notre foi.

Empruntons encore ici le sublime langage de saint Léon, et interrogeons-le sur les titres de Pierre à l'infaillibilité de l'enseignement. Nous apprendrons de ce grand Docteur à peser la force des paroles que le Christ prononça pour être le titre suprême de notre foi, dans toute la durée des siècles :

" Le Verbe fait chair était venu habiter au milieu de nous, et le Christ s'était dévoué tout entier à la réparation du genre humain. Rien qui n'eût été réglé par sa sagesse, rien qui se fût trouvé au-dessus de son pouvoir. Les éléments lui obéissaient, les Esprits angéliques étaient à ses ordres; le mystère du salut des hommes ne pouvait manquer son effet ; car Dieu, dans son Unité et dans sa Trinité, daignait s'en occuper lui-même. Cependant de ce monde tout entier, Pierre seul est choisi, pour être préposé à la vocation de toutes les nations, à tous les Apôtres, à tous les Pères de l'Eglise. Dans le peuple de Dieu, il y aura plusieurs prêtres et plusieurs pasteurs; mais Pierre régira, par une puissance qui lui est propre, tous ceux que le Christ régit lui-même d'une manière plus élevée encore. Quelle grande et admirable participation de son pouvoir Dieu a daigné donner à cet homme, ô frères chéris ! S'il a voulu qu'il y eût quelque chose de commun entre lui et les autres pasteurs, il l'a fait à la condition de donner à ceux-ci, par Pierre, tout ce qu'il voulait bien ne pas leur refuser.


Heures à l'usage de Rome. XVe.

Le Seigneur interroge tous les Apôtres sur l'idée que les hommes ont de lui. Les Apôtres sont d'accord, tant qu'il ne s'agit que d'exposer les différentes opinions de l'ignorance humaine. Mais quand le Christ en vient à demander à ses disciples leur propre sentiment, celui-là est le premier à confesser le Seigneur, qui est le premier dans la dignité apostolique. C'est lui qui dit :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant."
Jésus lui répond :
" Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ces choses, mais mon Père qui est dans les cieux. C'est-à-dire : Oui, tu es heureux, car mon Père t'a instruit ; les pensées de la terre ne t'ont point induit en erreur, mais l'inspiration du ciel t'a éclairé. Ce n'est ni la chair ni le sang, mais Celui-là même dont je suis le Fils unique, qui m'a fait connaître à toi. Et moi, ajoute-t-il, je te le dis : De même que mon Père t'a dévoilé ma divinité, à mon tour, jeté fais connaître ton excellence. Car tu es Pierre, c'est-à-dire, de même que je suis la Pierre inviolable, la Pierre angulaire qui réunit les deux murs, le Fondement si essentiel que l'on n'en saurait établir un autre : ainsi, toi-même, tu es Pierre, car tu reposes sur ma solidité, et les choses qui me sont propres par la puissance qui est en moi, te sont communes avec moi par la participation que je t'en fais. Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Sur la solidité de cette pierre, je bâtirai le temple éternel ; et mon Eglise, dont le faîte montera jusqu'au ciel, s'élèvera sur la fermeté de cette foi."

La veille de sa Passion, qui devait être une épreuve pour la constance de ses disciples, le Seigneur dit ces paroles :
" Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme le froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras converti , confirme tes frères."
Le péril de la tentation était commun à tous les Apôtres ; tous avaient besoin du secours de la protection divine ; car le diable se proposait de les remuer tous, et de les écraser tous. Cependant le Seigneur ne prend un soin spécial que de Pierre seul ; ses prières sont pour la foi de Pierre, comme si le salut des autres était en sûreté, par cela seul que l'âme de leur Prince n'aura point été abattue. C'est donc sur Pierre que le courage de tous s'appuiera, que le secours de la grâce divine sera ordonné, afin que la solidité que le Christ attribue à Pierre, soit par Pierre conférée aux Apôtres.


Retable de la chaire de saint Pierre. Le Bernin. Rome. XVIIe.

Dans un autre Sermon, l'éloquent Docteur nous fait voir comment Pierre vit et enseigne toujours dans la Chaire Romaine :
" La disposition établie par Celui qui est la Vérité même, persévère donc toujours, et le bienheureux Pierre, conservant la solidité qu'il a reçue, n'a jamais abandonné le gouvernail de l'Eglise. Car tel est le rang qui lui a été donné au-dessus de tous les autres, que, lorsqu'il est appelé Pierre, lorsqu'il est proclamé Fondement, lorsqu'il est constitué Portier du Royaume des cieux, lorsqu'il est établi Arbitre pour lier et délier, avec une telle force dans ses jugements qu'ils sont ratifiés jusque dans les cieux, nous sommes à même de connaître, par le mystère de si hauts titres, le lien qu'il avait avec le Christ. Maintenant, c'est avec plus de plénitude et de puissance qu'il remplit la mission qui lui fut confiée ; et toutes les parties de son office et de sa charge, il les exerce en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié.

Si donc, sur cette Chaire, nous faisons quelque chose de bien, si nous décrétons quelque chose de juste, si nos prières quotidiennes obtiennent quelque grâce de la miséricorde de Dieu, c'est par l'effet des œuvres et des mérites de celui qui vit dans son Siège et y éclate par son autorité. Il nous l'a mérité, frères chéris, par cette confession qui, inspirée à son coeur d'Apôtre par Dieu le Père, a dépassé toutes les incertitudes des opinions humaines, et mérité de recevoir cette fermeté de la Pierre que nuls assauts ne pourraient ébranler. Chaque jour, dans toute l'Eglise, c'est Pierre qui dit: Vous êtes le Christ, Fils d

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samedi, 18 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

19 janvier. Saint Canut, roi de Danemark, martyr. 1086.

- Saint Canut IV (ou Knut), roi de Danemark, martyr. 1086.
 
Pape : Saint Victor III. Roi d'Ecosse : Malcolm III. Roi d'Angleterre : Guillaume Ier le Conquérant. Roi de France : Philippe Ier. Empereur du Saint-Empire : Henri IV.

" Il a imité la passion du Seigneur : marchons sur ses traces."
Brev. rom.


Statue de saint Canut à Odensée - Royaume de Danemark.

Les Rois Mages, comme nous l'avons dit, ont été suivis, à la crèche du Sauveur, par les saints Rois chrétiens ; il est juste que ceux-ci soient représentés sur le Cycle, dans cette saison consacrée au mystère de sa Naissance. Parmi les saints Rois que donna en si grand nombre à l'Eglise et à la société européenne le onzième siècle, si fécond en toutes sortes de merveilles catholiques, Canut IV, sur le trône de Danemark, se distingue entre les autres par l'auréole du martyre. Propagateur zélé de la foi du Christ, législateur habile, guerrier intrépide, pieux et aumônier, il eut tous les genres de gloire d'un prince chrétien. Son zèle pour l’Eglise, dont les droits alors étaient en même temps ceux des peuples, fut le prétexte de sa mort violente ; et il expira, dans une sédition, avec le caractère sublime d'une victime immolée pour sa nation.

Son offrande au Roi nouveau-né fut l'offrande du sang ; et il échangea la couronne périssable pour cette autre couronne dont l'Eglise orne le front de ses martyrs, et qui ne se fane jamais. Les annales du Danemark, au onzième siècle, sont peu familières à la plupart des habitants de la terre ; mais l'honneur qu'a eu cette contrée de posséder un Roi martyr est connu dans toute l'étendue de l'Eglise, et l'Eglise habite le monde entier. Cette puissance de l'Epouse de Jésus-Christ pour honorer le nom et les mérites des serviteurs et des amis de Dieu, est un des plus grands spectacles qui soient sous le ciel ; car les noms qu'elle proclame deviennent immortels chez les hommes, qu'ils aient été portés par des rois, ou qu'ils n'aient servi qu'à distinguer les derniers de ses enfants.

Saint Canut était fils naturel de Suenon II, dont le grand-oncle nommé aussi Canut, avait régné en Angleterre. Suénon, qui n'avait pas d'enfant légitimes, prit un soin particulier de l'éducation du jeune Canut qui alliait de belles qualités d'âme à celles du corps. Suénon le mit sous la conduite de maîtres habiles qui remarquèrent bientôt une profonde piété qui relevait ses autres qualités.

Dès qu'il fut en âge de commander les armées, il le fit avec supériorité et assurance. Ses premiers coups d'essais furent de purger les mers des pirates qui désolaient les côtes de Danemark et de soumettre les peuples qui s'adonnaient à ces forfaits.

A la mort de Suénon en 1074, plusieurs Danois voulurent placer notre saint sur le trône (le trône en Danemark a presque toujours été électif jusqu'en 1660), mais, par crainte de son esprit guerrier, ils lui préférèrent l'un de ses frères Harald (Suénon II eut treize fils naturels), septième du nom, bientôt surnommé le fainéant, et qui régna jusqu'en 1080.

Saint Canut s'était retiré en Norvège auprès du roi Halstan qui l'avait reçu avec de vives démonstrations d'estime. Ce roi engagea souvent saint Canut à prendre les armes contre son jeune frère, mais notre saint s'y refusa toujours avec constance. Il chercha toujours, depuis la Norvège, à se rendre utile à sa patrie. Cette attitude résolue et sans faiblesse lui gagna le coeur des Danois qui l'élirent à la mort d'Harald VII en 1080.

Le début de son règne fut marqué par de très retentissants succès militaires sur les Sembes, les Estons et les Curètes qui ravageaient régulièrement ses Etats et que la molesse honteuse d'Harald n'avait pas su arrêtés. Il fit porter avec détermination les lumières de la foi à tous les peuples qui ne la connaissaient pas encore, en particulier en Courlande, en Samogitie et en Livonie.

Les succès ne l'enorgueillissaient pas et il déposait toujours sa couronne aux pieds du Roi des Rois, Notre Seigneur Jésus-Christ en lui faisant offrande de sa personne et de son royaume. Il s'unit avec Adélaïde, fille de Robert comte de Flandres. De cette union naquit Charles, surnommé plus tard dans sa maturité Le Bon.
 

Saint Canut IV de Danemark. Manuscrit flamand du XIIe.

Il eut à connaître des abus qui s'étaient développés dans son royaume et les corrigea avec une extrême sévérité et en prenant toujours le parti du faible contre le puissant. Il édicta des lois très sévères (et les fit appliquer) pour réduire toutes sortes de crimes auxquels s'adonnaient ses peuples, enclins il est vrai à une extrême violence.

L'Angleterre étant passée sous le contrôle de Guillaume le Conquérant en 1066, saint Canut n'en fit pas moins valoir ses droits sur l'île. Hélas, toutes les opérations qu'il monta échouèrent par défaut d'allié. Une dernière opération échoua par la faute de son frère Olas, duc de Schleswig, qui tergiversant et retardant la mise en route, provoqua la désertion quasi-complète des troupes. A cette occasion, au plan intérieur, le saint roi voulut instaurer la dîme ecclésiastique. Il décrêta qu'en cas de désertion, les Danois paieraient soit la dîme soit une forte taxe. Par détestation de la dîme, les Danois préférèrent s'acquiter de fortes taxes.
 
Saint Canut en fut mortifié et exigea dans le recouvrement de la taxe une grande fermeté en espérant ainsi que ses sujets reviendraient sur leur choix. Le recouvrement de la taxe donna lieu bientôt à une mutinerie importante, emmenée par deux gouverneurs de la province de Wensyssel. Le roi, instruit de l'approche des révoltés, engagea la reine et ses enfants à se retirer auprès de son beau-père et alla avec un corps de troupes important dans l'île de Fionie et plus exactement dans la ville d'Odensée, capitale de l'île.

Bientôt, les mutins ne voulant pas affronter un prince dont ils connaissaient les qualités de commandement et la qualité de ses troupes, lui envoyèrent une ambassade qui fit serment que tout les révoltés cessaient le combat et qu'ils rentraient dans les résolutions du roi. Saint Canut crut ces protestations, malgré les avertissements de son frère Benoît qui avait éventé la fourberie de cette ambassade. Quelques temps plus tard, alors que le roi avait relâché sa vigilance et que ses troupes étaient éparses, il apprit que l'armée des mutins marchait vers Odensée pour l'y surprendre.

Selon la coutume, il alla à l'église Saint-Alban pour entendre la messe, communier et faire ses dévotions pour se préparer au combat. Pendant que son frère Benoît faisait des prodiges aux portes de l'église pour en défendre l'accès, une pierre vint atteindre le front de saint Canut.
Comme les révoltés ne pouvaient entrer dans l'église, défendue par un Benoît, frère du roi, assisté par saint Michel, le chef des forcenés demanda à rencontrer le roi afin de négocier des conditions de paix. Canut ordonna qu'on le laissât entrer. Le traître, Egwind Blancon, se baissa profondément devant le roi et se releva brutalement et poignarda saint Canut.
 
L'assassin monta sur l'autel pour s'enfuir par la fenêtre du choeur mais Palmar, un des principaux officiers du roi, le trancha en deux de sorte que la moitié du corps d'Egwind tomba dehors et l'autre resta dans l'église. Ce spectacle ranima la fureur des mutins qui massacrèrent le reste de la troupe après une résistance héroïque. Outre saint Canut qui fut achevé d'un lancer de javelot alors qu'il recommandait son âme à Dieu à l'autel, Benoît fut tué ainsi que dix-sept autres vaillants soldats.
 

Le martyr de saint Canut - Christian-Arlbrecht von Benzon.

Dieu vengea la mort de son serviteur en affligeant le Danemark d'une famine qui dura les huit années du règne suivant (celui d'Olas II, le même qui avait fait échouer l'opération en Angleterre à l'origine de l'établissement de la dîme ecclésiastique).
 
A l'issue de ce règne funeste, Eric III, prince religieux, déplaça les restes de saint Canut pour les mettre dans un lieu plus digne et envoya une ambassade à Rome afin de représenter au Souverain Pontife la sainteté de notre saint.

La chasse des reliques de saint Canut fut magnifiquement ornée et on y lit l'inscription suivante :
" L'an de Jésus-Christ 1086, dans la ville d'Odensée, le glorieux roi Canut, trahi, comme Jésus-Christ, à cause de son zèle pour la religion, et de son amour pour la justice, par Blancon [Edwig], l'un de ceux qui mangeaient à sa table, après s'être confessé, et avoir participé au sacrifice du corps du Seigneur, eut le côté percé, et tomba contre terre devant l'autel, les bras étendu en croix. Il mourut pour la gloire de Jésus-Christ, et reposa en lui le vendredi 7 juin, dans la basilique de Saint-Alban, martyr, dont quelques temps auparavant il avait apporté des reliques d'Angleterre en Danemark."
 

La cathédrale Saint-Canut à Odensée. Royaume de Danemark.

Saint Canut a un office particulier dans le bréviaire romain, le 19 janvier.
Ses attributs sont les flèches et la lance, instruments de son supplice.
 
PRIERE

" Le Soleil de justice s'était déjà levé sur votre contrée, Ô saint Roi, et tout votre bonheur était de voir ses rayons illuminer votre peuple. Comme les Mages de l'Orient, vous aimiez à déposer votre couronne aux pieds de l'Emmanuel; et, un jour, vous avez offert jusqu'à votre vie pour son service et pour celui de son Eglise. Mais votre peuple n'était pas digne de vous ; il répandit votre sang, comme l'ingrat Israël versera le sang du Juste qui nous est né, et dont nous honorons, en ces jours, l'aimable enfance. Cette mort violente que vous avez rendue profitable à votre peuple, en l'offrant pour ses péchés, offrez-la encore pour le royaume que vous avez illustré.

Depuis longtemps, le Danemark a oublié la vraie foi ; priez, afin qu'il la recouvre bientôt. Obtenez pour les princes qui gouvernent les Etats chrétiens, la fidélité à leurs devoirs, le zèle de la justice, et le respect de la liberté de l'Eglise. Demandez aussi pour nous au divin Enfant le dévouement dont vous étiez animé pour sa gloire ; et si nous n'avons pas, comme vous, une couronne à mettre à ses pieds, aidez-nous à lui soumettre nos cœurs."

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dimanche, 19 janvier 2025 | Lien permanent

17 janvier. Saint Antoine le Grand, abbé, premier père des solitaires d'Egypte. 356.

- Saint Antoine le Grand, abbé, premier père des solitaires d'Egypte. 356.
 
Pape : Saint Libère. Empereur romain d'Orient : Constance II.

" Personne ne saurait se flatter d'entrer dans le royaume des cieux sans avoir passer par la tentation."
Saint Antoine le Grand.


Saint Antoine. Grandes heures d'Anne de Bretagne.
Jean Bourdichon. XVIe.

Aujourd'hui, l'Orient et l'Occident s'unissent pour célébrer le Patriarche des Cénobites, le grand Antoine. Avant lui, la profession monastique existait déjà, comme le démontrent d'irrécusables monuments ; mais il apparaît comme le premier des Abbés, parce que le premier il a établi sous une forme permanente les familles de moines, livrés au service de Dieu, sous la houlette d'un pasteur.

D'abord hôte sublime de la solitude, et fameux par ses combats avec les démons, il a laissé se réunir autour de lui les disciples que ses œuvres merveilleuses et l'attrait de la perfection lui avaient conquis ; et le déserta vu, par lui, commencer les monastères. L'âge des Martyrs touche à sa fin ; la persécution de Dioclétien sera la dernière ; il est temps pour la Providence, qui veille sur l'Eglise, d'inaugurer une milice nouvelle. Il est temps que le caractère du moine se révèle publiquement dans la société chrétienne ; les Ascètes, même consacrés, ne suffisent plus. Les monastères vont s'élever de toutes parts, dans les solitudes et jusque dans les cités, et les fidèles auront désormais sous les yeux, comme un encouragement à garder les préceptes du Christ, la pratique fervente et littérale de ses conseils. Les traditions apostoliques de la prière continuelle et de la pénitence ne s'éteindront pas, la doctrine sacrée sera cultivée avec amour, et l'Eglise ne tardera pas à aller chercher, dans ces citadelles spirituelles, ses plus vaillants défenseurs, ses plus saints Pontifes, ses plus généreux Apôtres.

Car l'exemple d'Antoine inspirera les siècles à venir ; on se souviendra à jamais que les charmes de la solitude et les douceurs de la contemplation ne surent le retenir au désert, et qu'il apparut tout à coup dans les rues d'Alexandrie, au fort de la persécution païenne, pour conforter les chrétiens dans le martyre. On n'oubliera pas non plus que, dans cette autre lutte plus terrible encore, aux jours affreux de l'Arianisme, il reparut dans la grande cité, pour y prêcher le Verbe consubstantiel au Père, pour y confesser la foi de Nicée, et pour soutenir le courage des orthodoxes. Qui pourrait jamais ignorer les liens qui unissaient Antoine au grand Athanase, ou ne pas se rappeler que cet illustre champion du Fils de Dieu visitait cet autre Patriarche, au fond de son désert, qu'il procurait de tous ses moyens l'avancement de l'œuvre monastique, qu'il plaçait dans la fidélité des moines l'espoir du salut de l'Eglise, et qu'il voulut écrire lui-même la vie sublime de son ami ?


Saint Antoine au désert. Maître de l'Observance. XVe.

C'est dans cet admirable récit qu'on apprend à connaître Antoine ; c'est là que se révèlent la grandeur et la simplicité de cet homme qui fut toujours si près de Dieu. Agé de dix-huit ans, déjà héritier d'une fortune considérable, il entend lire à l'église un passage de l'Evangile où notre Seigneur conseille à celui qui veut tendre à la vie parfaite de se désapproprier de tous les biens terrestres. Il ne lui en faut pas davantage ; aussitôt il se dessaisit de tout ce qu'il possède, et se fait pauvre volontaire pour toute sa vie.

L'Esprit-Saint le pousse alors vers la solitude, où les puissances infernales ont dressé toutes leurs batteries pour faire reculer le soldat de Dieu ; on dirait que Satan a compris que le Seigneur a résolu de se bâtir une cité au désert, et qu'Antoine est envoyé pour en dresser les plans. Alors commence une lutte corps à corps avec les esprits de malice, et le jeune Egyptien demeure vainqueur à force de souffrances. Il a conquis cette nouvelle arène dans laquelle se consommera la victoire du christianisme sur le Prince du monde.

Après vingt ans de combats qui l'ont aguerri, son âme s'est fixée en Dieu ; et c'est alors qu'il est révélé au monde. Malgré ses efforts pour demeurer caché, il lui faut répondre aux hommes qui viennent le consulter et demander ses prières ; des disciples se groupent autour de lui, et il devient le premier des Abbés. Ses leçons sur la perfection chrétienne sont reçues avec avidité ; son enseignement est aussi simple que profond, et il ne descend des hauteurs de sa contemplation que pour encourager les âmes. Si ses disciples lui demandent quelle est la vertu la plus propre à déjouer les embûches des démons, et à conduire sûrement l'âme à la perfection, il répond que cette vertu principale est la discrétion.


Saint Antoine battu par les démons. Francesco di Cenni. XIVe.

Les chrétiens de toute condition accourent pour contempler cet anachorète dont la sainteté et les miracles font bruit dans tout l'Orient. Ils s'attendent aux émotions d'un spectacle, et ils ne voient qu'un homme d'un abord aisé , d'une humeur douce et agréable. La sérénité de ses traits reflète celle de son âme. Il ne témoigne ni inquiétude de se voir environné de la foule, ni vaine complaisance des marques d'estime et de respect qu'on lui prodigue ; car son âme, dont toutes les passions sont soumises, est devenue l'habitation de Dieu.

Il n'est pas jusqu'aux philosophes qui veulent explorer la merveille du désert. Les voyant venir, Antoine leur adresse le premier la parole :
" Pourquoi donc, Ô philosophes, leur dit-il, avez-vous pris tant de peines pour venir visiter un insensé ?"
Déconcertés d'un tel accueil, ces hommes lui répondirent qu'ils ne le croyaient pastel, mais qu'ils étaient au contraire persuadés de sa haute sagesse.
" A ce compte, reprit Antoine, si vous me croyez sage, imitez ma sagesse."
Saint Athanase ne nous apprend pas si la conversion fut le résultat de leur visite. Mais il en vint d'autres qui osèrent attaquer, au nom de la raison, le mystère d'un Dieu incarné et crucifié. Antoine sourit en les entendant débiter leurs sophismes et finit par leur dire :
" Puisque vous êtes si bien établis sur la dialectique, répondez-moi, je vous prie : A quoi doit-on plutôt croire quand il s'agit de la connaissance de Dieu, ou à l'action efficace de la foi, ou aux arguments de la raison ?
- A l'action efficace de la foi, répondirent-ils.
- Eh bien ! reprit Antoine, pour vous montrer la puissance de notre foi, voici des possédés du démon, guérissez-les avec vos syllogismes ; ou si vous ne le pouvez, et que j'y parvienne par l'opération de la foi, et au nom de Jésus-Christ, avouez l'impuissance de vos raisonnements, et rendez gloire à la croix que vous avez osé mépriser."
Antoine fit trois fois le signe de la croix sur ces possédés, et invoqua le nom de Jésus sur eux : aussitôt ils furent délivrés.


La tentation de saint Antoine. Maître du Sermon d'Eglise. XVe.

Les philosophes étaient dans la stupeur et gardaient le silence.
" N'allez pas croire, leur dit le saint Abbé, que c'est par ma propre vertu que j'ai délivré ces possédés ; c'est uniquement par celle de Jésus-Christ. Croyez aussi en lui, et vous éprouverez que ce n'est pas la philosophie, mais une foi simple et sincère qui fait opérer les miracles."
 
On ignore si ces hommes finirent par embrasser le christianisme ; mais l'illustre biographe nous apprend qu'ils se retirèrent remplis d'estime et d'admiration pour Antoine, et avouèrent que leur visite au désert n'avait pas été pour eux sans utilité.

Cependant le nom d'Antoine devenait de plus en plus célèbre et parvenait jusqu'à la cour impériale. Constantin et les deux princes ses fils lui écrivirent comme à un père, implorant de lui la faveur d'une réponse. Le saint s'en défendit d'abord ; mais ses disciples lui ayant représenté que les empereurs après tout étaient chrétiens, et qu'ils pourraient se tenir offensés de son silence, il leur écrivit qu'il était heureux d'apprendre qu'ils adoraient Jésus-Christ, et les exhorta de ne pas faire tant d'état de leur pouvoir, qu'ils en vinssent à oublier qu'ils étaient hommes. Il leur recommanda d'être cléments, de rendre une exacte justice, d'assister les pauvres et de se souvenir toujours que Jésus-Christ est le seul roi véritable et éternel.

Ainsi écrivait cet homme qui était né sous la persécution de Décius, et qui avait bravé celle de Dioclétien : entendre parler de Césars chrétiens, lui était une chose nouvelle. Il disait au sujet des lettres de la cour de Constantinople :
" Les rois de la terre nous ont écrit ; mais qu'est-ce que cela doit être pour un chrétien ? Si leur dignité les élève au-dessus des autres, la naissance et la mort ne les rendent-elles pas égaux à tous ? Ce qui doit nous émouvoir bien davantage et enflammer notre amour pour Dieu, c'est la pensée que ce Maître souverain a non seulement daigné écrire une loi pour les hommes, mais qu'il leur a aussi parlé par son propre Fils."


La tentation de saint Antoine. Pieter Huys. Flandres. XVIe.

Cependant, cette publicité donnée à sa vie fatiguait Antoine, et il lui tardait d'aller se replonger dans le désert, et de se retrouver face à face avec Dieu. Ses disciples étaient formés, sa parole et ses œuvres les avaient instruits ; il les quitta secrètement, et ayant marché trois jours et trois nuits, il arriva au mont Colzim, où il reconnut la demeure que Dieu lui avait destinée. Saint Jérôme fait, dans la Vie de saint Hilarion, la description de cette solitude.
" Le roc, dit-il, s'élève à la hauteur de mille pas : de sa base s'échappent des eaux dont le sable boit une partie ; le reste descend en ruisseau, et son cours est bordé d'un grand nombre de palmiers qui en font une oasis aussi commode qu'agréable à l'œil."
Une étroite anfractuosité de la roche servait d'abri à l'homme de Dieu contre les injures de l'air.

L'amour de ses disciples le poursuivit, et le découvrit encore dans cette retraite lointaine ; ils venaient souvent le visiter et lui apporter du pain. Voulant leur épargner cette fatigue, Antoine les pria de lui procurer une bêche, une cognée et un peu de blé, dont il sema un petit terrain. Saint Hilarion, qui visita ces lieux après la mort du grand patriarche, était accompagné des disciples d'Antoine qui lui disaient avec attendrissement :
" Ici, il chantait les psaumes ; là, il s'entretenait avec Dieu dans l'oraison ; ici, il se livrait au travail ; là, il prenait du repos, lorsqu'il se sentait fatigué ; lui-même a planté cette vigne et ces arbustes, lui-même a disposé cette aire, lui-même a creusé ce réservoir avec beaucoup de peines pour l'arrosement du jardin."
 
Ils racontèrent au saint, en lui montrant ce jardin, qu'un jour des ânes sauvages étant venus boire au réservoir, se mirent à ravager les plantations. Antoine commanda au premier de s'arrêter, et lui donnant doucement de son bâton dans le flanc, il lui dit :
" Pourquoi manges-tu ce que tu n'as pas semé ?"
Ces animaux s'arrêtèrent soudain, et depuis ils ne firent plus aucun dégât.


Saint antoine recevant l'habit d'un ange.
Hymnes et prières. Ethiopie. XVIIe.

Nous nous laissons aller au charme de ces récits ; il faudrait un volume entier pour les compléter. De temps en temps, Antoine descendait de sa montagne, et venait encourager ses disciples dans les diverses stations qu'ils avaient au désert. Une fois même il alla visiter sa sœur dans un monastère de vierges, où il l'avait placée, avant de quitter lui-même le monde. Enfin, étant parvenu à sa cent cinquième année, il voulut voir encore les moines qui habitaient la première montagne de la chaîne de Colzim, et leur annonça son prochain départ pour la patrie.

A peine de retour à son ermitage, il appela les deux disciples qui le servaient depuis quinze ans, à cause de l'affaiblissement de ses forces, et il leur dit :
" Mes fils bien-aimés, voici l'heure où, selon le langage de la sainte Ecriture, je vais entrer dans la voie de mes pères. Je vois que le Seigneur m'appelle, et mon cœur brûle du désir de s'unir à lui dans le ciel. Mais vous, mes fils, les entrailles de mon âme, n'allez pas perdre, par un relâchement désastreux, le fruit du travail auquel vous vous êtes appliqués depuis tant d'années. Représentez-vous chaque jour à vous-mêmes que vous ne faites que d'entrer au service de Dieu et d'en pratiquer les exercices : par ce moyen, votre bonne volonté sera plus énergique, et ira toujours croissant. Vous savez quelles embûches nous tendent les démons. Vous avez été témoins de leurs fureurs, et aussi de leur faiblesse. Attachez-vous inviolablement à l'amour de Jésus-Christ ; confiez-vous à lui entièrement, et vous triompherez de la malice de ces esprits pervers. N'oubliez jamais les divers enseignements que je vous ai donnés ; mais je vous recommande surtout de penser que chaque jour vous pouvez mourir."


La tentation de saint Antoine. Cornelis Massys. XVIe.

Il leur rappela ensuite l'obligation de n'avoir aucun commerce avec les hérétiques, et demanda que son corps fût enseveli dans un lieu secret, dont eux seuls auraient connaissance.
" Quant aux habits que je laisse, ajouta-t-il, en voici la destination : vous donnerez à l'évêque Athanase une de mes tuniques, avec le manteau qu'il m'avait apporté neuf, et que je lui rends usé."
C'était un second manteau que le grand docteur avait donnée Antoine, celui-ci ayant disposé du premier pour ensevelir le corps de l'ermite Paul.
"Vous donnerez, reprit le saint, l'autre tunique à l'évêque Sérapion, et vous garderez pour vous mon cilice."
Puis, sentant que le dernier moment était arrivé, il se tourna vers les deux disciples :
" Adieu, leur dit-il, mes fils bien-aimés; votre Antoine s'en va, il n'est plus avec vous."

C'est avec cette simplicité et cette grandeur que la vie monastique s'inaugurait dans les déserts de l'Egypte, pour rayonner de là dans l'Eglise entière ; mais à qui ferons-nous hommage de la gloire d'une telle institution, à laquelle seront désormais attachées les destinées de l'Eglise, toujours forte quand l'élément monastique triomphe, toujours affaiblie quand il est en décadence ? Qui inspira à Antoine et à ses disciples l'amour de cette vie cachée et pauvre, mais en même temps si féconde, sinon, encore une fois, le mystère des abaissements du Fils de Dieu ? Que tout l'honneur en revienne donc à notre Emmanuel, anéanti sous les langes, et cependant tout rempli de la force de Dieu.


Saint Antoine et l'abbé trop sévère.
Fleur des histoires. Jean Mansel. XVe.

Antoine naquit en Egypte de parents nobles et chrétiens, qu'il perdit dès sa jeunesse. Entrant un jour dans une Eglise, il entendit lire ces paroles de l'Evangile :
" Si vous voulez être parfait, allez et vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres."
Il pensa que ces paroles s'adressaient à lui, et crut devoir obéir à la lettre au Christ notre Seigneur. Il vendit donc son bien, et en distribua tout l'argent aux pauvres. Dégagé de cet embarras, il résolut de mener sur la terre une vie céleste. Mais, pour descendre dans une arène si périlleuse, il jugea qu'il devait adjoindre au bouclier de la foi, dont il était armé, le secours des autres vertus, et il se prit d'une telle ardeur pour les acquérir, que tous ceux en qui il en voyait briller quelqu'une, il s'appliquait aussitôt à les imiter.

Nul ne surpassa jamais sa continence et sa vigilance. Il dépassait tous les autres en patience, en mansuétude, en miséricorde, en humilité, dans le travail et dans l'étude des divines Ecritures. Il avait une telle horreur de l'approche et des discours des hérétiques et des schismatiques, principalement des Ariens, qu'il ne voulait pas même qu'on les abordât. Il couchait à terre, lorsqu'il était contraint de prendre quelque sommeil. Il se portait au jeûne avec tant d'ardeur qu'il ne mangeait que du pain avec du sel, et ne buvait que de l'eau ; encore ne prenait-il cette nourriture et ce breuvage qu'après le coucher du soleil ; souvent même il s'abstenait de nourriture pendant deux jours, et très souvent il passait la nuit en prières. Antoine, étant devenu ainsi un vaillant soldat de Dieu, fut attaqué de diverses tentations par l'ennemi du genre humain ; mais le très saint jeune homme en triomphait par le jeûne et par la prière. Toutefois, après de nombreuses victoires sur Satan, Antoine ne se croyait pas encore en sûreté ; car il connaissait les innombrables artifices que le diable emploie pour nuire.

C'est pourquoi il se retira dans une vaste solitude de l'Egypte, où, avançant tous les jours dans la perfection chrétienne, il en vint à mépriser les démons, dont les assauts étaient d'autant plus violents qu'Antoine se montrait plus fort dans la résistance ; jusque-là qu'

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vendredi, 17 janvier 2025 | Lien permanent

Saint Nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et sa circoncision.

- Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ et du Saint Nom adorable qui lui fut donné. La première année de Son règne.

" Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et aux enfers."
Saint Paul. Lettre aux Philippiens. II.

" Il n'a pas été donné sous le ciel d'autre nom qui ait la vertu de sauver les hommes."
Actes des Apôtres. III.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Giulio Romano. XVIe.

Le huitième jour de la Naissance du Sauveur est arrivé ; l'étoile qui conduit les Mages approche de Bethléhem ; encore cinq jours, et elle s'arrêtera sur le lieu où repose l'Enfant divin. Aujourd'hui, ce Fils de l'Homme doit être circoncis, et marquer, par ce premier sacrifice de sa chair innocente, le huitième jour de sa vie mortelle. Aujourd'hui, un nom va lui être donné ; et ce nom sera celui de Jésus, qui veut dire Sauveur. Les mystères se pressent dans cette grande journée ; recueillons-les tous, et honorons-les dans toute la religion et toute la tendresse de nos coeurs.

Mais ce jour n'est pas seulement consacré à honorer la Circoncision de Jésus ; le mystère de cette Circoncision fait partie d'un plus grand encore, celui de l'Incarnation et de l'Enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d'occuper l'Eglise, non seulement durant cette Octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël. D'autre part, l'imposition du nom de Jésus doit être glorifiée par une solennité particulière, que nous célébrerons demain. Cette grande journée offre place encore à un autre objet digne d'émouvoir la piété des fidèles. Cet objet est Marie, Mère de Dieu. Aujourd'hui, l'Eglise célèbre spécialement l'auguste prérogative de cette divine Maternité, conférée à une simple créature, coopératrice du grand ouvrage du salut des hommes.

Autrefois la sainte Eglise Romaine célébrait deux Messes au premier janvier : l'une pour l'Octave de Noël, l'autre en l'honneur de Marie. Depuis, elle les a réunies en une seule, de même qu'elle a mélangé dans le reste de l'Office de ce jour les témoignages de son adoration envers le Fils, aux expression de son admiration et de sa tendre confiance envers la Mère.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Bartolomeo Veneto. Italie. Début du XVIe.

Pour payer son tribut d'hommages à celle qui nous adonné l'Emmanuel, l'Eglise Grecque n'attend pas le huitième jour de la Naissance de ce Verbe fait chair. Dans son impatience, elle consacre à Marie le propre lendemain de Noël, le 26 décembre, sous le titre de Synaxe de la Mère de Dieu, réunissant ces deux solennités en une seule, en sorte qu'elle n'honore saint Etienne que le 27 décembre.

Pour nous, fils aînés de la sainte Eglise Romaine, épanchons aujourd'hui tout l'amour de nos cœurs envers la Vierge-Mère, et conjouissons-nous à la félicité qu'elle éprouve d'avoir enfanté son Seigneur et le nôtre. Durant le saint Temps de l'Avent, nous l'avons considérée enceinte du salut du monde ; nous avons proclamé la souveraine dignité de cette Arche de la nouvelle alliance qui offrait dans ses chastes flancs comme un autre ciel à la Majesté du Roi des siècles. Maintenant, elle l'a mis au jour, ce Dieu enfant ; elle l'adore ; mais elle est sa Mère. Elle a le droit de l'appeler son Fils ; et lui, tout Dieu qu'il est, la nomme en toute vérité sa Mère.

Ne nous étonnons donc plus que l'Eglise exalte avec tant d'enthousiasme Marie et ses grandeurs. Comprenons au contraire que tous les éloges qu'elle peut lui donner, tous les hommages qu'elle peut lui offrir dans son culte, demeurent toujours beaucoup au-dessous de ce qui est dû à la Mère du Dieu incarné. Personne sur la terre n'arrivera jamais à décrire, pas même à comprendre tout ce que cette sublime prérogative renferme de gloire. En effet, la dignité de Marie provenant de ce qu'elle est Mère d'un Dieu, il serait nécessaire, pour la mesurer dans son étendue, de comprendre préalablement la Divinité elle-même.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Bernardino Zenale. Début du XVIe.

C'est à un Dieu que Marie a donné la nature humaine ; c'est un Dieu qu'elle a eu pour Fils ; c'est un Dieu qui s'est fait gloire de lui être soumis, selon l'humanité ; la valeur d'une si haute dignité dans une simple créature ne peut donc être estimée qu'en la rapprochant de la souveraine perfection du grand Dieu qui daigne ainsi se constituer sous sa dépendance. Anéantissons-nous donc en présence de la Majesté du Seigneur ; et humilions-nous devant la souveraine dignité de celle qu'il s'est choisie pour Mère.

Que si nous considérons maintenant les sentiments qu'une telle situation inspirait à Marie à l'égard de son divin Fils, nous demeurons encore confondus par la sublimité du mystère. Ce Fils, qu'elle allaite, qu'elle tient dans ses bras, qu'elle presse contre son cœur, elle l'aime, parce qu'il est le fruit de ses entrailles ; elle l'aime, parce qu'elle est mère, et que la mère aime son fils comme elle-même et plus qu'elle-même ; mais si elle vient à considérer la majesté infinie de Celui qui se confie ainsi à son amour et à ses caresses, elle tremble et se sent près de défaillir, jusqu'à ce que son coeur de Mère la rassure au souvenir des neuf mois que cet Enfant a passés dans son sein, et du sourire filial avec lequel il lui sourit au moment où elle l'enfanta. Ces deux grands sentiments de la religion et de la maternité se confondent dans ce cœur sur ce seul et divin objet. Se peut-il imaginer quelque chose de plus sublime que cet état de Mère de Dieu ; et n'avions-nous pas raison de dire que, pour le comprendre tel qu'il est en réalité, il nous faudrait comprendre Dieu lui-même, qui seul pouvait le concevoir dans son infinie sagesse, et seul le réaliser dans sa puissance sans bornes ?


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Détail. Bernardino Zenale. Début du XVIe.

Une Mère de Dieu! tel est le mystère pour la réalisation duquel le monde était dans l'attente depuis tant de siècles ; l'œuvre qui, aux yeux de Dieu, dépassait à l'infini, comme importance, la création d'un million de mondes. Une création n'est rien pour sa puissance ; il dit, et toutes choses sont faites. Au contraire, pour qu'une créature devienne Mère de Dieu, il a dû non seulement intervertir toutes les lois de la nature en rendant féconde la virginité, mais se placer divinement lui-même dans des relations de dépendance, dans des relations filiales, à l'égard de l'heureuse créature qu'il a choisie. Il a dû lui conférer des droits sur lui-même, accepter des devoirs envers elle ; en un mot, en faire sa Mère et être son Fils.

Il suit de là que les bienfaits de cette Incarnation que nous devons à l'amour du Verbe divin, nous pourrons et nous devrons, avec justice, les rapporter dans un sens véritable, quoique inférieur, à Marie elle-même. Si elle est Mère de Dieu, c'est qu'elle a consenti à l'être. Dieu a daigné non seulement attendre ce consentement, mais en faire dépendre la venue de son Fils dans la chair. Comme ce Verbe éternel prononça sur le chaos ce mot FIAT, et la création sortit du néant pour lui répondre ; ainsi, Dieu étant attentif, Marie prononça aussi ce mot FIAT, qu'il me soit fait selon votre parole, et le propre Fils de Dieu descendit dans son chaste sein. Nous devons donc notre Emmanuel, après Dieu, à Marie, sa glorieuse Mère.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Maître de la Sainte Parenté. XVe.

Cette nécessité indispensable d'une Mère de Dieu, dans le plan sublime du salut du monde, devait déconcerter les artifices de l'hérésie qui avait résolu de ravir la gloire du Fils de Dieu. Selon Nestorius, Jésus n'eût été qu'un homme ; sa Mère n'était donc que la mère d'un homme : le mystère de l'Incarnation était anéanti. De là, l'antipathie de la société chrétienne contre un si odieux système. D'une seule voix, l'Orient et l'Occident proclamèrent le Verbe fait chair, en unité de personne, et Marie véritablement Mère de Dieu, Deipara, Theotocos, puisqu'elle a enfanté Jésus-Christ. Il était donc bien juste qu'en mémoire de cette grande victoire remportée au concile d'Ephèse, et pour témoigner de la tendre vénération des chrétiens envers la Mère de Dieu, des monuments solennels s'élevassent qui attesteraient aux siècles futurs cette suprême manifestation. Ce fut alors que commença dans les Eglises grecque et latine le pieux usage de joindre, dans la solennité de Noël, la mémoire de la Mère au culte du Fils. Les jours assignés à cette commémoration furent différents ; mais la pensée de religion était la même.

A Rome, le saint Pape Sixte III fit décorer l'arc triomphal de l'Eglise de Sainte-Marie ad Praesepe, de l'admirable Basilique de Sainte-Marie-Majeure, par une immense mosaïque à la gloire de la Mère de Dieu. Ce précieux témoignage delà foi du cinquième siècle est arrivé jusqu'à nous ; et au milieu du vaste ensemble sur lequel figurent, dans leur mystérieuse naïveté, les événements racontés par les saintes Ecritures et les plus vénérables symboles, on peut lire encore la noble inscription par laquelle le saint Pontife dédiait ce témoignage de sa vénération envers Marie, Mère de Dieu, au peuple fidèle : XISTUS EPISCOPUS PLEBI DEI.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ottoviano Nelli. XVe.

Des chants spéciaux furent composés aussi à Rome pour célébrer le grand mystère du Verbe fait homme par Marie. De sublimes Répons, de magnifiques Antiennes, ornés d'un chant grave et mélodieux, vinrent servir d'expression à la piété de l'Eglise et des peuples, et ils ont porté cette expression à travers tous les siècles. Entre ces pièces liturgiques, il est des Antiennes que l'Eglise Grecque chante avec nous, dans sa langue, en ces mêmes jours, et qui attestent l'unité de la foi en même temps que la communauté des sentiments, en présence du grand mystère du Verbe incarné.

Considérons, en ce huitième jour de la Naissance du divin Enfant, le grand mystère de la Circoncision qui s'opère dans sa chair. C'est aujourd'hui que la terre voit couler les prémices du sang qui doit la racheter ; aujourd'hui que le céleste Agneau, qui doit expier nos péchés, commence à souffrir pour nous. Compatissons à notre Emmanuel, qui s'offre avec tant de douceur à l'instrument qui doit lui imprimer une marque de servitude.

Marie, qui a veillé sur lui dans une si tendre sollicitude, a vu venir cette heure des premières souffrances de son Fils, avec un douloureux serrement de son coeur maternel. Elle sent que la justice de Dieu pourrait ne pas exiger ce premier sacrifice, ou encore se contenter du prix infini qu'il renferme pour le salut du monde ; et cependant, il faut que la chair innocente de son Fils soit déjà déchirée, et que son sang coule déjà sur ses membres délicats.

Elle voit avec désolation les apprêts de cette dure cérémonie ; elle ne peut ni fuir, ni considérer son Fils dans les angoisses de cette première douleur. Il faut qu'elle entende ses soupirs, son gémissement plaintif, qu'elle voie des larmes descendre sur ses tendres joues.


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il Garofalo. XVIe.

" Mais lui pleurant, dit saint Bonaventure, crois-tu que sa Mère pût contenir ses larmes ? Elle pleura donc quant et quant elle-même. La voyant ainsi pleurer, son Fils, qui se tenait debout sur le giron d'icelle, mettait sa petite main à la bouche et au visage de sa Mère, comme la priant par signe de ne pas pleurer ; car celle qu'il aimait si tendrement, il la voulait voir cesser de pleurer. Semblablement de son côté, cette douce Mère, de qui les entrailles étaient totalement émues par la douleur et les larmes de son Enfant, le consolait parle geste et les paroles. Et de vrai, comme elle était moult prudente, elle entendait bien la volonté d'icelui, jaçoit qu'il ne parlât encore. Et elle disait : " Mon Fils, si vous me voulez voir cesser de pleurer, cessez vous-même ; car je ne puis, vous pleurant, ne point pleurer aussi ". Et lors, par compassion pour sa Mère, le petit Fils désistait de sangloter. La Mère lui essuyait alors les yeux, et aussi les siens à elle, et puis elle appliquait son visage sur le visage de son Enfant, l'allaitait et le consolait de toutes les manières qu'elle pouvait (Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par saint Bonaventure. Tome Ier, page 51.)."

Maintenant, que rendrons-nous au Sauveur de nos âmes, pour la Circoncision qu'il a daigné souffrir, afin de nous montrer son amour ? Nous devrons suivre le conseil de l'Apôtre (Coloss. II, II), et circoncire notre cœur de toutes ses mauvaises affections, en retrancher le péché et ses convoitises, vivre enfin de cette nouvelle vie dont Jésus enfant nous apporte du ciel le simple et sublime modèle. Travaillons à le consoler de cette première douleur ; et rendons-nous de plus en plus attentifs aux exemples qu'il nous donne.

SEQUENCE

A la louange du Dieu circoncis, nous chanterons cette belle Séquence empruntée aux anciens Missels de l'Eglise de Paris :


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Federico Baroccio. Italie. XVIe.

" Aujourd'hui, est apparue la merveilleuse vertu de la grâce, dans la Circoncision d'un Dieu.

Un Nom céleste, un Nom de salut, le Nom de Jésus lui est donné.

C'est le Nom qui sauve l'homme, le Nom que la bouche du Seigneur a prononcé dès l'éternité.

Dès longtemps, à la Mère de Dieu, dès longtemps, à l'époux de la Vierge, un Ange l'a révélé.

Nom sacré, tu triomphes de la rage de Satan et de l'iniquité du siècle.

Jésus, notre rançon, Jésus, espoir des affligés, guérissez nos âmes malades.

A tout ce qui manque à l'homme suppléez par votre Nom, qui porte avec lui le salut.

Que votre Circoncision épure notre cœur, cautérise ses plaies.

Que votre sang répandu lave nos souillures, rafraîchisse notre aridité, qu'il console nos afflictions.

En ce commencement d'année, pour étrennes fortunées, préparez notre récompense, Ô Jésus !

Amen."

SEQUENCE

Adam de Saint-Victor nous offre, pour louer dignement la Mère de Dieu, cette gracieuse composition liturgique qui a été longtemps un des plus beaux ornements des anciens Missels Romains-Français :


La Circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Maître de Saint-Séverin. Flandres. XVIe.

" Salut ! Ô Mère du Sauveur ! Vase élu, vase d'honneur, vase de céleste grâce.

Vase prédestiné éternellement, vase insigne, vase richement ciselé par la main de la Sagesse.

Salut ! Mère sacrée du Verbe, fleur sortie des épines, fleur sans épines ; fleur, la gloire du buisson.

Le buisson, c'est nous ; nous déchirés par les épines du péché ; mais vous, vous n'avez pas connu d'épines.

Porte fermée, fontaine des jardins, trésor des parfums, trésor des aromates,

Vous surpassez en suave odeur la branche du cinnamome, la myrrhe, l'encens et le baume.

Salut ! la gloire des vierges, la Médiatrice des hommes, la mère du salut.

Myrte de tempérance, rose de patience, nard odoriférant.

Vallée d'humilité, terre respectée par le soc, et abondante en moissons.

La fleur des champs, le beau lis des vallons, le Christ est sorti de vous.

Paradis céleste, cèdre que le fer n'a point touché, répandant sa douce vapeur.

En vous est la plénitude de l'éclat et de la beauté, de la douceur et des parfums.

Trône de Salomon, à qui nu

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dimanche, 05 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (3)

6 janvier. Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

- Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger :


L'adoration des mages. Rogier van der Weyden. XVe.

Le jour des Mages, le jour du Baptême, le jour du Festin nuptial est arrivé ; les trois puissants rayons du Soleil de justice luisent sur nous. Les ténèbres matérielles sont aussi moins épaisses ; la nuit a déjà perdu de son empire, la lumière progresse de jour en jour. Dans son humble berceau, les membres sacrés du divin Enfant prennent accroissement et force. Aux Bergers, Marie le fit voir étendu dans la crèche ; aux Mages, elle va le présenter sur ses bras maternels. Les présents que nous avons à lui offrir doivent être préparés : suivons donc nous aussi l'étoile, et mettons-nous en marche pour Bethléhem, la Maison du Pain de vie.

CAPITULE
(Isaïe, LX.).


Lorenzo Monaco. XVe.

" Lève-toi, Jérusalem ! sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi."

R/. br. " Les Rois de Tharsis et des îles lointaines lui offriront des présents : Alleluia, alleluia. Les Rois de Tharsis."

V/. " Les Rois de l'Arabie et de Saba lui apporteront des dons. * Alleluia, alleluia. Gloire au Père. Les Rois de Tharsis."

V/. " La foule viendra de Saba, alleluia, "

R/. " Lui apporter l'or et l'encens, alleluia."

A LA MESSE

A Rome, la station est à Saint-Pierre, au Vatican, près de la tombe du Prince des Apôtres, à qui toutes les nations ont été données en héritage dans le Christ.

EPÎTRE

Lecture du Prophète Isaïe. Chap. LX.


Joos van Wassenhove. Flandres. XVe.

" Lève-toi, Jérusalem ; sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Les ténèbres couvriront la terre, une nuit sombre enveloppera les peuples ; mais sur toi le Seigneur se lèvera, et sa gloire éclatera sur toi. Et les Nations marcheront à ta lumière, et les Rois à la splendeur de ta clarté naissante. Lève les yeux, considère autour de toi, et vois : tous ceux-ci, que tu vois rassemblés, sont venus pour toi. Des fils te sont venus de loin, et des filles se lèvent à tes côtés. En ce jour, tu verras, et tu seras dans l'opulence, et ton cœur sera dans l'admiration, et il se dilatera : en ce jour où la multitude des nations qui habitent les bords de la mer se tournera vers toi, quand la force des Gentils viendra à toi. Les chameaux, les dromadaires de Madian et d'Epha, arriveront chez toi comme un déluge : la foule viendra de Saba t'apporter l'or et l'encens, en chantant la louange du Seigneur."

Ô gloire infinie de ce grand jour, dans lequel commence le mouvement des nations vers l'Eglise, la vraie Jérusalem ! Ô miséricorde du Père céleste qui s'est souvenu de tous ces peuples ensevelis dans les ombres de la mort et du crime ! Voici que la gloire du Seigneur s'est levée sur la Cité sainte ; et les Rois se mettent en marche pour l'aller contempler. L'étroite Jérusalem ne peut plus contenir ces flots des nations ; une autre ville sainte est inaugurée ; et c'est vers elle que va se diriger cette inondation des peuples gentils de Madian et d'Epha. Dilate ton sein, dans ta joie maternelle, Ô Rome ! Tes armes t'avaient assujetti des esclaves ; aujourd'hui ce sont des enfants qui arrivent en foule à tes portes ; lève les yeux, et vois : tout cela est à toi ; l'humanité tout entière vient prendre dans ton sein une nouvelle naissance. Ouvre tes bras maternels ; et accueille-nous, nous tous qui venons du Midi et de l'Aquilon, apportant l'encens et l'or à Celui qui est ton Roi et le nôtre.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. II.


Adoration des rois mages. Gérard David. Flandres. XVIe.

" Jésus étant né en Bethléhem de Juda, aux jours du roi Hérode, voici que des Mages vinrent d'Orient à Jérusalem, et ils disaient :
" Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer."
A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. Et rassemblant tous les Princes des prêtres et les Docteurs du peuple, il leur demandait où le Christ devait naître.
Et ils lui dirent :
" En Bethléhem de Juda ; car il est écrit par le Prophète : " Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda ; car de toi sortira le Chef qui régira mon peuple d'Israël."
Alors Hérode, ayant appelé les Mages en secret, s'enquit d'eux avec grand soin du temps auquel l'étoile leur avait apparu.
Et les envoyant à Bethléhem, il leur dit :
" Allez et informez-vous exactement de cet enfant, et lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que je vienne aussi l'adorer."

Ayant ouï ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait, jusqu'à ce que, étant arrivée sur le lieu où était l'enfant, elle s'y arrêta. Lorsqu'ils revirent l'étoile, ils furent transportés de joie, et étant entrés dans la maison, ils trouvèrent l'Enfant avec Marie sa mère, et se prosternant (ici on se met à genoux), ils l'adorèrent, et ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent pour présents l'or, l'encens et la myrrhe. Et ayant reçu en songe l'ordre de ne point aller trouver Hérode, ils s'en retournèrent dans leur pays par un autre chemin."


Albrecht Dürer. XVIe.

Les Mages, prémices de la Gentilité, ont été introduits auprès du grand Roi qu'ils cherchaient, et nous les avons suivis. L'Enfant nous a souri comme à eux. Toutes les fatigues de ce long voyage qui mène à Dieu sont oubliées ; l'Emmanuel reste avec nous, et nous avec lui. Bethléhem, qui nous a reçus, nous garde à jamais ; car à Bethléhem nous possédons VEnfant et Marie sa Mère. En quel lieu du monde trouverions-nous des biens aussi précieux ?

Supplions cette Mère incomparable de nous présenter elle-même ce Fils qui est notre lumière, notre amour, notre Pain de vie, au moment où nous allons approcher de l'autel vers lequel nous conduit l'Etoile de la foi. Dès ce moment ouvrons nos trésors ; tenons à la main notre or, notre encens et notre myrrhe, pour le nouveau-né. Il agréera ces dons avec bonté ; il ne demeurera point en retard avec nous. Quand nous nous retirerons comme les Mages, comme eux aussi nous laisserons nos cœurs sous le domaine du divin Roi ; et ce sera aussi par un autre chemin, par une voie toute nouvelle, que nous rentrerons dans cette patrie mortelle qui doit nous retenir encore, jusqu'au jour où la vie et la lumière éternelle viendront absorber en nous tout ce qui est de l'ombre et du temps.

 
SEQUENCE

Pour honorer la pure et glorieuse Mère de notre divin Roi, empruntons cette Séquence au pieux moine Herman Contract :

" Salut, glorieuse Etoile de la mer ; votre lever divin, Ô Marie, présage la lumière aux nations.

Salut, Porte céleste, fermée à tout autre qu'à Dieu ! Vous introduisez en ce monde la Lumière de vérité, le Soleil de justice, revêtu de notre chair.

Vierge, beauté du monde, Reine du ciel, brillante comme le soleil, belle comme l'éclat de la lune, jetez les yeux sur tous ceux qui vous aiment.

Dans leur foi vive, les anciens Pères et les Prophètes vous désirèrent sous l'emblème de ce rameau qui devait naître sur l'arbre fécond de Jessé.

Gabriel vous désigna comme l'arbre de vie qui devait produire, par la rosée de l'Esprit-Saint, l'amandier à la divine fleur.

C'est vous qui avez conduit l'Agneau-Roi, le Dominateur de la terre, de la pierre du désert de Moab à la montagne de la fille de Sion.

Vous avez écrasé Léviathan, malgré ses fureurs, et brisé les anneaux de ce tortueux serpent, en délivrant le monde du crime qui causa sa damnation.

Nous donc, restes des nations, pour honorer votre mémoire, nous appelons sur l'autel, pour l'immoler mystérieusement, l'Agneau de propitiation, Roi éternel des cieux, le fruit de votre enfantement merveilleux.

Les voiles étant abaissés, il nous est donné à nous, vrais Israélites, heureux fils du véritable Abraham, de contempler, dans notre admiration, la manne véritable que figurait le type mosaïque : priez, Ô Vierge, que nous soyons rendus dignes du Pain du ciel.

Donnez-nous de nous désaltérer, avec une foi sincère, à cette douce fontaine représentée par celle qui sortit de la pierre du désert; que nos reins soient ceints de la ceinture mystérieuse ; que nous traversions heureusement la mer, et qu'il nous soit donné de contempler sur la croix le serpent d'airain.

Les pieds mystérieusement dégagés de leurs chaussures, les lèvres pures, le cœur sanctifié, donnez-nous d'approcher du feu saint, le Verbe du Père, que vous avez porté, comme le buisson porta la flamme, Ô Vierge devenue mère !

Ecoutez-nous ; car votre Fils aime à vous honorer en vous exauçant toujours.

Sauvez-nous, Ô Jésus ! nous pour qui la Vierge-Mère vous supplie.

Donnez-nous de contempler la source de tout bien, d'arrêter sur vous les yeux purifiés de notre âme.

Que notre âme, désaltérée aux sources de la Sagesse, puisse aussi percevoir la saveur de la vraie Vie.

Qu'elle orne par les œuvres la foi chrétienne qui habite en elle, et que, par une heureuse fin, elle passe de cet exil vers vous, Auteur du monde.

Amen."


Il Corregio, le Corrège. Italie. XVe.

PRIERE

" Nous venons à notre tour vous adorer, Ô Christ, dans cette royale Epiphanie qui rassemble aujourd'hui à vos pieds toutes les nations. Nous nous pressons sur les pas des Mages ; car, nous aussi, nous avons vu l'étoile, et nous sommes accourus. Gloire à vous, notre Roi ! A vous qui dites dans le Cantique de votre aïeul David : " C'est moi qui ai été établi Roi sur Sion, sur la montagne sainte, pour annoncer la loi du Seigneur. Le Seigneur m'a dit qu'il me donnerait les nations pour héritage, et l'empire jusqu'aux confins de la terre. Maintenant donc, Ô rois, comprenez ; instruisez-vous, arbitres du monde !" (Psalm. II.).

Bientôt vous direz, Ô Emmanuel, de votre propre bouche : " Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre " (Matth. XXVIII) ; et, quelques années plus tard, l'univers entier sera sous vos lois. Déjà Jérusalem s'émeut ; Hérode tremble sur son trône ; mais l'heure approche où les hérauts de votre avènement iront annoncer à la terre entière que Celui qui était l'attente des nations est arrivé. La parole qui doit vous soumettre le monde partira ; elle s'étendra au loin comme un vaste incendie. En vain les puissants de la terre tenteront de l'arrêter dans son cours. Un Empereur, pour en finir, proposera au Sénat de vous inscrire solennellement au rang de ces dieux que vous venez renverser ; d'autres croiront qu'il est possible de refouler votre domination par le carnage de vos soldats. Vains efforts ! Le jour viendra où le signe de votre puissance ornera les enseignes prétoriennes, où les Empereurs vaincus déposeront leur diadème à vos pieds, où cette Rome si fière cessera d'être la capitale de l'empire de la force, pour devenir à jamais le centre de votre empire pacifique et universel.

Ce jour merveilleux, nous en voyons poindre l'aurore ; vos conquêtes commencent aujourd'hui, Ô Roi des siècles ! Du fond de l'Orient infidèle, vous appelez les prémices de cette gentilité que vous aviez délaissée, et qui va désormais former votre héritage. Plus de distinction de Juif ni de Grec, de Scythe ni de barbare. Vous avez aimé l'homme plus que l'Ange, puisque vous relevez l'un, et laissez l'autre dans sa chute. Mais si, durant de longs siècles, votre prédilection fut accordée à la race d'Abraham, désormais votre préférence est pour nous Gentils. Israël ne fut qu'un peuple, et nous sommes nombreux comme les sables de la mer, comme les étoiles du firmament. Israël fut placé sous la loi de crainte ; vous avez réservé pour nous la loi d'amour.

Dès aujourd'hui vous commencez, Ô divin Roi, à éloigner de vous la Synagogue qui dédaigne votre amour ; aujourd'hui vous acceptez pour Epouse la Gentilité, dans la personne des Mages. Bientôt votre union avec elle sera proclamée sur la croix, du haut de laquelle, tournant le dos à l'ingrate Jérusalem, vous étendrez les bras vers la multitude des peuples. Ô joie ineffable de votre Naissance ! Mais joie plus ineffable encore de votre Epiphanie, dans laquelle il nous est donné à nous, déshérités jusqu'ici, d'approcher de vous, de vous offrir nos dons, et de les voir agréés par votre miséricorde, Ô Emmanuel !

Grâces vous soient donc rendues, Enfant tout-puissant, " pour l'inénarrable don de la foi " (II Cor. IX, 15) qui nous transfère de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière ! Mais donnez-nous de comprendre toujours toute l'étendue d'un si magnifique présent, et la sainteté de ce grand jour où vous formez alliance avec la race humaine tout entière, pour arriver avec elle à ce mariage sublime dont parle votre éloquent Vicaire, Innocent III : " mariage, dit-il, qui fut promis au patriarche Abraham, juré au roi David, accompli en Marie devenue Mère, et aujourd'hui consommé, confirmé et déclaré : consommé dans l'adoration des Mages, confirmé dans le baptême du Jourdain, déclaré dans le miracle de l'eau changée en vin ". Dans cette fête nuptiale où l'Eglise votre Epouse, née à peine, reçoit déjà les honneurs de Reine, nous chanterons, Ô Christ, dans tout l'enthousiasme de nos cœurs, cette sublime Antienne des Laudes, où les trois mystères se fondent si merveilleusement en un seul, celui de votre Alliance avec nous :
" Aujourd'hui l'Eglise s'unit au céleste Epoux : ses péchés sont lavés par le Christ dans le Jourdain ; les Mages accourent aux Noces royales, apportant des présents ; l'eau est changée en vin, et les convives du festin sont dans la joie. Alleluia."

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lundi, 06 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

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