mardi, 01 octobre 2024
1er octobre. Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.
- Saint Remi, XVe archevêque de Reims, apôtre des Francs. 533.
Pape : Jean II. Roi de France : Thierry Ier.
" Tu, quas tot annos, alme Sennex, regis,
Adhuc benignus respice Gallias,
Francique reges, quos sacrasti,
Mente pii tueantur aras."
" Avec des yeux d'amour regarde cette France,
Dont ta main a sacré les invincibles rois :
Fais que des saints autels ils prennent la défense,
Et conservent les droits."
Santeuil.
Baptême de Clovis. Tapisserie (détail). XVe.
On peut dire de la famille de saint Remi, évêque de Reims et apôtre des Francs, ce que l'on écrit ordinairement de celles de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze, que c'était une race de personnes remplies de la crainte de Dieu. Son père, Émile, comte de Laon, fut un seigneur d'une vertu extraordinaire. Sa mère, Céline ou Célinie, sut si bien allier la piété à l'éminence de sa condition, que le peuple Chrétien l'a reconnue sainte, et que l’Église l'honore en cette qualité au XXIe jour de ce mois. Leur mariage fut béni du Ciel dès le commencement, par la naissance de 2 garçons. L'aîné fut Principe, qui devint évêque de Soissons. On ne sait pas le nom du plus jeune, mais on sait qu'il eut un fils nommé Loup, qui succéda à son oncle dans son évêché ; et l'un et l'autre, reconnus pour saints par le peuple, sont donc dans les tables ecclésiastiques.
Pour saint Remi, dont nous voulons donner la vie, sa naissance fut toute miraculeuse. Ses parents étaient déjà fort âgés et ne s'attendaient point à avoir d'autres enfants que ces deux que la divine Providence leur avait donnés ; un saint ermite nommé Montan, qui était aveugle, mais moins affligé de cette infirmité que de l'état déplorable où il voyait la Foi Chrétienne dans les Églises des Gaules, reçut ordre du Ciel, par 3 fois, de les avertir qu'ils auraient encore un fils qui serait la lumière des Francs, et qui retirerait ces nouveaux conquérants de l'abîme de l'idolâtrie où ils étaient plongés. Il vint donc trouver Émile et Céline, et leur fit part de cette heureuse nouvelle ; la prédiction du solitaire s'accomplit. Notre Saint naquit à Laon, demeure seigneuriale de ses parents, et fut nommé Remi.
Il fut envoyé de bonne heure aux écoles, où il fit de si grands progrès dans les lettres divines et humaines et dans la pratique des vertus Chrétiennes, qu'à l'âge de 22 ans il fut forcé, malgré toutes ses résistances, après la mort de Bennagius, d'accepter l'évêché de Reims. Un rayon de lumière qui parut sur son front et une onction céleste qui embauma et consacra sa tête, firent voir que cette élection venait de Dieu ; mais on en fut encore plus convaincu par la manière dont il s'acquitta d'une charge de cette importance ; car il n'en fut pas plus tôt chargé, qu'il en remplit excellemment tous les devoirs. Il était assidu aux veilles, constant et attentif à l'oraison, soigneux d'instruire son peuple et de l'amener au Salut, charitable envers les pauvres, les prisonniers et les malades, austère pour lui-même, sobre, chaste, modeste, prudent, retenu, ne s'emportant jamais de colère et pardonnant facilement à ceux qui l'avaient offensé ; il est vrai qu'il paraissait quelquefois sur son visage une espèce de sévérité, mais il savait la tempérer par la douceur de son esprit ; et s'il avait pour les pécheurs le zèle ardent d'un saint Paul, il avait pour les gens de bien le regard bénin et amoureux d'un saint Pierre ; en un mot, il possédait toutes les vertus, quoiqu'il en cachât plusieurs par la profonde humilité dont il faisait une singulière profession.
Le miracle du vin par saint Remi.
Le don des miracles qu'il reçut de Dieu releva encore merveilleusement l'éclat de sa sainteté. Pendant ses repas, les oiseaux venaient sans crainte prendre du pain de sa main. Faisant ses visites à Chaumuzy, il guérit et délivra un aveugle qui, depuis longtemps, était possédé du démon. A Cernay, il remplit de vin, par le signe de la Croix, un muid qui était presque vide, pour reconnaître la charité de Celse, une de ses cousines, qui l'avait reçu avec beaucoup de dévotion dans son logis. N'ayant point d'huile sacrée pour administrer le saint Baptême à un seigneur qui se mourait, il en obtint subitement du Ciel ; cette huile fut si salutaire, qu'ayant contribué à la santé de l'âme du malade, elle lui rendit aussi la santé du corps. Il réprima par sa présence un grand incendie qui menaçait la ville de Reims d'une ruine complète. En descendant pour cela de l'église de Saint-Nicaise, il imprima si fortement ses vestiges sur une pierre, qu'ils y sont toujours demeurés depuis ce temps-là ; et à peine parut-il devant les flammes, faisant le Signe de Croix et invoquant le nom de Jésus-Christ, qu'elles s'enfuirent devant lui aussi vite qu'il put les poursuivre.
Une jeune fille de Tours étant possédée du malin esprit, fut menée par ses parents, d'abord au tombeau de saint Pierre, à Rome, puis à saint Benoît, qui était alors à Sublac ou Mont-Cassin ; mais Dieu ne lui accordant point sa délivrance dans l'un et dans l'autre lieu, saint Benoît l'envoya à saint Remi et lui écrivit pour le prier d'exercer son pouvoir et sa charité envers cette malheureuse. Alaric, roi des Goths, lui écrivit aussi pour le même sujet. Le Saint résista longtemps à cette demande, ne s'estimant pas digne d'obtenir de Dieu ce qu'un aussi grand homme que l'abbé Benoît n'avait pu obtenir ; mais il fut enfin forcé par les prières de son peuple de faire son oraison sur la possédée ; le démon fut aussitôt obligé de s'enfuir et de la laisser en liberté ; mais, peu après, elle mourut des fatigues que ce monstre infernal lui avait occasionnées.
On eut incontinent recours au saint prélat, qui s'était déjà retiré. Il revint à l'église de Saint-Jean où il l'avait laissée ; il la trouva couchée par terre, sans respiration et sans vie, et sa parole, qui avait eu la force de la délivrer des chaînes de Satan, eut aussi la force de la retirer des portes de la mort. Nous avons dans les Notes de Colvénérius sur Flodoard, la lettre que le glorieux patriarche saint Benoît lui écrivit.
Cependant, la plus grande merveille de saint Remi fut sans doute le parachèvement de la conversion de Clovis, qui mena à celles des Francs par la suite. Elle est rapportée tout au long dans l'histoire de ce grand prince ; mais il est nécessaire d'en donner ici un abrégé.
Clovis était le cinquième roi de cette nation belliqueuse, qui, après avoir forcé le passage du Rhin, s'était emparée de la meilleure partie des Pays-Bas, de la Picardie et de l'Ile-de-France, et poussait toujours ses conquêtes sur les Gaules, auparavant occupées par les Romains. Le trône des Francs Saliens se situait à Tournai. Il parvint à la couronne en 481, âgé seulement de 14 ou 15 ans ; mais, tout jeune qu'il était, il ne laissa pas de suivre les traces de ses prédécesseurs et de se mettre d'abord à la tête de ses armées pour se rendre le maître des provinces voisines, afin d'en former un vaste royaume.
Il livra bataille à Syagrius, qui défendait les débris de l'empire romain dans les Gaules. Il le défit et le tua, et par ce moyen, ne trouvant plus rien qui résistât à la force de ses armes, il assujettit une grande partie des Gaules à son empire. Il était encore païen ; cependant, il ne persécutait pas les Chrétiens, et il avait même du respect pour les évêques et pour les prêtres des villes qu'il prenait ou qui se soumettaient à sa domination.
Syagrius est livré par Alaric II à Clovis. Gravure du XIXe.
Saint Remi fut celui dont il honora davantage la vertu. En effet, un jour ses soldats, passant auprès de Reims, en avaient pillé une église et emporté les ornements et les vases sacrés ; à la seule prière que notre saint lui envoya faire de lui rendre, de tout le butin, au moins un vase d'argent que son poids et sa ciselure rendaient fort précieux, il vint au lieu où l'on partageait les dépouilles et demanda par grâce à son armée que ce vase lui fût donné par préférence sans le tirer au sort. La plupart des soldats y consentirent ; un seul, ne voulant pas que son roi puisse bénéficier d'un traitement autre que leurs coutumes ne le prévoyaient, déchargea un coup de hache sur ce vase, disant vertement que le roi n'aurait, comme les autres, que ce qui lui écherrait au sort.
Chacun fut surpris de cet acte ; le roi la dissimula pour un temps, et ne laissa pas de prendre le vase et de le rendre à celui que saint Remi lui avait envoyé. Mais au bout de l'an, faisant la revue de ses troupes pour voir si leurs armes étaient en bon ordre, et ayant reconnu le soldat téméraire qui lui avait fait cet affront, il lui jeta une de ses armes à terre, sous prétexte qu'elle n'était pas luisante comme elle devait l'être ; puis, pendant qu'il se baissait pour la ramasser, il lui déchargea un coup de hache sur la tête et le tua de sa main, en lui disant :
" Tu frappas ainsi le vase à Soissons !"
" Tu frappas ainsi le vase de Soissons !" Gravure du XIXe.
Lorsque ce grand conquérant eut encore subjugué la Thuringe, ce qu'il fit, selon saint Grégoire de Tours, la 10e année de son règne, il épousa Clotilde, fille de Chilpéric, frère de Gondebaud, roi de Burgondie (future Bourgogne), promettant en vue de cette alliance qu'il embrasserait la Foi Chrétienne dont elle faisait profession. Clotilde le pressa souvent d'exécuter sa promesse, ayant beaucoup de peine de vivre avec un prince idolâtre et qui se souillait tous les jours par des sacrifices impies et abominables qu'il offrait aux démons, et dans les débauches dégoûtantes coutumières des tribus païennes de toutes les époques de l'humanité ; mais ses prières et ses instances furent inutiles pendant 5 ans.
Enfin, les Germains ayant fait une grande irruption sur les terres des Francs Ripuaires, le roi fut obligé de marcher contre eux avec de nombreuses troupes. Il leur livra bataille à Tolbiac, que l'on croit être Zulpich ou Zulch. Les Francs, après quelques instants de combat, tournèrent le dos, et il s'en faisait une grande boucherie lorsque le seigneur Aurélien, qui avait négocié le mariage du roi avec Clotilde, s'adressa à lui et lui conseilla de faire sur-le-champ voeu à Jésus-Christ d'embrasser le Christianisme s'Il changeait le sort de la bataille et lui faisait remporter la victoire. Le roi, surtout dans le désir de vaincre, mais peut-être aussi touché intérieurement, fit aussitôt ce vœu, et en même temps les Francs tournèrent tête, se jetèrent impétueusement sur les Germains, rompirent leurs rangs et les défirent complètement. Le roi même des Allemands fut tué dans la mêlée, de sorte que Clovis demeura entièrement victorieux et se rendit tributaires ceux dont le nombre et la puissance avaient déjà donné de l'effroi à toute la Franoe. La reine apprit avec beaucoup de joie ce succès et le changement de son époux. Elle en fit aussi tôt donner avis à saint Remi, elle pria de se rendre promptement à la cour pour achever ce que la crainte et le désir de vaincre avaient commencé, et pour disposer le roi au baptême.
Le saint ne manqua pas d'obéir. Il trouva Clovis déjà évangélisé par les soins de saint Vaast, que ce grand monarque avait pris à Toul pour être son catéchiste. Il acheva de lui ouvrir les yeux et de lui découvrir l'excellence et la sainteté de nos Mystères. L'ardeur de la foi s'alluma si fortement dans ce cœur martial, qu'il se fit apôtre de ses sujets avant d'être Chrétien ; il assembla les grands de sa cour, leur remontra la folie et l'extravagance du culte des idoles, et les sollicita de ne plus adorer que l'unique Dieu, Créateur du ciel et de la terre, dans la Trinité de Ses Personnes. Il en fit de même à son armée, et sa prédication fut si puissante, que la plupart des Francs voulurent imiter son exemple. Ou, plus probablement comme on le verra dans d'autres conversions de peuples, suivre la religion du prince, pour ne pas s'en retrouver l'ennemi déclaré.
Certains à l'époque le demandaient clairement, comme 6 siècles plus tard saint Wladimir, en Russie, intimera aux foules l'ordre de choisir entre le Christ avec lui, ou l'exil. La Foi ne s'intimant pas de la sorte dans le cœur de l'homme, nombre de peuples officiellement christianisés montreront vite la persistance profonde du paganisme dans leurs mœurs. Et il s'en suivra inévitablement de grands et violents retours du culte païen, avec sa cohorte d'horreurs, à chaque fois qu'un chef, prince ou roi, se détournera, le plus souvent pour raisons politiques, de l’Église du Christ, Église qui n'aura pas assez été Jean-Baptiste et trop docile.
La nuit avant son baptême, saint Remi vint le trouver dans son palais, et l'ayant conduit avec la reine et un grand nombre de princes et d'officiers dans la chapelle de saint Pierre, il leur fit une admirable prédication sur l'Unité de Dieu, la vanité des idoles, l'incarnation du Verbe éternel, le Salut de l'humanité, le Jugement dernier, le paradis des justes et l'enfer des impies. Alors la chapelle fut remplie de lumière et d'une odeur inestimable, et l'on entendit une voix céleste qui disait :
" La paix soit avec vous! ne craignez rien, persévérez dans Mon amour."
Le visage du Saint devint aussi tout éclatant ; le roi, la reine, tous les seigneurs et les dames se jetèrent à ses pieds. Saint Remi les releva et leur prédit les grandeurs futures du royaume et des rois de France, à condition qu'ils restent fidèles à Dieu et ne fassent rien d'indigne de l'auguste qualité de rois chrétiens.
Baptême de Clovis.
Le lendemain, Clovis marcha à l'église de Notre-Dame, à travers les rues ornées de tapisseries. Lorsqu'il fut sur les fonts, saint Remi lui dit :
" Courbe la tête, fier Sicambre ; brûle ce que tu as adoré et adore ce que tu as brûlé."
Après quelques exhortations, comme il fut question de consacrer l'eau baptismale, il ne se trouva point de chrême, parce que le clerc qui le portait n'avait pu passer à cause de la foule. Le Saint, dans cette nécessité, leva les yeux au ciel, et demanda à Dieu qu'il daignât pourvoir à ce défaut, et, à l'heure même, une colombe plus blanche que la neige descendit d'en haut, portant dans son bec une fiole pleine d'un baume céleste fermé par le ministère des Anges, qu'elle mit entre les mains du saint prélat. Il le reçut avec admiration et action de grâces, en versa une partie dans les fonts, et oignit ensuite la tête du roi. En même temps, la colombe s'envola et disparut ; mais la fiole demeura, et c'est ce que nons appelons la sainte Ampoule.
Outre l'onction baptismale, saint Remi conféra donc aussi au roi l'onction royale qui, depuis, a toujours été faite à nos rois, séparément de leur baptême, par l'auguste cérémonie de leur sacre ; c'est à quoi a servi jusqu'à présent l'huile céleste de cette Ampoule, conservée intacte jusqu'à la Révolution française.
La vérité de cette Ampoule, apportée par un Ange, sous la forme d'une colombe, a été combattue par quelques auteurs ; mais elle a été soutenue et prouvée avec beaucoup de force et d'éloquence par plusieurs savants, qui ont cru que le témoignage d'Hincmar, de Flodoard, d'Aimonius, de Gerson, de Gaguin et d'autres anciens historiens, avec la tradition immémoriale de nos pères, approuvée mème par un grand nombre d'écrivains d'autres pays, était suffisante pour en convaincre tous les esprits un peu raisonnables.
Statue de saint Remi donnant le saint Baptême à Clovis.
Deux soeurs de Clovis furent aussi baptisées avec lui : Alboflède, qui était païenne, et Lanthilde, qui était arienne ; la même grâce fut encore accordée à trois mille seigneurs, et à une infinité de soldats, de femmes et d'enfants qui voulurent avoir part au bonheur de la régénération spirituelle. On croit plus communément que ce fut le jour de Noël ; mais comme alors te baptême ne se conférait qu'au temps de Pâques, ce n'est pas sans raison que plusieurs croient, avec Hincmar et Flodoald, que ce fut le samedi saint. Culvénérius dit même que cela est constant, et qu'il n'en faut nullement douter.
On ne peut représenter assez dignement l'amour que Clovis eut pour saint Remi, et les faveurs dont il combla sa personne et tous ceux qui lui appartenaient. Il lui donna une foule de seigneuries autour de Soissons et en d'autres lieux, dont il enrichit sa cathédrale et d'autres églises, tant métropolitaines que collégiales.
A sa prière, il pardonna à Euloge, seigneur d’Épernay, coupable de lèse-majesté ; ce seigneur, en reconnaissance, offrit au saint sa terre, pour en faire l'héritage de la maison de Dieu ; mais le bienheureux prélat le remercia, estimant indigne d'un homme généreux, et surtout d'un bon pasteur, de recevoir des présents pour prix de son intercession ; cependant, comme Euloge voulut quitter le monde et se défaire de son bien, saint Remi l'accepta et le lui paya, et, par ce moyen, Épernay appartint à l'église de Reims.
Baptême de Clovis.
Le même Clovis ne faisait rien de considérable sans prendre l'avis et la bénédiction de cet homme de Dieu : il la prit pour aller combattre Gondebaud et Gondegisil, en Bourgogne ; il la prit pour faire la guerre à Alaric, roi des Goths ; et, par la force de cette bénédiction, il remporta d'illustres victoires sur ces trois princes, tua Alaric de sa propre main, et joignit à son empire une grande partie des provinces des Gaules jusqu'aux Alpes et aux Pyrénées.
Ce fut aussi par la même vertu que les murailles d'Angoulême tombèrent d'elles-mêmes devant son armée, comme celles de Jéricho devant l'armée de Josué, et qu'il emporta cette place sans être obligé de l'assiéger. Aussi, dans chacune de ces expéditions, saint Remi lui avait donné on flacon de vin bénit pour son usage, lui marquant qu'il serait victorieux tant que ce vin durerait ; et par un grand miracle, ce vin ne diminua point jusqu'à son retour. Enfin, cette bénédiction empêcha ce grand conquérant d'être tué par deux soldats goths qui l'attaquèrent par derrière et firent tous leurs efforts pour le percer de leurs lances.
L'empereur Anastase ayant créé Clovis patrice et consul, lui envoya, avec les marques de cette dignité, ce qui était autrefois le comble de l'ambition des Romains, une couronne d'or de grand prix. Et saint Remi érigea en évêché l'église de Notre-Dame de Laon, lieu de sa naissance, qui n'était auparavant qu'une simple paroisse de son diocèse. Il y mit pour premier évêque Génebaud, dont nous avons donné la vie au 5 septembre.
Galerie des rois. Cathédrale Notre-Dame de Reims.
Peu de temps après l'ambassade à Rome, Clovis mourut chargé de trophées. Saint Remi apprit, par révélation, sa mort avant qu'elle arrivât, et peut-être qu'il apprit aussi que son âme avait reçu la récompense de tant de conversions dont il avait été la cause par ses exhortations et par son exemple, et de l'établissement de la Foi Chrétienne dans une infinité d'endroits où le démon était adoré. Savaron, président de Clermont, en Auvergne, a fait un traité exprès sur sa sainteté, que les lecteurs peuvent consulter.
Ce fut vers ce temps-là, l'an de grâce 511, que se tint le premier Concile d'Orléans. Saint Remi ne manqua pas de s'y trouver avec 33 évêques de diverses provinces. Lorsqu'il entra dans l'assemblée, tous les prélats, qui étaient venus avant lui, se levèrent pour lui faire honneur ; un seul, qui était arien et très-orgueilleux, se tint assis par mépris, et ne daigna pas même le saluer lorsqu'il passa devant lui.
Mais son incivilité, aussi bien que sa perfidie, fut punie sur-le-champ; cas il perdit l'usage de la langue et ne put plus parler. Alors il reconnut sa faute, et se prosternant aux pieds du Saint, il le pria, par tous tes signes du corps qu'il put faire, de lui obtenir miséricorde :
" A la bonne heure lui dit saint Remi, si tu as de véritables sentiments de la divinité de Jésus-Christ et que tu le reconnaisses consubstantiel à son Père ; autrement l'usage de la voix ne ferait que contribuer à tes blasphèmes."
A ces mots, l'évêque renonça intérieurement et par geste à l'arianisme, et sa langue se déliant on même temps, il recouvra la parole pour confesser que Jésus-Christ était un seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit.
Nous apprenons de Sidoine Apollinaire et de plusieurs auteurs que saint Remi était un des plus savants et des plus éloquents hommes des premiers siècles, et qu'il a fait quelques commentaires sur la sainte Écriture, remplis d'une doctrine très-profonde et d'un style très-doux et très-relevé.
La difficulté est de savoir si les Commentaires sur saint Paul, qui portent son nom, sont de ce nombre. On doute moins des deux Épitres qui se trouvent dans la Bibliothèque des Pères ; l'une à Clovis, sur la mort de sa soeur Alboflède, l'autre à sainte Geneviève, pour laquelle il avait un amour et un respect particuliers.
Basilique Saint-Remi. Reims.
A la fin de sa vie, il fut attaqué de plusieurs maux très-douloureux et perdit aussi la vue ; mais, bien loin de s'en affliger, il en rendait continuellement grâces à Dieu, regardant ces afflictions comme de grands bienfaits qui lui donnaient occasion d'exercer sa patience et le rendaient plus semblable à Jésus-Christ souffrant et mourant sur la croix.
Il était sans cesse en oraison, et les larmes de componction lui coulaient des yeux à tous moments. Il eut connaissance du temps de son décès, mais, avant qu'il y arrivât, la vue lui fut rendue, et il eut la consolation de célébrer encore une fois les saints Mystères.
Enfin, ayant embrassé ses enfants spirituels et leur ayant donné sa bénédiction, il rendit sa belle âme à Dieu, sans qu'il parût avoir aucune maladie mortelle, mais étant seulement épuisé et consommé de vieillesse.
Ce fut le 13 janvier 533. Il avait environ quatre-vingt-seize ans, quelques jours après l'élection du pape Jean II (2 janvier).
Tombeau de saint Remi. Basilique Saint-Remi. Reims.
On le représente :
- 1. guérissant une jeune fille ;
- 2. recevant la sainte Ampoule ;
- 3. baptisant Clovis ;
- 4. apparaissant à un évêque de Mayence à qui il inflige des coups de discipline en punition d'une infraction à ses devoirs ;
- 5. ayant près de sa tête une colombe tenant la sainte Ampoule.
On voit à Reims, dans la nouvelle sacristie de l'église de Saint-Remi, des tapisseries fort curieuses et d'une grande perfection, données en 1581 par Robert de Lenoncourt, archevêque de Reims. Elles représentent les principaux faits de la vie de l'apôtre des Francs : la naissance de saint Remi ; la vue rendue à un ermite, des exorcismes, des miracles ; Clovis catéchisé ; la prison et la délivrance de saint Génebaud ; un concile où est confondu un évêque arien qui ne recouvre la parole que par l'invocation de Jésus-Christ, vrai Fils de Dieu ; saint Remi chantant Matines devant la sainte Vierge et les Apôtres ; ses funérailles.
Déambulatoire de la basilique Saint-Remi.
Reims. Champagne. France.
LE TESTAMENT DE SAINT REMI
Migne, t. 135, p. 60 à 68. Flodoard, Historia Remensis Ecclesiae lib. I. ch. XVIII, Testamentum ab ipso editum.
" Que le présent testament que j'ai écrit pour être gardé respectueusement intact par mes successeurs les évêques de Reims, mes frères, soit aussi défendu, protégé partout envers et contre tous par mes très chers fils les rois de France par moi consacrés au Seigneur à leur baptême, par un don gratuit de Jésus-Christ et la grâce du Saint-Esprit.
Qu'en tout et toujours il garde la perpétuité de sa force et l'inviolabilité de sa durée...
Mais par égard seulement pour cette race royale qu'avec tous mes frères et coévêques de la Germanie, de la Gaule et la Neustrie, j'ai choisie délibérément pour régner jusqu'à la fin des temps, au sommet de la majesté royale pour l'honneur de la Sainte Église et la défense des humbles.
Par égard pour cette race que j'ai baptisée, que j'ai reçue dans mes bras ruisselante des eaux du baptême : cette race que j'ai marquée des sept dons du Saint-Esprit, que j'ai ointe de l'onction des rois, par le Saint Chrême du même Saint-Esprit ;
J'ai ordonné ce qui suit :
MALÉDICTIONS
Si un jour cette race royale que j'ai tant de fois consacrée au Seigneur, rendant le mal pour le bien, lui devenait hostile; envahissait ses Églises, les détruisait, les dévastait :
Que le coupable soit averti une première fois par tous les évêques réunis du diocèse de Reims.
Une deuxième fois par les églises réunies de Reims et de Trêves.
Une troisième fois par un tribunal de trois ou quatre archevêques des Gaules.
Si à la septième monition il persiste dans son crime, trêve à l'indulgence ! Place à la menace !
S'il est rebelle à tout, qu'il soit séparé du corps de l’Église, par la formule inspirée aux évêques par l'Esprit-Saint : parce qu'il a persécuté l'indigent, le pauvre, au cœur contrit ; parce qu'il ne s'est point souvenu de la miséricorde ; parce qu'il a aimé la malédiction, elle lui arrivera ; et n'a point voulu de la bénédiction, elle s'éloignera.
Et tout ce que l’Église à l'habitude de chanter de Judas le traitre et des mauvais évêques, que toutes les Eglises le chantent de ce roi infidèle.
Parce que le Seigneur a dit : " Tout ce que vous avez fait au plus petit des Miens, c'est à Moi que vous l'avez fait, et tout ce que vous ne leur avez pas fait, c'est à Moi que vous ne l'avez pas fait ".
Qu'à la malédiction finale on remplace seulement, comme il convient à la personne, le mot épiscopat par le mot royauté :
Que ses jours soient abrégés et qu'un autre reçoive sa royauté !
Si les archevêques de Reims, mes successeurs, négligent ce devoir que je leur prescris, qu'ils reçoivent pour eux la malédiction destinée au prince coupable : que leurs jours soient abrégés et qu'un autre occupe leur siège.
BÉNÉDICTIONS
Si Notre-Seigneur Jésus-Christ daigne écouter les prières que je répands tous les jours en sa présence, spécialement pour la persévérance de cette race royale, suivant mes recommandations, dans le bon gouvernement de son royaume et le respect de la hiérarchie de la Sainte Eglise de Dieu.
Qu'aux bénédictions de l'Esprit-Saint déjà répandues sur la tête royale s'ajoute la plénitude des bénédictions divines !
Que de cette race sortent des rois et des empereurs qui, confirmés dans la vérité et la justice pour le présent et pour l'avenir suivant la volonté du Seigneur pour l'extension de la Sainte Église, puissent régner et augmenter tous les jours leur puissance et méritent ainsi de s'asseoir sur le trône de David dans la céleste Jérusalem où ils règneront éternellement avec le Seigneur. Ainsi soit-il."
Choeur de la basilique Saint-Remi.
Reims. Champagne. France.
Ce testament signé du grand Évêque le fut également par six autres Évêques et d'autre Prêtres. Trois de ces Évêques sont réputés pour leur sainteté : Saint Vaast, Évêque d'Arras, Saint Médard, Évêque de Noyon, Saint Loup, Évêque de Soissons. Ils le signèrent sous la formule suivante :
" X..., Évêque.
Celui que mon Père Rémi a maudit, je le maudis, celui qu'il a béni, je le bénis.
et j'ai signé."
L'authenticité indiscutable de ce document capital pour notre Histoire a été prouvée par l'Abbé Dessailly, de l'Académie de Reims, dans un ouvrage fondamental et décisif sur la question : L'authenticité du grand Testament de Saint Rémi, publié au siècle dernier, chez Dumoulin, à Paris.
Baronius, le savant Cardinal (Caesar Baronius, Annales Ecclesiastici, tome VI, Bibl. Nation. H. 106, p. 635 et 636.), après onze siècles d'expérience, de constater :
" Malgré les crimes de ses rois, le Royaume de France n'est jamais passé sous une domination étrangère et le peuple Français n'a jamais été réduit à servir d'autre Peuples.
C'est cela qui a été accordé par une promesse divine, aux prières de Saint Rémi, suivant la parole de David (Ps. 8 : " Si mes Fils abandonnent ma loi ; s'ils ne marchent point dans la voie de mes Jugements ; s'ils profanent mes justices et ne gardent point mes commandements, je visiterai leurs iniquités avec la verge et leurs péchés avec le fouet ; mais Je n'éloignerai jamais ce peuple de Ma miséricorde."
Pour résumer, ce testament marque de manière indubitable que c'est le sacre qui fait le roi de France et non sa naissance.
La dévolution de la couronne de père en fils est un usage pratique destiné à asseoir la stabilité du pouvoir mais elle est conditionnée au sacre, à ses promesses et au respect par le prince sacré de ses missions chrétiennes.
Quels que soient aujourd'hui les inclinations des monarchistes et/ou royalistes en France, on constate à tous le moins qu'ils en tiennent pour une doctrine étrangère et en tous cas incompatible avec les exigences du sacre d'un roi de France...
00:15 Publié dans R | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
ma paroisse a leprivilege d'etre sous le patronnage de saint Remi je vien de decouvrir un peu ce q'est ce sai,t de mon point de vue exrraordinaire. je vous avoir d'autres informations sur ce saint pour solliciter davantage son intercession
Écrit par : georges | mercredi, 26 novembre 2014
Répondre à ce commentaireBjr je ne reçois plus vos notifications pourquoi cela, nous abattons un sérieux travail, donc il faut continuer svp vos envoies je suis fier de vous et vous félicite. Bonne journée et bonne fête de sainte Thérèse de l'enfant Jésus
P Marcellin
Écrit par : Père Marcellin | jeudi, 01 octobre 2020
Répondre à ce commentaireBjr je ne reçois plus vos notifications pourquoi cela, nous abattons un sérieux travail, donc il faut continuer svp vos envoies je suis fier de vous et vous félicite. Bonne journée et bonne fête de sainte Thérèse de l'enfant Jésus
P Marcellin
Écrit par : Père Marcellin | jeudi, 01 octobre 2020
Répondre à ce commentaireÉcrire un commentaire