lundi, 30 septembre 2024
30 septembre. Saint Jérôme de Strido, prêtre, docteur de l'Eglise. 420.
- Saint Jérôme de Strido, prêtre, docteur de l'Eglise. 420.
Pape : Saint Boniface Ier. Empereur romain d'Orient : Théodose II. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius.
" Saint Jérôme a été un soleil dans le monde car il a terrassé les hérétiques, converti les mondain, ouvert aux vertueux de nouveaux horizons ; un ange dans le désert par sa pureté, sa mortification et son esprit d'oraison ; un prodige dans l'Eglise par les livres qu'il a composés, les oracles qu'il a rendus, les vertus dont il a donné l'exemple."
Laselve. Conciones.
Saint Jérôme. Domenico Ghirlandaio. XVe.
Jérôme tire son étymologie de gerar, saint, et de nemus, bois, comme on dirait bois saint, ou bien de norna, qui veut dire loi. C'est pour cela que sa légende dit que Jérôme signifie loi sainte. En effet il fut saint, c'est-à-dire, ferme, ou pur, ou couvert de sang, ou destiné aux fonctions sacrées, comme l’on dit des vases sacrés du temple, qu'ils sont destinés à des usages saints. Il fut saint, c'est-à-dire, ferme en bonnes oeuvres, à cause de la longanimité de sa persévérance, et pur en son esprit : et couvert de sang, par la méditation de la passion du Seigneur : il fut consacré à de saints usages, en interprétant et en expliquant l’Écriture sainte. Il signifie bois ; parce qu'il habita quelque temps dans un bois ; il veut dire loi, par rapport à la discipline régulière qu'il enseigna, à ses moines, ou bien encore parce qu'il expliqua et interpréta la loi sainte.
Saint Grégoire, saint Jérôme, saint Ambroise et
saint Augustin. Livre de méditation. Robert Ciboule. Flandres. XVe.
Jérôme signifie encore, vision de beauté, ou juge des discours. La beauté est multiple ; la première est la spirituelle, qui réside dans l’âme ; la seconde est la morale, qui consiste dans l’honnêteté des mœurs ; la troisième est l’intellectuelle, qui est la beauté des anges : la quatrième est la supersubstantielle, qui appartient à Dieu ; la cinquième est la céleste, qui réside dans la patrie des saints. Jérôme vit en lui et posséda cette quintuple beauté. Il posséda la spirituelle, dans ses différentes vertus ; la morale, par l’honnêteté de sa vie ; l’intellectuelle, dans sa pureté éminente ; la supersubstantielle, dans son ardente charité ; la céleste, dans sa charité éternelle ou excellente. Il fut juge des discours, des siens et de ceux des autres ; des siens, en ne parlant qu'avec poids ; de ceux des autres, en approuvant ce qu'ils contenaient de vrai, en réfutant ce qui s'y rencontrait de faux, et en exposant les choses douteuses.
Saint Jérôme écrivant. Psautier de Charles le Chauve. IXe.
Jérôme fut le fils d'un homme noble nommé Eusèbe, et originaire de la ville de Stridonie, sur les confins de la Dalmatie et de la Pannonie. Jeune encore, il alla à Rome où il étudia à fond les lettres grecques, latines et hébraïques. Son maître de grammaire fut Donat, et celui de rhétorique, l’orateur Victorin. Il s'adonnait nuit et jour à l’étude des saintes Ecritures. Il y puisa avec avidité ces connaissances qu'il répandit dans la suite avec abondance.
Saint Jérôme écrivant. Bible. Hainaut. XVe.
A une époque, il le dit dans une lettre à Eustachius, comme il passait le jour à lire Cicéron et la nuit à lire Platon, parce que le style négligé des livres des Prophètes ne lui plaisait pas, vers le milieu du carême, il fut saisi d'une fièvre tellement subite et violente, que son corps se refroidit, et la chaleur vitale s'était retirée dans sa poitrine. Déjà qu’on préparait ses funérailles, quand tout à coup, il est traîné au tribunal du souverain juge qui lui demanda quelle était sa qualité, il répondit ouvertement qu'il était chrétien.
" Tu mens, lui dite juge ; tu es cicéronien, tu n'es pas chrétien car où est ton trésor, là est ton coeur."
Jérôme se tut alors et aussitôt le juge le fit fouetter fort rudement Jérôme se mit à crier :
" Ayez pitié de moi, Seigneur, ayez pitié de moi."
Ceux qui étaient présents se mirent en même temps à prier le juge de pardonner à ce jeune homme. Celui-ci proféra ce serment :
" Seigneur, si jamais je possède des livres profanes, si j'en lis, c'est que je vous renierai."
Sur ce serment, il fut renvoyé et soudain il revint à la vie. Alors il se trouva tout baigné de larmes, et il remarqua que ses épaules étaient affreusement livides des coups reçus devant le tribunal de Dieu. Depuis, il lut les livres divins avec le même zèle qu'il avait lu auparavant les livres païens.
Saint Jérôme. Vies de Saints. Bourgogne. XIIe.
Il avait vingt-neuf ans quand il fut ordonné cardinal prêtre dans l’église romaine. A la mort du pape saint Libère, saint Jérôme fut acclamé par tous digne du souverain pontificat. Mais ayant repris la conduite lascive de quelques clercs et des moines, ceux-ci, indignés à l’excès, lui tendirent des pièges. D'après Jean Beleth, ce fut au moyen d'un vêtement de femme qu'ils se moquèrent de lui d'une façon honteuse. En effet, saint Jérôme s'étant levé comme de coutume pour les matines trouva un habit de femme que ses envieux avaient mis auprès de son lit, et croyant que c'était le sien, il s'en revêtit et s'en alla ainsi à l’église. Or, ses ennemis avaient agi de la sorte afin qu'on crût à la présence d'une femme dans la chambre du saint. Celui-ci, voyant jusqu'où ils allaient, céda à leur fureur et se retira chez saint Grégoire de Nazianze, évêque de la ville de Constantinople.
Saint Jérôme recevant des instructions
de saint Damase. Bible. Avranches. XIIIe.
Après avoir appris de lui les saintes lettres, il courut au désert et il y souffrit pour Notre Seigneur Jésus-Christ tout ce qu'il raconte lui-même à Eustochium en ces termes :
" Tout le temps que je suis resté au désert et dans ces vastes solitudes qui, brûlées par les ardeurs du soleil, sont pour les moines une habitation horrible, je me croyais être au milieu des délices de Rome. Mes membres déformés étaient recouverts d'un cilice qui les rendait hideux ; ma peau, devenue sale, avait pris la couleur de la chair des Ethiopiens. Tous les jours se passaient dans les larmes ; tous les jours des gémissements, et si quelquefois un sommeil importun venait m’accabler, la terre nue servait de lit à mes os desséchés. Je ne parle point du boire ni du manger, quand les malades eux-mêmes usent d'eau froide, et quand manger quelque chose de cuit est un péché de luxure : et tandis que je n'avais pour compagnons que les scorpions et les bêtes sauvages, souvent je me trouvais en esprit dans les assemblées des jeunes filles ; et dans un corps froid, dans une chair déjà morte, le feu de la débauche m’embrasait. De là des pleurs continuels. Je soumettais ma chair rebelle à des jeûnes pendant des semaines entières. Les jours et les nuits étaient tout un le plus souvent, et je ne cessais de me frapper la poitrine que quand le Seigneur m’avait rendu à la tranquillité. Ma cellule elle-même me faisait peur, comme si elle eût été le témoin de mes pensées. Je m’irritais contre moi, et seul je m’enfonçais dans les déserts les plus affreux. Alors, Dieu m’en est témoin, après ces larmes abondantes il me semblait quelquefois être parmi les chœurs des anges."
Saint Jérôme au désert avec son lion.
Benvenutto di Giovanni. XVe.
Saint Paulin, évêque d'Antioche, l'ordonna prêtre ; ce fut en sa compagnie et celle de saint Epiphane, qu'à l'occasion de certaines controverses entre évêques il revint à Rome, où Damase, souverain Pontife, se l'attacha comme secrétaire dans la rédaction de ses lettres aux Eglises. Mais regrettant la solitude dont il jouissait auparavant, il reprit le chemin de la Palestine, et se fixa à Bethléhem près de la crèche du Sauveur. Il y menait une vie toute céleste dans le monastère que Paula de Rome avait bâti ; et bien qu'éprouvé par diverses maladies et souffrances, son pieux labeur d'étude et d'écriture sans fin avait raison de l'infirmité du corps.
Saint Jérôme au désert. Jacopo Bassano. XVIe.
Il fit ainsi pénitence pendant quatre ans, après quoi il revint à Bethléem, où il s'offrit à rester comme un animal domestique auprès de la crèche du Seigneur. Il relisait les ouvrages de sa bibliothèque qu'il avait rassemblée avec le plus grand soin, ainsi que d'autres livres ; et jeûnait jusqu'à la fin du jour. Il réunit autour de lui un grand nombre de disciples, et consacra quarante-cinq ans et six mois à traduire les Ecritures ; il demeura vierge jusqu'à la fin de sa vie. Bien que dans cette légende, il soit dit qu'il fut toujours vierge, il s'exprime cependant ainsi dans une lettre à Pammachius :
" Je porte la virginité dans le ciel, non pas que je l’aie."
Saint Jérôme remettant ses travaux à saint Damase.
Bible. Hainaut. XVe.
On recourait à lui de toutes parts comme à un oracle, dans les questions d'Ecriture sainte. Le Pape Damase, saint Augustin, le consultèrent souvent sur les endroits difficiles, à cause de sa science éminente et de la connaissance qu'il avait, non seulement des langues latine et grecque, mais aussi de l'hébreu et du chaldéen ; au témoignage du même saint Augustin, il avait lu presque tous les auteurs. La vigueur de ses écrits en faisait le fléau des hérétiques, tandis que son appui tut toujours assuré aux catholiques fidèles. Il traduisit de l'hébreu l'ancien Testament ; par ordre de Damase, il revisa le nouveau sur l'original grec ; il commenta une grande partie de l'Ecriture. Il traduisit encore en latin plusieurs savants ouvrages ; lui-même enrichit la science chrétienne d'autres monuments de son propre génie. Ce fut sous l'empire d'Honorius, qu'ayant atteint une vieillesse extrême, illustre autant par la sainteté que par la doctrine, il passa au ciel. Son corps, enseveli à Bethléhem, fut par la suite transporté à Rome dans la basilique de Sainte-Marie-de-la-Crèche.
Enfin sa faiblesse l’abattit au point que couché en son lit, il était réduit, pour se lever, à se tenir par les mains à une corde attachée à une poutre, afin de suivre comme il le pouvait, les offices du monastère.
Saint Jérôme écrivant. Préfaces de la Bible. Bourgogne. XVe.
Autrefois chacun chantait à l’église ce qu'il voulait mais l’empereur Théodose, d'après Jean Beleth (ch. XIX), pria le pape Damase de confier à quelque savant le soin de régler l’office ecclésiastique. Le pape qui savait saint Jérôme instruit à fond dans les langues grecque et hébraïque et dans toutes les sciences, le chargea de cette rédaction. Alors saint Jérôme partagea le psautier entre les féries et assigna à chacune d'elles un nocturne particulier ; il institua de chanter à la fin de chaque psaume le Gloria Patri, selon que le rapporte Sigebert. Ensuite il mit dans un ordre convenable les épîtres et les évangiles qu'on devait chanter dans tout le cours de l’année, enfin tout ce qui concerne l’office, excepté le chant.
De Bethléem il envoya son travail au souverain Pontife qui en fit de grands éloges ainsi que les cardinaux et qui en confirma l’usage pour la suite. Après quoi saint Jérôme se fit construire un tombeau à l’entrée de la grotte où Notre-Seigneur fut enseveli ; et ce fut là, après avoir accompli quatre-vingt-dix ans et six mois, qu'il reçut la sépulture.
Saint Jerôme avec sainte Paula de Rome, dont on fait aussi
la fête aujourd'hui, et sainte Eustochie. F. de Zurbaran. XVIIe.
On voit quel profond respect eut pour lui saint Augustin par les lettres qu'il lui adressa. Dans l’une d'elles, il lui écrit en ces termes :
" Au, seigneur très cher, et très honoré, et honorable ami Jérôme, Augustin, salut, etc."
Autre part, il écrit ainsi de lui :
" Le prêtre Jérôme, très versé dans le grec, le latin et l’hébreu, vécut jusqu'à une extrême vieillesse dans les saints lieux, se livrant à l’étude des saintes lettres. La sublimité de ses discours brille de l’Orient à l’Occident comme la lumière du soleil."
Saint Prosper en ses chroniques en parle ainsi :
" Jérôme, prêtre illustre dans le monde entier, habitait Bethléem, il rendit des services à l’église par son génie éminent et ses travaux."
Le saint parle aussi de soi-même en ces termes à Albigensis :
" Il n'y a rien que je n'aie évité avec soin dès mon enfance comme l’esprit d'orgueil et la fierté de caractère qui attirent la colère de Dieu."
Il dit autre part :
" J'ai de l’appréhension dans les choses qui paraissent certaines."
Plus loin :
" Dans le monastère, nous exerçons l’hospitalité de tout coeur ; tous ceux qui viennent à nous, excepté les hérétiques, nous les recevons avec un visage gai et nous leur lavons les pieds à leur arrivée."
Saint Jérôme. Murillo. XVIe.
Saint Isidore s'exprime ainsi dans son livre des Etymologies (Liv. VI) :
" Jérôme possédait trois langues ; son interprétation est préférée à celle des autres, parce qu'il saisit mieux la valeur des termes, et que ses expressions sont claires et nettes ; en outre, parce qu'il est chrétien, il est plus sûr."
Sévère Sulpice, disciple de saint Martin, dans un de ses dialogues, parle, en ces termes, de saint Jérôme, son contemporain :
" Saint Jérôme, indépendamment du mérite de sa foi et de ses vertus, était instruit dans le latin, le grec et même l’hébreu, à tel point que personne n'oserait se comparer à lui pour telle science que ce fût : ses combats et ses luttes contre les méchants étaient de tous les jours et de tous les instants : les hérétiques le haïrent parce que toujours il les attaqua ; les clercs le haïrent parce qu'il reprit leurs crimes et leur manière de vivre : mais les gens de bien, sans exception, ne cessent de l’admirer et de l’aimer. En effet, tous ceux qui le pensent hérétique sont des extravagants. Toujours occupé à lire, toujours au milieu des livres, il ne se repose ni le jour, ni, la nuit. Toujours ou bien il lit ou bien il écrit."
Saint Jérôme au désert avec son lion.
Bréviaire romain. Auvergne. XVe.
Ainsi qu'on peut s'en assurer par ce qu'il en dit lui-même, il eut à souffrir d'un grand nombre de persécuteurs et de détracteurs. Mais il supporta de bon coeur ces persécutions. C'est ce qu'il écrit à Asella :
" Je rends grâce à Dieu d'être digne de la haine du monde. On se moque de moi comme d'un malfaiteur ; mais je sais que, pour arriver au ciel, il faut supporter la bonne comme la mauvaise renommée. Plût à Dieu que, pour le nom de mon Seigneur et pour la justice, la foule entière des infidèles me poursuivît. Que le monde ne peut-il s'élever encore avec plus de fureur pour m’avilir ! Je n'espère qu'une récompense : c'est de mériter les éloges de Notre Seigneur Jésus-Christ et la réalisation de ses promesses. Il est doux, il est bon d'être éprouvé, quand on peut en attendre la rémunération de Notre Seigneur Jésus-Christ dans le ciel. Les malédictions ont beau être grandes, si elles sont compensées par les encouragements de Dieu."
Il mourut vers l’an du Seigneur 420.
Saint Jérôme écrivant inspiré par le Saint-Esprit.
Bible. Avranches. XIIIe.
PRIERE
" Vous complétez, illustre Saint, la brillante constellation des Docteurs au ciel de la sainte Eglise. Voici que se lèvent, au Cycle sacré, les derniers astres manquant encore à sa gloire. Déjà s'annonce l'aurore du jour éternel ; le Soleil de justice apparaîtra bientôt sur la vallée du jugement. Modèle de pénitence, enseignez-nous la crainte qui préserve ou répare, dirigez-nous dans les voies austères de l'expiation. Moine, historien de grands moines (Paul ermite, Hilarion, Malch.) père des solitaires attirés comme vous en Ephrata par les parfums de la divine Enfance, maintenez l'esprit de travail et de prière en cet Ordre monastique dont plusieurs familles ont pris de vous leur nom. Fléau des hérétiques, attachez-nous à la foi Romaine ; zélateur du troupeau, préservez-nous des loups et des mercenaires ; vengeur de Marie, obtenez que fleurisse toujours plus sur terre l'angélique vertu.
Ô Jérôme, votre gloire participe surtout de la gloire de l'Agneau ouvrant pour les habitants des cieux le livre plein de mystères (Apoc. V.). La clef de David (Ibid. III, 7.) vous fut aussi donnée pour ouvrir les sceaux multiples des Ecritures, et nous montrer Jésus enfermé sous la lettre (Hier. Epist. LIII, al. CIII, ad Paulinum.). C'est pourquoi l'Eglise de la terre chante aujourd'hui vos louanges, et vous présente à ses fils comme l'interprète officiel du Livre inspiré qui la conduit à ses destinées. En même temps que l'hommage de l'Epouse et de la Mère, daignez agréer notre personnelle gratitude. Puisse le Seigneur, à votre prière, nous renouveler dans le respect et l'amour que mérite sa divine parole. Par vos mérites, puissent, autour du dépôt sacré, se multiplier les doctes et leurs recherches savantes. Mais que nul ne l'oublie : c'est à genoux qu'on doit écouter Dieu, si l'on veut le comprendre. Il s'impose, et ne se discute pas : bien qu'entre les interprétations diverses auxquelles peuvent donner lieu ses divins messages, il soit permis de chercher, sous le contrôle de son Eglise, à dégager la vraie ; bien qu'il soit louable d'en scruter sans fin les augustes profondeurs. Heureux qui vous suit dans ces études saintes ! Vous le disiez : " vivre au milieu de pareils trésors, s'y absorber, ne savoir, ne chercher rien autre, n'est-ce pas habiter déjà plus aux cieux qu'en terre ? Apprenons dans le temps ce dont la science doit nous demeurer toujours " (Hier. Epist. LIII, al. CIII, ad Paulinum.)."
Saint Jérôme soignant le lion.
Vies de Saints. Maître de Fauvel. XIVe.
LA LEGENDE DU LION DE SAINT JERÔME
Voici la légende de saint Jérôme qui explique poursuoi il est souvent représenté avec un lion :
Une fois, vers le soir, alors que saint Jérôme était assis avec ses frères pour écouter une lecture de piété, tout à coup un lion entra tout boitant dans le monastère. A sa vue, les frères prirent tous la fuite ; mais Jérôme s'avança au-devant de lui comme il l’eût fait pour un hôte. Le lion montra alors qu'il était blessé au pied, et Jérôme appela les frères en leur ordonnant de laver les pieds du lion et de chercher avec soin la place de la blessure. On découvrit que des ronces lui avaient déchiré la plante des pieds. Toute sorte de soins furent employés et le lion guéri, s'apprivoisa et resta avec la communauté comme un animal domestique. Mais Jérôme voyant que ce n'était pas tant pour guérir le pied du lion que pour l’utilité qu'on en pourrait retirer que le Seigneur le leur avait envoyé, de l’avis des frères, il lui confia le soin de mener lui-même au pâturage et d'y garder l’âne qu'on emploie à apporter du bois de la forêt. Ce qui se fit : car l’âne ayant été confié au lion, celui-ci, comme un pasteur habile, servait de compagnon à l’âne qui allait tous les jours aux champs, et il était son défenseur le plus vigilant durant qu'il paissait çà et là. Néanmoins, afin de prendre lui-même sa nourriture et pour que l’âne pût se livrer à son travail d'habitude, tous les jours, à des heures fixes, il revenait avec lui à la maison.
Saint Jérôme soignant le lion.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.
Or, il arriva que comme l’âne était à paître, le lion s'étant endormi d'un profond sommeil, passèrent des marchands avec des chameaux : ils virent l’âne seul et l’emmenèrent au plus vite. A son réveil, le lion ne trouvant plus son compagnon, se mit à courir çà et là en rugissant. Enfin, ne le rencontrant pas, il s'en vint tout triste aux portes du monastère, et n'eut pas la hardiesse d'entrer comme il le faisait d'habitude, tant il était honteux. Les frères le voyant rentrer plus tard que de coutume et sans l’âne, crurent que, poussé par la faim, il avait mangé cette bête ; et ils ne voulurent pas lui donner sa pitance accoutumée, en lui disant :
" Va manger ce qui t'est resté de l’ânon, va assouvir ta gloutonnerie."
Saint Jérôme. Retable de saint Michel. Détail. Anonyme aragonais. XVe.
Cependant comme ils n'étaient pas certains qu'il eût commis cette mauvaise action, ils allèrent aux pâtures voir si, par hasard, ils ne rencontreraient pas un indice prouvant que l’âne était mort, et comme ils ne trouvèrent rien, ils vinrent raconter le tout à saint Jérôme. D'après les avis du saint, on chargea le lion de remplir la fonction de l’âne ; on alla couper du bois et on le lui mit sur le dos. Le lion supporta cela avec patience : mais un jour qu'il avait rempli sa tâche, il alla dans la campagne et se mit à courir çà et là, dans le désir de savoir ce qui était advenu de son compagnon, quand il vit venir au loin des marchands conduisant des chameaux chargés et un âne en avant. Car l’usage de ce pays est que quand on va au loin avec des chameaux, ceux-ci afin de pouvoir suivre une route plus directe, soient précédés par un âne qui les conduit au moyen d'une corde attachée à son cou. Le lion ayant reconnu l’âne, se précipita sur ces gens avec d'affreux rugissements et les mit tous en fuite. En proie à la colère, frappant avec force la terre de sa queue, il força les chameaux épouvantés d'aller par devant lui à l’étable du monastère, chargés comme ils l’étaient.
Saint Jérôme soignant le lion. Bréviaire à l'usage de Paris. XIVe.
Quand les frères virent cela, ils en informèrent saint Jérôme :
" Lavez, très chers frères, dit le saint, lavez les pieds de nos hôtes ; donnez-leur à manger et attendez là-dessus la volonté du Seigneur."
Alors le lion se mit à courir plein de joie dans le monastère comme il le faisait jadis, se prosternant aux pieds de chaque frère. Il paraissait, en folâtrant avec sa queue, demander grâce pour une faute qu'il n'avait pas commise. Saint Jérôme, qui savait ce qui allait arriver, dit aux frères :
" Allez, mes frères, préparer ce qu'il faut aux hôtes qui viennent ici."
Il parlait encore quand un messager annonça qu'à la porte se trouvaient des hôtes qui voulaient voir l’abbé. Celui-ci alla les trouver ; les marchands se jetèrent de suite à ses pieds, lui demandant pardon pour la faute dont ils s'étaient rendus coupables. L'abbé les fit relever avec bonté et leur commanda de reprendre leur bien et de ne pas voler celui des autres. Ils se mirent alors à prier saint Jérôme d'accepter la moitié de leur huile et de les bénir. Après bien des instances, ils contraignirent le saint à accepter leur offrande. Or, ils promirent de donner aux frères, chaque année, une pareille quantité, d'huile et d'imposer la même obligation à leurs héritiers.
Saint Jérôme. Le Caravage. XVIe.
Rq : On ira avec fruit la remarquable notice des Petits Bollandistes au tome XI, pages 559 et suivantes :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307413.image.r=peti...
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