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dimanche, 21 octobre 2007

Dimanche 21 octobre 2007. XXIe dimanche après la Pentecôte.

- XXIe dimanche après la Pentecôte.

Extraits de l'Année liturgique de dom Prosper Guéranger.


Le mauvais serviteur refuse de patienter vis-à-vis de son débiteur. G. Doré. XIXe.

Les Dimanches qui vont suivre sont les derniers du Cycle ; mais le degré de proximité qui les met en rapport avec son dernier terme, varie chaque année selon le mouvement de la Pâque. Cette mobilité rend impossible la recherche d'un accord précis entre la composition de leurs Messes et les lectures de l'Office de la nuit, qui se font à terme fixe depuis le mois d'août en la manière que nous avons dite (VIIe Dim. ap. la Pentec.).

Cependant l'instruction que les fidèles doivent tirer de la sainte Liturgie serait incomplète, la préoccupation de l'Eglise dans ces dernières semaines ne leur apparaîtrait pas aussi claire qu'il convient pour les dominer pleinement, s'ils ne se rappelaient que les mois d'octobre et de novembre sont remplis, le premier par la lecture des Machabées qui nous animent pour les derniers combats, le second par celle des Prophètes annonçant les jugements de Dieu (Myst. du Temps ap. la Pentec. tome I.).

A LA MESSE

Durand de Mende, dans son Rational, s'applique à montrer que ce Dimanche et ceux qui le suivent relèvent toujours de l'Evangile des noces divines, et n'en sont que le développement.

" Parce que, dit-il pour aujourd'hui, ces noces n'ont point de plus grand ennemi que la jalousie de Satan contre l'homme, l'Eglise traite, en ce Dimanche, de la guerre contre Satan et de l'armure qu'il nous faut revêtir pour soutenir cette guerre, comme on le verra dans l'Epître. Et parce que le cilice et la cendre sont les armes de la pénitence, l'Eglise emprunte, dans l'Introït, la voix de Mardochée qui priait Dieu sous le cilice et la cendre
(Dur. Ration. VI, 138.)."

Les réflexions de l'évêque de Mende sont fondées. Mais, si la pensée de l'union divine qui se consommera bientôt ne quitte pas l'Eglise, c'est surtout néanmoins en s'oubliant elle-même, pour ne songer qu'aux hommes dont le salut lui a été confié par l'Epoux, qu'elle se montrera véritablement Epouse dans les malheurs des derniers temps. Nous l'avons dit : l'approche du jugement final, l'état lamentable du monde dans les années qui précéderont immédiatement ce dénouement de l'histoire humaine, inspire et remplit maintenant la Liturgie. Aujourd'hui, la partie de la Messe qui frappait surtout nos pères était l'Offertoire tiré de Job, avec ses Versets aux exclamations si expressives, aux répétitions si instantes ; et l'on peut dire, en effet, que cet Offertoire donne bien le vrai sens qu'il convient d'attribuer au vingt et unième Dimanche après la Pentecôte.

Le monde, réduit, comme Job sur son fumier, à la misère la plus extrême, n'a plus rien à espérer que de Dieu seul. Les saints qu'il renferme encore, entrant pour lui dans les dispositions du juste de l'Idumée, honorent le Seigneur par une patience et une résignation qui n'enlèvent rien à la puissance et à l'ardeur de leurs supplications. C'est le sentiment qui met tout d'abord en leur bouche la prière sublime que Mardochée formulait pour son peuple condamné à une extermination absolue, figure de celle qui attend le genre humain (Esth. XIII, 9-11.).

EPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Ephésiens. Chap. VI.

" Mes Frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans sa vertu toute-puissante. Revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable ; car nous n'avons point à lutter contre des hommes de chair et de sang, mais contre les princes et les puissances, contre les chefs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air. C'est pourquoi prenez l'armure de Dieu, afin de pouvoir résister, au jour mauvais, et demeurer parfaits en toutes choses. Tenez donc ferme, les reins ceints dans la vérité, revêtus de la cuirasse de justice, les pieds chaussés pour marcher dans la voie de l'Evangile de paix; ayez toujours le bouclier de la foi, sur lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés de l'esprit mauvais ; prenez aussi le casque du salut, et l'épée spirituelle qui est la parole de Dieu."

Les commencements de l'union divine sont, d'ordinaire, sous le charme d'une sérénité sans mélange. L'éternelle Sagesse qui, tout d'abord, a conduit l'homme par les épreuves laborieuses de la purification de l'esprit et des sens, le laisse, quand l'alliance est conclue, reposer sur son sein, et achève de se l'attacher par des délices enivrantes qui sont l'avant-goût des joies célestes. Il semble que, selon la prescription du Deutéronome (Deut. XXIV, 5.), nulle guerre, nul souci, ne doivent troubler les premiers temps de cette union fortunée. Mais une telle exemption des charges publiques ne se prolonge jamais ; car la guerre est la condition de tout homme ici-bas (Job. VII, 1.).

Le Très-Haut se complaît dans la lutte ; il n'est point de nom qui lui soit plus souvent appliqué par les Prophètes que celui de Dieu des armées. Son Fils, qui est l'Epoux, se présente à la terre comme le Seigneur puissant dans les combats (Psalm. XXIII, 8. 6.). L'épithalame sacré nous le montre ceignant l'épée (Psalm. XLIV, 4.), et se faisant jour par ses flèches aiguës au travers des ennemis (Ibid. 6.), pour arriver dans la valeur et la victoire jusqu'à son Epouse (Ibid. 5.). Pareille à lui, cette Epouse dont il a convoité la beauté (Ibid. 12.), qu'il veut associer à toutes ses gloires (Ibid. 10.), s'avance au-devant de lui dans l'éclat d'une parure de guerre (Cant. IV, 4.), entourée de chœurs chantant les hauts faits de l'Epoux (Ibid. VII, 1.), terrible elle-même comme une armée rangée en bataille (Ibid. VI, 9.). L'armure des forts charge ses bras et sa poitrine ; son cou rappelle la tour de David avec ses remparts et ses mille boucliers.

Dans les délices de son union avec l'Epoux, les plus vaillants guerriers l'entourent. Leur titre à cet honneur est la sûreté de leur glaive et leur science des combats ; chacun d'eux a l'épée au côté, dans la crainte des surprises de la nuit (Cant. III, 7-8.). Car d'ici que se lève le jour éternel, et que les ombres de la vie présente s'évanouissent (Ibid. IV, 6.) dans la lumière de l'Agneau pleinement vainqueur (Apoc. XXI, 9, 23.), la puissance est aux chefs de ce monde de ténèbres, nous dit saint Paul ; et c'est contre eux qu'il nous faut revêtir l'armure de Dieu dont il parle, si nous voulons être en mesure de résister, au jour mauvais.

Les jours mauvais, que signalait l'Apôtre Dimanche dernier déjà (Eph. V, 16.), sont nombreux dans la vie de chaque homme et dans l'histoire du monde. Mais, pour chaque homme et pour le monde, il est un jour mauvais entre tous : celui de la fin et du jugement, dont l'Eglise chante que le malheur et la misère en feront un jour grand d'amertume (Resp. Libéra me.). Les années ne sont données à l'homme, les siècles ne se suivent pour le monde, que dans le but de préparer le dernier jour. Heureux les combattants du bon combat et les vainqueurs en ce jour terrible (II Tim. IV, 7.), ceux qui, selon le mot du Docteur des nations, apparaîtront alors debout sur les ruines et parfaits en tout ! Ils ne connaîtront point la seconde mort (Apoc. 11, 11.) ; couronnés du diadème de la justice (II Tim. IV, 8.), ils régneront avec Dieu (Apoc. XX, 6.) sur le trône de son Verbe (Ibid. III, 21.).

La guerre est facile avec l'Homme-Dieu pour chef. Il ne nous demande, par son Apôtre, que de chercher notre force en lui seul et dans la puissance de sa vertu. C'est appuyée sur son Bien-Aimé que l'Eglise monte du désert ; soutenue ainsi, elle afflue de délices dans les plus mauvais jours (Cant. VIII, 5.). L'âme fidèle se sent émue d'amour à la pensée que les armes qu'elle porte sont celles mêmes de l'Epoux. Ce n'est point en vain que les Prophètes nous l'avaient dépeint à l'avance ceignant le premier le baudrier de la foi (Isai. XI, 5.), prenant le casque du salut (Ibid. LIX, 17.), le bouclier, la cuirasse de justice (Sap. V, 19-20.), le glaive de l'esprit qui est la parole de Dieu (Apoc. II, 16.) : l'Evangile nous l'a montré descendu dans la lice pour former les siens, par son exemple, au maniement de ces armes divines.

Armes multiples en raison de leurs multiples effets, et qui toutes cependant, offensives ou défensives, se résument dans la foi. Il est facile de le voir en lisant notre Epître, et c'est ce que notre chef divin a voulu nous apprendre, lorsqu'à la triple attaque dirigée contre lui sur la montagne de la Quarantaine, il se contenta de répondre en invoquant par trois fois l'Ecriture (Matth. IV, 1-11.). La victoire qui triomphe du monde est celle de notre foi, dit saint Jean (I Johan. V, 4.) ; c'est dans le combat de la foi que Paul, à la fin de sa carrière, résume les luttes de son existence (II Tim. IV, 7.) et de toute vie chrétienne (I Tim. VI, 12.).

C'est la foi qui, en dépit des conditions désavantageuses signalées par l'Apôtre, assure le triomphe aux hommes de bonne volonté. Si l'on devait, dans la lutte engagée, estimer les espérances de succès des parties adverses à la comparaison de leurs forces respectives, la présomption ne serait certes pas en notre faveur. Car ce n'est point à des êtres de chair et de sang comme nous le sommes, qu'il nous faut tenir tête, mais à des ennemis insaisissables, remplissant l'air et pourtant invisibles, intelligents et forts, connaissant à merveille les tristes secrets de notre pauvre nature déchue, et tournant tous leurs avantages contre l'homme à le tromper, pour le perdre en haine de Dieu. Créés à l'origine pour refléter dans la pureté d'une nature toute spirituelle l'éclat divin de leur auteur, ils montrent, accompli en eux par l'orgueil, ce hideux prodige de pures intelligences dévouées au mal et à la haine de la lumière.

Comment donc nous, qui déjà ne sommes par notre nature qu'obscurité, lutterons-nous avec ces puissances spirituelles mettant leur intelligence au service de la nuit ?
" En devenant lumière ", dit saint Jean Chrysostome (Chrys. Hom. XXII in ep. ad Eph.). La face du Père, il est vrai, ne doit point luire directement sur nous avant le grand jour de la révélation des fils de Dieu ; mais d'ici là, pour suppléer à notre cécité, nous avons la parole révélée (II Petr. II, 19.). Le baptême a ouvert l'ouïe en nous, quoique non encore les yeux ; Dieu parle par l'Ecriture et son Eglise, et la foi nous donne une certitude aussi grande que si déjà nous voyions.

Par sa docilité d'enfant, le juste marche en paix dans la simplicité de l'Evangile. Mieux que le bouclier, mieux que le casque et la cuirasse, la foi le couvre contre les dangers ; elle émousse les traits des passions, et rend impuissantes les ruses ennemies Point n'est besoin avec elle de subtils raisonnements ni de considérations prolongées : pour découvrir les sophismes de l'enfer ou prendre une décision dans un sens ou dans l'autre, ne suffit-il pas, en toute circonstance, de la parole de Dieu qui ne manque jamais ? Satan craint qui s'en contente. Il redoute plus un tel homme que toutes les académies ; il sait qu'en toute rencontre, il sera broyé sous ses pieds (Rom. XVI, 20.) avec une rapidité plus grande que celle de la foudre (Luc. X, 18.). Ainsi, au jour du grand combat (Apoc. XII, 7.), fut-il précipité des cieux par un seul mot de Michel l'Archange, devenu, comme nous l'avons dit, notre modèle et notre défenseur en ces jours.

L'Eglise, dans le Graduel et le Verset, rappelle au Seigneur qu'il n'a jamais cessé d'être le refuge de son peuple ; sa bonté, comme sa puissance, est d'avant tous les âges, parce qu'il est Dieu dès l'éternité. Qu'il protège donc maintenant les siens réduits à préparer dans leur petit nombre, comme autrefois Israël, l'exode final de l'Eglise quittant pour la vraie terre promise ce monde redevenu infidèle.


ÉVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XVIII.


Le mauvais serviteur refuse de patienter vis-àvis de son débiteur (détail). G. Doré. XIXe.

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole :
Le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Et ayant commencé à le faire, on lui en présenta un qui lui devait dix mille talents. Or, comme il n'avait pas de quoi rendre, son maître ordonna de le vendre avec sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, pour payer sa dette. Mais ce serviteur, se jetant à ses pieds, le priait disant :
" Ayez patience à mon endroit, et je vous rendrai tout."
Le maître ayant donc pitié de ce serviteur, le renvoya et lui remit sa dette.
Mais ce serviteur, étant sorti, trouva un de ses compagnons qui lui devait cent deniers, et le saisissant il l'étouffait, disant : Rends ce que tu dois. Et son compagnon, se jetant à ses pieds, le suppliait disant :
" Ayez patience à mon endroit, et je vous rendrai tout."
Mais l’autre ne voulut point l'entendre, et, s'en allant, il le fit mettre en prison jusqu'à ce qu'il payât sa dette.
Les serviteurs ses compagnons, voyant ce qui se passait, en furent grandement centristes, et ils vinrent raconter à leur maître tout ce qui était arrivé.
Alors son maître, le faisant venir, lui dit :
" Méchant serviteur, je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m'en avez prié ; ne fallait-il donc pas que vous aussi eussiez pitié de votre compagnon, comme moi-même j'ai eu pitié de vous ?"
Et le maître en colère le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé toute sa dette.
Ainsi fera pour vous mon Père céleste, si vous ne pardonnez chacun à votre frère, du fond de vos cœurs."


" Juge vengeur et juste, accordez-nous remise avant le jour des comptes (Sequ. Dies irae.) !"
C'est le cri qui s'échappe du cœur de l'Eglise en ces jours, lorsqu'elle songe au sort de ses innombrables fils moissonnés chaque année par la mort ; c'est la supplication qui doit s'élever de toute âme vivante, à la lecture de l'Evangile que nous venons d'entendre. La Prose des morts, d'où est tirée cette exclamation poignante, n'est point seulement une prière sublime pour les trépassés; elle est également, dans cette partie du Cycle, l'expression de l'attente de nous tous qui vivons encore, qui semblons abandonnés, oubliés sur le soir des siècles, et pourtant ne préviendrons point au pied du redoutable tribunal " ceux qui dorment déjà du grand sommeil " (I Thess. V, 14-16.).

" Combien grande sera la terreur, dit la sainte, Mère Eglise, quand le juge viendra pour tout scruter rigoureusement ! La trompette éclatante, retentissant par les sépulcres de l'univers, rassemblera tous les humains devant le trône. La mort et la nature seront dans la stupeur, lorsque ressuscitera la créature pour répondre à son juge.
On produira le livre écrit renfermant tout l'objet du jugement du monde. Quand donc s'assiéra le juge, tout ce qui se cache apparaîtra, rien ne demeurera sans vengeance. Que dirai-je alors, malheureux ? quel défenseur implorerai-je, quand à peine rassuré sera le juste ? Roi de majesté redoutable, qui sauvez gratuitement ceux qui doivent l'être, sauvez-moi, source de miséricorde. Souvenez-vous, ô doux Jésus, que je suis la cause de votre venue : ne me perdez pas en ce jour
(Sequ. Dies irae.) !"

Sans nul doute, une telle prière a toute chance d'être exaucée, lorsqu'elle s'adresse ainsi à celui qui n'a rien plus à cœur que notre salut, et qui, pour l'obtenir, s'est dévoué aux fatigues, aux tourments, à la mort de la croix. Mais nous serions inexcusables et mériterions doublement la condamnation, en ne profitant pas des avis qu'il nous donne lui-même, pour parer d'avance aux angoisses de " ce jour de larmes où l'homme coupable se lèvera de sa cendre pour être jugé " (Ibid.). Méditons donc la parabole de notre Evangile, qui n'a d'autre but que de nous enseigner un moyen sûr d'apurer dès maintenant nos comptes avec le Roi éternel.

Nous sommes tous, aie bien prendre, ce serviteur négligent, débiteur insolvable, que son maître est en droit de vendre avec tout ce qu'il possède et de livrer aux bourreaux. La dette contractée par nos fautes envers la Majesté souveraine est de telle nature qu'elle requiert, en toute justice, des tourments sans fin, et suppose un enfer éternel où, payant sans cesse, l'homme pourtant ne s'acquitte jamais. Louange donc et reconnaissance infinie au divin créancier ! Touché par les prières du malheureux qui le supplie de lui donner le temps de s'acquitter, il va plus loin que sa demande et lui remet dès l'instant toute sa dette.

Mais c'est à la condition pour le serviteur, la suite le fait bien voir et la clause est trop juste, d'en user avec ses compagnons comme son maître l'a fait avec lui. Exaucé si grandement par son Seigneur et Roi, délivré gratuitement d'une dette infinie, pourrait-il rejeter, venant d'un égal, cette même prière qui l'a sauvé, et se montrer impitoyable au sujet des obligations contractées envers lui ?

" Tout homme sans doute, dit saint Augustin, a son frère pour débiteur ; car quel est l'homme qui n'ait jamais été offensé par personne ? Mais quel est l'homme aussi qui ne soit le débiteur de Dieu, puisque tous ont péché ? L'homme est donc à la fois débiteur de Dieu, créancier de son frère. C'est pourquoi le Dieu juste t'a posé cette règle d'en agir avec ton débiteur comme il le fait avec le sien...
(Aug. Serm. LXXXIII, 2.)."

Tous les jours nous prions, tous les jours nous faisons monter la même supplication aux oreilles divines, tous les jours nous nous prosternons pour dire : " Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons nous-mêmes à nos débiteurs (Matth. VI, 12.). De quelles dettes parles-tu ? de toutes tes dettes, ou seulement d'une partie ? Tu vas dire : De toutes. Remets donc tout toi-même à ton débiteur, puisque c'est la règle posée, la condition acceptée (Aug. Ibid. 4.)."

" Il est plus grand, dit saint Jean Chrysostome, de remettre au prochain ses torts envers nous qu'une dette d'argent; car, en lui remettant ses péchés, nous imitons Dieu (Chrys. in ep. ad Eph. Hom. XVII, 1.)."

Et qu'est donc, après tout, le tort de l'homme envers l'homme, comparé à l'offense de l'homme envers Dieu ? Cependant, hélas ! celle-ci nous est familière : le juste la connaît sept fois le jour (Prov. XXIV, 16.) ; plus ou moins donc, elle remplit nos journées. Qu'au moins l'assurance d'être pardonnes chaque soir à la seule condition du désaveu de nos misères, nous rende accessibles à la miséricorde pour autrui.
C'est une sainte habitude que celle de ne regagner sa couche qu'à la condition de pouvoir s'endormir sur le sein de Dieu, comme l'enfant d'un jour ; mais si nous éprouvons l'heureux besoin de ne trouver à la fin de nos journées, dans le cœur du Père qui est aux cieux (Matth. VI, 9.), qu'oubli de nos fautes et tendresse infinie, comment prétendre garder en même temps dans notre cœur à nous de fâcheux souvenirs ou des rancunes, petites ou grandes, contre nos frères qui sont aussi ses fils ? Lors même que nous aurions été de leur part l'objet d'injustes violences ou d'atroces injures, leurs fautes contre nous égaleront-elles jamais nos attentats contre ce Dieu très bon dont nous sommes nés les ennemis, dont nous avons causé la mort ?

Il n'est donc point de circonstance où ne s'applique la règle de l'Apôtre : " Soyez miséricordieux, pardonnez-vous mutuellement comme Dieu vous a pardonné dans le Christ ; soyez les imitateurs de Dieu comme ses fils très chers " (Eph. IV, 32 ; V, 1.). Tu appelles Dieu ton Père, et tu gardes mémoire d'une injure ! " Ce n'est pas là le fait d'un fils de Dieu ", dit encore admirablement saint Jean Chrysostome ; " l'œuvre d'un fils de Dieu, c'est de pardonnera ses ennemis, de prier pour ceux qui le crucifient, de répandre son sang pour ceux qui le haïssent. Voilà qui est digne d'un fils de Dieu ; les ennemis, les ingrats, les voleurs, les impudents, les traîtres, en faire ses frères et ses cohéritiers (Chrys. in ep. ad Eph. Hom. XIV, 3.) !"

Nous donnons ici en son entier le célèbre Offertoire de Job, avec ses Versets. Ce que nous avons dit, au commencement de ce Dimanche, aidera à le faire comprendre. L'Antienne, seule conservée aujourd'hui, nous représente, dit Amalaire, les paroles de l'historien qui raconte simplement les faits, et elle se poursuit à cause de cela directement ; tandis que Job lui-même, le corps épuisé, l'âme remplie d'amertume, est mis en scène dans les versets : leurs répétitions, leurs suspensions, leurs reprises, leurs phrases inachevées, expriment au vif son souffle haletant et sa douleur (Amal. De eccl. Off. L. III, c. 39.).

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