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dimanche, 07 avril 2024

Dimanche in Albis ou dimanche de Quasimodo.

- Le dimanche in Albis, appelé vulgairement dimanche de Quasimodo.


 
L'incrédulité de saint Thomas. Email peint. Léonard Limosin. XVe.

Des cœurs droits et disposés à la foi n'auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne lit qu'entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l'homme est rarement aussi sincère ; il s'arrête sur le chemin, comme s'il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n'étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l'exaltation d'un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n'était que le langage de quelques femmes que l'imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n'a pas d'autre obstacle que ce vice. Si l'homme était humble, il s'élèverait jusqu'à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigne son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d'Emmaüs, et rien de tout cela ne l'a dépris de sa raison personnelle. La parole d'autrui qui, lorsqu'elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n'a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu'elle a pour objet d'attester le surnaturel. C'est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n'en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n'avait pas rompu avec ses frères; seulement il n'entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l'idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c'est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c'est de l'esprit et non du cœur qu'il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s'avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées (Ps. XI.), pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu'elle est honteuse d'elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c'est sous le couvert d'idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n'est pas elle qui s'exposera à un affront pour des miracles qu'elle juge inutiles, et qu'elle n'eût jamais conseillé à Dieu d'opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l'effraie ; n'a-t-elle pas eu déjà assez d'effort à faire pour admettre celui dont l'acceptation lui est strictement nécessaire ?


 
L'incrédulité de Thomas. Ivoire de morse. Allemagne. XIIe.

La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l'inquiète. L'action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l'erreur et la liberté du mal ; et elle ne s'aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n'est plus Roi sur la terre.

Or c'est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu'il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles :
" Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru !"
Thomas pécha, pour n'avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n'entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l'Eglise, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l'autorité sacrée, nous entraîne trop loin.
" Le juste vit de la foi " (Rom. I, 17.) ; c'est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s'il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l'Eglise avait pris tant de soins dans l'instruction de ses néophytes qu'elle les avait initiés par tant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l'action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l'intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l'homme naturel ? Non, il n'en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu'ici nous n'avons pas cru encore d'une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus :
" Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j'ai souvent pensé et agi comme si vous n'étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux."

A LA MESSE

Ce Dimanche, appelé vulgairement le Dimanche de Quasimodo, porte dans la Liturgie le nom de Dimanche in albis, et plus explicitement in albis depositis, parce que c'était en ce jour que les néophytes paraissaient à l'Eglise sous les habits ordinaires. Au moyen âge, on l'appelait Pâque close : sans doute pour exprimer qu'en ce jour l'Octave de Pâques se terminait. La solennité de ce Dimanche est si grande dans l'Eglise, que non seulement il est du rite Double, mais qu'il ne cède jamais la place à aucune fête, de quelque degré supérieur qu'elle soit.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pancrace, sur la Voie Aurélia. Les anciens ne nous ont rien appris sur les motifs qui ont fait désigner cette Eglise pour la réunion des fidèles en ce jour. Peut-être l'âge du jeune martyr de quatorze ans auquel elle est dédiée l'a-t-il fait choisir de préférence, par une sorte de rapport avec la jeunesse des néophytes qui sont encore aujourd'hui l'objet de la préoccupation maternelle de l'Eglise.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Jean, Apôtre. I, Chap. V.



Notre Seigneur Jésus-Christ entouré de Notre Dame et de saint Jean. Rogier van der Weyden. XVe.

" Mes bien-aimés, quiconque est né de Dieu est victorieux du monde ; et la victoire qui soumet le monde, c'est notre foi. Quel est celui qui triomphe du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C'est ce même Jésus-Christ qui est venu avec l'eau et le sang ; non seulement avec l'eau, mais avec l'eau et avec le sang. Et c'est l'Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont une même chose. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l'Esprit, l'eau et le sang ; et ces trois sont une même chose. Si nous recevons le témoignage des hommes, celui de Dieu est plus grand. Or ce grand témoignage de Dieu, c'est celui qu'il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu, a en soi le témoignage de Dieu."

L'Apôtre saint Jean célèbre en ce passage le mérite et les avantages de la foi ; il nous la présente comme une victoire qui met le monde sous nos pieds, le monde qui nous entoure, et le monde qui est au dedans de nous. La raison qui a porte l'Eglise à faire choix pour aujourd'hui de ce texte de saint Jean se devine aisément, quand on voit le Christ lui-même recommander la foi dans l'Evangile de ce Dimanche.

" Croire en Jésus-Christ, nous dit l'Apôtre, c'est vaincre le monde " ; celui-là n'a donc pas la foi véritable qui soumet sa foi au joug du monde. Croyons d'un cœur sincère, heureux de nous sentir enfants en présence de la vérité divine, toujours disposés à accueillir avec empressement le témoignage de Dieu. Ce divin témoignage retentira en nous, selon qu’il nous trouvera désireux de l'entendre toujours davantage. Jean, à la vue des linceuls qui avaient enveloppé le corps de son maître, se recueillit et il crut ; Thomas avait de plus que Jean l'attestation des Apôtres qui avaient vu Jésus ressuscité, et il ne croyait pas. Il n'avait pas soumis le monde à sa raison, parce que la foi n'était pas en lui.

EVANGILE


La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XX.



L'incrédulité de saint Thomas. Détail d'un triptyque. Maître de Saint-Barthélémy. Cologne. XVIe.

" En ce temps-là, sur le soir, le jour d'après le sabbat, les portes du lieu où les disciples étaient rassemblés étant fermées, de peur des Juifs, Jésus vint, et debout au milieu d'eux, il leur dit :
" La paix soit avec vous !"
Et ayant dit ces mots, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie de voir le Seigneur. Il leur dit de nouveau :
" La paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie."
Cela dit, il souffla sur eux et leur dit :
« Recevez le Saint-Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »
Or Thomas appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc :
" Nous avons vu le Seigneur."
Mais il leur dit :
" Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt là où étaient les clous, et ma main dans son côté, je ne croirai point."
Huit jours après, les disciples étant encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit :
" La paix soit avec vous !"
Puis il dit à Thomas :
" Mets ici ton doigt, et vois mes mains ; approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais fidèle."
Thomas répondant lui dit :
" Mon Seigneur et mon Dieu !"
Jésus lui dit :
" Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru."
Jésus fit encore devant ses disciples beaucoup d'autres miracles qui ne sont point écrits en ce livre ; mais ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu, et qu'en le croyant vous ayez la vie en son nom."


 
L'incrédulité de saint Thomas. Le Caravage. XVIe.

Nous avons insisté suffisamment sur l'incrédulité de saint Thomas ; il est temps maintenant de glorifier la foi de cet Apôtre. Son infidélité nous a aidés à sonder notre peu de foi ; que son retour nous éclaire sur ce que nous avons à faire pour devenir de vrais croyants. Thomas a contraint le Sauveur, qui compte sur lui pour en faire une des colonnes de son Eglise, à descendre avec lui jusqu'à la familiarité ; mais à peine a-t-il introduit son doigt téméraire dans les plaies de son maître que, tout aussitôt, il se sent subjugué. Le besoin de réparer, par un acte solennel de foi, l'imprudence qu'il a commise en se croyant sage et prudent, se fait sentir à lui : il jette un cri, et ce cri est la protestation de foi la plus ardente qu'un homme puisse faire entendre : " Mon Seigneur et mon Dieu !"

Remarquez qu'il ne dit pas seulement ici que Jésus est son Seigneur, son Maître ; qu'il est bien le même Jésus dont il a été le disciple ; ce ne serait pas encore la foi. Il n'y a plus foi, quand on palpe l'objet. Thomas aurait eu la foi de la Résurrection, s'il avait cru sur le témoignage de ses frères ; maintenant, il ne croit plus simplement, il voit, il a l'expérience. Quel est donc le témoignage de sa foi ? C'est qu'il atteste en ce moment que son Maître est Dieu. Il ne voit que l'humanité de Jésus, et il proclame tout d'un coup la divinité de ce Maître.
D'un seul bond, son âme loyale et repentante s'est élancée jusqu'à l'intelligence des grandeurs de Jésus : " Vous êtes mon Dieu !" lui dit-il.

Ô Thomas, d'abord incrédule, la sainte Eglise révère votre foi, et elle la propose pour modèle à ses enfants au jour de votre fête. La confession que vous avez faite aujourd'hui vient se placer d'elle-même à côté de celle que fit Pierre, lorsqu'il dit à Jésus :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant !" Par cette profession que ni la chair, ni le sang n'avaient inspirée, Pierre mérita d'être choisi pour être le fondement de l'Eglise ; la vôtre a fait plus que réparer votre faute ; elle vous rendit pour un moment supérieur à vos frères, que la joie de revoir leur Maître transportait, mais sur lesquels la gloire visible de son humanité avait fait jusqu'alors plus d'impression que le caractère invisible de sa divinité.

7 avril. Le Bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, Prémontré. 1230.

- Le Bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, Prémontré. 1230.

Papes : Grégoire IX. Empereur : Frédéric II.

" A periculis cunctis libera nos semper, Virgo gloriosa et benedicta."
" De tous les dangers, délivrez-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie."

Sub tuum praesidium.


Statue de saint Hermann-Joseph. Détail.
Basilique Saint-Hermann-Joseph. Steinfeld.

Le bienheureux Hermann de Steinfeld, dit Joseph, à cause de sa chasteté, eut pour patrie la ville de Cologne. Il y naquit en 1150.

Ses parents étaient de bonne condition et vivaient dans la plus extrême pauvreté après quelque revers de fortune. Il nommèrent leurs fils Hermann qui signidie homme d'arme mais aussi homme d'honneur, comme pour marquer qu'il ferait une guerre continuelle au démon et que les victoires qu'il remporterait lui vaudrait un honneur éternel dans le ciel.

En plus de son inclination précoce pour les sciences, son enfance fut remarquable par une piété vraiment angélique. Il passait de longs moments chaque jour dans les églises, devant l'image de Marie, à laquelle il confiait, ainsi qu'à Son divin Enfant, avec une naïveté charmante, tous ses petits secrets, ses petits chagrins, ses désirs. Il disait souvent, en terminant sa visite :
" Mon cher petit Jésus, je resterais bien avec Vous et avec Votre Sainte Mère ; mais il faut que j'aille à l'école ; bénissez-moi et pensez à moi en attendant mon retour !"

Un jour, il présenta une pomme à la Sainte Vierge, et la statue étendit sa main pour la recevoir. Tout enfant, il jouissait déjà de visions et de révélations célestes, et une fois il passa plusieurs heures dans un pieux entretien avec Jésus et Marie.

C'est pour lui, et à l'occasion d'une oraison, que Notre Dame a composé le Sub tuum praesidium confuginus, Sancta Dei Genitrix ; cette prière aujourd'hui encore si répandue dans l'Eglise catholique.

Dès l'âge de douze ans, Hermann se présenta aux Prémontrés, qui, ravis par la maturité et la douceur de cet humble et si jeune homme, l'acceptèrent dans leur Ordre. Après ses études, il remplit successivement avec régularité et charité les offices de réfectorier et de sacristain.

Les grâces extraordinaires étaient pour lui quotidiennes ; il était sans cesse embaumé de parfums célestes ; Marie lui apparut et mit l'Enfant Jésus dans ses bras. Une autre fois Elle lui fit savoir qu'Elle était très heureuse qu'on lui donnât le surnom de Joseph, qu'il n'osait accepter par humilité. Cette humilité était si parfaite, qu'il se croyait digne de l'anathème éternel, qu'il s'appelait un zéro, une pomme pourrie, un poids inutile sur la terre ; il ne se plaisait qu'à porter des habits usés et des chaussures rapiécées.

Dieu lui envoya des Croix si terribles et des souffrances si aiguës, qu'il devint comme une image vivante de Jésus crucifié. Jamais une plainte ne sortit de sa bouche ; il souffrit tout, le sourire sur son visage ; il ajoutait même à ces Croix des sacrifices volontaires et de terribles mortifications. Son historien (religieux prémontré contemporain de notre Bienheureux, du même monastère, de sorte qu'il le connut intimement, et le premier de soixante-douze biographes selon Pierre de Waghenaer qui composa sa vire en vers et la dédia au pape Alexandre IV), voulant donner une idée de sa charité, dit que " son coeur était comme un hôpital général où tous les affligés et les misérables trouvaient place ".


Tombeau de saint Hermann-Joseph. Basilique de Steinfeld.
Il s'y presse chaque année en ce jour de très nombreux pélerins.

C'est au monastère d'Holfen, de l'Ordre de Cîteaux, où ses supérieurs l'avaient envoyé pour y célébrer les divins Mystères aux religieuses qui y demeuraient, que notre Saint acheva son pélerinage ici-bas, le 7 avril 1230.

Les Prémontrés de Steinfeld obtinrent de l'archevêque de Cologne de lever son corps quelques mois plus tard et de le rapporter avec eux.


Notre Dame reçoit la pomme offerte par saint Hermann-Joseph.
Antonius Van Dick. XVIIe.

Un pieux poëte allemand a donné ces vers touchants sur l'enfance toute sainte de saint Hermann-Joseph :

" Sainte innocence de l'enfance, colombe du Bon Dieu, compagne aimable des anges, le ciel, fermé par le péché, est toujours ouvert pour toi. Sainte innocence de l'enfance, fleur du ciel, oubliée sur la terre, tu es semblable à une rose gracieuse dans un désert, tourmentée par le froid aquilon !


Jeune encore, saint Joseph Hermann s'en allait à l'école avec d'autres enfants, et, comme eux, il aimait à jouer. Mais, en le bien regardant, on voyait déjà que le ciel le désignait à une haute piété. Tel, dans le Temple antique, le rayon matinal perce à traver les vitraux anciens ;

Telle la source d'un grand fleuve jaillit inconnue du creux du rocher ; telle la harpe, riche d'harmonie, sommeille encore entre les bras de l'artiste rêveur. A l'école il avait apprit que Jésus a dit : " L'ornement de la sagessse, ce sont l'amour et l'humilité ".


Il avait entendu parler de l'Agneau divin mort sur la croix, mort pour ceux qui l'ont crucifié. Comme, à l'heure matinale, quand le soleil levant dore la cime des arbres et le sommet des montagnes, les chantres ailés remplissent, de leurs concerts argentins, les monts et les vallées ;


Ainsi la doctrine du Christ avait réveillé dans le coeur de l'enfant des sentiments assoupis, et son âme bientôt ressembla à un paradis céleste. Et, chaque jour, en allant à l'école, il allait d'abord saluer à genoux la Mère divine et son Enfant.


Avec son plus doux sourire, il leur apporte des fleurs, il leuir parle un dous langage, et il invite l'Enfant divin à venir partager ses jeux. Et cela dura ainsi des jours, des semaines, des mois.

Un jour enfin, de grand matin, Joseph aborde l'Enfant Jésus, une pomme à la main, et le sourire sur les lèvres ? Qui n'eût souri aussi en voyant le naïf offrir une pomme à la Sainte Vierge ?

" Bonne Vierge Marie, et vous, mon doux Jésus, prenez, je vous prie, cette pomme que je vous apporte, cette pomme blanche et rouge !"
La statue d'airain n'entendit pas la prière de l'enfant, mais la Sainte Vierge au ciel l'avait entendue.

La Vierge d'airain s'anime, sourit, se penche vers l'enfant, tend son bras, et reçoit le fruit ; puis elle remercie avec un sourire. Et, de ce jour, elle le combla, toute sa vie, de grâces et de faveurs.

Sainte innocence de l'enfance, colombe du Bon Dieu, compagne aimable des anges, pour toi le ciel, fermé par le péché, est toujours ouvert !"

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samedi, 06 avril 2024

6 avril. Saint Marcellin de Carthage, homme d'Etat, martyr. 413.

- Saint Marcellin de Carthage, homme d'Etat, martyr. 413.

Pape : saint Innocent Ier. Empereur : Honorius.

" Quand le juste est enlevé par la mort, il entre dans le lieu de son rafraîchissement et de son repos."
Sapient., IV.

Saint Augustin, avec saint Marcellin, contre les Donatistes.
Charles van Loo. XVIIIe.

Une lettre de saint Augustin fait en ces termes l'éloge de saint Marcellin :
" Il a vécu dans une grande piété, dans une conduite sainte, dans des sentiments vraiment chrétiens. Quelle probité dans ses mœurs ! Quelle fidélité dans sa piété Chaste dans le mariage, intègre dans l'administration de la justice, patient envers ses amis, charitable envers tous, en toute occasion prêt à faire plaisir, réservé à demander pour lui quelque grâce, les bonnes œuvres lui donnaient la joie, et les mauvaises de la douleur ; compatissant et secourable, son cœur était toujours ouvert pour pardonner à ses ennemis, et même pour les aimer Il était plein de confiance en Dieu et appliqué à la prière. Jamais il ne parlait des vérités du salut, dont il était bien instruit, qu'avec respect et modestie. II aurait renoncé à tous les emplois du siècle, s'il n'eût été engagé dans le mariage ; mais au milieu de ses biens, il était indissolublement attaché à Jésus-Christ."

Dieu devait couronner tant de vertus par un glorieux martyre.

La cause de sa mort fut le zèle qu'il déploya contre des schismatiques nommés donatistes, espèce de jansénistes africains qui refusaient d'admettre au pardon et à la communion catholique, ceux qui ayant eu la faiblesse de livrer les saintes Ecritures dans la persécution, demandaient avec repentir l'absolution de leur faute.

Une conférence fut convoquée en 410, à Carthage, non pas pour décider la question de droit, car il a toujours été vrai qu'à tout péché miséricorde, mais pour savoir à quel évêque le peuple devait obéir " au catholique ou au donatiste ", dans les villes où chaque communion avait le sien.

Marcellin, secrétaire d'Etat d'Honorius, fut nommé pour présider cette conférence, et assurer l'exécution des mesures qui seraient arrêtées en commun. Les éveques catholiques dffrirent à leurs adversaires de partager avec eux leurs sièges, et au besoin, de les leur céder.

L'esprit de discorde, qui est celui des disciples de Satan, ne permit pas aux donatistes de se réunir à la communion des fidèles, et leur fit rejeter toute espèce d'arrangement. Des lors, la cause des catholiques était gagnée conformément à son mandat, Marcellin appliqua les lois sévères portées contre ces dissidents, qui, dans leur turbulence, ne respectaient ni les personnes, ni les propriétés. De ce moment, tout fut mis en œuvre pour perdre l'intègre Marcellin.

Si les catholiques avaient pour eux l'intègre Marcellin, les donatistes avaient dans leur parti le comte Marin. Or, Marin était précisément, à cette époque, en Afrique, occupé à réprimer la rébellion d'un certain Héraclien, qui avait tenté de se rendre indépendant dans son gouvernement. Abusant de ses pleins pouvoirs militaires, le généralissime d'Hono-rius impliqua Marcellin dans la révolte d'Héraclien, et quoique l'accusation
fût dénuée de tout fondement, Marcellin fut mis avec son frère dans une affreuse prison qui ne recevait aucune lumière.

Dans ce lieu triste, son frère lui dit un jour :
" Si ce sont mes péchés qui m'ont attiré cette disgrâce, par où avez-vous mérité d'y tomber, vous dont la vie a été toujours chrétienne ?
- Quand ce que vous dites serait véritable, répondit Marcellin, et quand néanmoins j'en devrais perdre la vie, n'en dois-je pas rendre grâces à Dieu, qui me punit en ce monde pour m'épargner en l'autre ?"


Saint Augustin, qui aimait le tribun à cause de ses belles qualités, et qu'il estimait pour ses vertus, vint exprès à Carthage pour le justifier auprès de Marin, et lui fit promettre qu'il lui laisserait la vie ; mais le comte, foulant aux pieds sa promesse, le condamna à perdre la tête.

L'évêque d'Hippone alla visiter MarceUin dans sa prison, et il rend le compte le plus touchant des dispositions où il le trouva. Lui ayant demandé s'il n'avait jamais commis quelqu'un de ces péchés qui s'expient par la pénitence canonique, il lui répondit en lui serrant la main droite :
" Je vous jure par cette main qui m'a administré les sacrements que je viens de recevoir, que je ne me suis jamais rendu coupable de pareils péchés."
La cour, persuadée de l'innocence des deux frères, avait envoyé dire au comte Marin de les élargir ; mais pour satisfaire sa vengeance, il s'était hâté de les faire exécuter.

Honorius disgracia Marin pour cette barbare exécution, et donna à Marcellin le titre d'homme de glorieuse mémoire. Cet illustre ami de saint Augustin, à qui celui-ci avait dédié ses premiers écrits contre les Pélagiens et son grand ouvrage de la Cité de Dieu, fut mis à mort à Carthage, l'an 413, et il est honoré comme martyr le 6 avril.

Saint Jérôme et saint Augustin ont fait l'oraison funèbre de cette illustre victime des discordes religieuses.

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vendredi, 05 avril 2024

5 avril. Saint Vincent Ferrier, de l'Ordre de Saint-Dominique, confesseur. 1419.

- Saint Vincent Ferrier, de l'Ordre de Saint-Dominique, confesseur. 1419.

Papes : Innocent VI ; Martin V. Roi de France : Charles VI.

" Après les premiers Apôtres, Vincent est de tous les hommes apostoliques celui qui a fait le plus de fruits dans la parole de Dieu."
Louis de Grenade.

" Il fut l'Ange de l'Apocalypse, volant au milieu du ciel, pour annoncer le jour redoutable du jugement dernier."
Pie II. Bulle de la canonisation de saint Vincent Ferrier.


Saint Vincent Ferrier. Francesco del Cossa. XVe.

Aujourd'hui, c'est encore la catholique Espagne qui fournit à l'Eglise un de ses fils pour être proposé à l'admiration du peuple chrétien. Vincent Ferrier, l’Ange du jugement, nous apparaît, faisant retentir l'arrivée prochaine du souverain juge des vivants et des morts. Autrefois il sillonna l'Europe dans ses courses évangéliques, et les peuples remués par son éloquence foudroyante se frappaient la poitrine, criaient miséricorde au Seigneur, et se convertissaient En ce moment, il voit du haut du ciel le peuple fidèle régénéré par la pénitence, fortifié par le pain de vie, en un mot ressuscité avec Jésus-Christ. Tous, il est vrai, n'ont pas été dociles à l'appel de la grâce ; mais si nous recommandons les fugitifs à l'illustre Apôtre de la conversion, il peut encore parler à leurs coeurs, au nom du Maître de la vigne, et préparer pour le salaire les ouvriers de la onzième heure.


Saint Vincent Ferrier, tout jeune Dominicain. Francisco de Goya. XVIIIe.

Saint Vincent, né à Valence en Espagne le 23 janvier 1357, de l'ancienne famille de Ferrier, montra dès ses premières années la maturité d'un vieillard. Guillaume Ferrier, son père, et Cinstance Miguel, sa mère, étaient des personnes fort pieuses, et l'on peut croire que ce fut par les grandes aumô nes qu'ils faisaient aux pauvres qu'ils méritèrent d'avoir un tel fils.

Ayant reconnu de bonne heure, malgré la faiblesse de son âge, le peu de durée de ce monde rempli de ténèbres, il reçut à dix-huit ans l'habit de la religion dans l'Ordre des Frères-Prêcheurs. Après sa profession solennelle, il se livra avec ardeur à l'étude des saintes lettres, et conquit avec une grande distinction le degré de docteur en théologie.


Saint Vincent Ferrier. Angel Maria Camponesqui. XIXe.

Bientôt, sur l'obédience des supérieurs, il se mit à prêcher la parole de Dieu, à combattre la perfidie des Juifs, à réfuter les erreurs des Sarrasins avec tant de zèle et de succès, qu'il amena à la foi du Christ un nombre immense d'infidèles, et fit passer plusieurs milliers de chrétiens du péché à la pénitence, du vice à la vertu. Il avait été choisi de Dieu pour répandre les enseignements du salut chez toutes les nations, de quelque race et de quelque langue qu'elles fussent ; et en annonçant l'approche du dernier et redoutable jugement, il effrayait les âmes de tous ceux qui l'entendaient, les arrachait aux passions terrestres et les portait à l'amour de Dieu.


Saint Vincent Ferrier et saint Antoine. Anonyme madrilène. XVIIIe.

Dans l'accomplissement de ce ministère apostolique, son genre de vie fut constamment celui-ci , tous les jours, de grand matin, il célébrait une Messe chantée ; chaque jour aussi il adressait une prédication au peuple ; il gardait un jeûne inviolable, à moins d'une urgente nécessité; il ne refusa jamais à personne ses conseils toujours saints et équitables ; jamais il ne mangea de chair, ni ne porta de linge ; il apaisa les dissensions des peuples, et rétablit la paix entre des royaumes divisés ; enfin, au temps où la tunique sans couture de l'Eglise était déchirée par un schisme cruel, il se donna beaucoup de mouvement pour rétablir et consolider la réunion. Toutes les vertus brillèrent en lui; humble et simple, on le vit recevoir avec douceur et embrasser avec tendresse ceux qui l'avaient poursuivi de leurs calomnies et de leurs persécutions.


Prédication de saint Vincent Ferrier.
Dessin de Corrado Giaquinto. XVIIIe.

La puissance divine opéra par lui beaucoup de signes et de prodiges en confirmation de la sainteté de sa vie et de sa prédication. Souvent, par l'imposition de ses mains sur les malades, il leur rendit la santé; il chassa les esprits immondes du corps des possédés, rendit l'ouïe aux sourds, la parole aux muets, la vue aux aveugles ; il guérit les lépreux, et ressuscita des morts. Enfin, accable de vieillesse et de maladie ,après avoir parcouru plusieurs pays de l'Europe avec un grand profit pour les âmes, cet infatigable héraut de l'Evangile acheva le cours de sa prédication et de sa vie à Vannes en Bretagne, l'an du salut mil quatre cent dix-neuf. Il fut mis au nombre des Saints par Calixte III, mais c'est Pie II qui signa sa bulle de canonisation.


Anonyme espagnol. XVIe.

CULTE ET RELIQUES

Ses saintes reliques sont toujours dans la cathédrale Saint-Pierre de Vannes où l'on ne manquera pas de les vénérer. C'est en effet en Basse-Bretagne que notre Saint termina son pélerinage ici-bas en 1419, après avoir parcouru sa vie durant la quasi-totalité de l'Europe occidentale, royaume d'Angleterre et royaume d'Ecosse compris.

Les Paysans catholiques bretons sauvèrent les précieuses reliques de notre Saint pendant la tourmente révolutionnaire en les dissimulant jusqu'à l'appaisement de cette monstrueuse avanie.

Aux temps où la Bretagne, et Vannes en particulier, étaient encore catholiques, il se faisait le cinq février dans cette ville une procession générale des saintes reliques de saint Vincent Ferrier. Pour l'occasion, les habitants arboraient à leurs fenêtres leurs plus belles nappes et laurs plus beaux draps blancs. Nous avons connu personnellement de vieux témoins de cette pieuse dévotion publique éteinte après la deuxième guerre mondiale.
 

Apothéose de saint Vincent Ferrier. Lucas de Valdès. XVIIe.

PRIERE

" Que votre voix fut éloquente, Ô Vincent, lorsqu'elle vint troubler l'assoupissement des hommes, et leur fit éprouver les terreurs du grand jugement ! Nos pères entendirent cette voix ; ils revinrent à Dieu, et Dieu leur pardonna. Nous aussi, nous nous étions endormis, lorsque l'Eglise, à l'ouverture du Carême, troubla notre sommeil en marquant de la cendre nos fronts coupables, et en nous rappelant l'irrévocable sentence de mort que Dieu a prononcée sur nous.


Anonyme espagnol. XVIIIe.

Dans le cours de la sainte Quarantaine, nous avons réfléchi sur nos fins dernières, et la méditation des jugements de Dieu nous a éclairés. Nous avons vu ensuite passer sous nos yeux le divin Rédempteur chargé de sa croix, et nos cœurs ébranlés d'abord ont été touchés et convertis. Sa mort a été notre vie, et nous sommes entrés en partage de sa Résurrection. Priez, Ô Vincent, afin que nous ne mourions plus, afin que la trompette de l'Ange du jugement, lorsqu'elle retentira, nous trouve dans une heureuse attente du second avènement de notre Emmanuel. Nous avons commencé parla crainte ; obtenez que l'espérance qui la remplace en ce moment se maintienne en nous, et qu'elle soit toujours justifiée par nos œuvres.


Monument dédié à saint Vincent Ferrier. Valence. Espagne.

Ami des âmes, nous remettons entre vos mains l'œuvre de notre persévérance. Priez aussi, Ô Vincent, pour l'Espagne qui vous donna le jour, et au sein de laquelle vous avez puisé la foi, la profession religieuse et le sacerdoce ; mais souvenez-vous de la France, votre seconde patrie, que vous avez évangélisée avec tant de fatigues et de succès ; souvenez-vous de la catholique Bretagne, qui garde si religieusement votre dépouille sacrée. Vous fûtes notre apôtre dans des temps malheureux ; les jours où nous vivons le sont plus encore : daignez, du haut du ciel, vous montrer toujours notre fidèle protecteur."

La Bible que saint Vincent Ferrier ne quittait jamais. Il s'agit d'une
version de la Vulgate ; notre Saint avait en effet une grande dévotion
pour saint Jérôme. Elle est conservée au trésor de la basilique
Saint-Vincent-Ferrier de Valence. Elle fut donnée, avec un fragment
de ses reliques, par les autorités religieuses de Vannes, au général
espagnol, Don Juan d'Aguilar, qui, au milieu du XVIe siècle, et selon
les ordres du roi Philippe II d'Espagne, vint défendre avec succès
la Basse-Bretagne des féroces et bestiales menées des Calvinistes.

EXTRAITS DE LA VIE SPIRITUELLE DE SAINT VINCENT FERRIER

Pour la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ je vous indiquerai les remèdes contre quelques tentations spirituelles que Dieu permet très communes en ce temps pour la purification et l'épreuve des élus. Elles n'attaquent ouvertement aucun des principaux articles de la foi, mais l'homme clairvoyant comprend vite quelles vont tout de même à détruire ces fondements de notre religion et qu'elles préparent à l'Antéchrist sa chaire et son trône.
Je ne les exposerai pas en détail pour n'être à personne une occasion de scandale ou de chute, mais je vous dirai de quelle prudence vous devez user pour en triompher.

Ces tentations surgissent de deux côtés : d'abord des suggestions et illusions du diable qui trompe l'homme dans ses relations avec Dieu et dans tout ce qui se rapporte à Dieu ; ensuite de la doctrine corrompue et des moeurs de ceux qui sont déjà tombés dans ces tentations.
Je vous indiquerai donc quelle doit être votre conduite à l'égard des hommes, de leur doctrine et de leur manière de vivre.


Saint Antonin de Florence et saint Vincent Ferrier.
Fernando Yanez de la Almedina. XVe.

I. Tentations qui viennent des suggestions diaboliques :

Voici donc les remèdes contre les tentations spirituelles que le diable soulève dans quelques âmes.

Ne pas désirer les grâces extraordinaires

Premier remède :

Ceux qui veulent vivre dans la volonté de Dieu ne doivent pas désirer obtenir par l'oraison, contemplation ou autres œuvres de perfection, des visions, des révélations ou des sentiments surnaturels dépassant l'état ordinaire de ceux qui ont pour dieu une crainte et un amour très sincères. Car un pareil désir ne peut venir que d'un fonds d'orgueil et de présomption, d'une curiosité vaine à l'égard de Dieu et d'une foi trop fragile. La grâce de Dieu abandonne l'âme prise de ce désir et la laisse tomber dans ces illusions et ces tentations du diable qui la séduit en des visions et des révélations trompeuses. C'est la tentation la plus commune de notre temps.

Consolations spirituelles et humilité


Deuxième remède :

Quand vous priez ou que vous contemplez, ne supportez jamais dans votre âme aucune consolation, même la moindre, si vous voyez qu'elle se fonde sur la présomption et l'estime de vous-même, si elle vous porte à désirer honneur et réputation et à vous croire digne de louange et de gloire en ce monde ou des joies du paradis.

L'âme qui prend plaisir à pareille consolation tombe dans plusieurs erreurs funestes. Par un juste jugement Dieu permet au démon d'accroître ces consolations, de les renouveler et de faire naître dans cette âme des sentiments tout à fait faux et dangereux qu'elle prend pour des communications divines.


Nativité avec saint Georges et saint Vincent Ferrier.
Fra Filippo Lippi. XVe.

Visions, foi et pureté

Troisième remède :

Tout sentiment, même très élevé, toute vision même sublime, du moment qu'ils vous disposent contre un article de foi, contre les bonnes mœurs, surtout contre l'humilité et la pureté, ayez-les en horreur : certainement ils sont l'œuvre du diable.

Même si votre vision ne vous inspire rien de semblable et vous apporte la certitude qu'elle est de Dieu et vous pousse à faire la volonté divine, cependant, ne vous appuyez pas sur elle.

Conseils des visionnaires


Quatrième remède :

Quelle que soit la piété, la sainteté de vie, l'élévation d'intelligence et autres qualités d'une personne, ne suivez jamais ses conseils ou ses exemples, si vous avez des raisons de croire que ses conseils ne sont pas selon Dieu ou la prudence chrétienne et qu'ils ne vous engageraient pas dans la voie tracée par Jésus-Christ et les saints et éclairée par les Saintes Ecritures.

Ne pas fréquenter les visionnaires

Cinquième remède :

Fuyez la société et la familiarité de ceux qui sèment et répandent ces tentations comme de ceux qui les défendent et les louent. N'écoutez ni leurs récits ni leurs explications. Ne cherchez pas à voir ce qu'ils font. Car le démon ne manquerait pas de vous faire voir en leurs paroles et leurs gestes des signes de perfection auxquels peut-être vous ajouteriez foi pour tomber et vous perdre avec eux.

Notre Seigneur Jésus-Christ avec saint Dominique,
saint Jean-Baptiste, saint Marc et saint Vincent Ferrier.
Maître de l'Epiphanie de Fiesole. XVe.

II. Tentations qui viennent de fausses doctrines et mauvais exemples :

Je vais vous indiquer aussi les remèdes à employer contre la doctrine et les exemples de quelques personnes qui propagent ces tentations.

Prudence et discrétion dans l'examen

Premier remède :

Ne faites pas grand cas de leurs visions, de leurs sentiments extraordinaires ni de leurs extases. Bien plus, si elles vous disent quelque chose contre la foi, la Sainte Ecriture ou les bonnes moeurs, ayez-en horreur toutes ces visions et extases qui sont de pures folies, des fureurs diaboliques.

Mais si elles sont conformes à la foi, à la Sainte Ecriture, aux exemples des saints et aux bonnes mœurs, ne les méprisez pas : vous vous exposeriez à mépriser ce qui vient de Dieu. Ne vous y fiez pas non plus sans réserve, car souvent, surtout dans les tentations spirituelles, les faux se cache sous l'apparence du vrai, le mal sous l'apparence du bien : le diable peut ainsi répandre son venin mortel dans un plus grand nombre d'âmes sans défiance.

Réflexion et conseil avant d'agir

Deuxième remède :

Si quelque révélation ou mouvement extraordinaire vous pousse à accomplir une oeuvre, surtout une œuvre importante sortant de vos habitudes, et dont vous vous demandez si elle plaira à Dieu, attendez avant d'agir jusqu'à ce que vous ayez examiné toutes les circonstances, en particulier le but et que vous ayez la certitude d'être agréable à Dieu.

Toutefois n'en jugez pas par vous-même, mais autant que possible en suivant les règles tirées de la Sainte Ecriture et des exemples des saints que nous pouvons imiter.

Je dis exemples que nous pouvons imiter, car saint Grégoire nous enseigne que plusieurs saints ont fait des choses qui ne sont pas imitables, quoique bonnes en elles-mêmes. Il suffit d'avoir pour elles respect et admiration.

Et si vous n'arrivez pas à connaître la volonté de Dieu, demandez à des personnes de vie et de doctrine sûres un conseil sincère.

Saint Vincent Ferrier. Baccio della Porta :
Fra Bartolommeo en religion. XVe.

Se réjouir de suivre la voie ordinaire

Troisième remède :

Si vous êtes exempt de ces tentations au point de ne les avoir pas éprouvées, ou si les ayant éprouvées vous en avez triomphé, élevez votre coeur et votre esprit vers Dieu pour reconnaître humblement ce grand bienfait. Remerciez souvent ou plutôt ne cessez de remercier de cette grâce. Prenez bien garde de ne pas attribuer à vos forces, à votre sagesse, à vos mérites, à votre conduite ou au hasard ce que vous avez gratuitement de la bonté de Dieu. Les saints enseignent que c'est surtout pour cela que Dieu nous retire sa grâce, et nous laisse en proie aux tentations et aux illusions du diable.

Ne rien faire dans le doute

Quatrième remède :

Lorsque vous éprouvez quelque tentation spirituelle qui vous jette dans le doute, n'entreprenez de votre propre initiative rien de grave que vous n'ayez déjà coutume de faire. Réprimez l'impulsion de votre coeur et de votre volonté : attendez humblement dans la crainte et le respect de Dieu qu'Il daigne vous éclairer. Tenez pour certain que si dans le doute vous entrepreniez de vous-même une chose grave et inaccoutumée, vous n'aboutiriez à rien de bon. Je ne veux parler que des choses graves et sortant de l'ordinaire sur lesquelles vous avez un doute.

Persévérez dans les pratiques communes

Cinquième remède :

Pour toutes ces choses extraordinaires ne laissez jamais un bien que vous avez entrepris avant qu'elles se produisent. Surtout gardez-vous d'abandonner la prière, la confession, la communion, les jeûnes et autres œuvres de piété et d'humilité, quand même vous n'y trouveriez aucune consolation.

Abandon à la divine volonté

Sixième remède :

Dans ces occasions, élevez votre cœur et votre esprit vers Dieu en Le priant humblement de faire ce qui sera le plus utile à sa gloire et au salut de votre âme. Soumettez votre volonté à sa divine volonté. Si sa volonté est de vous laisser dans ces tentations, que la vôtre soit de ne jamais L'offenser.

Rq : On lira avec foi et une sainte admiration la notice que les Petits Bollandistes consacrent à la vie hors-du-commun de l'extraordinaire apôtre de Notre Seigneur Jésus-Christ que fut saint Vincent Ferrier (T IV, pp. 215 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30734t.image.r=saint+vincent+ferrier.f221.pagination

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jeudi, 04 avril 2024

4 avril. Saint Isidore de Séville, archevêque de Séville, docteur de l'Eglise. 639.

- Saint Isidore de Séville, archevêque de Séville, docteur de l'Eglise. 639.

Pape : Honorius Ier. Rois d'Espagne : Sisebut ; Récarède II.

" Celui-là est heureux qui est sage selon Dieu : la vie heureuse c'est la connaissance de la divinité : la connaissance de la divinité est le fruit des bonnes oeuvres."
Saint Isidore de Séville.


Saint Isidore de Séville. Bartolome Esteban Murillo. XVIIe.

Isidore était de Carthagène d'Espagne : son père Sévérien souvent désigné comme préfet de cette ville, et sa mère Théodora étaient de la plus haute noblesse. Le plus jeune d'une famille de saints, Isidore eut deux frères, saint Léandre (27 février), saint Fulgence (14 janvier) et une soeur sainte Florentine (20 juin et 14 mars) ; tous 3 honorés comme lui d'un culte public.

L'incertitude plane sur le lieu de la naissance d'Isidore ; quelques auteurs se prononcent pour Carthagène, d'autres pour Séville où Sévérien était venu s'établir pour échapper aux vexations des ariens. Sur le berceau de l'enfant plane le merveilleux : ainsi on raconte que sa nourrice l'ayant oublié sous un arbre, un essaim d'abeilles vint se poser au-dessus de la tête d'Isidore et déposa sur ses lèvres un rayon de miel, présage de son génie. On dit aussi que sa soeur Florentine le voyait quelquefois tout petit enfant s'élever dans les airs, agiter ses mains comme quelqu'un qui lutte et veut terrasser un adversaire.


Saint Isidore de Séville. Imagerie populaire. XIXe.

Isidore était tout jeune lorsqu'il perdit ses parents : il devint le disciple chéri de Léandre son aîné, qui lui servit de père et eut toujours pour lui une singulière affection. Écrivant à la vierge Florentine sa soeur, Léandre s'exprimait ainsi :
" Je vous prie de vous souvenir de moi dans vos oraisons et de ne point oublier notre jeune frère Isidore. Nos parents nous l'ont confié et ils sont retournés au Seigneur sans crainte parce qu'ils le laissaient à la garde d'une soeur et de deux frères. Vous savez que je l'aime comme un tendre fils."

Et pourtant Léandre, dans l'éducation du jeune Isidore, usait de la verge, genre de correction que l'élève ne goûtait pas trop. On raconte, à ce sujet, que trouvant très peu d'attraits aux éléments des lettres, et redoutant le fouet, Isidore s'enfuit un jour secrètement de l'école ; il erra longtemps dans la plaine, s'arrêta exténué de fatigue et de soif auprès d'un puits : tout en se reposant, il regardait avec curiosité les sillons creusés sur la margelle et ne pouvait se rendre compte de la manière dont ils s'étaient produits. Une femme venue pour puiser de l'eau lui expliqua comment la corde toute faible qu'elle était avait fini par user la pierre elle-même. Le jeune fugitif en conclut que l'étude finirait par vaincre la dureté de son esprit et creuser aussi son sillon.


Saint Isidore de Séville. Jean Hey ou Jean Pichore.
Heures à l'usage de Rome. XVe.

Une volonté ferme et un travail sans relâche eurent raison des difficultés qui le rebutaient, les facultés intellectuelles d'Isidore se développèrent et, bientôt, il dépassa ses maîtres eux-mêmes. Sa réputation commença à s'étendre ; on venait de loin écouter le jeune écolier, on le faisait disserter sur les sujets les plus élevés, ses auditeurs et ses interlocuteurs s'en retournaient étonnés de la sagesse de ses réponses.

A l'âge où les autres enfants songent encore à s'amuser, Isidore avait déjà parcouru le Trivium et le Quadrivium, les livres des philosophes et les traités des législateurs. On pouvait déjà, dit le chroniqueur Arevalo, admirer en lui l'élévation de Platon, la science d'Aristote, l'éloquence de Cicéron, l'abondance de Didyme, l'érudition d'Origène, la gravité de Jérôme, la doctrine d'Augustin et la sainteté de Grégoire. On dit même que ce dernier, ayant lu une lettre d'Isidore, dont les pensées et le style étaient également remarquables, s'écria dans un enthousiasme prophétique :
" Voici un autre Daniel, voici quelqu'un qui dépassera Salomon !"


Saint Isidore de Séville. Manuscrit du XIe.

La vie studieuse et retirée d'Isidore a fait croire à quelques-uns qu'il avait été moine. Au XVIe siècle, des religieux d'Espagne l'ont revendiqué pour leur ordre ; les carmes l'ont disputé aux bénédictins, les chanoines de Saint-Augustin ont prétendu qu'il avait été des leurs : tout cela reste fort douteux et discutable.

De bonne heure Isidore mit ses connaissances au service de son pays ; associé aux travaux et aux persécutions dont ses frères furent les ouvriers et les victimes pour un temps, il apporta à la conversion des Goths ariens l'ardeur d'une conviction de famille, la générosité d'un apôtre. A peine admis aux premiers ordres de l'Église, il suivit saint Léandre, évêque Séville, dans les conciles et les assemblées publiques ; comme lui, il confondit les arguments et les fausses interprétations de l'erreur ; comme lui, il fut entouré de la vénération du peuple et des bénédictions des confesseurs de la foi. Pendant l'exil de son frère, il soutint les intérêts de l'Église opprimée, prémunit les fidèles contre les séductions de l'hérésie : aussi, lorsque saint Léandre vint à manquer à l'Espagne, Isidore parut le seul digne d'occuper le siège de Séville.


Saint Isidore prêchant. Maître François.
Speculum historiale. V. de Bauvais. XVe.

L'épiscopat de ce grand homme dura près de 40 ans : il fut fécond en heureux résultats pour l'Église et la société civile. Plein de zèle et d'amour pour son peuple, Isidore ne négligea rien de ce qui pouvait favoriser les progrès de la civilisation et de la foi. Il fit de sages règlements pour prévenir les abus, tint des conciles pour maintenir l'intégrité de la doctrine chrétienne, se montra partout le défenseur du droit et de la justice. Ses prédications apostoliques achevèrent de détruire les restes de l'arianisme ; sa vigilance étouffa en naissant les erreurs des hérétiques acéphales, négateurs de la dualité des Natures en Jésus-Christ. De fréquents miracles donnaient à sa parole persuasive par elle-même un force et une autorité nouvelle : plus d'une fois, à sa prière, le ciel s'ouvrit pour envoyer aux campagnes arides une pluie bienfaisante, des infirmes retrouvèrent la santé du corps avec celle de l'âme, la mort même obéit à sa voix et rendit ses victimes.

Une des grandes sollicitudes d'Isidore fut de continuer l'enseignement de son frère, de procurer à la jeunesse de son pays une instruction solide et chrétienne. Il fit construire en dehors des murs de Séville, un collège de magnifique apparence : il voulut ètre lui-même le premier professeur de son école. On se pressait autour de sa chaire pour entendre ses gloses sur l'Écriture sainte et les poètes profanes. Il eut soin de s'adjoindre des collaborateurs zélés, prévit et régla avec beaucoup de sagesse les détails de l'organisation intérieure. La discipline était paternelle ; les dispositions pénales étaient rigoureuses, la vie commune, la retraite et le silence rentraient dans les règles fondamentales. Cependant un libre cours était laissé aux douces effusions de la confiance et de l'amitié : tous les disciples d'Isidore conservèrent pour lui un amour filial jusqu'à la mort. Au IVe concile de Tolède qu'il présida, il rendit obligatoires pour toute l'Espagne de semblables institutions.

Ce digne évêque s'occupa aussi de la réglementation des offices de l'Église : il voulut qu'ils fussent célébrés avec majesté et dévotion, comme l'exige la grandeur infinie du Dieu que l'on y honore. On a considéré Isidore comme le créateur de cette liturgie espagnole, si poétique et si imposante, qui, sous le nom de mozarabe, survécut à la ruine de l'Eglise wisigothe, et mérita d'être ressuscitée par le grand Ximenès. Isidore dressa lui-même le Missel et le Bréviaire à l'usage de l'Église d'Espagne ; écrivain fécond, infatigable, prodigieusement érudit, il rédigea encore, entre autres travaux, l'Histoire des Goths, de leurs conquêtes et de leur domination.


Dessin à la plume de Bartolome Esteban Murillo. XVIIe.

On a associé son nom à un soi-disant décret de Gunthiniar, roi goth, et aux actes d'un concile de Tolède en 610, qui assignait le rang de métropole au siège de Tolède ; Isidore aurait signé le second les actes de ce concile, c'est-à-dire immédiatement après le roi, ce qui eût été porter quelque atteinte à l'Église de Séville. D'autre part, sous le règne de Sisebut, Isidore présida le IIe concile de Séville en novembre 618 ou 619. Là, l'Église de Séville est caractérisée de sainte Jérusalem. La conclusion de ce concile met en pleine lumière la doctrine concernant la personne de Jésus-Christ contre les acéphales ; on en appelle contre eux à l'Écriture sainte, au symbole des Apôtres, aux écrits des Pères.

Saint Isidore assista-t-il à un concile de Tolède vers 625 ? L'incertitude règne sur ce point. Isidore paraît bien faire allusion à ce concile dans une lettre à saint Braulion ; mais l'éditeur de ses oeuvres, Arevalo, suppose que cette réunion fut ajournée et tenue seulement huit ans plus tard. De fait, le IVe concile de Tolède fut tenu en 633, peu d'années avant la mort d'Isidore : celui-ci y présida comme métropolitain de Séville. Le roi goth, Swintila, avait été récemment déposé et remplacé par Sisenand : on ignore pour quelle raison Isidore favorisa la cause de ce dernier. En tout cas, ce prince assista au concile qui se tint dans la basilique de Sainte-Léocadie et se composa non seulement de prélats espagnols, mais aussi d'évêques de Gaule, de la province de Narbonne. On y rédigea 75 canons.


Saint Isidore de Séville écrivant. Bestiaire d'Aberdeen. Ecosse. XIe.

Parvenu à une extrême vieillesse et atteint de nombreuses infirmités, Isidore comprit que le temps du labeur était fini pour lui : il se prépara par la prière et la pénitence à paraître devant son juge. On dit qu'il prévit les malheurs de sa patrie et prononça des paroles effrayantes sur les futures destinées de l'Espagne ?

Au dernier terme de sa vie, il distribua en aumônes tout ce qui lui restait ; il manda auprès de son lit ses collègues dans l'épiscopat Jean et Epartius. Il se fit ensuite transporter dans la basilique de Saint Vincent, et étendre au milieu du choeur en face de l'autel. Là, couché sur la cendre, revêtu d'un cilice, entouré des clercs de son église, des élèves de son école, des religieux et des fidèles, il implora la miséricorde de Dieu :
" Seigneur, vous qui connaissez les coeurs des hommes, qui avez pardonné au publicain ses péchés, lorsque éloigné par respect de vos autels, il se frappait humblement la poitrine ; vous qui avez rendu la vie à Lazare mort depuis quatre jours, recevez maintenant ma confession, détournez vos yeux des péchés sans nombre que j'ai commis contre votre Majesté. C'est pour moi et non pas pour les justes que vous avez mis dans l'Église le bain salutaire de la pénitence."

Après avoir été absous par un des évêques, il reçut le saint viatique avec de grands sentiments d'humilité et de contrition. Il se recommanda aux prières de toute l'assistance, pria aussi pour son peuple, fit venir tous ses débiteurs et leur rendit leurs obligations. Enfin il donna le baiser de paix à ses prêtres, fit à son Église ses suprêmes adieux. On le reporta dans sa cellule où il expira quatre jours après (4 avril 639).

ÉCRITS

Les oeuvres d'Isidore ont un caractère encyclopédique : peu d'hommes ont eu une aussi grande variété de connaissances, toutes les sciences lui sont familières ; il a été le savant universel du Moyen Age. C'est bien ainsi que le présente son Livre des étymologies (20 livres), appelé aussi le Livre des origines des choses, manuel composé à la fin de sa vie, sur des notes anciennes, pour perpétuer parmi ses disciples le souvenir de ses explications orales ; les citations nombreuses qu'on y trouve attestent une vaste lecture. Isidore n'eut pas le temps de le corriger, il l'envoya à Braulion auquel l'oeuvre est dédiée pour qu'il y mît la dernière main. Cet inventaire de toutes les connaissances humaines fut très apprécié au Moyen Age. Il y en eut diverses éditions : Arevalo n'en compte pas moins de 10 entre les années 1470 et 1529.


Carte du monde connu. Etimologiae. Augsbourg. XVe.

Il a donné aussi des ouvrages de morale comme les Discours de consolation à un pénitent trop effrayé des jugements de Dieu, la Lamentation d'un pénitent sur ses péchés (en vers), la Prière pour demander à Dieu la grâce de se corriger, la Prière pour ne pas tomber dans les pièges du démon.

Isidore a donné aussi une série de traités sur l'Écriture sainte : Dissertations sur les noms de l'Écriture, sur les saints de l'Ancien et du Nouveau Testament, interprétations mystiques des principaux faits. Les deux livres des Offices divins, adressés à son frère saint Fulgence, sont une explication de l'ancienne liturgie espagnole. La règle des moines divisée en 24 chapitres est adressée aux religieux de la province Bétique.

On mentionnera aussi les deux livres contre les Juifs, De fide catholica contra judaeos, un des principaux monument de son génie, dédié à sa soeur sainte Florentine.

Saint Isidore de Séville présentant le livre " De fide catholica
contra judaeos " à sa soeur, sainte Florentine. De fide catholica
contra judaeos. Saint Isidore de Séville. Abbaye de Corbie. VIIIe.

Les écrits historiques d'Isidore lui ont donné une des premières places parmi les abréviateurs de son temps.

Cependant, on a exagéré les travaux d'Isidore et on lui a attribué toutes sortes d'écrits apocryphes. La meilleure édition de ses oeuvres est celle donnée en 7 volumes par F. Arevalo à Rome en 1797-1803. Voir aussi P. L., t. 81-84.

Pour une liste complète de ses écrits, on se reportera à la notice que consacrent les Petits Bollandistes à notre saint (T. IV, pp 189 et suiv.) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30734t.pagination

CULTE

Le corps d'Isidore fut déposé dans un des caveaux de sa métropole de Séville, entre celui de Léandre son frère et de Florentine sa soeur. Les biographes attribuent à saint Ildefonse l'épitaphe qui se lisait sur le tombeau d'Isidore ; elle est cependant d'une date postérieure.

Plus tard, les cendres d' Isidore furent transférées dans la ville de Léon par le roi Ferdinand Ier : on célébra cette translation le 22 décembre. Le nom d'Isidore fut inscrit au 4 avril dans les martyrologes à partir du IXe siècle. Le grand pape Benoît XIV a déclaré saint Isidore docteur de l'Eglise.


Saint Isidore et Isabelle la Catholique. Pedro Marcuello.
Reccueil de dévotion de la reine Isabelle la Catholique. XVe.
 
PRIERE

" Isidore, pasteur fidèle, le peuple chrétien honore vos vertus et vos services ; il se réjouit de la récompense dont le Seigneur a couronné vos mérites ; soyez-lui donc propice en ces jours de salut. Sur la terre, votre vigilance n'abandonna jamais l'heureux troupeau qui lui était confié : regardez-nous comme vos brebis, défendez-nous des loups ravissants qui nous menacent sans cesse. Que vos prières obtiennent pour nous la plénitude des grâces qui nous sont nécessaires pour persévérer dans la vie nouvelle que nous a communiquée notre divin Ressuscité. Obtenez que le mystère de la Pâque, dont vous nous avez révélé les grandeurs, se conserve en nous. Votre bénédiction pascale sur le peuple chrétien lui portera secours et protection comme aux anciens jours.

Du sein des joies éternelles, souvenez-vous aussi de votre patrie terrestre ; bénissez l'Espagne qui vous conserve un culte si fervent. Rendez-lui l'ardeur primitive de la foi ; renouvelez en son sein les mœurs chrétiennes; faites disparaître l'ivraie qui s'est levée parmi le bon grain. L'Eglise entière honore cette contrée pour sa fidélité dans la garde du dépôt de la doctrine du salut ; sauvez-la de toute décadence, et arrêtez les maux dont elle souffre ; qu'elle soit toujours fidèle, toujours digne du beau titre que vous l'avez aidée à conquérir."

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mercredi, 03 avril 2024

3 avril. Saint Sixte Ier, pape. 117, 127.

- Saint Sixte Ier, Pape. 117, 127.

Papes : Saint Alexandre Ier (prédécesseur, +117) ; saint Télesphore (successeur, +136). Empereurs : Adrien ; Antonin le Pieux.

" Après beaucoup de lecture et de connaissance, il en faut toujours revenir à un seul principe. C'est moi qui donne la science aux hommes, et j'accorde aux petits une intelligence plus claire que les hommes n'en peuvent communiquer."
Imitation, liv. III, chap. XLIII.

Saint Sixte Ier. Dessin. Antoine Montfort. XIXe.

Saint Sixte succéda, en l'an 117, à saint Alexandre Ier, dont un glorieux martyre avait couronné la glorieuse vie.

Le nouveau Pontife était en Orient lorsque les suffrages du clergé et du peuple l'élevèrent sur la chaire de saint Pierre il ne vint que trente-cinq jours après prendre possession d'une dignité qui le désignait d'avance au martyre.

Saint Sixte était Romain d'origine. Il eut pour père Pastor, qui habitait le quartier de la rue Large, le septième de la Rome d'Auguste. La Rome chrétienne en a consacré le souvenir par le titre cardinalice de Sainte-Marie-in-Via-Lata.

Sous son pontificat, les Gnostiques firent de grands maux à l'Eglise et lui en préparèrent de plus grands encore. Ces hérétiques, dont l'origine remontait à celle du christianisme, à Simon le Magicien lui-même, prétendaient avoir seuls l'intelligence, la connaissance parfaite des saintes Ecritures. A les entendre, la révélation contenue dans la Bible était d'ailleurs inexacte et insuffisante. Selon la morale de ces sectaires, le principe même de la Rédemption consistait dans l'affranchissement, par la satiété de toutes les passions.

" En conséquence dit Tertullien, leurs désordres ne se bornaient pas à des crimes vulgaires il leur fallait des crimes monstrueux. En haine de la chair, ils immolaient des enfants nouveau-nés, dont ils pilaient les membres mêlés à des aromates et en composaient un mets épouvantable. Dans le but de discréditer les chrétiens, ils se faisaient passer, aux yeux des païens, pour les disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ de là vient que les païens confondaient gnostiques et chrétiens dans la même haine."

Sacre de saint Pérégrin, évêque d'Auxerre, par Sixte Ier. Martyre de
saint Pérégrin. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Cet état des choses, au IIe siècle de l'Eglise, nous explique un des motifs, le plus puissant sans doute, pour lequel saint Sixte renouvela l'obligation des lettres formelles, ou lettres de recommandation, dont les fidèles, et à plus forte raison les évêques, devaient se munir lorsqu'ils passaient d'une église à une autre, d'un pays à un autre, afin qu'il fût possible aux pasteurs des peuples de distinguer les loups des brebis, et de ne pas introduire dans la bergerie les gnostiques, dont la présence seule dans l'Eglise eût été un sujet d'opprobre.

On doit encore à saint Sixte plusieurs autres règlements de discipline ecclésiastique :
- il défendit que nul ne touchât aux vases sacrés s'il n'était ministre des autels ;
- le corporal ne devait pas être d'une autre matière que de lin ;
- enfin le peuple devait continuer le chant du Trisagion commencé par le prêtre.

Si les païens ont rappelé avec honneur les noms de ceux qui avaient augmenté la pompe de leur culte absurde. Nous devons, Chrétiens, contempler avec respect les saints Pontifes qui ont successivement, selon l'esprit de la piété chrétienne, rendu plus vénérable le plus auguste de nos mystères.

Sous le pontificat de saint Sixte, la persécution se ralentit. Un proconsul, encore plus courageux que Pline, représentait à l'empereur Adrien combien il était injuste d'exercer des cruautés sans examen et sans procès, et par pure prévention, contre une classe dont toute la faute, aux yeux des Romains raisonnables, se trouvait uniquement dans le nom de chrétien car ces chrétiens respectaient les lois du pays, et obéissaient à l'empereur en tout ce qui n'était pas du tribunal de la conscience.

Cathédrale Saint-Paul où sont vénérées les reliques de saint Sixte Ier.
Alatri. Latium. Etats Pontificaux.

Ce proconsul fut Serenius Granianus. On doit inscrire dans l'histoire, en lettres d'or, le nom d'un ministre qui osa s'exposer à la haine du prince pour protéger deux pauvres infortunées, la vérité et la justice. L'empereur fut ému ; les lumineuses apologies que lui présentèrent saint Quadrat et saint Aristide achevèrent de l'apaiser. Adrien écrivit une lettre mémorable en faveur des chrétiens, défendit sévèrement de les dénoncer, voulut que les méchants, convaincus de calomnie à cet égard, fussent punis, et montra que, s'il n'était pas arrivé au point d'adorer Jésus, il était alors prêt a le vénérer. Cependant la persécution ne tarda pas à recommencer sous ce prince inconséquent. Sixte en fut la victime, mais la seule ; preuve nouvelle que ce prince opérait le bien par légèreté, et le mal par disposition naturelle de son caractère. Sur la fin de sa vie, il ordonna lui-même les plus lâches insultes contre le culte des chrétiens.

Saint Sixte fut enterré au Vatican, non loin de Saint-Pierre. En 1132, ses reliques furent portées dans l'église cathédrale d'Alatri où elles reposent encore. Cette ville le reconnaît, après saint Paul, pour son patron secondaire.

En trois ordinations faites au mois de décembre, selon l'usage, il avait créé quatre éveques pour divers lieux, onze prêtres et trois diacres. C'était un homme d'une rare sainteté, d'une grande pureté de mœurs, d'une extrême libéralité envers les pauvres. De nombreux miracles ont recommandé sa mémoire.

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3 avril. Saint Richard de Wyche, évêque de Chichester. 1253.

- Saint Richard de Wyche, évêque de Chichester. 1253.
 
Pape : Innocent IV. Roi d'Angleterre : Henri III.
 
" Si vous ouvrez un livre, pensez aussitôt à cet homme juste, le vieillard Siméon, prenant dans ses bras l'enfant Jésus pour le baiser ; et quand vous aurez lu, fermez le livre, en rendant à Dieu des actions de grâces pour le trésor caché que vous avez trouvé dans son champ."
Thomas a Kempis, Doct. juv., c., V.
 

Saint Richard encore jeune et gagnant sa vie comme valet de ferme.
Gravure de Jacques Callot. XVIIe.

Né en 1197, saint Richard de Wych était le second fils de Richard Backedine et Alice de Wyche. Son père mourut alors qu'il était encore jeune et, entre les mains d'un tuteur incompétent, la propriété familiale fut rapidement menée à la ruine. Après la mort de leur mère, le frère aîné de notre Saint fut longtemps retenu en prison pour dettes. Richard travailla généreusement à sa délivrance ; mais il s'appauvrit lui-même au point d'être obligé de gagner sa vie comme valet de ferme.

Bientôt il put aller à Paris continuer les bonnes études qu'il avait déjà faites dans sa jeunesse. Il se lia d'amitié avec deux amis choisis, aussi pauvres que lui ; ils n'avaient qu'un manteau à tous les trois et se voyaient obligés de n'aller prendre leurs leçons que l'un après l'autre. Leur nourriture était plus que frugale, un peu de pain et de vin leur suffisait, et ils ne mangeaient de chair ou de poisson que le dimanche. Cependant Richard assura depuis que ce fut là pour lui le beau temps, tant il était absorbé par la passion de l'étude. Ses succès furent prompts et remarquables, si bien qu'à son retour en Angleterre il professa fort brillamment à l'Université d'Oxford.

Son enseignement et sa sainteté étaient si réputés qu'Edmond Rich, devenu archevêque de Cantorbery, et Robert Grosseteste, évêque de Lincoln, lui proposèrent tous deux le poste de chancelier de leur diocèse respectif. Richard accepta l'offre de l'archevêque et devint un ami intime de saint Edme.

Richard approuva la position de l'archevêque qui s'opposa au roi Henri III sur la question des sièges vacants en lui reprochant de garder des diocèses sans évêques aussi longtemps que possible (parce que tant que les sièges épiscopaux étaient vacants, leurs revenus allaient à la Couronne).


Statue de saint Richard.

Richard accompagna saint Edme dans son exil à l'abbaye de Pontigny (près d'Auxerre), s'occupa de lui dans sa maladie et était présent au prieuré Notre-Dame à Soisy (aujourd'hui Soisy-Bouy, près de Provins) quand il mourut le 16 novembre 1240.

Saint Richard étudia ensuite la théologie chez les dominicains à Orléans, fut ordonné prêtre en 1243 et, après avoir fondé une chapelle en l'honneur de saint Edme, revint en Angleterre où il devint curé de Deal et recteur de Charring.
Il fut ensuité persuadé par Boniface de Savoie, nouvel archevêque de Cantorbery, de reprendre son poste de chancelier.

En 1244, Ralph Neville, évêque de Chichester, mourut. L'élection au siège vacant de Robert Passelewe, archidiacre de Chichester, fut invalidée par Boniface à un synode de ses suffragants, le 3 juin 1244, et, sur sa recommandation, le chapitre élut Richard, choix immédiatement confirmé par l'archevêque.

Henri III était indigné, car Robert Passelewe était un de ses favoris, et il refusa de rendre à Richard les revenus de son siège. Le saint plaida sa cause auprès du pape Innocent IV, qui le consacra personnellement à Lyon, le 5 mars 1245, et le renvoya en Angleterre.


Masque-effigie de Henri III sur son tombeau.
Cathédrale de Canterbury.

Mais Henri était intraitable. Sans toit dans son propre diocèse, Richard dépendait de la charité de son clergé. Enfin, en 1246, Henri fut amené par les menaces du pape à restituer à Richard les revenus du diocèse. Comme évêque, Richard vivait dans une grande austérité, offrant la plupart de ses revenus comme aumônes.

Richard constitua un grand nombre de statuts qui réglent de manière détaillée la vie du clergé, la célébration du service divin, l'administration des sacrements, les privilèges de l'église. Chaque prêtre du diocèse devait se procurer une copie de ces statuts et les amener au synode diocésain.


Cathédrale de la Très-Sainte-Trinité. Chichester (occupée et profanée
désormais par la secte anglicane). Angleterre. XIe et suivant.

Devenu désormais libre dans l'exercice de son ministère, il se fit remarquer par sa grande condescendance pour les petits et par sa miséricorde pour les pauvres. Comme on lui disait que ses dépenses excédaient ses revenus :
" Il vaut mieux, dit-il, vendre son cheval et sa vaisselle d'argent que de laisser souffrir les pauvres, membres de Jésus-Christ."

Un jour, distribuant du pain, il en eut assez pour contenter trois mille pauvres, et il lui en resta pour cent autres qui survinrent après. Ces multiplications merveilleuses se renouvelèrent plusieurs fois. Il honorait les religieux et les embrassait souvent :
" Qu'il est bon, disait-il, de baiser les lèvres qui exhalent l'encens des saintes prières offertes au Seigneur !"

Pour améliorer l'entretien de sa cathédrale, Richard institua une quête annuelle qui devait être faite dans chaque paroisse à Pâques ou à la Pentecôte. Il encouragea les ordres mendiants, en particulier les dominicains.

En 1250, Richard fut l'un des collecteurs de la levée de fonds pour les croisades et deux ans plus tard le roi le nomma pour prêcher la croisade à Londres. Il fit des efforts acharnés pour soulever l'enthousiasme pour la cause dans les diocèses de Chichester et Cantorbery, et alors qu'il était en route pour Douvres, où il devait consacrer une nouvelle église dédiée à saint Edme, il tomba malade. En arrivant à Douvres, il alla dans un hôpital appelé la " Maison Dieu ", procéda à la cérémonie de consécration le 2 avril.

Saint Richard mourut le matin suivant en baisant le Crucifix et en invoquant Marie contre les ennemis du salut.


Tombeau de saint Richard. Cathédrale de la Très-Sainte-Trinité.
Chichester. Angleterre.

Son corps fut ramené à Chichester et enterré dans la cathédrale. Il fut solennellement canonisé par Urbain IV dans l'église franciscaine de Viterbe en 1262 et le 20 février le pape autorisa le transfert de ses reliques dans un nouveau tombeau. Mais l'état troublé du pays empêcha que cela se fît jusqu'au 16 juin 1276, quand le tranfert fut effectué par l'archevêque Kilwardby en présence d'Édouard Ier. Ce tombeau fut violé, outragé et détruit lors de la prétendue réforme par ses féroces sectateurs. Rien ne prouve qu'il s'agit de l'autel très restauré dans le transept sud qui est maintenant couramment assigné à saint Richard, et on n'a connaissance d'aucune relique.

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