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dimanche, 16 avril 2023

Dimanche in Albis ou dimanche de Quasimodo.

- Le dimanche in Albis, appelé vulgairement dimanche de Quasimodo.


 
L'incrédulité de saint Thomas. Email peint. Léonard Limosin. XVe.

Des cœurs droits et disposés à la foi n'auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne lit qu'entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l'homme est rarement aussi sincère ; il s'arrête sur le chemin, comme s'il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n'étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l'exaltation d'un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n'était que le langage de quelques femmes que l'imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n'a pas d'autre obstacle que ce vice. Si l'homme était humble, il s'élèverait jusqu'à la foi qui transporte les montagnes.

Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigne son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d'Emmaüs, et rien de tout cela ne l'a dépris de sa raison personnelle. La parole d'autrui qui, lorsqu'elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n'a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu'elle a pour objet d'attester le surnaturel. C'est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n'en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n'avait pas rompu avec ses frères; seulement il n'entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l'idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.

Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c'est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c'est de l'esprit et non du cœur qu'il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s'avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées (Ps. XI.), pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu'elle est honteuse d'elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c'est sous le couvert d'idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n'est pas elle qui s'exposera à un affront pour des miracles qu'elle juge inutiles, et qu'elle n'eût jamais conseillé à Dieu d'opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l'effraie ; n'a-t-elle pas eu déjà assez d'effort à faire pour admettre celui dont l'acceptation lui est strictement nécessaire ?


 
L'incrédulité de Thomas. Ivoire de morse. Allemagne. XIIe.

La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l'inquiète. L'action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l'erreur et la liberté du mal ; et elle ne s'aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n'est plus Roi sur la terre.

Or c'est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu'il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles :
" Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru !"
Thomas pécha, pour n'avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n'entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l'Eglise, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l'autorité sacrée, nous entraîne trop loin.
" Le juste vit de la foi " (Rom. I, 17.) ; c'est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s'il demeure fidèle à son baptême.

Croyons-nous donc que l'Eglise avait pris tant de soins dans l'instruction de ses néophytes qu'elle les avait initiés par tant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l'action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l'intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l'homme naturel ? Non, il n'en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu'ici nous n'avons pas cru encore d'une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus :
" Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j'ai souvent pensé et agi comme si vous n'étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux."

A LA MESSE

Ce Dimanche, appelé vulgairement le Dimanche de Quasimodo, porte dans la Liturgie le nom de Dimanche in albis, et plus explicitement in albis depositis, parce que c'était en ce jour que les néophytes paraissaient à l'Eglise sous les habits ordinaires. Au moyen âge, on l'appelait Pâque close : sans doute pour exprimer qu'en ce jour l'Octave de Pâques se terminait. La solennité de ce Dimanche est si grande dans l'Eglise, que non seulement il est du rite Double, mais qu'il ne cède jamais la place à aucune fête, de quelque degré supérieur qu'elle soit.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pancrace, sur la Voie Aurélia. Les anciens ne nous ont rien appris sur les motifs qui ont fait désigner cette Eglise pour la réunion des fidèles en ce jour. Peut-être l'âge du jeune martyr de quatorze ans auquel elle est dédiée l'a-t-il fait choisir de préférence, par une sorte de rapport avec la jeunesse des néophytes qui sont encore aujourd'hui l'objet de la préoccupation maternelle de l'Eglise.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Jean, Apôtre. I, Chap. V.



Notre Seigneur Jésus-Christ entouré de Notre Dame et de saint Jean. Rogier van der Weyden. XVe.

" Mes bien-aimés, quiconque est né de Dieu est victorieux du monde ; et la victoire qui soumet le monde, c'est notre foi. Quel est celui qui triomphe du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C'est ce même Jésus-Christ qui est venu avec l'eau et le sang ; non seulement avec l'eau, mais avec l'eau et avec le sang. Et c'est l'Esprit qui rend témoignage que le Christ est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont une même chose. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l'Esprit, l'eau et le sang ; et ces trois sont une même chose. Si nous recevons le témoignage des hommes, celui de Dieu est plus grand. Or ce grand témoignage de Dieu, c'est celui qu'il a rendu au sujet de son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu, a en soi le témoignage de Dieu."

L'Apôtre saint Jean célèbre en ce passage le mérite et les avantages de la foi ; il nous la présente comme une victoire qui met le monde sous nos pieds, le monde qui nous entoure, et le monde qui est au dedans de nous. La raison qui a porte l'Eglise à faire choix pour aujourd'hui de ce texte de saint Jean se devine aisément, quand on voit le Christ lui-même recommander la foi dans l'Evangile de ce Dimanche.

" Croire en Jésus-Christ, nous dit l'Apôtre, c'est vaincre le monde " ; celui-là n'a donc pas la foi véritable qui soumet sa foi au joug du monde. Croyons d'un cœur sincère, heureux de nous sentir enfants en présence de la vérité divine, toujours disposés à accueillir avec empressement le témoignage de Dieu. Ce divin témoignage retentira en nous, selon qu’il nous trouvera désireux de l'entendre toujours davantage. Jean, à la vue des linceuls qui avaient enveloppé le corps de son maître, se recueillit et il crut ; Thomas avait de plus que Jean l'attestation des Apôtres qui avaient vu Jésus ressuscité, et il ne croyait pas. Il n'avait pas soumis le monde à sa raison, parce que la foi n'était pas en lui.

EVANGILE


La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. XX.



L'incrédulité de saint Thomas. Détail d'un triptyque. Maître de Saint-Barthélémy. Cologne. XVIe.

" En ce temps-là, sur le soir, le jour d'après le sabbat, les portes du lieu où les disciples étaient rassemblés étant fermées, de peur des Juifs, Jésus vint, et debout au milieu d'eux, il leur dit :
" La paix soit avec vous !"
Et ayant dit ces mots, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie de voir le Seigneur. Il leur dit de nouveau :
" La paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie."
Cela dit, il souffla sur eux et leur dit :
« Recevez le Saint-Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »
Or Thomas appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc :
" Nous avons vu le Seigneur."
Mais il leur dit :
" Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt là où étaient les clous, et ma main dans son côté, je ne croirai point."
Huit jours après, les disciples étant encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit :
" La paix soit avec vous !"
Puis il dit à Thomas :
" Mets ici ton doigt, et vois mes mains ; approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais fidèle."
Thomas répondant lui dit :
" Mon Seigneur et mon Dieu !"
Jésus lui dit :
" Parce que tu m'as vu, Thomas, tu as cru ; heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru."
Jésus fit encore devant ses disciples beaucoup d'autres miracles qui ne sont point écrits en ce livre ; mais ceux-ci ont été écrits, afin que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu, et qu'en le croyant vous ayez la vie en son nom."


 
L'incrédulité de saint Thomas. Le Caravage. XVIe.

Nous avons insisté suffisamment sur l'incrédulité de saint Thomas ; il est temps maintenant de glorifier la foi de cet Apôtre. Son infidélité nous a aidés à sonder notre peu de foi ; que son retour nous éclaire sur ce que nous avons à faire pour devenir de vrais croyants. Thomas a contraint le Sauveur, qui compte sur lui pour en faire une des colonnes de son Eglise, à descendre avec lui jusqu'à la familiarité ; mais à peine a-t-il introduit son doigt téméraire dans les plaies de son maître que, tout aussitôt, il se sent subjugué. Le besoin de réparer, par un acte solennel de foi, l'imprudence qu'il a commise en se croyant sage et prudent, se fait sentir à lui : il jette un cri, et ce cri est la protestation de foi la plus ardente qu'un homme puisse faire entendre : " Mon Seigneur et mon Dieu !"

Remarquez qu'il ne dit pas seulement ici que Jésus est son Seigneur, son Maître ; qu'il est bien le même Jésus dont il a été le disciple ; ce ne serait pas encore la foi. Il n'y a plus foi, quand on palpe l'objet. Thomas aurait eu la foi de la Résurrection, s'il avait cru sur le témoignage de ses frères ; maintenant, il ne croit plus simplement, il voit, il a l'expérience. Quel est donc le témoignage de sa foi ? C'est qu'il atteste en ce moment que son Maître est Dieu. Il ne voit que l'humanité de Jésus, et il proclame tout d'un coup la divinité de ce Maître.
D'un seul bond, son âme loyale et repentante s'est élancée jusqu'à l'intelligence des grandeurs de Jésus : " Vous êtes mon Dieu !" lui dit-il.

Ô Thomas, d'abord incrédule, la sainte Eglise révère votre foi, et elle la propose pour modèle à ses enfants au jour de votre fête. La confession que vous avez faite aujourd'hui vient se placer d'elle-même à côté de celle que fit Pierre, lorsqu'il dit à Jésus :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant !" Par cette profession que ni la chair, ni le sang n'avaient inspirée, Pierre mérita d'être choisi pour être le fondement de l'Eglise ; la vôtre a fait plus que réparer votre faute ; elle vous rendit pour un moment supérieur à vos frères, que la joie de revoir leur Maître transportait, mais sur lesquels la gloire visible de son humanité avait fait jusqu'alors plus d'impression que le caractère invisible de sa divinité.

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