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dimanche, 16 mars 2025

IIe dimanche de Carême.

- IIe dimanche de Carême.



Tryptique de la Transfiguration.
Panneau central. Gérard David. Flandres. XVe.

La sainte Eglise propose aujourd'hui à nos méditations un sujet d'une haute portée pour le temps où nous sommes. La leçon que le Sauveur donna un jour à trois de ses Apôtres, elle nous l'applique à nous-mêmes, en ce second Dimanche de la sainte Quarantaine. Efforçons-nous d'y être plus attentifs que ne le furent les trois disciples de notre Evangile, lorsque leur Maître daigna les préférer aux autres pour les honorer d'une telle faveur.

Jésus s'apprêtait à passer de Galilée en Judée pour se rendre à Jérusalem, où il devait se trouver pour la fête de Pâques. C'était cette dernière Pâque qui devait commencer par l'immolation de l'agneau figuratif, et se terminer par le Sacrifice de l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. Jésus ne devait plus être inconnu à ses disciples. Ses œuvres avaient rendu témoignage de lui, aux yeux même des étrangers ; sa parole si fortement empreinte d'autorité, sa bonté si attrayante, sa patience à souffrir la grossièreté de ces hommes qu'il avait choisis pour sa compagnie : tout avait dû contribuera les attacher à lui jusqu'à la mort. Ils avaient entendu Pierre, l'un d'entre eux, déclarer par un mouvement divin qu'il était le Christ, Fils du Dieu vivant (Matth. XVI, 16.) ; mais cependant l'épreuve qui se préparait allait être si redoutable pour leur faiblesse, que Jésus voulut, avant de les y soumettre, leur accorder encore un dernier secours, afin de les prémunir contre la tentation.



La Transfiguration. Icône du XIIe. Constantinople.

Ce n'était pas seulement, hélas ! pour la synagogue que la Croix pouvait devenir un sujet de scandale (I Cor. I, 23.) ; Jésus, à la dernière Cène, disait devant ses Apôtres réunis autour de lui :
" Vous serez tous scandalisés, en cette nuit, à mon sujet." (Matth. XXVI, 31.).

Pour des hommes charnels comme eux, quelle épreuve de le voir traîné chargé de chaînes par la main des soldats, conduit d'un tribunal à l'autre, sans qu'il songe même à se défendre ; de voir réussir cette conspiration des Pontifes et des Pharisiens si souvent confondus par la sagesse de Jésus et par l'éclat de ses prodiges ; de voir le peuple qui tout à l'heure lui criait hosannah demander sa mort avec passion ; de le voir enfin expirer sur une croix infâme, entre deux larrons, et servir de trophée à toutes les haines de ses ennemis !

Ne perdront-ils pas courage, à l'aspect de tant d'humiliations et de souffrances, ces nommes qui depuis trois années se sont attachés à ses pas ? Se souviendront-ils de tout ce qu'ils ont vu et entendu ? La frayeur, la lâcheté ne glaceront-elles pas leurs âmes, au jour où vont s'accomplir les prophéties qu'il leur a faites sur lui-même ? Jésus du moins veut tenter un dernier effort sur trois d'entre eux qui lui sont particulièrement chers : Pierre, qu'il a établi fondement de son Eglise future, et à qui il a promis les clefs du ciel ; Jacques, le fils du tonnerre, qui sera le premier martyr dans le collège apostolique, et Jean son frère, qui est appelé le disciple bien-aimé. Jésus veut les mener à l'écart, et leur montrer, durant quelques instants, l'éclat de cette gloire qu'il dérobe aux yeux des mortels jusqu'au jour de la manifestation.

Il laisse donc les autres disciples dans la plaine, près de Nazareth, et se dirige, avec les trois préférés, vers une haute montagne appelée le Thabor, qui tient encore à la chaîne du Liban, et dont le Psalmiste nous a dit qu'elle devait tressaillir au nom du Seigneur (Psalm. LXXXVIII, 13.). A peine Jésus est-il arrivé sur le sommet de cette montagne que tout à coup, aux yeux étonnés des trois Apôtres, son aspect mortel disparaît ; sa face est devenue resplendissante comme le soleil ; ses vêtements si humbles ont pris l'éclat d'une neige éblouissante. Deux personnages dont la présence était inattendue sont là sous les yeux des Apôtres, et s'entretiennent avec leur Maître sur les souffrances qui l'attendent à Jérusalem. C'est Moïse, le législateur, couronné de rayons ; c'est Elie, le prophète, enlevé sur un char de feu, sans avoir passé par la mort. Ces deux grandes puissances de la religion mosaïque, la Loi et la Prophétie, s'inclinent humblement devant Jésus de Nazareth.



Giovanni Bellini. XVIe.

Et non seulement les yeux des trois Apôtres sont frappés de la splendeur qui entoure leur Maître et qui sort de lui ; mais leur cœur est saisi d'un sentiment de bonheur qui les arrache à la terre. Pierre ne veut plus descendre de la montagne ; avec Jésus, avec Moïse et Elie, il désire y fixer son séjour. Et afin que rien ne manque à cette scène sublime, où les grandeurs de l'humanité de Jésus sont manifestées aux Apôtres, le témoignage divin du Père céleste s'échappe du sein d'une nuée lumineuse qui vient couvrir le sommet du Thabor, et ils entendent Jehovah proclamer que Jésus est son Fils éternel.

Ce moment de gloire pour le Fils de l'homme dura peu ; sa mission de souffrances et d'humiliations l'appelait à Jérusalem. Il retira donc en lui-même cet éclat surnaturel ; et lorsqu'il rappela à eux les Apôtres, que la voix tonnante du Père avait comme anéantis, ils ne virent plus que leur Maître. La nuée lumineuse du sein de laquelle la parole d'un Dieu avait retenti s'était évanouie; Moïse et Elie avaient disparu. Se souviendront-ils du moins de ce qu'ils ont vu et entendu, ces hommes honorés d'une si haute faveur ? La divinité de Jésus demeurera-t-elle désormais empreinte dans leur souvenir ? Quand l'heure de l'épreuve sera venue, ne désespéreront-ils pas de sa mission divine ? Ne seront-ils pas scandalisés de son abaissement volontaire ? La suite des Evangiles nous répond.

Peu de temps après, ayant célébré avec eux sa dernière Cène, Jésus conduit ses disciples sur une autre montagne, sur celle des Oliviers, à l'orient de Jérusalem. Il laisse à l'entrée d'un jardin le plus grand nombre d'entre eux ; et ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, il pénètre avec eux plus avant dans ce lieu solitaire.

" Mon âme est triste jusqu'à la mort, leur dit-il ; demeurez ici, veillez un peu avec moi." (Matth. XXVI, 38.). Et il s'éloigne à quelque distance pour prier son Père. Nous savons quelle douleur oppressait en ce moment le cœur du Rédempteur. Quand il revient vers ses trois disciples, une agonie affreuse avait passé sur lui ; une sueur de sang avait traversé jusqu'à ses vêtements. Au milieu d'une crise si terrible, les trois Apôtres veillent-ils du moins avec ardeur, dans l'attente du moment où ils vont avoir à se dévouer pour lui ? Non ; ils se sont endormis lâchement ; car leurs veux sont appesantis (Matth. XXVI, 43.). Encore un moment, et tous s'enfuiront, et Pierre, le plus ferme de tous, jurera qu'il ne le connaît pas.



Albrecht Bouts. Flandres. XVIe.

Plus tard, les trois Apôtres, témoins de la résurrection de leur Maître, désavouèrent par un repentir sincère cette conduite honteuse et coupable ; et ils reconnurent la prévoyante bonté avec laquelle le Sauveur les avait voulu prémunir contre la tentation, en se faisant voir à eux dans sa gloire, si peu de temps avant les jours de sa Passion. Nous, chrétiens, n'attendons pas de l'avoir abandonné et trahi, pour reconnaître sa grandeur et sa divinité. Nous touchons à l'anniversaire de son Sacrifice ; nous aussi, nous allons le voir humilié par ses ennemis et écrasé sous la main de Dieu. Que notre foi ne défaille pas à ce spectacle ; l'oracle de David qui nous le représente semblable à un ver de terre (Psalm. XXI, 7.) que l'on foule aux pieds, la prophétie d'Isaïe qui nous le dépeint comme un lépreux, comme le dernier des hommes, l'homme de douleurs (Isai. LIII, 4.) : tout va s'accomplir à la lettre. Souvenons-nous alors des splendeurs du Thabor, des hommages de Moïse et d'Elie, de la nuée lumineuse, delà voix du Père immortel des siècles. Plus Jésus va s'abaissera nos yeux, plus il nous faut le relever par nos acclamations, disant avec la milice des Anges, et avec les vingt-quatre vieillards que saint Jean, l'un des témoins du Thabor, a entendus dans le ciel :
" Il est digne, l'Agneau qui a été immolé, de recevoir la puissance et la divinité, la sagesse et la force, l'honneur, la gloire et la bénédiction !" (Apoc. V, 12.).

A LA MESSE

Le deuxième Dimanche de Carême est appelé Reminiscere, du premier mot de l'Introït de la Messe, et quelquefois aussi le Dimanche de la Transfiguration, à cause de l'Evangile que nous venons d'exposer.

La Station, à Rome, est dans l'Eglise de Sainte-Marie in Domnica, sur le mont Cœlius. Une tradition nous représente cette Basilique comme l'antique Diaconie où présidait saint Laurent, et dans laquelle il distribuait les aumônes de l'Eglise.

EPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Thessaloniciens. I, Chap. IV.



Fra Angelico. XVe.

" Mes Frères, nous vous supplions et nous vous conjurons dans le Seigneur Jésus, qu'ayant appris de nous comment vous devez marcher et plaire à Dieu, ainsi vous marchiez de telle sorte, que vous avanciez de plus en plus. Vous savez quels préceptes je vous ai donnés de la part du Seigneur Jésus. La volonté de Dieu est que vous sovez saints, que vous vous absteniez de la fornication, que chacun de vous sache posséder le vase de son corps dans la sainteté et l'honnêteté, et non dans la fougue des désirs, comme les Gentils, qui ignorent Dieu. Que personne aussi n'opprime son frère, ni ne lui fasse tort dans aucune affaire ; car le Seigneur est le vengeur de tous ces péchés, ainsi que nous vous l'avons déclare et attesté. En effet, Dieu ne nous a pas appelés à être impurs, mais à être saints en Jésus-Christ notre Seigneur."

L'Apôtre insiste, en ce passage, sur la sainteté des mœurs qui doit reluire dans le chrétien ; et l'Eglise, qui nous propose ces paroles, avertit les fidèles de songer à profiter du temps où nous sommes pour rétablir en eux la pureté de l'image de Dieu, selon laquelle la grâce baptismale les avait produits. Le chrétien est un vase d'honneur, préparé et embelli par la main de Dieu ; qu'il se préserve donc de l'ignominie qui le dégraderait, et le rendrait digne d'être brisé et jeté sur le fumier avec les immondices.



Icône de la Transfiguration. Moscou. XVIe.

C'est la gloire du Christianisme d'avoir relevé l'homme jusqu'à faire participer le corps à la sainteté de l'âme ; mais sa doctrine céleste nous avertit en même temps que cette sainteté de l'âme s'altère et se perd par la souillure du corps. Relevons donc en nous l'homme tout entier, à l'aide des pratiques de cette sainte Quarantaine. Purifions notre âme par la confession de nos fautes, par la componction du cœur, par l'amour du Seigneur miséricordieux, et réhabilitons notre corps, en lui faisant porter le joug de l'expiation, afin que désormais il demeure le serviteur de l'âme et son docile instrument, jusqu'au jour où celle-ci, entrée en possesssion d'un bonheur sans fin et sans limites, versera sur lui la surabondance des délices dont elle sera inondée.

ÉVANGILE


La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XVII.



Duccio di Buoninsegna. XIVe.

" En ce temps-là, Jésus prit Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les conduisit à part sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux. Et sa face resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blanes comme la neige. Et voici que Moïse et Elie leur apparurent, conversant avec lui. Pierre, s'adressait à Jésus, lui dit :
" Seigneur, il nous est bon d'être ici : si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie Comme il parlait encore, une nuée lumineuse vint les couvrir."
Et voilà que de la nuée sortit une voix qui disait :
" Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu : écoutez-le."
Et les disciples entendant cette voix, tombèrent sur leur face, et furent saisis d'une grande frayeur. Et Jésus, s'approchant d'eux, les toucha et leur dit :
" Levez-vous, et ne craignez point."
Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Et comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement :
" Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts."


C'est ainsi que le Sauveur venait en aide à ses Apôtres à la veille de l'épreuve, et cherchait à imprimer profondément son image glorieuse dans leur pensée, pour le jour où l'œil de la chair n'apercevrait plus en lui que faiblesse et ignominie. Ô prévoyance de la grâce divine qui ne manque jamais à l'homme, et qui justifie toujours la bonté et la justice de Dieu ! Comme les Apôtres, nous avons péché ; comme eux, nous avons négligé le secours qui nous avait été envoyé du ciel, nous avons fermé volontairement les yeux à la lumière, nous avons oublié son éclat qui d'abord nous avait ravis, et nous sommes tombés. Nous n'avons donc point été tentés au delà de nos forces (I Cor. X. 13.), et nos péchés nous appartiennent bien en propre.



Pietro Perugino. XVIe.

Les trois Apôtres furent exposés à une violente tentation, au jour où leur Maître sembla avoir perdu toute sa grandeur; mais il leur était facile de se fortifier par un souvenir glorieux et récent. Loin de là, ils se laissèrent abattre, ils ne songèrent point à renouveler leur courage dans la prière ; et les fortunés témoins du Thabor se montrèrent lâches et infidèles au Jardin des Oliviers. Il ne leur resta plus d'autre ressource que de se recommander à la clémence de leur Maître, quand il eut triomphé de ses méprisables ennemis ; et ils obtinrent leur pardon de son cœur généreux.

Nous aussi, venons à notre tour implorer cette miséricorde sans bornes. Nous avons abusé de la grâce divine ; nous l'avons rendue stérile par notre infidélité. La source de cette grâce, fruit du sang et de la mort du Rédempteur, n'est point encore tarie pour nous, tant que nous vivons en ce monde; préparons-nous à y puiser de nouveau. C'est elle déjà qui nous sollicite à l'amendement de notre vie. Cette grâce, elle descend sur les âmes avec abondance au temps où nous sommes; elle est renfermée principalement dans les saints exercices du Carême. Elevons-nous sur la montagne avec Jésus ; à cette hauteur, on n'entend déjà plus les bruits de la terre. Etablissons-y notre tente pour quarante jours en la compagnie de Moïse et d'Elie qui, comme nous et avant nous, sanctifièrent ce nombre par leurs jeûnes ; et, quand le Fils de l'homme sera ressuscité d'entre les morts, nous publierons les faveurs qu'il daigna nous accorder sur le Thabor.

16 mars. Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.

- Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.

Pape : Saint Anastase. Empereur d'Occident : Honorius.

" Non destitit laborare ut denarium a Domino mereretur accipere."
" Il travaillait sans cesse pour mériter de recevoir des mains du Seigneur le denier de chaque jour."
Brév. de Lescar (1541), Légende de saint Léonce de Trèves.


Saint Julien guérissant un enfant. Missel. XVe.

Voici ce que rapporte une ancienne tradition, recueillie par le vieux Bréviaire de Lescar, imprimé en 1541 :

En la cité de Trèves, capitale de la Gaule Belgique, qui fut fondée par Trebeta, frère de Ninus, roi d'Assyrie - s'il faut en croire les vieilles histoires - et qui fut évangélisée par Valère, disciple du bienheureux Pierre, il y eut un évêque, du nom de Léonce, homme distingué par la noblesse de sa race et la gravité de ses moeurs, appliqué aux saintes oeuvres et désireux de cultiver la vigne du Seigneur, par l'extirpation de l'idolâtrie, jusque dans les contrées les plus lointaines. Il avait un disciple admirablement vertueux, Julein, très diligent imitateur d'un si bon Maître.

Or, saint Léonce, qui savait qu'une partie des Gaules était livrée au culte des démons et qui, dans sa grande douleur, trouvait injuste et indécent que le prince des ténèbres régnât sur les créatures de Dieu, apprit que le pays de Béarn (patria bearnica), loin d'avoir reçu l'Evangile du Christ " qu'on y avait semé de mille manières ", gémissait encore dans la fange des superstitions et de l'incrédulité. Un jour donc, que le bienheureux Julien était auprès de lui, il lui parla en ces termes :
" Bienheureux Frère, il nous faut observer les préceptes du Seigneur, et, pour l'éternelle récompense, travailler beaucoup dans la vigne du Christ. C'est pourquoi, Ô homme excellent et très miséricordieux, écoutez mes conseils et ceignez vos reins ; hâtez-vous et courez pour amener à la religion véritable ce peuple qui sert les démons."


Voyage de saint Julien de Trèves à Lescar. Vies de saints. XIIIe.

Le bienheureux Julien brûlait lui-même du désir d'arracher à la gueule du dragon les âmes que le Christ a rachetées de son sang. Docile aux avis de son maître, il prit avec lui deux prêtres, Austrilien et Alpinien, et se mit en route avec autant de joie que de promptitude.

Mais bientôt il advint que l'un de ses compagnons, Austrilien, passa de vie à trépas. Sur quoi, saint Julien, rebroussant chemin, courut en toute hâte raconter son malheur au serviteur de Dieu. Celui-ci lui dit :
" Repartez au plus tôt, et, prenant en main mon bâton, vous en toucherez le cadavre de votre frère défunt."
Saint Julien repartit, et, arrivé au lieu où le prêtre Austrilien avait été enseveli, il toucha du bâton, suivant la parole de l'homme de Dieu, le corps du défunt qui revont à la vie. Alors, redoublant d'ardeur, le bienheureux Julien continua sa route. Enfin, il arriva à Beneharnum ; il y confessa le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, y enseigna hautement la loi de Dieu, et, par sa douceur non moins que par ses miracles, il amena à la foi du Christ la nation béarnaise, si grandement aveugle jusque-là.


Saint Julien ressuscitant un mort.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Les miracles en effet vinrent confirmer la prédication du bienheureux Julien. Il guérit un boiteux, du nom de Cisternanus, et ses deux fils ; il donna la vue à trois frères, aveugles de naissance, Amilien, Nicet et Ambroisien ; purifia deux lépreux, Valentin et Urbain ; rendit l'ouïe à quatre sourds et sauva sept hommes dont les eaux du Gave emportait la nacelle (Gave est le nom générique de tous les cours d'eau ou torrents dans les Pyrénées ; gave ou gaba signifie, en basque, sombre et profond. Ce mot a passé dans le langage populaire de certaines provinces, où l'on dit encore se gaver d'eau pour signifier se gorger).

Dieu voulut donner une vierge martyre à cette église naissante. Une noble fille, nommée Valérienne, avait été promise en mariage à un Gentil : mais comme celui-ci, résistant aux conseils de Julien, ne voulut pas abjurer ses faux dieux, Valérienne refusa de l'épouser ; ce que voyant, le jeune homme donna la mort à sa fiancée, qui ontint ainsi deux couronnes, l'une blanche pour sa virginité, l'autre de pourpre pour son martyre.

C'est de cette manière que le bienheureux Julien conduisit à la vérité le peuple du Béarn et qu'il fonda une nouvelle Eglise, dont le siège épiscopal fut fixé dans la ville qui porte aujourd'hui le nom de Lescar.

Notons au passage que Lescar a succédé à la ville de Beneharnum, qui a donné son nom à la province de Béarn. Cette province correspond aux arrondissements de Pau, d'Orthez et d'Oloron. La ville des Béarnais subsista jusque l'an 845, époque à laquelle les Normands la détruisirent. Les ducs de Gascogne la relevèrent de ses ruines vers l'an 1000, et ce n'est qu'à partir de cette époque qu'elle s'appela Lescar, c'est-à-dire entourée de ruisseaux. Son évêché, en dernier lieu, n'était composé que de quarante paroisses, tandis que celui d'Oloron en comptait deux cents et plus ; mais la circonscription spirituelle de Lescar était beaucoup plus étendue au temps de saint Julien et comprenait, comme nous l'avons vu, tout le Béarn. Oloron ne fut, plus tard, qu'un démembrement de ce diocèse primitif.


Saint Julien. Enseigne de pèlerinage. Etain moulé. XIVe.

Cependant, le saint évêque de Trèves, Léonce, avait entrepris, malgré son extrême vieillesse, le pèlerinage de Saint-Jacques. Sur sa route se trouvait la cité de son disciple. Il s'y arrêta, et, quand il vit les triomphes remportés par Julien sur les ténèbres de l'erreur, il rendit à Dieu d'immenses actions de grâces, puis continua son pieux voyage, en traversant la cité d'Iluro et la vallée d'Aspe.

A son retour, saint Léonce repassa par Beneharnum, où il sentit s'affaiblir ses membres octogénaires. Bientôt l'agonie se déclara ; il reçut les sacrements du Seigneurs ; on vit une nuée blanche envelopper son lit, et il rendit son âme à Dieu en proférant de saintes paroles. Le bienheureux Julien lui fit de magnifiques funérailles, que Dieu illustra par des miracles, entre autres la résurrection de trois morts et la guérison de dix aveugles. Au moment où le clergé entonnait l'office des morts, une voix d'anges se fit entendre, disant avec transport : " Réjouissez-vous dans le Seigneur ", comme pour déclarer que le Saint évêque de Trèves était déjà au ciel.

A propos de l'état de l'Eglise de cette région, disons que lorsqu'en 406, c'est-à-dire six ans après que la sainte mort de saint Julien, sur laquelle nous n'avons pas de détail en dehors de sa date, Wallia, à la tête de ses Goths de l'Ouest ou Wisigoths, dépeupla tout ce qui appartient à l'Aquitaine et aux neuf peuples ; le pays où il campait était catholique.

Les neuf peuples en question, dans l'Aquitaine, étaient les Tarbelli (Dax et Bayonne), les Ausci (Auch et Armagnac), les Bigorrais, les Cocozates (Bazas), les Eluzates (Eauze), les Tarusates (Tartas et Chalosse), les Convenae (Comminges et Conserans), les Benharni (Lescar, Oloron, Aspe, Ossau, Barétous, Soule) et les Garites, dont le nom est rappelé par Garis, village de la Basse-Navarre.


La Novempopulanie et ses principaux peuples au Ve siècle.

Sidoine Apollinaire nous apprend que Bordeaux, Bazas, Comminges, Auch et beaucoup d'autres cités touchaient à leur ruine spiritelle par la mort de leurs pasteurs, moissonnés sans qu'on établît de nouveaux évêques... Dans les diocèse et dans les paroisses, tout était négligé. Sidoine Apollinaire, dans ce passage, distingue les paroisse rurales des paroisses urbaines. D'après saint Grégoire de Tours, ce furent surtout les villes des deux Aquitaines et de la Novempopulanie qui se firent dépeuplées par cette horrible tempête.

Ajoutons que, plus loin dans le temps, les actes du concile d'Agde, tenu en 506, et auquel la Novempopulanie fut représentée par onze évêques, dont celui de Lescar, saint Galactoire, et celui d'Oloron, saint Grat, nous apprennent que dès les premières années du VIe siècle, il y avait dans les contrées du midi des couvents d'hommes et de femmes, que le clergé possédait des propriétés, que les diocèses étaient divisés en paroisses.

On peut aisément conclure de tout cela qu'à l'arrivée des Wisigoths, au commencement du Ve siècle, l'Eglise était partout et hiérarchiquement constituée.

La ville de Lescar fête saint Julien à la fin août à l'occasion des fêtes patronales.

Saint Julien de Lescar est invoqué pour la guérison de plusieurs maladies et handicaps.


Eglise Saint-Julien-de-Lescar. Lescar. Béarn.

L'église Saint-Julien de Lescar à Lescar

L’Evêché de Lescar existait donc dès le Ve siècle avec une église cathédrale, Saint-Julien, dans la Basse-ville. Détruite par les Normands, rebâtie au XIIIe siècle, elle fut de nouveau détruite en 1569 par les bêtes féroces protestantes de Montgomery. Reconstruite une troisième et dernière fois au XVIIe siècle, seul le clocher pignon de l’église romane a survécu. Saint-Julien ne fut donc cathédrale que durant la deuxième moitié du premier millénaire.

Curiosité, la ville de Lescar fut baptisée au alentours du XIIIe siècle " ville septénaire ", car elle comportait 7 églises, 7 portes, 7 fontaines, 7 tours, 7 moulins, 7 vignes et 7 bois.


Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption. Lescar. Béarn.

La cathédrale Notre Dame de l'Assomption de Lescar

Au Xe siècle, il subsistait dans la Haute-ville un baptistère dédié à Saint-Jean-Baptiste. Un soldat repenti, " Loup-Fort ", construisit à sa place une chapelle et un monastère sous le vocable de Sainte-Marie.

En 1062, cette chapelle fut consacrée cathédrale et Lescar devint Évêché. L'augmentation de l'édifice débuta en 1120 par le chœur à l'instigation de son évêque Guy de Lons. La cathédrale fut elle aussi saccagée par les bêtes féroces calvinistes de Montgomery sous le règne de Jeanne d'Albret.

D'importantes restaurations aux XVIIe et XVIIIe siècles sauvèrent le chœur de la ruine. Le chevet a conservé une architecture romane. La nef est voûtée en berceau plein cintre, les bas-côtés en berceaux transversaux. Sur les chapiteaux romans on peut reconnaitre des scènes du cycle de Daniel, de la naissance du Christ ou encore le sacrifice d'Abraham. Le sol du chœur est pavé d'une mosaïque du XIIe siècle représentant une scène de chasse.


Mosaïque du choeur de la cahédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
de Lescar signalant et honorant l'inhumation
de son évêque Guy de Lons. XIIe.

Guy de Lons, l'évêque bâtisseur de la cathédrale, Henri II d'Albret, Catherine de Foix, Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier, François Phébus y sont notamment inhumés.

Sous la révolution, en 1791, l'évêché de Lescar fut supprimé et rattaché à celui de Bayonne, en même temps que celui d’Oloron Sainte-Marie.

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