UA-75479228-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 04 mai 2025

4 mai. Sainte Monique, veuve. 332-387.

- Sainte Monique, veuve. 332 - 387.

Papes : Saint Sylvestre Ier ; saint Sirice. Empereurs : Constantin II ; Théodose Ier.

" Ceux qui sèment dans les larmes, récoltent dans l'allégresse."
Ps. CXXV, 6.

Saint Augustin & sainte Monique. Ary Scheffer. 1855.

Aujourd'hui, aux côtés de Marie et de Salomé, se présente une autre femme, une autre mère, éprise aussi de l'amour de Jésus, et offrant à la sainte Eglise le fruit de ses entrailles, le fils de ses larmes, un Docteur, un Pontife, un des plus illustres saints que la loi nouvelle ait produits. Cette femme, cette mère, c'est Monique, deux fois mère d'Augustin. La grâce a produit ce chef-d'œuvre sur la terre d'Afrique ; et les hommes l'eussent ignoré jusqu'au dernier jour, si la plume du grand évoque d'Hippone, conduite par son cœur saintement filial, n'eût révélé à tous les siècles cette femme dont la vie ne fut qu'humilité et amour, et qui désormais, immortelle même ici-bas, est proclamée comme le modèle et la protectrice des mères chrétiennes.

L'un des principaux attraits du livre des Confessions est dans les épanchements d'Augustin sur les vertus et le dévouement de Monique. Avec quelle tendre reconnaissance il célèbre, dans tout le cours de son récit, la constance de cette mère qui, témoin des égarements de son fils :
" Elle pleurait avec plus de larmes que d'autres mères n'en répandent sur un cercueil !" (Confessionum Lib. III, cap. XI.).

Scènes de la vie de sainte Monique et de saint Augustin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Le Seigneur, qui laisse de temps en temps luire un rayon d'espérance aux âmes qu'il éprouve, avait dans une vision montré à Monique la réunion future du fils et de la mère ; elle-même avait entendu un saint évêque lui déclarer avec autorité que le fils de tant de larmes ne pouvait périr ; mais les tristes réalités du présent oppressaient son cœur, et l'amour maternel s'unissait à sa foi pour la troubler au sujet de ce fils qui la fuyait, et qu'elle voyait s'éloigner infidèle à Dieu autant qu'à sa tendresse. Toutefois les amertumes de Ce cœur si dévoué formaient un fonds d'expiation qui devait plus tard être appliqué au coupable ; une prière ardente et continue, jointe à la souffrance, préparait le second enfantement d'Augustin. Mais " combien plus de souffrances, nous dit-il lui-même, coûtait à Monique le fils de son esprit que l'enfant de sa chair " ! (Confessionum Lib. V, cap. IX.).

Après de longues années d'angoisses, la mère a enfin pu retrouver à Milan ce fils qui l'avait si durement trompée, le jour où il fuyait loin d'elle pour s'en aller courir les hasards de Rome. Elle le trouve incertain encore sur la foi chrétienne, mais déjà dégoûté des erreurs qui l'avaient séduit. Augustin avait fait un pas vers la vérité, bien qu'il ne la reconnût pas encore.

Sainte Monique. Eglise Saint-Luczot et Saint-Nicolas.
Pipriac. Pays de Redon, Bretagne. XVIIe.

" Dès lors, nous a dit-il, l'âme de ma mère ne portait plus le deuil d'un fils perdu sans espoir ; mais ses pleurs coulaient toujours pour obtenir de Dieu sa résurrection. Sans être encore acquis à la vérité, j'étais du moins soustrait à l'erreur. Certaine que vous n'en resteriez pas à la moitié du don que vous aviez promis tout entier, Ô mon Dieu ! Elle me dit, d'un grand calme et d'un cœur plein de confiance, qu'elle était persuadée dans le Christ, qu'avant de sortir de cette vie, elle me verrait catholique fidèle." (Ibid. Lib. VI, cap. 1).

Sainte Monique avait rencontré à Milan le grand Ambroise, dont Dieu voulait se servir pour achever le retour de son fils. " Elle chérissait le saint évêque, nous dit encore Augustin, comme l'instrument de mon salut ; et lui, l'aimait pour sa vie si pieuse, son assiduité à l'église, sa ferveur dans les bonnes oeuvres ; il ne pouvait se taire de ses louanges lorsqu'il me voyait, et il me félicitait d'avoir une telle mère." (Ibid., cap. II .).

Enfin le moment de la grâce arriva. Augustin, éclairé de la lumière de la foi, songea à s'enrôler dans l'Eglise chrétienne ; mais l'attrait des sens auquel il avait cédé si longtemps le retenait encore sur le bord de la fontaine baptismale. Les prières et les larmes de Monique obtinrent de la divine miséricorde ce dernier coup qui abattit les dernières résistances de son fils.

Vision de sainte Monique. Saint Augustin et saint Valérien
combattant des hérétiques. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Mais Dieu n'avait pas voulu laisser son ouvrage imparfait. Transpercé par le trait vainqueur, Augustin se relevait, aspirant non plus seulement à la profession de la foi chrétienne, mais à la noble vertu de continence. Le monde avec ses attraits n'était plus rien pour cette âme, objet d'une intervention si puissante. Dans les jours qui avaient précédé, Monique s'occupait encore avec sollicitude à préparer une épouse pour son fils, dont elle espérait fixer ainsi les inconstances ; et tout à coup ce fils se présentait à elle, accompagné de son ami Alypius, et venait lui déclarer que, dans son essor vers le souverain bien, il se vouait désormais à la recherche de ce qui est le plus parfait. Mais écoutons encore Augustin lui-même.

" A l'instant nous allons trouver ma mère, nous lui disons ce qui se passe en nous ; elle est dans la joie ; nous lui racontons en quelle manière tout s'est passé ; elle tressaille de bonheur, elle triomphe. Et elle vous bénissait, Ô vous qui êtes puissant à exaucer au delà de nos demandes, au delà de nos pensées ! Car vous lui aviez bien plus accordé en moi que ne vous avaient demandé ses gémissements et ses larmes. Son deuil était changé par vous en une allégresse qui dépassait de beaucoup son espérance, en une joie plus chère à son cœur et plus pure que celle qu'elle eût goûtée à voir naître de moi des enfants selon la chair." (Confessionum Lib. VIII, cap. XII.).

Peu de jours s'écoulèrent, et bientôt un spectacle sublime s'offrit à l'admiration des Anges et des hommes dans l'Eglise de Milan : Ambroise baptisant Augustin sous les yeux de Monique.

Baptême de saint Augustin. Détail. Fresque. Benozzo Gozzoli.
Chapelle Saint-Augustin. San Gimigniano. Toscane. XVe.

La pieuse femme avait accompli sa mission ; son fils était né à la vérité et à la sainteté, et elle avait doté l'Eglise du plus grand de ses docteurs. Le moment approchait où, après le labeur d'une longue journée, elle allait être appelée à goûter le repos éternel en celui pour l'amour duquel elle avait tant travaillé et tant souffert. Le fils et la mère, prêts à s'embarquer pour l'Afrique, se trouvaient à Ostie, attendant le navire qui devait les emporter l'un et l'autre :
" Nous étions seuls, elle et moi, dit Augustin, appuyés contre une fenêtre d'où la vue s'étendait sur le jardin de la maison. Nous conversions avec une ineffable douceur et dans l'oubli du passé, plongeant dans les horizons de l'avenir, et nous cherchions entre nous deux quelle sera pour les saints cette vie éternelle que l'œil n'a pas vue, que l'oreille n'a pas entendue, et où n'atteint pas le cœur de l'homme. Et en parlant ainsi, dans nos élans vers cette vie, nous y touchâmes un instant d'un bond de notre cœur; mais bientôt nous soupirâmes en y laissant enchaînées les prémices de l'esprit, et nous redescendîmes dans le bruit de la voix, dans la parole qui commence et finit. Alors elle me dit :
" Mon fils, pour ce qui est de moi, rien ne m'attache plus à cette vie. Qu'y ferais-je? Pourquoi y suis-je encore ? mon espérance est désormais sans objet en ce monde. Une seule chose me faisait désirer de séjourner quelque peu dans cette vie: c'était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Cette faveur, mon Dieu me l'a accordée avec surabondance, à cette heure où je te vois dédaigner toute félicité terrestre pour le servir. Que fais-je encore ici ?"
(Confessionum Lib. IX, cap. X.).

L'appel d'une âme si sainte ne devait pas tarder ; elle s'exhala comme un parfum céleste, peu de jours après ce sublime épanchement, laissant un souvenir ineffaçable au cœur de son fils, dans l'Eglise une mémoire toujours plus aimée, aux mères chrétiennes un modèle achevé de l'amour maternel dans ce qu'il a de plus pur.

Baptême de saint Augustin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Sainte Monique, deux fois mère de saint Augustin, puisqu'elle l'enfanta pour le monde et pour le ciel, ayant perdu son mari, qu'elle avait converti à Jésus-Christ dans son extrême vieillesse, embrassa la continence des veuves, et se livra à la pratique des oeuvres de miséricorde. Ses prières ainsi que ses larmes étaient continuelles auprès de Dieu en faveur de son fils, qui était tombé dans l'hérésie des Manichéens. Elle le suivit jusqu'à Milan, et là elle ne cessait de l'exhorter à entretenir des relations avec l'évêque Ambroise. Augustin s'y détermina, et ayant connu la vérité de la foi catholique, tant par les discours publics du saint prélat que par des entretiens particuliers, il reçut de lui le baptême.

Ils partirent peu après pour retourner en Afrique; mais la sainte ayant été atteinte de la fièvre, ils s'arrêtèrent à Ostie. Durant cette maladie, il lui arriva un jour de tomber en défaillance ; étant revenue à elle, elle dit : " Où étais-je ?" puis, regardant ses fils : " Ensevelissez ici votre mère ; je vous prie seulement de vous souvenir de moi à l'autel du Seigneur."

Le neuvième jour, cette bienheureuse femme rendit son âme à Dieu. Son corps fut enseveli dans l'Eglise de Sainte-Aure à Ostie ; transféré depuis à Rome, sous le pontificat de Martin V, il a été placé avec honneur dans l'Eglise de Saint-Augustin.

Mort de sainte Monique. Détail. Fresque. Benozzo Gozzoli.
Chapelle Saint-Augustin. San Gimigniano. Toscane. XVe.

SÉQUENCE

Le moyen âge a consacré à sainte Monique plusieurs compositions liturgiques ; mais la plupart sont assez faibles. La Séquence que nous donnons ici est meilleure : on l'a même attribuée à Adam de Saint-Victor :

" Célébrons les louanges, redisons les mérites d'Augustin le grand docteur et de Monique sa pieuse mère ; fêtons en ce jour une solennité qui nous est chère.

Mère chaste, pleine de foi, comblée de mérites, aimée du Christ, l'heureuse Monique, dont le fils était sorti d'une source païenne, l'a enfanté à la foi catholique.

Heureuses larmes qui , dans leur abondance, ont été cause qu'une si éclatante lumière a brillé dans l'Eglise ! Elle a semé longtemps dans les pleurs, celle qui aujourd'hui moissonne avec tant d'allégresse.

Elle a reçu au delà de ce qu'elle avait demandé; mais quel bonheur inonda son âme, lorsqu'elle vit son fils établi dans la foi, voué au Christ de toute l'ardeur de son cœur !

Elle fut la servante des indigents, et nourrit en eux le Christ, ayant mérité le nom de Mère des pauvres ; elle se livra au soin des malades, lavant et nettoyant leurs plaies, préparant leurs lits.

Ô matrone pleine de grâce, dont les blessures du Christ excitèrent l'amour ; en les méditant, elle versa tant de larmes que le pavé en fut arrosé.

Nourrie du pain céleste, ses pieds ne touchent déjà plus la terre ; son âme ravie tressaille et s'écrie : " Prenons notre vol pour les hauteurs du ciel ".

Ô mère, Ô matrone, sois l'avocate et la protectrice de tes enfants à d’adoption ; et lorsque notre âme se dégagera des liens de la chair, réunis-nous à ton fils dans les joies du paradis.

Amen."

Basilique Saint-Augustin, où l'on vénère les reliques
de sainte Monique. Rome. XVIIe.

PRIERE

" Ô mère, illustre entre toutes les mères, la chrétienté honore en vous l'un des types les plus parfaits de l'humanité régénérée par le Christ. Avant l'Evangile, durant ces longs siècles où la femme fut tenue dans l'abaissement, la maternité ne put avoir qu'une action timide et le plus souvent vulgaire sur l'homme; son rôle se borna pour l'ordinaire aux soins physiques ; et si le nom de quelques mères a triomphé de l'oubli, c'esl uniquement parce qu'elles avaient su préparer leurs fils pour la gloire passagère de ce monde. On n'en rencontre pas dans l'antiquité profane qui se soient donné la tâche de les enfanter au bien, de s'attacher à leurs pas pour les soutenir dans la lutte contre l'erreur et les passions, pour les relever dans leurs chutes ; on n'en trouve pas qui se soient vouées à la prière et aux larmes continuelles pour obtenir leur retour à la vérité et à la vertu. Le christianisme seul a révélé à la mère et sa mission et sa puissance.

Quel oubli de vous-même, Ô Monique, dans cette poursuite incessante du salut d'un fils ! Après Dieu, c'est pour lui que vous vivez ; et vivre de cette manière pour votre fils, n'est-ce pas vivre encore pour Dieu qui daigne s'aider de vous pour le sauver ? Que vous importent la gloire et les succès d'Augustin dans le monde, lorsque vous songez aux périls éternels qu'il encourt, lorsque vous tremblez de le voir éternellement séparé de Dieu et de vous ? Alors il n'est pas de sacrifice, il n'est pas de dévouement dont votre cœur de mère ne soit capable envers cette rigoureuse justice dont votre générosité n'entend pas frustrer les droits. Durant de longs jours, durant de longues nuits, vous attendez avec patience les moments du Seigneur ; votre prière redouble d'ardeur ; et espérant contre toute espérance, vous arrivez à ressentir, au fond de votre cœur, l'humble et solide confiance que le fils de tant de larmes ne périra pas.

Saint Augustin accueilli par saint Ambroise à Milan. Détail. Fresque.
Benozzo Gozzoli. Chapelle Saint-Augustin. San Gimigniano. Toscane. XVe.

C'est alors que le Seigneur, " touché de compassion " pour vous, comme il le fut pour la mère éplorée de Naïm, fait entendre sa voix à laquelle rien ne résiste. " Jeune homme, s'écrie-t-il, je te le dis, lève-toi " (Luc, VII, 13.) ; et il rend plein de vie à sa mère celui dont elle pleurait le trépas, mais dont elle n'avait pas voulu se séparer.

Mais quelle récompense pour votre cœur maternel, Ô Monique ! Le Seigneur ne s'est pas contenté de vous rendre Augustin plein de vie ; du fond des abîmes de l'erreur et des passions, voici qu'il l'élève sans intermédiaire jusqu'au bien le plus parfait. Vos instances demandaient qu'il fût chrétien catholique, qu'il rompît enfin des liens humiliants et funestes ; et voici que d'un seul bond la grâce l'a porté jusque dans la région sereine des conseils évangéliques. Votre tâche est plus que remplie, heureuse Mère! Montez au ciel : c'est de là qu'en attendant l'éternelle réunion, vous contemplerez désormais la sainteté et les œuvres de ce fils dont le salut est votre ouvrage, et dont la gloire si éclatante et si pure entoure dès ici-bas votre nom d'une douce et touchante auréole.

Du sain de la félicité que vous goûtez avec ce fils qui vous doit la vie du temps et celle de l'éternité, jetez un regard, Ô Monique, sur tant de mères chrétiennes qui accomplissent en ce moment sur la terre la dure et noble mission que vous avez remplie vous-même. Leurs fils aussi sont morts de la mort du péché, et elles voudraient à force d'amour leur rendre la seule vie véritable. Après la Mère de miséricorde, c'est à vous qu'elles s'adressent, Ô Monique, à vous dont les prières et les larmes furent si puissantes et si fécondes. Prenez en main leur cause ; votre cœur si tendre et si dévoué ne peut manquer de compatir à des angoisses dont il éprouva si longtemps lui-même toute la rigueur.

Daignez joindre votre intercession à leurs vœux ; adoptez ces nouveaux fils qu'elles vous présentent, et elles seront rassurées. Soutenez leur courage, apprenez-leur à espérer, fortifiez-les dans les sacrifices au prix desquels Dieu a mis le retour de ces âmes si chères. Elles comprendront alors que la conversion d'une âme est un miracle d'un ordre plus élevé que la résurrection d'un mort ; elles sentiront que la divine justice, pour relâcher ses droits, exige une compensation, et que cette compensation, c'est à elles de la fournir. Leur cœur se dépouillera de l'égoïsme secret qui se mêle si souvent dans les sentiments en apparence les plus purs. Qu'elles se demandent à elles-mêmes si elles se réjouiraient comme vous, Ô Monique, en voyant leur fils revenu au bien leur échapper pour se donner au Seigneur. S'il en est ainsi, qu'elles soient sans crainte ; elles sont puissantes sur le cœur de Dieu ; tôt ou tard la grâce tant désirée descendra du ciel sur le prodigue, et il revient à Dieu et à sa mère."

Saint Grégoire le Grand, saint Jérôme, saint Ambroise de Milan
et saint Augustin. Le Livre de méditation. Robert Ciboule. XVe.

00:15 Publié dans M | Lien permanent | Commentaires (2)

Dimanche du Bon Pasteur. IIe après Pâques.

- Le IIe dimanche après Pâques, dit aussi le Dimanche du Bon Pasteur.


Le Bon Pasteur. Mosaïque. Basilique Saint-Appolinaire. Ravenne. Ve.



A LA MESSE

Ce Dimanche est désigné sous l'appellation populaire de Dimanche du bon Pasteur, parce qu'on y lit à la Messe le passage de l'Evangile de saint Jean où notre Seigneur se donne à lui-même ce titre. Un lien mystérieux unit ce texte évangélique au temps où nous sommes ; car c'est en ces jours que le Sauveur des hommes, établissant et consolidant son Eglise, commença par lui donner le Pasteur qui devait la gouverner jusqu'à la consommation des siècles.

Dans l'Eglise grecque, le deuxième Dimanche après Pâques que nous appelons du Bon Pasteur, est désigné sous le nom de Dimanche des saintes myrophores, ou porte-parfums. On y célèbre particulièrement la piété des saintes femmes qui apportèrent des parfums au Sépulcre pour embaumer le corps du Sauveur. Joseph d'Arimathie a aussi une part dans les cantiques dont se compose l'Office de l'Eglise grecque durant cette semaine.

L'Eglise Romaine lit les Actes des Apôtres, à l'Office des Matines, depuis lundi dernier jusqu'au troisième Dimanche après Pâques exclusivement.

EPÎTRE


Lecture de l'Epître du bienheureux Pierre, Apôtre. I, Chap. II.



Peter Paul Rubens. XVIIe.


" Mes bien-aimés, le Christ a souffert pour nous, vous laissant ainsi un exemple, afin que vous suiviez ses traces. Lui qui n'avait commis aucun péché, et dans la bouche duquel la tromperie ne se trouva jamais, il ne répondait pas d'injures quand on le maudissait ; quand on le maltraitait, il ne menaçait pas ; mais il s'est livré à celui qui le jugeait injustement. C'est lui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois de la Croix ; afin qu'étant morts aux péchés, nous vivions à la justice ; et c'est par ses meurtrissures que vous avez été guéris ; car vous étiez comme des brebis errantes ; mais maintenant vous êtes retournés au Pasteur et à l'Evêque de vos âmes."

C'est le Prince des Apôtres, le Pasteur visible de l'Eglise universelle, qui vient de nous faire entendre sa parole. Voyez comment il termine ce passage en reportant nos pensées sur le Pasteur invisible dont il est le Vicaire, et comment il évite avec modestie tout retour sur lui-même. C'est bien là ce Pierre qui, dirigeant Marc son disciple dans la rédaction de son Evangile, n'a pas voulu qu'il y racontât l'investiture que le Christ lui a donnée sur tout le troupeau, mais a exigé qu'il n'omît rien dans son récit du triple reniement chez Caïphe. Avec quelle tendresse l'Apôtre nous parle ici de son Maître, des souffrances qu'il a endurées, de sa patience, de son dévouement jusqu'à la mort à ces pauvres brebis errantes dont il devait composer sa bergerie !



Michele Giambono. XVe.


Ces paroles auront un jour leur application dans Pierre lui-même. L'heure viendra où il sera attaché au bois, où il se montrera patient comme son Maître au milieu des outrages et des mauvais traitements. Jésus le lui avait prédit ; car, après lui avoir confié brebis et agneaux, il ajouta que le temps viendrait où Pierre " devenu vieux étendrait ses mains sur la croix ", et que la violence des bourreaux s'exercerait sur sa faiblesse. (Johan. XXI.) Et ceci arrivera non seulement à la personne de Pierre, mais à un nombre considérable de ses successeurs qui tous ne font qu'un avec lui, et que l'on verra, dans la suite des siècles, si souvent persécutés, exilés, emprisonnés, mis à mort. Suivons, nous aussi, les traces de Jésus, en souffrant de bon cœur pour la justice ; nous le devons à Celui qui, étant de toute éternité l'égal de Dieu le Père dans la gloire, a daigné descendre sur la terre pour être " le Pasteur et l'Evêque de nos âmes ".

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. X.



Le miroir de l'humaine salvation. Ecole française. XVe.


" En ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens :
" Je suis le bon Pasteur. Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis ; mais le mercenaire, et celui qui n'est pas le pasteur, à qui les brebis n appartiennent pas, voyant venir le loup, laisse là les brebis et s'enfuit : et le loup ravit les brebis et les disperse. Or le mercenaire s'enfuit, parce qu'il est mercenaire, et n'a point souci des brebis. Moi, je suis le bon Pasteur, et je connais mes brebis, et elles me connaissent. Comme mon Père me connaît, moi aussi je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis. Et j'ai d'autres brebis qui ne sont point de cette bergerie ; il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n'y aura qu'une bergerie et qu'un Pasteur."


Selon le décret éternel, l'Homme-Dieu, après quelques jours encore, doit cesser d'être visible ici-bas. La terre ne le reverra plus qu'à la fin des temps, lorsqu'il viendra juger les vivants et les morts. Cependant il ne saurait abandonner cette race humaine pour laquelle il s'est offert en sacrifice sur la croix, qu'il a vengée de la mort et de l'enfer en sortant victorieux du tombeau. Il demeurera son Chef dans les deux ; mais sur la terre qu'aurons-nous pour suppléera sa présence ? Nous aurons l'Eglise. C'est à l'Eglise qu'il va laisser toute son autorité sur nous ; c'est entre les mains de l'Eglise qu'il va remettre le dépôt de toutes les vérités qu'il a enseignées ; c'est l'Eglise qu'il va établir dispensatrice de tous les moyens de salut qu'il a destinés aux hommes.



Catacombes Praetexta. Rome. IVe.


Cette Eglise est une vaste société dans laquelle tous les hommes sont appelés à entrer ; société composée de deux sortes de membres, les uns gouvernant et les autres gouvernés, les uns enseignant et les autres enseignés, les uns sanctifiant et les autres sanctifiés. Cette société immortelle est l'Epouse du Fils de Dieu : c'est par elle qu'il produit ses élus. Elle est leur mère unique : hors de son sein le salut ne saurait exister pour personne.

Mais comment cette société subsistera-t-elle ? Comment traversera-t-elle les siècles, et arrivera-t-elle ainsi jusqu'au dernier jour du monde ? Qui lui donnera l'unité et la cohésion ? Quel sera le lien visible entre ses membres, le signe palpable qui la désignera comme la véritable Epouse du Christ, dans le cas où d'autres sociétés prétendraient frauduleusement lui ravir ses légitimes honneurs ? Si Jésus eût dû rester au milieu de nous, nous ne courions aucun risque ; partout où il est, là est aussi la vérité et la vie ; mais " Il s'en va ", nous dit-il, et nous ne pouvons encore le suivre. Ecoutez donc, et apprenez sur quelle base il a établi la légitimité de son unique Epouse.

Durant sa vie mortelle, étant un jour sur le territoire de Césarée de Philippe, ses Apôtres assemblés autour de lui, il les interrogea sur l'idée qu'ils avaient de sa personne. L'un d'eux, Simon, fils de Jean ou Jonas, et frère d'André, prit la parole, et lui dit : " Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ". Jésus reçut avec bonté ce témoignage qu'aucun sentiment humain n'avait suggéré à Simon, mais qui sortait de sa conscience divinement inspirée à ce moment ; et il déclara à cet heureux Apôtre que désormais il n'était plus Simon, mais Pierre. Le Christ avait été désigné par les Prophètes sous le caractère symbolique de la pierre (Isai. XXVIII, 16.) ; en attribuant aussi solennellement à son disciple ce titre distinctif du Messie, Jésus donnait à entendre que Simon aurait avec lui un rapport que n'auraient pas les autres Apôtres.



Manuscrit. Speculum humanae salvationis. Allemagne. XIVe.


Mais Jésus continua son discours. Il avait dit à Simon : " Tu es Pierre " ; il ajouta : " et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise ".
Pesons ces paroles du Fils de Dieu :
" Je bâtirai mon Eglise."
Il a donc un projet : celui de bâtir une Eglise. Cette Eglise, ce n'est pas maintenant qu'il la bâtira ; cette œuvre est encore différée ; mais ce que nous savons déjà avec certitude, c'est que cette Eglise sera bâtie sur Pierre. Pierre en sera le fondement, et quiconque ne posera pas sur Pierre ne fera pas partie de l'Eglise.

Ecoutons encore :
" Et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre mon Eglise."
Dans le style des Juifs les portes signifient les puissances ; ainsi l'Eglise de Jésus sera indestructible, malgré tous les efforts de l'enfer. Pourquoi ? Parce que le fondement que Jésus lui aura donné sera inébranlable.
Le Fils de Dieu continue :
" Et je te donnerai les clefs du Royaume des cieux."
Dans le langage des Juifs, les clefs signifient le pouvoir de gouvernement, et dans les paraboles de l'Evangile le Royaume de Dieu signifie l'Eglise qui doit être bâtie par le Christ. En disant à Pierre, qui ne s'appellera plus Simon : " Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ", Jésus s'exprimait comme s'il lui eût dit : " Je te ferai le Roi de cette Église, dont tu seras en même temps le fondement ".

Rien n'est plus évident ; mais ne perdons pas de vue que toutes ces magnifiques promesses regardaient l'avenir (Matth. XVI.).



Saint Pierre. Détail. Marco Zoppo. XVe.


Or, cet avenir est devenu le présent. Nous voici arrivés aux dernières heures du séjour de Jésus ici-bas. Le moment est venu où il va remplir sa promesse, et fonder ce Royaume de Dieu, cette Eglise qu'il devait bâtir sur la terre. Fidèles aux ordres que leur avaient transmis les Anges, les Apôtres se sont rendus en Galilée. Le Seigneur se manifeste à eux sur le bord du lac de Tibériade, et après un repas mystérieux qu'il leur a préparé, pendant qu'ils sont tous attentifs à ses paroles, il interpelle tout à coup son disciple :
" Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?"
Remarquons qu'il ne lui donne pas en ce moment le nom de Pierre ; il se replace au moment où il lui dit autrefois : " Simon, fils de Jonas, tu es Pierre " ; il veut que les disciples sentent le lien qui unit la promesse et l'accomplissement. Pierre, avec son empressement accoutumé, répondu l'interrogation de son Maître : " Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime ". Jésus reprend la parole avec autorité : " Pais mes agneaux ", dit-il au disciple. Puis réitérant la demande, il dit encore : " Simon fils de Jean, m'aimes-tu ?" Pierre s'étonne de l'insistance avec laquelle son Maître semble le poursuivre ; toutefois il répond avec la même simplicité :
" Oui, Seigneur ; vous savez que je vous aime."
Après cette réponse, Jésus répète les mêmes paroles d'investiture :
" Pais mes agneaux."

Les disciples écoutaient ce dialogue avec respect ; ils comprenaient que Pierre était encore une fois mis à part, qu'il recevait en ce moment quelque chose qu'ils ne recevraient pas eux-mêmes. Les souvenirs de Césarée de Philippe leur revenaient à l'esprit, et ils se rappelaient les égards particuliers que leur Maître avait toujours eus pour Pierre depuis ce jour.
Cependant, tout n'était pas terminé encore. Une troisième fois Jésus interpelle Pierre : " Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?"
A ce coup l'Apôtre n'y tient plus. Ces trois appels que fait Jésus à son amour ont réveillé en lui le triste souvenir des trois reniements qu'il eut le malheur de prononcer devant la servante de Caïphe. Il sent une allusion à son infidélité encore si récente, et c'est en demandant grâce qu'il répond cette fois avec plus de componction encore que d'assurance :
" Seigneur, tout vous est connu ; vous savez que je vous aime."
Alors le Seigneur mettant le dernier sceau à l'autorité de Pierre, prononce ces paroles imposantes :
" Pais mes brebis." (Johann, XXI.).



Le Bon Pasteur. Catacombes Saint-Calixte. Rome. IIe.


Voilà donc Pierre établi Pasteur par celui-là même qui nous a dit : " Je suis le bon Pasteur ". D'abord le Seigneur a donné à son disciple et par deux fois le soin des agneaux ; ce n'était pas encore l'établir Pasteur ; mais quand il le charge de paître aussi les brebis, le troupeau tout entier est placé sous son autorité. Que l'Eglise paraisse donc maintenant, qu'elle s'élève, qu'elle s'étende ; Simon fils de Jean en est proclamé le Chef visible. Est-elle un édifice, cette Eglise ? Il en est la Pierre fondamentale. Est-elle un Royaume ? Il en tient les Clefs, c'est-à-dire le sceptre. Est-elle une bergerie ? Il en est le Pasteur.

Oui, elle sera une bergerie, cette Eglise que Jésus organise en ce moment, et qui se révélera au jour de la Pentecôte. Le Verbe de Dieu est descendu du ciel " pour réunir en un les enfants de Dieu qui auparavant étaient dispersés " (Johann, XI, 52.), et le moment approche où il n'y aura plus " qu'une seule bergerie et un seul Pasteur " (Ibid. X, 16.).



Le Bon Pasteur. Bartolome Esteban Murillo. XVIIe.


Nous vous bénissons, nous vous rendons grâces, Ô notre divin Pasteur ! C'est par vous qu'elle subsiste et qu'elle traverse les siècles, recueillant et sauvant toutes les âmes qui se confient à elle, cette Eglise que vous fondez en ces jours. Sa légitimité, sa force, son unité, lui viennent de vous, son Pasteur tout-puissant et tout miséricordieux. Nous vous bénissons aussi et nous vous rendons grâces, Ô Jésus, pour la prévoyance avec laquelle vous avez pourvu au maintien de cette légitimité, de cette force, de cette unité, en nous donnant Pierre votre vicaire, Pierre notre Pasteur en vous et par vous, Pierre à qui brebis et agneaux doivent obéissance, Pierre en qui vous demeurez visible, Ô notre divin Chef, jusqu'à la consommation des siècles.

Divin Pasteur de nos âmes, qu'il est grand votre amour pour vos heureuses brebis ! Vous allez jusqu'à donner votre vie pour qu'elles soient sauvées. La fureur des loups ne vous fait pas fuir ; vous vous donnez en proie, afin de détourner d'elles la dent meurtrière qui voudrait les dévorer. Vous êtes mort en notre place, parce que vous étiez notre Pasteur. Nous ne nous étonnons plus que vous ayez exigé de Pierre plus d'amour que vous n'en attendiez de ses frères : vous vouliez l'établir leur Pasteur et le nôtre. Pierre a pu répondre avec assurance qu'il vous aimait, et vous lui avez conféré votre propre titre avec la réalité de vos fonctions, afin qu'il vous suppléât quand vous auriez disparu à nos regards. Soyez béni, divin Pasteur ; car vous avez songé aux besoins de votre bergerie qui ne pouvait se conserver Une, si elle eût eu plusieurs Pasteurs sans un Pasteur suprême. Pour nous conformer à vos ordres, nous nous inclinons avec amour et soumission devant Pierre, nous baisons avec respect ses pieds sacrés ; car c'est par lui que nous nous rattachons à vous, c'est par lui que nous sommes vos brebis.



Le Bon Pasteur. Thomas Cole. XIXe.


Conservez-nous, Ô Jésus, dans la bergerie de Pierre qui est la vôtre. Eloignez de nous le mercenaire qui voudrait usurper la place et les droits du Pasteur. Intrus dans la bergerie par une profane violence, il affecte les airs de maître ; mais il ne connaît pas les brebis, et les brebis ne le connaissent pas. Attiré, non par le zèle, mais par la cupidité et l'ambition, il fuit à l'approche du danger. Quand on n'est mû que par des intérêts terrestres, on ne sacrifie pas sa vie pour autrui ; le pasteur schismatique s'aime lui-même ; ce n'est pas vos brebis qu'il aime ; pourquoi donnerait-il sa vie pour elles ? Gardez-nous de ce mercenaire, Ô Jésus ! Il nous séparerait de vous, en nous séparant de Pierre que vous avez établi votre Vicaire. Nous n'en voulons pas connaître d'autre. Anathème à quiconque voudrait nous commander en votre nom, et ne serait pas envoyé de Pierre ! Faux pasteur, il ne poserait pas sur la pierre du fondement, il n'aurait pas les clefs du Royaume des cieux ; il ne pourrait que nous perdre. Accordez-nous, Ô bon Pasteur, de demeurer toujours avec vous et avec Pierre dont vous êtes le fondement, comme il est le nôtre, et nous pourrons défier toutes les tempêtes. Vous l'avez dit, Seigneur :
" L'homme sage a bâti sa maison sur le rocher ; les pluies ont fondu sur elle, les fleuves se sont déchaînés, les vents ont soufflé, toutes ces forces se sont ruées sur la maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la Pierre."(Matth. VII, 24, 25.).