UA-75479228-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 16 octobre 2024

16 octobre. Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.

- Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.

Pape : Théodore Ier. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Empereur romain d'Orient : Constant II Héraclius.

" Quand vous recevez une humiliation, regardez cela comme un bon signe, comme une preuve certaine de la grâce qui approche."
Saint Bernard de Clairvaux.

Saint Gall. Peinture murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Souabe. XVIIe.

Saint Gall naquit en Irlande de parents vertueux, qui l'offrirent à Dieu dès sa première jeunesse dans le monastère de Bangor (comté de Down), pour être élevé dans la piété et les lettres, sous la discipline de saint Colomban dont la vertu donnait alors beaucoup d'éclat à ce lieu. Il avait les inclinations si heureuses, qu'avec les grâces dont il plut à Dieu de le soutenir, il fit des progrès tout extraordinaires dans la vertu et les sciences, surtout dans l'intelligence de l'Ecriture sainte dont il expliquait admirablement les endroits les plus difficiles. Il y joignait l'agrément des belles-lettres, et particulièrement de la poésie dont il tâchait de sanctifier l'usage en la faisant servir à la piété. Quoiqu'il parût avoir été confié aux soins de Colomban, ce Saint n'avait sur lui d'autre supériorité que celle que lui donnait l'autorité particulière de ses exemples et de ses instructions.

Son abbé, saint Comgall, fondateur du monastère où il vivait, voulut le faire élever aux ordres sacrés, de l'avis de toute sa communauté mais s'il exécuta ce dessein, ce ne fut que pour lui conférer les ordres inférieurs. Car on est persuadé que saint Gall ne reçut la prêtrise qu'après qu'il fut passé en France avec saint Colomban, et par le commandement exprès de ce Saint, lorsqu'il fut devenu son abbé. Il n'y a que sa modestie qui lia pour lors les mains à l'abbé saint Comgall, et ce ne fut qu'après beaucoup de temps et d'efforts que saint Colomban put vaincre une répugnance qui n'était que l'effet de son humilité. Il fut du nombre des 12 moines de Bangor que ce Saint choisit, par la permission de saint Comgall, pour l'accompagner dans le dessein qu'il avait d'aller hors de son pays chercher à se perfectionner dans la vie pénitente. Ils passèrent de l'Irlande en Angleterre, et de là en " France ", du temps des rois Gontran et de ses neveux Clotaire II et Childebert II.

Ils s'arrêtèrent quelque temps dans les Etats du dernier qui régnait en Austrasie : puis, étant entrés dans les déserts des Vosges, ils y bâtirent le monastère d'Annegray, sur les confins des diocèses de Toul et de Besançon. Le pays y était stérile et dépourvu des commodités facilitant la vie. Cela ne pouvait être que favorable au dessein de Colomban et de ses disciples, qui y souffrirent beaucoup pendant près de 2 ans qu'ils y demeurèrent. Mais, ayant été conviés par des personnes de piété, entre autres par Agnoald, de passer sur les terres de Bourgondie qui obéissaient au roi Gontran, saint Colomban, à la faveur de ce prince, bâtit, de l'autre côté des montagnes des Vosges, un nouveau monastère sur les ruines d'une implantation païenne, appelée Luxeuil, au diocèse de Besançon. Saint Gall y embrassa des premiers la Règle que son maître y prescrivit à ses disciples, et y devint un modèle de régularité pour la communauté, qui se multiplia beaucoup, en peu de temps, par l'affluence de ceux qui venaient de France et de Bourgogne servir Dieu sous la conduite de saint Colomban.

Saint Gall et saint Colomban. Manuscrit du XVe.

Notre Saint, attaché à ses devoirs, passa plusieurs années dans le silence et la retraite de ce saint lieu, jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de permettre d'autres épreuves à sa vertu dans les traverses et les persécutions qui furent suscitées à saint Colomban. Pendant que Thierry, impie roi de Bourgogne, fils de Childebert II, à l'instigation de sa grand'mère Brunehaut, exerçait la patience de saint Colomban par divers exils, saint Gall, accompagné de saint Eustase, autre religieux de Luxeuil, qui en fut depuis abbé, ne trouvant point de sûreté dans sa communauté contre les insultes de cette princesse, se réfugia auprès de Théodebert, roi d'Austrasie, frère de Thierry. Saint Colomban s'y rendit peu de temps après, au retour de la cour du roi Clotaire, où les vexations de Thierry et de Brunehaut l'avaient obligé de passer. Théodebert les reçut comme des Anges du Seigneur, témoignant être fort satisfait d'entendre leurs instructions et fort joyeux d'avoir auprès de lui de tels serviteurs de Dieu. Saint Colomban lui demanda ensuite permission d'aller en Italie trouver Agilulphe, roi des Lombards.

Mais Théodebert, ne pouvant souffrir qu'il sortît de ses Etats, le pria d'y choisir tel lieu qu'il jugerait à propos pour servir Dieu en paix et instruire les peuples sous sa direction. Le Saint accepta et remonta le long du Rhin avec saint Gall, saint Eustase et quelques autres de ses disciples qui étaient venus le joindre à Metz. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu où le Rhin reçoit la rivière d'Aar, entre les diocèses de Bâle et de Constance, ils entrèrent en Suisse, s'avancèrent par la rivière du Limat jusqu'au bout du lac de Zurich, et passèrent au territoire de Zug, où ils croyaient avoir trouvé une solitude propre à leur établissement, lorsqu'ils s'en virent chassés par les habitants. Ces peuples étaient entièrement barbares et idolâtres : nos saints, touchés de compassion pour leur aveuglement et leurs désordres, s'employèrent à les instruire de la Foi chrétienne. Mais ils ne les trouvèrent pas disposés à les écouter.

Théodebert, qui avait donner refuge à saint Gall,
à la bataille de Quierzy contre son frère impie, Thierry.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Saint Gall, ne pouvant retenir son zèle, mit le feu aux temples de leurs faux dieux et jeta dans le lac qui en était proche les oblations et les autres choses destinées aux sacrifices. Cette action irrita tellement ces barbares, que, pour s'en venger, ils résolurent de le tuer et de fouetter saint Colomban, puis de le chasser de leur pays avec tous les siens. Nos Saints ayant su cette résolution jugèrent à propos de se retirer. Ils s'arrêtèrent au bourg d'Arbon, sur le lac de Constance, où ils furent charitablement reçus par Willimar, qui était un prêtre de grande vertu.

Colomban ayant demandé à cet hôte s'il ne connaissait pas quelque lieu écarté qui pût lui servir de retraite et à sa compagnie, il lui apprit qu'à l'extrémité du lac, vers le levant, il y avait une solitude fort propre à son dessein, parce qu'il y trouverait de vieux bâtiments abandonnés où il pourrait se loger, et que la campagne y était assez abondante en fruits. Suivant cet avis, saint Colomban monta sur une barque avec saint Gall et un diacre et arriva au lieu qui lui avait été indiqué.

C'était un lieu près la ville de Brégentz assez désert, mais dans une solitude fort agréable. Ils y trouvèrent une chapelle dédiée à sainte Aurélie, mais on n'y disait plus la Messe et elle était profanée par un culte impie, idolâtre ; car il y avait 3 statues d'airain, attachées à la muraille, que les habitants adoraient comme les anciennes divinités du pays à qui ils se tenaient redevables de leur fortune et de leur conservation. Saint Colomban, ne pouvant souffrir cette abomination, ordonna à saint Gall de leur annoncer l'Evangile, parce qu'il savait assez bien parler leur langue. Le jour de la grande fête du lieu étant venu, il s'y rendit une multitude de monde de tout âge et de tout sexe, dont le concours fut encore augmenté par le désir de voir ces étrangers.

Saint Gall y signala son zèle : il prêcha fortement contre la superstition païenne, exhorta le peuple à reconnaître et à adorer le vrai Dieu. Puis joignant l'effet aux paroles, il brisa les statues et en jeta les morceaux dans le lac. Plusieurs profitèrent de ces instructions et se convertirent; les autres, demeurant dans leur aveuglement, en furent fort irrités, ce qui n'empêcha point saint Colomban de purifier la chapelle avec de l'eau bénite. Il la dédia pendant que saint GaIl et son autre compagnon chantaient des Psaumes, en reconsacra l'autel avec de l'huile sainte, y mit des reliques de sainte Aurélie, et l'on commença ensuite à y dire la Messe.

Les autres disciples de saint Colomban, qui étaient restés à Arbon, vinrent le rejoindre à Brégentz. Ils bâtirent des cellules autour de la chapelle ; et outre les exercices de piété, les uns s'occupèrent à cultiver un jardin et les autres à pêcher. L'exercice de saint Gall était de faire des filets pour les pêcheurs ou de pêcher souvent lui-même. Par ce moyen, il fournissait du poisson à ceux de sa communauté et aux hôtes qu'ils recevaient dans leur petit monastère.

Saint Gall prêchant aux Païens des bords
du lac de Constance. Gravure du XIXe.

Le diable était furieux de se voir arracher un domaine où il régnait depuis si longtemps. Une nuit, notre Saint entendit le démon de la montagne crier à celui du lac :
" Viens à mon secours, afin que nous chassions ces étrangers; car ils m'ont expulsé de mon temple, brisé mes statues et attiré après eux le peuple qui me suivait."
Le démon du lac de Constance répondit :
" Ce que vous annoncez de votre infortune, je le ressens par la mienne; car un de ces étrangers me presse dans les eaux et dévaste mon domaine ; je ne saurais ruiner ses filets ni le tromper lui-même, car l'invocation du Nom divin est toujours dans sa bouche, et, veillant continuellement sur lui-même, il se rit de nos piéges."
L'homme de Dieu, quand il eut entendu ces choses, se fortifia de toutes parts du Signe de la Croix et dit à ces démons :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous adjure de quitter ce lieu et de n'y faire de mal à personne."
Ensuite il s'empressa de raconter à son abbé ce qu'il venait d'entendre. Aussitôt Colomban donna le signal de se réunir à l'église. Mais, avant qu'on eût commencé le chant des Psaumes, on entendit sur le sommet des montagnes les hurlements des démons et les gémissements de leur départ. Sur quoi les serviteurs de Dieu se prosternèrent en oraison et rendirent grâces au Seigneur, qui les avait délivrés de ces malins esprits.

Cependant les païens du pays, irrités que les serviteurs de Dieu eussent brisé leurs idoles, allèrent se plaindre au duc Gonzon, qui était ou seigneur ou gouverneur du lieu, que ces étrangers étaient venus troubler la liberté publique, et que l'on ne pouvait plus chasser aux environs de Brégentz à cause d'eux. D'autres enlevèrent quelques vaches du monastère et tuèrent même 2 des disciples de Colomban. Gonzon, qui n'était pas sans doute idolâtre, mais qui préférait la politique à la religion, lui ordonna de sortir du pays; et Colomban, au lieu de s'aller justifier comme il lui était aisé de le faire, aima mieux obéir, parce que d'ailleurs il s'attendait à voir reprendre en ce lieu la colère de Thierry, roi de Bourgogne, qui, par la défaite et la mort du roi Théodebert, son frère, était devenu roi d'Austrasie, d'où dépendait le lieu où il s'était établi. Il prit le parti de passer en Italie avec ses disciples ; mais saint Gall, se trouvant indisposé lorsqu'on était sur le point de partir, s'excusa de ne pouvoir le suivre. Le saint abbé crut que c'était moins l'infirmité que l'attachement que Gall avait pour ce pays qui lui faisait souhaiter de n'en pas sortir.

Il pensa peut-être que ce disciple, après avoir travaillé en ce lieu, avait envie d'y demeurer. Il lui permit de rester, mais, à titre de pénitence, il lui défendit de dire la Messe tant qu'il saurait qu'il serait en vie. Saint Gall obéit, et sa maladie, qui était réelle, ayant augmenté après le départ de saint Colomban, l'obligea de retourner à Arbon, chez le prêtre Willimar, qui le reçut avec beaucoup de charité. Il lui donna pour gardes et pour infirmiers 2 clercs de son église, Magnoald et Théodore, et prit un soin extrême de lui tout le temps de sa maladie, qui fut longue.

Baptême de Sigebert III.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.

Après sa guérison, l'amour de la solitude le portant à chercher une autre retraite que celle de Brégentz, lui fit demander quelque lieu écarté à Hiltibod, diacre de Willimar, qui avait une connaissance très particulière de tout le pays.
Celui-ci lui répondit :
" Père, je connais une solitude telle que vous dites ; mais elle est habitée par des bêtes féroces, des ours, des sangliers et des loups sans nombre. Je crains donc de vous y conduire, de peur que vous ne soyez dévoré par ces animaux."
Gall répliqua :
" L'Apôtre a dit : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Nous savons qu'à ceux qui aiment Dieu toutes choses tournent en bien. Celui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions peut aussi m'arracher de la griffe des bêtes."
Ils convinrent tous 2 de partir le lendemain. Saint Gall jeûna tout le jour et passa toute la nuit en prières. Le lendemain ils marchèrent jusqu'à l'heure de None, où le diacre dit :
" C'est l'heure de la réfection, prenons un peu de pain et d'eau, afin de faire mieux le reste du chemin."
L'homme de Dieu répondit :
" Prenez ce qui est nécessaire à votre corps. Pour moi, je ne goûterai de rien que le Seigneur ne m'ait montré le lieu de la demeure que je désire."
Le diacre répliqua :
" Puisque nous devons partager la consolation, nous partagerons aussi la peine."
Et ils marchèrent tous 2 sans manger jusqu'au soir. Ils vinrent à une petite rivière appelée Stemaha, et la descendirent jusqu'à un rocher, d'où elle se précipitait dans un gouffre où ils aperçurent beaucoup de poissons. Ils y jetèrent leurs filets et les prirent. Le diacre ayant fait du feu, les fit rôtir et tira du pain de la panetière.

Le bienheureux Gall s'étant un peu écarté pour prier, s'embarrassa dans des ronces et tomba par terre. Le diacre accourut pour le relever ; mais l'homme de Dieu lui dit :
" Laissez-moi, c'est ici mon repos à jamais, c'est ici le lieu que j'habiterai, parce que je l'ai choisi."
Et, se levant après sa prière, il prit une tige de cornouiller, en fit une croix et la fixa en terre. Or, il avait appendu à son cou une boîte où étaient des reliques de la sainte vierge Marie (quelques fragments des vêtements de la sainte Vierge), ainsi que de saint Maurice et de saint Didier.
Il attacha le reliquaire à la croix, se prosterna devant elle avec le diacre et dit :
" Seigneur Jésus-Christ qui, pour le Salut du genre humain, a daigné naître de la Vierge et subir la mort, ne méprise pas mon désir à cause de mes péchés; mais, pour l'honneur de Ta sainte Mère ainsi que de Tes Martyrs et de Tes Confesseurs, prépare en ce lieu une habitation propre à Te servir."
La prière finie, les 2 pèlerins prirent leur nourriture avec actions de grâces, au soleil couchant, et puis ayant prié de nouveau, ils se couchèrent par terre pour reposer quelque peu. Quand le saint homme crut son compagnon endormi, il se prosterna en forme de croix devant le reliquaire et pria le Seigneur avec beaucoup de dévotion.

Cependant un ours, descendu de la montagne, ramassait avec soin les miettes échappées aux 2 convives. L'homme de Dieu, voyant ce que faisait la bête, lui dit :
" Je t'ordonne, au Nom du Seigneur, prends du bois et mets-le dans le feu."
A ce commandement, la bête alla prendre un morceau de bois très considérable et le jeta dans le feu. Sur quoi le saint homme tire de la panetière un pain tout entier, le donne au nouveau servant et lui dit :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, retire-toi de cette vallée et aie en commun les montagnes et les collines environnantes, sous la condition que tu ne feras de mal ici à aucun homme ni à aucune bête."
Cependant le diacre, qui ne faisait que somnoler, considérait avec étonnement ce qui se passait. Il se leva, vint se jeter aux pieds du saint homme et dit :
" Maintenant, je sais que le Seigneur est vraiment avec vous, puisque les bêtes de la solitude vous obéissent."
Le Saint lui répondit :
" Gardez-vous de dire ceci à personne, jusqu'à ce que vous voyiez la gloire de Dieu."

Saint Gall aidé par son ours. Saint Gall récompense son ours
avec un pain. Haut-relif. Abbaye Saint-Gall. Saint-Gall.
Suisse. IXe.

Au matin, le diacre s'en alla vers la fosse de la rivière pour y prendre du poisson et en faire cadeau au prêtre Willimar à son retour. Il était sur le point d'y jeter ses filets, lorsqu'il aperçut sur les bords 2 esprits immondes sous la forme de femmes, qui lui jetèrent des pierres et dirent :
" C'est toi qui as amené dans cette solitude cet homme méchant et plein d'envie, accoutumé à nous vaincre par ses maléfices."
Le diacre retourne aussitôt vers l'homme de Dieu et lui raconte ce qu'il vient de voir et d'entendre. Ils se mettent tous 2 en prière, puis se rendent à la fosse. A leur vue, les démons s'enfuient vers la montagne voisine, pendant que saint Gall leur dit :
" Fantômes impurs, je vous ordonne, par la puissance de l'éternelle Trinité, de quitter ce lieu, de vous en aller dans les montagnes désertes et de n'oser plus jamais revenir ici."
Ils jettent ensuite leurs filets dans la fosse et prennent des poissons tant qu'ils veulent. Mais ils entendent sur le sommet de la montagne la voix comme de 2 femmes en deuil se disant l'une à l'autre :
" Hélas ! que ferons-nous ? ou bien, où irons-nous ? Cet étranger ne nous laisse pas habiter parmi les hommes, il ne nons permet pas même de demeurer dans la solitude."
Ces voix, ces plaintes des démons contre saint Gall furent encore entendues d'autres fois.

Les 2 pèlerins, explorant alors la vallée, trouvèrent entre 2 ruisseaux ce qu'ils souhaitaient : une belle forêt, des montagnes à l'entour, une plaine au milieu ; ils jugèrent ce lieu excellent pour y bâtir des cellules. Gall, se rappelant l'échelle de Jacob et les Anges qui montaient et descendaient, dit comme lui :
" Le Seigneur est vraiment en ce lieu."
Jusqu'alors il y avait dans cette vallée une infinité de serpents. Dès ce jour ils disparurent tellement, qu'on n'y en voyait pas un seul au temps de Walafrid Strabon. Ce miracle s'accorde avec les premiers, dit cet auteur, car le démon étant chassé de là, il était digne que l'animal par lequel il avait trompé l'homme cédât la place à la sainteté.

Quelque éloigné qu'il fût du commerce des hommes, il ne put longtemps demeurer inconnu en ce lieu. Sa réputation lui attira des disciples et porta loin la bonne odeur de sa vertu. Le duc Gonzon en eut lui-même une si bonne opinion sur le récit qu'on lui en fit, qu'il changea entièrement de disposition à son égard. On dit même, qu'ayant une fille possédée d'un démon qui la tourmentait horriblement, il manda au prêtre Willimar de lui envoyer saint Gall pour la guérir. Deux évêques y avaient inutilement employé tous leurs exorcismes, et l'on rejetait la confusion qu'ils avaient eue de leur mauvais succès sur leur défaut de sainteté et sur quelques déréglements particuliers dont ils étaient soupçonnés. Willimar mena donc saint Gall au duc, dont la fille n'avait pris aucune nourriture depuis 3 jours. Elle était étendue sur les genoux de sa mère, les yeux fermés, les membres contournés et comme morte. Une odeur de soufre sortait de sa bouche.

Le Saint se mit en prière et dit avec larmes :
" Seigneur Jésus-Christ Qui, venant en ce monde, a daigné naître d'une Vierge, et Qui a commandé aux vents et à la mer et ordonné à Satan de retourner en arrière, Qui, enfin, a sauvé l'humanité pour la déifier, commande que cet esprit immonde sorte de cette fille."
Puis il prit la main de la malade, lui mit la sienne sur la tête et dit :
" Esprit immonde, je te commande, au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de sortir et de t'éloigner de cette créature de Dieu."
A ces mots, elle ouvrit les yeux et le regarda, et l'esprit malin dit :
" Est-ce toi, Gall, qui m'as expulsé de mes premières habitations ? Quoi ! c'est pour te venger que je suis entré dans cette fille, parce que son père t'a chassé toi-même, et tu m'en expulses ! Si donc tu me chasses d'ici, où irai-je ?"
L'homme de Dieu répondit :
" Là où le Seigneur t'a précipité, dans l'abîme !"
Aussitôt, à la vue de tous les assistants, il sortit de la bouche de la frénétique sous la forme d'un oiseau noir et horrible à voir. La fille se leva guérie, et l'homme de Dieu la rendit à sa mère.
Le duc, au comble de la peur et de la joie, offrit au Saint tous les présents que le roi Sigebert avait envoyés à sa fille. En même temps, il le pria de vouloir bien accepter l'évêché de Constance. Le Saint lui répondit :
" Du vivant de mon maître Colomban, je ne célébrerai pas la Messe ; si donc vous voulez me faire endosser une telle charge, permettez que je lui écrive. S'il m'absout, j'accepterai."
Le duc y consentit. Après quoi le Saint distribua tous les présents aux pauvres d'Arbon et rentra dans sa chère solitude. Il y attira même le diacre Jean, et pendant 3 ans, l'instruisit à fond dans les lettres et dans la science des divines Ecritures.

Cependant le roi Sigebert, ayant appris la guérison de sa fiancée, pria son père de la lui envoyer pour en faire son épouse. Elle fut reçue à Metz avec les plus grands honneurs, raconta an roi comment saint Gall l'avait guérie et le pria de favoriser l'homme de Dieu et son nouvel établissement. Sigebert, ayant trouvé que le monastère de saint Gall était situé sur ses terres, lui accorda aussitôt une charte de donation et de protection royale.

Pendant ce temps, on préparait les noces du roi et de la reine. Un grand nombre d'évêques et de seigneurs y furent convoqués. Le roi étant allé inviter la princesse de venir résider au palais, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
" Seigneur, j'ai été épuisée par une longue et cruelle maladie, accordez-moi encore 7 jours pour que je reprenne un peu de force et que je puisse vous être présentée convenablement."
Le roi accepta sa demande.

Baptême de Sigebert III.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Le 7e jour, Frideburge, accompagnée de 2 hommes et de 2 filles, entra vers l'Office du matin dans la cathédrale Saint-Etienne, dépouilla derrière la porte ses vêtements de reine, prit un habit de moniale, saisit un coin du grand autel et fit cette prière :
" Saint Etienne, qui a répandu ton sang pour Jésus-Christ, intercéde aujourd'hui pour moi, indigne, afin que le coeur du roi se tourne à ma volonté et que ce voile ne soit point ôté de ma tête."
Le roi, informé de ce qui se passait, assembla les évêques et les princes pour savoir que faire. Un des évêques dit :
" Cette fille, lorsqu'elle a été délivrée du démon, parait s'être obligée par un voeu de garder la chasteté ; prenez donc garde de l'y faire manquer, de peur qu'il ne lui arrive pis qu'auparavant et que vous ne vous rendiez vous-même coupable d'un si grand crime."

Le roi, de l'avis des princes, acquiesça au conseil de l'évêque.
Il entra dans l'église, fit apporter les vêtements et la couronne de reine et dit à la princesse :
"Venez à moi."
Elle, croyant qu'on voulait la tirer hors de l'église, tenait plus étroitement embrassée le coin de l'autel. Le roi lui dit plus clairement :
" Ne craignez pas de venir à moi ; car tout se fera aujourd'hui suivant votre volonté."

Mais elle, plaçant sa tête sur l'autel, dit :
" Me voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon sa volonté à Lui."

Le roi Sigebert ordonna aux prêtres de l'amener, la fit revêtir des habits de reine avec le voile et la couronne, et la recommanda au Seigneur en ces termes :
" Avec les mêmes ornements que vous avez été préparée pour moi, je vous donne pour épouse à mon Seigneur Jésus-Christ."
En même temps il lui prit la main droite et la posa sur l'autel ; puis il sortit de l'église pour pleurer, car il aimait tendrement la princesse.

Plus tard, il lui donna le gouvernement d'une communauté de religieuses. Après cela, le duc Gonzon convoqua une assemblée d'évêques et de seigneurs à Constance, pour élire un pasteur à cette église. On y vit les évêques d'Augsbourg, de Verdun et de Spire, avec une foule d'ecclésiastiques et de fidèles.

Statue de saint Gall avec son ours.

Le concile dura 3 jours. Saint Gall s'y rendit en tant qu'abbé, accompagné des diacres Jean et Magnoald. Le duc, le voyant entrer, fit tout haut cette prière :
" Le Dieu tout-puissant, dont la providence augmente et régit tout le corps de l'Eglise, veuille, par l'intercession de la sainte Vierge en l'honneur de qui cette église est consacrée, répandre aujourd'hui l'Esprit-Saint sur nous, pour choisir un évêque capable de régir le peuple des fidèles et de gouverner l'Eglise de Dieu !"
Puis il exhorta les évêques et le clergé à choisir, suivant les Canons, celui qu'ils jugeraient à propos.
Après quelques moments de délibération, le clergé s'écria tout d'une voix, avec le peuple :
" Gall que voici est l'homme de Dieu, jouissant d'une bonne renommée dans tout le pays, instruit dans les Ecritures et plein de sagesse, chaste et juste, doux et humble, charitable et patient, père des orphelins et des veuves : c'est lui qui convient pour évêque !"
Le duc dit alors au Saint :
" Entendez-vous ce qu'ils disent ?"
L'homme de Dieu répondit :
" Ils parlent bien ; si seulement ce qu'ils disent était vrai ! Mais ils ne pensent pas que vos règles défendent d'ordonner évêque un étranger. Cependant il y a ici avec moi le diacre Jean, de votre nation, à qui, par la grâce de Jésus-Christ, conviennent toutes les louanges que vous m'avez données, et qui est capable de porter le fardeau du gouvernement."

Aussitôt le duc l'interrogea sur son nom, sa qualité, son origine, etc. Quant à sa vertu et à sa capacité, saint Gall demanda à répondre pour son disciple. Pendant qu'il parlait, Jean se déroba de l'assemblée et s'enfuit dans l'église de Saint-Etienne, hors de la ville. Mais le clergé et le peuple coururent après lui et le ramenèrent malgré ses pleurs, en s'écriant :
" C'est le Seigneur lui-même qui a élu Jean pour Son évêque !"

Jean fut donc consacré par les évêques, et officia pontificalement. Le peuple témoigna un grand désir d'entendre l'homme de Dieu. Saint Gall monta donc à l'ambon avec l'évêque qui lui servait d'interprète. Il prêcha sur l'ensemble de la Foi, depuis la Création du monde jusqu'au Jugement dernier. Le peuple fondait en larmes et se disait : " Le Saint-Esprit a vraiment parlé aujourd'hui par la bouche de cet homme !"

Denier du Canton de Saint-Gall. Suisse. XIe.

Après avoir demeuré quelques jours avec le nouvel évêque, pour l'assister de ses conseils et de ses prières, il retourna dans sa solitude, où il bâtit l'église dont il avait fait le projet, et l'environna de 12 cellules pour ses disciples. Ce fut là l'origine de la célèbre abbaye de Saint-Gall. Plusieurs siècles après, elle passera sous la Règle de Saint-Benoît. Notre Saint commença pour lors à établir une discipline réglée dans sa communauté, sans s'écarter de l'institut de saint Colomban, qu'il regardait toujours comme son maître et son abbé.

Un jour, que ses frères s'étaient remis sur leurs lits, après Matines, saint Gall appela son diacre Magnoald, et lui dit de préparer l'autel, parce qu'il voulait dire la Messe. Le diacre, étonné d'une résolution si subite, crut que le Saint ne songeait pas que cela lui était défendu, et que depuis plus de 2 ans il n'avait approché de l'autel. Saint Gall comprit sa pensée, et, pour le tirer de peine, il lui dit qu'il devait offrir le Sacrifice pour le repos de son Père Colomban, parce qu'il avait appris dans une vision de la nuit qu'il était passé des misères de cette vie à la félicité du Ciel. Après la Messe, il envoya Magnoald au monastère de Bobbio, pour vérifier sa vision. L'historien de sa vie assure qu'elle se trouva vraie, et ajoute que Magnoald rapporta au Saint des lettres des moines de Bobbio, avec la crosse ou le bâton de saint Colomban, qui avait ordonné qu'on le lui envoyât pour marque qu'il était absous de sa suspension, et qu'il avait levé la défense qu'il lui avait faite de dire la Messe. Dix ans après, les moines de Luxeuil ayant perdu leur abbé, saint Eustase, envoyèrent prier saint Gall de vouloir prendre sa place, et lui députèrent 6 de leurs confrères, tous Irlandais de naissance, croyant que ce choix de personnes, toutes de son pays, lui serait plus agréable.

Le Saint, qui avait refusé l'épiscopat, ne crut pas devoir se charger de l'abbaye de Luxeuil, qui était déjà devenue considérable. Les envoyés le pressant trop vivement de consentir à son élection, il leur déclara qu'il aimait mieux servir les autres que de leur commander, et il en appela à leur propre témoignage sur cela. Il les renvoya en paix, après les avoir retenus quelques jours pendant lesquels il les nourrit de sa pêche. Car il n'avait point fait difficulté d'en continuer le métier depuis l'établissement de sa communauté, non plus que les Apôtres après la résurrection du Sauveur : ce qui n'empêchait pas qu'on y vécût fort pauvrement en toute saison, et que la farine n'y manquât souvent autant que les autres provisions.

Il conserva toujours une liaison fort étroite avec le prêtre Willimar, curé d'Arbon, son ancien hôte. Etant l'un et l'autre fort avancés en âge, ils se voyaient plus rarement : Willimar s'en plaignit, et, se croyant proche de sa fin, il obligea saint Gall, par d'instantes prières, à venir encore une fois à Arbon, afin qu'il eût la consolation de l'embrasser avant de mourir. Il avait pris l'occasion de la fête de sa paroisse pour l'y convier. Le Saint y alla et prêcha même devant une multitude de peuple, qui était venue à la solennité.

Restes de l'ancienne abbaye de Saint-Gall aujourd'hui disparue.

Trois jours après il tomba malade chez Willimar, et mourut 4 jours après, le 16 octobre, entre les bras de cet hôte. L'année de cette mort est fort contestée, et l'on ne peut nier qu'il n'y ait de la confusion dans les calculs de ceux qui l'ont rapportée à l'an 625, et de ceux qui ont donné à saint Gall 95 ans de vie. Il suffit pour les ruiner de remarquer que notre Saint était plus jeune que saint Colomban, son maître, qui n'avait guère que 30 ans, lorsqu'il vint en France, vers l'an 590, et qu'il a survécu au roi Dagobert, qui ne mourut point avant l'année 638. C'est ce qui rend assez probable l'opinion de ceux qui mettent la mort de saint Gall vers l'an 646 ; et qui doit nous faire juger qu'il n'a vécu guère plus de 81 ans.

On le représente :
- 1. debout, tenant sa crosse et un livre ;
- 2. quelquefois ayant un ours près de lui à qui il commande d'apporter du bois pour alimenter son foyer ;
- 3. guérissant une possédée ;
- 4. quelquefois avec un bourdon de pèlerin, pour indiquer ses longs voyages depuis l'Irlande jusqu'en Suisse.

CULTE ET RELIQUES. ABBAYE DE SAINT-GALL

Jean, évêque de Constance, voulut prendre soin de ses funérailles, et transporta son corps, d'Arbon dans son ermitage, où Dieu rendit ténoiguage à la sainteté de Son serviteur par les miracles qui se firent à son tombeau. Il fut déposé devant l'autel de l'oratoire, puis inhumé entre le mur et l'autel. Plus tard, le pays fut ravagé par des troupes de mécontents, et un de leurs officiers, ayant pillé l'église de notre Saint, ouvrit et viola encore son sépulcre pour voir s'il n'y avait point d'argent caché. Mais, ayant été saisi d'une terreur subite, il voulut se retirer brusquement, et se blessa de telle sorte contre la porte, qu'après avoir eu beaucoup de peine à se guérir, il porta toute sa vie des marques de son sacrilège.

Plan de l'ancienne abbaye de Saint-Gall.

Boson, évêque de Constance, successeur de Jean, replaca les reliques du Saint dans un endroit plus convenable; mais il ne put rassembler dans son ermitage les moines que les gens de guerre avaient dispersés. Il y trouva seulement ses 2 plus anciens disciples, Magne ou Magnoald, et Théodore. Dans une disette générale de toutes choses, il les pourvut d'habits et de nourriture; mais, comme les soldats ne leur rendaient pas leur ancienne tranquillité, ils quittèrent aussi l'ermitage de Saint-Gall et en allèrent bâtir ailleurs, l'un à Kempten, l'autre à Fussen, tous 2 dans le diocèse d'Augsbourg, qui furent depuis augmentés et convertis en monastères de la Congrégation de Saint-Gall. Cependant Boson pourvut à la garde des reliques de notre Saint par le moyen de quelques ecclésiastiques, qui y attirèrent bientôt les peuples en pèlerinage par la réputation des miracles qu'ils en publiaient.

Du temps de Charles-Martel, Wultramne, riche seigneur du pays, ayant remarqué que l'on ne faisait pas bon usage des offrandes que l'on donnait en l'église de Saint-Gall, voulut y établir une communauté de moines réguliers pour remédier à ce désordre. Il y fit venir un saint prêtre, nommé Othmar, à qui il fournit toutes les choses nécessaires pour bâtir un monastère près du tombeau du Saint Othmar fut ainsi le restaurateur de l'abbaye de Saint-Gall. Cette célèbre abbaye ne subsiste plus aujourd'hui ; elle fut évacuée en 1805.

Les martyrologes du IXe siècle marquent différement la fête de ce Saint. Celui de Wandalbert, conformément à Walafrid, auteur de sa vie du même temps, la met au 16 octobre. Celui de Notker y est conforme, et même celui dUsuard, dans les imprimés ; mais dans celui d'Adon, comme dans celui d'Usuard qui n'est pas corrompu, elle se trouve marquée au 20 février. Il semble que ce soit celle de l'élévation ou rétablissemeut de ses reliques, fait par l'évêque Boson, ou celle de quelque translation plutôt que celle de sa mort, qu'on ne peut pas déplacer du 16 octobre sans une autorité plus forte que celle de Walafrid Strabon.

00:05 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 11 octobre 2024

11 octobre. Saint Gomer d'Emblehem, confesseur. 774.

- Saint Gomer d'Emblehem, confesseur. 774.

Pape : Adrien Ier. Roi de France : Saint Charlemagne.

" L'humilité d'une âme est d'autant plus précieuse qu'elle sort de la source de l'amour ou de la racine de la ferveur."
Richard de Saint-Victor.

Saint Gomer. Gravure du XVIIe.

Gomer, appelé aussi Gomrnaire, naquit à Emblehem, près de Lierre, au diocèse (romain) actuel de Mechelen (Malines), vers le commencement du VIIIe siècle. Ses parents l'élevèrent dans la pratique des maximes de l'Evangile. L'enfance et la jeunesse de notre Saint se passèrent dans l'innocence ; il était pieux, doux, affable et plein de compassion pour les malheureux.

Pépin, étant devenu, de maire du palais, roi des Francs, le fit venir à la cour. Gomer sut y conserver son innocence ; fidèle à tous ses devoirs, il n'avait aucun des vices qui sont si communs parmi les courtisans. Le jeûne et la prière le fortifiaient contre la corruption générale ; il était généreux, et en quelque sorte prodigue, quand il s'agissait d'assister ceux qui étaient dans le besoin. Loin de faire le moindre tort à son prochain, il cherchait à faire du bien à tout le monde.


Collégiale Saint-Gomer (ou Saint-Gommaire) à Lierre (Flandres).
Les reliques de notre saint y sont conservées.

Pépin, qui, malgré ses défauts, savait rendre justice au mérite, lui confia les places les plus importantes ; il lui proposa même un parti considérable pour la naissance et la fortune, dans la personne de Gwinmarie : le mariage fut bientôt conclu et célébré.

Peu de temps après leur mariage, Gomer fut obligé de suivre le prince à la guerre, et de laisser ainsi sa maison sous la conduite de sa femme. Mais il s'en fallait de beaucoup que Gwinmarie ressemblât à Gomer ; c'était une femme acariâtre. Sa conduite devint pour son mari une source continuelle d'épreuves bien pénibles. Gomer souffrait sans se plaindre, n'attendant que de Dieu sa consolation.

Il employa tous les moyens possibles pour gagner celle qui, malgré tous ses travers, était son épouse devant Dieu et les hommes ; mais tous ses efforts furent inutiles. Ayant été obligé de suivre le roi Pépin dans les différentes guerres qu'il fit en Lombardie, en Saxe et en Aquitaine, il fut nécessairement éloigné d'elle pendant l'espace de 8 ans.


Ceinture de saint Gomer conservée dans la collégiale Saint-Gomer
de Lierre. Elle fut l'occasion d'un très grand nombre de miracles.

A son retour, ses peines devinrent encore plus grandes. Il trouva les affaires de sa maison dans l'état le plus déplorable. Ses domestiques, ses fermiers et ses vassaux se plaignirent des indignes traitements qu'ils avaient eu à souffrir. Il leur accorda à tous la satisfaction qu'ils demandaient.

Etant parti en pélerinage vers Rome, notre Saint, un soir, crut pouvoir faire couper un arbre, sur le bord d'une forêt, pour reposer sa tête. Le propriétaire l'injuria, le menaça à cause du dommage qu'il lui avait causé. Gomer s'excusa humblement et promit de le réparer. En effet, il passa la nuit en prières, et le lendemain matin il unit les 2 parties de l'arbre, qui devint tout à coup aussi vigoureux qu'il était. Le propriétaire étant revenu, et voyant son arbre sur pied et plein de verdure comme auparavant, admira la vertu de Gomer, et, ne se croyant pas digne de posséder une terre où un si saint homme avait campé, il la lui donna avec l'arbre qui était dedans. Un Ange apparut aussi à notre saint confesseur, et lui déclara que ce n'était pas la volonté de Dieu qu'il aille à Rome ; mais ce qu'il exigeait de lui, c'était que, dans sa terre de Nivesdonck, il bâtît un ermitage pour lui servir de retraite pendant sa vie et de sépulture après sa mort.

Le Saint obéit aux ordres du Ciel, bâtit une église en l'honneur de saint Pierre, avec un ermitage, et choisit ce lieu pour sa demeure.

Il ne quitta pas pour cela le soin de sa famille : il allait de temps en temps à sa terre d'Emblehem, où il rendait aux pauvres et aux malheureux tous les devoirs de la charité Chrétienne. Il revêtait les uns, et donnait à boire et à manger à ceux qui avaient faim et soif. Il avait un soin extraordinaire des malades, et ne souffrait pas qu'ils manquassent de rien. Il recevait les pèlerins et les traitait avec toute sorte de bienveillance ; il assistait les veuves et se faisait leur protecteur. Enfin il était le père commun de toutes les personnes qui étaient dans la nécessité.


Retable de Saint-Gomer. Collégiale Saint-Gomer de Lierre. XVe.

Cependant, loin d'imiter de si beaux exemples, Gwinmarie continuait ses mauvais traitements envers ses serviteurs. Un jour que ses moissonneurs étaient tourmentés de la soif, elle ne voulut pas souffrir qu'ils prissent un moment de relâche pour aller se rafraîchir. Mais le saint homme, qui vint à passer par là, frappa la terre de son bâton, et fit jaillir, pour les désaltérer, une source que l'on voit encore aujourd'hui au village d'Emblehem. Sa femme fut saisie d'une fièvre si violente qu'elle était sur le point de mourir. Elle en fit avertir le Saint, qui lui rendit au plus tôt la santé par le Signe de la Croix et lui fit prendre un verre d'eau qu'il lui présenta de sa propre main. Par ses bontés et plus encore par ses prières, il la convertit entièrement : Gwinmarie passa dans la pénitence le reste de sa vie et mourut de la mort des justes.

Saint Rombaut, qui avait quitté l'évêché de Dublin, en Irlande, pour venir en Belgique, éclairait toutes ces provinces par sa doctrine et par ses exemples. Il lia une si étroite amitié avec notre Saint, que, pour avoir plus de liberté de s'entretenir avec lui des choses divines, il marqua un lieu, appelé Stadek, entre la demeure de l'un et de l'autre où tous 2 devaient se trouver à jour nommé pour cette pieuse conférence.

La première fois qu'ils s'y assemblèrent, les bâtons secs qu'ils avaient apportés à la main prirent racine et portèrent des fleurs et des feuilles. Tout le voisinage fut extrêmement édifié de leur union. Il se faisait un grand concours de peuple toutes les fois qu'ils s'assemblaient. Enfin, on bâtit en cet endroit un oratoire, où, au jour de la conférence, on célébrait les saints Mystères. Saint Gomer mourut dans la paix et dans le baiser du Seigneur, le 11 octobre, vers l'an 774.

Il est représenté parlant de la Foi avec saint Rombaut (Rumold). Il tient un bâton qui pousse des feuilles comme celui de son compagnon.

CULTE ET RELIQUES


La Tour Zimmer à Lierre, non loin de la collégiale Saint-Gomer,
abrite une horloge astronomique du XVIIIe/XIXe remarquable
(reconstruite et actualisée entièrement au début du XXe siècle).

Son corps fut d'abord inhumé dans l'église d'Emblehem, où il était décédé ; mais, Dieu ayant révélé à une sainte religieuse nommée Vrachilde, qu'il devait être enterré dans l'église de Saint-Pierre, auprès de son ermitage, on le mit dans un bateau pour l'y transporter. Et alors le bateau monta de lui-même, sans voile, sans rames et sans batelier, contre le cours de l'eau, jusqu'à ce qu'il fût arrivé au lieu que la divine Providence lui avait marqué. Ce lieu, appelé Nivesdonck, fut peu après nommé Ledo ou Ledi. C'est le nom qu'on lui donne dans le partage du royaume qui se fit en 870 sous Lothaire, roi d'Austrasie. Enfin, l'affluence des fidèles, que la piété y attira pour honorer la mémoire de saint Gomer, donna naissance à la ville de Lierre.

Les reliques du saint furent conservées pendant plusieurs siècles dans la chapelle qu'il avait bâtie. Elles furent transférées ensuite dans la belle église collégiale de Saint-Jean, qui prit le nom de Saint-Gomer, et qui est aujourd'hui comme autrefois l'église paroissiale. Ces reliques, dont l'authenticité fut constatée en 1804 par l'archévêque de Malines Jean-Armand de Roquelaure, sont conservées dans une magnifique châsse d'argent, faite en 1682, chef-d'oeuvre de ciselure et d'ornementation, que l'esprit religieux des Lierrois a su dérober à la cupidité des révolutionnaires français du XVIIIe siècle.

00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)

mardi, 24 septembre 2024

24 septembre. Saint Gérard Sagredo, évêque de Chonad en Hongrie, martyr. 1047.

- Saint Gérard Sagredo, saint Gellert pour les Hongrois, évêque de Chonad (Csanád) en Hongrie, martyr. 1047.

Pape : Clément II. Roi de Hongrie : André Ier.

" Ô frères biens-aimés, qui pourra chanter dignement les louanges de la Vierge Marie ?"
Saint Gérard Sagredo.

Saint Gérard Sagredo. Gravure italienne. XVIIIe.

La grâce de Dieu prévint avec tant d'abondance saint Gérard, né de parents vénitiens, qu'il commença dès son enfance à aimer tendrement Notre-Seigneur Jésus-Christ et à pratiquer les maximes de l'Evangile : encore tout jeune, il prit te saint habit de religion ; et, renonçant aux inclinations du vieil Adam, se revêtit de celles du nouveau. Pendant qu'il pratiquait exactement tous les exercices de la vie monastique il lui vint à la pensée de visiter le sépulcre du Sauveur, à Jérusalem, afin d'imiter, dans son pèlerinage, la mortification du fils de Dieu, qui a méprisé toutes les richesses et s'est fait. pauvre pour notre amour. Il quitta donc son pays et sa parenté, et prit le chemin de l'Orient mais en passant par la Hongrie, il plut tellement au roi saint Etienne (997-1038), pour la pureté de ses mœurs et l'excellence de sa doctrine, que ce prince l'obligea de s'arrêter dans ses Etats pour y être la bonne odeur de Jésus-Christ, et même, de crainte qu'il ne lui échappât, il lui donna quelque temps des gardes.

Gérard, se voyant forcé d'y faire sa demeure, se retira dans un lieu appelé le Béel (diocèse de Vesprin), où it se bâtit un petit ermitage pour y vivre séparé du commerce des créatures. Il y passa sept ans dans le jeûne et les oraisons, sans autre compagnie que celle d'un religieux nommé Maur.

Le monastère bénédictin de Saint-Georges-Majeur
où saint Gérard Sagredo fut moine. Venise. Vénétie.

Pendant ce temps, saint Etienne triompha de l'impiété de ces peuples, encore idolâtres ; il adoucit leurs mœurs cruelles et barbares, et prépara les cœurs de la plupart à recevoir la religion chrétienne. Quand il se vit en paix, il fit sortir Gérard de sa solitude et le plaça malgré lui sur le siège épiscopal de la ville de Chonad ou Chzonad, a huit lieues de Temeswar, afin qu'il formât les nouveaux fidèles, selon les règles de l'Evangile. Notre Saint s'acquit une si grande réputation par ses prédications et par sa belle conduite, que les Pannoniens lui portaient un amour extraordinaire et le regardaient comme un nouvel Abraham, qui était devenu leur père dans la foi.

A mesure que les idolâtres se convertissaient il faisait bâtir des églises dans les villes et tes bourgs. La principale fut celle qu'il dédia en l'honneur de saint Georges ; il y dressa un autel sous le vocable de la Mère de Dieu et voulut qu'on y brûlât jour et nuit de l'encens ; pour entretenir cette pieuse cérémonie, il établit deux vieillards qui devaient incessamment y veiller. Tous les samedis de l'année il faisait célébrer un office à neuf leçons, contenant les éloges magnifiques de cette Reine des anges ; et cela avec autant de solennité que le jour de son Assomption dans le ciel.

Les autres jours, après l'office du matin et du soir, il venait avec ses clercs faire sa prière dans cette sainte chapelle. Il avait une dévotion si tendre envers cette auguste Vierge, qu'il ne pouvait rien refuser de tout ce qu'on lui demandait en son nom ; il fondait en larmes lorsqu'il entendait parler d'elle, et il appelait ses " chers enfants " ceux qui l'asssuraient qu'ils croyaient sincèrement qu'elle était la Mère de Dieu. Il la fit appeler par tout le royaume Notre-Dame, afin que tous se regardassent comme ses sujets. Dans le même sens, saint Etienne appelait son royaume la " Famille de Marie ".

Statue de saint Etienne Ier de Hongrie. Esztergom. Hongrie.

Notre Saint avait une adresse merveilleuse pour se mortifier on l'a vu aller la nuit dans la forêt y faire des fagots pour les rapporter ensuite sur ses épaules. Il prévenait souvent le travail de ses domestiques et faisait lui-même leur ouvrage, il portait ordinairement le cilice et des habits faits de poils de chèvre ; il embrassait tendrement les lépreux et les laissait quelquefois coucher dans son lit ; quand il faisait un voyage, il n'allait point à cheval, mais dans un chariot, afin de pouvoir lire et étudier durant le chemin. Un jour, un de ses serviteurs ayant fait une faute notable, il se laissa emporter de colère contre lui, comme il arrive quelquefois aux plus grands serviteurs de Dieu, et le condamna à être fouetté et attaché quelque temps à un pieu. Ses gens, qui connaissaient sa clémence et sa douceur, firent semblant de lui obéir, et, ayant mis du sang d'un animal sur le dos, les épaules et les bras de ce pauvre criminel, ils l'attachèrent en cet état à un endroit par où ils savaient que leur maître devait passer. Ce pitoyable objet toucha si sensiblement le saint pasteur, qu'il descendit de son chariot, accourut vers le patient, et lui baisant tantôt les bras, tantôt les mains, tantôt les pieds ou les liens, le conjura de lui pardonner la sévérité qu'il avait exercée envers lui ; enfin, il le fit délier et ne lui témoigna plus que de l'amour et de la tendresse. C'était là être changé, selon l'esprit de l'Evangile, en la nature des enfants, qui n'ont point de ressentiment et oublient en peu de temps les injures qu'on leur a faites.

Sa dignité et ses fonctions pastorales ne l'empêchaient point de mener une vie presque solitaire. Il se fit bâtir, dans les bois, près des villes où il allait prêcher, de petites cellules, où il se retirait pour se remplir des lumières célestes avant que d'en faire la distribution à son peuple. Il y passait les nuits en oraison et y pratiquait des austérités qui ne sont connues que de Dieu seul. Il avait une joie extraordinaire lorsqu'il voyait des personnes servir Dieu avec allégresse un jour, ayant trouvé dans son hôtellerie une servante qui chantait en tournant avec force un moulin, il s'écria qu'elle était bienheureuse et lui fit donner une grosse somme d'argent.

Légende de saint Gérard Sagredo. Saint Gérard et saint
Etienne de Hongrie. Saint Gérard dans son ermitage.
Saint Gérard sacré évêque. Saint Gérard prêchant.
Manuscrit angevin. Hongrie. XIIIe.

Après la mort de saint Etienne (1038), qui avait confié l'éducation et l'instruction de son fils saint Emeric (Imre pour les Hongrois), à saint Gérard depuis l'âge de 14 ans jusqu'à l'âge de 23 ans, saint Gérard eut de grandes traverses à supporter. Les Hongrois prirent pour roi Pierre le Germanique, neveu de ce saint monarque mais au bout de quelques années, ne pouvant plus endurer sa cruauté et les excès de sa vie déréglée, ils le déposèrent et le chassèrent du royaume (1041).

Ils mirent ensuite à sa place un seigneur appelé Samuel, et surnommé Aba, qui n'était pas meilleur que lui.  Le clergé et le peuple consentirent à son élection mais notre Saint, sachant combien elle était de dangereuse conséquence, s'y opposa et refusa absolument de lui mettre la couronne sur la tête. Il n'appréhenda point sa puissance et ne redouta point sa cruauté ; mais il soutint énergiquement que, le roi étant vivant, il ne devait point monter sur son trône. Son zèle le porta même à le reprendre en public de ses injustices, et surtout de ce qu'abusant de son autorité, il avait déjà fait empaler plusieurs officiers de son conseil. Enfin, il lui prédit que son règne ne serait pas de longue durée, et qu'après deux ans il en irait rendre compte au juste jugement de Dieu Sa prédiction fut véridique ; car Samuel étant devenu plus insolent et plus insupportable que son prédécesseur, les Hongrois se révoltèrent contre lui et le firent honteusement mourir par la main d'un bourreau (1044).

Saint Gérard Sagredo instruisant saint Emeric, fils du
roi saint Etienne de Hongrie. Szekesfehervar. Hongrie.

Par ce moyen, Pierre, qui avait été chassé, fut rétabli dans ses Etats et reprit en main les rênes du gouvernement mais ce ne fut pas pour longtemps. Deux ans après, ses nouveaux crimes le firent rejeter une seconde foi, et André Ier, fils de Ladislas le Chauve, cousin-germain de saint Eiienne, fut élu roi (1046), à condition qu'il rétablirait l'idolâtrie, abolirait la religion chrétienne, en exterminerait les prêtres et les évêques, en démolirait les ég!ises et ruinerait tout ce que saint Etienne avait si sagement établi. Ce prince, lâche et ambitieux, qui préférait un royaume aux devoirs de sa conscience, accéda à toutes les exigences de ses sujets, nourrissant néanmoins le dessein de rétablir toutes choses lorsqu'il serait en paisible possession de ses Etats.

Gérard, apprenant ce que le roi avait fait, crut qu'il était de son devoir de lui remontrer sa faute et de lui faire rétracter ce qu'il avait accordé si lâchement. Il se mit donc en route pour l'aller trouver à l'Albe Royale (aujourd'hui Stuhlweissembourg), avec trois autres évêques transportés du même zèle que lui. Chemin faisant, il eut une vision où il croyait voir Notre-Seigneur qui lui présentait le calice de son sang, à lui et à deux des évêques qui l'accompagnaient. Il reconnut par là que l'honneur du martyr leur était préparé. Après avoir dit tous ensemble la messe au bourg de Gyod, dans l'église de Sainte-Sabine, martyre, ils continuèrent leur voyage et arrivèrent au bord du Danube, où le duc Vatha, le plus méchant apostat et le plus grand ennemi de Jésus-Christ qui fût dans toute la Hongrie, les ayant rencontrés, commanda à ses gens de les assommer à coups de pierres.

Légende de saint Gérard Sagredo. Les païens en révolte offrant
la palme du martyre à la suite de saint Gérard, composée de
deux autres évêques, saint Bezterd de Neitra et saint Buld
d'Erlau, et de nombreux prêtres. Martyre de saint Gérard,
précipité du haut de la colline qui porte aujourd'hui son nom.
Procession du corps de saint Gérard vers son diocèse de Chonad.
Inhumation de saint Gérard. Manuscrit angevin. Hongrie. XIIIe.

Saint Gérard fit le signe de la croix sur ces pierres, et à l'heure même elle demeurèrent suspendues en l'air ; mais ce miracle, ne touchant nullement le despote, il fit tirer le Saint de son chariot, et après qu'on l'eu traîné avec beaucoup d'indignité sur la pointe du rocher qui donnait sur le Danube, il le fit précipiter du haut en bas. Ce coup était sufSsant pour le faire mourir ; mais ces apostats, voyant qu'il avait encore quelque souffle de vie qu'il employait, à l'exemple de Jésus-Christ et de saint Etienne, à prier pour ses meurtriers, l'achevèrent à coups de javeline (24 septembre 1047). Bezterd de Neitra et Buld d'Erlau, deux des évêques qui l'accompagnaient et un grand nombre d'ecclésiastiques et de laïques furent martyrisés avec lui.

Les gouttes de son sang demeurèrent sept ans imprimées sur le caillou où il s'était bnsé la tête en tombant, sans que ni les pluies du ciel, ni les inondations de la rivière en pussent eitacer la trace. C'était comme une marque permanente de l'injustice et de la cruauté des idolâtres, et une invocation muette de la vengeance de Dieu contre les auteurs du meurtre.

Statue monumentale de saint Gérard Sagredo bénissant Budapest et
la Hongrie. Mont Saint-Gérard (saint Gellert). Budapest. Hongrie.

CULTE ET RELIQUES

Le roi, qui n'y avait pas consenti en particulier, et qui ; depuis, promulgua de nombreux édits pour le rétablissement du Christianisme dans toutes ses terres, fit lever le corps du Saint et ordonna qu'il fût enterré dans l'église de Saint-Georges et dans la chapelle de la Sainte-Vierge, que lui-même avait fait bâtir. Cette chapelle se trouvait près du lieu où le Saint avait rendu le dernier soupir. On y transposa aussi la pierre arrosée et teinte de son sang, que l'on fit entrer dans la structure de l'autel pour mémoire éternelle de son martyre. Plus lard ses reliques furent transférées dans la cathédrale de de Chonad. 5ous le règne de saint Ladislas, elles furent renfermées dans une châsse. Les Vénitiens les ayant obtenues du roi de Hongrie, après bien des sollicitations, les firent transporter solennellement dans leur ville et les déposèrent dans l'église de Notre-Dame de Murano.

Reliquaire de saint Gérard Sagredo. Trésor de
la basilique Saint-Etienne. Estergom. Hongrie.

On le représente :
1. avec l'encensoir à la main devant un autel de la très-sainte Vierge ; c'est pour rappeler, comme nous l'avons insinué plus haut, qu'il fonda devant l'autel de Notre-Dame, dans l'église dédiée a saint Georges, un encensoir d'argent confié aux soins de deux vieillards chargé de veiller à ce que l'encens y brûlât toujours ;
2. en compagnie de saint Etienne de Hongrie, dont il fut le coopérateur pour la conversion des Magyars ;
3. portant une image de la sainte Vierge, on devine pourquoi ;
4. percé d'une lance ;
5. instruisant saint Emeric (Imre pour les Hongrois), le fils de saint Etienne de Hongrie, assassiné à 25 ans avant de pouvoir monter sur le trône, et canonisé pour sa vie particulièrement pieuse et chrétienne par le pape saint Grégoire VII en 1084.

Basilique primatiale Saint-Etienne. Esztergom. Hongrie.

Saint Gérard, saint Gellert pour les Honrois, jouit encore d'une très grande popularité chez les Hongrois. Sur la colline qui porte son saint nom et qui domine Budapest, un magnifique mémorial veille toujours sur la ville et par là sur le pays, orné d'une statue monumentale de notre Saint bénissant la Hongrie. On ne compte pas les statues et autres lieux de dévotion à saint Gellert (Estergom, Shekesvehervar, Temeswar, etc.) dans ce pays qui fut appelé par saint Etienne, rappelons-le, la " Famille de Marie ".

La vie de saint Gérard Sagrado a été écrite par un auteur de son temps ; elle est rapportée par Surius. Bonfinius parle aussi de lui au livre II de la seconde décade de son Histoire de Hongrie. Baronius en fait mention dans ses Annales, où il dit qu'on l'appelle le Premier Martyr de Hongrie, depuis que saint Etienne, roi, l'avait rendue chrétienne.

Saint Gérard Sagredo prêchant. Statue. Hongrie.

00:10 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 07 août 2024

7 août. Saint Gaëtan de Thiène, fondateurs des Clercs réguliers dits Théatins. 1547.

- Saint Gaëtan de Thiène (Thiènne ou Thienne), fondateur des Clercs réguliers dits Théatins. 1547.
 
Pape : Paul III. Roi de Naples : Charles Quint (Charles IV de Naples).
 
" Je ne cesserai de donner aux malheureux qu'au moment où je me verrai si dénué de biens qu'il me faille inhumer par charité."
Saint Gaëtan de Thiène.
 

Saint Gaëtan de Thiène d'après un portrait exécuté de son vivant.

Ce saint mérite que l'on relève particulièrement l'importance de sa vie et de ses oeuvres. En effet, il fait partie de ces grands personnages qui fondèrent un corps de clercs combattants pour défaire les hérétiques du XVIe siècle et pour réformer les mœurs dépravées des catholiques de leur temps.

Notre saint naquit à Vicenze, ville de la république de Venise, en 1480. Fruit de l'illustre famille des Thiène, très célèbre par d'excellents personnages qui en étaient sortis et que l'on avait vus se distinguer dans les dignités de l’Église et dans la profession des armes, il fut consacré à Marie dès le sein de sa mère, puis ensuite à sa naissance. On lui donna le nom de Gaétan, pour conserver un célèbre nom familial ; mais on y ajouta le nom de Marie, pour marquer sa consécration à la Reine du Ciel.

En effet, outre le fameux Gaëtan de Thiène, chanoine de Padoue, qui a laissé des Commentaires sur la philosophie naturelle d'Aristote et qui passait pour le prince des théologiens de son siècle (XIVe), il y eu plusieurs prélats, vice-légats et cardinaux de cette maison, des gouverneurs de Milan et des vice-rois de Naples. La France a connu en particulier le seigneur Nicolas de Thiène, page de François Ier, qui fut un fameux capitaine d'ordonnance sous Henri II puis un Ligueur habile, et qui en épousant Jeanne de Villars, fille du marquis de Villars, Grand amiral de France, forma la souche de la branche tourangelle des Thiène.

Gaétan de Sainte-Marie montra de bonne heure un grand amour pour les pauvres ; ce fut là, du reste, un des beaux caractères de toute sa vie. Son coeur d'enfant, tendre et délicat, le faisait pleurer souvent à la vue des misères qui s'offraient à lui ; les pauvres, qui le connaissaient tous, l'appelait leur petit ami, en attendant qu'il fût leur père. L'enfant leur rendait mille petits services, et lorsqu'il recevait quelque argent de ses parents à titre de récompense, il n'avait rien de plus pressé que de le distribuer à ses chers mendiants. La petite somme était toujours vite épuisée ; alors Gaétan mettait en mouvement tous les ressorts de sa jeune politique, et il finissait toujours par reconstituer son petit trésor. À bout d'expédients, il demandait l'aumône à ses parents pour l'amour de Dieu.


Saint Gaëtan de Thiène à l'autel. Jacopo Palma le Jeune. XVIe.

Après avoir fait de brillantes études - il devint un excellent orateur, un philosophe de tout premier ordre et un jurisconsulte très doué : il obtint le grade de docteur en droit canon et en droit civil -, il bâtit une église sous l'invocation de sainte Marie-Madeleine dans ses domaines à Rampazzo, avec l'aide de son frère aîné Jean-Baptiste, pour y exercer le saint ministère et permettre aux villageois trop éloignés de l'église paroissiale d'assister plus commodément à la sainte messe.

Comme il était très simple et même négligé dans ses vêtements, son père se fâchait souvent et l'accusait de déshonorer son nom en se mêlant aux mendiants. Le plus souvent Gaétan répondait à ce reproche par son silence. Il s'occupa avec zèle des ouvriers, ce qui lui attira la persécution de ses proches, puis l'admiration de tous, quand on vit son ministère opérer de grands fruits de sanctification. Partout où il allait, sa première visite était pour les pauvres et les malades.

A Rome, à l'invitation du pape Jules II qui le pria de demeurer à sa cour, Gaétan, plein du désir de donner au clergé des modèles à imiter quoique peu enclin à vivre ainsi dans la proximité du gouvernement de l'Eglise (il fut néanmoins protonotaire), contribua à la réformation des moeurs douteuses qui régnaient alors dans la ville sainte et en particulier hélas dans certaines branches de la curie.

Par un bref d'extra tempora (lequel permet de surseoir au cursus traditionnel de formation du prêtre) et une dispense des interstices (qui permet d'éviter le temps traditionnel entre chaque réception des degrés de l'ordre), le pape lui permit de recevoir la prêtrise en trois fêtes proches les unes des autres.
 
Un jour de Noël, Notre-Seigneur lui apparut sous la forme d'un petit enfant ; il Le prit dans ses bras et Le caressa longtemps, pendant que son cœur se fondait d'amour.

Il se mit dès lors sous la conduite spirituelle du Révérend Père Jean-Baptiste de Crema, dominicain, et sa vertu d'obéissance s'y exerça avec une très sainte ponctualité, faisant l'admiration même de son directeur.

Bientôt, il fonda, de concert avec quelques saints prêtres, la congrégation des Théatins. Le premier des compagnons de saint Gaëtan fut Gian-Pietro (Jean-Pierre) Caraffa della Stadera, alors évêque de Théate (ou Chieti) dans le royaume de Naples, et archevêque de Brindes puis cardinal et pape sous le nom de Paul IV, un des grands pape de la lutte contre l'hérésie et auteur de la fameuse bulle Cum ex apostolatus. Le deuxième fut Paul Consiglieri, de la famille des Ghisleri, qui joignit toute sa vie une éminente sainteté à une sagesse et une prudence consommées. Le troisième fut Boniface de Colle, d'une ancienne maison de la ville d'Alexandrie dans le Milanais.

La confiance absolue en Dieu valait plus pour lui que tous les conseils de la prudence humaine, et nulle part la Providence ne le laissa manquer du nécessaire. Il convient de noter que jamais, et ce fut la volonté de notre saint, le service des pauvres et des malades ne fut séparés du combat contre l'hérésie ; l'un étant la source de charité de l'autre.

Voici les principales fins de ce saint institut :
1. donner un modèle aux clercs, qui vivaient à cette époque dans de graves désordres et avaient grand besoin de réforme ;
2. donner l'exemple d'une parfaite pauvreté ;
3. rétablir la propreté des églises et des autels et la majesté des saintes cérémonies, qui se faisaient alors sans révérences et donnaient lieu aux hérétiques de les décrier et de les faire passer pour des superstitions ;
4. animer les fidèles à la fréquentation des Sacrements qui étaient alors si peu en usage qu'un nombre scandaleux de Chrétiens ne se confessait et ne communiait qu'une fois l'an sans grand dessein d'un amendement sincère, et avec une nonchalance qui faisait gémir le peu de gens de bien qu'il restait ;
5. d'annoncer d'une manière savante et pieuse la parole de Dieu, que les prédicateurs d'alors mêlaient souvent à un langage profane et ridicule ;
6. de visiter les malades pour les disposer à recevoir les Sacrements et surtout fortifier les agonisants contre les tentations du démon et les assauts de la mort ;
7. accompagner les malfaiteurs au supplice, afin de leur faire éviter la rigueur des châtiments éternels ;
8. poursuivre partout les hérésies qui s'étaient renouvelées depuis quelques années par l'impiété de Luther et de quelques autres apostats d'Allemagne et d'ailleurs.

Le Saint était déjà âgé quand il tomba malade, à Naples ; il refusa un matelas et voulut mourir sur la cendre et le cilice ; il refusa aussi un médecin extraordinaire, disant :
" Je suis un pauvre religieux, qui ne vaut pas la peine d'être assisté."
 
Il répétait à tous moment les paroles de Daniel : " Placare, Domine, attende et fac " (" Seigneur, pardonnez ; Seigneur, soyez attentif et agissez ").
 
Marie vint Elle-même chercher son âme. Il laissa la réputation d'un séraphin à l'autel et d'un apôtre en chaire.

Urbain VIII béatifia saint Gaëtan en 1629 et Clément X le canonisa en 1669.

Les Théatins reçurent de grands privilèges de la part de l'un de leur fondateur, le pape Paul IV. Ils donnèrent à l’Église un nombre conséquent de prélats aussi saints que savants, dont le fameux TRP Ventura de Raulica au XIXe siècle auteur entre autres de ce mot fameux ; " la plus grande ruse du diable est de faire croire qu'il n'existe pas ".

CULTE ET RELIQUES

Saint Gaëtan fut enterré au cimetière Saint-Paul à Naples. Il est devenu l'un des principaux patrons de cette ville où il est en grande dévotion. Sa statue est au côté de celle de saint Janvier sur toutes les portes de cette ville.

01:00 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)

samedi, 06 juillet 2024

6 juillet. Saint Goar, prêtre et ermite au diocèse de Trèves. 575.

- Saint Goar, prêtre et ermite au diocèse de Trèves. 575.
 
Pape : Benoît Ier. Rois d'Austrasie : Sigebert Ier ; Childebert II.
 
" Saint Goar enfant nous prêche l'innocence et la fuite du monde ; Goar calomnié nous est un beau modèle de résignation et de générosité envers les ennemis ; Goar refusant l'évêché de Trèves fait pour notre instruction le panégyrique de l'humilité et du détachement des grandeurs terrestres."
M. l'abbé Martin. Serm. sur saint Goar.
 
Verrières de l'église Saint-Goar. Saint Goar.
Diocèse de Trèves. XVIIe.
 
Goar naquit peu après la mort du roi Clovis. Ses parents, Georges et Valérie, étaient de nobles seigneurs de l'Aquitaine, au foyer desquels il puisa, pendant ses premières années, l'amour de la vertu. Tout petit encore, il avait une charité extraordinaire pour les pauvres ; son zèle pour la gloire de Dieu lui faisait prêcher déjà la pénitence aux pécheurs et la sainteté aux justes, et la parole de cet enfant, jointe à ses actions merveilleuses, produisait de grands fruits autour de lui.
 
Village de Saint-Goar sur les bords du Rhin.
Saint Goar y établit son hermitage. Rhénanie-Palatinat.
 
Le sacerdoce, quand il eut l'âge de le recevoir, fut un nouvel aiguillon à son ardeur apostolique. Avec l'autorité que lui donnait sa haute vertu, il combattit, dans ses prédications, tous les vices, le luxe, la discorde, la vengeance, l'homicide et les diverses passions grossières d'une époque encore barbare. Cependant l'apôtre avait, avant tout, des goûts de moine ; aussi quitta-t-il bientôt ses parents et sa patrie pour chercher Dieu dans la solitude. Mais Dieu, qui ne voulait pas que tant de vertus demeurassent stériles, souffla au coeur du solitaire un nouveau feu de zèle, et Goar, riche de ses progrès nouveaux et des lumières surnaturelles qu'il avait recueillies dans sa retraite, parcourut toutes les campagnes voisines, encore païennes, y prêcha l'Évangile et vit avec joie de nombreux convertis recevoir le baptême.
 
Miniature d'un manuscrit allemand du XIe.
 
Peu de Saints furent plus hospitaliers que lui, et c'est par ses bons procédés, ses aumônes, ses réceptions cordiales et généreuses, qu'il sut rendre populaire la doctrine qu'il pratiquait si bien. Accusé devant son évêque de divers crimes imaginaires inventés par le démon de la jalousie, il parut humblement au palais épiscopal et déposa son manteau, par respect, en présence du prélat ; mais, en croyant le suspendre à une tige de métal, il le suspendit à un rayon de soleil. L'évêque ne fut point touché de ce prodige; cependant il dut bientôt reconnaître l'innocence du Saint, manifestée, à sa confusion, par un nouveau miracle.

Le roi Sigebert voulut bientôt le faire évêque ; mais Goar obtint un délai de vingt jours, pendant lequel il pria Dieu avec tant de larmes, qu'il obtint une grave maladie qui se prolongea pendant sept ans et mit le roi dans l'impossibilité de réaliser ses desseins. Goar offrit à Dieu ses longues et horribles souffrances pour l'extension et le triomphe de l'Église.
 
L'église Saint-Castor, à Coblence, possède encore
quelques reliques de ce grand saint.

RELIQUES

Le corps de saint Goar fyt enterré dans la petite église que notre saint avait bâtie dans son ermitage. Pépin le Bref, père de saint Charlemagne agrandit avec faste cette église afin d'honorer notre saint confesseur. Le même Pépin, fondateur de l'abbaye de Pruym, établit que l'abbé de ce monastère serait le supérieur perpétuel de Saint-Goar.

La collégiale et la ville de Saint-Goar s'éleva depuis l'endroit ou se trouvait la cellule de notre saint. Malheureusement, au temps de la prétendue réforme, lorsque le pays tomba aux mains du landgrave de Hesse, elle fut en partie ruinée par les bêtes féroces protestantes qui, de plus, dispersèrent les reliques de saint Goar.
 
 
Rq : On lira avec fruit la notice que consacrent les Petits bollandistes à saint Goar, ce grand saint injustement méconnu : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307386

00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 25 juin 2024

25 juin. Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.

- Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.
 
Pape : Innocent II. Empereur germanique : Conrad III Hohenstauffen.
 
" La solitude embellie par les vertus de l'homme juste est plus belle que la ville la plus magnifique, plus belle que l'univers entier."
Saint Jean Chrysostome. Hom. XXXIII sup Gen.
 

San Guillaume en oraison. Manuscrit napolitain du XVe.

Ce n'est pas seulement dans la gloire incomparable du martyre, que l'Emmanuel fait éclater la puissance de sa grâce et la force victorieuse des exemples laissés par son Précurseur au monde. Voici que s'offre tout d'abord à nos hommages, un de ces innombrables athlètes de la pénitence qui suivirent Jean au désert ; fuyant comme lui, dès le plus jeune âge, une société où leur âme pressent qu'elle ne trouverait que froissements et périls, consacrant leur vie au triomphe complet du Christ en eux sur la triple concupiscence, ils rendent témoignage au Seigneur par des œuvres que la terre ignore, mais qui réjouissent les anges et font trembler l'enfer. Guillaume fut un des chefs de cette milice sainte. L'Ordre du Mont-Vierge, qui lui doit l'existence, a bien mérité de l'institut monastique et de l'Eglise, en ces régions de l'Italie méridionale où Dieu voulut, à diverses reprises, opposer comme une digue à l'entraînement des sens le spectacle des plus austères vertus.

Personnellement et par ses disciples, Guillaume eut pour mission d'infuser au royaume de Sicile, qui se fondait alors, l'élément de la sainteté que tout peuple chrétien réclame à sa base. Au Midi comme au Nord de l'Europe, la race normande venait d'être providentiellement appelée à promouvoir le règne de Jésus-Christ. C'était le moment où Byzance, impuissante à protéger ses dernières possessions d'Occident contre l'invasion sarrasine, n'en prétendait pas moins garder les églises de ces contrées dans les liens du schisme, où l'avait récemment engagée l'intrigante ambition de Michel Cérulaire. Le Croissant s'était vu contraint de reculer devant les fils de Tancrède de Hauteville ; et la perfidie grecque fut déjouée à son tour parla rude simplicité de ces hommes, qui apprirent vite à n'opposer d'autre argument que celui de leur épée aux fourberies byzantines. La papauté, un instant hésitante, comprit bientôt également de quel secours lui seraient les nouveaux venus, dans les querelles féodales qui s'agitaient depuis deux siècles autour d'elle, et préparaient la longue lutte du sacerdoce et de l'empire.


C'était l'Esprit-Saint qui, comme toujours depuis les temps de la Pentecôte, dirigeait ici les événements au plus grand bien de l'Eglise. Il inspirait aux Normands d'établir leurs conquêtes sur la fermeté de la Pierre apostolique, en se reconnaissant les feudataires du Saint-Siège. Mais en même temps, pour récompenser la fidélité de ce début, pour les rendre aussi plus dignes de la mission qui eût continué de faire leur honneur et leur force, s'ils eussent continué de la comprendre, il leur donnait des saints. Roger Ier avait vu saint Bruno intercéder pour son peuple dans les solitudes de Calabre, et le sauver miraculeusement lui-même des embûches dressées par la trahison; Roger II eut pour le ramener dans les sentiers de la justice, dont il s'écartait trop souvent, l'exemple et les exhortations du fondateur du Mont-Vierge.


Saint Guillaume de Verceil en oraison. Gravure du XVIe.

Guillaume naquit de parents nobles, à Verceil en Piémont. A peine avait-il achevé sa quatorzième année, qu'embrasé des ardeurs d une merveilleuse piété, il entreprit le pèlerinage de Compostelle au célèbre temple de saint Jacques. Vêtu d'une seule tunique, ceint d'un double cercle de fer, nu-pieds, en butte aux rigueurs du froid et de la chaleur, de la faim et de la soif, il accomplit sa route en grand danger de la vie. De retour en Italie, il médite un nouveau pèlerinage au saint tombeau du Seigneur ; mais diverses sortes d'obstacles très graves s'opposent à son projet.

La divine Providence tournait à des desseins plus hauts et plus parfaits les religieux penchants du jeune homme. C'est alors qu'il passa deux ans au mont Solicchio, priant sans interruption, jeûnant, veillant, couchant sur la dure, soutenu du seul secours divin.

Ayant rendu la vue à un aveugle, le bruit du miracle se répandit, et Guillaume, qui ne pouvait plus rester caché, songea de nouveau à se rendre à Jérusalem. Plein d'ardeur, il se mit en route.

Mais Dieu, qui voulait de lui une vie plus utile et plus fructueuse pour l'Italie et d'autres contrées, lui apparut et l'avertit de renoncer à sa résolution. Gagnant donc le mont Virgilien, appelé depuis Mont-Vierge, il bâtit avec une rapidité étonnante un monastère au sommet, en dépit des difficultés que présente ce lieu inaccessible. Des compagnons, touchés de la grâce, s'adjoignent à lui, voulant vivre conformément aux préceptes et aux conseils de l'Evangile. Des règles empruntées en grande partie à saint Benoit, et, d'autre part, la parole de Guillaume et l'exemple de sa vie très sainte les aident admirablement à atteindre ce but.


Saint Guillaume de Verceil dirigeant les travaux du
monastère du Monte-Vergine. Gravure du XVIIIe.

D'autres monastères s'élevèrent dans la suite ; de jour en jour, éclatait davantage la sainteté du fondateur ; de toutes parts on venait à lui, attiré par le parfum de cette sainteté et la renommée de ses miracles. Car, à son intercession, les muets recouvraient la parole, les sourds l'ouïe ; la vigueur était rendue aux membres desséchés, la santé à tous ceux qu'affligeaient les plus diverses et les plus irrémédiables maladies.

Il changea l'eau en vin, et accomplit une multitude d'autres merveilles, entre lesquelles il faut citer la suivante : une femme perdue ayant été envoyée pour éprouver sa chasteté, il se roula sur des charbons ardents étendus à terre sans en éprouver aucun mal.
Roger, roi de Naples, ayant eu connaissance de ce fait, conçut une vénération profonde pour l'homme de Dieu. Il prédit au roi et à d'autres le temps de sa mort, et, illustre par ses vertus et miracles sans nombre, il s'endormit enfin dans le Seigneur, l'an du salut mil cent quarante-deux.


Le monastère de Monte-Vergine aujourd'hui.
 
PRIERE
 
" A la suite de Jean vous comprîtes les attraits du désert, Ô Guillaume, et Dieu voulut montrer par vous l'utilité que renferment ces existences qui, dans leur fuite du monde, semblent se désintéresser des affaires humaines. Le détachement complet des sens, dégageant l'âme, la rapproche du souverain Etre ; la solitude, éteignant les bruits de la terre, permet d'entendre la voix du Créateur. L'homme alors, éclairé par l'Auteur même du monde sur les grands intérêts mis en jeu dans son œuvre, devient en ses mains un instrument aussi puissant que docile pour la poursuite de ces intérêts, qui ne sont autres que ceux de la créature elle-même et des nations. Ainsi devîntes-vous, illustre Saint, le boulevard d'un grand peuple qui trouva dans votre parole la règle du droit, dans vos exemples le stimulant des vertus les plus hautes, dans la surabondance de votre pénitence une compensation devant Dieu aux écarts de ses princes. Pour ce peuple nouveau, en qui le succès de ses armes excitait la violence et la fougue de toutes les passions, les miracles sans nombre qui accompagnaient vos exhortations avaient, eux aussi, leur éloquence : témoin ce loup qui, après avoir dévoré l'âne du monastère, fut condamné à le remplacer dans son humble service ; témoin la malheureuse qui, au jour où sur un lit de charbons ardents vous parûtes inaccessible à l'action de la flamme, renonça à sa vie criminelle et fut conduite par vous jusqu'à la sainteté.
 

Madonna del Monte-Vergine. Eglise Saint-Antoine.
Conca dei Marini. Royaume. Près Naples.

Bien des révolutions sont venues depuis lors montrer en cette contrée, dans laquelle vous aviez souffert et prié, l'instabilité des royaumes et des dynasties qui ne cherchent pas avant tout le royaume de Dieu et sa justice. Malgré l'oubli où trop souvent, depuis que vous avez quitté la terre, ont été mis vos enseignements et vos exemples, protégez le pays où Dieu vous accorda des grâces si grandes, et qu'il daigna confier à votre intercession puissante. La foi reste vive en ces peuples : conservez-la, malgré les efforts de l'ennemi contre elle en nos jours ; faites-lui produire ses fruits dans le champ des vertus. A travers bien des épreuves, votre descendance monastique a pu, jusqu'en notre siècle de persécution, se propager et servir l'Eglise : obtenez qu'avec toutes les autres familles religieuses, elle se montre jusqu'au bout plus forte que la tempête. Notre-Dame, dont vous avez bien mérité, se tient prête à seconder vos efforts : du sanctuaire dont le nom a prévalu sur les souvenirs du poète qui, sans le savoir, avait chanté ses grandeurs (Virg. Egl. IV.), puisse-t-elle sourire toujours aux foules qui chaque année gravissent la sainte montagne, célébrant le triomphe de sa virginité ; puisse-t-elle, à nous qui ne pouvons que de cœur accomplir le sacré pèlerinage, tenir compte du désir et de l'hommage que nous lui présentons par vos mains !"

00:05 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 15 juin 2024

15 juin. Ste Germaine de Pibrac, vierge, bergère. 1601.

- Sainte Germaine Cousin, vierge, bergère. 1601.
 
Pape : Clément VIII. Roi de France : Henri IV*.
 
" Familiaris est Dominus simplicibus, quibus non dédignatur arcana sua revelare."
" Dieu aime les âmes simples, Il ne dédaigne pas de leur révéler Ses mystères."
Saint Albert le Grand, De Parad. animae.

Notre sainte naquit à Pibrac, à quelques lieues de Toulouse en 1579. Son père, Laurent, était un pauvre cultivateur et sa mère s'appelait Marie Laroche. Le très peu de richesses terrestres qu'ils avaient étaient compensé par l'abondance de leur piété et de leurs mœurs honnêtes.


La mère de sainte Germaine mourut quelques temps après sa naissance. Sainte Germaine était venue au monde percluse de la main droite et elle était atteinte de scrofules.

Son père se remaria bientôt. Malheureusement, cette femme, au lieu de prendre en pitié notre sainte, lui fit une vie très cruelle. La petite orpheline devint ainsi l'objet de la haine et du mépris d'une belle-mère acariâtre et sans cœur ; la douleur, née avec elle, devait être sa compagne jusqu'à la mort. Cette pauvre ignorante fut instruite par Dieu même dans la science de la prière.


Statue de sainte Germaine.
Église Saint-Martin-de-Tours. Chanet-sur-Illet. Bretagne.

Bergère des troupeaux de la famille, elle passait son temps en conversations avec le Ciel ; le chapelet était son seul livre ; la Sainte Vierge était sa Mère, les Anges ses amis, l'Eucharistie sa vie. Souvent on la vit agenouillée dans la neige, traversant à pied sec le ruisseau voisin sans se mouiller, pour se rendre à l'église, où elle assistait chaque jour au Saint Sacrifice et communiait souvent, pendant que ses brebis paissaient tranquilles autour de sa quenouille plantée en terre. Charitable pour les pauvres, elle leur donnait son pauvre pain noir, ne vivant guère que de l'amour de Dieu ; et, un jour, le Ciel renouvela pour elle le miracle des roses devant les yeux de son impitoyable marâtre.


Eglise Saint-Sauveur & Sainte-Marie-Magdeleine de Pibrac
où reposa longtemps le corps de sainte Germaine.

A sa mort, les Anges et les Vierges célestes chantèrent au-dessus de sa maison comme en attestèrent deux religieux qui passaient près de la maison la nuit où elle retourna à Notre Père des Cieux. Quarante ans plus tard, on trouva, comme par hasard, mais providentiellement, son corps intact avec un bouquet de fleurs fraîches, sous les dalles de l'église de sa paroisse. Elle est devenue une des grandes Thaumaturges et une des Saintes les plus populaires de la France.


Basilique Sainte-Germaine Cousin à Pibrac,
édifiée grâce à la piété des fidèles.
 
* Il est sans doute que l'accession au trône Très-Chrétien d'Henri de Navarre est une des pages les plus honteuses de l'histoire de la France. Louis XIII, en consacrant solennellement la France à Notre Dame et en fixant ainsi la fête nationale le 15 août, légitima fortement les Bourbons sur le trône. Mais Louis XIV, en refusant d'écouter sainte Marguerite-Marie Alacoque,  messagère de Notre Seigneur Jésus-Christ qui souhaitait que le royaume fût consacré à son Sacré Coeur, en 1689, ouvrit les portes de la " nouvelle Israël " à l'adversaire. Ce mépris ne contribua pas peu à précipiter cette race dans le chaos avec le reste du monde hélas...

00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)