mardi, 25 juin 2024
25 juin. Saint Guillaume de Verceil, abbé, fondateur de la congrégation du Monte-Vergine. 1142.
Saint Jean Chrysostome. Hom. XXXIII sup Gen.
Ce n'est pas seulement dans la gloire incomparable du martyre, que l'Emmanuel fait éclater la puissance de sa grâce et la force victorieuse des exemples laissés par son Précurseur au monde. Voici que s'offre tout d'abord à nos hommages, un de ces innombrables athlètes de la pénitence qui suivirent Jean au désert ; fuyant comme lui, dès le plus jeune âge, une société où leur âme pressent qu'elle ne trouverait que froissements et périls, consacrant leur vie au triomphe complet du Christ en eux sur la triple concupiscence, ils rendent témoignage au Seigneur par des œuvres que la terre ignore, mais qui réjouissent les anges et font trembler l'enfer. Guillaume fut un des chefs de cette milice sainte. L'Ordre du Mont-Vierge, qui lui doit l'existence, a bien mérité de l'institut monastique et de l'Eglise, en ces régions de l'Italie méridionale où Dieu voulut, à diverses reprises, opposer comme une digue à l'entraînement des sens le spectacle des plus austères vertus.
Personnellement et par ses disciples, Guillaume eut pour mission d'infuser au royaume de Sicile, qui se fondait alors, l'élément de la sainteté que tout peuple chrétien réclame à sa base. Au Midi comme au Nord de l'Europe, la race normande venait d'être providentiellement appelée à promouvoir le règne de Jésus-Christ. C'était le moment où Byzance, impuissante à protéger ses dernières possessions d'Occident contre l'invasion sarrasine, n'en prétendait pas moins garder les églises de ces contrées dans les liens du schisme, où l'avait récemment engagée l'intrigante ambition de Michel Cérulaire. Le Croissant s'était vu contraint de reculer devant les fils de Tancrède de Hauteville ; et la perfidie grecque fut déjouée à son tour parla rude simplicité de ces hommes, qui apprirent vite à n'opposer d'autre argument que celui de leur épée aux fourberies byzantines. La papauté, un instant hésitante, comprit bientôt également de quel secours lui seraient les nouveaux venus, dans les querelles féodales qui s'agitaient depuis deux siècles autour d'elle, et préparaient la longue lutte du sacerdoce et de l'empire.
C'était l'Esprit-Saint qui, comme toujours depuis les temps de la Pentecôte, dirigeait ici les événements au plus grand bien de l'Eglise. Il inspirait aux Normands d'établir leurs conquêtes sur la fermeté de la Pierre apostolique, en se reconnaissant les feudataires du Saint-Siège. Mais en même temps, pour récompenser la fidélité de ce début, pour les rendre aussi plus dignes de la mission qui eût continué de faire leur honneur et leur force, s'ils eussent continué de la comprendre, il leur donnait des saints. Roger Ier avait vu saint Bruno intercéder pour son peuple dans les solitudes de Calabre, et le sauver miraculeusement lui-même des embûches dressées par la trahison; Roger II eut pour le ramener dans les sentiers de la justice, dont il s'écartait trop souvent, l'exemple et les exhortations du fondateur du Mont-Vierge.
Guillaume naquit de parents nobles, à Verceil en Piémont. A peine avait-il achevé sa quatorzième année, qu'embrasé des ardeurs d une merveilleuse piété, il entreprit le pèlerinage de Compostelle au célèbre temple de saint Jacques. Vêtu d'une seule tunique, ceint d'un double cercle de fer, nu-pieds, en butte aux rigueurs du froid et de la chaleur, de la faim et de la soif, il accomplit sa route en grand danger de la vie. De retour en Italie, il médite un nouveau pèlerinage au saint tombeau du Seigneur ; mais diverses sortes d'obstacles très graves s'opposent à son projet.
La divine Providence tournait à des desseins plus hauts et plus parfaits les religieux penchants du jeune homme. C'est alors qu'il passa deux ans au mont Solicchio, priant sans interruption, jeûnant, veillant, couchant sur la dure, soutenu du seul secours divin.
Ayant rendu la vue à un aveugle, le bruit du miracle se répandit, et Guillaume, qui ne pouvait plus rester caché, songea de nouveau à se rendre à Jérusalem. Plein d'ardeur, il se mit en route.
Mais Dieu, qui voulait de lui une vie plus utile et plus fructueuse pour l'Italie et d'autres contrées, lui apparut et l'avertit de renoncer à sa résolution. Gagnant donc le mont Virgilien, appelé depuis Mont-Vierge, il bâtit avec une rapidité étonnante un monastère au sommet, en dépit des difficultés que présente ce lieu inaccessible. Des compagnons, touchés de la grâce, s'adjoignent à lui, voulant vivre conformément aux préceptes et aux conseils de l'Evangile. Des règles empruntées en grande partie à saint Benoit, et, d'autre part, la parole de Guillaume et l'exemple de sa vie très sainte les aident admirablement à atteindre ce but.
Saint Guillaume de Verceil dirigeant les travaux du
D'autres monastères s'élevèrent dans la suite ; de jour en jour, éclatait davantage la sainteté du fondateur ; de toutes parts on venait à lui, attiré par le parfum de cette sainteté et la renommée de ses miracles. Car, à son intercession, les muets recouvraient la parole, les sourds l'ouïe ; la vigueur était rendue aux membres desséchés, la santé à tous ceux qu'affligeaient les plus diverses et les plus irrémédiables maladies.
Il changea l'eau en vin, et accomplit une multitude d'autres merveilles, entre lesquelles il faut citer la suivante : une femme perdue ayant été envoyée pour éprouver sa chasteté, il se roula sur des charbons ardents étendus à terre sans en éprouver aucun mal.
Roger, roi de Naples, ayant eu connaissance de ce fait, conçut une vénération profonde pour l'homme de Dieu. Il prédit au roi et à d'autres le temps de sa mort, et, illustre par ses vertus et miracles sans nombre, il s'endormit enfin dans le Seigneur, l'an du salut mil cent quarante-deux.
Bien des révolutions sont venues depuis lors montrer en cette contrée, dans laquelle vous aviez souffert et prié, l'instabilité des royaumes et des dynasties qui ne cherchent pas avant tout le royaume de Dieu et sa justice. Malgré l'oubli où trop souvent, depuis que vous avez quitté la terre, ont été mis vos enseignements et vos exemples, protégez le pays où Dieu vous accorda des grâces si grandes, et qu'il daigna confier à votre intercession puissante. La foi reste vive en ces peuples : conservez-la, malgré les efforts de l'ennemi contre elle en nos jours ; faites-lui produire ses fruits dans le champ des vertus. A travers bien des épreuves, votre descendance monastique a pu, jusqu'en notre siècle de persécution, se propager et servir l'Eglise : obtenez qu'avec toutes les autres familles religieuses, elle se montre jusqu'au bout plus forte que la tempête. Notre-Dame, dont vous avez bien mérité, se tient prête à seconder vos efforts : du sanctuaire dont le nom a prévalu sur les souvenirs du poète qui, sans le savoir, avait chanté ses grandeurs (Virg. Egl. IV.), puisse-t-elle sourire toujours aux foules qui chaque année gravissent la sainte montagne, célébrant le triomphe de sa virginité ; puisse-t-elle, à nous qui ne pouvons que de cœur accomplir le sacré pèlerinage, tenir compte du désir et de l'hommage que nous lui présentons par vos mains !"
00:05 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 15 juin 2024
15 juin. Ste Germaine de Pibrac, vierge, bergère. 1601.
" Dieu aime les âmes simples, Il ne dédaigne pas de leur révéler Ses mystères."
Saint Albert le Grand, De Parad. animae.
Notre sainte naquit à Pibrac, à quelques lieues de Toulouse en 1579. Son père, Laurent, était un pauvre cultivateur et sa mère s'appelait Marie Laroche. Le très peu de richesses terrestres qu'ils avaient étaient compensé par l'abondance de leur piété et de leurs mœurs honnêtes.
La mère de sainte Germaine mourut quelques temps après sa naissance. Sainte Germaine était venue au monde percluse de la main droite et elle était atteinte de scrofules.
Son père se remaria bientôt. Malheureusement, cette femme, au lieu de prendre en pitié notre sainte, lui fit une vie très cruelle. La petite orpheline devint ainsi l'objet de la haine et du mépris d'une belle-mère acariâtre et sans cœur ; la douleur, née avec elle, devait être sa compagne jusqu'à la mort. Cette pauvre ignorante fut instruite par Dieu même dans la science de la prière.
Statue de sainte Germaine.
Bergère des troupeaux de la famille, elle passait son temps en conversations avec le Ciel ; le chapelet était son seul livre ; la Sainte Vierge était sa Mère, les Anges ses amis, l'Eucharistie sa vie. Souvent on la vit agenouillée dans la neige, traversant à pied sec le ruisseau voisin sans se mouiller, pour se rendre à l'église, où elle assistait chaque jour au Saint Sacrifice et communiait souvent, pendant que ses brebis paissaient tranquilles autour de sa quenouille plantée en terre. Charitable pour les pauvres, elle leur donnait son pauvre pain noir, ne vivant guère que de l'amour de Dieu ; et, un jour, le Ciel renouvela pour elle le miracle des roses devant les yeux de son impitoyable marâtre.
Eglise Saint-Sauveur & Sainte-Marie-Magdeleine de Pibrac
A sa mort, les Anges et les Vierges célestes chantèrent au-dessus de sa maison comme en attestèrent deux religieux qui passaient près de la maison la nuit où elle retourna à Notre Père des Cieux. Quarante ans plus tard, on trouva, comme par hasard, mais providentiellement, son corps intact avec un bouquet de fleurs fraîches, sous les dalles de l'église de sa paroisse. Elle est devenue une des grandes Thaumaturges et une des Saintes les plus populaires de la France.
Basilique Sainte-Germaine Cousin à Pibrac,
00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)
15 juin. Saint Guy (ou Vite), saint Modeste et saint Crescence, martyrs. 303.
" Les martyrs trouvent dans leur mort la récompense de leur vie."
Saint Ambroise. Orat. de fide resurr.
Saint Vit et saint Modeste. Bréviaire à l'usage de Paris. XIVe.
L'Esprit divin qui règne sur cette partie du Cycle, est avant tout le témoin du Verbe (Johan. XV, 26.). L'Homme-Dieu l'annonçait sous ce titre au monde qu'il devait laisser pour retourner à son Père, après avoir rendu lui-même son grand témoignage à la vérité souveraine (Ibid. XVIII, 37.). Formés par l'Esprit sur le type du Fils de l'homme, les fidèles sont aussi des témoins, dont la mission est de refouler le mensonge, ennemi de Dieu, en exprimant la vérité dans leurs paroles et leurs actes. Mais le témoignage suprême, qu'il n'est pas donné à tous de rendre, est celui du sang ; les martyrs sont les privilégiés de cette lutte incessante du vrai contre le faux, en laquelle se résume l'histoire. Ils ne pouvaient manquer de briller au ciel en ces jours. Bientôt l’Église va tressaillir à la naissance de Jean le Précurseur, cet homme si grand entre tous (Matth. XI, 11.), et dont la grandeur fut d'avoir été envoyé par Dieu pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière (Johan. I, 6-8.). Nous aurons alors occasion de méditer plus longuement ces pensées, auxquelles semblent vouloir nous préparer déjà les groupes joyeux de martyrs qui vont se succéder, comme pour annoncer la prochaine arrivée de l'Ami de l'Epoux (Johan. III.).
Aujourd'hui, accompagné de ses fidèles nourriciers Modeste et Crescence, c'est un enfant qui vient nous apprendre le prix du baptême, et la fidélité due contre tous au Père qui est dans les cieux. Sa gloire est grande, au ciel et sur la terre ; les démons, qui tremblaient devant lui, continuent de le craindre ; son nom reste inscrit dans la mémoire du peuple chrétien comme celui de l'un de ses plus puissants auxiliaires, à la suite de saint Elme ou Érasme, dont le commencement de ce mois nous ramenait le souvenir. Saint Vite, ou saint Gui, garde le pouvoir de délivrer ceux qui recourent à lui dans les atteintes du triste mal qui porte son nom. Il neutralise la morsure des chiens enragés, et se montre secourable aux animaux eux-mêmes. On le prie encore contre la léthargie, ou le sommeil trop prolongé ; le coq qui l'accompagne en diverses représentations rappelle cet usage, ainsi que celui d'invoquer notre saint pour obtenir d'être réveillé à une heure déterminée.
Saint Vit exorcisant un possédé. Bréviaire romain. XVe.
Vite, ou Vit ou encore Guy, était d'une illustre famille de Sicile et fils d'un seigneur nommé Hydas fort adonné aux cultes des faux dieux. Mais Vite eut pour gouverneur saint Modeste et saint Crescence qui, après l'avoir élevé dans la haine du péché et des faux dieux, acceptèrent qu'il se fît baptisé à l'insu de son père. Celui-ci, lorsqu'il l'eût appris, n'omit rien pour détacher son fils de la religion chrétienne.
L'enfant demeurant inébranlable, il le livra au juge Valérien pour être battu de verges ; mais ce fut en vain, et on le rendit à son père. Pendant que celui-ci songe à trouver de plus graves châtiments, Vite, averti par un ange, gagne l'Italie avec Modeste et Crescence qui l'avaient élevé. Là, sa sainteté acquit une telle renommée qu'elle parvint jusqu'à Dioclétien. L'empereur avait un fils tourmenté par le démon ; il fit venir le saint pour l'en délivrer ; mais cette délivrance une fois obtenue, le prince ingrat tenta d'amener par l'offre des plus grandes récompenses le libérateur de son fils au culte des faux dieux, et ne pouvant y réussir, il le fit jeter en prison chargé de chaînes, avec Modeste et Crescence.
Mais leur constance n'en fut qu'augmentée. L'empereur ordonne alors qu'on les plonge dans une chaudière remplie de plomb fondu, de poix et de résine embrasée ; mais, comme les trois enfants hébreux, ils y chantent des hymnes au Seigneur. On les retire, on les jette à un lion, qui se prosterne et lèche leurs pieds. La foule est ébranlée par ce miracle ; enflammé de colère, Dioclétien les fait étendre sur le chevalet, où leurs membres sont mis en pièces et leurs os rompus. Au même moment se produisirent des tonnerres, des éclairs et de grands tremblements de terre qui renversèrent les temples des dieux et tuèrent beaucoup de monde. Une femme noble, appelée Florence, recueillit les restes des martyrs et les ensevelit honorablement avec des parfums.
Martyres de saint Vit, saint Modeste et saint Crescence.
Saint Vit, saint Modeste et saint Crescence. Missel romain. XIVe.
Illustres saints, soyez toujours plus larges dans l'exercice de vos dons précieux, pour le bien de l’humanité souffrante et la plus grande gloire du Dieu qui vous a couronnés. Nous vous demandons pour tous avec l’Église, et par vous nous demandons à Dieu la destruction de l'orgueil qui rompt l'équilibre dans l'homme et le fait dévier de sa voie, le mépris du mal qui lui rend au contraire la liberté dans l'amour :
" Superbe non sapere, sed placita humilitate proficere, ut prava despiciens, quœcumque recta sunt libera exerceat charitate." (Collecta diei.)."
00:10 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 28 mai 2024
28 mai. Saint Germain, évêque de Paris. 576.
- Saint Germain, évêque de Paris. 576.
Papes : Saint Gélase ; Benoît Ier. Rois de France : Clovis Ier ; Childebert II.
" Tout pontife pris d'entre les hommes est étabi pour les hommes dans les choses qui ont rapport à Dieu... Il faut qu'il soit capable de compassion à l'égard de ceux qui sont dans l'ignorance et l'égarement, parce qu'il est lui-même environné de faiblesse."
Ad. Haeb., V, 1 et 2.
Saint Germain. Bréviaire à l'usage de Paris. Maître de Bedford. XVe.
Fortunat, évêque de Poitiers, qui a écrit le premier les actions admirables de saint Germain, évêque de Paris, en parle en des termes si avantageux, qu'il ne fait point difficulté de l'égaler aux plus illustres Martyrs, et même de le comparer aux plus grands Apôtres. Il naquit en Bourgogne, au diocèse d'Autun, de parents riches et " sociologiquement " chrétiens. Un hagiographe précise même davantage en disant :
" Le glorieux et bien-aimé de Dieu, monsieur saint Germain, natif d'Autun, au faubourg Saint-Blaise, de la grande rue, autrement la rue Sainte-Anastasie..."
Sa mère fit ce qu'elle put pour lui faire perdre la vie dans ses propres entrailles. Elle prit pour cela beaucoup de poisons, et ne négligea pas les moyens les plus violents. Mais la Providence, infaillible dans ses décrets, ne permit pas qu'elle vint à bout d'un dessein si criminel ; la fureur de cette mère dénaturée contre son enfant ne cessa pas avec sa naissance ; et si elle ne le fit pas mourir, elle continua toujours de le maltraiter et de lui être impitoyable.
Germain échappant au poison abortif que prit sa mère.
La cause de cette étrange aversion était, dit-on, la crainte de voir sa maison trop chargée d'enfants. La grand'mère de Germain ne fut pas moins cruelle envers lui que sa mère : car aimant passionnément un autre de ses petits-fils, nommé Stratide, cousin de notre Saint, elle ne pouvait souffrir que celui-ci partageât son héritage avec lui. Afin de s'en défaire, elle donna 2 bouteilles à sa servante, l'une de vin et l'autre de poison, et lui marqua celle de vin pour Stratide, et celle de poison pour Germain; mais Dieu dissipa les artifices de cette marâtre, en permettant que la servante se trompât, et que Germain ayant pris le bon vin, Stratide avalât le poison, dont il fût mort sans un prompt secours.
Ce pauvre enfant, étant ainsi exposé à de continuelles persécutions dans la maison même de son père, fut obligé d'en sortir et de se retirer auprès de Scopilion, son oncle, personnage de très-sainte vie, qui habitait Lusy.
C'est là qu'il reçut cette éducation forte qui accoutume à mettre le devoir au-dessus du plaisir, et qu'il jeta les fondements de cette haute perfection à laquelle il est arrivé depuis : car son oraison était continuelle, et, quoiqu'il fût éloigné de mille pas de l'église, il s'y rendait néanmoins toutes les nuits avec ce saint oncle, pour dire les Matines et ensuite assister aux saints Mystères. Saint Agrippin, évêque d'Autun, étant informé de sa vertu, lui conféra l'ordre de diacre, et, trois ans après, il l'ordonna prêtre. Saint Nectaire, son successeur, le nomma abbé de Saint-Symphorien, hors les murs d'Autun. Germain se rendit, par ses veilles, ses abstinences et son assiduité à la prière, le modèle de tous les religieux.
L'amour divin embrasait tellement son coeur, qu'on en voyait reluire la splendeur sur son visage. Il était si sensible aux misères des pauvres, qu'il n'en pouvait jamais renvoyer aucun sans assistance : il leur a souvent donné tout ce qu'il avait de provisions dans le monastère, sans rien réserver. Plusieurs de ses religieux, n'approuvant pas cette conduite, se plaignirent hautement de l'excès de sa libéralité, qui les mettrait, disaient-ils, dans la dernière indigence.
Un jour, en effet, il arriva que même le pain du jour manqua dans l'abbaye : mais Germain s'étant mis en prières, on vit aussitôt arriver au monastère deux chevaux chargés de pains, que la femme du seigneur Ebron envoyait, et, le lendemain, deux charrettes pleines de vivres vinrent d'un autre côté. Ces secours extraordinaires et miraculeux devaient suffire pour apaiser les murmures et les injustes plaintes. Néanmoins, les religieux de Saint-Symphorien diffamèrent si fort leur saint abbé auprès de l'évêque diocésain, que ce prélat, ajoutant foi trop légèrement à leurs rapports, le fit arrêter et mettre dans ses prisons, comme s'il eût été coupable de prodigalités ; mais à peine y fut-il entré, que les portes se rouvrirent d'elles-mêmes ; néanmoins Germain ne voulut pas sortir sans la bénédiction de celui qui l'avait fait emprisonner. L'évêque, mieux informé, reconnut sa sainteté et le traita avec beaucoup de respect.
Un autre miracle augmenta la vénération qu'on lui portait. Le feu prit au monastère : un embrasement général semblait inévitable. Mais notre Saint arrêta en un instant cet incendie par un peu d'eau bénite qu'il jeta dessus, et par le Signe de la Croix qu'il fit en chantant " Alleluia !".
Lectionnaire de l'office de l'abbaye Saint-Pierre
La charité était la vertu dominante, le trait le plus fortement accusé de l'admirable physionomie de Germain. En voici une nouvelle preuve.
Un certain Sabaricus, homme dur et violent, avait un esclave nommé Aesarius. Celui-ci, cruellement maltraité par son impitoyable maître et n'y tenant plus, courut un jour se réfugier au monastère de Saint-Symphorien, priant Germain de vouloir bien le racheter à tout prix. L'esclavage était devenu pour lui dans cette maison un supplice vraiment intolérable. Le Saint, ému de pitié et plein de l'esprit de l'Eglise qui travaillait de tout son pouvoir à l'abolition de la servitude, entra aussitôt en négociation avec Sabaricus.
Cet homme, furieux de la démarche de son esclave, exigea 80 pièces d'or pour le rachat de ce pauvre malheureux, de sa femme et de son enfant. La somme était exorbitante : où la trouver ? Mais la charité ne se rebute point et ne désespère jamais. Germain consola donc Aesarius, lui promettant la liberté quand même et sans trop savoir comment en payer le prix. Enfin il vint à bout de recueillir la somme exigée. Sabaricus, dont l'âme ne s'ouvrait point à la douce commisération parce qu'elle était fermée à la piété Chrétienne, principe et aliment de toutes les vertus, osa bien venir en personne toucher son argent, maudite rançon du sang, des soupirs et des larmes. Bien plus, ce misérable, sans respect pour lui-même, pour les hommes ni pour Dieu, ne daigna seulement pas en passant devant la basilique de Saint-Symphorien y entrer pour y faire une prière. Mais sa barbarie et son impiété ne demeurèrent pas impunies.
Dès lors la vue d'une église lui inspira de l'horreur ; il abandonna tout exercice de religion et tomba dans une sorte de frénésie. On fut même obligé de l'enchaîner. Germain auquel on le conduisit, - car quel autre aurait pu le guérir ? - oubliant ses torts et ne voyant en lui qu'un malheureux, fit à Dieu devant le tombeau de saint Symphorien une ardente prière que la Foi et la charité portèrent au Ciel. Aussitôt, par un double miracle, le malade recouvra avec la santé des sentiments plus Chrétiens et la tranquillité de l'âme : il était guéri et son coeur changé. Plein de regret et de douleur pour le passé, mais aussi de joie et de reconnaissance, il ajouta 20 pièces d'or aux 80 qu'il avait reçues en échange de la liberté de son esclave, et fit faire avec cet or une belle croix que l'on suspendit comme un mémorial de l'événement au-dessus du tombeau de saint Symphorien. " Cette croix, dit le biographe, existe encore aujourd'hui et atteste le prodige que nous venons de raconter " (Fortunat.).
Alors les bénédictions célestes entrèrent dans la maison de Sabaricus. Ses fils et ses filles, vivement impressionnés d'un miracle qui les touchait de si près et cédant à l'impression de la Grâce divine, voulurent, afin de se consacrer entièrement à Dieu, s'enrôler dans les diverses phalanges de la milice sacrée et gouvernèrent même plusieurs monastères. N'est-ce pas là un éloquent témoignage du zèle avec lequel l'Eglise travailla à détruire peu à peu l'esclavage, à protéger le faible contre le fort, à changer les moeurs des barbares ?
Sacre de saint Germain. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Le bruit de ces merveilles et de beaucoup d'autres s'étant répandu par tout le royaume, et étant venu jusqu'à Childebert, roi des Francs, il voulut avoir un si saint personnage dans sa ville de Paris, et lui manda de le venir trouver. Saint Germain n'osa pas s'opposer à sa volonté, parce qu'il apprit qu'elle était conforme à celle de Dieu : car, s'étant un jour endormi après sa prière, il lui apparut en songe un vénérable vieillard qui lui présente les clefs des portes de Paris. Le Saint lui demanda ce qu'il voulait qu'il en fît : " Je vous donne ces clefs afin que vous sauviez cette ville."
C'était lui prédire qu'il en serait évêque ; mais Germain, ne faisant pas cette réflexion, comprit seulement que sa présence était nécessaire à Paris ; il se mit donc en chemin avec quatre de ses moines, dont trois, Auctaire, saint Doctrovée et Scubilion, ont été successivement abbés de Saint-Vincent, depuis, Saint-Germain des Prés. Ces 5 moines, après avoir salué le roi et reçu ses ordres, se retirèrent dans un oratoire dédié sous le nom de Saint-Jean-Baptiste, qui, dans la suite, a été appelé Saint-Germain le Vieux, où ils pratiquèrent si parfaitement tous les exercices du cloître, que toute la cour en était ravie.
Quatre ans après, le siège épiscopal de Paris vint à vaquer par le décès d'Eusèbe, qui avait été substitué à Saffaracus, déposé au second Concile de la même ville, en 565. Saint Germain fut élevé sur ce trône par la Providence divine, et à la demande de Childebert, qui le souhaita ainsi. Cette charge ne changea rien en lui que le seul titre d'abbé en celui d'évêque, et il y garda les mêmes pratiques d'une vie d'austère ascète qu'il avait observées dans son monastère.
Il allait à l'église à 21h et n'en sortait qu'à la pointe du jour, pour prendre en son palais un moment de repos, et vaquer ensuite au soulagement des pauvres, des malades, des prisonniers et de tous ceux qui avaient recours à lui. Sa table, où se trouvaient ordinairement les pauvres, n'était couverte que de mets fort communs ; et, comme il n'y manquait rien, de même ou n'y servait rien de superflu. Il voulait que l'âme fût nourrie en même temps que le corps, et faisait faire pour cela, durant le repas, la lecture de quelque bon livre. Ses prédications eurent un tel succès, que Paris changea bientôt de face. Les vanités cessèrent, les pompes furent modérées, les superfluités retranchées, le luxe aboli, et enfin le vice y perdant son empire, la vertu prit sa place et commença à s'y pratiquer.
Translatio et miracula s. Germani. XIe.
La réputation de sa vertu croissant de plus en plus, il fut supplié de se trouver à Bourges pour assister à la consécration de l'évêque Félix : il ne manqua pas de s'y rendre ; et ayant, par occasion, parlé à un Juif, appelé Sigeric, il le convertit parfaitement et le baptisa ; mais sa femme étant demeurée fermée à l'illumination de la Foi, sans vouloir profiter de l'exemple de son mari, fut bientôt punie de son obstination ; car le démon entra dans son corps, et ne cessa point de la tourmenter jusqu'à ce que le saint évêque, ému de compassion, l'eût délivrée d'un si mauvais hôte par l'imposition des mains ; elle reconnut ainsi la vérité, et reçut enfin le saint Baptême.
Il eut une adresse merveilleuse pour gagner l'esprit de Childebert ; il le gouverna si bien, que, quoique ce prince eût toujours quelques restes de cette férocité, alors naturelle à la nation, il modéra néanmoins ses moeurs, réforma sa cour, et s'appliqua à la fondation de beaucoup d'églises et de monastères. Il envoya un jour 6.000 livres à saint Germain pour les distribuer aux pauvres ; mais le saint évêque n'en ayant pas trouvé assez pour recevoir toute cette aumône, voulut lui en rendre la moitié. Le roi, bien loin de la prendre et de ne plus rien envoyer, fit rompre sa vaisselle d'argent, ôta les chaînes d'or de son cou, et pria l'évêque de ne point cesser de donner, assurant que, de son côté, il ne se lasserait point de fournir.
Childebert étant mort sans enfants mâles, Clotaire, son cadet, lui succéda. Ce prince, qui, ayant vécu jusque-là loin de Paris, ne connaissait pas assez les vertus de saint Germain, le fit un jour si longtemps attendre à la porte de son palais, qu'il fut contraint de s'en aller. Mais le roi souffrit, la nuit suivante, de si grandes douleurs par tout le corps, en punition de cette faute, que, reconnaissant l'injustice du mépris qu'il avait fait au saint évêque, il l'envoya chercher à l'heure même, se jeta à ses pieds, et baisa humblement le bord de sa robe ; le Saint porta la main sur les endroits qui lui faisaient mal, et, par cet attouchement, il apaisa entièrement sa douleur.
Il fit ensuite éclater son zèle contre le roi Caribert, qui avait répudié Ingoberge, sa femme légitime, et épousé une suivante, nommée Marcovèse, dont il entretenait en même temps la soeur. Saint Germain lui fit là-dessus plusieurs remontrances ; et voyant qu'elles étaient inutiles et qu'il ne se corrigeait point, il prononça son excommunication, conséquence logique puisque Caribert ne vivait pas en communion avec la Foi de l'Eglise. De plus, comme la noblesse Franque avait alors à nouveau usurpé des biens de l'Eglise, ce qui avait fait abandonner le service de Dieu dans plusieurs paroisses, il fit assembler un Concile à Paris, dans lequel on fulmina des anathèmes contre ceux qui s'étaient emparés des biens temporels utilisés par le peuple de l'Eglise de Jésus-Christ.
Saint Germain reprenant vigoureusement le roi Caribert.
Il se trouva aussi au second Concile de Tours, qui fut tenu pour réformer la discipline de l'Eglise, déchue presque partout, et pour condamner les scandaleux mariages incestueux, qui étaient assez ordinaires entre les grands, et destinés à conserver les biens terrestres au sein d'une même lignée.
Le démon ne souffrant qu'avec dépit ces heureux progrès, fit ce qu'il put pour les arrêter, en troublant la tranquillité de sa dévotion ; en effet, il le tenta en toutes manières, soit en l'effrayant durant son oraison, soit en criant à ses oreilles, soit en lui apparaissant sous des formes horribles, soit enfin en le maltraitant et en le battant ; mais son humilité et sa constance le rendirent victorieux de tous ces assauts, et il en triompha si glorieusement, que cet esprit d'orgueil ne put jamais rien gagner sur sa volonté.
Il ne faut pas attendre que nous racontions tous les miracles de saint Germain : le grand Fortunat, évêque de Poitiers, après en avoir composé un livre entier, avoue qu'il en laisse beaucoup à dire. La paille de son lit, les pièces et les fils de sa robe, sa salive, ses larmes, ses paroles, l'eau qui avait servi à laver ses mains, son regard, son attouchement, les songes qui le faisaient paraître durant le sommeil, les lettres qu'il écrivait, étaient autant de remèdes pour toutes sortes de maladies. Les habitants de Meudon, près de Paris, étant affligés de la contagion, en furent délivrés avec du pain qu'il leur envoya, après l'avoir bénit.
Saint Germain, qui avait vécu à Autun près des lieux remplis du souvenir vénéré de saint Martin, aimait à se rendre à Tours, pour célébrer la fête de ce grand évêque. La réputation l'y accompagnait ; et les malades ne manquaient pas de se présenter sur son passage, soit qu'il entrât dans la basilique, soit qu'il en sortît. Un jour il guérit, en les frottant d'un peu d'huile et de salive, deux femmes estropiées du bras.
Saint Germain et un saint moine de l'abbaye Saint-Symphorien.
Dans un de ces pèlerinages, il se trouva fortuitement à Tours avec Clotaire. Le roi, sous prétexte d'aller vénérer les reliques de saint Martin, se rapprochait ainsi de Poitiers, afin de pouvoir plus facilement enlever son épouse Radegonde qui, après avoir été ordonnée diaconnesse par saint Germain, en avait reçut le voile de religieuse et était entrée dans une communauté fondée près du tombeau de saint Hilaire. La pieuse reine ne s'était retirée de la cour que sur le consentement très formel et très spontané du roi ; mais celui-ci la regretta bientôt vivement, et poussé par de méchants conseillers, il voulut, au mépris des voeux plus sacrés de la vie monastique, l'arracher à la sainte retraite où elle s'était donnée à Dieu et ne vivait que pour Dieu.
Avertie et alarmée du projet impie de Clotaire, Radegonde envoya secrètement une lettre très pressante au saint évêque de Paris pour le prier de dissuader le roi de sa criminelle résolution. Germain mouilla cette lettre de ses larmes et alla aussitôt se jeter aux pieds de Clotaire, devant les reliques de saint Martin, le conjura, au Nom de Dieu, de ne point se rendre à Poitiers. Le prince attendri et repentant s'écria :
" J'avais cédé à de mauvais conseils ; mais, je le reconnais, je n'étais pas digne de posséder une si sainte épouse."
Et, bien que mécréant, tombant lui-même aux genoux de l'auguste pontife qui le dominait de toute la hauteur de sa vertu moralle, il le pria d'aller lui-même à Poitiers demander pardon et offrir ses excuses à Radegonde. Dieu eut égard au sincère repentir de Clotaire ; mais ses méchants conseillers furent punis et moururent de l'horrible et honteuse mort d'Arius : ils répandirent leurs intestins...
Si Germain avait conservé pour le grand évêque de Tours un culte si pieux, pouvait-il oublier saint Symphorien, et l'abbaye et les frères, ou plutôt les enfants bien-aimés qu'il y avait laissés ? La moilié de son coeur était restée à Autun. Aussi le vit-on, chaque année, quitter Paris pour venir assister à la grande solennité religieuse instituée en l'honneur du héros autunois, et célébrée avec le pieux enthousiasme de la foi unie à la piété populaire. Quand approchait le jour de la fête chère à sa piété et à son coeur, alors s'acheminant vers sa patrie, il arrivait par la route qui suit les bords de la rivière de Cure ; et chaque fois qu'il traversait le Morvan, sa présence était signalée par quelque bienfait, par quelque prodige. Les démons surtout éprouvaient sa puissance et se trouvaient déconcertés. De tout le pays accouraient des possédés qui d'avance sentaient son approche et l'annonçaient en poussant des gémissements ou des cris lamentables. Il les touchait, et les malins esprits, forcés de sortir, disaient :
" Homme de Dieu, si vous ne pouvez nous souffrir dans les lieux habités, si vous vous obstinez à ne pas vouloir que nous demeurions avec les hommes, au moins laissez à des malheureux la permission d'errer en paix dans l'épaisseur de ces forêts, dans la solitude de ces montagnes."
Les officiers royaux qui traitaient le peuple sans ménagement avaient à redouter aussi la généreuse liberté de Germain. Un jour que, retournant d'Autun à Paris après la célébration de la fête de saint Symphorien, il passait par Avallon, il apprit avec douleur que les prisons du château étaient remplies de débiteurs du fisc. Touché de compassion pour ces pauvres gens, il pria le comte Nicaise, qui l'avait invité à dîner, de vouloir bien adoucir leur sort en leur donnant la liberté sous caution. Le comte refusa impitoyablement. Alors, le charitable pasteur, sans même attendre la fin du repas, alla se prosterner la face contre terre, à la porte du cachot souterrain où gémissaient tant de malheureuses victimes de l'injustice humaine, et répandit en abondance des larmes avec des prières sur ce seuil, triste témoin de la douleur et du désespoir, afin d'obtenir de la miséricorde de Dieu ce que lui refusait la dureté des hommes.
Il fut exaucé. Un Ange vint ouvrir les portes de la prison et briser les fers de tous ces infortunés détenus dont la pauvreté faisait tout le " crime ". Croyant à peine à tant de bonheur, ils allèrent dans le transport de leur reconnaissance se jeter aux pieds de leur bienfaiteur. Une nouvelle grâce les attendait. Le roi, cédant aux instances de l'homme de Dieu, leur accorda la remise entière de tout ce qu'on affirmaient qu'ils devaient au trésor. Une autre fois, le même comte Nicaise, en courant au-devant de notre Saint dont on lui annonçait l'arrivée, fit une chute très grave, car on le releva sans connaissance ni sentiment; et ce ne fut que par la vertu des prières de Germain qu'il put être rappelé à la vie. Empressé de témoigner sa gratitude à l'hôte vénérable auquel il attribuait son salut, il lui offrit son baudrier et son épée. Germain s'empressa d'accepter ce don précieux.
Bientôt le comte, regrettant de s'être défait si facilement de ce qu'un soldat païen a de plus cher, réclama son arme. L'évêque, qui avait bien prévu ce retour, pensa que le moment était favorable pour augmenter la bourse de ses pauvres. Il fit composer le guerrier, qui au reste s'exécuta de fort bonne grâce. Bien plus, touché de la charité de Germain, Nicaise se repeutit de sa dureté et fut désormais plus humain. Il avait appris à ses dépens, selon l'observation du biographe, qu'il faut compatir aux misères d'autrui.
Un de ses plus grands soins fut la construction de la célèbre abbaye de Saint-Vincent. Childebert l'avait commencée ; mais ce fut Clotaire Ier, son frère, qui donna l'argent pour l'achever. Lorsque l'église fut en état, il pria saint Germain de la consacrer ; il le fit à la grande satisfaction de ce monarque, de la reine sa femme, et des princesses ses filles. Et cette église où, auparavant, il y avait un temple de la déesse Isis, fut depuis le mausolée de la plupart des princes et des princesses de la couronne, jusqu'à ce que Dagobert Ier eut fait bâtir celle de Saint-Denis, en France. On y voyait encore ces sépultures en 1685, entre autres, celles d'Eleuthère, père de notre Saint, et d'Eusébie, sa mère, qui, après l'avoir si maltraité durant son enfance, et même avant qu'il fût au monde, se trouva bienheureuse de venir mourir entre ses bras.
Ce grand évêque se contentait pas de dresser des temples matériels et inanimés au vrai Dieu ; il lui en édifiait aussi de vivants et de spirituels. Fortunat, son historien, parlant du clergé de Paris, l'appelle bienheureux d'avoir un si grand homme pour pasteur et pour chef :
" Sub duce Germano felix exercitus hic est."
Le roi Childebert fonda l'abbaye Saint-Vincent depuis
En effet, il avait un séminaire si renommé, qu'on y envoyait, non seulement de toute la Gaule française, mais aussi des royaumes étrangers, des enfants de haute naissance, pour y être formés aux sciences et à la piété ; et il en sortit beaucoup d'excellents clercs et de saints évêques, qui ont éclairé l'Eglise par leur doctrine et par leur éminente sainteté. On remarque, entre autres, saint Brieuc, que ses parents lui avaient envoyé d'Angleterre, lorsqu'il n'était encore qu'abbé à Saint-Symphorien, et qui ne sortit de son école que pour aller prêcher l'Evangile en son pays, comme nous l'avons remarqué en sa vie, au 1er mai. Saint Iltud, très-docte abbé de la Grande-Bretagne, fut aussi de ce nombre (comme le rapporte Trithème au IIIe livre des Hommes illustres de l'Ordre de Saint-Benoît) ; et saint Bertingrand (appelé encore saint Bertraud), qui, d'archidiacre de Paris, fut élevé sur le trône épiscopal du Mans. D'après Gislemar, qui écrivait au IXe siècle, à Saint-Germain comme à Saint-Symphorien, on suivait non pas la Règle de saint Benoît de Nursie, mais une Règle composite basée sur celle de saint Antoine le Grand et saint Basile.
La principale occupation de notre Saint était de cultiver ces jeunes plantes pour leur faire porter des fruits dignes du Seigneur. Sa récréation consistait à visiter les églises pour y prier et y méditer ; s'il les trouvait fermées, elles s'ouvraient d'elles-mêmes dès qu'il avait fait dessus le Signe de la Croix ; comme il arriva, au rapport de Fortunat, à l'église de Saint-Gervais et Saint-Protais, qui alors était hors des portes de Paris.
Voilà quelles furent les actions saintes, héroïques et si glorieuses pour le Christ et Son Eglise, de cet illustre évêque.
A l'âge de 80 ans, il fut averti de sa mort dans une vision, et apprit même que ce devait être le 5 avant les calendes de Juin. Il fit aussitôt écrire ce jour sur son lit, afin de l'avoir toujours présent, sans néanmoins déclarer ce que cette remarque signifiait. Enfin cet heureux moment étant arrivé, il rendit son âme à Dieu le 28 mai, l'an 570.
Son corps fut porté en grande pompe dans l'abbaye de Saint-Vincent, comme il l'avait ordonné ; et, depuis, cette église a pris le nom de Saint-Germain des Prés.
Miracle insigne et qui marque bien la charité toute surnaturelle de notre Saint, lorsque le convoi passa devant les prisons, il devint si pesant qu'on ne put jamais le remuer que les prisonniers ne fussent délivrés ; on les fit donc sortir, et ils suivirent le convoi, employant ainsi les premiers moments de leur liberté à rendre les derniers devoirs à celui qui la leur avait procurée.
On représente saint Germain de Paris avec des chaînes à la main, pour rappeler l'efficacité de son intervention envers les prisonniers du fisc ; tenant en main les clefs de Paris, qui lui furent données dans une vision comme un gage de Salut pour cette ville, et une image de Notre-Dame, car on prétend qu'il portait constamment avec lui cette sauvegarde ; allant au-devant d'un incendie et apaisant le fléau.
00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 25 mai 2024
25 mai. Saint Grégoire VII, pape. 1085.
- Saint Grégoire VII, pape. 1085.
Papes : Alexandre II (préd.) ; Victor III (succes.). Roi de France : Philippe Ier. Empereur d'Allemagne : Henri IV.
" Eloignez de vous toute prévarication ; faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau."
Ezech. XVIII, 31.
" J'ai aimé la justice et j'ai haï l'iniquité ; c'est pour cela que je meurs en exil."
Saint Grégoire VII.
Saint Grégoire VII. Détail. Carlo Saraceni. XVIIe.
Après avoir salué sur le cycle du Temps Pascal les deux noms illustres de Léon le Grand et de Pie V, nous nous inclinons aujourd'hui devant celui de Grégoire VII. Ces trois noms résument l'action de la Papauté dans la suite des siècles, après l'âge des persécutions. Le maintien de la doctrine révélée, et la défense de la liberté de l'Eglise : telle est la mission divinement imposée aux successeurs de Pierre sur le Siège Apostolique. Saint Léon a soutenu avec courage et éloquence la foi antique contre les novateurs ; saint Pie V a fait reculer l'invasion de la prétendue réforme, et arraché la chrétienté au joug de l'islamisme ; placé entre ces deux pontifes dans l'ordre des temps, saint Grégoire VII a sauvé la société du plus grand péril qu'elle eût encore éprouvé, et fait refleurir dans son sein les mœurs chrétiennes par la restauration de la liberté de l'Eglise.
Au moment où finissait le Xe siècle et commençait le XIe, l'Eglise de Jésus-Christ était en proie à l'une des plus terribles épreuves qu'elle ait rencontrées sur son passage en ce monde. Après le fléau des persécutions, après le fléau des hérésies, était arrivé le fléau de la barbarie. L'impulsion civilisatrice donnée par Charlemagne s'était arrêtée de bonne heure au IXe siècle, et l'élément barbare, plutôt comprimé que dompté, avait forcé ses digues. La foi demeurait encore vive dans les masses ; mais elle ne pouvait à elle seule triompher de la grossièreté des mœurs. Le désordre social provenant de l'anarchie que le système féodal avait déchaînée dans toute l'Europe, enfantait mille violences, et le droit succombait partout sous la force et la licence. Les princes ne rencontraient plus un frein dans la puissance de l'Eglise ; car Rome elle-même asservie aux factions voyait trop souvent s'asseoir sur la chaire apostolique des hommes indignes ou incapables.
Cependant le XIe siècle avançait dans son cours, et le désordre semblait incurable. Les évêchés étaient devenus la proie de la puissance séculière qui les vendait, et les princes se préoccupaient surtout de rencontrer dans les prélats des vassaux disposés à les soutenir par les armes dans leurs querelles et leurs entreprises violentes. Sous un épiscopat en majeure partie simoniaque, comme l'atteste saint Pierre Damien, les mœurs du clergé du second ordre étaient tombées dans un affaissement lamentable ; et pour comble de malheur, l'ignorance, comme un nuage toujours plus sombre, s'en allait anéantissant de plus en plus la notion même du devoir. C'en était fait de l'Eglise et de la société, si la promesse du Christ de ne jamais abandonner son œuvre n'eût été inviolable.
Saint Grégoire VII. Frise des papes. Basilique Saint-Pierre. Rome.
Pour guérir tant de maux, pour faire pénétrer la lumière dans un tel chaos, il fallait que Rome se relevât de son abaissement, et qu'elle sauvât encore une fois la chrétienté. Elle avait besoin d'un Pontife saint et énergique qui sentît en lui-même cette force divine que les obstacles n'arrêtent jamais ; d'un Pontife dont l'action pût être longue et non passagère, et dont l'impulsion fût assez énergique pour entraîner ses successeurs dans la voie qu'il aurait ouverte. Telle fut la mission de saint Grégoire VII.
Cette mission, comme chez tous les hommes de la droite de Dieu, fut préparée dans la sainteté Grégoire se nommait encore Hildebrand, lorsqu'il alla cacher sa vie dans le cloître de Cluny. Là seulement, et dans les deux mille abbayes confédérées sous la crosse de cet insigne monastère de France, on rencontrait le sentiment de la liberté de l'Eglise et la pure tradition monastique ; là était préparée depuis plus d'un siècle la régénération des mœurs chrétiennes, sous la succession des quatre grands abbés, Odon, Maïeul, Odilon et Hugues. Mais Dieu gardait encore son secret ; et nul n'eût découvert les auxiliaires de la plus sainte des réformes dans ces monastères qu'un zèle fervent avait attirés d'un bout de l'Europe à l'autre à cette alliance avec Cluny, par ce seul motif que Cluny était le sanctuaire des vertus du cloître. Hildebrand chercha pour sa personne ce pieux asile, au sein duquel il espérait du moins fuir le scandale.
L'illustre saint Hugues ne tarda pas à démêler le mérite du jeune Italien qui fut admis dans la grande abbaye française. Un évêque étranger se rencontra un jour avec le maître et le disciple. C'était Brunon de Toul, désigné par l'empereur Henri III pour être le Pontife de l'Eglise Romaine. Hildebrand s'émeut à la vue de ce nouveau candidat à la chaire apostolique, de ce pape que l'Eglise Romaine, qui seule a le droit d'élire son évêque, n'a pas élu, qu'elle ne connaît pas.
Saint Grégoire VII et les éminents prélats de Cluny :
Odon, Maïeul, Odilon et Hugues.
Illustration d'un manuscrit du XIIIe.
Il ose dire à Brunon qu'il ne doit pas accepter les clefs du ciel de la main de César, que la conscience l'oblige à se soumettre humblement à l'élection canonique de la ville sainte. Brunon, qui fut saint Léon IX, accepte avec soumission l'avis du jeune moine, et tous deux ayant franchi les Alpes s'acheminent vers Rome. L'élu de César devint l'élu de l'Eglise Romaine ; mais Hildebrand n'eut plus la liberté de se séparer du nouveau Pontife. Il dut bientôt accepter le titre et les fonctions d'Archidiacre de l'Eglise Romaine.
Ce poste éminent l'eût élevé promptement sur la chaire apostolique, si Hildebrand eût eu une autre ambition que celle de briser les fers sous lesquels gémissait l'Eglise, et de préparer la reforme de la chrétienté. Mais cet homme de Dieu préféra user de son influence pour faire asseoir sur le siège de Pierre parla voie canonique et en dehors de la faveur impériale, une suite de Pontifes intègres et disposés à user de leur autorité pour l'extirpation des scandales. Après saint Léon IX, on vit passer successivement Victor II, Etienne IX, Nicolas II, et Alexandre II, tous dignes du suprême honneur. Mais il fallut enfin que celui qui avait été l'âme du pontificat sous cinq papes consentît à ceindre lui-même la tiare. Son grand cœur s'émut au pressentiment des luttes terribles qui l'attendaient ; mais ses résistances, ses tentatives pour se soustraire au lourd fardeau de la sollicitude de toutes les Eglises, demeurèrent infructueuses ; et sous le nom de Grégoire VII, le nouveau Vicaire du Christ fut révélé au monde. Il devait remplir toute l'étendue de ce nom qui signifie la Vigilance.
La force brute se dressait devant lui incarnée dans un prince audacieux et rusé, souillé de tous les crimes, et, comme un aigle ravisseur, tenant dans ses serres l'Eglise devenue sa proie. Dans les Etats de l'empire, nul évêque n'eût été souffert sur son siège, s'il n'eût reçu, par l'anneau et la crosse, l'investiture de César. Tel était Henri de Germanie, et à son exemple les autres princes anéantissaient par le même procédé toute liberté dans les élections canoniques. La double plaie de la simonie et de l'incontinence continuait à sévir sur le corps ecclésiastique. Les pieux prédécesseurs de Grégoire avaient fait reculer le mal par de généreux efforts ; mais aucun d'eux ne s'était senti la force de se mesurer corps à corps avec César, dont l'action désastreuse fomentait toutes ces corruptions. Un tel rôle, avec ses périls et ses angoisses, était réservé à Grégoire, et il n'y faillit pas.
Saint Grégoire VII. Homéliaire. XIIe.
Les trois premières années de son pontificat furent cependant assez pacifiques. Grégoire fit des avances paternelles à Henri. Il chercha, dans sa correspondance avec ce jeune prince, à le fortifier contre lui-même, en témoignant des espérances que les faits vinrent trop tôt démentir, en comblant des marques de sa confiance et de sa tendresse le fils d'un empereur qui avait bien mérité de l'Eglise. Henri crut devoir se contenir quelque temps, en face d'un pape dont il connaissait la droiture ; mais la digue céda enfin sous l'impétuosité du torrent, et l'adversaire du pouvoir spirituel se révéla tout entier.
La vente des évêchés et des abbayes recommença au profit de César. Grégoire frappa d'excommunication les simoniaques, et Henri, bravant avec audace les censures de l'Eglise, persista à maintenir sur leurs sièges des hommes résolus à le suivre dans tous ses excès. Grégoire adressa au prince un solennel avertissement, lui enjoignant de rompre avec ces excommuniés, sous peine de voir arriver sur lui-même les foudres de l'Eglise. Henri, qui avait jeté le masque, se promettait de ne tenir aucun compte des menaces du Pontife, lorsque tout à coup la révolte de la Saxe, dont plusieurs des électeurs de l'Empire embrassaient la cause, vient l'inquiéter pour sa couronne. Il sent qu'une rupture avec l'Eglise peut, dans un tel moment, lui devenir fatale. On le voit alors s'adresser en suppliant à Grégoire de solliciter l'absolution, et abjurer sa conduite passée entre les mains de deux légats envoyés en Allemagne par le Pontife. Mais à peine ce monarque félon a-t-il triomphé pour un moment de la révolte saxonne, qu'il recommence la guerre contre l'Eglise. Il ose dans une assemblée d'évêques, dignes de lui, proclamer la déposition de Grégoire. Bientôt l'Italie le voit arriver à la tête de ses troupes, et sa venue donne à une foule de prélats le signal de la révolte contre un pape disposé à ne pas souffrir l'ignominie de leur vie.
C'est alors que Grégoire, dépositaire de ces clefs puissantes qui signifient le pouvoir de lier et de délier au ciel et sur la terre, prononce la terrible sentence qui déclare Henri privé de la couronne et ses sujets dégagés du serment de fidélité à sa personne. Le Pontife ajoute un anathème plus redoutable encore aux princes infidèles : il le déclare exclu de la communion de l'Eglise. En s'opposant ainsi comme un rempart pour la défense de la société chrétienne menacée de toutes parts, Grégoire attirait sur lui l'effort de toutes les mauvaises passions ; et l'Italie était loin de lui offrir les garanties de fidélité sur lesquelles il eût eu droit de compter. César avait pour lui plus d'un prince dans la Péninsule, et les prélats simoniaques le regardaient comme leur défenseur contre le glaive de Pierre. Il était donc à prévoir que bientôt Grégoire n'aurait plus où meure le pied dans toute l'Italie ; mais Dieu qui n'abandonne point son Eglise avait suscité un vengeur pour sa cause. A ce moment la Toscane et une partie de la Lombardie reconnaissaient pour souveraine la jeune et vaillante comtesse Mathilde. Cette noble femme se leva pour la défense du Vicaire de Dieu ; ses trésors, ses armées, elle les tint à la disposition du Siège Apostolique tant qu'elle vécut ; et ses domaines, elle les légua avant sa mort au Prince des Apôtres et à ses successeurs.
Bréviaire à l'usage de Besançon. XIVe.
Au fort de ses succès, Henri eut donc à compter avec Mathilde. Cette princesse, qui balançait son influence en Italie, put soustraire à sa fureur le généreux Pontife. Par ses soins, Grégoire arriva sain et sauf à Canossa, forteresse inexpugnable près de Reggio. A ce moment même la fortune de Henri sembla vaciller. La Saxe relevait l'étendard de la révolte, et plus d'un feudataire de l'Empire se liguait avec les rebelles pour anéantir le tyran que l'Eglise venait de mettre au ban de la chrétienté. Henri eut peur pour la seconde fois, et son âme aussi perfide que lâche ne recula pas devant le parjure. Le pouvoir spirituel entravait ses plans sacrilèges: il osa penser qu'en lui offrant une satisfaction passagère, il pourrait le lendemain relever la tête. On le vit se présenter nu-pieds et sans escorte à Canossa, vêtu en pénitent et sollicitant avec de feintes larmes le pardon de ses crimes. Grégoire eut compassion de son ennemi, pour lequel Hugues de Cluny et Mathilde intercédaient à ses pieds. Il leva l'excommunication, et réintégra Henri au sein de l'Eglise ; mais il ne jugea pas à propos de révoquer encore la sentence par laquelle il l'avait privé des droits de souverain. Le Pontife annonça seulement l'intention de se rendre à la diète qui devait se tenir en Allemagne, de prendre connaissance des griefs que les princes de l'Empire avançaient contre Henri, et de décider alors selon la justice.
Henri accepta tout, prêta serment sur l'Evangile, et rejoignit son armée. L'espérance renaissait dans son cœur, à mesure qu'il s'éloignait de la redoutable forteresse dans les murs de laquelle il avait du sacrifier un instant son orgueil à son ambition. Il comptait sur l'appui des mauvaises passions, et son calcul jusqu'à un certain point ne fut pas trompé. Un tel homme devait finir misérablement ; mais Satan était trop intéressé à son succès pour ne pas lui venir en aide.
Cependant un rival s'élevait en Allemagne contre Henri : Rodolphe, duc de Souabe, appelé à la couronne dans une diète des électeurs de l'Empire. Grégoire, fidèle à ses principes de droiture, refusa d'abord de reconnaître cet élu, bien que son attachement à l'Eglise et ses nobles qualités le rendissent particulièrement recommandable. Le Pontife persistait dans son projet d'entendre dans l'assemblée des princes et des villes de l'Allemagne les griefs reprochés à Henri, de l'écouter lui-même, et de mettre fin aux troubles en prononçant un jugement équitable. Rodolphe insistait auprès du Pontife pour en obtenir la reconnaissance de ses droits ; Grégoire qui l'aimait eut le courage de résister à ses instances, et de remettre l'examen de sa cause à cette diète que Henri avait acceptée avec serment à Canossa, mais dont il craignait tant les résultats. Trois années se passèrent durant lesquelles la patience et la modération du Pontife furent constamment mises à l'épreuve par les délais de Henri, et par son refus d'assurer la sécurité de l'Eglise. Enfin le Pontife, dans l'impuissance de mettre un terme aux discussions armées qui ensanglantaient l'Allemagne et l'Italie, ayant constaté le mauvais vouloir de Henri et son parjure, lança de nouveau contre lui l'excommunication, et renouvela dans un concile tenu à Rome la sentence par laquelle il l'avait déclaré privé de la couronne. En même temps Grégoire reconnaissait l'élection de Rodolphe et accordait la bénédiction apostolique à ses adhérents.
Henri IV. Miniature allemande du XIIe.
La colère de Henri monta au comble, et sa vengeance ne garda plus de mesure. Parmi les prélats italiens les plus dévoués à sa cause, Guibert, archevêque de Ravenne, était le plus ambitieux et le plus compromis à l'égard du Siège Apostolique. Henri fit de ce traître un anti-pape, sous le nom de Clément III. Ce faux pontife ne manqua pas de partisans, et le schisme vint se joindre aux autres calamités qui pesaient déjà sur l'Eglise. C'était un de ces moments terribles où, selon l'expression de saint Jean, " il est donné à la bête de faire la guerre aux saints et de les vaincre " (Apoc. XI, 7.). Tout à coup la victoire se déclare en faveur de César. Rodolphe est tué dans une bataille en Allemagne, et les troupes de Mathilde sont défaites en Italie. Henri n'a plus qu'un vœu, celui d'entrer dans Rome, d'en chasser Grégoire et d'introniser son anti-pape sur la chaire de saint Pierre.
Au milieu de ce cataclysme effrayant d'où l'Eglise cependant devait sortir épurée et affranchie, quels étaient les sentiments de notre saint Pontife ? Il les décrit lui-même dans une lettre adressée à saint Hugues de Cluny :
" Telles sont, lui dit-il, les angoisses auxquelles nous sommes en proie, que ceux-là même qui vivent avec nous, non seulement ne les peuvent plus souffrir, mais n'en supportent pas même la vue. Le saint roi David disait : " En proportion de la douleur immense qui oppressait mon cœur, vos consolations, Seigneur, sont venues réjouir mon âme " : mais pour nous, bien souvent la vie est un ennui et la mort un vœu ardent. S'il arrive que Jésus, le tendre consolateur, vrai Dieu et vrai homme, daigne me tendre la main, sa bonté rend la joie à mon cœur affligé; mais pour peu qu'il se retire, mon trouble arrive à l'excès. En ce qui est de moi je meurs sans cesse ; en ce qui est de lui je vis par moments. Si mes forces défaillent tout à fait, je crie vers lui, je lui dis d'une voix gémissante : " Si vous imposiez un fardeau aussi pesant à Moïse et à Pierre, ils en seraient, ce me semble, accablés. Que peut-il advenir de moi qui ne suis rien en comparaison d'eux ? Vous n'avez donc, Seigneur, qu'une chose à faire: c'est de gouverner vous-même, avec votre Pierre, le pontificat qui m'est imposé ; autrement vous me verrez succomber, et le pontificat sera couvert de confusion en ma personne "." (Data Romae, nonis maii, indictione I (1078).).
Ce cri de détresse qui s'échappe de l'âme du saint Pontife révèle son caractère tout entier. Le zèle pour les mœurs chrétiennes qui ne peuvent se conserver que par la liberté de l'Eglise, était le mobile de sa vie entière. Un tel zèle avait pu seul lui faire affronter cette situation terrible, dans laquelle il n'avait à recueillir en ce monde que les chagrins les plus cuisants. Et pourtant, Grégoire était ce père de la chrétienté qui, devançant ses successeurs, avait conçu dès les premières années de son pontificat la grande et courageuse pensée d'aller refouler l'islamisme jusqu'en Orient, et de briser par une descente chez le Sarrasin le joug des chrétiens opprimés. Il avait débuté dans ce projet par une lettre adressée à tous les fidèles. Il y montre l'ennemi du nom chrétien déjà sous les murs de Constantinople, et signalant sa férocité par d'horribles carnages.
La pénitence de Canossa. Hugues de Cluny,
la comtesse Mathilde et Henri IV. Miniature du XIIe.
" Si nous aimons Dieu, dit-il dans cette épître, si nous nous reconnaissons chrétiens, il nous faut gémir sur de tels désastres ; mais gémir ne suffit pas. L'exemple de notre Rédempteur et le devoir de la charité fraternelle nous imposent l'obligation de donner notre vie pour la délivrance de nos frères. Sachez donc que, rempli de confiance dans la miséricorde de Dieu et dans la puissance de son bras, nous faisons tout et nous préparons tout, afin de porter un prompt secours à l'empire chrétien." (Data Romae, calendis martii, indictione 12(1074).).
Peu de temps après, il écrivait à Henri qui n'avait pas encore démasqué ses projets hostiles à l'Eglise :
" Mon avertissement aux chrétiens d'Italie et d'au delà des monts a été reçu avec faveur. Déjà plus de cinquante mille hommes se préparent, et s'ils peuvent compter sur moi comme chef de l'expédition et comme Pontife, ils marcheront à main armée contre les ennemis de Dieu, et avec le secours divin, ils iront jusqu'au sépulcre du Seigneur."
Ainsi le sublime vieillard ne reculait pas devant la pensée de se mettre lui-même à la tête de l'armée chrétienne :
" Une chose, dit-il, m'engage à exécuter ce projet : c'est l'état de l'Eglise de Constantinople qui s'écarte de nous sur le dogme du Saint-Esprit, et qui a besoin de rentrer en accord avec le Siège Apostolique. L'Arménie presque tout entière s'est éloignée de la foi catholique ; en un mot, la grande majorité des Orientaux ressent le besoin de connaître quelle est la foi de Pierre sur les diverses opinions qui ont cours chez eux. Le moment est venu d'user de la grâce que le miséricordieux Rédempteur a conférée à Pierre, en lui faisant ce commandement : " J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères ". Nos pères, dont notre désir est de suivre les traces, quoique indigne de leur succéder, ont plus d'une fois visité ces contrées pour y confirmer la foi catholique : nous donc aussi, nous nous sentons poussé, si le Christ nous ouvre la voie, à entreprendre cette expédition dans l'intérêt de la foi et pour aller au secours des chrétiens."
Henri IV en pénitence visité par son fils, le futur Henri V.
Miniature du XVe.
Dans sa loyauté accoutumée, Grégoire était allé jusqu'à compter sur le concours de Henri pour protéger l'Eglise durant son absence :
" Un tel projet, écrit-il à ce prince, demande un grand conseil et un secours puissant, si Dieu permet qu'il se réalise ; je viens donc te demander ce conseil et aussi ce secours, s'il t'est agréable. Si, par la faveur divine, je pars, après Dieu c'est à toi que je laisserai l'Eglise Romaine, afin que tu la gardes comme une mère sainte, et que tu protèges son honneur. Fais-moi savoir au plus tôt ce que tu auras décidé dans ta prudence aidée du conseil divin. Si je n'espérais pas de toi plus que d'autres ne croient, je t'aurais écrit ceci bien inutilement ; mais comme il peut se faire que tu ne te laisses pas aller à une entière confiance en l'affection que je te porte, je m'en remets à l'Esprit-Saint qui peut tout. Je le prie de te faire comprendre à sa manière l'attachement que j'éprouve pour toi, et de gouverner ton esprit, de façon à renverser les désirs des impies et à fortifier l'espérance des bons." (Data Romae, 7 idus decembris, indictione 13 (1074).).
Moins de trois ans après avait lieu l'entrevue de Canossa ; mais au moment où Grégoire écrivait cette lettre à Henri, sa confiance dans l'expédition qu'il projetait était assez fondée, pour qu'il en fit part à la comtesse Mathilde :
" L'objet de mes pensées, écrit-il à la chevaleresque princesse, le désir que j'éprouve de passer la mer, pour venir au secours des chrétiens que les païens immolent comme un vil bétail, me cause de l'embarras vis-à-vis de plusieurs; je crains d'être taxé par eux d'une certaine légèreté. Mais je n'ai aucune peine à te le confier, à toi, ma fille très chère, dont j'estime la prudence plus que tu ne saurais t'en rendre compte. Après avoir lu les lettres que j'envoie au delà des monts, si tu as un conseil à émettre, ou mieux encore à prêter un secours à la cause de Dieu ton créateur, fais en sorte d'y apporter tous tes soins; car s'il est beau, comme on le dit, de mourir pour sa patrie, il est plus beau et plus glorieux encore de sacrifier la chair mortelle pour le Christ qui est l'éternelle vie. J'ai la confiance que beaucoup d'hommes de guerre nous viendront en aide dans cette expédition ; j'ai des raisons de penser que notre impératrice (la pieuse Agnès, mère de Henri) a l'intention de partir avec nous ; elle désire t'emmener avec elle. Ta mère (la comtesse Béatrix) demeurera dans ce pays, pour veiller à la défense des intérêts communs ; et toutes choses étant ainsi réglées, avec l'aide du Christ nous pourrions nous mettre en route. En venant ici pour satisfaire sa dévotion, l'impératrice, aidée de ton secours, pourra animer un grand nombre de personnes à cette sainte entreprise. Pour ce qui est de moi, honoré de la compagnie de si nobles sœurs, je passerai volontiers les mers, disposé à donner ma vie pour le Christ avec vous dont je désire n'être pas séparé dans la patrie éternelle. Adresse-moi promptement une réponse sur ce projet et sur ton arrivée à Rome, et daigne le Seigneur tout-puissant te bénir et te faire marcher de vertu en vertu, afin que la Mère universelle puisse se réjouir en toi durant de longues années !" (16 décembre 1074.).
La pensée de Grégoire, à laquelle il se livrait avec tant d'enthousiasme, n'était pas uniquement un rêve généreux de sa grande âme ; c'était un pressentiment divin. Sa vie héroïque ne devait pas laisser place à une lointaine expédition ; il allait avoir à combattre un autre ennemi que le Sarrasin; mais la croisade qu'il saluait avec tant d'ardeur n'était pas loin. Urbain II, son second successeur, comme lui moine de Cluny, devait sous peu d'années ébranler l'Europe chrétienne et la lancer sur l'ennemi commun.
Henri IV remet les regalia à son fils, le futur Henri V.
Chronique de Ekkehard von Aura. XIIe.
Mais puisque nous avons rencontré le nom de Mathilde, nous profiterons de cette occasion pour pénétrer plus intimement encore dans l'âme de notre grand Pontife. On verra comment cet illustre athlète de la liberté de l'Eglise savait unir à la hauteur et à la grandeur des vues la touchante sollicitude du plus humble prêtre pour l'avancement spirituel d'une âme :
" Celui-là seul qui pénètre le secret des cœurs, écrit-il à la pieuse princesse, peut connaître, et connaît mieux que moi encore, le zèle et la sollicitude que je porte à ton salut. Je me flatte que tu sais comprendre que je suis tenu à prendre soin de toi, en vue de tant de peuples pour l'intérêt desquels la charité m'a contraint de te retenir, lorsque tu songeais à les abandonner, afin de ne plus songer qu'au bien de ton âme. La charité, ainsi que je te l'ai dit souvent et que je te le dirai encore, d'après celui qui est la trompette du ciel, la charité ne cherche pas ce qui est de son intérêt. Mais comme entre les armes de défense que je t'ai fournies contre le prince du monde, la principale est de recevoir fréquemment le Corps du Seigneur, et de te livrer avec une entière confiance à la protection de sa Mère, dans cette lettre je veux te transcrire ce que le bienheureux Ambroise a pensé au sujet de la communion."
Le pieux Pontife insère ici deux passages du saint Docteur, qu'il fait suivre d'autres citations empruntées à saint Grégoire le Grand et à saint Jean Chrysostome sur le bienfait de la divine Eucharistie. Il continue ainsi :
" Nous devons donc, Ô ma fille, recourir à ce merveilleux sacrement, aspirer à ce puissant remède. Je t'ai écrit cette lettre, ô fille du bienheureux Pierre, pour accroître encore ta foi et ta confiance, lorsque tu reçois le Corps du Seigneur. Tel est le trésor, tel est le bienfait, au-dessus de l'or et des pierres précieuses, que ton âme attend de moi dans son amour pour le Roi des cieux qui est ton père; bien qu'il te fût possible d'obtenir par tes mérites quelque chose de meilleur en t'adressant à un autre ministre de Dieu. Quant à la Mère du Seigneur, à laquelle je t'ai confiée pour le passé, pour le présent et pour toujours, jusqu'à ce que nous puissions la contempler au ciel selon notre désir, je ne t'en entretiendrai pas aujourd'hui. Que pourrais-je dire qui fût digne de celle que le ciel et la terre ne cessent de combler de louanges, sans pouvoir atteindre à ce qu'elle mérite ? Mais tiens ceci pour assuré, qu'autant elle est plus élevée, plus dévouée et plus sainte que toutes les autres mères, autant elle se montre miséricordieuse et tendre envers ceux et celles qui ont pèche et qui s'en repentent. Renonce donc à toute inclination au péché, et prosternée devant elle, répands les larmes d'un cœur contrit et humilié. Tu la trouveras alors, je te le promets en toute assurance, plus empressée et plus affectueuse dans sa tendresse pour toi que ne saurait l'être une mère selon la chair." (Datae Romae, 14 calendas martii (1074).).
L'œil du Pontife que tant de sollicitudes ne pouvaient distraire de l'intérêt paternel qu'il portait à l'avancement d'une âme, allait chercher, malgré les distances, à travers la chrétienté, les hommes trop rares alors dont la sainteté et la doctrine devaient faire plus tard l'ornement et la lumière de l'Eglise. C'est ainsi que Grégoire avait découvert le grand Anselme, alors encore caché au fond de son abbaye du Bec. Du milieu de ses tribulations inouïes (1079), le Pontife adresse à l'Abbé cette lettre touchante :
" La bonne odeur de tes fruits, lui dit-il, s'est fait sentir jusqu'à nous. Nous en rendons à Dieu nos actions de grâces, et nous t'embrassons de cœur dans l'amour du Christ, assuré que nous sommes du succès que l'Eglise de Dieu retirera de tes études, et de l'aide que, par la miséricorde du Seigneur, lui apporteront, dans ses périls, tes prières jointes à celles qu'offrent au ciel ceux qui te ressemblent. Tu sais, mon frère, la puissance qu'exerce auprès de Dieu la prière du juste ; celle de plusieurs justes a plus de force encore ; il n'y a même pas lieu de douter qu'elle n'obtienne ce qu'elle implore. C'est l'autorité de la Vérité même qui nous oblige de le croire. C'est elle qui a dit : " Frappez, et l'on vous ouvrira ". Frappez avec simplicité, demandez avec simplicité, dans les choses qui lui sont agréables ; alors il vous sera ouvert, alors vous recevrez, et c'est en cette manière que la prière des justes sera exaucée. C'est pourquoi nous voulons que ta Fraternité et celle de tes moines s'adressent à Dieu par des prières assidues, afin qu'il daigne soustraire à l'oppression des hérétiques son Eglise et nous-même qui lui sommes préposé, quoique indigne, et que dissipant l'erreur qui aveugle nos ennemis, il les ramène au sentier de la vérité." (Anselm. Epist. Lib. II, 31.).
Ruines du château de Canossa qui appartenait à la
comtesse Mathilde de Toscane. Emilie-Romagne. Italie.
Mais l'oeil de Grégoire ne s'arrêtait pas seulement sur des princesses comme Mathilde, sur des docteurs comme Anselme. Il savait découvrir jusque dans la mêlée l'humble et courageux blessé qui souffrait pour la cause de l'Eglise, et l'entourait d'une admiration et d'une tendresse qu'il n'eût pas éprouvée pour ces chefs dont la fidélité est au prix de la gloire. Qu'on lise cette lettre à un pauvre prêtre milanais que les simoniaques avaient mutilé d'une façon barbare.
" Si nous vénérons la mémoire des Saints qui sont morts après que leurs membres ont été tranchés par le fer, écrit-il à cet obscur soldat de l'Eglise, nommé Liprand, si nous célébrons les souffrances de ceux que ni le glaive, ni les souffrances n'ont pu séparer de la foi du Christ, toi à qui on a coupé le nez et les oreilles pour son nom, tu es plus digne de louanges encore d'avoir mérité une grâce qui. si elle est jointe à la persévérance, te donne une entière ressemblance avec les Saints. L'intégrité de ton corps n'existe plus ; mais l'homme intérieur qui se renouvelle de jour en jour, s'est développé en toi avec grandeur. Extérieurement les mutilations déshonorent ton visage ; mais l'image de Dieu, qui est le rayonnement de la justice, est devenue en toi plus gracieuse par ta blessure même, plus attrayante par la difformité qu'on a imprimée à tes traits. L'Eglise ne dit-elle pas elle-même dans le Cantique : " Je suis noire, Ô filles de Jérusalem " ? Si donc ta beauté intérieure n'a pas souffert de ces cruelles mutilations, ton caractère sacerdotal qui est saint, et qu'il faut reconnaître plutôt dans l'intégrité des vertus que dans celle des membres, n'en a pas été atteint davantage. N'a-t-on pas vu l'empereur Constantin baiser respectueusement au visage d'un évêque la cicatrice d'un œil qui avait été arraché pour le nom du Christ ? L'exemple des Pères et les anciennes écritures ne nous apprennent-ils pas qu'on maintenait les martyrs dans l'exercice du ministère sacré, même après la mutilation qu'ils avaient soufferte dans leurs membres ?
Mathilde de Toscane. Manuscrit du XIIe.
Toi donc, martyr du Christ, sois plein d'assurance dans le Seigneur. Regarde-toi comme ayant fait un pas de plus dans ton sacerdoce. Il te fut conféré avec l'huile sainte ; aujourd'hui le voilà scellé de ton propre sang. Plus on t'a réduit, plus il te faut prêcher ce qui est bien, et semer cette parole qui produit cent pour un. Nous savons que les ennemis de la sainte Eglise sont tes ennemis et tes persécuteurs ; ne les crains pas, et ne tremble pas devant eux ; car nous gardons avec amour sous notre tutelle et sous celle du Siège Apostolique ta personne et tout ce qui t'appartient ; et s'il te devient nécessaire de recourir à nous, nous acceptons d'avance ton appel, disposé à te recevoir avec allégresse et grand honneur, lorsque tu viendras vers nous et vers ce saint Siège."
Tel était Grégoire, unissant la simplicité du cloître aux plus graves sollicitudes de la papauté. Et quelles sollicitudes, si nous oublions pour un moment l'affreuse crise au milieu de laquelle il disparut ! Nous venons de parler du projet de la croisade, qui plus tard a suffi à lui seul pour immortaliser Urbain II ; mais que d'œuvres diverses, que d'interventions pastorales dans tout le monde chrétien, qui font des douze années de ce pontificat si agité l'une des époques où la papauté, présente partout, semble avoir déployé le plus d'activité et de vigilance ! Dans sa vaste correspondance, Grégoire ne se borne pas à diriger les affaires de l'Eglise dans l'Empire, en Italie, en France, en Angleterre, en Espagne; il soutient les jeunes chrétientés du Danemarck, de la Suède, de la Norwège ; la Hongrie, la Bohême, la Pologne, la Serbie, la Russie elle-même, reçoivent ses lettres remplies de sollicitude. Malgré la rupture du lien de communion entre Rome et Byzance, le Pontife ne cesse pas ses interventions ; il voudrait arrêter le schisme qui emporte l'Eglise grecque loin de son orbite.
Henri IV et l'antipape Clément III. Saint Grégoire VII chassé
de Rome par Henri IV. Illustration d'un manuscrit du XIIIe.
Sur la côte d'Afrique, sa vigilance soutient encore trois évêchés qui ont survécu a l'invasion sarrasine. Dans le but d'unifier la chrétienté latine, il resserre le lien de la prière publique, abolissant en Espagne la liturgie gothique, et faisant reculer au delà des frontières de la Bohême la liturgie de Byzance qui allait l'envahir. Quelle carrière pour un seul homme ; mais aussi quel martyre était réservé à ce grand cœur ! Il nous faut reprendre le récit, un moment suspendu, des épreuves de notre Pontife. Par lui l'Eglise et la société devaient être sauvées ; mais comme son Maître divin, " il devait boire l'eau du torrent pour relever ensuite la tête " (Psalm. CIX.). Nous l'avons vu humilié dans ses défenseurs, le sort des armes lui étant devenu contraire ; nous l'avons vu menacé par son vainqueur, après l'avoir tenu sous ses pieds ; nous l'avons vu en butte a un anti-pape dont la cause est soutenue par d'indignes prélats ; mais " ce n'est là encore que le commencement des douleurs " (Matth. XXIV, 8.).
Henri marche sur la ville sainte en la compagnie du faux vicaire du Christ. Un incendie allumé par sa main sacrilège menace de dévorer le quartier du Vatican ; Grégoire envoie sa bénédiction sur son peuple éperdu, et tout aussitôt la flamme recule et s'éteint. Un moment l'enthousiasme gagne les Romains, si souvent ingrats envers le Pontife qui est à lui seul la vie et la gloire de Rome. Prêt à consommer le sacrilège, Henri hésite et tremble. Il laissera tomber dans la poussière l'ignoble fantôme qu'il a voulu opposer au véritable pape ; il ne demande plus qu'une chose aux Romains : que Grégoire consente à lui donner l'onction sainte, et lui, Henri de Germanie, désormais empereur, se montrera fils dévoué de l'Eglise. Cette prière est transmise à Grégoire par la cité tout entière :
" Je connais trop la fourberie du roi, répond le noble Pontife. Qu'il satisfasse d'abord à Dieu et à l'Eglise qu'il a foulée aux pieds : je pourrai alors absoudre son repentir, et placer sur sa tête convertie la couronne impériale."
Ruines du château de Canossa. Emilie-Romagne. Italie.
Les instances des Romains ne purent obtenir d'autre réponse de l'inflexible gardien du droit de la chrétienté. Henri allait s'éloigner, lorsque tout à coup cette population mobile, gagnée par d'infâmes largesses venues de Byzance (car tous les schismes s'entendent contre la papauté), se détache de celui qui est son roi et son père, et vient déposer les clefs de la ville aux pieds du tyran qui apporte la servitude des âmes. Grégoire se voit alors réduit à chercher un asile dans le fort Saint-Ange, et la liberté de l'Eglise y est assiégée avec lui. C'est de là, ou peut-être quelques jours avant de s'y enfermer, qu'il écrit, en l'année 1084, cette lettre sublime adressée à tous les fidèles, et qui est comme le testament de sa grande âme :
" Les princes des nations et les princes des prêtres se sont réunis contre le Christ, Fils du Dieu tout-puissant, et contre son apôtre Pierre, pour éteindre la religion chrétienne et propager partout l'hérétique perversité. Mais, par la miséricorde de Dieu, ils n'ont pu, malgré leurs menaces, leurs cruautés et leurs promesses de gloire mondaine, entraîner dans leur impiété ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. D'iniques conspirateurs ont levé la main contre nous, uniquement parce que nous n'avons pas voulu couvrir du silence le péril de la sainte Eglise, ni tolérer ceux qui ne rougissent pas de réduire en servitude l'Epouse même de Dieu. En tout pays, la dernière des femmes peut se donner un époux à son gré avec l'appui des lois ; et voici qu'il n'est plus permis à la sainte Eglise, qui est l'Epouse de Dieu et notre mère, de demeurer unie à son Epoux, comme le demande la loi divine et comme elle le veut elle-même. Nous ne devons pas souffrir que les fils de cette Eglise soient asservis à des hérétiques, à des adultères, à des oppresseurs, comme si ceux-là étaient leurs pères. De là des maux de toute nature, des périls divers, des actes de cruauté inouïe, ainsi que vous pourrez l'apprendre de nos légats.
Le célèbre Dictatus papae, que saint Grégoire VII rédigea pour
combattre le césaro-papisme et pour réaffirmer les droits de
l'Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui la place au-dessus,
quoique distinctement, des pouvoirs temporels. Deux siècles plus
tard, le pape Boniface VIII aura le même combat à mener contre
Philippe Le Bel. Archives du Vatican. XIe.
Il a été dit au Prophète, comme le sait votre fraternité : " Du sommet de la montagne, fais entendre des cris, et ne cesse pas." Poussé irrésistiblement, sans aucun respect humain, me mettant au-dessus de tout sentiment terrestre, j'évangélise à mon tour, je crie et je crie encore, et je vous annonce que la religion chrétienne, la vraie foi que le Fils de Dieu venu sur la terre nous a enseignée par nos pères, est menacée de se corrompre par l'envahissement de la puissance séculière, qu'elle tend à s'anéantir, à perdre sa couleur antique, exposée ainsi à la dérision non seulement de Satan, mais des juifs, des sarrasins et des païens. Ces derniers du moins gardent leurs lois qui ne peuvent être utiles au salut des âmes, et qui n'ont point été garanties par des miracles comme la nôtre que le Roi éternel a attestée lui-même : ils les gardent et ils v croient. Nous chrétiens, enivrés de l'amour du siècle et trompés par une vainc ambition, nous faisons céder toute religion et toute honnêteté à la cupidité et à la superbe, nous semblons dépourvus de toute loi et comme insensés, n'ayant plus le souci qu'avaient nos pères du salut et de l'honneur de la vie présente et de la vie future, n'en faisant même pas l'objet de notre espérance.
S'il s'en rencontre qui craignent encore Dieu, c'est uniquement de leur salut qu'ils s'occupent, et non de l'intérêt commun. Qui voit-on aujourd'hui se donner de la peine, exposer sa vie dans les fatigues par le motif de la crainte ou de l'amour du Dieu tout-puissant, tandis qu'on voit les soldats de la milice séculière braver tous les dangers pour leurs maîtres, pour leurs amis et même pour leurs sujets ? Des milliers d'hommes savent courir à la mort pour leurs seigneurs; mais s'agit-il du roi du ciel, de notre Rédempteur, loin de jouer ainsi sa vie, on recule devant l'inimitié de quelques hommes. S'il en est (et il en existe encore, par la miséricorde de Dieu, si peu que ce soit), s'il en est, disons-nous, quelques-uns qui, pour l'amour de la loi chrétienne, osent résister en face aux impies, non seulement ils ne trouvent pas d'appui chez leurs frères, on les taxe d'imprudence et d'indiscrétion, on les traite de fous.
Nous donc qui sommes obligé par notre charge de détruire les vices dans les cœurs de nos frères et d'y implanter les vertus, nous vous prions et vous supplions dans le Seigneur Jésus qui nous a rachetés, de réfléchir en vous-mêmes, afin de bien comprendre pour quel motif nous avons à souffrir tant d'angoisses et de tribulations de la part des ennemis de la religion chrétienne. Du jour où, par la volonté divine, l'Eglise mère m'a établi, malgré ma grande indignité, et malgré moi, Dieu le sait, sur le trône apostolique, tous mes soins ont été pour que l'Epouse de Dieu, notre dame et mère, remontât à la dignité qui lui appartient, pour qu'elle se maintînt libre, chaste et catholique. Mais une telle conduite devait déplaire souverainement à l'antique ennemi ; c'est pourquoi il a armé contre nous ceux qui sont ses membres, et nous a suscité une opposition universelle. C'est alors que l'on a vu se diriger contre nous et contre le Siège Apostolique plus d'efforts violents qu'il n'en avait été tenté depuis les temps de Constantin le Grand. Mais que l'on ne s'en étonne pas ; il est naturel que plus le temps de l'Antéchrist approche, plus il mette d'acharnement à poursuivre l'anéantissement de la religion chrétienne."
Rodolphe, duc de Souabe. Mikaël Jungierek. XIIe.
Telle était à ce moment suprême l'indignation douloureuse du grand Pontife, presque seul contre tous, abattu par les revers, mais non vaincu De la forteresse où il avait abrité la majesté apostolique, il put entendre les impies vociférations du cortège qui conduisait à la basilique vaticane Henri, que son faux pape attendait à la Confession de saint Pierre. C'était le dimanche des Rameaux io85. Le sacrilège fut consommé. La veille, Guibert avait osé trôner dans la basilique de La-tran;etsous les palmes triomphales portées en l'honneur du Christ dont Grégoire était le vicaire, on vit l'intrus placer sur la tête du César excommunié la couronne de l'Empire chrétien ; mais Dieu préparait un vengeur à son Eglise. Au moment où le Pontife était serré dé plus près dans la forteresse qui lui servait d'abri, et qu'il semblait avoir tout à craindre de la fureur de son ennemi, Rome retentit tout à coup du bruit de l'arrivée du vaillant chef des Normands, Robert Guiscard. Cet homme de guerre est accouru pour mettre ses armes au service du Pontife assiégé, et pour délivrer Rome du joug des Allemands. Une panique soudaine s'empare du faux César et du faux pape ; l'un et l'autre prennent la fuite, et la cité parjure expie dans les horreurs d'un saccagement effroyable le crime de son odieuse trahison.
Le cœur de Grégoire fut accablé du désastre de son peuple. Impuissant à contenir la rage dévastatrice de ces barbares qui ne surent pas se borner à délivrer le Pontife, mais donnèrent carrière à toutes leurs cupidités au sein de celte ville qu'ils auraient dû châtier et non écraser ; menacé du retour de Henri qui comptait sur le ressentiment des Romains et se préparait à remplacer les Normands, lorsqu'ils auraient assouvi leurs convoitises, Grégoire sortit de Rome avec désolation, et, secouant la poussière de ses pieds, il alla demander asile au Mont-Cassin, et passer quelques heures dans ce sanctuaire du grand patriarche des moines. Le contraste des jours tranquilles de sa jeunesse abritée sous le cloître, avec les orages dont sa carrière apostolique n'avait cessé d'être agitée, dut se présenter à sa pensée. Errant, fugitif, abandonné, sauf d'une élite d'âmes fidèles et dévouées, il poursuivait sa douloureuse passion ; mais son calvaire n'était pas éloigné, et le Seigneur ne devait pas tarder à le recevoir dans le repos de ses saints. Avant qu'il descendît de la sainte montagne, un fait merveilleux arrivé déjà plusieurs fois se manifesta de nouveau. Grégoire étant à l'autel et célébrant le saint Sacrifice, une blanche colombe parut tout à coup posée sur son épaule, et parlant à son oreille. Il ne fut pas difficile de reconnaître à ce symbole expressif l'action de l'Esprit-Saint qui dirigeait et gouvernait les pensées et les actes du saint Pontife.
On était dans les premiers mois de l'année 1085. Grégoire se rendit à Salerne, dernière station de sa vie si agitée. Ses forces l'abandonnaient de plus en plus. Il voulut cependant faire la dédicace de l'Eglise du saint évangéliste Matthieu dont le corps reposait dans cette ville, et d'une voix défaillante il adressa encore la parole au peuple. Avant pris ensuite le Corps et le Sang du Sauveur, fortifié par ce puissant viatique, il reprit le chemin de sa demeure, et s'étendit sur la couche d'où il ne devait plus se relever. Image saisissante du Fils de Dieu sur la croix, comme lui dépouillé de tout et abandonné de la plupart des siens, ses dernières pensées furent pour la sainte Eglise qu'il laissait dans le veuvage. Il indiqua aux quelques cardinaux et évêques qui l'entouraient, les noms de ceux entre les mains desquels il verrait avec contentement passer sa laborieuse succession : Didier, Abbé du Mont-Cassin, qui fut après lui Victor III ; Othon de Châtillon, moine de Cluny, qui fut après Victor Urbain II ; et le fidèle légat Hugues de Die, que Grégoire avait fait archevêque de Lyon.
Mort de saint Grégoire VII en exil à Salerne.
Illustration d'un manuscrit du XIIIe.
On interrogea le Pontife agonisant sur ses intentions relativement aux nombreux coupables qu'il avait dû frapper du glaive de l'excommunication. Là encore, comme le Christ sur la croix, il exerça miséricorde et justice :
" Sauf, dit-il, le roi Henri, et Guibert, l'usurpateur du Siège Apostolique, ainsi que ceux qui favorisent leur injustice et leur impiété, j'absous et bénis tous ceux qui ont foi en mon pouvoir comme étant celui des saints apôtres Pierre et Paul."
Le souvenir de la pieuse et invincible Mathilde s'étant présenté à sa pensée, il confia cette fille dévouée de l'Eglise Romaine aux soins du courageux Anselme de Lucques, rappelant ainsi, comme le remarque le biographe de ce saint évoque, le don que Jésus expirant fit de Marie à Jean son disciple de prédilection. Trente années de luttes et de victoires furent pour l'héroïque comtesse le prix de cette bénédiction suprême.
La fin était imminente ; mais la sollicitude du père de la chrétienté survivait encore en Grégoire. Il appela l'un après l'autre ces hommes généreux qui entouraient sa couche, et leur fit prêter serment entre ses mains glacées de ne jamais reconnaître les droits du tyran, tant qu'il n'aurait pas donné satisfaction à l'Eglise. Il résuma sa dernière énergie dans une défense solennelle intimée à tous de reconnaître pour Pape celui qui n'aurait pas été élu canoniquement et selon les règles des saints Pères. Se recueillant ensuite en lui-même, et acceptant la divine volonté sur sa vie de pontife qui n'avait été qu'un sacrifice continuel, il dit :
" J'ai aimé la justice et j'ai haï l'iniquité ; c'est pour cela que je meurs en exil."
Un des évêques qui l'entouraient répondit avec respect :
" Vous ne pouvez, seigneur, mourir en exil, vous qui, tenant la place du Christ et des saints Apôtres, avez reçu les nations en héritage, et en possession l'étendue de la terre."
Parole sublime que déjà Grégoire ne pouvait plus entendre ; car son âme s'était élancée au ciel, et recevait dès ce moment l'immortelle couronne des martyrs.
Grégoire était donc vaincu, comme le Christ lui-même fut vaincu par la mort ; mais le triomphe sur cette mort ne manqua pas plus au disciple qu'il n'avait manqué au Maître. La chrétienté abaissée en tant de manières se releva dans toute sa dignité ; et l'on peut même dire qu'un gage de cette résurrection fut donné par le ciel le jour même où Grégoire rendait à Salerne son dernier soupir. Ce même jour, vingt-cinq mai 1085, Alphonse VI entrait victorieux à Tolède, et arborait la croix dans la cité reconquise des Eugène et des Julien, après quatre siècles d'esclavage sous le joug sarrasin.
Châsse-reliquaire de saint Grégoire VII.
Cathédrale Saint-Matthieu. Salerne.
Mais il fallait à l'Eglise opprimée un continuateur de Grégoire, et le Dieu dont il fut le vicaire ne le lui refusa pas. Le martyre du grand Pontife fut comme une semence de Pontifes dignes de lui. De même qu'il avait préparé ses prédécesseurs, on peut dire que ses successeurs procédèrent de lui ; et les fastes de la papauté ne présentent nulle part dans toute leur teneur une suite de noms plus glorieuse que celle qui s'étend de Victor III, successeur immédiat de Grégoire, à Boniface VIII, en qui recommença pour de longs siècles le martyre que notre grand héros avait subi. Son âme était à peine affranchie des épreuves de cette vallée de larmes, et déjà la victoire se déclarait. Les ennemis de l'Eglise étaient abattus, la suppression des investitures éteignait la simonie et assurait l'élection canonique des Pasteurs ; la loi sacrée de la continence des clercs reprenait partout son empire.
Grégoire avait été l'instrument de Dieu pour la réforme de la société chrétienne ; et si son nom est demeuré béni des vrais enfants de l'Eglise, sa mission avait été trop belle et trop courageusement remplie pour qu'elle n'attirât pas sur lui la haine de l'enfer. Or, voici ce que le Prince de ce monde (Johan. XII, 31.) imagina contre lui dans sa rage. Non content d'avoir fait de Grégoire un objet d'exécration pour les hérétiques, il vint à bout de le rendre odieux aux faux catholiques, embarrassant pour les demi-chrétiens. Longtemps ces derniers, malgré le jugement de l'Eglise qui l'a placé sur ses autels, affectèrent de l'appeler insolemment Grégoire VII. Son culte fut proscrit par des gouvernements qui se disaient encore catholiques ; il fut prohibé par des mandements épiscopaux. Son pontificat et ses actes furent attaqués comme contraires à la religion chrétienne par le plus éloquent de nos orateurs sacrés. Il fut un temps où les lignes que nous consacrons à ce saint Pape, dans un livre destiné à nourrir chez les fidèles l'amour et l'admiration pour les héros de la sainteté que l'Eglise offre à leur culte, eût attiré sur nous la vindicte des lois. Les Leçons de l'Office d'aujourd'hui furent supprimées par le Parlement de Paris en 1729, avec défense de s'en servir, sous peine de saisie du temporel. Ces barrières sont tombées, ces scandales ont cessé. Par suite du rétablissement de la Liturgie romaine en France, chaque année le nom de saint Grégoire VII est proclamé dans nos Eglises, la louange qui honore les saints lui est publiquement décernée, et le divin Sacrifice est offert à Dieu pour la gloire d'un si illustre Pontife.
Il était temps pour notre honneur français qu'une telle justice fût rendue à qui la mérite. Lorsque depuis plus de soixante ans on entendait les historiens et les publicistes protestants de l'Allemagne combler d'éloges celui qui n'est pourtant à leurs veux qu'un grand homme, mais en qui ils reconnaissent l'héroïque vengeur des droits de la société humaine; lorsque les gouvernements réduits aux abois par l'envahissement toujours plus impérieux du principe démocratique, n'ont plus le loisir de céder à leurs anciennes jalousies contre l'Eglise ; lorsque l'Episcopat se serre toujours plus étroitement autour de la Chaire de saint Pierre, centre de vie, de lumière et de force : rien n'est plus naturel que de voir le nom immortel de saint Grégoire VII resplendir d'une gloire nouvelle, après l'éclipsé qui l'avait si longtemps dérobé aux regards d'un trop grand nombre de fidèles. Qu'il demeure donc, ce glorieux nom, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des astres les plus brillants du Cycle pascal, et qu'il verse sur l'Eglise de nos jours l'influence salutaire qu'il répandit sur celle du moyen âge !
Cathédrale Saint-Matthieu. Salerne. Campanie. Italie. 1084
Des provinces entières furent arrachées par lui au fléau de la simonie. Comme un athlète intrépide, comme nous l'avons vu, il s'opposa sans trembler aux fureurs impies de l'empereur Henri, et ne craignit pas de s'opposer comme un mur pour la défense de la maison d'Israël ; et lorsque ce même Henri fut tombé jusqu'aux derniers excès du mal, il le priva de la communion des fidèles ainsi que de l'empire, et délia du serment de fidélité les peuples qui lui étaient soumis.
Pendant qu'il célébrait la Messe, des hommes pieux aperçurent une colombe, qui, descendant du ciel, venait se reposer sur son épaule et lui voilait la tête de ses ailes ; ce qui signifiait que Grégoire était conduit dans le gouvernement de l'Eglise par le souffle de l'Esprit-Saint, et non par les raisons de la prudence humaine. La ville de Rome se trouvant assiégée par l'armée du méchant roi Henri, Grégoire éteignit par le signe de la croix un incendie que les ennemis avaient allumé Enfin, arraché de leurs mains par Robert Guiscard, chef Normand, il se rendit au Mont-Cassin, et de là à Salerne pour y faire la dédicace de l'Eglise de l'apôtre saint Matthieu. Après avoir adressé un sermon au peuple de cette ville, se sentant épuisé de traverses, il tomba malade et pressentit sa fin prochaine.
Trois jours avant sa mort, saint Grégoire leva toutes les sentences d'excommunication qu'il avait lancées, à l'exception de celles qui tombaient sur Henri et sur Guibert.
" J'ai aimé la justice et j'ai haï l'iniquité ; c'est pour cela que je meurs en exil."
Telles furent les dernières paroles de Grégoire mourant. Les épreuves qu'il supporta avec tant de courage furent innombrables, et les décrets qu'il porta dans les nombreux conciles qu'il rassembla sont remplis de sagesse ; homme véritablement saint, vengeur du crime et ardent défenseur de l'Eglise. Apres douze ans de pontificat, il partit pour le ciel l'an du salut mil quatre-ving-cinq. Il fut célèbre par ses miracles durant sa vie et après sa mort, et son saint corps repose avec honneur dans l'église cathédrale de Salerne.
Il fut inscrit au Catalogue des saints en 1580, par ordre de Grégoire XIII, et Benoît XIII fit placer son office dans le Bréviaire.
Buste-reliquaire de saint Grégoire VII. Trésor de la cathédrale
Saint-Matthieu. Salerne. Italie.
On représente saint Grégoire VII avec une colombe sur son épaule chacun sait que la colombe est le symbole de l'inspiration d'en haut. Prosterné devant une image de Notre-Dame ; il pleure sur les maux de l'Eglise la sainte Vierge pleure aussi pour lui montrer quel part elle prend à ses douleurs, et pour l'encourager dans la lutte généreuse qu'il soutient contre les ennemis du bien.
Le grand Pape du XIe siècle est spécialement honoré à Salerne et en Dalmatie : à Salerne, parce qu'il y mourut ; en Dalmatie, parce que Grégoire VII avait conféré le titre de roi à Démétrius, duc des Dalmates et des Croates. Saint Grégoire donna encore le nom de roi à Michel, prince des Slaves, connus plus particulièrement sous le nom de Serviens.
On le voit par une lettre où le Pape lui mande qu'il attend ses ambassadeurs pour lui reconnaître la dignité royale, lui donner un étendard, et le tenir désormais comme un fils bien-aimé de saint Pierre, et terminer un différend entre l'archevêque de Spalatro et celui de Raguse. La lettre est du 9 janvier 1077. On voit par ses exemples, qui ne sont pas les seuls, quelle était la constitution de la chrétienté dans le XIe siècle. Les princes et les peuples se soumettaient, même temporellement, à l'Eglise romaine, au vicaire du Christ.
Canossa. Eduard Schwoiser. XIXe.
Bossuet lui-même nous montre, d'après les monuments historiques, comment alors les ducs, les comtes, et même les rois se soumettaient à l'envi l'un de l'autre au Saint-Siège afin de trouver en sa protection sûreté et paix. Et il ajoute qu'en effet ce n'était pas une médiocre assurance d'avoir reçu la royauté ou le royaume du Siège apostolique. Les souverains y trouvaient de notables avantages. L'autorité du chef de l'Eglise les protégeait contre l'invasion des étrangers et contre la révolte de leurs propres sujets. Ainsi, dans une lettre à Vézelin, noble chevalier, saint Grégoire lui rappelle la fidélité qu'il a promise au Siége apostolique, et lui défend en conséquence de faire la guerre à Démétrius que le même Siège a constitué roi en Dalmatie. Une chose encore plus étonnante s'était vue en 1075. Le fils d'un autre Démétrius, roi des Russes, vint à Rome et demanda au pape saint Grégoire à tenir de sa main le royaume paternel.
La Hongrie avait été ainsi soumise au Saint-Siège par son premier roi et apôtre. Du temps de saint Grégoire VII, elle avait pour roi un autre saint, savoir saint Ladislas, qui fut un modèle de vertus chrétiennes, royales et militaires. Nous avons une lettre du saint Pape au saint roi, où il le félicite de sa piété, de son zèle et de son dévouement, et lui recommande quelques fidèles ou vassaux de saint Pierre, qui avaient été injustement exilés, et que ce bon roi avait secourus. La Bohême, de son côté, avait un souverain qui n'était pas méprisable c'était Wratislas II.
Crypte de la cathédrale Saint-Matthieu.
Salerne. Campanie. Italie.
Il aimait singulièrement le pape Alexandre Ier qui le payait de retour. Mais souvent le duc en profitait pour faire des demandes insolites, que le Pape lui accordait par affection, et non sans quelque sollicitude. Ainsi le prince le pria un jour de lui envoyer une mitre, dont il paraît qu'il voulait faire un insigne ducal de Bohême dans les grandes cérémonies. Une pareille demande embarrassait quelque peu le le Pape et les cardinaux jamais une mitre n'avait été accordée à une personne laïque. Alexandre, toutefois, tant il aimait ce prince, la lui envoya à Prague par son légat Jean, évêque de Tusculum. Saint Grégoire VII, étant monté sur la chaire de saint Pierre, confirma ces priviléges de son prédécesseur, et eut une affection semblable pour le duc de Bohême.
Le pape Grégoire VII a été calomnié pendant sa vie, il a été calomnié après sa mort mais le jour de la vérité commence à luire, et, chose étonnante, cette justice lui arrive de la part des protestants. L'un d'entre eux, Voigt, a écrit une Vie de Grégoire VII d'après les monuments originaux et authentiques. Il examine Grégoire VII et quant au but qu'il s'est proposé et quant aux moyens employés pour arriver à ce but. Sous l'un et l'autre rapport il le trouve, non-seulement exempt de blâme, mais digne d'éloges.
Son grand but, son but unique était de rendre l'Eglise de Dieu libre et indépendante des hommes, et de subordonner la politique à la justice et à la morale. Quant aux moyens, il ne pouvait en prendre d'autres que ceux qu'il a pris. Voici comme l'auteur protestant se résume :
" Grégoire était Pape, il agissait comme tel et sous ce rapport il est grand et admirable. Pour porter un juste jugement sur ses actes, il faut considérer son but et ses intentions, il faut examiner ce qui était nécessaire de son temps. Sans doute une généreuse indignation s'empare de l'Allemand quand iL voit son empereur humilié à Canossa, ou du Français quand il entend les leçons sévères données à son roi. Mais l'historien qui embrasse la vie des peuples sous un point de vue général s'élève au-dessus de l'horizon étroit da l'Allemand ou du Français, et trouve fort juste ce qui a été fait, quoique les autres le blâment. Il est difficile de donner à ce Pape des éloges exagérés, car il a jeté partout les fondements d'une gloire solide. Mais chacun doit vouloir qu'on rende justice à qui justice est due qu'on ne jette point la pierre à qui est innocent qu'on respecte et qu'on honore un homme qui a travaillé pour son siècle, selon des voies si grandes et si généreuses. Que celui qui se sent coupable de ravoir calomnié rentre dans sa propre conscience."
Voilà comme cet auteur protestant parle du pape saint Grégoire VII. Puissent tous les catholiques profiter de cette leçon.
REPONS
Les Répons que nous insérons ici font partie de l'Office du saint Pape ; ils retracent ses combats et ses triomphes :
R/. Grégoire, nommé d'abord Hildebrand, emprunta son nom du feu, non sans un éloquent présage de l'avenir : Car il devait repousser par les traits de la parole divine, les ennemis prêts à envahir la maison de Dieu.
V/. Son nom signifiait la flamme, et il en remplit le sens par son ardente charité. Car il devait repousser par les traits de la parole divine, les ennemis prêts à envahir la maison de Dieu.
R/. Dès sa jeunesse il vit que le monde était envieilli ans le péché ; ne trouvant pas où reposer son cœur, quitta le sol de sa patrie : Et ayant passé en France, il résolut d'embrasser le service de Dieu seul sous discipline de Cluny.
V/. Sous la conduite de la foi, il sortit de son pays, se mettant à la recherche de la cité dont Dieu est l'auteur et l'architecte. Et ayant passe en France, il résolut d'embrasser le service de Dieu seul sous la discipline de Cluny.
R/. Le saint Pontife Léon, dont Hildebrand avait enflammé le courage, l'appela à prendre part à ses sollicitudes : Et par leur concert à tous deux, le champ du Seigneur commença à refleurir.
V/. Hildebrand, homme de conseil très saint et très pur, se montra fort dans l'adversité et maître de lui-même dans la prospérité. Et par leur concert à tous deux, le champ du Seigneur commença à refleurir.
R/. Spirituel agriculteur, le Pontife Léon ayant admiré la fécondité d'un tel rejeton, accrut encore en lui la présence du Christ par l'imposition de l'ordre lévitique : Par le commandement du Seigneur Apostolique, Hildebrand brilla comme Archidiacre de l'Eglise romaine.
V/. Veillant jour et nuit au salut de l'Eglise, bien qu'il fût établi dans un degré inférieur, il servit successivement cinq Pontifes, et les aida d'une manière admirable. Par le commandement du Seigneur Apostolique, Hildebrand brilla comme Archidiacre de l'Eglise romaine.
R/. L'Eglise romaine fit enfin violence à Grégoire en l'obligeant à la gouverner. Lui qui eut mieux aimé finir sa vie sur une terre étrangère que de s'asseoir pour la gloire mondaine sur le siège de Pierre.
V/. Il ne porta pas la main sur un tel honneur ; mais il v fut appelé de Dieu comme l'avait été Aaron. Lui qui eût mieux aimé finir sa vie sur une terre étrangère que de s'asseoir pour la gloire mondaine sur le siège de Pierre.
R/. Le sanglier de la forêt s'est rué sur la vigne qu'avait plantée la main du Seigneur des armées ; cette bête féroce l'a ravagée tout entière : Ceins ton glaive sur ta cuisse, Ô gardien fidèle !
Vie de Mathilde de Canossa. Canossa. XIIe.
V/. S'il t'appartient de juger jusqu'aux Anges même, combien plus les puissances du siècle ? Ceins ton glaive sur ta cuisse, Ô gardien fidèle !
R/. Le roi, étant entré dans la forteresse, déposa les marques de sa dignité, restant à jeun du matin jusqu'au soir, vêtu de laine et nu-pieds : Il implorait le secours de la miséricorde apostolique.
V/. Lui qui avait dit dans son cœur : J'élèverai mon trône sur l'autel même de Dieu, je m'assiérai sur la montagne du testament. Il implorait le secours de la miséricorde apostolique.
R/. Grégoire dit au roi Henri : Voici le Corps du Seigneur ; que ce soit aujourd'hui l'épreuve de mon innocence : " Fais donc, Ô mon fils, ce que tu m'as vu faire ".
V/. Mais le roi n'osa étendre la main pour recevoir le Saint des saints. " Fais donc, ô mon fils, ce que tu m'as vu faire ".
R/. Un jour que le bienheureux Grégoire célébrait solennellement la Messe, une colombe blanche comme la neige parut tout à coup descendre près du saint autel, d'où s'élevant d'un vol léger : Elle se reposa, les ailes étendues, sur l'épaule droite du Pontife.
V/. La colombe demeura ainsi immobile, jusqu'à ce que le mélange du Mystère sacré eût lieu dans le calice. Elle se reposa, les ailes étendues, sur l'épaule droite du Pontife.
R/. Le bienheureux Grégoire étant arrivé à ses derniers moments, luttait avec la souffrance ; alors il dit aux assistants : Je ne fais aucun compte des labeurs que j'ai soufferts : Mon unique motif de confiance est d'avoir toujours aimé la justice et l'iniquité.
V/. Il éleva ensuite les yeux au ciel, et dit : " C'est là que je veux monter, et par mes instantes prières je vous recommanderai au Dieu de bonté." Mon unique motif de confiance est d'avoir toujours aimé la justice et haï l'iniquité.
R/. Le saint Pontife ayant témoigné du regret de mourir dans l'exil, un vénérable évêque lui dit : Vous ne pouvez mourir en exil, puisque, tenant la place du Christ et de ses Apôtres :
" Vous avez reçu les nations en héritage, et les confins de la terre comme la limite de vos possessions."
V/. Il dominera de la mer jusqu'à la mer, et du fleuve jusqu'aux confins de la terre. Vous avez reçu les nations en héritage, et les confins de la terre comme la limite de vos possessions.
Saint Grégoire VII recevant la pénitence d'Henri IV à Canossa.
HYMNE
Sont réunis ici dans une seule Ode trois Hymnes consacrées à célébrer les vertus et les services de saint Grégoire VII :
" C’est toi-même, Ô Grégoire, que nous célébrons dans nos chants de triomphe ; toi l'honneur de Rome, toi dont le grand cœur brava les tempêtes, après lesquelles tu touches aujourd'hui le rivage.
Qu'elle soit dans la joie, la race du père Benoît, qui a jusqu'ici enfanté tant de héros ; aucun n'a brillé encore d'une gloire semblable.
Un jour, dans son enfance, il assistait au travail d'un ouvrier : on le vit, de sa main conduite par le ciel, tracer en se jouant des caractères qui annonçaient qu'un jour il régirait un vaste empire.
Monte donc, Ô Père ! Comme un soleil nouveau, lève-toi, et viens éclairer le monde de tes rayons. Pontife, assieds-toi sur la chaire de Pierre, et sois-y l'arbitre de la terre.
Ils n'ont qu'à fuir maintenant dans leurs sombres cavernes, tous ceux qui exercent leurs hostilités contre l'Eglise, et ne cessent de lancer leurs traits sacrilèges sur le troupeau du Christ.
Voici le Pasteur vigilant et plein de l'Esprit d'en haut : le glaive de la parole est dans sa main ; et plus fort que Satan, il saura briser ses résistances et déjouer ses noirs complots.
C'est en vain que Henri, l'audacieux prince des Germains, sourd à ses avertissements paternels, suscite un incendie qui rappelle les premières fureurs des princes contre l'Eglise.
Tu le domptes, Ô Grégoire, malgré ses résistances ; et dédaignant les orgueilleuses prétentions d'une puissance caduque, tu lances sur elle la foudre, du haut des remparts sacrés.
Canossa. Manuscrit du XIIe.
Bientôt tu arraches le sceptre à ses indignes mains, et tu transmets le pouvoir à un plus digne, déliant ainsi les peuples de la foi jurée à celui qui n'est plus qu'un tyran.
Tel est notre grand Pontife. dirigé dans ses conseils par l’Esprit-Saint lui-même, dont il ne fait que remplir les ordres ; le peuple saisi d'un saint respect a vu la divine colombe apparaître et parler à son oreille.
Mathilde, la femme forte, vient au secours du Pontife ; elle apporte son aide efficace au souverain Père, et soutient par sa fidélité les droits menacés du plus auguste des sièges.
Grégoire a vu de toutes parts l'ivraie disputer la place au bon grain, et la moisson sur le point de passer tout entière en des mains profanes ; nouvel Elie, le zèle le transporte, et il sévit contre les sacrilèges.
Afin d'assurer aux peuples fidèles la liberté démarcher d'un pas rapide dans le chemin de la patrie céleste, il s'avance à leur tète, prêt à donner sa vie, comme il est du devoir du pasteur.
Tu as été, Ô Grégoire, le ferme rempart de la maison d'Israël, le vengeur des crimes, le soutien de Rome ; mais une mort tranquille t'était réservée après tant d'épreuves.
Presque martyr ici-bas, ton front est ceint de la couronne ; la fermeté, la constance et la fidélité ne t'abandonnèrent jamais : goûte maintenant l'allégresse du triomphe.
Daigne avoir souvenir du troupeau qui te fut si cher, sois son protecteur auprès de l'éternelle Trinité, à qui les siècles tour à tour envoient de toutes les parties de la terre l'hommage qui lui est dû.
Amen."
Saint grégoire bénissant. Manuscrit du XIIe.
PRIERE
" Nos joies pascales se sont accrues de votre triomphe, Ô Grégoire ; car nous reconnaissons en vous l'image de celui qui, par sa résurrection glorieuse annoncée à tout l'univers, a relevé le monde qui s'affaissait sur lui-même. Votre pontificat avait été préparé dans les desseins de la divine sagesse comme une ère de régénération pour la société succombant sous l'effort de la barbarie. Votre courage fondé sur la confiance dans la parole de Jésus ne recula devant aucun sacrifice. Votre vie sur le Siège Apostolique ne fut qu'un long combat ; et pour avoir aimé la justice et haï l'iniquité, il vous fallut mourir dans l'exil. Mais en vous s'accomplissait l'oracle du Prophète sur votre Maître divin : " Parce qu'il a donné sa vie à cause « du péché, il jouira d'une postérité nombreuse " (Isai. LIII, 10.). Une suite glorieuse de trente-six papes s'avança dans la voie que votre sacrifice avait ouverte ; par vous l'Eglise fut libre, et la force s'inclina devant le droit. Après cette période triomphante, la guerre a été déclarée de nouveau, et elle dure encore. Les princes se sont insurgés contre la puissance spirituelle ; ils ont secoué le joug du vicaire de Dieu, et ils ont décliné le contrôle de toute autorité ici-bas. A leur tour les peuples se sont levés contre un pouvoir qui ne se rattache plus au ciel par un lien visible et sacré, et cette double insurrection met aujourd'hui la société aux abois.
Ce monde est à Jésus-Christ, " le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs " (I Tim. VI, 15.) ; à lui, à l'Homme-Dieu, " toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre " (Matth. XXVIII, 18.). Quiconque s'insurge contre lui, roi ou peuple, sera brisé comme l'a été le peuple juif qui s'écriait dans son orgueil : " Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous " (Luc. XIX, 14.). Grégoire, priez pour ce monde que vous avez sauvé de la barbarie, et qui est au moment d'y retomber. Les hommes de ce temps ne parlent que de liberté ; c'est au nom de cette prétendue liberté qu'ils ont dissous la société chrétienne ; et le seul moyen qui leur reste de maintenir quelque ordre au sein de tant d'éléments ennemis, le seul moyen, c'est la force. Vous aviez triomphé de la force, vous aviez rétabli les droits de l'esprit ; par vous la liberté des enfants de Dieu, la liberté du bien, était reconnue, et elle régna durant plusieurs siècles. Généreux Pontife, venez en aide à cette Europe que votre main ferme préserva autrefois d'une ruine imminente. Fléchissez le Christ que les hommes blasphèment, après l'avoir expulsé de son domaine, comme s'il ne devait pas y rentrer triomphant au jour de ses justices. Implorez sa clémence pour tant de chrétiens séduits, et entraînés par d'absurdes sophismes, par d'aveugles préjugés, par une éducation perfide, par des mots sonores et mal définis, et qui appellent voie du progrès celle qui les éloigne toujours plus de l'unique but que Dieu s'est proposé en créant l'homme et l'humanité.
Saint Grégoire VII porté par le peuple de Rome pour succéder
au pape Alexandre II. Eau-forte italienne du XIXe.
De ce séjour tranquille où vous vous reposez après tant de combats, jetez, Ô Grégoire, un regard sur la sainte Eglise qui poursuit sa marche pénible à travers mille entraves. Tout est contre elle : les débris d'anciennes lois inspirées par la réaction de la force contre l'esprit, les entraînements de l'orgueil populaire qui poursuit avec acharnement tout ce qui lui semble contraire à l'égalité des droits, la recrudescence de l'impiété qui a compris qu'il faut marcher sur l'Eglise pour monter jusqu'à Dieu. Au milieu de cette tempête, le rocher qui porte le siège immortel sur lequel vous avez tenu, Ô Grégoire, la place de Pierre, est battu par les flots en furie. Priez pour le vicaire de Dieu. Comme vous, il a aimé la justice, il a détesté l'iniquité ; et nous craignons de le voir partir aussi pour l'exil. Détournez, Ô saint Pontife, le fléau qui pèse sur Rome. " Les sectateurs de Satan, ainsi que l'a annoncé Jean, Evangéliste et Prophète, sont montés de leurs antres ténébreux à la surface de la terre ; ils ont fait le siège du camp des saints et de la cité bien-aimée " (Apoc. XX, 8.). Veillez, Ô Grégoire, sur cette ville sainte qui fut votre épouse sur la terre. Déjouez des plans perfides, ranimez le zèle des enfants de l'Eglise, afin que, par leur courage et par leurs largesses, ils continuent de venir en aide à la plus sacrée des causes.
Priez, Ô Pontife, pour l'ordre épiscopal dont le Siège Apostolique est la source. Fortifiez les oints du Seigneur dans la lutte qu'ils ont à soutenir contre les tendances d'une société qui a expulsé le Christ de ses lois et de ses institutions. Qu'ils soient revêtus de la force d'en haut, fidèles dans la confession de l'antique doctrine, empressés à prémunir les fidèles exposés à tant de séductions dans ce fatal naufrage des vérités et des devoirs. Dans un temps comme le nôtre, la force de l'Eglise n'est plus que dans les âmes ; ses appuis extérieurs ont disparu presque partout. Le divin Esprit, dont la mission est de soutenir ici-bas l'œuvre du Fils de Dieu, l'assistera jusqu'au dernier jour ; mais il veut pour instruments des hommes dégagés des préoccupations de la vie présente, résignés, s'il le faut, à l'impopularité, résolus à braver tout pour proclamer l'immuable enseignement de la Chaire suprême. Par la miséricorde divine, ils sont nombreux aujourd'hui dans la sainte Eglise, Ô Grégoire, les pasteurs conformes à l'intention de celui que saint Pierre appelle " le Prince des pasteurs " (I Petr. V, 4.). Priez, afin que tous, à votre exemple, aiment la justice et haïssent l'iniquité, aiment la vérité et haïssent l'erreur ; qu'ils ne craignent ni l'exil, ni la persécution, ni la mort ; car " le disciple n'est pas au-dessus du maître " (Matth. X, 24.)."
La pénitence de Canossa. Fresque. Italie. XVIIe.
00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 09 mai 2024
9 mai. Saint Grégoire de Naziance, archevêque de Constantinople, docteur de l'Eglise. 389.
- Saint Grégoire de Naziance, archevêque de Constantinople, docteur de l'Eglise. 389.
Papes : Saint Melchiade ; saint Sirice. Empereurs : Constantin ; Théodose.
" Il aima les livres, il aima les savants, mais les livres et les savants qui parlaient de Dieu."
Rorhbacher.
Saint Grégoire de Naziance. Disputatio cum Paulo patriarcha latino.
Grégoire se dit de grex, assemblée, et gore, qui veut dire prêcher ou dire. De là Grégoire prêcheur en l’assemblée. Ou bien Grégoire vient de egregius, choisi, et gore, prêcheur ou docteur. Grégoire signifie encore attentif ; car il fut attentif sur soi, sur Dieu et sur le peuple : sur soi, par la conservation de la pureté ; sur Dieu, par une contemplation intérieure ; sur le peuple, par une prédication assidue. Et ces trois qualités méritent d'obtenir la vision de Dieu. Saint Augustin dit au livre De l’Ordre : " Celui-là voit Dieu qui vit bien, qui étudie bien et qui prie bien ".
Notre grand Saint naquit à Naziance, une petite ville de Cappadoce voisine de Césarée. Grégoire son père et Nonne sa mère sont honorés aussi d'un culte public les 1er janvier et 5 août.
Son père, dans son enfance, avait été de la secte des Hipsistaires, ainsi nommés parce qu'ils adoraient le Dieu très-haut, le feu comme les Perses et pratiquait l'observance du sabbat et le partage des viandes comme les Juifs. Il était le premier magistrat de Naziance et Nonne son épouse employait ses larmes et ses prières pour le gagner à Notre Seigneur. Elle fut bientôt exaucée car son mari abjura et fut baptisé au temps du premier concile de Nicée. Cet homme vertueux prit toutes les dispositions pour conserver la grâce, et son mérite le fit bientôt élevé sur le siège épiscopal de Naziance qu'il gouverna avec sûreté et édification pendant 45 ans environ. Il mourut âgé de 90 ans.
Conversion du père de saint Grégoire. Manuscrit grec du IXe siècle.
La mère de saint Grégoire dut la naissance de ce fils à ses prières, à ses larmes et à ses abondantes aumônes qui lui attirèrent les bénédictions du ciel. Grégoire avait un frère, saint Césaire, et une soeur, sainte Gorgonie. Elle se chargea elle-même de leur première éducation et leur apprit à lire, à comprendre et à aimer les Saintes Écritures. Les enfants devinrent digne de leur sainte mère, et Grégoire en particulier demeura pur au milieu des séductions du siècle.
Saint Grégoire de Naziance et sainte Gorgonie sa soeur.
" Un jour, raconte-t-il lui-même, j'aperçus près de moi deux vierges d'une majesté surhumaine. On aurait dit deux soeurs. La simplicité et la modestie de leurs vêtements, plus blancs que la neige, faisaient toute leur parure. A leur vue, je tressaillis d'un transport céleste : " Nous sommes la Tempérance et la Chasteté, me dirent-elles ; nous siégeons auprès du Christ-Roi. Donne-toi tout à nous, cher fils, accepte notre joug, nous t'introduirons un jour dans les splendeurs de l'immortelle Trinité."
La voie de Grégoire était tracée : il la suivit sans faiblir toute sa vie.
Saint Grégoire de Naziance en mer vers Alexandrie et autres
Il s'embarqua pour Athènes, afin de compléter ses études, pendant que Césaire allait lui à Alexandrie - où Grégoire le rejoignit quelques temps plus tard. Dieu mit sur le chemin de Grégoire, dans la ville des arts antiques, une âme grande comme la sienne, saint Basile. Qui dira la beauté et la force de cette amitié, dont le but unique était la vertu !
" Nous ne connaissions que deux chemins, raconte Grégoire, celui de l'église et celui des écoles."
La vertu s'accorde bien avec la science ; partout où l'on voulait parler de deux jeunes gens accomplis, on nommait Basile et Grégoire.
Mort de saint Basile. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe siècle.
Revenus dans leur patrie, ils se conservèrent toujours cette affection pure et dévouée qui avait sauvegardé leur jeunesse, et qui désormais fortifiera leur âge mûr et consolera leur vieillesse. Rien de plus suave, de plus édifiant que la correspondance de ces deux grands hommes, frères d'abord dans l'étude, puis dans la solitude de la vie monastique et enfin dans les luttes de l'épiscopat.
Saint Grégoire de Nysse, saint Basile le Grand et
A la mort de son père, qui était devenu évêque de Nazianze, Grégoire lui succède ; mais, au bout de deux ans, son amour de la solitude l'emporte, et il va se réfugier dans un monastère. Bientôt on le réclame pour le siège patriarcal de Constantinople. Il résiste :
" Jusqu'à quand, lui dit-on, préférerez-vous votre repos au bien de l'Église ?"
Saint Grégoire de Naziance prêchant le sermon sur la grêle.
Grégoire est ému ; il craint de résister à la Volonté divine et se dirige vers la capitale de l'empire, dont il devient le patriarche légitime. Là, sa mansuétude triomphe des plus endurcis, il fait l'admiration de ses ennemis, et il mérite, avec le nom de Père de son peuple, le nom glorieux de Théologien, que l'Église a consacré. Avant de mourir, saint Grégoire se retira à Nazianze, où sa vie s'acheva dans la pratique de l'oraison, du jeûne et du travail.
- On trouvera une partie significative de ses oeuvres reproduite sur le site : http://www.jesusmarie.com/gregoire_de_nazianze.html
00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 23 avril 2024
23 avril. Saint Georges, officier, martyr. 303.
" Voilà un grand nom et un nom immortel."
Saint Georges. Carlo Crivelli. XVe.
Georges est ainsi appelé de Geos, qui veut dire terre, et orge, qui signifie cultiver, cultivant la terre, c'est-à-dire sa chair. Saint Augustin au livre de la Trinité avance que la bonne terre est placée sur les hauteurs des montagnes, dans les collines tempérées et dans les plaines des champs. La première convient aux herbes verdoyantes, la seconde aux vignes, la troisième aux blés. De même saint Georges s'éleva en méprisant les choses basses ; ce qui lui donna la verdeur de la pureté : il fut tempéré en discernement, aussi eut-il le vin de l’allégresse intérieure. Il fut plein d'humilité ce qui lui fit produire des fruits de bonnes oeuvres.
Anonyme flamand du XVe.
Mort vers 303. Nombre de légendes se sont rassemblées autour du nom de saint Georges, et il y a différents récits concernant son origine. Il y a une évidence, c'est que Georges fut, en effet, un martyr, qui souffrit à Diospolis (Lydda, Ludd), en Palestine, avant l'époque de Constantin, probablement sous Dioclétien.
Bernat Martorell. XVe.
Il naquit de parents Chrétiens en Cappadoce, où son père fut martyrisé après avoir servit dans de hautes fonctions militaires et judiciaires. Par la suite il se réfugia en Palestine, où il devint soldat Romain et fit preuve de courage. On dit qu'il aurait été élevé au grade de tribun militaire des gardes impériaux. A la mort de sa mère, il hérita une fortune et s'attacha à la cour de l'empereur Dioclétien dans l'espoir d'obtenir de l'avancement.
Un jour que l'empereur était présent, des prêtres païens étaient occupés à consulter les entrailles d'animaux pour prédire l'avenir. Les Chrétiens se trouvant parmi les gardes firent le Signe de Croix sur leur front. L'empereur fut terriblement fâché et ordonna de les flageller puis de les congédier. Il publia alors un édit ordonnant au clergé Chrétien de sacrifier aux divinités païennes.
Heures à l'usage de Paris. XVe.
Lorsqu'éclata la persécution, Georges se déclara Chrétien et distribua son argent aux pauvres. Lorsque le décret précédant la persécution fut publié contre les églises à Nicomédie, " un homme " nous dit saint Eusèbe de Césarée dans son Histoire Ecclésiastique, " d'origine non sans importance, mais hautement estimé pour ses dignités temporelles, stimulé par un zèle divin, et excité par une Foi ardente, le prit [cet édit] car il était placé en public et affiché pour être lu du public, et le déchira en morceaux comme si c'était l'acte le plus profane et le plus maudit ".
Cet homme qui montra un tel courage, on pense qu'il s'agissait de saint Georges, et une telle action courageuse et défiante correspond bien avec ce que nous connaissons de son caractère.
Suite à cela, il fut soumis à des tortures sans nom, 7 ans durant. Il fut attaché à une roue équipée de lames et d'épées, jeté dans un trou de chaux vive, on le fit courir avec des souliers en métal chauffé à blanc, flageller avec des fouets de cuir, battre avec des marteaux, et jeter dans un précipice ; ses entrailles furent brisées et exposées à la flamme, et il souffrit encore bien d'autres tourments.
Un des éléments les plus familiers concernant sa vie est son combat avec le dragon. On rapporte que Georges chevauchait dans la province de Lydie et parvint à une ville appelée Sylène. Près de la ville se trouvait un marécage dans lequel vivait un dragon. Les gens tentèrent de le tuer mais furent empoisonnés par l'haleine fétide de la créature.
Pour apaiser le dragon, ils lui offrirent 2 moutons chaque jour, mais quand leurs moutons vinrent à manquer, ils furent obliger d'y substituer un humain chaque jour, tirant au sort pour savoir qui serait sacrifié. A l'époque de l'arrivée de saint Georges, le sort venait juste de s'abattre sur la fille du roi. Personne ne voulant être volontaire pour prendre sa place, alors elle fut habillée avec les vêtements de fiancée et envoyée à la rencontre du dragon.
Arrivant à cheval sur les lieux, Georges attaqua le dragon et le perça de sa lance. Puis il lui attacha la ceinture de la princesse autour du cou, et la fille amena le dragon dans la ville. Le peuple fut effrayé et commença à s'enfuir, mais Georges leur dit de ne pas avoir peur ; que si toute la ville se mettait à croire en Jésus-Christ et être baptisé, il tuerait le dragon.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.
Le roi et le peuple acceptèrent et plus de 15.000 furent baptisés. Georges tua le dragon et ce dernier fut transporté en morceaux sur 4 chars à boeufs. Il n'accepta aucune récompense pour ce service, mais demanda que le roi bâtisse des églises, honore les prêtres et fasse preuve de compassion pour les pauvres.
Le récit ci-dessus est bien plus tardif que Georges lui-même. Cependant, les paroles qu'on lui attribue sont caractéristiques de sa Foi et de son courage, et pourraient bien avoir été sur ses lèvres pendant qu'il faisait face à ses tortures, comme par ici :
" Christ, mon Capitaine, mon Seigneur, je n'ai pas de force si ce n'est celle que Tu me donnes. Aide-moi ce jour, et la gloire sera à Toi à jamais."
Il prêcha l'Evangile et baptisa nombre de gens dans la Foi Chrétienne. Les Grecs l'appellent " le Grand Martyr ". Son nom et son influence se sont aussi largement répandus en Occident sous l'influence des Croisés ; cependant, la dévotion date d'avant les Croisades. Depuis le Ve siècle, nombre d'églises ont été fondées en Occident sous son patronage. Cependant, c'est en Angleterre que sa renommée devint la plus populaire.
Il n'est pas certain du pourquoi il est devenu le saint patron de l'Angleterre, bien que son culte se soit répandu dans les Iles Britanniques avant la conquête Normande (1066).
Pierre-Paul Rubens. XVIIe.
Dans les Eglises Occidentales, les légendes qui avaient grandi autour de son nom ne furent pas facilement acceptées, et le pape Gélase, au Ve siècle, place saint Georges parmi ces saints, " dont les noms sont à juste titre vénérés parmi les hommes, mais dont les actions ne sont connues que de Dieu ". Cependant, au Moyen-Age, l'histoire de saint Georges et du dragon devint une lecture populaire, et fut reprise dans la Légende Dorée du bienheureux Jacques de Voragine.
Ce sont les Croisades qui rendirent saint Georges vraiment populaire en Occident, bien qu'il soit présent dans les antiques calendriers Irlandais et Anglo-Saxons. A Canterbury, il y a une ancienne église dédiée à saint Georges, et il est tentant de penser que la dédicace serait l'oeuvre de saint Théodore le Grec, qui vint à Canterbury comme archevêque en 609, venant d'Asie Mineure, patrie de saint Georges. Cependant, lorsque les armées Chrétiennes d'Europe Occidentale arrivèrent en Terre Sainte, elles se retrouvèrent, pour la première fois, dans cette partie du monde où saint Georges était considéré comme un saint majeur.
Dans l'art, Georges est représenté en jeune avec une armure, souvant à cheval, tuant ou ayant tué un dragon. Son bouclier et le fanion de sa lance sont une croix rouge sur un fond blanc. En général, il y a une princesse près de lui. Dans certains portraits, on voit :
1. la princesse guide le dragon ;
2. Sainte Margaret est la princesse ;
3. Saint Georges est en armure se tenant sur le dragon (à ne pas confondre avec l'Archange Michel, qui est toujours ailé) ;
4. Saint Georges est dans la tenue de l'Ordre de la Jarretière ;
5. avec Saint Dimitri sur les icônes ;
6. Saint Georges étant martyrisé dans un taureau en bronze, écartelé par des chevaux, décapité avec une épée (Roeder).
Saint Georges. Donatello. Bargello. Florence. XVe.
HYMNE
" Saint Georges sur un grand cheval
Sauva la vierge du dragon,
Arme sainte et invincible,
La vierge épargnée, à son père il ramena,
Et avec la couronne de gloire, Dieu le repaya.
Image pieuse éthiopienne du début du XXe.
Toute sa richesse, il la distribua aux pauvres,
Pour l'amour du Nom du Christ, le Victorieux,
Avec son corps écrasé pour le Salut des âmes,
Avec la couronne de gloire, Dieu le repaya.
Même maintenant marche avec la croix sur sa lance,
Quiconque l'invoque avec foi et larmes,
Georges, le Saint, vole à son aide.
Avec la couronne de gloire, Dieu le repaya."
Honorons le sublime athlète du Christ, en répétant à sa gloire quelques-unes des strophes que l'Eglise grecque lui consacre dans ses Menées :
" Fidèle ami du Christ, prince de ses athlètes. splendide flambeau de la terre, astre brillant entre tous, protecteur vigilant de ceux qui t'honorent, Ô George, Ô Martyr, aie-nous sous ta garde.
Nous célébrons aujourd'hui les combats dans lesquels tu as détruit les vaines idoles, et réduit à néant l'erreur propagée par les démons, Ô George, glorieux Martyr du Christ !
Tu es entré dans les rangs de l'armée céleste, bienheureux George ! Tu contemples maintenant la divine essence, autant qu'il est possible à la créature : daigne nous protéger, nous tous qui te vénérons avec foi.
George, le grand guerrier, a aimé avec ardeur le Christ-roi qui a donné sa vie pour le salut du monde : il s'est empressé de mourir pour lui ; enflammé d'un zèle divin, il s'est livré lui-même. Célébrons-le donc avec foi dans nos cantiques comme notre ardent défenseur, comme le glorieux serviteur du Christ, le fidèle imitateur de son Maître, le constant intercesseur auprès de Dieu, afin qu'il obtienne à tous la rémission et le pardon des péchés.
L'armée des Anges elle-même admire tes exploits, Ô prince de la milice, le Roi des Anges, satisfait de ton courage, a désiré embellir son palais de ta présence, Ô Martyr ! Et il est allé jusqu'à t'associer pour jamais à son royaume.
Imitateur de ton Seigneur, tu t'es élance spontanément dans les combats, Ô Martyr ! A ton retour victorieux, tu as mérité d'être proclamé le champion de l'Eglise du Christ ; garde-la et défends-la toujours par ta protection.
Rituale. Ethiopie. XIVe.
Le front ceint d'une brillante couronne, honoré du diadème royal et du sceptre, couvert de la pourpre éclatante de ton sang, heureux Martyr, tu règnes maintenant dans les cieux avec le Roi des armées angéliques.
Accourez tous, Ô fidèles, pour célébrer par vos cantiques la splendide et glorieuse résurrection du Seigneur; fêtons en même temps la mémoire solennelle de George le Martyr ; couronnons-le des fleurs du printemps comme un athlète insurmontable, et méritons d'être, par ses prières, affranchis de nos tribulations et de nos péchés.
Le printemps est venu, livrons-nous aux transports de la joie ; la résurrection du Christ a lui sur nous, tressaillons d'allégresse ; la fête du martyr George couronné pour sa bravoure apparaît aujourd'hui pour réjouir les fidèles ; nous tous qui aimons cette solennité, célébrons-la par des chants mystiques.
Comme un vaillant soldat, George a déployé contre les tyrans un mâle courage, et ils ont été couverts de confusion. Imitateur des souffrances de Jésus-Christ notre Sauveur, il n'a pas eu pitié du vase d'argile de son corps, et le livrant aux tortures, comme s'il était d'airain, il l'a transformé. Chantons donc à sa gloire : Ô Martyr entré en possession de la récompense, supplie le Seigneur de sauver nos âmes."
Martyre de saint Georges. Psautier cistercien. XIIIe.
" Ô George ! Vous êtes l'honneur de la milice chrétienne. Le service du prince temporel ne vous a pas fait oublier ce que vous deviez au Roi du ciel. Votre sang généreux a coulé pour la foi du Christ, et en retour le Christ vous a établi chef et conducteur des armées chrétiennes. Soyez leur appui devant les bataillons ennemis, et assurez la victoire aux défenseurs de la cause juste. Protégez-les sous les plis de votre étendard, couvrez-les de votre bouclier, et répandez la terreur devant eux.
Le Seigneur est le Dieu des armées, et la guerre entre souvent dans les plans de sa Providence, tantôt dans un but de justice, tantôt dans des vues de miséricorde. Chefs et soldats ont besoin de l'appui céleste. En faisant la guerre, ils semblent souvent faire l'œuvre de l'homme, tandis qu'ils font en réalité l'œuvre de Dieu. C'est pour cette raison qu'ils sont plus accessibles que les autres hommes aux sentiments généreux, que leur cœur est plus religieux. Le sacrifice, le péril, les élèvent au-dessus d'eux-mêmes : aussi les soldats occupent-ils une large place dans les fastes des Martyrs. Veillez en particulier sur la milice française, Ô George ! Rendez-la aussi chrétienne qu'elle est valeureuse ; nous savons que ce n'est pas en vain que les hommes de guerre ont espéré en vous.
Mais, Ô puissant guerrier, la milice temporelle n'est pas la seule qui s'exerce ici-bas : il en est une autre dans laquelle sont enrôlés tous les fidèles du Christ! Le grand Paul, parlant de nous tous, a dit : " qu'il n'y aura de couronnés que ceux qui auront légitimement combattu " (II Tim. II, 5.). Nous avons donc à compter sur la lutte en ce monde, si nous écoutons les exhortations que nous adresse le même Apôtre : " Couvrez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable. Ayez pour ceinture la vérité, pour cuirasse la justice, pour chaussure la résolution de marcher dans la voie de l'Evangile, pour bouclier la foi, pour casque l'espérance du salut, pour glaive enfin la parole de Dieu " (Eph VI, 13-17.).
Statuts de la confrérie de Saint-Georges d'Avignon. XIVe.
La chrétienté tout entière a besoin, Ô George ! Que vous vous souveniez des hommages qu'elle vous prodiguait autrefois L'antique piété envers vous s'est, hélas refroidie, et pour beaucoup de chrétiens votre fête passe inaperçue. Ne vous irritez pas, Ô saint Martyr ; imitez votre Maître qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants ; ayez pitié de ce monde au sein duquel l'erreur a été semée, et qui s'agite en ce moment dans des convulsions si terribles. Considérez avec compassion votre Angleterre que le dragon infernal a séduite, et qu'il fait servir à ses noirs desseins contre le Seigneur et contre son Christ.
Armé de la lance avec laquelle vous l'avez autrefois terrassé, courez sur le monstre et affranchissez enfin l'Île des Saints de son joug ignominieux. Au ciel, les ancêtres vous le demandent, Ô puissant guerrier ! Sur la terre, leurs derniers et rares neveux vous en supplient. C'est au nom de Jésus ressuscité que nous vous conjurons tous d'aider a la résurrection d'un peuple qui fut le vôtre."
00:15 Publié dans G | Lien permanent | Commentaires (1)