mardi, 03 juin 2025
3 juin. Sainte Clotilde, reine de France. 545.
- Sainte Clotilde, reine de France. 545.
Pape : Vigile. Roi de Paris : Childebert Ier. Roi des Francs : Clotaire Ier.
" Après qu'elle eût invoqué Dieu qui gouverne et sauve tout, Dieur changea l'esprit du roi."
Esther, XV, 5.

Gravure. Blin et Allabre, graveurs. Garnier-Allabre, imprimeur. XIXe.
En cette saison où l'Office du Temps nous amène à considérer les premiers développements de la sainte Eglise, il entrait dans les vues de l'éternelle Sagesse que les fêtes des Saints complétassent, comme toujours, les enseignements du Cycle mobile. Le Paraclet, dont l'avènement est si près de nous, doit remplir la terre (Sap. I, 7.) ; l'Homme-Dieu l'envoie conquérir l'espace et assurer les temps à son Eglise. Or, c'est en soumettant les royaumes par la foi, qu'il doit former au Christ son empire ; c'est en faisant que l'Eglise s'assimile les nations, qu'il donne à l'Epouse croissance et durée. Voici donc qu'au temps même où il vient de nouveau s'emparer du monde, les coopérateurs de l'Esprit dans son oeuvre de conquête apparaissent de toutes parts au ciel de la sainte Liturgie.
Mais l'Occident surtout concourt à former la constellation qui vient mêler ses clartés radieuses aux feux puissants de la Pentecôte. Et, en effet, l'établissement de la chrétienté latine ne manifestera-t-il pas plus que nulle part ailleurs, dans ces lointaines contrées, la toute-puissance de l'Esprit du Christ ? Aussi voyez comme, partis d'Orient, les deux astres incomparables des princes des Apôtres se hâtent, sur notre horizon, vers le zénith glorieux qu'ils atteindront en ce mois même ; hier Jean, le disciple bien-aimé, projetait sur la Gaule ses derniers, ses plus durables rayons; quelques jours plus tôt, c'était le pape Eleuthère et le moine Augustin joignant leur action à travers les siècles, pour porter la lumière du salut dans l'extrême Occident, chez les Bretons et les Angles ; après-demain, Boniface illuminera la Germanie.
Mais aujourd'hui, quelle autre étoile se lève en nos régions ? Son doux éclat rivalise en vertu avec la lumière des plus puissants flambeaux du Christ. La ville de Lyon, préparée par le sang des martyrs à cette seconde gloire, vit grandir dans son sein l'astre nouveau ; comme d'eux-mêmes, après trois siècles, ses rayons se mêlent à ceux de Blandine. Comme Blandine en effet, Clotilde est mère ; et la maternité de l'esclave , engendrant pour le ciel dans sa virginité les martyrs gaulois, préparait la naissance des Francs au Christ-Dieu du sein de leur première reine. Clotilde n'eut point comme Blandine à verser son sang ; mais d'autres tortures l'atteignirent cruellement toute jeune encore, et mûrirent son âme pour les grandes destinées que Dieu réserve aux privilégiés de la souffrance.
La mort violente de son père Chilpéric détrôné par un usurpateur fratricide . la vue de ses frères massacrés, de sa mère noyée dans le Rhône, sa longue captivité à la cour arienne du meurtrier qui amenait avec lui l'hérésie sur le trône des Burgondes, développèrent en elle le même héroïsme de foi qui soutenait Blandine dans l'enfantement douloureux de l'amphithéâtre, et devait faire également de la nièce de Gondebaud la mère de tout un peuple. Unissons donc leurs noms dans un même hommage ; et, prosternés aux pieds du Père souverain de qui découle toute paternité sur la terre et au ciel (Eph. III, 15.), adorons ses voies remplies pour nous de tendresse et d'amour.
Dieu, qui n'a tiré du néant l'univers visible que pour manifester sa bonté, a voulu que l'homme, sortant de ses mains sans pouvoir encore contempler directement son auteur, rencontrât comme première traduction de l'amour infini la tendresse d'une mère : traduction sublime, irrésistible dans sa douceur, et dont l'exquise pureté donne à la mère cette facilité qui n'appartient qu'à elle seule d'achever par l'éducation, dans l'âme de son enfant, la reproduction complète de l'idéal divin qui doit s'imprimer en lui.

Clotilde apportant des subsides à un ermite.
Mais la fête d'aujourd'hui nous révèle combien plus sublime encore, plus puissante et plus étendue que dans l'ordre de la nature, est la maternité dans l'ordre supérieur de la grâce. Lorsque Dieu en effet, venant parmi nous, voulut prendre chair au sein d'une fille d'Adam, la maternité s'éleva jusqu'à la limite extrême qui sépare les dons d'une simple créature des attributs divins. En même temps qu'elle s'élevait par delà les deux, elle embrassait le monde , rapprochant tous les hommes, sans distinction de familles ou de nations, dans la filiation de la Vierge-Mère. Car l'Adam nouveau, modèle parfait de la race humaine et notre premier-né (Rom. VIII, 29. ; Heb. II, 11-12.), nous voulait pour frères en toute plénitude, frères en Marie comme en Dieu (Matth. I, 25 ; Heb. I, 6.).
La Mère de Dieu fut donc proclamée celle des hommes au Calvaire ; du haut de sa croix, l'Homme-Dieu replaçait sur la tète de Marie la couronne d'Eve, brisée près de l'arbre fatal. Constituée l'unique mère des vivants par cette auguste investiture (Gen. III, 20.), Notre-Dame entrait une fois de plus en communication des privilèges du Père qui est aux deux. Non seulement elle était, par nature comme lui, mère de son Fils éternel ; mais de même que toute paternité découle ici-bas de ce Père souverain, et lui emprunte sa dignité suréminente : toute maternité ne fut plus dès lors, dans un sens très vrai, qu'un écoulement de celle de Marie, une délégation de son amour, et la communication de son auguste privilège d'enfanter à Dieu les hommes qui doivent être ses fils.
Les mères chrétiennes ont bien le droit de s'en glorifier, car c'est là leur grandeur ; leur dignité s'est accrue par Marie jusqu'à un point que n'aurait pu soupçonner la nature. Mais en même temps, sous l'égide de Marie, comme hier en notre Blandine, non moins réelle pour Dieu que la leur apparaîtra maintes fois, désormais, la maternité des vierges ; comme Clotilde aujourd'hui, souvent aussi l'épouse, préparée par l'appel de Dieu et la souffrance, se verra douée d'une fécondité plus grande mille fois que celle qui lui venait de la terre. Heureux les hommes issus, par la faveur de Marie, de cette fécondité surnaturelle qui réunit toutes les grandeurs ! Heureux les peuples auxquels une mère fut donnée par la divine munificence !
L'histoire nous apprend que les fondateurs des empires ont toujours eu la prérogative redoutable d'imprimer aux nations le caractère, néfaste ou bienfaisant, qui marque leur existence à travers les siècles. Combien parfois on sent, dans l'impulsion qui leur fut donnée pour détruire plutôt que pour édifier, le manque d'un contrepoids à la prépondérance du pouvoir ! C'est que les peuples anciens n'avaient point de mères ; on ne peut donner ce titre aux héroïnes qui n'ont transmis leurs noms à la postérité, que pour avoir rivalisé d'ambition et de faste avec les conquérants. Il était réservé aux temps chrétiens de voir s'introduire dans la vie des nations cet élément de la maternité, plus salutaire, plus efficace en son humble douceur, que celui qui résulte des qualités ou des vices, de la puissance ou du génie de leurs premiers princes.

Sainte Clotilde en prière au pied du tombeau de saint Martin.
Dans le christianisme même, la sainteté que demande chez la créature qui en est investie cette maternité sublime, en fait l'apanage exclusif de l’Eglise catholique, seule sainte, et des nations qui sont dans l'Eglise ; les empires issus du schisme ou de l'hérésie n'ont point à y prétendre. Rejetés par ce côté au rang des nations païennes, ils pourront exceller comme elles dans la richesse ou la force, être appelés même d'en haut au sinistre honneur d'être les fléaux de Dieu contre des enfants indociles ; mais il restera toujours dans leur formation sociale, dans leur vie entière, un vide immense : sortis de la terre directement, fils de leurs œuvres, comme on dit aujourd'hui, ils n'ont point bénéficié des prières et des larmes d'une mère ; son sourire n'a point éclairé leurs premiers pas, adouci leur enfance. En conséquence, selon le mot du poète latin, ils ne seront point admis à la table divine, ni aux intimités d'une alliance véritable avec le ciel (Virg. Egl. IV. : "... Cui non risere parentes, nec deus hunc mensa, dea nec dignata cubili est ") ; et jamais la vraie civilisation n'avancera par leurs mains.
Les peuples fidèles, au contraire, sont pour l'Eglise, qui est le royaume de Dieu, comme les familles dont le rapprochement sous une même unité sociale forme la nation ; leur vocation, d'ordre avant tout surnaturel, appelle en eux une plénitude de vie au développement de laquelle s'emploient, dans l'éternelle Trinité, la Toute-Puissance, la Sagesse et l'Amour. Aussi, bien que la nature ait l'honneur de fournir ici les ternies du langage et les points de comparaison, ses procèdes et sa puissance sont tellement surpassés à ces hauteurs divines, qu'elle n'y apparaît plus que comme une faible image, presque fautive à force d'être incomplète. Mais parmi les nations baptisées dans la foi au Christ et la soumission à son vicaire, c'est à la France surtout qu'il appartient de s'écrier avec le Psalmiste :
" Ô Seigneur qui avez prévu mes voies et longtemps à l'avance fixé mes destinées, votre science, dans le travail de ma formation, a été merveilleuse ! Mes reins vous appartiennent ; avec ses aspirations et ses pensées, tout mon être est à vous ; car vous m'avez reçu dans vos bras comme votre oeuvre, lorsque je sortais du sein même de ma mère. Aucun de mes os qui vous soit caché, à vous qui l'avez façonné dans le secret des entrailles maternelles et qui connaissez l'imperfection de mes premières origines." (Psalm. CXXXVIII.).
Il fallut du temps pour dompter les instincts farouches des guerriers de Clovis, et préparer leur épée à la noble mission dont elle était appelée à devenir, dans la main de Charlemagne et de saint Louis, l'instrument glorieux. On a dit avec raison que ce travail fut l'honneur des évêques et des moines. Mais, pour être complet et faire preuve d'une science plus approfondie des voies de la Providence, il eût convenu d'oublier moins la part que devait avoir la femme, et qu'elle eut en effet, dans l'oeuvre de la conversion et de l'éducation qui firent du peuple franc le premier-né de l'Eglise.
C'est Clotilde qui conduit les Francs au baptistère de Reims, et présente à Rémi le fier Sicambre transformé beaucoup moins par les exhortations du saint évêque, que par la vertu des prières de la femme forte élue de Dieu pour enlever cette riche dépouille à l'enfer. Quelle virile énergie, quel dévouement à Dieu nous révèlent les démarches de cette noble fille du roi détrôné des Burgondes, qui, sous l'oeil soupçonneux de l'usurpateur meurtrier de sa famille, attend l'heure du ciel dans l'exercice de la charité et le silence de l'oraison : jusqu'à ce que, le moment venu enfin, ne prenant conseil que de l'Esprit-Saint et d'elle-même, elle s'élance pour conquérir au Christ cet époux, qu'elle ne connaît pas encore, avec une vaillance qui dépasse celle des guerriers formant son escorte !
La force et la beauté (Prov. XXXI.) sont véritablement sa parure au jour des noces ; le coeur de Clovis a bientôt compris que les conquêtes réservées à cette épouse, l'emporteront sur le butin ravi jusque-là par ses armes. Clotilde, au reste, a trouvé sur les rives de la Seine son oeuvre préparée ; depuis cinquante ans, Geneviève est debout, défendant Paris contre l'invasion des hordes païennes, et n'attendant que le baptême du roi des Francs pour lui ouvrir ses portes.
Toutefois, lorsque dans cette même nuit de Noël qui vit Notre-Dame donner au monde l'Enfant divin, Clotilde a enfanté pour Marie à l'Eglise son peuple premier-né, l'oeuvre est loin d'être achevée ; il s'agit de faire maintenant de ce peuple nouveau, dans les labeurs d'une lente éducation, la nation très chrétienne. L'élue de Dieu et de Notre-Dame ne défaille point à sa tâche maternelle. Que de larmes pourtant il lui faudra verser encore ! Que d'angoisses sur des fils dont la violence de race semble indomptable, livrés par l'exubérance même de leur riche nature à la fougue des passions qui les pousse en aveugles aux crimes les plus atroces !
Les petits-fils qui grandissaient près d'elle, massacrés dans un infâme guet-apens par des oncles perfides ; des guerres fratricides, promenant la dévastation sur tout ce territoire de la vieille Gaule qu'elle avait purgé du paganisme et de l'hérésie ; et, comme pour compenser l'amertume des discordes intestines par une autre douleur du moins plus glorieuse, sa fille chérie, Clotilde la jeune, mourant d'épuisement à la suite des sévices endurés pour sa foi de la part d'un époux arien : tout montre assez à la reine des Francs que si le ciel l'a choisie pour être leur mère, il entend lui en laisser la peine aussi bien que l'honneur. Ainsi le Christ traite les siens, quand ils ont sa confiance. Clotilde l'a compris : depuis longtemps déjà, veuve de son époux, privée de l'assistance di Geneviève qui a suivi de près Clovis au tombeau, elle s'est retirée près du sépulcre de son glorieux précurseur, le thaumaturge des Gaules, pour y continuer avec l'aide de Martin, dans le secret de la prière et l'héroïsme de la foi qui soutint son enfance, la préparation du nouveau peuple à ses grandes destinées.

Sainte Clotilde au baptême de Clovis. Legenda aurea.
Travail immense, auquel une seule vie ne pourrait suffire ! Mais la vie de Clotilde, qui ne doit point voir s'achever la transformation tant désirée, ne se clora pas qu'elle n'ait, à Tours, serré dans ses bras Radegonde, son illustre belle-fille ; investie de sa sublime maternité dans une étreinte suprême, elle l'envoie poursuivre près de la tombe d'Hilaire, cet autre vrai père de la patrie, l'intercession toute-puissante qui fera la nation. Puis, lorsque Radegonde elle-même, sa tâche de souffrance et d'amour accomplie, devra quitter la terre, Bathilde bientôt paraîtra, consommant l'œuvre en ce siècle septième, dont on a pu dire qu'il sembla comme celui où, prêt enfin pour sa mission, " le Franc fut fiancé à l'Eglise et armé chevalier de Dieu " (Hist. de S. Léger. Introduction.).
Clotilde, Radegonde, Bathilde, mères de la France, se présentent à nous reconnaissables toutes les trois aux mêmes traits pour leurs fils : préparées toutes trois, dès le début de la vie, au dévouement qu'exige leur grande mission, par les mêmes épreuves, la captivité, l'esclavage, par le massacre ou la perte des leurs ; toutes trois ne portant sur le trône que l'indomptable amour du Christ-Roi et le désir de lui donner leur peuple ; toutes trois enfin déposant le diadème au plus tôt, afin de pouvoir, prosternées devant Dieu dans la retraite et la pénitence, atteindre plus sûrement l'unique but de leur ambition maternelle et royale. Héritières d'Abraham en toute vérité, elles ont trouvé dans sa foi (Rom. IV, 18 ; Heb. XI, 11.) la fécondité qui les rendit mères des multitudes que si longtemps notre sol, arrosé de leurs larmes , produisit sans compter pour le ciel.
En nos temps amoindris eux-mêmes, ils sont nombreux encore, ceux que, chaque jour, la terre des Francs envoie rejoindre dans la vraie patrie les heureux combattants des jours meilleurs ; et tous, n'étant plus soumis aux distractions d'ici-bas, ont vite, là-haut du moins, reconnu leurs mères. A la vue de cette affluence toujours croissante de nouveaux fils pressant leurs rangs dans l'allégresse autour de leurs trônes, leur cœur débordant d'amour renvoie au Père souverain la parole du Prophète :
" Qui donc m'a engendré ceux-ci ? Moi la stérile et qui n'enfantais pas, moi la captive et l'exilée, qui m'a nourri tous ces fils ? J'étais seule, abandonnée ; et tous ceux-là, où étaient-ils ?
- En vérité, répond le Seigneur, tous ceux-là seront ta parure, et tu en seras entourée comme l'épouse de ses joyaux. Tes déserts, tes solitudes, la terre de ruines qui vit ta souffrance, seront remplis des fils de ta stérilité, jusqu'à en être trop étroits pour les contenir. Les rois seront tes nourriciers, et les reines tes nourrices. Et tu sauras que c'est moi, le Seigneur, au sujet de qui ne seront point confondus ceux qui l'attendent." (Isai. XLIX, 18-23.).

Sainte Clotilde et sa famille ; notamment trois de ses petits fils
Clotilde, fille du roi Chilpéric, après le meurtre de sus parents, fut élevée par son oncle Gondebaud, roi de Bourgogne, qui la donna en mariage à Clovis encore païen. Etant devenue mère, elle fit baptiser son premier-né, avec la tolérance plutôt que l'assentiment de Clovis. L'enfant, à qui on avait donné le nom d'Ingomer, étant venu à mourir lorsqu'il portait encore la robe blanche des néophytes, Clovis se plaignit vivement à Clotilde, attribuant la perte de son fils à la vengeance des dieux de ses pères irrités du mépris qu on avait fait de leur divinité. Mais Clotilde disait :
" Je rends grâces au tout-puissant Créateur de toutes choses, de ce qu'il ne m'a pas jugée indigne de mettre au monde un fils appelé à partager son royaume."
Ayant mis au monde un second fils, elle voulut aussi qu'il fût baptisé ; on lui donna le nom de Clodomir. L'enfant étant tombé malade, le roi affirmait déjà qu'il allait avoir le même sort que son frère, lorsqu'il fut guéri par les prières de sa mère. Cependant la reine ne cessait d'exhorter son époux à repousser l'idolâtrie pour adorer le Dieu unique en trois personnes ; mais Clovis se tenait attaché aux superstitions des Francs, jusqu'à ce qu'un jour...
En 496 Clovis fut contraint de mener une campagne contre les Alamans, dont l'établissement jouxtait la frontière Est des nouveaux territoires saliens. Ceux ci ne cessaient d'agresser les Francs Rhénans du royaume de Cologne. Clovis vint donc au secours de Sigebert le Boiteux, allié de Clovis, roi de Cologne, et qui devait son surnom à une blessure qu'il reçu des Alamans.
La bataille qui eut lieu, à Tolbiac (aujourd'hui Zülpich au sud ouest de Cologne), dégénéra en un violent massacre et son armée de Francs-Saliens fut sur le point d'être complètement exterminée. Après avoir invoqué en vain ces dieux païens, Clovis implora avec succès le Dieu de Clotilde. La bataille, près d'être perdue, fut une complète victoire et le roi des Alamans fut tué d'une flèche.
Clovis décida alors de sa conversion au Christianisme. Les Alamans firent leur soumission, abandonnant le cours supérieur du Rhin, désormais placé solidement sous le contrôle de Sigebert le Boîteux.
Clotilde, pleine de joie, vint au-devant de lui jusqu'à Reims, ayant su la manière dont tout s'était passé. Appelé par elle, saint Remi, et plusieurs autres illustres prélats choisis par lui, instruisirent Clovis des mystères de la foi, le baptisèrent et lui conférèrent l'onction du saint Chrême.

Bataille de Tolbiac. Ary Scheffer. Château de Versailles. XIXe.
Après la mort de Clovis, Clotilde se fixa à Tours, où elle passa le reste de sa vie au tombeau de saint Martin, se livrant aux veilles, à l'aumône et aux autres œuvres de la piété, exerçant sa munificence envers les églises et les monastères. Clodomir ayant été tué dans la guerre de Bourgogne, elle éleva près d'elle ses petits-fils, Théobald, Gontaire et Clodoald.
Enfin, pleine de jours, elle rendit son âme au Seigneur, à Tours, et son corps fut transféré à Paris, escorté de chœurs qui chantaient des psaumes. Les rois Childebert et Clotaire ses fils l'ensevelirent à côté de Clovis, dans le sanctuaire de la basilique de Saint-Pierre qui a reçu depuis le nom de Sainte-Geneviève.
L'éclat des miracles ayant illustré le tombeau de la sainte reine, on leva de bonne heure son corps pour l'honorer, et il fut placé dans une châsse. Toutes les fois que la ville de Paris éprouvait quelque calamité, nos pères avaient coutume de porter ce saint corps en procession avec un pieux appareil.

Sacre de Clovis. Clovis guérit les écrouelles.
A la fin du dix-huitième siècle, les bêtes féroces révolutionnaires s'étant emparés du gouvernement, et tandis que les reliques des Saints étaient profanées dans tout Paris et dans toute la pauvre France par une fureur sacrilège, les ossements de la bienheureuse reine, grâce à une admirable providence de Dieu, furent soustraits par des personnes pieuses.
La paix ayant été enfin rendue à l'Eglise, les saintes reliques furent placées dans une nouvelle châsse et déposées dans l'église des Saints-Leu-et-Gilles à Paris, où elles sont entourées des honneurs d'un culte fervent.
Votre gloire est grande sur la terre et au ciel, Clotilde, mère des peuples. Non seulement vous avez donné à l'Eglise la nation très chrétienne ; mais elles-mêmes, la catholique Espagne et l'île des Saints remontent jusqu'à vous devant Dieu par Ingonde et Berthe, vos illustres petites-filles. Plus heureuse que Clotilde la jeune, Ingonde, soutenue par Léandre de Séville, ramène à l'intégrité de la foi son royal époux Herménégilde, et l'élève jusqu'au martyre; Berthe accueille Augustin sur la terre des Angles, et, selon la parole de l'Apôtre qui avait annoncé que le mari infidèle serait sanctifié par la femme fidèle (I Cor. VII, 14.), Ethelbert est conduit des ténèbres du paganisme au baptême et à la sainteté. Depuis, en combien de lieux dans notre Europe et sur combien de lointains rivages, les fils de la nation dont vous êtes mère directement n'ont-ils pas propagé cette lumière de la foi que vous leur aviez donnée : soit que l'épée fût en leurs mains la protectrice du droit qui convient à l'Epouse de l'Homme-Dieu d'enseigner librement partout et toujours ; soit qu'eux-mêmes, se faisant missionnaires et apôtres, portassent, loin de toute protection possible, aux peuples infidèles leurs sueurs et leur sang ? Heureuse êtes-vous d'avoir, la première, engendré au Christ-Roi une nation pure de toute tache hérétique et vouée à l'Eglise dès son premier instant! C'est à bon droit que, par un juste hommage envers la Mère de Dieu, l'église Sainte-Marie de Reims fut, au jour de Noël 496, choisie comme lieu de cette insigne naissance ; car Notre-Dame vous fit part alors de sa glorieuse maternité sur la race humaine en des proportions admirables.
Et c'est là ce qui nous rassure, Ô Clotilde, en recourant à vous. Beaucoup de vos fils ne sont plus, hélas ! Ce qu'ils devraient être à l'égard de leur mère. Mais Notre-Dame, en vous communiquant les droits de sa maternité, ne l'a pu faire sans vous communiquer aussi sa tendre compassion pour des enfants abusés qui n'écoutent plus la voix maternelle. Prenez en pitié les malheureux que des doctrines étrangères l'ont entraînés bien loin de leur point de départ.

Partage du royaume de Clovis devant sainte Clotilde.
La monarchie chrétienne que vous aviez fondée n'est plus. Vous l'aviez établie sur la reconnaissance des droits de Dieu dans son Christ et dans le vicaire de son Christ. Des princes à courte vue sur leurs propres intérêts, traîtres à la mission qu'ils avaient reçue de maintenir votre oeuvre, ont cru faire merveille en laissant pénétrer chez nous des maximes proclamant l'indépendance du pouvoir civil à l'égard de l'Eglise ; et la société, par un juste retour, a proclamé son indépendance à l'égard des princes.
Mais, en même temps, le peuple affolé n'entend plus avoir d'autre souverain que lui-même, et, dans l'ivresse de la fausse liberté qu'il a prétendu conquérir, il méconnaît jusqu'au domaine suprême que garde sur lui son Créateur. Les droits de l'homme ont remplacé les droits de Dieu, comme base du pacte social ; évangile nouveau que la France, dans son prosélytisme égaré, prétend maintenant imposer au monde, à la place de l'ancien !
Tel est, dans notre pauvre pays empoisonné par une philosophie menteuse, l'excès de la déraison, que plusieurs qui déplorent l'apostasie du grand nombre et veulent rester chrétiens, croient pouvoir le faire en admettant le principe de libéralisme destructeur qui forme l'essence de la révolution : au Christ le ciel et les âmes ; à l'homme la terre, avec le droit de la gouverner comme il l'entend et de penser à sa guise. A genoux devant la divinité du Seigneur Jésus dans le sanctuaire de leur conscience, ils scrutent les Ecritures et n'y découvrent point que l'Homme-Dieu soit le roi du monde ; en de savantes études ils ont, disent-ils, approfondi l'histoire et n'y ont rien vu qui les contredise.
Si le gouvernement de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis, ne répond pas en tout aux données de leur politique, il faut faire, assurent-ils, la part de ces temps primitifs : ce n'est pas en un jour qu'on arrive à l'âge parfait où nous établit enfin la loi du progrès. Pitié, Ô mère, pour ces insensés! Ressuscitez en nous la foi des Francs. Que le Dieu de Clotilde, Seigneur des armées et Roi des nations, se montre à nous ramenant la victoire, sous le vrai nom que Clovis lui donnait à Tolbiac :
" Jésus-Christ !"
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mercredi, 30 avril 2025
30 avril. Sainte Catherine de Sienne. Vierge de l'Ordre de Saint-Dominique. 1380.
Sideribus conctis fulgentior est Catharina,
Et decus aeternum est haec quoque virginibus."
" Alleluia, Alleluia.
Catherine l'emporte en éclat sur tous les astres,
Et sa gloire rehausse éternellement celle des vierges."
Missel dominicain.

Sainte Catherine de Sienne. Giovanni di Pietro. XVIe.
Il y avait autrefois à Sienne, une honnête et laborieuse famille d'artisans qui habitait une humble maison que l'on voit encore dans cette ville dans la rue de dell'Oca non loin de l'ancien monastère de l'ordre de Saint-Dominique. Le chef de cette honnête famille était Giacomo di Benincasa, membre de la noble famille de Benincasa, mais qui exerçait le métier de teinturier. Son épouse Lapa était un modèle de femme chrétienne, et elle éleva dans la piété et le travail, vingt-cinq enfants. Sainte Catherine de Sienne fut le vingt-troisième.
Prévenue de grâces extraordinaires dès l'âge le plus tendre, à sept ans elle fit le voeu de virginité perpétuelle, et à douze ans elle sut résister aux instances qu'on lui faisait pour la marier. Sur une révélation divine, elle décida de se consacrer à Dieu en embrassant la règle du Tiers-Ordre de saint Dominique dont elle reçut l'habit, à l'âge de quinze ans. Dès lors elle s'avança à pas de géant dans les voies de la perfection. Sa vie unit au plus haut point les deux caractères de la famille dominicaine : l’action et la contemplation.
Se trouvant à Pise, un dimanche, après avoir reçu la nourriture céleste, elle fut ravie en extase, et vit le Seigneur crucifie qui venait à elle environne d'une grande lumière. Cinq rayons partaient des cicatrices de ses plaies: ils se dirigèrent sur cinq endroits du corps de Catherine. Elle comprit le mystère; mais elle pria le Seigneur que les stigmates ne parussent pas. Aussitôt les rayons changèrent leur couleur de sang en une autre très éclatante , et sous la forme d'une lumière très pure ils atteignirent ses mains, ses pieds et son cœur. La douleur qu'elle éprouva des plaies qu'ils lui laissèrent était si poignante, qu'elle pensa que si Dieu ne l’eût modérée, elle devait promptement succomber. Le Seigneur plein d'amour pour son épouse lui accorda cette nouvelle grâce, que tout en ressentant la douleur des plaies, les marques sanglantes ne fussent pas visibles. La servante de Dieu rendit compte de ce phénomène à Raymond de Capoue son confesseur : ce qui a été cause que la piété des fidèles voulant représenter ce miracle, a eu soin de peindre sur les images de sainte Catherine des rayons lumineux partant des cinq parties stigmatisées de son corps.

Giovanni di Matteo. XVe.
Aussi le démon l'assaillait à tout instant : il voyait en cette jeune fille un adversaire des plus redoutables. Elle eut raison de tous ces assauts. Ses veilles, ses jeûnes et toutes ses pratiques de pénitence surpassaient ce que peuvent les forces humaines.
Catherine ne pensait qu'à se dérober aux regards du monde, lorsque Notre Seigneur lui ordonna de s'occuper activement du salut des âmes :
" Il ne l'a fait monter si haut que pour lui donner cette mission étonnante pour une humble femme, de travailler à la paix de l'Église."
Sa science était infuse et non acquise. Des professeurs en théologie lui proposèrent les plus difficiles questions sur la théologie; elle sut y satisfaire. Personne n'approcha d'elle qu'il n'en devînt meilleur ; elle étouffa beaucoup de haines, et fit cesser plusieurs inimitiés mortelles.

Heures à l'usage d'Autun. XVe.
Elle se rendit à Avignon auprès du pape Grégoire XI, pour obtenir la paix des Florentins qui étaient en différend avec l’Eglise, et qui pour ce sujet avaient été frappés d'interdit. Elle fit connaître à ce pape qu'elle savait par révélation le voeu qu'il avait fait de se rendre à Rome, et qui n'était connu que de Dieu seul. Ce fut à sa persuasion que le Pontife se résolut à revenir en personne s'asseoir sur son siège : ce qu'il accomplit enfin en janvier 1377. Elle fut tellement considérée de Grégoire et d'Urbain VI, son successeur, qu'ils l'employèrent en diverses ambassades.
Son successeur Urbain VI invitera Catherine à Rome où elle décédera le 29 avril 1380, victime de son zèle et consumée par les flammes du divin amour, à l'âge de trente-trois ans, dans sa petite maison de la via del Papa, non loin de l'église de la Minerve (Santa Maria sopra Minerva) où elle sera enterrée.

Mort de sainte Catherine de Sienne à Rome.
Girolamo di Benvenuto. XVIe.
Ses dialogues imprimés en 1492, également intitulés " Livre de la divine doctrine ", s'accompagnent de plus de 380 lettres adressées aux citoyens et aux clercs, aux prêtres et moniales, mais aussi aux cardinaux et papes. Le pape Pie II canonisera Catherine en 1461. Elle sera déclarée co-patronne de Rome en 1866 et deviendra patronne d'Italie, avec saint François d'Assise, en 1939.
Vous êtes son Epouse, elle l'est aussi ; mais pour vous il n'y a plus de voiles, plus de séparation, tandis que pour elle la jouissance est rare et rapide, et la lumière tempérée encore par les ombres. Mais quelle vie a été la vôtre, ô Catherine ! Elle a uni la plus poignante compassion pour les douleurs de Jésus, aux délices les plus enivrantes de sa vie glorifiée. Vous pouvez nous initier aux mystères sanglants du Calvaire et aux magnificences de la Résurrection. Ces dernières sont en ce moment l'objet de notre méditation respectueuse ; parlez-nous donc de notre divin Ressuscité. N'est-ce pas lui qui a passé à votre doigt virginal l'anneau nuptial, cet anneau orné d'un diamant non pareil qu'entourent quatre pierres précieuses ? Les rayons lumineux qui jaillissent de vos membres stigmatisés ne nous disent-ils pas que vous l'avez vu tout resplendissant de l'éclat de ses plaies glorieuses, lorsque l'amour vous transforma en lui ?
Fille de Madeleine, vous annoncez comme elle à l'Eglise qu'il est ressuscité, et vous allez achever au ciel cette dernière Pâque, cette Pâque de votre trente-troisième année. Ô Catherine, mère des âmes ici-bas, aimez-les jusque dans le séjour de la gloire où vous brillez entre les épouses du grand Roi. Nous aussi, nous sommes dans la Pâque, dans la vie nouvelle ; veillez sur nous, afin que la vie de Jésus ne s'éteigne jamais dans nos âmes, mais qu'elle croisse toujours par l'amour dont votre vie toute céleste nous offre l'admirable modèle.

Vie de sainte Catherine de Sienne. Raymond de Capoue. XVe.
Faites-nous part, ô Vierge, de cet attachement filial que vous eûtes pour la sainte Eglise, et qui vous fit entreprendre de si grandes choses. Vous vous affligiez de ses afflictions, et vous vous réjouissiez de ses joies comme une fille dévouée, parce que vous saviez qu'il n'est point d'amour de l'Epoux sans l'amour de l'Epouse, et que l'Epoux donne à ses enfants par l'Epouse tout ce qu'il a résolu de leur donner. Nous aussi, nous voulons aimer notre Mère, confesser toujours le lien qui nous unit à elle, la défendre contre ses ennemis, lui gagner de nouveaux fils généreux et fidèles.

Eglise Saint-Pierre. Baye. Champagne. XVIIe.
Le Seigneur se servit de votre faible bras, Ô femme inspirée, pour replacer sur son siège le Pontife dont Rome regrettait l'absence. Vous fûtes plus forte que les éléments humains qui s'agitaient pour prolonger une situation désastreuse pour l'Eglise. La cendre de Pierre au Vatican, celle de Paul sur la voie d'Ostie. celle de Laurent et de Sébastien, celle de Cécile et d'Agnès, et de tant de milliers de martyrs, tressaillirent dans leurs glorieux tombeaux, lorsque le char triomphal qui portait Grégoire entra dans la ville sainte. Par vous, ô Catherine, soixante-dix années d'une désolante captivité avaient en ce jour leur terme, et Rome expirante revenait à la vie. Aujourd'hui les temps sont changés, et l'enfer a dressé de nouvelles embûches. Rome a vu détrôner le Pontife dont le choix imprescriptible de Pierre a fixé pour jamais la chaire dans la ville éternelle, le Pontife qui ne peut être à Rome que roi. Souffrirez-vous, Ô Catherine, que l'œuvre du Seigneur, qui est aussi la vôtre, éprouve un démenti en nos jours, au scandale des faibles, au triomphe insultant des impies? Hâtez-vous donc d'accourir au secours ; et si votre Epoux, dans sa trop juste colère, nous a destinés à subir d'humiliantes épreuves, suppliez du moins, ô notre mère, afin qu'elles soient abrégées.
Priez aussi, Ô Catherine, pour la malheureuse Italie qui vous a tant aimée, qui fut si fière de vos grandeurs. L'impiété et l'hérésie circulent aujourd'hui librement dans son sein ; on blasphème le nom de votre Epoux, on enseigne à un peuple égaré les doctrines les plus perverses, on lui apprend à maudire tout ce qu'il avait vénéré, l'Eglise est outragée et dépouillée, la foi dès longtemps affaiblie menace de s'éteindre ; souvenez-vous de votre infortunée patrie, Ô Catherine! Il est temps devenir à son aide et de l'arracher des mains de ses mortels ennemis. L'Eglise entière espère en vous pour le salut de cette illustre province de son empire : fille immortelle de Sienne, calmez les tempêtes, et sauvez la foi dans ce naufrage qui menace de tout engloutir."
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samedi, 22 mars 2025
22 mars. Sainte Catherine de Suède, reine et veuve. 1381.
Sainte Catherine eut pour père un prince de Suède et pour mère sainte Brigitte, cette femme si célèbre par ses Révélations. La fille devait être l'émule, sinon l'égale de sa mère, par ses vertus comme par les lumières qu'elle reçut du Ciel. On vit Catherine, encore au berceau, repousser une nourrice de vie coupable et ne point vouloir de son lait. Le démon la poursuivit dès sa plus tendre enfance, prenant la forme d'un taureau pour l'épouvanter et s'acharnant contre son petit corps frêle et délicat.
Lorsque Catherine, après la sainte éducation qu'elle reçut dans un monastère, fut en âge de se marier, son père lui donna de force un noble et vertueux époux qu'elle eut le bonheur de faire consentir à garder avec elle le voeu de virginité parfaite.
Cependant Brigitte, après la mort de son mari, était allée demeurer à Rome, qu'une inspiration divine lui avait montrée comme un lieu spécialement propre à sa sanctification. Catherine eut bientôt le désir de rejoindre sa mère et obtint cette grâce de son époux, qui, du reste, mourut pieusement quelques temps après.

Sainte Catherine de Suède.
Dans la Ville éternelle, on pouvait voir la mère et la fille visiter avec ferveur les églises et les tombeaux des martyrs et s'adonner ensemble à tous les exercices de la mortification et de la piété. Catherine sut résister aux obsessions de plusieurs seigneurs romains qui la recherchaient en mariage, et Dieu la défendit parfois d'une manière merveilleuse.
Sa joie était de paraître vile aux yeux des hommes ; quatre heures par jour à genoux sans interruption, elle contemplait les souffrances du Sauveur; elle flagellait cruellement son corps pour devenir plus semblable à son divin modèle ; soigner les malades et panser leurs plaies hideuses dans les hôpitaux, était sa plus douce satisfaction ; la terre nue et quelques pierres formaient la couche de sa mère, elle s'en approchait pendant la nuit et la faisait reposer doucement sur sa poitrine.

Sainte Catherine de Suède. Malning. XVe.
Un jour vint où elle fut privée de la compagnie de sa mère chérie ; elle fit transporter en Suède les restes mortels de cette sainte femme, qui y furent reçus en triomphe ; elle-même se fixa dans un monastère de sa patrie, où sa vertu s'épura dans le sacrifice: sa vie dès lors ne fut qu'une longue suite de douleurs corporelles. C'est dans un transport d'amour que son âme s'envola vers le Ciel. Depuis le moment de sa mort jusqu'à sa sépulture, une étoile brilla jour et nuit sur le monastère.
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mardi, 18 mars 2025
18 mars. Saint Cyrille de Jérusalem, évêque de Jérusalem, Docteur de l'Eglise. 386.
Papes : Saint Sylvestre Ier, saint Sirice. Empereurs : Constantin, Licinius, Valentinien II.

Saint Jérôme apparaissant à saint Cyrille de Jérusalem.
Longtemps cependant, la chrétienté latine borna ses hommages envers un si grand Docteur à la mention faite de lui, chaque année, en son martyrologe. Mais voici qu'à l'antique expression de sa reconnaissance pour des services rendus en des temps éloignés déjà de quinze siècles, se joint chez elle aujourd'hui, vis-à-vis de Cyrille, la demande d'une assistance rendue maintenant non moins nécessaire qu'aux premiers âges du christianisme Le baptême, il est vrai, se confère aujourd'hui dès l'enfance ; il met l'homme, par la foi infuse, en possession de la pleine vérité avant que son intelligence ait pu rencontrer le mensonge. Mais trop souvent, de nos jours, l'enfant ne trouve plus près de lui la défense dont ne peut se passer sa faiblesse ; la société moderne a renié Jésus-Christ, et son apostasie la pousse à étouffer, sous l'hypocrite neutralité de prétendues lois, le germe divin dans toute âme baptisée, avant qu'il ait pu fructifier et grandir.
En face de la société comme dans l'individu, le baptême a ses droits cependant ; et nous ne pouvons honorer mieux saint Cyrille, qu'en nous rappelant, au jour de sa fête, ces droits du premier Sacrement au point de vue de l'éducation qu'il réclame pour les baptisés. Durant quinze siècles les nations d'Occident, dont l'édifice social reposait sur la fermeté de la foi romaine, ont maintenu leurs membres dans l'heureuse ignorance de la difficulté qu'éprouve une âme pour s'élever des régions de l'erreur à la pure lumière. Baptisés comme nous à leur entrée dans la vie, et dès lors établis dans le vrai, nos pères avaient sur nous l'avantage de voir la puissance civile défendre en eux, d'accord avec l'Eglise, cette plénitude de la vérité qui formait leur plus grand trésor, en même temps qu'elle était la sauvegarde du monde.
La protection des particuliers est en effet le devoir du prince ou de quiconque, à n'importe quel titre, gouverne les hommes, et la gravité de ce devoir est en raison de l'importance des intérêts à garantir ; mais cette protection n'est-elle pas aussi d'autant plus glorieuse pour le pouvoir, qu'elle s'adresse aux faibles, aux petits de ce monde ? Jamais la majesté de la loi humaine n'apparut mieux que sur les berceaux, où elle garde à l'enfant né d'hier, à l'orphelin sans défense, sa vie, son nom, son patrimoine. Or, l'enfant sorti de la fontaine sacrée possède des avantages qui dépassent tout ce que la noblesse et la fortune des ancêtres, unies à la plus riche nature, auraient pu lui donner. La vie divine réside en lui ; son nom de chrétien le fait l'égal des anges ; son patrimoine est cette plénitude de la vérité dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire Dieu même, possédé par la foi ici-bas, en attendant qu'il se découvre à son amour dans le bonheur de l'éternelle vision.

Saint Cyrille de Jérusalem. Francesco Bartolozzi. XVIIIe.
Mais sous l'empire de Valens, il dut de nouveau prendre la route de l'exil, jusqu'à ce que Théodose le Grand eût rendu la paix à l'Eglise et réprimé la cruauté et l'audace des Ariens. Cet empereur reçut Cyrille avec de grands honneurs, comme le très courageux athlète du Christ, et le rendit à son siège. Avec quelle force et quelle sainteté il accomplit les devoirs de son sublime office, c'est ce qui ressort nettement de l'état prospère alors de l'Eglise de Jérusalem, tel que le décrit saint Basile qui, étant venu vénérer les saints lieux, y demeura quelque temps.
Non moins digne d'admiration est ce qui arriva aux Juifs, lorsque, par l'ordre impie de l'empereur Julien, ils voulurent relever le temple que Titus avait renversé. Car il se fit sentir un violent tremblement de terre, et, d'immenses tourbillons de flammes sortant de terre, le feu dévora tous les travaux, de telle sorte que les Juifs et Julien épouvantés durent renoncer à l'entreprise, selon que Cyrille l'avait prédit comme devant arriver infailliblement.

Saint Athanase et saint Cyrille de Jérusalem.
" Ne rougissez pas, disait-il, de la Croix de Jésus-Christ ; imprimez-la sur votre front, afin que les démons, apercevant l'étendard du Roi, s'enfuient en tremblant. Faites ce signe, et quand vous mangez, et quand vous buvez, et quand vous êtes debout ou assis, quand vous vous couchez, quand vous vous levez et quand vous marchez ; en un mot, faites-le dans toutes vos actions."
La gloire de saint Cyrille est d'avoir été l'ami et le défenseur de saint Athanase et du dogme chrétien contre les hérétiques. Trois fois exilé de Jérusalem, dont il était devenu évêque, trois fois rétabli sur son siège, il restera comme l'un des beaux modèles de la fermeté pastorale.
Le Souverain Pontife Léon XIII a ordonné qu'on en célébrât l'Office et la Messe dans l'Eglise universelle.

Saint Augustin et saint Cyrille de Jérusalem.
PRIERE
" Vous avez été, Ô Cyrille, un vrai fils de la lumière (Eph. V, 8.). La Sagesse de Dieu avait dès l'enfance conquis votre amour ; elle vous établit comme le phare éclatant qui brille près du port, et sauve, en l'attirant au rivage, le malheureux ballotté dans la nuit de l'erreur. Au lieu même où s'étaient accomplis les mystères de la rédemption du monde, et dans ce IVe siècle si fécond en docteurs, l'Eglise vous confia la mission de préparer au baptême les heureux transfuges que la victoire récente du christianisme amenait à elle de tous les rangs de la société. Nourri ainsi que vous l'étiez des Ecritures et des enseignements de la Mère commune, la parole s'échappait de vos lèvres, abondante et pure, comme de sa source ; l'histoire nous apprend qu'empêché par les autres charges du saint ministère de consacrer vos soins exclusivement aux catéchumènes, vous dûtes improviser ces vingt-trois admirables discours, vos Catéchèses, où la science du salut se déroule avec une sûreté, une clarté, un ensemble inconnus jusque-là et, depuis lors, jamais surpassés. La science du salut, c'était pour vous, saint Pontife, la connaissance de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, contenue dans le symbole de la sainte Eglise ; la préparation au baptême, à la vie, à l'amour, c'était pour vous l'acquisition de cette science unique, seule nécessaire, profonde d'autant plus et gouvernant tout l'homme, non par l'impression d'une vaine sentimentalité, mais sous l'empire de la parole de Dieu reçue comme elle a droit de l'être, méditée jour et nuit, pénétrant assez l'âme pour l'établir à elle seule dans la plénitude de la vérité, la rectitude morale et la haine de l'erreur.
Sûr ainsi de vos auditeurs, vous ne craigniez point de leur dévoiler les arguments et les abominations des sectes ennemies. Il est des temps, des circonstances dont l'appréciation reste aux chefs du troupeau, et où ils doivent passer par-dessus le dégoût qu'inspirent de telles expositions, pour dénoncer le danger et tenir leurs brebis en garde contre les scandales de l'esprit ou des mœurs. C'est pour cela, Ô Cyrille, que vos invectives indignées poursuivaient le manichéisme au fond même de ses antres impurs ; vous pressentiez en lui l'agent principal de ce mystère d'iniquité (II Thess. II, 7.) qui poursuit sa marche ténébreuse et dissolvante à travers les siècles, jusqu'à ce qu'enfin le monde succombe par lui de pourriture et d'orgueil. Manès en nos temps règne au grand jour ; les sociétés occultes qu'il a fondées sont devenues maîtresses. L'ombre des loges continue, il est vrai, de cacher aux profanes son symbolisme sacrilège et les dogmes qu'il apporta de Perse jadis ; mais l'habileté du prince du monde achève de concentrer dans les mains de ce fidèle allié toutes les forces sociales. Dès maintenant, le pouvoir est à lui ; et le premier, l'unique usage qu'il en fasse, est de poursuivre l'Eglise en haine du Christ. Voici qu'à cette heure il s'attaque à la fécondité de l'Epouse du Fils de Dieu, en lui déniant le droit d'enseigner qu'elle a reçu de son divin Chef ; les enfants mêmes qu'elle a engendrés, qui déjà sont à elle par le droit du baptême, on prétend les lui arracher de vive force et l'empêcher de présider à leur éducation.
Ô saint Cyrille, vous qu'elle appelle à son secours en ces temps malheureux, ne faites pas défaut à sa confiance. Vous compreniez si pleinement les exigences du sacrement qui fait les chrétiens ! Protégez le saint baptême en tant d'âmes innocentes où l'on veut l'étouffer. Soutenez, réveillez au besoin, la foi des parents chrétiens ; qu'ils comprennent que si leur devoir est de couvrir leurs enfants de leur propre corps plutôt que de les laisser livrer aux bêtes, l'âme de ces chers enfants est plus précieuse encore. Déjà plusieurs, et c'est la grande consolation de l'Eglise en même temps que l'espoir de la société battue en brèche de toutes parts, plusieurs ont compris la conduite qui s'imposait a mute âme généreuse en de telles circonstances : s'inspirant de leur seule conscience, et forts de leur droit de pères de famille, ils subiront la violence de nos gouvernements de force brutale, plutôt que de céder d'un pas aux caprices d'une réglementation d'Etat païen aussi absurde qu'odieuse. Bénissez-les, Ô Cyrille ; augmentez leur nombre. Bénissez également, multipliez, soutenez, éclairez les fidèles qui se dévouent à la tâche d'instruire et de sauver les pauvres enfants que trahit le pouvoir ; est-il une mission plus urgente que celle des catéchistes, en nos jours ? En est-il qui puisse vous aller plus au cœur ?
La sainte Eglise nous rappelait, tout à l'heure, l'apparition de la Croix qui vînt marquer les débuts de votre épiscopat glorieux. Notre siècle incrédule a été, lui aussi, favorisé d'un prodige semblable, lorsque, à Migné, au diocèse d'Hilaire, votre contemporain et votre émule dans la lutte pour le Fils de Dieu, le signe du salut parut au ciel, resplendissant de lumière, à la vue de milliers de personnes. Mais l'apparition du 7 mai 351 annonçait le triomphe : ce triomphe que vous aviez prévu sans nul doute pour la sainte Croix, lorsque sous vos yeux, quelques années plus tôt, Hélène retrouvait le bois rédempteur; ce triomphe qu'en mourant vous laissiez affermi par le dernier accomplissement des prophéties sur le temple juif. L'apparition du 17 décembre 1826 n'aurait-elle, hélas ! Annonce que défaites et ruines ? Confiants dans votre secours si opportun, nous voulons espérer mieux, saint Pontife ; nous nous souvenons que ce triomphe de la Croix dont vous fûtes le témoin heureux, a été le fruit des souffrances de l'Eglise, et que vous dûtes l'acheter pour votre part au prix de trois dépositions de votre siège et de vingt ans d'exil. La Croix, dont le Cycle sacré nous ramène les grands anniversaires, la Croix n'est point vaincue, mais grandement triomphante au contraire, dans le martyre de ses fidèles et leurs épreuves patiemment supportées ; c'est victorieuse à jamais qu'elle apparaîtra sur les ruines du monde, au dernier jour."
- On trouvera une notice très complète sur notre Saint dans les Petits Bollandistes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30733g
- On trouvera les Catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem ainsi que les cinq Mystagogiques et quelques autres monuments dans le tome I de la Patrologie de M. l'abbé Migne établie par M. l'abbé Sevestre (pp. 1183 à 1205) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k209868f.pagination
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mardi, 04 mars 2025
4 mars. Saint Casimir, duc de Lithuanie, confesseur. 1483.
- Saint Casimir, duc de Lithuanie, confesseur. 1483.
Papes : Pie II, Sixte IV. Empereur d'Allemagne : Frédéric III.
" La chasteté est la vertu qui représente ici-bas l'état glorieux de l'immortalité."
St. Bernard, Ep. XLIII, à Henri, archv. de Sens.

Saint Casimir de Lithuanie. Anonyme. XVIIe.
C'est du sein même d'une cour mondaine que l'exemple des plus héroïques vertus nous est offert aujourd'hui. Casimir est prince de sang royal ; toutes les séductions de la jeunesse et du luxe l'environnent ; cependant, il triomphe des pièges du monde avec la même aisance que le ferait un Ange exilé sur la terre. Profitons d'un tel spectacle ; et si, dans une condition bien inférieure à celle où la divine Providence avait placé ce jeune prince, nous avons sacrifié à l'idole du siècle, brisons ce que nous avons adoré, et rentrons au service du Maître souverain qui seul a droit à nos hommages. Une vertu sublime, dans les conditions inférieures de la société, nous semble quelquefois trouver son explication dans l'absence des tentations, dans le besoin de chercher au ciel un appui contre une fortune inexorable : comme si, dans tous les états, l'homme ne portait pas en lui des instincts qui, s'ils ne sont combattus, l'entraînent à la dépravation. En Casimir, la force chrétienne paraît avec une énergie qui montre que sa source n'est pas sur la terre, mais en Dieu.

Statue de saint Casimir. Statuaire populaire lithuanienne.
C'est là qu'il faut aller puiser, dans ce temps de régénération. Un jour, Casimir préféra la mort au péché. Fit-il autre chose, dans cette circonstance, que ce qui est exigé du chrétien, à toute heure de sa vie ? Mais tel est l'attrait aveugle du présent, que sans cesse on voit les hommes se livrer au péché qui est la mort de l'âme, non pas même pour sauver cette vie périssable, mais pour la plus légère satisfaction, quelquefois contre l'intérêt même de ce monde auquel ils sacrifient tout le reste. Tel est l'aveuglement que la dégradation originelle a produit en nous. Les exemples des saints nous sont offerts comme un flambeau qui doit nous éclairer : usons de cette salutaire lumière, et comptons, pour nous relever, sur les mérites et l'intercession de ces amis de Dieu qui, du haut du ciel, considèrent notre dangereux état avec une si tendre compassion.
Casimir, fils de Casimir, roi de Pologne, et d'Elisabeth d'Autriche, fut élevé dans la piété et les belles-lettres par d'excellents maîtres. Dès sa jeunesse, il domptait sa chair par un rude cilice et par des jeûnes fréquents. Dédaignant la mollesse d'un lit somptueux, il couchait sur la terre nue, et s'en allait secrètement au milieu de la nuit implorer, prosterné contre terre, la divine miséricorde, devant les portes des églises. La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ était l'objet continuel de sa méditation, et il assistait à la sainte Messe avec un esprit tellement uni à Dieu, qu'il semblait ravi hors de lui-même.

Saint Casimir. Anonyme. XVIe.
Il s'appliqua avec un grand zèle à l'augmentation de la foi catholique et à l'extinction du schisme des Ruthènes : c'est pourquoi il porta le roi Casimir son père à défendre par une loi aux schismatiques de bâtir de nouvelles églises, et de réparer les anciennes qui tombaient en ruine. Libéral et miséricordieux envers les pauvres et tous ceux qui souriraient quelque misère, il s'acquit le nom de père et de défenseur des indigents. Ayant conservé intacte la virginité depuis son enfance, il la défendit courageusement sur la fin de sa vie, lorsque, pressé par une grande maladie, il résolut fermement de mourir plutôt que de rien faire contre la chasteté, en acceptant les conseils des médecins.

Statue de saint Casimir. Cathédrale Saint-Stanislas de Vilnius.
Ayant ainsi consommé sa course en peu de temps, plein de vertus et de mérites, après avoir prédit le jour de sa mort, il rendit son âme à Dieu, entouré de prêtres et de religieux, en la vingt-cinquième année de son âge. Son corps fut porté à Vilna, où il éclate par un grand nombre de miracles. Une jeune fille qui était morte recouvra la vie au tombeau du saint; les aveugles y reçurent la vue, les boiteux la marche, et de nombreux malades la santé. Il apparut dans les airs à une armée lithuanienne effrayée de son petit nombre, au moment de l'invasion inopinée d'un ennemi puissant, et il lui fit remporter une victoire signalée. Frappé de tant de merveilles, Léon X inscrivit Casimir au catalogue des Saints.
PRIERE
" Reposez maintenant au sein des félicités éternelles, Ô Casimir, vous que les grandeurs de la terre et toutes les délices des cours n'ont pu distraire du grand objet qui avait ravi votre cœur. Votre vie a été courte en durée, mais féconde en mérites. Plein du souvenir d'une meilleure patrie, celle d'ici-bas n'a pu attirer vos regards ; il vous tardait de vous envoler vers Dieu, qui sembla n'avoir fait que vous prêter à la terre. Votre innocente vie ne fut point exempte des rigueurs de la pénitence : tant était vive en vous la crainte de succomber aux attraits des sens !
Faites-nous comprendre le besoin que nous avons d'expier les péchés qui nous ont séparés de Dieu. Vous préférâtes mourir plutôt que d'offenser Dieu ; détachez-nous du péché, qui est le plus grand mal de l'homme, parce qu'il est en même temps le mal de Dieu. Assurez en nous les fruits de ce saint temps qui nous est accordé pour faire enfin pénitence. Du sein de la gloire où vous régnez, bénissez la chrétienté qui vous honore ; mais souvenez-vous surtout de votre patrie terrestre. Autrefois, elle eut l'honneur d'être un boulevard assuré pour l'Eglise contre le schisme, l'hérésie et l'infidélité ; allégez ses maux, délivrez-la du joug, et, rallumant en son sein l'antique zèle de la foi, préservez-la des séductions dont elle est menacée."
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jeudi, 13 février 2025
13 février. Sainte Catherine de Ricci, de l'Ordre de Saint-Dominique, vierge. 1590.
" Non est mortale quod opto."
" Mes voeux s'élèvent bien au-dessus des chose mortelles."
Sainte Catherine de Ricci.
" On ne donne pas des joyaux et des perles à ceux qui n'en connaissent pas le prix. Ni moi non plus, je ne livre pas mes dons et mes faveurs à ceux qui ne savent pas les apprécier. Je ne les donne qu'aux âmes qui les recherchent et me les demandent instamment."
Notre Seigneur Jésus-Christ à Sainte Catherine de Ricci.

Sainte Catherine de Ricci.
La vie de notre grande sainte est l'une des plus prodigieuses, par les ravissements, les extases, les grâces extraordinaires et variées qui la remplissent.
Sainte Catherine (" Alexandrine " avant d'entrer en religion) de Ricci naquit à Florence en 1522.
Dès l'âge de trois ans, on la voyait s'exercer à la prière, rechercher la solitude et le silence pour s'y livrer plus à l'aise, et sa prière était si recueillie, qu'elle y paraissait l'esprit absorbé en Dieu, et comme plongée dans la contemplation de Ses mystères.
La Passion de Jésus-Christ était déjà l'objet des vives ardeurs de son amour, et elle préludait par ses exercices enfantins à cette admirable dévotion envers Jésus crucifié, qui est le caractère le plus éclatant de sa vie.
Elle prit le voile à treize ans, chez les Dominicaines. C'est à l'âge de dix-neuf ans qu'elle reçut cette grâce inouïe de voir changer par Notre-Seigneur son coeur en celui de Marie. Quelques mois après, elle eut une mémorable extase de la Passion, qui dura vingt-huit heures, et dans laquelle elle assista successivement au détail de toutes les scènes de la Passion du Sauveur, paraissant elle-même, par ses gestes, subir chacun des supplices dont elle était témoin. Ce spectacle devait se renouveler toutes les semaines pendant les douze dernières années de sa vie. On entendait, dans ces extases, la Sainte pousser des exclamations de douleur et d'amour. Quelle impression pour les innombrables témoins de ces merveilles !
Le cachet de la vertu véritable, c'est l'humilité ; un seul fait montrera que Catherine était bien conduite par l'esprit de Dieu. Elle avait appris que ses soeurs s'étaient plu à écrire, pour en garder le souvenir, la relation de toutes les grâces et faveurs extraordinaires dont le Ciel l'avait comblée. Elle n'eut point de repos avant d'avoir mis la main sur tous ces écrits. Un jour, pendant que ses soeurs étaient à l'office, elle entra dans leurs cellules, s'empara de tous les manuscrits qu'elle put rencontrer, les mit dans un sac, et, le portant à la soeur boulangère, qui chauffait le four :
Notre sainte eut une influence très importante sur saint Pie V, saint Charles Borromée, saint Philippe Neri et sainte Marie-Madeleine de Pazzi.
Au cours de l'une de ses extases, la Sainte Vierge la prend par la main et l'amène à son Fils :
" Ô mon Fils, voici que je vous présente notre très chère vierge Catherine, qui sollicite de votre tendresse la grâce de changer son cœur de chair en un cœur tout céleste, afin qu'elle soit plus digne de vous, en prenant un cœur semblable au vôtre. O ma chère Mère, vous ai-je jamais refusé quelque chose, et votre cœur n'est-il pas le chemin naturel qui mène à mon cœur ? Il sera fait comme vous avez demandé. Et vous, ma très chère fille Catherine, souvenez-vous que dès cet instant vous ne vous appartenez plus, et que vous êtes toute à moi ; car voici que je purifie votre cœur de toute affection qui n'est pas la mienne, et que je le remplis de mon seul amour."

Extase et vision de sainte Catherine de Ricci.
Sa dernière prière fut le Pater Noster. Le couvent retentit alors des chants harmonieux des anges. En différents lieux, de saints personnages eurent la vision d'une magnifique procession de Saints et de Saintes ; au bout du cortège, Jésus conduisait en triomphe Sa glorieuse épouse.
Il faut relever que sainte Catherine de Ricci était une amie de saint Philippe de Néri, le fondateur de l'Oratoire, avec lequel elle entretint des rapports épistolaires, et qu'elle communia avec lui dans un même culte pour la mémoire de Savonarole.
On représente sainte Catherine de Ricci recevant de Notre Seigneur Jésus Christ l'anneau des vierges, une couronne d'épines sur la tête, priant devant le crucifix - Notre Seigneur semblant s'en détaché pour embrasser notre sainte.
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mardi, 28 janvier 2025
28 janvier. Bienheureux Charlemagne, roi de france, empereur d'Occident. 814.
" A asseoir les sociétés humaines, Dieu a voulu ces deux mains, le Pape et l'Empereur. D'accord, ces deux mains peuvent tout bien ; contraires, elles sont impuissantes contre tout mal. Sans l'Empereur, le Pape n'est qu'un martyr immortel ; sans le Pape, l'Empereur n'est qu'un dieu de prétoriens, une idole souvent refondue."
Louis Veuillot, Parfums de Rome, ch. 22.

Le bienheureux Charlemagne. A. Dürer. XVIe.
Au gracieux souvenir de la douce martyre Agnès, un grand nombre d'Eglises, surtout en Allemagne, associent aujourd'hui la mémoire imposante du pieux Empereur Charlemagne. L'Emmanuel, en venant en ce monde, doit recevoir le titre de Roi des rois et de Seigneur des seigneurs ; il doit ceindre l'épée et tenir sous son sceptre la multitude des nations : quoi de plus juste que d'amener à son berceau le plus grand des princes chrétiens, celui qui se fit toujours gloire de mettre son épée au service du Christ et de son Eglise !
Le respect des peuples était déjà préparé en faveur de la sainteté de Charlemagne, lorsque Frédéric Barberousse fit rendre le décret de sa canonisation par l'antipape Pascal III, en 1165 : c'est pourquoi le Siège Apostolique, sans vouloir approuver une procédure irrégulière, ni la recommencer dans les formes, puisqu'on ne lui en a pas fait la demande, a cru devoir respecter ce culte en tous les lieux où il fut établi. Cependant les nombreuses Eglises qui honorent, depuis plus de sept siècles, la mémoire du grand Charles, se contentent, par respect pour le martyrologe Romain où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux.

Agostino Cornacchini. Facade de la
Avant l'époque de la Réforme, le nom du Bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos Eglises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen l'avaient conservé jusqu'à nos jours. L'Eglise de Paris le sacrifia, de bonne heure, aux préjugés des Docteurs dont les opinions avancées se manifestèrent dans son Université, dès la première moitié du XVIe siècle.
Plus de trente Eglises, en Allemagne, célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand Empereur ; sa chère Eglise d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Les Vies des Saints publiées en France, même celle de Baillet et de Godescard, n'ont point été infidèles à sa mémoire. Par un étrange retour, l'Université de Paris le choisit pour son Patron en 1661 ; mais sa fête, qui était abrogée depuis plus d'un siècle, ne se releva que comme solennité civile, sans aucune mention dans la Liturgie.
Il n'entre point dans le plan de cet ouvrage de discuter les raisons pour lesquelles un culte a été attribué aux Saints sur lesquels nous réunissons les éloges liturgiques ; on ne doit donc pas attendre de nous une démonstration en forme de la sainteté de Charlemagne. Cependant nous avouerons, en passant, que nous inclinons avec Bossuet, dont la sévérité en morale est assez connue, à croire que les moeurs de Charlemagne furent toujours pures :
" Vaillant, savant, modéré, guerrier sans ambition, et exemplaire dans sa vie, je le veux bien dire en passant, malgré les reproches des siècles ignorants, ses conquêtes prodigieuses furent la dilatation du règne de Dieu, et il se montra très chrétien dans toutes ses oeuvres." (Bossuet, Sermon sur l'unité de l'Eglise.).
Indépendamment du sentiment des auteurs si graves que nous venons de citer, un fait incontestable suffit pour garantir Charlemagne de tout reproche sérieux au sujet de la pluralité des femmes, du moins depuis le renvoi d'Hermengarde, pour reprendre Himiltrude. Le prince avait alors vingt-huit ans. On connaît la sévérité des Pontifes romains sur le respect dû au mariage par les princes. L'histoire du moyen âge est remplie du récit des luttes qu'ils ont soutenues pour venger un point si essentiel de la morale chrétienne contre les monarques même les plus puissants, et quelquefois les plus dévoués à l'Eglise. Comment serait-il possible que saint Adrien Ier, qui siégea de 772 à 795, et fut honoré par Charlemagne comme un père, dont celui-ci requérait l'avis en toutes choses, eût laissé ce prince s'abandonner aux plus graves désordres, sans réclamer, tandis qu'Etienne IV, qui n'a siégé que trois ans, et n'a pas eu la même influence sur Charlemagne, a bien su procurer le renvoi d'Hermengarde ? Comment serait-il possible que saint Léon III, qui a siégé de 795 jusqu'après la mort de Charlemagne, dont il a récompensé la piété en lui mettant sur la tête la couronne impériale, n'eût fait aucun effort pour le détacher des concubines qui auraient succédé à la dernière reine Liutgarde ? Or, nous ne trouvons aucune trace de telles réclamations de la part des deux Pontifes qui ont occupé, à eux seuls, le Saint-Siège pendant plus de quarante ans, et que l'Eglise universelle a placés sur ses autels ; nous sommes donc en droit de conclure que l'honneur de l'Eglise est intéressé dans cette question, et il est de notre devoir de catholiques de n'être pas indifférents à la cause des mœurs de Charlemagne.

Le bienheureux Charlemagne et des écoliers. Karl von Blaas. XIXe.
Quoi qu'il en soit des motifs de conscience qui légitimèrent, aux yeux de ce prince, la répudiation d'Himiltrude, dont il paraît, par la lettre d'Etienne IV, que le mariage avait pu être cassé comme invalide, quoique à tort, Charlemagne trouva, plus tard, dans sa propre conduite, assez de confiance pour insister avec la plus grande énergie contre le crime d'adultère, et même de simple fornication, dans ses Capitulaires. Nous nous contenterons de citer un seul exemple de cette vigueur chrétienne ; et nous demanderons à tout homme de bonne foi s'il eût été possible à un prince compromis lui-même dans ses mœurs, de s'exprimer, non seulement avec cette simplicité tout évangélique, mais encore avec cette assurance d'honnête homme, en présence des évêques et des abbés de son empire, en face des Princes et des Barons dont il voulait contenir les passions, et qui auraient été en mesure d'opposer à ses exhortations et à ses menaces le spectacle humiliant de sa propre conduite :
" Nous défendons, sous peine de sacrilège, dit-il dans un Capitulaire publié sous le pontificat de saint Léon III, l'envahissement des biens de l'Eglise, les injustices de tout genre, les adultères, les fornications, les incestes, les unions illicites, les homicides injustes, etc., par lesquels nous savons que périssent, non seulement les royaumes et les rois, mais encore les simples particuliers. Et comme, par le secours de Dieu, par le mérite et l'intercession des Saints et des serviteurs de Dieu, que nous avons toujours honorés, nous avons acquis jusqu'ici grand nombre de royaumes, et remporté beaucoup de victoires, c'est à nous tous de prendre garde de ne pas mériter de perdre ces biens par les susdits crimes et luxures honteuses. En effet, nous savons que beaucoup de contrées, dans lesquelles ont eu lieu ces envahissements des biens des Eglises, ces injustices, ces adultères, ces prostitutions, n'ont su être ni braves dans la guerre, ni stables dans la foi. Chacun peut, en lisant leurs histoires, connaître comment le Seigneur a permis aux Sarrasins et autres peuples de subjuguer les ouvriers de telles iniquités ; et nous ne doutons pas que semblables choses ne nous arrivassent, si nous ne nous gardions de tels méfaits ; car Dieu a coutume de les venger. Que chacun de nos sujets sache donc que celui qui sera surpris et convaincu de quelqu'un de ces crimes, perdra tous ses honneurs, s'il en a ; qu'il sera mis en prison, jusqu'à ce qu'il se soit amendé et qu'il ait fait la satisfaction d'une pénitence publique ; et aussi qu'il sera séparé de toute société des fidèles, tant nous devons craindre la fosse dans laquelle nous savons que d'autres sont tombés."
Charlemagne eût-il tenu ce langage, si, comme on l'a prétendu, sa vieillesse eût été livrée à la débauche, au temps même où il publiait ce Capitulaire, c'est-à-dire après la mort de Liutgarde ?
Quand bien même on admettrait que ce grand prince eût commis des fautes, c'est aux premières années de son règne qu'il faudrait les reporter; alors il serait juste, en même temps, de considérer dans le reste de sa vie les traces admirables de la plus sincère pénitence. N'est-ce pas un spectacle merveilleux que devoir un si grand guerrier, parvenu à la monarchie universelle, s'exercer continuellement, non seulement à la sobriété, si rare dans sa race, mais encore à des jeûnes comparables à ceux des plus fervents solitaires, porter le cilice jusqu'à la mort, assister de jour et de nuit aux Offices de l'Eglise, jusque dans ses campagnes, sous la tente ; secourir par l'aumône, qui, comme parle l'Ecriture, couvre la multitude des péchés, non seulement tous les pauvres de ses Etats, qui venaient implorer sa charité, mais jusqu'aux chrétiens de l'Afrique, de l'Egypte, de la Syrie, de la Palestine, en faveur desquels il épuisa souvent ses trésors ? Mais, ce qui dépasse tout, et nous découvre dans Charlemagne, d'un seul trait, l'ensemble des vertus chrétiennes que l'on peut désirer dans un prince, c'est qu'il ne parut avoir reçu le pouvoir suprême que pour le faire servira l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre. Si l'on cherche un autre mobile dans tout ce qu'il a fait par ses victoires et par sa législation, on ne le trouvera pas.

Antoine Coysevox. Eglise Saint-Louis des Invalides. XVIIe.
Cet homme qui tenait en sa main, non seulement la France, mais encore la Catalogne, la Navarre et l'Aragon ; la Flandre, la Hollande et la Frise ; les provinces de la Westphalie et de la Saxe, jusqu'à l'Elbe ; la Franconie, la Souabe, la Thuringe et la Suisse ; les deux Pannonies, c'est-à-dire l'Autriche et la Hongrie, la Dacie, la Bohème, l'Istrie, la Liburnie, la Dalmatie et jusqu'à l'Esclavonie ; enfin toute l'Italie jusqu'à la Calabre-Inférieure ; cet homme, disons-nous, est le même qui s'intitulait ainsi dans ses Capitulaires :
" Moi, Charles, par la grâce de Dieu et le don de sa miséricorde, Roi et gouverneur du Royaume des Français, dévot défenseur de la sainte Eglise de Dieu, et son humble champion."
Tant d'autres, moins puissants que lui, et qu'on sait encore admirer malgré leurs crimes, dont on dissimule avec tant d'art les dépravations, n'ont vécu, pour ainsi dire, que pour l'asservissement de l'Eglise. On a vu jusqu'à des princes pieux tenter de mettre la main sur sa liberté ; Charles l'a toujours respectée comme l'honneur de sa propre mère. C'est lui qui, marchant sur les traces de Pépin son père, a préparé généreusement l'indépendance du Siège Apostolique. Jamais les Pontifes Romains n'eurent de fils plus dévoué et plus obéissant. Bien au-dessus des jalousies de la politique, il rendit au clergé et au peuple les élections épiscopales qu'il avait trouvées aux mains du prince. Ses conquêtes eurent pour principale intention d'assurer la propagation de la foi chez les nations barbares ; on le vit entrer en Espagne pour affranchir les Chrétiens opprimés par les Sarrasins. Il voulut resserrer les liens des Eglises de son Royaume avec le Siège Apostolique, en établissant pour jamais dans tous les Etats de sa domination la Liturgie romaine. Dans sa législation tout entière, rendue dans des assemblées où les Evêques et les Abbés avaient la prépondérance, on ne trouve aucune trace de ces prétendues Libertés Gallicanes, qui consistent dans l'intervention du prince ou du magistrat civil en des matières purement ecclésiastiques.
" Charles eut tant d'amour pour l'Eglise Romaine, que le principal article de son testament fut de recommander à ses successeurs la défense de l'Eglise de saint Pierre, comme le précieux héritage de sa maison, qu'il avait reçu de son père et de son aïeul, et qu'il voulait laisser à ses enfants. Ce même amour lui fit dire, ce qui fut répété depuis par tout un Concile, sous l'un de ses descendants, que quand cette Eglise imposerait un joug à peine supportable, il le faudrait souffrir." (Bossuet, Sermon sur l'Unité de l'Eglise.).
D'où pouvait donc provenir cette modération sublime, avec laquelle Charlemagne inclinait son glaive victorieux devant la force morale, cet apaisement des mouvements de l'orgueil qui croit ordinairement en proportion de la puissance, si ce n'est de la sainteté ? L'homme seul, sans le secours d'une grâce qui habite son cœur, n'arrive point à cette élévation, et surtout n'y demeure pas durant une vie entière. Charlemagne a donc été choisi par l'Emmanuel lui-même pour être la plus admirable représentation du prince chrétien sur la terre ; et les cœurs catholiques aimeront à proclamer sa gloire en présence de l'Enfant qui vient régner sur toutes les nations, pour les régir dans la sainteté et la justice. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter du ciel l'idée de la royauté chrétienne ; et nous sommes encore à chercher dans l'histoire l'homme qui l'aurait conçue et réalisée avec autant de plénitude et de majesté que Charles le Victorieux, toujours Auguste, couronné de Dieu.

Sceptre de Charlemagne. Réalisé pour le sacre de Charles VI. XIVe.
Le Bienheureux Charles eut pour père Pépin, qui était fils du duc de Brabant, et qui fut dans la suite élu au trône de France, et pour mère Bertrade, fille de l'Empereur des Grecs. Il se montra digne, par ses hauts faits et son zèle pour la Religion chrétienne, d'être surnommé le Grand ; et un Concile de Mayence lui donna le titre de Très Chrétien. Après avoir expulsé les Lombards de l'Italie, il fut le premier qui mérita d'être couronné Empereur, par les mains du Pape Léon III.
A la prière d'Adrien, prédécesseur de Léon, il entra en Italie avec une armée et rendit à l'Eglise son patrimoine, et l'Empire à l'Occident. Il vengea le Pape Léon des violences des Romains qui l'avaient traité injurieusement, durant la grande Litanie, et chassa de la ville ceux qui s'étaient rendus coupables de ce sacrilège. Il fit beaucoup de règlements pour la dignité de l'Eglise ; entre autres il renouvela cette loi, ordonnant que les causes civiles seraient remises au jugement de l'Eglise, lorsque l'une des parties le demanderait. Quoiqu'il fût de mœurs très douces, il réprimait cependant les vices avec une grande sévérité, surtout l'adultère et l'idolâtrie, et établit des tribunaux particuliers revêtus d'un pouvoir étendu, qui, jusqu'à ce jour, existent encore dans la Basse-Saxe.
Après avoir combattu trente-trois ans contre les Saxons, il les soumit enfin, et ne leur imposa d'autre loi que de se faire chrétiens ; il obligea à perpétuité les possesseurs de terres à élever des croix de bois dans leurs champs, afin de confesser ouvertement leur foi au Christ. Il purgea la Gascogne, l'Espagne et la Galice des idolâtres qui s'y trouvaient, et il remit en honneur le tombeau de saint Jacques, comme il l'est aujourd'hui.

Sacre du bienheureux Charlemagne.
Dans la Hongrie, pendant huit ans entiers, il soutint le Christianisme par ses armes ; et il se servait contre les Sarrasins de cette lance toujours victorieuse dont un soldat avait ouvert le côté du Christ. Dieu favorisa de plusieurs prodiges tant d'efforts pour l'extension de la foi : ainsi les Saxons qui assiégeaient Sigisbourg, frappés de terreur par la main de Dieu, prirent la fuite ; et, dans la première révolte de ce peuple, il sortit de terre un fleuve abondant qui désaltéra l'armée des Francs privée d'eau depuis trois jours.
Un si grand Empereur se montrait vêtu d'un habit qui le distinguait à peine du peuple ; presque habituellement il portait le cilice ; et ce n'était qu'aux principales fêtes de Jésus-Christ et des Saints que l'or paraissait sur lui. Il défrayait les pauvres et les pèlerins, tant dans son propre palais que dans les autres contrées, par les aumônes qu'il, envoyait de toutes parts. Il bâtit vingt-quatre Monastères, et remit à chacun ce qu'on appelait îa bulle d'or, du poids de deux cents livres. Il établit deux Sièges Métropolitains et neuf Evêchés. Il construisit vingt-sept Eglises ; enfin, il fonda deux Universités, celle de Pavie et celle de Paris.
Comme Charles cultivait les lettres, il employa le docteur Alcuin pour l'éducation de ses enfants dans les sciences libérales, avant de les former aux armes et à la chasse. Enfin la soixante-huitième année de son âge, après avoir fait couronner et élire roi Louis son fils, il se donna tout entier à la prière et à l'aumône. Sa coutume était de se rendre à l'Eglise le matin et le soir, souvent même aux heures de la nuit ; car ses délices étaient d'entendre le chant grégorien, qu'il établit le premier en France et en Germanie, après avoir obtenu des chantres d'Adrien Ier.

Statue de saint Charlemagne. Parvis de la cathédrale Notre-Dame.
Il eut soin aussi de faire transcrire en tous lieux les hymnes de l'Eglise. Il écrivît les Evangiles de sa propre main, et les conféra avec les exemplaires grecs et syriaques. Il fut toujours très sobre dans le boire et dans le manger, ayant coutume de traiter les maladies par le jeûne, qu'il prolongea quelquefois jusqu'à sept jours. Enfin, après avoir beaucoup souffert de la part des méchants, il tomba malade en la soixante-douzième année de son âge.
Ayant reçu la sainte communion des mains de l'Evêque Hildebalde, et fait lui-même, sur chacun de ses membres, le signe de la croix, il récita ce verset :
" Je remets, Seigneur, mon esprit entre vos mains ", et rendit son âme à Dieu le cinq des calendes de février, plein de nombreux mérites. Il fut enseveli dans la Basilique d'Aix-la-Chapelle, qu'il avait bâtie et enrichie de reliques des Saints. Il y est honoré par la piété et l'affluence des pèlerins, et par les faveurs que Dieu accorde à son intercession. Sa fête est célébrée dans la plupart des diocèses d'Allemagne, du consentement de l'Eglise, depuis le pontificat d'Alexandre III, comme celle du principal propagateur de la foi dans le Nord.
HYMNE
L'Hymne suivante fait partie de l'Office du Bienheureux Charlemagne, d'où sont tirées les Leçons qu'on vient de lire :

Reliquaire de saint Charlemagne. Trésor d'Aix-la-Chapelle.
" Ô Roi triomphateur de l'univers, Empereur des rois de la terre, du séjour des bienheureux, daignez écouter nos gémissements.
Par vos prières la mort s'enfuit, les maladies s'éloignent, la vie est rendue ; vous désaltérez ceux qui ont soif, vous purifiez les nations par le baptême.
Votre prière renverse les murailles que l'art et la nature rendaient inexpugnables ; aux nations que vous avez vaincues, vous enseignez à porter le joug suave du Christ.
Ô digne serviteur du ciel, serviteur prudent et fidèle ! Du sein des camps, vous êtes monté aux cieux, vous êtes allé au séjour de la paix.
De votre épée frappez le rocher ; faites-en sortir pour nous une fontaine vive; implorez Dieu pour nous, par vos pieuses prières, et rendez-le clément envers nous.
Gloire et louange à la Trinité, honneur à l'Unité, qui, dans la vertu souveraine, règnent d'un droit égal.
Amen."
ANTIENNE
Cette Antienne appartient à la même Liturgie :
Ant. " Espoir des affligés, terreur des ennemis, douceur pour les vaincus, règle de vertu, sentier du droit, forme du salut, Ô Charles, recevez les pieux hommages de vos serviteurs."
SÉQUENCE
Parmi les Séquences consacrées à notre grand Empereur, nous trouvons la suivante, extraite d'un ancien Missel d'Aix-la-Chapelle :

" Joyeuse ". Epée du bienheureux Charlemagne ;
" Cité d'Aix, cité royale, siège principal de la royauté, palais préféré de nos princes ;
Chante gloire au Roi des rois, aujourd'hui que tu célèbres la mémoire du grand roi Charles.
Que notre chœur chante dans l'allégresse, que le clergé fasse entendre le mélodieux accord des voix.
Quand la main est occupée aux bonnes œuvres, le cœur médite douce psalmodie.
En ce jour de fête, que l'Eglise honore les grands gestes du grand Roi.
Rois et peuples de la terre, que tous applaudissent d'un concert joyeux.
Charles est le fort soldat du Christ, le chef de l'invincible cohorte ; à lui seul il renverse dix mille combattants.
De l'ivraie il purge la terre ; il affranchit la moisson, en sarclant de son glaive cette herbe maudite.
C'est là le grand Empereur, bon semeur d'une bonne semence, et prudent agriculteur.
Il convertit les infidèles, il renverse temples et dieux ; sa main brise les idoles.
Il dompte les rois superbes, il fait régner les saintes lois avec la justice ;
La justice : mais il lui donne pour compagne la miséricorde.
Il est sacré de l'huile de liesse, par un don de grâce, plus que tous les autres rois.
Avec la couronne de gloire, il reçoit les insignes de l'Impériale Majesté.
Ô Roi triomphateur du monde, toi qui règnes avec Jésus-Christ, Ô père saint ! Ô Charles ! Sois notre intercesseur ;
Afin que, purs de tout péché, dans le royaume de la lumière, nous, ton peuple, soyons les habitants du ciel avec les bienheureux.
Etoile de la mer, Ô Marie, salut du monde, voie de la vie ! Dirige nos pas vacillants et donne-nous accès auprès du Roi suprême, dans la gloire sans fin.
Ô Christ ! splendeur du Dieu Père, fils de la Mère immaculée, par ce Saint dont nous fêtons le jour, daigne nous accorder l'éternelle joie.
Amen."
COLLECTE
Nous conclurons les hommages rendus par les diverses Eglises au Bienheureux Charlemagne, en donnant ici la Collecte de sa fête :

Statuette équestre de Charlemagne.
" Ô Dieu, qui, dans la surabondante fécondité de votre bonté, avez décoré du manteau de la glorieuse immortalité le bienheureux Empereur Charlemagne, après qu'il a eu déposé le voile de la chair : accordez à nos prières de mériter pour pieux intercesseur dans les cieux, celui que vous avez élevé sur la terre à l'honneur de l'Empire, pour la propagation de la vraie foi. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
Dans ces jours où nous célébrons le divin enfantement de la Reine des deux, vous lui présentez le temple gracieux et magnifique que vous élevâtes en son honneur, et qui fait encore sur la terre notre admiration. C'est dans ce saint lieu que vos pieuses mains placèrent les langes de son divin Fils ; en retour, l'Emmanuel a voulu que vos ossements sacrés y reposassent avec gloire, afin d'y recevoir les témoignages de la vénération des peuples. Glorieux héritier de la foi des trois Rois de l'Orient, présentez-nous à Celui qui daigna revêtir ces humbles tissus. Demandez pour nous une part de cette humilité avec laquelle vous aimiez à vous incliner devant la crèche, de cette pieuse joie que goûtait votre cœur dans les solennités que nous célébrons, de ce zèle ardent qui vous fit entreprendre tant de travaux pour la gloire du Fils de Dieu, de cette force qui ne vous abandonna jamais dans la recherche de son Royaume.

Antoine Etex. Palais du Luxembourg. Hémicycle du Sénat. Paris. XIXe.
Puissant Empereur, qui fûtes autrefois l'arbitre de la famille européenne réunie tout entière sous votre sceptre, prenez en pitié cette société qui s'écroule aujourd'hui de toutes parts. Après mille ans, l'Empire que l'Eglise avait confié à vos mains est tombé : tel a été le châtiment de son infidélité envers l'Eglise qui l'avait fondé. Mais les nations sont restées, et s'agitent dans l'inquiétude. L'Eglise seule peut leur rendre la vie par la foi ; seule, elle est demeurée dépositaire des notions du droit public ; seule, elle peut régler le pouvoir, et consacrer l'obéissance. Faites que le jour luise bientôt, où la société rétablie sur ses bases cessera de demander aux révolutions l'ordre et la liberté.
Arrêtez les progrès des faux empires qui s'élèvent au Nord sur le schisme et l'hérésie, et ne permettez pas que les peuples du Saint Empire Romain deviennent à jamais leur proie."
Son corps fut solennellement enterré dans la cathédrate qu'il avait fait bâtir, et trois cent cinquante-un ans après, il fut levé de terre par les soins de Frédéric Ier, Barberousse, et son chef fut transféré à Osnabruck où il avait fondé une école religieuse de littératures grecque et latine. L'essentiel des reliques restèrent à Aix-la-Chapelle où elles sont toujours conservées.
Dans nos églises de France nous ne nous faisons aucun scrupule de donner le titre de saints et d'honorer comme tels un nombre considérable d'évêques sur la sainteté desquels aucun décret n'a été rendu par personne et dont le culte n'est jamais sortit de la limite de leurs diocèses ; les nombreuses églises qui honorent, depuis près de sept siècles, la mémoire du grand empereur Charlemagne, se contentent, par respect pour le Martyrologe romain, où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux. Pour ne citer qu'un exemple, une église lui est encore dédiée dans l'ancien diocèse de Sarlat, en Périgord.
Avant l'époque de la Réforme, le nom du bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos églises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen sont les seuls qui l'aient conservé aujourd'hui. Plus de trente églises en Allemagne célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand empereur ; sa chère église d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Il est conservé dans une châsse de vermeil. Un de ses bras est dans un reliquaire à part. On trouve dans la grosseur des os de ce bras la preuve de ce que les auteurs racontent sur la haute taille et la force corporelle du grand empereur. Dans le trésor de la même église se trouve aussi son cor de chasse, et dans une galerie, le siège de pierre sur lequel il était assis dans son tombeau.
On sait que c'est sur ce siège que les empereurs d'Allemagne étaient installés, le jour de leur couronnement.
L'Université de Paris le choisit pour patron en 1661.
Plusieurs Martyrologes de France, d'Allemagne et de Flandre font mémoire de saint Charlemagne le 28 janvier, Ferrarius ne l'a pas oublié dans son supplément des Saints qui ne sont pas dans le Martyrologe romain, non plus qn'Usoald ni Molan. Nous avons tiré ce que nous en avons dit en ce recueil, d'Eginhard, qui a été son chancelier et qui se fit religieux de l'Ordre de Saint-Benoît, après la mort de son mattre, et des autres mémoires que Bollandus rapporte dans le second tome des Actes des Saints, où l'on peut voir quelques miracles qui ont été faits par les mérites de notre saint roi. Sur la vie de saint Charlemagne, en peut encore consulter ce qu'en a écrit le bienheureux Notker, moine de Saint-Gall, au IXe siècle.
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