dimanche, 28 janvier 2024
28 janvier. Bienheureux Charlemagne, roi de france, empereur d'Occident. 814.
- Le bienheureux Charlemagne, roi de France, empereur d'Occident. 814.
Pape : Saint Léon III.
" A asseoir les sociétés humaines, Dieu a voulu ces deux mains, le Pape et l'Empereur. D'accord, ces deux mains peuvent tout bien ; contraires, elles sont impuissantes contre tout mal. Sans l'Empereur, le Pape n'est qu'un martyr immortel ; sans le Pape, l'Empereur n'est qu'un dieu de prétoriens, une idole souvent refondue."
Louis Veuillot, Parfums de Rome, ch. 22.
Le bienheureux Charlemagne. A. Dürer. XVIe.
Au gracieux souvenir de la douce martyre Agnès, un grand nombre d'Eglises, surtout en Allemagne, associent aujourd'hui la mémoire imposante du pieux Empereur Charlemagne. L'Emmanuel, en venant en ce monde, doit recevoir le titre de Roi des rois et de Seigneur des seigneurs ; il doit ceindre l'épée et tenir sous son sceptre la multitude des nations : quoi de plus juste que d'amener à son berceau le plus grand des princes chrétiens, celui qui se fit toujours gloire de mettre son épée au service du Christ et de son Eglise !
Le respect des peuples était déjà préparé en faveur de la sainteté de Charlemagne, lorsque Frédéric Barberousse fit rendre le décret de sa canonisation par l'antipape Pascal III, en 1165 : c'est pourquoi le Siège Apostolique, sans vouloir approuver une procédure irrégulière, ni la recommencer dans les formes, puisqu'on ne lui en a pas fait la demande, a cru devoir respecter ce culte en tous les lieux où il fut établi. Cependant les nombreuses Eglises qui honorent, depuis plus de sept siècles, la mémoire du grand Charles, se contentent, par respect pour le martyrologe Romain où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux.
Agostino Cornacchini. Facade de la
Avant l'époque de la Réforme, le nom du Bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos Eglises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen l'avaient conservé jusqu'à nos jours. L'Eglise de Paris le sacrifia, de bonne heure, aux préjugés des Docteurs dont les opinions avancées se manifestèrent dans son Université, dès la première moitié du XVIe siècle.
Il n'entre point dans le plan de cet ouvrage de discuter les raisons pour lesquelles un culte a été attribué aux Saints sur lesquels nous réunissons les éloges liturgiques ; on ne doit donc pas attendre de nous une démonstration en forme de la sainteté de Charlemagne. Cependant nous avouerons, en passant, que nous inclinons avec Bossuet, dont la sévérité en morale est assez connue, à croire que les moeurs de Charlemagne furent toujours pures :
" Vaillant, savant, modéré, guerrier sans ambition, et exemplaire dans sa vie, je le veux bien dire en passant, malgré les reproches des siècles ignorants, ses conquêtes prodigieuses furent la dilatation du règne de Dieu, et il se montra très chrétien dans toutes ses oeuvres." (Bossuet, Sermon sur l'unité de l'Eglise.).
Indépendamment du sentiment des auteurs si graves que nous venons de citer, un fait incontestable suffit pour garantir Charlemagne de tout reproche sérieux au sujet de la pluralité des femmes, du moins depuis le renvoi d'Hermengarde, pour reprendre Himiltrude. Le prince avait alors vingt-huit ans. On connaît la sévérité des Pontifes romains sur le respect dû au mariage par les princes. L'histoire du moyen âge est remplie du récit des luttes qu'ils ont soutenues pour venger un point si essentiel de la morale chrétienne contre les monarques même les plus puissants, et quelquefois les plus dévoués à l'Eglise. Comment serait-il possible que saint Adrien Ier, qui siégea de 772 à 795, et fut honoré par Charlemagne comme un père, dont celui-ci requérait l'avis en toutes choses, eût laissé ce prince s'abandonner aux plus graves désordres, sans réclamer, tandis qu'Etienne IV, qui n'a siégé que trois ans, et n'a pas eu la même influence sur Charlemagne, a bien su procurer le renvoi d'Hermengarde ? Comment serait-il possible que saint Léon III, qui a siégé de 795 jusqu'après la mort de Charlemagne, dont il a récompensé la piété en lui mettant sur la tête la couronne impériale, n'eût fait aucun effort pour le détacher des concubines qui auraient succédé à la dernière reine Liutgarde ? Or, nous ne trouvons aucune trace de telles réclamations de la part des deux Pontifes qui ont occupé, à eux seuls, le Saint-Siège pendant plus de quarante ans, et que l'Eglise universelle a placés sur ses autels ; nous sommes donc en droit de conclure que l'honneur de l'Eglise est intéressé dans cette question, et il est de notre devoir de catholiques de n'être pas indifférents à la cause des mœurs de Charlemagne.
Le bienheureux Charlemagne et des écoliers. Karl von Blaas. XIXe.
Quoi qu'il en soit des motifs de conscience qui légitimèrent, aux yeux de ce prince, la répudiation d'Himiltrude, dont il paraît, par la lettre d'Etienne IV, que le mariage avait pu être cassé comme invalide, quoique à tort, Charlemagne trouva, plus tard, dans sa propre conduite, assez de confiance pour insister avec la plus grande énergie contre le crime d'adultère, et même de simple fornication, dans ses Capitulaires. Nous nous contenterons de citer un seul exemple de cette vigueur chrétienne ; et nous demanderons à tout homme de bonne foi s'il eût été possible à un prince compromis lui-même dans ses mœurs, de s'exprimer, non seulement avec cette simplicité tout évangélique, mais encore avec cette assurance d'honnête homme, en présence des évêques et des abbés de son empire, en face des Princes et des Barons dont il voulait contenir les passions, et qui auraient été en mesure d'opposer à ses exhortations et à ses menaces le spectacle humiliant de sa propre conduite :
" Nous défendons, sous peine de sacrilège, dit-il dans un Capitulaire publié sous le pontificat de saint Léon III, l'envahissement des biens de l'Eglise, les injustices de tout genre, les adultères, les fornications, les incestes, les unions illicites, les homicides injustes, etc., par lesquels nous savons que périssent, non seulement les royaumes et les rois, mais encore les simples particuliers. Et comme, par le secours de Dieu, par le mérite et l'intercession des Saints et des serviteurs de Dieu, que nous avons toujours honorés, nous avons acquis jusqu'ici grand nombre de royaumes, et remporté beaucoup de victoires, c'est à nous tous de prendre garde de ne pas mériter de perdre ces biens par les susdits crimes et luxures honteuses. En effet, nous savons que beaucoup de contrées, dans lesquelles ont eu lieu ces envahissements des biens des Eglises, ces injustices, ces adultères, ces prostitutions, n'ont su être ni braves dans la guerre, ni stables dans la foi. Chacun peut, en lisant leurs histoires, connaître comment le Seigneur a permis aux Sarrasins et autres peuples de subjuguer les ouvriers de telles iniquités ; et nous ne doutons pas que semblables choses ne nous arrivassent, si nous ne nous gardions de tels méfaits ; car Dieu a coutume de les venger. Que chacun de nos sujets sache donc que celui qui sera surpris et convaincu de quelqu'un de ces crimes, perdra tous ses honneurs, s'il en a ; qu'il sera mis en prison, jusqu'à ce qu'il se soit amendé et qu'il ait fait la satisfaction d'une pénitence publique ; et aussi qu'il sera séparé de toute société des fidèles, tant nous devons craindre la fosse dans laquelle nous savons que d'autres sont tombés."
Charlemagne eût-il tenu ce langage, si, comme on l'a prétendu, sa vieillesse eût été livrée à la débauche, au temps même où il publiait ce Capitulaire, c'est-à-dire après la mort de Liutgarde ?
Quand bien même on admettrait que ce grand prince eût commis des fautes, c'est aux premières années de son règne qu'il faudrait les reporter; alors il serait juste, en même temps, de considérer dans le reste de sa vie les traces admirables de la plus sincère pénitence. N'est-ce pas un spectacle merveilleux que devoir un si grand guerrier, parvenu à la monarchie universelle, s'exercer continuellement, non seulement à la sobriété, si rare dans sa race, mais encore à des jeûnes comparables à ceux des plus fervents solitaires, porter le cilice jusqu'à la mort, assister de jour et de nuit aux Offices de l'Eglise, jusque dans ses campagnes, sous la tente ; secourir par l'aumône, qui, comme parle l'Ecriture, couvre la multitude des péchés, non seulement tous les pauvres de ses Etats, qui venaient implorer sa charité, mais jusqu'aux chrétiens de l'Afrique, de l'Egypte, de la Syrie, de la Palestine, en faveur desquels il épuisa souvent ses trésors ? Mais, ce qui dépasse tout, et nous découvre dans Charlemagne, d'un seul trait, l'ensemble des vertus chrétiennes que l'on peut désirer dans un prince, c'est qu'il ne parut avoir reçu le pouvoir suprême que pour le faire servira l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre. Si l'on cherche un autre mobile dans tout ce qu'il a fait par ses victoires et par sa législation, on ne le trouvera pas.
Antoine Coysevox. Eglise Saint-Louis des Invalides. XVIIe.
Cet homme qui tenait en sa main, non seulement la France, mais encore la Catalogne, la Navarre et l'Aragon ; la Flandre, la Hollande et la Frise ; les provinces de la Westphalie et de la Saxe, jusqu'à l'Elbe ; la Franconie, la Souabe, la Thuringe et la Suisse ; les deux Pannonies, c'est-à-dire l'Autriche et la Hongrie, la Dacie, la Bohème, l'Istrie, la Liburnie, la Dalmatie et jusqu'à l'Esclavonie ; enfin toute l'Italie jusqu'à la Calabre-Inférieure ; cet homme, disons-nous, est le même qui s'intitulait ainsi dans ses Capitulaires :
" Moi, Charles, par la grâce de Dieu et le don de sa miséricorde, Roi et gouverneur du Royaume des Français, dévot défenseur de la sainte Eglise de Dieu, et son humble champion."
Tant d'autres, moins puissants que lui, et qu'on sait encore admirer malgré leurs crimes, dont on dissimule avec tant d'art les dépravations, n'ont vécu, pour ainsi dire, que pour l'asservissement de l'Eglise. On a vu jusqu'à des princes pieux tenter de mettre la main sur sa liberté ; Charles l'a toujours respectée comme l'honneur de sa propre mère. C'est lui qui, marchant sur les traces de Pépin son père, a préparé généreusement l'indépendance du Siège Apostolique. Jamais les Pontifes Romains n'eurent de fils plus dévoué et plus obéissant. Bien au-dessus des jalousies de la politique, il rendit au clergé et au peuple les élections épiscopales qu'il avait trouvées aux mains du prince. Ses conquêtes eurent pour principale intention d'assurer la propagation de la foi chez les nations barbares ; on le vit entrer en Espagne pour affranchir les Chrétiens opprimés par les Sarrasins. Il voulut resserrer les liens des Eglises de son Royaume avec le Siège Apostolique, en établissant pour jamais dans tous les Etats de sa domination la Liturgie romaine. Dans sa législation tout entière, rendue dans des assemblées où les Evêques et les Abbés avaient la prépondérance, on ne trouve aucune trace de ces prétendues Libertés Gallicanes, qui consistent dans l'intervention du prince ou du magistrat civil en des matières purement ecclésiastiques.
" Charles eut tant d'amour pour l'Eglise Romaine, que le principal article de son testament fut de recommander à ses successeurs la défense de l'Eglise de saint Pierre, comme le précieux héritage de sa maison, qu'il avait reçu de son père et de son aïeul, et qu'il voulait laisser à ses enfants. Ce même amour lui fit dire, ce qui fut répété depuis par tout un Concile, sous l'un de ses descendants, que quand cette Eglise imposerait un joug à peine supportable, il le faudrait souffrir." (Bossuet, Sermon sur l'Unité de l'Eglise.).
D'où pouvait donc provenir cette modération sublime, avec laquelle Charlemagne inclinait son glaive victorieux devant la force morale, cet apaisement des mouvements de l'orgueil qui croit ordinairement en proportion de la puissance, si ce n'est de la sainteté ? L'homme seul, sans le secours d'une grâce qui habite son cœur, n'arrive point à cette élévation, et surtout n'y demeure pas durant une vie entière. Charlemagne a donc été choisi par l'Emmanuel lui-même pour être la plus admirable représentation du prince chrétien sur la terre ; et les cœurs catholiques aimeront à proclamer sa gloire en présence de l'Enfant qui vient régner sur toutes les nations, pour les régir dans la sainteté et la justice. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter du ciel l'idée de la royauté chrétienne ; et nous sommes encore à chercher dans l'histoire l'homme qui l'aurait conçue et réalisée avec autant de plénitude et de majesté que Charles le Victorieux, toujours Auguste, couronné de Dieu.
Sceptre de Charlemagne. Réalisé pour le sacre de Charles VI. XIVe.
Le Bienheureux Charles eut pour père Pépin, qui était fils du duc de Brabant, et qui fut dans la suite élu au trône de France, et pour mère Bertrade, fille de l'Empereur des Grecs. Il se montra digne, par ses hauts faits et son zèle pour la Religion chrétienne, d'être surnommé le Grand ; et un Concile de Mayence lui donna le titre de Très Chrétien. Après avoir expulsé les Lombards de l'Italie, il fut le premier qui mérita d'être couronné Empereur, par les mains du Pape Léon III.
A la prière d'Adrien, prédécesseur de Léon, il entra en Italie avec une armée et rendit à l'Eglise son patrimoine, et l'Empire à l'Occident. Il vengea le Pape Léon des violences des Romains qui l'avaient traité injurieusement, durant la grande Litanie, et chassa de la ville ceux qui s'étaient rendus coupables de ce sacrilège. Il fit beaucoup de règlements pour la dignité de l'Eglise ; entre autres il renouvela cette loi, ordonnant que les causes civiles seraient remises au jugement de l'Eglise, lorsque l'une des parties le demanderait. Quoiqu'il fût de mœurs très douces, il réprimait cependant les vices avec une grande sévérité, surtout l'adultère et l'idolâtrie, et établit des tribunaux particuliers revêtus d'un pouvoir étendu, qui, jusqu'à ce jour, existent encore dans la Basse-Saxe.
Après avoir combattu trente-trois ans contre les Saxons, il les soumit enfin, et ne leur imposa d'autre loi que de se faire chrétiens ; il obligea à perpétuité les possesseurs de terres à élever des croix de bois dans leurs champs, afin de confesser ouvertement leur foi au Christ. Il purgea la Gascogne, l'Espagne et la Galice des idolâtres qui s'y trouvaient, et il remit en honneur le tombeau de saint Jacques, comme il l'est aujourd'hui.
Sacre du bienheureux Charlemagne.
Dans la Hongrie, pendant huit ans entiers, il soutint le Christianisme par ses armes ; et il se servait contre les Sarrasins de cette lance toujours victorieuse dont un soldat avait ouvert le côté du Christ. Dieu favorisa de plusieurs prodiges tant d'efforts pour l'extension de la foi : ainsi les Saxons qui assiégeaient Sigisbourg, frappés de terreur par la main de Dieu, prirent la fuite ; et, dans la première révolte de ce peuple, il sortit de terre un fleuve abondant qui désaltéra l'armée des Francs privée d'eau depuis trois jours.
Un si grand Empereur se montrait vêtu d'un habit qui le distinguait à peine du peuple ; presque habituellement il portait le cilice ; et ce n'était qu'aux principales fêtes de Jésus-Christ et des Saints que l'or paraissait sur lui. Il défrayait les pauvres et les pèlerins, tant dans son propre palais que dans les autres contrées, par les aumônes qu'il, envoyait de toutes parts. Il bâtit vingt-quatre Monastères, et remit à chacun ce qu'on appelait îa bulle d'or, du poids de deux cents livres. Il établit deux Sièges Métropolitains et neuf Evêchés. Il construisit vingt-sept Eglises ; enfin, il fonda deux Universités, celle de Pavie et celle de Paris.
Comme Charles cultivait les lettres, il employa le docteur Alcuin pour l'éducation de ses enfants dans les sciences libérales, avant de les former aux armes et à la chasse. Enfin la soixante-huitième année de son âge, après avoir fait couronner et élire roi Louis son fils, il se donna tout entier à la prière et à l'aumône. Sa coutume était de se rendre à l'Eglise le matin et le soir, souvent même aux heures de la nuit ; car ses délices étaient d'entendre le chant grégorien, qu'il établit le premier en France et en Germanie, après avoir obtenu des chantres d'Adrien Ier.
Statue de saint Charlemagne. Parvis de la cathédrale Notre-Dame.
" A asseoir les sociétés humaines, Dieu a voulu ces deux mains, le Pape et l'Empereur. D'accord, ces deux mains peuvent tout bien ; contraires, elles sont impuissantes contre tout mal. Sans l'Empereur, le Pape n'est qu'un martyr immortel ; sans le Pape, l'Empereur n'est qu'un dieu de prétoriens, une idole souvent refondue."
Louis Veuillot, Parfums de Rome, ch. 22.
Le bienheureux Charlemagne. A. Dürer. XVIe.
Au gracieux souvenir de la douce martyre Agnès, un grand nombre d'Eglises, surtout en Allemagne, associent aujourd'hui la mémoire imposante du pieux Empereur Charlemagne. L'Emmanuel, en venant en ce monde, doit recevoir le titre de Roi des rois et de Seigneur des seigneurs ; il doit ceindre l'épée et tenir sous son sceptre la multitude des nations : quoi de plus juste que d'amener à son berceau le plus grand des princes chrétiens, celui qui se fit toujours gloire de mettre son épée au service du Christ et de son Eglise !
Le respect des peuples était déjà préparé en faveur de la sainteté de Charlemagne, lorsque Frédéric Barberousse fit rendre le décret de sa canonisation par l'antipape Pascal III, en 1165 : c'est pourquoi le Siège Apostolique, sans vouloir approuver une procédure irrégulière, ni la recommencer dans les formes, puisqu'on ne lui en a pas fait la demande, a cru devoir respecter ce culte en tous les lieux où il fut établi. Cependant les nombreuses Eglises qui honorent, depuis plus de sept siècles, la mémoire du grand Charles, se contentent, par respect pour le martyrologe Romain où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux.
Agostino Cornacchini. Facade de la
basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIIe (1725).
Avant l'époque de la Réforme, le nom du Bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos Eglises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen l'avaient conservé jusqu'à nos jours. L'Eglise de Paris le sacrifia, de bonne heure, aux préjugés des Docteurs dont les opinions avancées se manifestèrent dans son Université, dès la première moitié du XVIe siècle.
La Réforme avait conçu de l'antipathie contre un homme qui avait été la plus magnifique et la plus complète représentation du Prince catholique ; et ce fut bien moins le défaut d'une canonisation en règle que l'on mit en avant pour effacer du calendrier le nom de Charlemagne, que la prétendue licence de ses mœurs, dont on affecta de relever le scandale. Sur cette question comme sur bien d'autres, le sentiment public se forma à la légère ; et nous ne nous dissimulons pas que les personnes qui se sont le moins occupées d'étudier les titres de Charlemagne à la sainteté, seront les plus étonnées de trouver son nom dans cet ouvrage.
Plus de trente Eglises, en Allemagne, célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand Empereur ; sa chère Eglise d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Les Vies des Saints publiées en France, même celle de Baillet et de Godescard, n'ont point été infidèles à sa mémoire. Par un étrange retour, l'Université de Paris le choisit pour son Patron en 1661 ; mais sa fête, qui était abrogée depuis plus d'un siècle, ne se releva que comme solennité civile, sans aucune mention dans la Liturgie.
Plus de trente Eglises, en Allemagne, célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand Empereur ; sa chère Eglise d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Les Vies des Saints publiées en France, même celle de Baillet et de Godescard, n'ont point été infidèles à sa mémoire. Par un étrange retour, l'Université de Paris le choisit pour son Patron en 1661 ; mais sa fête, qui était abrogée depuis plus d'un siècle, ne se releva que comme solennité civile, sans aucune mention dans la Liturgie.
Grandes heures d'Etienne Chevalier. Jean Fouquet. XVe.
Il n'entre point dans le plan de cet ouvrage de discuter les raisons pour lesquelles un culte a été attribué aux Saints sur lesquels nous réunissons les éloges liturgiques ; on ne doit donc pas attendre de nous une démonstration en forme de la sainteté de Charlemagne. Cependant nous avouerons, en passant, que nous inclinons avec Bossuet, dont la sévérité en morale est assez connue, à croire que les moeurs de Charlemagne furent toujours pures :
" Vaillant, savant, modéré, guerrier sans ambition, et exemplaire dans sa vie, je le veux bien dire en passant, malgré les reproches des siècles ignorants, ses conquêtes prodigieuses furent la dilatation du règne de Dieu, et il se montra très chrétien dans toutes ses oeuvres." (Bossuet, Sermon sur l'unité de l'Eglise.).
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Le préjugé contraire, qui n'a pour lui que quelques textes assez vagues et contradictoires de certains auteurs du moyen âge, a dû ses développements à la malheureuse influence de l'esprit protestant. Nous rappellerons que dom Mabillon, qui insiste sur le fait de la répudiation d'Hermengarde, que cet Empereur quitta pour reprendre Himiltrude, sa première femme, comme sur une action qui fut justement blâmée, conclut le récit des actions de Charlemagne, dans ses Annales Bénédictines, en avouant qu'il n'est pas démontré que la pluralité des femmes de ce prince ait été simultanée. Le père Le Cointe et le père Noël Alexandre, auteurs non suspects de partialité, et qui ont examiné à fond la question, montrent, avec évidence, que le seul reproche qui puisse être adressé à Charlemagne, au sujet des femmes, est relatif à la répudiation d'Himiltrude, qu'il quitta momentanément pour prendre Hermengarde, par complaisance pour sa mère, et qu'il reprit, l'année suivante, pour obéir à son devoir, et céder aux remontrances du Pape Etienne IV. Nous avouons volontiers qu'après la mort de Liutgarde, la dernière de ses femmes qui ait eu les honneurs de Reine, Charlemagne en a eu plusieurs autres, qui sont appelées concubines par Eginhard, parce qu'elles ne portaient point la couronne, et que leurs enfants n'étaient pas considérés comme princes du sang ; mais nous disons, avec dom Mabillon, que Charlemagne a pu avoir successivement ces femmes : ce qui, dit-il, est tout à fait croyable de la part d'un prince si religieux, et à qui les lois de l'Eglise étaient tant à cœur (Annales Benedictini. Tome II, pag. 408.).
Les Saxons, soumis, se convertissent à la vraie religion.
Indépendamment du sentiment des auteurs si graves que nous venons de citer, un fait incontestable suffit pour garantir Charlemagne de tout reproche sérieux au sujet de la pluralité des femmes, du moins depuis le renvoi d'Hermengarde, pour reprendre Himiltrude. Le prince avait alors vingt-huit ans. On connaît la sévérité des Pontifes romains sur le respect dû au mariage par les princes. L'histoire du moyen âge est remplie du récit des luttes qu'ils ont soutenues pour venger un point si essentiel de la morale chrétienne contre les monarques même les plus puissants, et quelquefois les plus dévoués à l'Eglise. Comment serait-il possible que saint Adrien Ier, qui siégea de 772 à 795, et fut honoré par Charlemagne comme un père, dont celui-ci requérait l'avis en toutes choses, eût laissé ce prince s'abandonner aux plus graves désordres, sans réclamer, tandis qu'Etienne IV, qui n'a siégé que trois ans, et n'a pas eu la même influence sur Charlemagne, a bien su procurer le renvoi d'Hermengarde ? Comment serait-il possible que saint Léon III, qui a siégé de 795 jusqu'après la mort de Charlemagne, dont il a récompensé la piété en lui mettant sur la tête la couronne impériale, n'eût fait aucun effort pour le détacher des concubines qui auraient succédé à la dernière reine Liutgarde ? Or, nous ne trouvons aucune trace de telles réclamations de la part des deux Pontifes qui ont occupé, à eux seuls, le Saint-Siège pendant plus de quarante ans, et que l'Eglise universelle a placés sur ses autels ; nous sommes donc en droit de conclure que l'honneur de l'Eglise est intéressé dans cette question, et il est de notre devoir de catholiques de n'être pas indifférents à la cause des mœurs de Charlemagne.
Le bienheureux Charlemagne et des écoliers. Karl von Blaas. XIXe.
Quoi qu'il en soit des motifs de conscience qui légitimèrent, aux yeux de ce prince, la répudiation d'Himiltrude, dont il paraît, par la lettre d'Etienne IV, que le mariage avait pu être cassé comme invalide, quoique à tort, Charlemagne trouva, plus tard, dans sa propre conduite, assez de confiance pour insister avec la plus grande énergie contre le crime d'adultère, et même de simple fornication, dans ses Capitulaires. Nous nous contenterons de citer un seul exemple de cette vigueur chrétienne ; et nous demanderons à tout homme de bonne foi s'il eût été possible à un prince compromis lui-même dans ses mœurs, de s'exprimer, non seulement avec cette simplicité tout évangélique, mais encore avec cette assurance d'honnête homme, en présence des évêques et des abbés de son empire, en face des Princes et des Barons dont il voulait contenir les passions, et qui auraient été en mesure d'opposer à ses exhortations et à ses menaces le spectacle humiliant de sa propre conduite :
" Nous défendons, sous peine de sacrilège, dit-il dans un Capitulaire publié sous le pontificat de saint Léon III, l'envahissement des biens de l'Eglise, les injustices de tout genre, les adultères, les fornications, les incestes, les unions illicites, les homicides injustes, etc., par lesquels nous savons que périssent, non seulement les royaumes et les rois, mais encore les simples particuliers. Et comme, par le secours de Dieu, par le mérite et l'intercession des Saints et des serviteurs de Dieu, que nous avons toujours honorés, nous avons acquis jusqu'ici grand nombre de royaumes, et remporté beaucoup de victoires, c'est à nous tous de prendre garde de ne pas mériter de perdre ces biens par les susdits crimes et luxures honteuses. En effet, nous savons que beaucoup de contrées, dans lesquelles ont eu lieu ces envahissements des biens des Eglises, ces injustices, ces adultères, ces prostitutions, n'ont su être ni braves dans la guerre, ni stables dans la foi. Chacun peut, en lisant leurs histoires, connaître comment le Seigneur a permis aux Sarrasins et autres peuples de subjuguer les ouvriers de telles iniquités ; et nous ne doutons pas que semblables choses ne nous arrivassent, si nous ne nous gardions de tels méfaits ; car Dieu a coutume de les venger. Que chacun de nos sujets sache donc que celui qui sera surpris et convaincu de quelqu'un de ces crimes, perdra tous ses honneurs, s'il en a ; qu'il sera mis en prison, jusqu'à ce qu'il se soit amendé et qu'il ait fait la satisfaction d'une pénitence publique ; et aussi qu'il sera séparé de toute société des fidèles, tant nous devons craindre la fosse dans laquelle nous savons que d'autres sont tombés."
Les reliques du bx Charlemagne sont toujours à Aix-la-Chapelle.
Charlemagne eût-il tenu ce langage, si, comme on l'a prétendu, sa vieillesse eût été livrée à la débauche, au temps même où il publiait ce Capitulaire, c'est-à-dire après la mort de Liutgarde ?
Quand bien même on admettrait que ce grand prince eût commis des fautes, c'est aux premières années de son règne qu'il faudrait les reporter; alors il serait juste, en même temps, de considérer dans le reste de sa vie les traces admirables de la plus sincère pénitence. N'est-ce pas un spectacle merveilleux que devoir un si grand guerrier, parvenu à la monarchie universelle, s'exercer continuellement, non seulement à la sobriété, si rare dans sa race, mais encore à des jeûnes comparables à ceux des plus fervents solitaires, porter le cilice jusqu'à la mort, assister de jour et de nuit aux Offices de l'Eglise, jusque dans ses campagnes, sous la tente ; secourir par l'aumône, qui, comme parle l'Ecriture, couvre la multitude des péchés, non seulement tous les pauvres de ses Etats, qui venaient implorer sa charité, mais jusqu'aux chrétiens de l'Afrique, de l'Egypte, de la Syrie, de la Palestine, en faveur desquels il épuisa souvent ses trésors ? Mais, ce qui dépasse tout, et nous découvre dans Charlemagne, d'un seul trait, l'ensemble des vertus chrétiennes que l'on peut désirer dans un prince, c'est qu'il ne parut avoir reçu le pouvoir suprême que pour le faire servira l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre. Si l'on cherche un autre mobile dans tout ce qu'il a fait par ses victoires et par sa législation, on ne le trouvera pas.
Antoine Coysevox. Eglise Saint-Louis des Invalides. XVIIe.
Cet homme qui tenait en sa main, non seulement la France, mais encore la Catalogne, la Navarre et l'Aragon ; la Flandre, la Hollande et la Frise ; les provinces de la Westphalie et de la Saxe, jusqu'à l'Elbe ; la Franconie, la Souabe, la Thuringe et la Suisse ; les deux Pannonies, c'est-à-dire l'Autriche et la Hongrie, la Dacie, la Bohème, l'Istrie, la Liburnie, la Dalmatie et jusqu'à l'Esclavonie ; enfin toute l'Italie jusqu'à la Calabre-Inférieure ; cet homme, disons-nous, est le même qui s'intitulait ainsi dans ses Capitulaires :
" Moi, Charles, par la grâce de Dieu et le don de sa miséricorde, Roi et gouverneur du Royaume des Français, dévot défenseur de la sainte Eglise de Dieu, et son humble champion."
Tant d'autres, moins puissants que lui, et qu'on sait encore admirer malgré leurs crimes, dont on dissimule avec tant d'art les dépravations, n'ont vécu, pour ainsi dire, que pour l'asservissement de l'Eglise. On a vu jusqu'à des princes pieux tenter de mettre la main sur sa liberté ; Charles l'a toujours respectée comme l'honneur de sa propre mère. C'est lui qui, marchant sur les traces de Pépin son père, a préparé généreusement l'indépendance du Siège Apostolique. Jamais les Pontifes Romains n'eurent de fils plus dévoué et plus obéissant. Bien au-dessus des jalousies de la politique, il rendit au clergé et au peuple les élections épiscopales qu'il avait trouvées aux mains du prince. Ses conquêtes eurent pour principale intention d'assurer la propagation de la foi chez les nations barbares ; on le vit entrer en Espagne pour affranchir les Chrétiens opprimés par les Sarrasins. Il voulut resserrer les liens des Eglises de son Royaume avec le Siège Apostolique, en établissant pour jamais dans tous les Etats de sa domination la Liturgie romaine. Dans sa législation tout entière, rendue dans des assemblées où les Evêques et les Abbés avaient la prépondérance, on ne trouve aucune trace de ces prétendues Libertés Gallicanes, qui consistent dans l'intervention du prince ou du magistrat civil en des matières purement ecclésiastiques.
Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIe.
" Charles eut tant d'amour pour l'Eglise Romaine, que le principal article de son testament fut de recommander à ses successeurs la défense de l'Eglise de saint Pierre, comme le précieux héritage de sa maison, qu'il avait reçu de son père et de son aïeul, et qu'il voulait laisser à ses enfants. Ce même amour lui fit dire, ce qui fut répété depuis par tout un Concile, sous l'un de ses descendants, que quand cette Eglise imposerait un joug à peine supportable, il le faudrait souffrir." (Bossuet, Sermon sur l'Unité de l'Eglise.).
D'où pouvait donc provenir cette modération sublime, avec laquelle Charlemagne inclinait son glaive victorieux devant la force morale, cet apaisement des mouvements de l'orgueil qui croit ordinairement en proportion de la puissance, si ce n'est de la sainteté ? L'homme seul, sans le secours d'une grâce qui habite son cœur, n'arrive point à cette élévation, et surtout n'y demeure pas durant une vie entière. Charlemagne a donc été choisi par l'Emmanuel lui-même pour être la plus admirable représentation du prince chrétien sur la terre ; et les cœurs catholiques aimeront à proclamer sa gloire en présence de l'Enfant qui vient régner sur toutes les nations, pour les régir dans la sainteté et la justice. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter du ciel l'idée de la royauté chrétienne ; et nous sommes encore à chercher dans l'histoire l'homme qui l'aurait conçue et réalisée avec autant de plénitude et de majesté que Charles le Victorieux, toujours Auguste, couronné de Dieu.
Sceptre de Charlemagne. Réalisé pour le sacre de Charles VI. XIVe.
Le Bienheureux Charles eut pour père Pépin, qui était fils du duc de Brabant, et qui fut dans la suite élu au trône de France, et pour mère Bertrade, fille de l'Empereur des Grecs. Il se montra digne, par ses hauts faits et son zèle pour la Religion chrétienne, d'être surnommé le Grand ; et un Concile de Mayence lui donna le titre de Très Chrétien. Après avoir expulsé les Lombards de l'Italie, il fut le premier qui mérita d'être couronné Empereur, par les mains du Pape Léon III.
A la prière d'Adrien, prédécesseur de Léon, il entra en Italie avec une armée et rendit à l'Eglise son patrimoine, et l'Empire à l'Occident. Il vengea le Pape Léon des violences des Romains qui l'avaient traité injurieusement, durant la grande Litanie, et chassa de la ville ceux qui s'étaient rendus coupables de ce sacrilège. Il fit beaucoup de règlements pour la dignité de l'Eglise ; entre autres il renouvela cette loi, ordonnant que les causes civiles seraient remises au jugement de l'Eglise, lorsque l'une des parties le demanderait. Quoiqu'il fût de mœurs très douces, il réprimait cependant les vices avec une grande sévérité, surtout l'adultère et l'idolâtrie, et établit des tribunaux particuliers revêtus d'un pouvoir étendu, qui, jusqu'à ce jour, existent encore dans la Basse-Saxe.
Après avoir combattu trente-trois ans contre les Saxons, il les soumit enfin, et ne leur imposa d'autre loi que de se faire chrétiens ; il obligea à perpétuité les possesseurs de terres à élever des croix de bois dans leurs champs, afin de confesser ouvertement leur foi au Christ. Il purgea la Gascogne, l'Espagne et la Galice des idolâtres qui s'y trouvaient, et il remit en honneur le tombeau de saint Jacques, comme il l'est aujourd'hui.
Sacre du bienheureux Charlemagne.
Pièce centrale d'un tryptique. XIXe.
Dans la Hongrie, pendant huit ans entiers, il soutint le Christianisme par ses armes ; et il se servait contre les Sarrasins de cette lance toujours victorieuse dont un soldat avait ouvert le côté du Christ. Dieu favorisa de plusieurs prodiges tant d'efforts pour l'extension de la foi : ainsi les Saxons qui assiégeaient Sigisbourg, frappés de terreur par la main de Dieu, prirent la fuite ; et, dans la première révolte de ce peuple, il sortit de terre un fleuve abondant qui désaltéra l'armée des Francs privée d'eau depuis trois jours.
Un si grand Empereur se montrait vêtu d'un habit qui le distinguait à peine du peuple ; presque habituellement il portait le cilice ; et ce n'était qu'aux principales fêtes de Jésus-Christ et des Saints que l'or paraissait sur lui. Il défrayait les pauvres et les pèlerins, tant dans son propre palais que dans les autres contrées, par les aumônes qu'il, envoyait de toutes parts. Il bâtit vingt-quatre Monastères, et remit à chacun ce qu'on appelait îa bulle d'or, du poids de deux cents livres. Il établit deux Sièges Métropolitains et neuf Evêchés. Il construisit vingt-sept Eglises ; enfin, il fonda deux Universités, celle de Pavie et celle de Paris.
Comme Charles cultivait les lettres, il employa le docteur Alcuin pour l'éducation de ses enfants dans les sciences libérales, avant de les former aux armes et à la chasse. Enfin la soixante-huitième année de son âge, après avoir fait couronner et élire roi Louis son fils, il se donna tout entier à la prière et à l'aumône. Sa coutume était de se rendre à l'Eglise le matin et le soir, souvent même aux heures de la nuit ; car ses délices étaient d'entendre le chant grégorien, qu'il établit le premier en France et en Germanie, après avoir obtenu des chantres d'Adrien Ier.
Statue de saint Charlemagne. Parvis de la cathédrale Notre-Dame.
Île de la Cité. Paris. XIXe.
Il eut soin aussi de faire transcrire en tous lieux les hymnes de l'Eglise. Il écrivît les Evangiles de sa propre main, et les conféra avec les exemplaires grecs et syriaques. Il fut toujours très sobre dans le boire et dans le manger, ayant coutume de traiter les maladies par le jeûne, qu'il prolongea quelquefois jusqu'à sept jours. Enfin, après avoir beaucoup souffert de la part des méchants, il tomba malade en la soixante-douzième année de son âge.
Ayant reçu la sainte communion des mains de l'Evêque Hildebalde, et fait lui-même, sur chacun de ses membres, le signe de la croix, il récita ce verset :
" Je remets, Seigneur, mon esprit entre vos mains ", et rendit son âme à Dieu le cinq des calendes de février, plein de nombreux mérites. Il fut enseveli dans la Basilique d'Aix-la-Chapelle, qu'il avait bâtie et enrichie de reliques des Saints. Il y est honoré par la piété et l'affluence des pèlerins, et par les faveurs que Dieu accorde à son intercession. Sa fête est célébrée dans la plupart des diocèses d'Allemagne, du consentement de l'Eglise, depuis le pontificat d'Alexandre III, comme celle du principal propagateur de la foi dans le Nord.
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A suivre le récit d'Eginhard, Charlemagne n'avait rien marqué touchant sa sépulture ; mais, après quelques délibérations, on jugea que le lieu le plus convenable était la magnifique église qu'il avait fait bâtir à Aix-la-Chapelle, en l'honneur de la Mère de Dieu. Il y fut enterré le jour même.
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On embauma son corps ; on le revêtit premièrement du cilice qu'il portait toujours, et presque secrètement (son confesseur et quelques rares familiers le savaient), et puis de ses habits impériaux, par-dessus lesquels on lui mit la pannetière d'or qu'il portait à ses voyages de Rome, comme pèlerin ; on l'assit dans son tombeau sur un siège d'or ; on ceignit son épée d'or à son côté on plaça sur sa tête une couronne où il y avait du bois de la vraie croix ; on lui mit entre les mains et sur les genoux un livre des Evangiles couvert d'or, et l'on suspendit devant lui son sceptre et son bouclier, bénits par le pape saint Léon III. Après quoi on remplit le sépulcre de divers aromates, et on le ferma.
HYMNE
L'Hymne suivante fait partie de l'Office du Bienheureux Charlemagne, d'où sont tirées les Leçons qu'on vient de lire :
HYMNE
L'Hymne suivante fait partie de l'Office du Bienheureux Charlemagne, d'où sont tirées les Leçons qu'on vient de lire :
Reliquaire de saint Charlemagne. Trésor d'Aix-la-Chapelle.
" Ô Roi triomphateur de l'univers, Empereur des rois de la terre, du séjour des bienheureux, daignez écouter nos gémissements.
Par vos prières la mort s'enfuit, les maladies s'éloignent, la vie est rendue ; vous désaltérez ceux qui ont soif, vous purifiez les nations par le baptême.
Votre prière renverse les murailles que l'art et la nature rendaient inexpugnables ; aux nations que vous avez vaincues, vous enseignez à porter le joug suave du Christ.
Ô digne serviteur du ciel, serviteur prudent et fidèle ! Du sein des camps, vous êtes monté aux cieux, vous êtes allé au séjour de la paix.
De votre épée frappez le rocher ; faites-en sortir pour nous une fontaine vive; implorez Dieu pour nous, par vos pieuses prières, et rendez-le clément envers nous.
Gloire et louange à la Trinité, honneur à l'Unité, qui, dans la vertu souveraine, règnent d'un droit égal.
Amen."
ANTIENNE
Cette Antienne appartient à la même Liturgie :
Ant. " Espoir des affligés, terreur des ennemis, douceur pour les vaincus, règle de vertu, sentier du droit, forme du salut, Ô Charles, recevez les pieux hommages de vos serviteurs."
SÉQUENCE
Parmi les Séquences consacrées à notre grand Empereur, nous trouvons la suivante, extraite d'un ancien Missel d'Aix-la-Chapelle :
" Joyeuse ". Epée du bienheureux Charlemagne ;
utilisée pour le Sacre des rois de France. Xe.
" Cité d'Aix, cité royale, siège principal de la royauté, palais préféré de nos princes ;
Chante gloire au Roi des rois, aujourd'hui que tu célèbres la mémoire du grand roi Charles.
Que notre chœur chante dans l'allégresse, que le clergé fasse entendre le mélodieux accord des voix.
Quand la main est occupée aux bonnes œuvres, le cœur médite douce psalmodie.
En ce jour de fête, que l'Eglise honore les grands gestes du grand Roi.
Rois et peuples de la terre, que tous applaudissent d'un concert joyeux.
Charles est le fort soldat du Christ, le chef de l'invincible cohorte ; à lui seul il renverse dix mille combattants.
De l'ivraie il purge la terre ; il affranchit la moisson, en sarclant de son glaive cette herbe maudite.
C'est là le grand Empereur, bon semeur d'une bonne semence, et prudent agriculteur.
Il convertit les infidèles, il renverse temples et dieux ; sa main brise les idoles.
Il dompte les rois superbes, il fait régner les saintes lois avec la justice ;
La justice : mais il lui donne pour compagne la miséricorde.
Il est sacré de l'huile de liesse, par un don de grâce, plus que tous les autres rois.
Avec la couronne de gloire, il reçoit les insignes de l'Impériale Majesté.
Ô Roi triomphateur du monde, toi qui règnes avec Jésus-Christ, Ô père saint ! Ô Charles ! Sois notre intercesseur ;
Afin que, purs de tout péché, dans le royaume de la lumière, nous, ton peuple, soyons les habitants du ciel avec les bienheureux.
Etoile de la mer, Ô Marie, salut du monde, voie de la vie ! Dirige nos pas vacillants et donne-nous accès auprès du Roi suprême, dans la gloire sans fin.
Ô Christ ! splendeur du Dieu Père, fils de la Mère immaculée, par ce Saint dont nous fêtons le jour, daigne nous accorder l'éternelle joie.
Amen."
COLLECTE
Nous conclurons les hommages rendus par les diverses Eglises au Bienheureux Charlemagne, en donnant ici la Collecte de sa fête :
Statuette équestre de Charlemagne.
Trésor de la cathédrale Saint-Etienne de Metz. IXe siècle.
" Ô Dieu, qui, dans la surabondante fécondité de votre bonté, avez décoré du manteau de la glorieuse immortalité le bienheureux Empereur Charlemagne, après qu'il a eu déposé le voile de la chair : accordez à nos prières de mériter pour pieux intercesseur dans les cieux, celui que vous avez élevé sur la terre à l'honneur de l'Empire, pour la propagation de la vraie foi. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
PRIERE
" Salut, Ô Charles, bien-aimé de Dieu, Apôtre du Christ, rempart de son Eglise, protecteur de la justice, gardien des mœurs, terreur des ennemis du nom Chrétien ! Le diadème souillé des Césars, mais purifié par les mains de Léon, couronne votre front auguste ; le globe de l'empire repose en votre forte main ; l'épée des combats du Seigneur, toujours victorieuse, est suspendue à votre baudrier ; et l'onction impériale est venue s'unir à l'onction royale dont la main du Pontife avait déjà consacré votre bras puissant. Devenu la figure du Christ dans sa royauté temporelle, vous avez voulu qu'il régnât en vous et par vous. Il vous récompense maintenant de l'amour que vous avez eu pour lui, du zèle que vous avez montré pour sa gloire, du respect et de la confiance que vous avez témoignés à son Epouse. Pour une royauté de la terre, caduque et périssable, vous avez reçu une royauté immortelle, au sein de laquelle tant de millions d'âmes, arrachées par vous à l'idolâtrie, vous honorent comme l'instrument de leur salut.
Dans ces jours où nous célébrons le divin enfantement de la Reine des deux, vous lui présentez le temple gracieux et magnifique que vous élevâtes en son honneur, et qui fait encore sur la terre notre admiration. C'est dans ce saint lieu que vos pieuses mains placèrent les langes de son divin Fils ; en retour, l'Emmanuel a voulu que vos ossements sacrés y reposassent avec gloire, afin d'y recevoir les témoignages de la vénération des peuples. Glorieux héritier de la foi des trois Rois de l'Orient, présentez-nous à Celui qui daigna revêtir ces humbles tissus. Demandez pour nous une part de cette humilité avec laquelle vous aimiez à vous incliner devant la crèche, de cette pieuse joie que goûtait votre cœur dans les solennités que nous célébrons, de ce zèle ardent qui vous fit entreprendre tant de travaux pour la gloire du Fils de Dieu, de cette force qui ne vous abandonna jamais dans la recherche de son Royaume.
Dans ces jours où nous célébrons le divin enfantement de la Reine des deux, vous lui présentez le temple gracieux et magnifique que vous élevâtes en son honneur, et qui fait encore sur la terre notre admiration. C'est dans ce saint lieu que vos pieuses mains placèrent les langes de son divin Fils ; en retour, l'Emmanuel a voulu que vos ossements sacrés y reposassent avec gloire, afin d'y recevoir les témoignages de la vénération des peuples. Glorieux héritier de la foi des trois Rois de l'Orient, présentez-nous à Celui qui daigna revêtir ces humbles tissus. Demandez pour nous une part de cette humilité avec laquelle vous aimiez à vous incliner devant la crèche, de cette pieuse joie que goûtait votre cœur dans les solennités que nous célébrons, de ce zèle ardent qui vous fit entreprendre tant de travaux pour la gloire du Fils de Dieu, de cette force qui ne vous abandonna jamais dans la recherche de son Royaume.
Antoine Etex. Palais du Luxembourg. Hémicycle du Sénat. Paris. XIXe.
Puissant Empereur, qui fûtes autrefois l'arbitre de la famille européenne réunie tout entière sous votre sceptre, prenez en pitié cette société qui s'écroule aujourd'hui de toutes parts. Après mille ans, l'Empire que l'Eglise avait confié à vos mains est tombé : tel a été le châtiment de son infidélité envers l'Eglise qui l'avait fondé. Mais les nations sont restées, et s'agitent dans l'inquiétude. L'Eglise seule peut leur rendre la vie par la foi ; seule, elle est demeurée dépositaire des notions du droit public ; seule, elle peut régler le pouvoir, et consacrer l'obéissance. Faites que le jour luise bientôt, où la société rétablie sur ses bases cessera de demander aux révolutions l'ordre et la liberté.
Protégez d'un amour spécial la France, le plus riche fleuron de votre splendide couronne. Montrez que vous êtes toujours son Roi et son Père.
Arrêtez les progrès des faux empires qui s'élèvent au Nord sur le schisme et l'hérésie, et ne permettez pas que les peuples du Saint Empire Romain deviennent à jamais leur proie."
Arrêtez les progrès des faux empires qui s'élèvent au Nord sur le schisme et l'hérésie, et ne permettez pas que les peuples du Saint Empire Romain deviennent à jamais leur proie."
CULTE ET RELIQUES
Son corps fut solennellement enterré dans la cathédrate qu'il avait fait bâtir, et trois cent cinquante-un ans après, il fut levé de terre par les soins de Frédéric Ier, Barberousse, et son chef fut transféré à Osnabruck où il avait fondé une école religieuse de littératures grecque et latine. L'essentiel des reliques restèrent à Aix-la-Chapelle où elles sont toujours conservées.
Dans nos églises de France nous ne nous faisons aucun scrupule de donner le titre de saints et d'honorer comme tels un nombre considérable d'évêques sur la sainteté desquels aucun décret n'a été rendu par personne et dont le culte n'est jamais sortit de la limite de leurs diocèses ; les nombreuses églises qui honorent, depuis près de sept siècles, la mémoire du grand empereur Charlemagne, se contentent, par respect pour le Martyrologe romain, où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux. Pour ne citer qu'un exemple, une église lui est encore dédiée dans l'ancien diocèse de Sarlat, en Périgord.
Avant l'époque de la Réforme, le nom du bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos églises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen sont les seuls qui l'aient conservé aujourd'hui. Plus de trente églises en Allemagne célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand empereur ; sa chère église d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Il est conservé dans une châsse de vermeil. Un de ses bras est dans un reliquaire à part. On trouve dans la grosseur des os de ce bras la preuve de ce que les auteurs racontent sur la haute taille et la force corporelle du grand empereur. Dans le trésor de la même église se trouve aussi son cor de chasse, et dans une galerie, le siège de pierre sur lequel il était assis dans son tombeau.
On sait que c'est sur ce siège que les empereurs d'Allemagne étaient installés, le jour de leur couronnement.
Son corps fut solennellement enterré dans la cathédrate qu'il avait fait bâtir, et trois cent cinquante-un ans après, il fut levé de terre par les soins de Frédéric Ier, Barberousse, et son chef fut transféré à Osnabruck où il avait fondé une école religieuse de littératures grecque et latine. L'essentiel des reliques restèrent à Aix-la-Chapelle où elles sont toujours conservées.
Dans nos églises de France nous ne nous faisons aucun scrupule de donner le titre de saints et d'honorer comme tels un nombre considérable d'évêques sur la sainteté desquels aucun décret n'a été rendu par personne et dont le culte n'est jamais sortit de la limite de leurs diocèses ; les nombreuses églises qui honorent, depuis près de sept siècles, la mémoire du grand empereur Charlemagne, se contentent, par respect pour le Martyrologe romain, où son nom ne se lit pas, de le fêter sous le titre de Bienheureux. Pour ne citer qu'un exemple, une église lui est encore dédiée dans l'ancien diocèse de Sarlat, en Périgord.
Avant l'époque de la Réforme, le nom du bienheureux Charlemagne se trouvait sur le calendrier d'un grand nombre de nos églises de France ; les Bréviaires de Reims et de Rouen sont les seuls qui l'aient conservé aujourd'hui. Plus de trente églises en Allemagne célèbrent encore aujourd'hui la fête du grand empereur ; sa chère église d'Aix-la-Chapelle garde son corps et l'expose à la vénération des peuples. Il est conservé dans une châsse de vermeil. Un de ses bras est dans un reliquaire à part. On trouve dans la grosseur des os de ce bras la preuve de ce que les auteurs racontent sur la haute taille et la force corporelle du grand empereur. Dans le trésor de la même église se trouve aussi son cor de chasse, et dans une galerie, le siège de pierre sur lequel il était assis dans son tombeau.
On sait que c'est sur ce siège que les empereurs d'Allemagne étaient installés, le jour de leur couronnement.
L'Université de Paris le choisit pour patron en 1661.
Le pape d'Alexandre III (1159 - 1181) et le pape saint Lucius III ne se prononcèrent pas sur sa canonisation illicite par l'antipape Pascal III, mais préférèrent ne pas le compter au nombre des saints. En revanche, son culte resta toléré et sa qualité de bienheureux reconnue par le pape Benoît XIV.
Plusieurs Martyrologes de France, d'Allemagne et de Flandre font mémoire de saint Charlemagne le 28 janvier, Ferrarius ne l'a pas oublié dans son supplément des Saints qui ne sont pas dans le Martyrologe romain, non plus qn'Usoald ni Molan. Nous avons tiré ce que nous en avons dit en ce recueil, d'Eginhard, qui a été son chancelier et qui se fit religieux de l'Ordre de Saint-Benoît, après la mort de son mattre, et des autres mémoires que Bollandus rapporte dans le second tome des Actes des Saints, où l'on peut voir quelques miracles qui ont été faits par les mérites de notre saint roi. Sur la vie de saint Charlemagne, en peut encore consulter ce qu'en a écrit le bienheureux Notker, moine de Saint-Gall, au IXe siècle.
Rq : L'immense auteur de l'Histoire universelle de l'Eglise catholique, l'abbé René-François Rohrbacher, rassembla et présenta, dans une lettre adressée aux parlementaires en 1851 alors que se (re)constituait l'empire avec un Bonaparte à sa tête, plusieurs monuments utiles aux réflexions et aux délibérations des Parlementaires français. Cette lettre de sept pages est passionnantes et corrige opportunément des erreurs graves quant aux Institutions/constitutions françaises :
00:15 Publié dans C | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
J'aime saint Charlemagne puisqu'il a inventé l'école, et moi j'adore l'école.
J'espère que les autres enfants aiment l'école comme moi.
Écrit par : Canelle | mercredi, 13 juin 2012
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