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24 décembre. La Vigile de Noël.

- La Vigile de Noël.


Le Sacrifice de Melchisédech. Tiepolo. XVIe.

" Enfin, dit saint Pierre Damien dans son Sermon pour ce jour, nous voici arrivés de la haute mer dans le port, de la promesse à la récompense, du désespoir à l'espérance, du travail au repos, de la voie à la patrie. Les courriers de la divine promesse s'étaient succédé ; mais ils n'apportaient rien avec eux, si ce n'est le renouvellement de cette même promesse. C'est pourquoi notre Psalmiste s'était laissé aller au sommeil, et les derniers accents de sa harpe semblaient accuser les retards du Seigneur. Vous nous avez repoussés, disait-il, vous nous avez dédaignés ; et vous avez différé l'arrivée de votre Christ. (Psaume LXXXVIII.)

Puis, passant de la plainte à l'audace, il s'était écrié d'une voix impérative : " Manifestez-vous donc, Ô vous qui êtes assis sur les Chérubins ! (Psaume LXXIX.) En repos sur le trône de votre puissance, entouré des bataillons volants de vos Anges, ne daignerez-vous pas abaisser vos regards sur les enfants des hommes, victimes d'un péché commis par Adam, il est vrai, mais permis par vous-même ? Souvenez-vous de ce qu'est notre nature ; c'est à votre ressemblance que vous l'avez créée ; et si tout homme vivant est vanité, ce n'est pas du moins en ce qu'il a été fait à votre image. Abaissez donc vos cieux et descendez ; abaissez les cieux de votre miséricorde sur les misérables qui vous supplient, et du moins ne nous oubliez pas éternellement. Isaïe à son tour, dans la violence de ses désirs, disait :
" A cause de Sion, je ne me tairai pas ; à cause de Jérusalem, je ne me reposerai pas, jusqu'à ce que le Juste quelle attend se lève enfin dans son éclat. Forcez donc les deux et descendez !"

Enfin , tous les Prophètes, fatigués d'une trop longue attente, n'ont cessé de faire entendre tour à tour les supplications, les plaintes, et souvent même les cris de l'impatience. Quant à nous, nous les avons assez écoutés ; assez longtemps nous avons répété leurs paroles : qu'ils se retirent maintenant ; il n'est plus pour nous de joie, ni de consolation, jusqu'à ce que le Sauveur, nous honorant du baiser de sa bouche, nous dise lui-même : Vous êtes exaucés.

Mais que venons-nous d'entendre ? Sanctifiez-vous, enfants d'Israël, et soyez prêts : car demain descendra le Seigneur. Le reste de ce jour, et à peine la moitié de la nuit qui va venir nous séparent de cette entrevue glorieuse, nous cachent encore l'Enfant-Dieu et son admirable Naissance. Courez, heures légères ; achevez rapidement votre cours, pour que nous puissions bientôt voir le Fils de Dieu dans son berceau et rendre nos hommages à cette Nativité qui sauve le monde. Je pense, mes Frères, que vous êtes de vrais enfants d'Israël, purifiés de toutes les souillures de la chair et de l'esprit, tout prêts pour les mystères de demain, pleins d'empressement à témoigner de votre dévotion.

C'est du moins ce que je puis juger, d'après la manière dont vous avez passé les jours consacrés à attendre l'Avènement du Fils de Dieu. Mais si pourtant quelques gouttes du fleuve de la mortalité avaient touché votre cœur, hâtez-vous aujourd'hui de les essuyer et de les couvrir du blanc linceul de la Confession. Je puis vous le promettre de la miséricorde de l'Enfant qui va naître : celui qui confessera son péché avec repentir, la Lumière du monde naîtra en lui ; les ténèbres trompeuses s'évanouiront, et la splendeur véritable lui sera donnée. Car comment la miséricorde serait-elle refusée aux malheureux, en cette nuit même où prend naissance le Seigneur miséricordieux ? Chassez donc l'orgueil de vos regards, la témérité de votre langue, la cruauté de vos mains, la volupté de vos reins ; retirez vos pieds du chemin tortueux, et puis venez et jugez le Seigneur, si, cette nuit, il ne force pas les Cieux, s'il ne descend pas jusqu'à vous, s'il ne jette pas au fond de la mer tous vos péchés."


Saint Michel archange, prince de la milice céleste, terrasse Lucifer devenu Satan.

Ce saint jour est, en effet, un jour de grâce et d'espérance, et nous devons le passer dans une pieuse allégresse. L'Eglise, dérogeant à tous ses usages habituels, veut que si la Vigile de Noël vient à tomber au Dimanche, le jeûne seul soit anticipé au samedi ; mais dans ce cas l'Office et la Messe de la Vigile l'emportent sur l'Office et la Messe du quatrième Dimanche de l'Avent : tant ces dernières heures qui précèdent immédiatement la Nativité lui semblent solennelles !

Dans les autres Fêtes, si importantes qu'elles soient, la solennité ne commence qu'aux premières Vêpres ; jusque-là l'Eglise se tient dans le silence, et célèbre les divins Offices et le Sacrifice suivant le rite quadragésimal. Aujourd'hui, au contraire, dès le point du jour, à l'Office des Laudes, la grande Fête semble déjà commencer. L'intonation solennelle de cet Office matutinal annonce le rite Double ; et les Antiennes sont chantées avec pompe avant et après chaque Psaume ou Cantique. A la Messe, si l'on retient encore la couleur violette, du moins on ne fléchit plus les genoux comme dans les autres Fériés de l'Avent ; et il n'y a plus qu'une seule Collecte, au lieu des trois qui caractérisent une Messe moins solennelle.

Entrons dans l'esprit de la sainte Eglise, et préparons-nous, dans toute la joie de nos cœurs, à aller au-devant du Sauveur qui vient à nous. Accomplissons fidèlement le jeûne qui doit alléger nos corps et faciliter notre marche ; et, dès le matin, songeons que nous ne nous étendrons plus sur notre couche que nous n'ayons vu naître, à l'heure sacrée, Celui qui vient illuminer toute créature ; car c'est un devoir, pour tout fidèle enfant de l'Eglise Catholique, de célébrer avec elle cette Nuit heureuse durant laquelle, malgré le refroidissement de la piété, l'univers entier veille encore à l'arrivée de son Sauveur : dernier vestige de la piété des anciens jours, qui ne s'effacerait qu'au grand malheur de la terre.

Parcourons en esprit de prière les principales parties de l'Office de cette Vigile. D'abord, la sainte Eglise éclate par un cri d'avertissement qui sert d'Invitatoire à Matines, d'Introït et de Graduel à la Messe. C'est la parole de Moïse annonçant au peuple la Manne céleste que Dieu enverra le lendemain. Nous aussi, nous attendons notre Manne, Jésus-Christ, Pain de vie, qui va naître dans Bethléhem, la Maison du Pain.

A l'Office de Prime, dans les Chapitres et les Monastères, on fait en ce jour l'annonce solennelle de la fête de Noël, avec une pompe extraordinaire. Le Lecteur, qui est souvent une des dignités du Chœur, chante sur un ton plein de magnificence la Leçon suivante du Martyrologe, que les assistants écoutent debout, jusqu'à l'endroit où la voix du Lecteur fait retentir le nom de Bethléhem. A ce nom, tout le monde se prosterne, jusqu'à ce que la grande nouvelle ait été totalement annoncée.


Manuscrit commandé par saint Charlemagne.
Illustration représentant les quatre Evangélistes. IXe.

LE HUIT DES CALENDES DE JANVIER

L'an de la création du monde, quand Dieu au commencement créa le ciel et la terre, cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf : du déluge, l'an deux mille neuf cent cinquante-sept : de la naissance d'Abraham, l'an deux mille quinze : de Moïse et de la sortie du peuple d'Israël de l'Egypte, l'an mille cinq cent dix : de l'onction du roi David, l'an mille trente-deux : en la soixante-cinquième Semaine, selon la prophétie de Daniel : en la cent quatre-vingt-quatorzième Olympiade : de la fondation de Rome, l'an sept cent cinquante-deux : d'Octavien Auguste, l'an quarante-deuxième : tout l'univers étant en paix : au sixième âge du monde : Jésus-Christ, Dieu éternel et Fils du Père éternel, voulant consacrer ce monde par son très miséricordieux Avènement, ayant été conçu du Saint-Esprit, et neuf mois s'étant écoulés depuis la conception, naît, fait homme, de la Vierge Marie, en Bethléhem de Judée : LA NATIVITE DE NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST SELON LA CHAIR !

Ainsi toutes les générations ont comparu successivement devant nous. L'Eglise, en ce seul jour et en cette seule circonstance, adopte la Chronologie des Septante, qui place la naissance du Sauveur après l'an cinq mille, tandis que la version Vulgate ne donne que quatre mille ans jusqu'à ce grand événement ; en quoi elle est d'accord avec le texte hébreu. Ce n'est point ici le lieu d'expliquer cette divergence de chronologie ; il suffit de reconnaître le fait comme une preuve de la liberté qui nous est laissée par l'Eglise sur cette matière.

Interrogées si elles auraient vu passer Celui que nous attendons, elles se sont tues, jusqu'à ce que le nom de Marie s'étant d'abord fait entendre, la Nativité de Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, a été proclamée. " Une voix d'allégresse a retenti sur notre terre ", dit à ce sujet saint Bernard dans son premier Sermon sur la Vigile de Noël ; " une voix de triomphe et de salut sous les tentes des pécheurs ". Nous venons d'entendre une parole bonne, une parole de consolation, un discours plein de charmes, digne d'être recueilli avec le plus grand empressement. Montagnes, faites retentir la louange ; battez des mains, arbres des forêts, devant la face du Seigneur ; car le voici qui vient.

PRIERE

" Cieux, écoutez ; terre, prête l'oreille ; créatures, soyez dans l'étonnement et la louange ; mais toi surtout, Ô homme ! Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée ! Quel cœur, fût-il de pierre, quelle âme ne se fond pas à cette parole ? Quelle plus douce nouvelle ? Quel plus délectable avertissement ? Qu'entendit-on jamais de semblable ? Quel don pareil le monde a-t-il jamais reçu ? Jésus Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée ! Ô parole brève qui nous annonce le Verbe dans son abaissement ! Mais de quelle suavité n'est-elle pas remplie ! Le charme d'une si mielleuse douceur nous porte à chercher des développements à cette parole ; mais les termes manquent. Telle est, en effet, la grâce de ce discours, que si j'essaie d'en changer un iota, j'en affaiblis la saveur :
" Jésus-Christ, Fils de Dieu, naît en Bethléhem de Judée !"

A LA MESSE


Manuscrit copte du XIIIe.

PRIONS

Dans la Collecte, l'Eglise semble encore préoccupée de la venue du Christ comme Juge ; mais c'est la dernière fois qu'elle fera allusion à ce dernier Avènement. Désormais, elle sera toute à ce Roi pacifique, à cet Epoux qui vient à elle ; et ses enfants doivent imiter sa confiance :

" Ô Dieu ! Qui nous comblez de joie tous les ans, par l'attente de notre Rédemption ; faites que, comme nous recevons avec allégresse votre Fils unique notre Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il vient nous racheter, nous puissions pareillement le contempler avec assurance lorsqu'il viendra nous juger : Lui qui vit et règne avec vous dans les siècles des siècles. Amen."

EPÎTRE

Dans l'Epître, l'Apôtre saint Paul, s'adressant aux Romains, leur annonce la dignité et la sainteté de l’Evangile, c'est-à-dire de cette bonne Nouvelle que les Anges vont faire retentir dans la nuit qui s'approche. Or, le sujet de cet Evangile, c'est le Fils qui est né à Dieu de la race de David selon la chair, et qui vient pour être dans l'Eglise le principe de la grâce et de l'Apostolat, par lesquels il fait qu'après tant de siècles, nous sommes encore associés aux joies d'un si grand Mystère :


Saint Paul prêchant aux Romains.

Lecture de l'Epître de saint Paul aux Romains. Chap. I.

" Paul, serviteur de Jésus-Christ, Apôtre par la vocation divine, choisi pour prêcher l'Evangile de Dieu (que Dieu avait promis longtemps auparavant par ses prophètes, dans les Ecritures saintes), au sujet du Fils qui lui est né, de la race de David selon la chair ; lequel a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance, selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection d'entre les morts ; au sujet, dis-je, de Jésus-Christ notre Seigneur, par qui nous avons reçu la Grâce et l'Apostolat, pour rendre obéissantes à la foi, parla vertu de son Nom, toutes les nations, au nombre desquelles vous aussi avez été appelés par Jésus-Christ notre Seigneur."

EVANGILE

L'Evangile de cette Messe est le passage dans lequel saint Matthieu raconte les inquiétudes de saint Joseph et la vision de l'Ange. Il convenait que cette histoire, l'un des préludes de la Naissance du Sauveur, ne fût pas omise dans la Liturgie ; et jusqu'ici le lieu de la placer ne s'était pas présenté encore. D'autre part, cette lecture convient à la Vigile de Noël, à raison des paroles de l'Ange, qui indique le nom de Jésus comme devant être donné à l'Enfant de la Vierge, et qui annonce que cet enfant merveilleux sauvera son peuple du péché :


Couronnement de la Vierge Marie. Retable de la chartreuse
de Villeneuve-les-Avignon.Enguerrand Quarton.

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. I.

" Marie, mère de Jésus, ayant épousé Joseph, se trouva enceinte par l'opération du Saint-Esprit, avant qu'ils eussent été ensemble. Joseph, son époux, qui était juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la quitter secrètement. Mais lorsqu'il était dans cette pensée, l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :
" Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie ton épouse ; car ce qui est né en elle vient du Saint-Esprit ; et elle enfantera un fils à qui tu donneras le nom de Jésus : car ce sera lui qui sauvera son peuple, en le délivrant de ses péchés."

HYMNE POUR LA VIGILE DE NOËL

Les Liturgies Ambrosienne et Mozarabe ont peu de choses saillantes dans l'Office et la Messe de la Vigile de Noël : nous ne leur emprunterons donc rien, et nous nous bornerons à puiser dans l’Anthologie des Grecs quelques strophes du chant qu'ils ont intitulé : l commencement des Heures de la Nativité ; Tierce, Sexte et None :


Le roi David en prière. Heures à l'usage de Paris. Jean Colombe. XVe.

Tirée de l'Anthologie des Grecs :

" On inscrivit un jour à Bethléhem avec le vieillard Joseph, comme issue de la race de David, Marie qui portait en son sein virginal un fruit divin. Le temps d'enfanter était arrivé; et il n'y avait plus de place en l'hôtellerie une grotte restait pour auguste palais à la vierge Reine.

Voici venir tout à l'heure l'accomplissement de la mystique promesse du Prophète : " Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre entre les principautés, toi qui la première ornes la divine grotte : de toi me viendra le chef des Nations, né selon la chair d'une tendre Vierge, le Christ Dieu qui régira son nouveau peuple d'Israël ". Donnons-lui nos louanges.

Celui-ci est notre Dieu, né d'une Vierge et conversant parmi les hommes ; nous n'en connaîtrons point d'autre ; le Fils unique gisant dans une pauvre étable apparaît sous la forme d'un mortel, et le Seigneur de gloire est enveloppé de langes : l'Etoile invite les Mages à le venir adorer ; et nous, disons en nos chants: Ô Trinité sainte ! Sauvez nos âmes.

Venez, Fidèles, livrons-nous à de divins transports ; venez voir un Dieu descendre vers nous du haut du ciel en Bethléhem : élevons nos âmes en haut ; pour la myrrhe apportons les vertus de notre vie ; ornons-en d'avance son entrée en ce monde, et disons : Gloire au plus haut des cieux, à Dieu qui est un en trois personnes, lequel daigne manifester aux hommes sa grande miséricorde ! car, Ô Christ ! Vous avez racheté Adam et relevé l'œuvre de vos mains, Ô ami des hommes !

Ecoutez, Ô cieux ! Terre, prête l'oreille ; que l'univers s'ébranle jusque dans ses fondements, et que tout ce qu'il renferme soit saisi de frayeur. Le Dieu auteur de la chair prend lui-même une forme, et Celui qui de sa main créatrice corrobora toute créature, par une miséricordieuse compassion, parait revêtu d'un corps. Ô abîme des richesses de la sagesse et science de Dieu ! Combien ses jugements sont incompréhensibles, combien ses voies impénétrables !

Venez, peuples chrétiens, voyons le prodige qui dépasse toute pensée, qui frappe d'étonnement toute imagination ; et pieusement prosternés, chantons avec foi des hymnes de louange. Aujourd'hui la Vierge vient à Béthléhem mettre au monde le Seigneur ; les chœurs des Anges la précèdent ; Joseph son époux la voit et s'écrie : " Quel prodige aperçois-je en toi, Ô Vierge ! Comment pourras-tu enfanter, tendre génisse qui ne connus point le joug ?"

Aujourd'hui naît d'une Vierge Celui dont la main contient toute créature ; Celui qui par essence est insaisissable,

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mardi, 24 décembre 2024 | Lien permanent

Octave de la Nativité.

- Octave de la Nativité.


Nicolas d'Ypres. XVe.

De tous les jours de l'Octave de Noël, c’est Ie seul occupé régulièrement par une fête. Dans les Octaves de l'Epiphanie, de Pâques et de la Pentecôte, l'Eglise est tellement absorbée de la grandeur du mystère, qu'elle écarte tous souvenirs qui l'en pourraient distraire ; dans celle de Noël, au contraire, les fêtes abondent, et l'Emmanuel ne nous est montré qu'environné du cortège de ses serviteurs. Ainsi l'Eglise, ou plutôt Dieu même, le premier auteur du Cycle, nous a voulu faire voir combien, dans sa Naissance, l'Enfant divin, Verbe fait chair, se montre accessible à l'humanité qu'il vient sauver.

Nous avons démontré que la Nativité du Sauveur s'est opérée le jour du Dimanche, qui est celui où Dieu créa la lumière. Ce sera aussi le Dimanche que nous verrons le Christ ressusciter. Ce premier jour de la création, qui est, en même temps, le premier jour de la semaine, était consacré au Soleil chez les peuples anciens ; il est devenu sacré à jamais par le double lever du Soleil de justice : Noël et Pâques le réclament tour à tour. Mais, pour des raisons particulières que nous avons exposées, si Pâques est toujours célébré le Dimanche, Noël doit sanctifier successivement tous les jours de la semaine. Toutefois, le mystère de la divine Naissance est mieux exprimé dans les années où son glorieux anniversaire tombe le Dimanche ; dans les autres où cette coïncidence n'a pas lieu, les fidèles doivent du moins un honneur particulier à celui des jours de l'Octave qui se trouve dévolu à la célébration expresse du Dimanche. La sainte Eglise a décoré celui-ci d'une Messe et d'un Office particuliers, que nous allons reproduire ici, pour l'usage des fidèles.


Luca Giordano. XVIIe.

A LA MESSE

Ce fut au milieu de la nuit que le Seigneur délivra son peuple de la captivité, par le Passage de son Ange, armé du glaive, sur la terre des Egyptiens ; c'est pareillement au sein du silence nocturne que l'Ange du grand Conseil est descendu de son trône royal, pour apporter la miséricorde sur la terre.

EPITRE

Lecture de l’Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Galates. Chap. IV.

" Mes Frères, tant que l'héritier est encore enfant, il n'est pas différent du serviteur, quoiqu'il soit le maître de tout ; mais il est sous la puissance des tuteurs et des curateurs, jusqu'au temps marqué par son père. Ainsi, lorsque nous étions encore enfants, nous étions assujettis aux premiers éléments de ce monde ; mais lorsque la plénitude du temps a été venue, Dieu a envoyé son Fils formé de la femme, et assujetti à la Loi, pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, et pour nous rendre enfants d'adoption. Or, parce que vous êtes enfants de Dieu, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, qui crie : " Père ! Père !" Chacun de vous n'est donc plus serviteur, mais fils. Que s'il est fils, il est aussi héritier par la bonté de Dieu."


Maitre de Sainte-Catherine. XVe.

L'enfant, né de Marie, couché dans la crèche de Bethléhem, élève sa faible voix vers le Père des siècles, et il l'appelle mon Père ! Il se tourne vers nous, et il nous appelle mes Frères ! Nous pouvons donc aussi, en nous adressant à son Père éternel, le nommer notre Père. Tel est le mystère de l'adoption divine, déclarée en ces jours. Toutes choses sont changées au ciel et sur la terre : Dieu n'a plus seulement un Fils, mais plusieurs fils ; nous ne sommes plus désormais, en sa présence, des créatures qu'il a tirées du néant, mais des enfants de sa tendresse. Le ciel n'est plus seulement le trône de sa gloire ; il est devenu notre héritage ; et une part nous y est assurée à côté de celle de notre frère Jésus, fils de Marie, fils d'Eve, fils d'Adam selon l'humanité, comme il est, dans l'unité de personne, Fils de Dieu selon la divinité. Considérons tour à tour l'Enfant béni qui nous a valu tous ces biens, et l'héritage auquel nous avons droit par lui. Que notre esprit s'étonne d'une si haute destinée pour des créatures ; que notre cœur rende grâces pour un bienfait si incompréhensible.

EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. II.

" En ce temps-là, Joseph et Marie, mère de Jésus, étaient dans l'admiration de ce qu'on disait de lui. Et Siméon les bénit, et il dit à Marie sa mère : Cet enfant est pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs en Israël. Et il sera un signe de contradiction ; et un glaive transpercera votre âme, afin que les pensées de plusieurs, qui sont cachées au fond de leur cœur, soient découvertes. Il y avait aussi une Prophétesse nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser ; elle était fort avancée en âge, et après avoir vécu sept ans avec son mari, qu'elle avait épousé étant vierge, elle était demeurée veuve jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne sortait pas du temple, servant Dieu nuit et jour, dans les jeûnes et les prières. Etant donc survenue à la même heure, elle se mit à louer le Seigneur et à parler de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël. Et après qu'ils eurent accompli toutes choses selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur cité de Nazareth. Or, l'enfant croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui."


Anonyme. Flandres. XVIe.

La marche des récits du saint Evangile contraint l'Eglise à nous présenter déjà le divin Enfant entre les bras de Siméon, qui prophétise à Marie les destinées de l'homme qu'elle amis au jour. Ce cœur de mère, tout inondé des joies d'un si merveilleux enfantement, sent déjà le glaive annoncé par le vieillard du temple. Le fils de ses entrailles ne sera donc, sur la terre, qu'un signe de contradiction ; et le mystère de l'adoption du genre humain ne devra s'accomplir que par l'immolation de cet Enfant devenu un homme. Pour nous, rachetés par ce sang, n'anticipons pas trop sur l'avenir. Nous aurons le temps de le considérer, cet Emmanuel, dans ses labeurs et dans ses souffrances ; aujourd'hui, il nous est permis de ne voir encore que l'Enfant qui nous est né, et de nous réjouir dans sa venue. Ecoutons Anne, qui nous parlera de la rédemption d'Israël. Voyons la terre régénérée par l'enfantement de son Sauveur ; admirons et étudions, dans un humble amour, ce Jésus plein de sagesse et de grâce qui vient de naître sous nos yeux.

ORAISON

" Considérons, dans ce sixième jour de la Naissance de notre Emmanuel, le divin Enfant étendu dans la crèche d'une étable, et réchauffé par l'haleine de deux animaux. Isaïe l'avait annoncé : " Le bœuf, avait-il dit, connaîtra son maître, et l'âne la crèche de son seigneur ; Israël ne me connaîtra pas " (I, 3.). Telle est l'entrée en ce monde du grand Dieu qui a fait ce monde. L'habitation des hommes lui est fermée par leur dureté et leur mépris : une étable lui offre seule un abri hospitalier, et il vient au jour dans la compagnie des êtres dépourvus de raison.

Mais ces animaux sont son ouvrage. Il les avait assujettis à l'homme innocent. Cette création inférieure devait être vivifiée et ennoblie par l'homme ; et le péché est venu briser cette harmonie. Toutefois  comme nous l'enseigne l'Apôtre , elle n'est point restée insensible à la dégradation forcée que le pécheur lui fait subir. Elle ne se soumet à lui qu'avec résistance (Rom. VIII, 20) ; elle le châtie souvent avec justice ; et au jour du jugement, elle s'unira à Dieu pour tirer vengeance de l'iniquité à laquelle trop longtemps elle est demeurée asservie. (Sap. V, 21.).

Aujourd'hui, le Fils de Dieu visite cette partie de son oeuvre ; les hommes ne Payant pas reçu, il se confie à ces êtres sans raison ; c'est de leur demeure qu'il partira pour commencer sa course ; et les premiers hommes qu'il appelle à le reconnaître et à l'adorer, sont des pasteurs de troupeaux, des cœurs simples qui ne se sont point souillés à respirer l'air des cités.

Le bœuf, symbole prophétique qui figure auprès du trône de Dieu dans le ciel, comme nous l'apprennent à la fois Ezéchiel et saint Jean, est ici l'emblème des sacrifices de la Loi. Sur l'autel du Temple, le sang des taureaux a coulé par torrents ; hostie incomplète et grossière, que le monde offrait dans l'attente de la vraie victime. Dans la crèche, Jésus s'adresse à son Père et dit : Les holocaustes des taureaux et des agneaux ne vous ont point apaisé ; me voici. (Hebr. X, 6.).

Un autre Prophète annonçant le triomphe pacifique du Roi plein de douceur, le montrait faisant son entrée dans Sion sur l'âne et le fils de l'ânesse. (Zachar. IX, 9.). Un jour cet oracle s'accomplira comme les autres ; en attendant, le Père céleste place son Fils entre l'instrument de son pacifique triomphe et le symbole de son sacrifice sanglant.

Telle a donc été, Ô Jésus ! Créateur du ciel et de la terre, votre entrée dans ce monde que vous avez formé. La création tout entière, qui eût dû venir à votre rencontre, ne s'est pas ébranlée ; aucune porte ne vous a été ouverte ; les hommes ont pris leur sommeil avec indifférence, et lorsque Marie vous eut déposé dans une crèche, vos premiers regards y rencontrèrent les animaux, esclaves de l'homme. Toutefois, cette vue ne blessa point votre cœur ; vous ne méprisez point l'ouvrage de vos mains ; mais ce qui afflige ce cœur, c'est la présence du péché dans nos âmes, c'est la vue de votre ennemi qui tant de fois est venu y troubler votre repos. Nous serons fidèles, Ô Emmanuel, à suivre l'exemple de ces êtres insensibles que nous recommande votre Prophète : nous voulons toujours vous reconnaître comme notre Maître et notre Seigneur. C'est à nous qu'il appartient de donner une voix à toute la nature, de l'animer, de la sanctifier, de la diriger vers vous ; nous ne laisserons plus le concert de vos créatures monter vers vous, sans y joindre désormais l'hommage de nos adorations et de nos actions de grâces."

SEQUENCE

Pour rendre nos hommages au divin Enfant, insérons ici cette Séquence qui est d'Adam de Saint-Victor, et l'une des plus mystérieuses que l'on rencontre dans les Missels du moyen âge :


" Celui qui est la splendeur du Père et sa forme incréée, a pris la forme de l'homme.
Sa puissance, et non la nature, a rendu féconde une vierge.
Que le vieil Adam se console enfin; qu'il chante un cantique nouveau.
Longtemps fugitif et captif, qu'il paraisse au grand jour.

Eve enfanta le deuil ; une vierge, dans l'allégresse, enfante le fruit de vie.
Et ce fruit n'a point lésé le sceau de sa virginité.
Si le cristal humide est offert aux feux du soleil, le rayon scintille au travers ;
Et le cristal n'est point rompu : ainsi n'est point brisé le sceau de la pudeur dans l'enfantement de la Vierge.

A cette naissance, la nature est dans l'étonnement, la raison est confondue.
C'est chose inénarrable, cette génération du Christ, si pleine d'amour et si humble.
D'une branche aride sont sorties la feuille, la fleur et la noix ; et de la Vierge pudique, le Fils de Dieu.
La toison a porté la rosée céleste, la créature le Créateur, rédempteur de la créature.

La feuille, la fleur, la noix, la rosée : emblèmes mystérieux de l'amour du Sauveur.
Le Christ est la feuille qui protège, la fleur qui embaume, la noix qui nourrit, la rosée de céleste grâce.
Pourquoi l'enfantement de la Vierge est-il un scandale au juif, quand il a vu l'amandier fleurir sur une verge desséchée ?
Contemplons encore la noix ; car la noix, mise en lumière, offre un mystère de lumière.

En elle trois choses sont réunies ; elle nous présente trois bienfaits : onction, lumière, aliment.
La noix est le Christ ; l'écorce amère de la noix est la croix dure à la chair ; l'enveloppe marque le corps.
La divinité, revêtue de chair, la suavité du Christ, c'est le fruit caché dans la noix.
Le Christ, c'est la lumière des aveugles, l'onction des infirmes, le baume des coeurs pieux.

Oh ! qu'il est suave, ce mystère qui change la chair, cette herbe fragile, en divin froment pour les fidèles !
Ceux que, dans cette vie, tu nourris, Ô Jésus ! Sous les voiles de ton Sacrement, rassasie-les un jour de l'éclat de ta face.
Coéternelle splendeur du Père, enlève-nous de ce séjour jusqu'aux joies des clartés paternelles.
Amen."

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mercredi, 01 janvier 2025 | Lien permanent

28 décembre. Les Saints Innocents, martyrs, à Bethléem de Juda et aux environs. L'an 1.

- Les Saints Innocents, martyrs, à Bethléem de Juda et aux environs. L'an 1.
 
Empereur romain : Auguste. Roi de Judée : Hérode le Grand.

" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."
" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."
Prudence.


Massacre des Saints Innocents. Fresque.
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Coeur. Comté de Nice.

A la fête du Disciple bien-aimé succède la solennité des saints Innocents ; et le berceau de l'Emmanuel, auprès duquel nous avons vénéré le Prince des Martyrs et l'Aigle de Pathmos, nous apparaît aujourd'hui environné d'une troupe gracieuse de petits enfants, vêtus de robes blanches comme la neige, et tenant en main des palmes verdoyantes. Le divin Enfant leur sourit ; il est leur Roi, et toute cette petite cour sourit aussi à l'Eglise de Dieu. La force et la fidélité nous ont introduits auprès du Rédempteur ; l'innocence aujourd'hui nous convie à rester près de la crèche.

Hérode a voulu envelopper le Fils de Dieu même dans un immense massacre d'enfants ; Bethléhem a entendu les lamentations des mères ; le sang des nouveau-nés a inondé toute la contrée ; mais tous ces efforts de la tyrannie n'ont pu atteindre l'Emmanuel ; ils n'ont fait que préparer pour l'armée du ciel une nombreuse recrue de Martyrs. Ces enfants ont eu l'insigne honneur d'être immolés pour le Sauveur du monde ; mais le moment qui a suivi leur immolation leur a révélé tout à coup des joies futures et prochaines, bien au-dessus de celles d'un monde qu'ils ont traversé sans le connaître. Le Dieu riche en miséricordes n'a pas demandé d'eux autre chose qu'une souffrance de quelques instants ; et ils se sont réveillés au sein d'Abraham, francs et libres de toute autre épreuve, purs de toute souillure mondaine, appelés au triomphe comme le guerrier qui a donné sa vie pour sauver celle de son chef.

Leur mort est donc un Martyre, et c'est pourquoi l'Eglise les honore du beau nom de Fleurs des Martyrs, à cause de leur âge tendre et de leur innocence. Ils ont donc droit de figurer aujourd'hui sur le Cycle, à la suite des deux vaillants champions du Christ que nous avons célébrés.


Massacre des Saints Innocents. Dessin. Anonyme italien. XVIIe.

Saint Bernard, dans son Sermon sur cette fête, explique admirablement l'enchaînement de ces trois solennités :
" Nous avons, dans le bienheureux Etienne, l'œuvre et la volonté du Martyre ; dans le bienheureux Jean, nous remarquons seulement la volonté du Martyre ; et dans les bienheureux Innocents, l'œuvre seule du Martyre. Mais qui doutera, néanmoins, de la couronne obtenue par ces enfants ? Demanderez-vous où sont leurs mérites pour cette couronne ? Demandez plutôt à Hérode le crime qu'ils ont commis pour être ainsi moissonnés ? La bonté du Christ sera-t-elle vaincue par la cruauté d'Hérode ? Ce roi impie a pu mettre à mort des enfants innocents ; et le Christ ne pourrait couronner ceux qui ne sont morts qu'à cause de lui ?

Etienne aura donc été Martyr aux yeux des hommes qui ont été témoins de sa Passion subie volontairement, jusque-là qu'il priait pour ses persécuteurs, se montrant plus sensible à leur crime qu'à ses propres blessures. Jean aura donc été Martyr aux yeux des Anges qui, étant créatures spirituelles, ont vu les dispositions de son âme. Certes, ceux-là aussi auront été vos Martyrs, ô Dieu ! dans lesquels ni l'homme, ni l'Ange n'ont pu, il est vrai, découvrir de mérite, mais que la faveur singulière de votre grâce s'est chargée d'enrichir. C'est de la bouche des nouveau-nés et des enfants à la mamelle que vous vous êtes plu à faire sortir votre louange. Quelle est cette louange ?

Les Anges ont chanté : " Gloire à Dieu, au plus haut des cieux ; et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté !"
 
C'est là, sans doute, une louange sublime; mais elle ne sera complète que lorsque Celui qui doit venir aura dit : Laissez venir à moi les petits enfants ; car le Royaume des deux est à ceux qui leur ressemblent ; paix aux hommes, même à ceux qui n'ont pas l'usage de leur volonté : tel est le mystère de ma miséricorde."


Massacre des Saints Innocents.
Bréviaire romain à l'usage de Rodez. XVe.

Dieu a daigné faire pour les Innocents immolés à cause de son Fils ce qu'il fait tous les jours par le sacrement de la régénération, si souvent appliqué à des enfants que la mort enlève dès les premières heures de la vie ; et nous, baptisés dans l'eau, nous devons rendre gloire à ces nouveau-nés, baptisés dans leur sang, et associés à tous les mystères de l'enfance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous devons aussi les féliciter, avec l'Eglise, de l'innocence que cette mort glorieuse et prématurée leur a conservée. Purifiés d'abord parie rite sacré qui, avant l'institution du Baptême, enlevait la tache originelle, visités antérieurement par une grâce spéciale qui les prépara à l'immolation glorieuse pour laquelle ils étaient destinés, ils ont habité cette terre, et ils ne s'y sont point souillés. Que la société de ces tendres agneaux soit donc à jamais avec l'Agneau sans tache ! Et que ce monde, vieilli dans le péché, mérite miséricorde en s'associant, par ses acclamations, au triomphe de ces élus de la terre qui, semblables à la colombe de l'arche, n'y ont pas trouvé où poser leurs pieds !

Néanmoins, dans cette allégresse du ciel et de la ferre, la sainte Eglise Romaine ne perd pas de vue la désolation des mères qui virent ainsi arracher de leur sein, et immoler par le glaive des soldats ces gages chéris de leur tendresse. Elle a recueilli le cri de Rachel, et ne cherche point à la consoler, si ce n'est en compatissant à son affliction. Pour honorer cette maternelle douleur, elle consent à suspendre aujourd'hui une partie des manifestations de la joie qui inonde son cœur durant cette Octave du Christ naissant. Elle n'ose revêtir dans ses vêtements sacrés la couleur de pourpre des Martyrs, pour ne pas rappeler trop vivement ce sang qui jaillit jusque sur le sein des mères ; elle s'interdit même la couleur blanche, qui marque l'allégresse et va mal à de si poignantes douleurs. Elle revêt la couleur violette, qui est celle du deuil et des regrets. Aujourd'hui même, si la fête ne tombe pas le Dimanche, l'Eglise va jusqu'à suspendre le chant du Gloria in excelsis, qui pourtant lui est si cher en ces jours où les Anges l'ont entonné sur la terre ; elle renonce au joyeux Alleluia, dans la célébration du Sacrifice ; enfin elle se montre, comme toujours, inspirée par cette délicatesse sublime et chrétienne dont la sainte Liturgie est une si merveilleuse école.


Massacre des Saints Innocents. Fresque.
Basilique Saint-Martin d'Aime. Savoie.

Mais, après cet hommage rendu à la tendresse maternelle de Rachel, et qui répand sur tout l'Office des saints Innocents une touchante mélancolie, elle ne perd pas de vue la gloire dont jouissent ces bienheureux enfants ; et elle consacre à leur solennelle mémoire une Octave entière, comme elle l'a fait pour saint Etienne et pour saint Jean. Dans ses Cathédrales et ses Collégiales, elle honore aussi, en ce jour, les enfants qu'elle appelle à joindre leurs voix innocentes à celles des prêtres et des autres ministres sacrés. Elle leur accorde de gracieuses distinctions, jusque dans le chœur même ; elle jouit de l'allégresse naïve de ces jeunes coopérateurs qu'elle emploie à rehausser ses pompes mystérieuses ; en eux, elle rend gloire au Christ Enfant, et à l'innocente cohorte des tendres rejetons de Rachel.

A Rome, la Station qui, le jour de saint Etienne, s'est tenue dans l'Eglise de ce premier des Martyrs, sur le Mont Coelius, et le jour de saint Jean, dans la Basilique de Saint-Jean-de-Latran, où le Disciple bien-aimé partage les honneurs de Jean le Précurseur, a lieu aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, dont le trésor se glorifie de posséder plusieurs des corps des saints Innocents. Au XVIe siècle ; Sixte-Quint en enleva une partie, pour les placer dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure, près de la Crèche du Sauveur.


Massacre des Saints Innocents. Dessin de Paolo Farinati. XVIIe.

Les Innocents furent ainsi nommés pour leur vie, leur châtiment et leur innocence acquise. Leur vie fut innocente, n'ayant jamais nui, ni à Dieu par désobéissance, ni au prochain par injustice, ni à eux-mêmes par malice en péchant. Ils furent innocents dans leur vie et simples dans la foi. Le châtiment, ils le subirent innocemment et injustement, ainsi qu'il est dit au psaume :
" Ils répandirent un sang innocent."
Ils possédèrent l’innocence acquise ; dans leur martyre, ils méritèrent l’innocence baptismale, c'est-à-dire que le péché originel fut effacé en eux. En parlant de cette innocence, le psalmiste dit :
" Conservez l’innocence et considérez la droiture."
C'est-à-dire conservez l’innocence baptismale et considérez la droiture d'une vie pleine de bonnes oeuvres.

Les Innocents furent tués par Hérode l’Ascalonite. La sainte Ecriture fait mention de trois Hérode que leur infâme cruauté a rendus célèbres. Le premier fut Hérode l’Ascalonite, sous lequel naquit le Seigneur et par qui furent massacrés les enfants. Le second fut Hérode Antipas, qui fit décoller saint Jean-Baptiste. Le troisième fut Hérode Agrippa, qui tua saint Jacques et emprisonna saint Pierre. On a fait ces vers à leur sujet :
" Ascalonita necat pueros, Antipa Joannem,
Agrippa Jacobum, claudens in carcere Petrum."


Massacre des Saints Innocents. Giotto.
Chapelle des Scrovegni. Padoue. XIVe.

Mais racontons en peu de mots l’histoire du premier Hérode. Antipater l’Icluméen, ainsi qu'on lit dans l’Histoire scholastique (Sozomène, Histoire Tripartite, ch. II.), se maria à une nièce du roi des Arabes. Il en eut un, fils, qu'il appela Hérode et qui plus tard fut surnommé l’Ascalonite. Ce fut lui qui reçut le royaume de Judée de César-Auguste et dès lors, pour la première fois ; le sceptre sortit de Juda. Il eut six fils : Antipater, Alexandre, Aristobule, Archelaüs, Hérode, Antipas. et Philippe.

Il envoya à Rome, pour s'instruire dans les arts libéraux, Alexandre et Aristobule dont la mère était Poldève ; leurs études achevées, ils revinrent. Alexandre se fit grammairien et Aristobule devint un orateur très véhément : déjà ils avaient eu des différends avec leur père pour la possession du trône. Le père en fut offensé et s'attacha à faire prévaloir Antipater. Comme ils avaient comploté la mort de leur père et qu'ils avaient été chassés par lui, ils allèrent se plaindre à César de l’injustice qu'ils avaient subie.

Sur ces entrefaites, les Mages viennent à Jérusalem et s'informent avec grand soin de la naissance d'un nouveau roi. A cette nouvelle, Hérode se trouble, et, craignant que de la race légitime des rois, il ne fût né un rejeton qu'il ne pourrait chasser comme usurpateur, il prie les Mages de l’avertir aussitôt qu'ils l’auraient trouvé, simulant vouloir adorer celui qu'il voulait tuer. Cependant les Mages retournèrent en leur pays par un autre chemin. Hérode, ne les voyant pas revenir, crut qu'ils avaient eu honte de retourner vers lui, parce qu'ils auraient été les dupes de l’apparition de l’étoile et ne s'occupa plus de rechercher l’enfant.


Massacre des Saints Innocents. Josse de Momper. Flandres. XVIIe.

Mais ayant appris le récit des bergers et les prédictions de Siméon et d'Anne, ses appréhensions redoublèrent et il se crut indignement trompé par les Mages. Il pensa donc alors à tuer les enfants qui étaient à Bethléem, pour faire périr avec eux celui qu'il ne connaissait pas. Mais sur les avis de l’Ange, Joseph avec sa mère et l’Enfant s'enfuit en Egypte et demeura sept ans à Hermopolis, jusqu'à la mort d'Hérode. Or, quand le Seigneur entra en Egypte, toutes les idoles furent renversées, selon la prédiction d'Isaïe. Et de même que lors de la sortie des enfants d'Israël de l’Égypte, il n'y eut pas une maison où par la main de Dieu, le premier né, ne fût mort, de même il n'y eut pas de temple dans lequel une idole ne fût renversée. Cassiodore rapporte dans son Histoire Tripartite (Liv. VI, chap. XLII.), qu'à Hermopolis, en Thébaïde, il existe un arbre appelé Persidis qui a la propriété de guérir ceux des malades au cou desquels on attache de son fruit, de ses feuilles ou de son écorce. Or, comme la bienheureuse Marie s'enfuyait en Egypte avec son fils ; cet arbre s'inclina jusqu'à terre et adora humblement Jésus-Christ.

Hérode se préparait à massacrer les enfants, lorsqu'une lettre de César-Auguste le cita à comparaître devant lui pour répondre aux accusations de ses fils. En traversant Tharse, il sut que les mages avaient passé la mer sur des vaisseaux tharsiens, et il fit brûler toute la flotte, selon qu'il avait été prédit :
" D'un souffle impétueux vous briserez les vaisseaux de Tharsis." (Ps. VI.).
Le père ayant vidé ses différends avec ses enfants devant César, il fut arrêté que ceux-ci obéiraient en tout à leur père, et que celui-là céderait l’empire à qui il voudrait. Hérode, devenu plus hardi à son retour par l’affermissement de son pouvoir, envoya égorger tous les enfants qui se trouvaient à Bethléem, âgés de deux ans et au-dessous, selon le temps qu'il avait supputé d'après les mages.


Massacre des Saints Innocents. Heures à l'usage des Antonins. XVe.

Ceci a besoin de deux éclaircissements :

- Le premier par rapport au temps, et voici comment on l’explique : âgés de deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, en commençant par les enfants de deux ans jusqu'aux enfants d'une nuit.
Hérode avait en effet appris des mages qu'un prince était né le jour même de l’apparition de l’étoile, et comme il s'était déjà écoulé un an depuis son voyage à Rome et son retour, il croyait que le Seigneur avait un an et quelques jours de plus ; c'est pour cela qu'il exerça sa fureur sur ceux qui étaient plus âgés, c'est-à-dire, qui avaient deux ans et au-dessous, jusqu'aux enfants qui, n'avaient qu'une nuit : dans la crainte que cet enfant, auquel les autres obéissaient, ne subît quelque transformation qui le rendrait ou plus vieux ou plus jeune. C'est le sentiment le plus commun et le plus vraisemblable.

- Le second éclaircissement se tire de l’explication qu'en donne saint Chrysostome. Il entend ainsi l’ordre du nombre d'années ; depuis deux ans et au-dessous, c'est-à-dire, depuis les enfants de deux ans jusqu'à cinq. Il avance ainsi que l’étoile, apparut aux mages pendant un an avant la naissance du Sauveur. Or, depuis qu'il avait appris cela, Hérode avait été à Rome et son projet fut différé d'un an. Il croyait donc que le Sauveur était né quand l’étoile apparut aux mages.
D'après son calcul, le Sauveur aurait eu deux ans : voilà pourquoi il fit massacrer les enfants de deux à cinq ans, mais pas moins jeunes que de deux ans. Ce qui rend cette assertion vraisemblable, ce sont les ossements des innocents dont quelques-uns sont trop grands pour ne pouvoir appartenir à des corps qui n'auraient eu que deux ans (Histoire scholastique, Ev, C. XI.). On pourrait peut-être encore dire que les hommes étaient de plus haute taille alors qu'aujourd'hui. Mais Hérode en fut bientôt puni. En effet Macrobe rapporte et Méthodien en sa chronique dit que le petit fils d'Hérode était en nourrice et qu'il fut tué avec les autres par les bourreaux. Alors fut accomplie la parole du Prophète :
" Rama, c'est-à-dire les hauts lieux, retentirent des pleurs et des gémissements des pieuses mères."


Massacre des Saints Innocents. Pierre-Paul Rubens. XVIIe.

Mais Dieu dont les desseins sont souverainement équitables (Eusèbe, Histoire-ecclésiastique, livreI1, c. VIII.) ne permit pas que l’affreuse cruauté d'Hérode restât impunie. Il arriva, par le jugement de Dieu, que celui qui avait privé tant de parents de leurs enfants fut aussi privé des siens plus misérablement encore. Car Alexandre et Aristobule inspirèrent de nouveaux soupçons à leur père.

Un de leurs complices avoua que Alexandre lui avait fait de grande

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samedi, 28 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (5)

3 janvier. L'Octave de saint Jean l'Evangéliste.

- Octave de saint Jean l'Evangéliste.


Saint Jean. Détail du tryptique de la Vierge à l'Enfant.
Paolo Veneziano. XIVe.

L'Octave de saint Jean achève aujourd'hui son cours : nous avons un dernier tribut d'hommages à rendre au Disciple bien-aimé. Le Cycle sacré nous ramènera encore sa glorieuse mémoire, au six du mois de Mai, lorsque, parmi les joies de la Résurrection de son Maître, nous célébrerons sa courageuse confession dans Rome, au milieu des feux de la Porte Latine ; aujourd'hui, acquittons notre reconnaissance envers lui pour les faveurs qu'il nous a obtenues de la miséricorde du divin Enfant, en repassant encore quelques-unes des faveurs qu'il a reçues de l'Emmanuel.

L'Apostolat de Jean fut fécond en œuvres de salut pour les peuples vers lesquels il fut envoyé. La nation des Parthes reçut de lui l'Evangile, et il fonda la plupart des Eglises de l'Asie-Mineure : entre lesquelles sept ont été choisies avec leurs Anges par le Christ lui-même dans la divine Apocalypse, pour figurer les diverses classes de pasteurs, et peut-être, comme plusieurs l'ont pensé, les sept âges de l'Eglise elle-même. Nous ne devons pas oublier que ces Eglises de l'Asie-Mineure, encore toutes remplies de la doctrine de saint Jean, députèrent des Apôtres dans les Gaules, et que l'illustre Eglise de Lyon est une des conquêtes de cette pacifique expédition. Bientôt, dans ce saint Temps de Noël lui-même, nous honorerons l'héroïque Polycarpe, l'Ange de Smyrne, disciple de saint Jean, et dont fut disciple lui-même saint Pothin, qui fut le premier évêque de Lyon.


Saint Jean. Andrea del Castagno.
Fresque de l'église Saint-Zaccharie de Venise. XVe.

Mais les travaux apostoliques de saint Jean ne le détournèrent pas des soins que sa tendresse filiale et la confiance du Sauveur lui imposaient à l'égard de la très pure Marie. Aussi longtemps que le Christ la jugea nécessaire à l'affermissement de son Eglise, Jean eut l'insigne faveur de jouir de sa société, de pouvoir l'environner des marques de sa tendresse, jusqu'à ce que, après avoir habité Ephèse avec lui, elle retourna dans sa compagnie à Jérusalem, d'où elle s'éleva du désert de ce monde jusqu'au ciel, comme chante l'Eglise, semblable à un léger nuage de myrrhe et d'encens. Jean eut encore à survivre à cette seconde séparation, et attendit, dans les labeurs de l'apostolat, le jour où il lui serait donné à lui-même de monter vers cette région fortunée où son divin Ami et son incomparable Mère l'attendaient.

Les Apôtres, ces vives lumières établies sur le chandelier parla main du Christ lui-même, s'éteignaient successivement par la mort du martyre ; et lui, restait seul debout dans l'Eglise de Dieu. Ses cheveux blancs, comme nous l'apprennent les anciens, étaient ceints d'une lame d'or pour marquer sa qualité de Pontife ; les Eglises recueillaient les paroles de sa bouche inspirée comme la règle de leur foi ; et sa prophétie de Pathmos montrait que les secrets de l'avenir de l'Eglise étaient dévoilés à ses yeux. Au milieu de tant de gloire, Jean était humble et simple comme l'Enfant de Bethléhem, et l'on se sent attendri par ces antiques récits qui nous le montrent pressant dans ses mains sacrées un oiseau qu'il caressait avec tendresse.


Saint Jean. Ivoire. Jürgen Kriebel. XVIe.

Ce vieillard qui, dans ses jeunes années, avait reposé sur la poitrine de Celui dont les délices sont d'être avec les enfants des hommes ; lui, le seul des Apôtres qui l'avait suivi jusqu'à la Croix, et qui avait vu ouvrir parla lance ce Cœur qui a tant aimé le monde, se plaisait surtout à parler de la charité fraternelle. Sa miséricorde pour les pécheurs était digne de l'ami du Rédempteur, et l'on connaît cette poursuite évangélique qu'il entreprit contre un jeune homme dont il avait aimé l'âme d'un amour de père, et qui s'était livré, pendant l'absence du saint Apôtre, à tous les désordres. Malgré son grand âge, Jean l'atteignit dans les montagnes, et le ramena pénitent au bercail.

Mais cet homme si merveilleux dans la charité, était inflexible contre l'hérésie qui anéantit la charité dans sa source, en ruinant la foi. C'est de lui que l'Eglise a reçu sa maxime de fuir l'hérétique comme la peste :
" Ne lui donnez pas même le salut, dit cet ami du Christ dans sa seconde Epître, car celui qui le salue communique à ses œuvres de malice."
Un jour, étant entré dans un bain public, il sut que l'hérésiarque Cérinthe s'y trouvait avec lui, et il en sortit à l'instant comme d'un lieu maudit. Aussi les disciples de Cérinthe tentèrent-ils de l'empoisonner dans une coupe dont il se servait ; mais le saint Apôtre ayant fait le signe de la croix sur le breuvage, il en sortit un serpent qui témoigna de la malice des sectaires et de la sainteté du disciple du Christ. Cette fermeté apostolique dans la garde du dépôt de la foi le rendit la terreur des hérétiques de l'Asie, et, par là, il justifia ce nom prophétique de Fils du Tonnerre que le Sauveur lui avait donné, ainsi qu'à son frère Jacques le Majeur, l'Apôtre du royaume Catholique.


La Lamentation sur le corps du Christ. Jaume Huguet. Espagne. XVe.

En mémoire du miracle que nous venons de rapporter, la tradition des arts catholiques a donné pour emblème à saint Jean un calice duquel sort un serpent ; et, dans plusieurs provinces de la chrétienté, en Allemagne principalement, le jour de la fête de cet Apôtre, on bénit solennellement du vin avec une prière qui rappelle cet événement. On a aussi, dans ces contrées, l'usage de boire, à la fin du repas, un dernier coup qu'on appelle le coup de saint Jean, comme pour mettre sous sa protection la réfection qu'on vient de prendre.

La place nous manque pour raconter en détail diverses traditions sur notre Apôtre, auxquelles il est fait allusion dans plusieurs des pièces liturgiques du moyen âge que nous avons citées: on peut les voir dans les légendaires ; nous nous bornerons à dire ici quelque chose au sujet de sa mort.

Le passage de l'Evangile qu'on lit à la Messe de saint Jean a été souvent interprété dans ce sens que le Disciple bien-aimé ne devait pas mourir ; cependant il faut bien reconnaître que le texte s'explique sans recourir à cette interprétation. L'Eglise Grecque, comme nous l'avons vu dans ses Offices, professe la croyance au privilège de l'exemption de la mort accordé à saint Jean ; et ce sentiment de plusieurs anciens Pères est reproduit dans quelques-unes des Séquences ou Hymnes des Eglises d'Occident que nous avons données, ou que nous avons cru devoir promettre. L'Eglise Romaine semblerait y incliner dans le choix des paroles de l'une des Antiennes des Laudes de la Fête ; cependant on doit reconnaître qu'elle n'a jamais favorisé ce sentiment, bien qu'elle n'ait pas cru devoir l'improuver. D'un autre côté, le tombeau du saint Apôtre a existé à Ephèse; les monuments de la tradition en font mention, et aussi des prodiges d'une manne miraculeuse qu'on en a retirée pendant plusieurs siècles.


Saint Jean au calice de poison.
Plaque de piété ; élément des objets du sacre de Charles VII.
Argent doré, émail translucide sur argent de basse-taille. XIVe.

Il est surprenant toutefois que le corps de saint Jean n'ait été l'objet d'aucune translation ; aucune Eglise ne s'est jamais vantée de le posséder ; et quant aux reliques particulières de cet Apôtre, elles sont en très petit nombre dans l'Eglise, et leur nature est demeurée toujours assez vague. A Rome, lorsqu'on demande des reliques de saint Jean, on n'en obtient jamais que de son sépulcre. Il est impossible, après tous ces faits, de ne pas reconnaître quelque chose de mystérieux dans la disparition totale du corps d'un personnage si cher à toute l'Eglise, tandis que les corps de tous ses autres collègues dans l'Apostolat ont une histoire plus ou moins suivie, et que tant d'Eglises se les disputent, par parties ou en entier.

Le Sauveur a-t-il voulu glorifier, avant le jour du jugement, le corps de son ami ? L'a-t-il soustrait à tous les regards, comme celui de Moïse, dans les desseins impénétrables de sa sagesse ? Ces questions ne seront probablement jamais résolues sur la terre ; mais on ne saurait s'empêcher de reconnaître, avec tant de saints docteurs, dans le mystère dont le Seigneur s'est plu à environner le corps virginal de saint Jean, comme un nouveau signe de l'admirable chasteté de ce grand Apôtre.

SEQUENCE

Le moyen âge des Eglises Latines a été fécond sur la louange de saint Jean, et nous a laissé de nombreuses Séquences en son honneur. Nous en donnons deux, en commençant par celle d'Adam de Saint-Victor, que nous choisissons comme la plus belle des quatre que le grand lyrique du moyen âge nous a laissées :


La Vierge, saint Jean, deux saintes femmes et
saint Dominique de Guzman. Juan de Borgona. XVIe.

" En la fête de Jean, livrons-nous à la joie ; entonnons avec allégresse un chant à sa gloire.

Que notre bouche proclame ses louanges ; que notre cœur goûte la douceur des joies que Jean amène avec lui.

Il est le disciple chéri du Christ ; reposant sur sa poitrine, il a puisé la sagesse.

A lui le Christ sur la croix a recommandé sa Mère ; vierge, il a été le gardien de la plus pure des vierges.

Au dedans, la charité brûle son cœur ; au dehors, il brille par la dignité de sa vie, par ses prodiges et son éloquence.

Affranchi du joug de la concupiscence, il sort aussi victorieux de la chaudière de l'huile brûlante.

Il a triomphé du poison, commandé en maître à la mort et aux maladies, et terrassé les démons.

Doué d'un tel empire sur la nature, sa compassion pour les affligés ne fut pas moindre que son pouvoir.

Il rétablit un jour des pierreries qu'on avait brisées, et les distribua aux pauvres.

Il portait en lui-même un trésor inépuisable, lui qui transforma des branches d'arbres en or, des cailloux en diamants.

Le Christ son ami, entouré de ses disciples, vient l'inviter au festin éternel.

Il remonte vivant du sépulcre où il était descendu, pour s'asseoir à la table des cieux.

Le peuple en rend témoignage ; tes yeux peuvent le constater ; une manne céleste remplit son tombeau : mets divin qui rappelle le festin du Christ.

Comme Evangéliste, l'aigle est son symbole ; car il fixe le soleil, lorsqu'il contemple le Verbe Principe dans son Père Principe.

Par ses prodiges, il a converti le peuple des Gentils, peuple pervers, la province entière de l'Asie.

Par ses écrits, est éclairée et fortifiée l'Eglise qui est une.

Salut, Ô vase de chasteté, vase plein de la rosée céleste, pur au dedans, resplendissant au dehors, auguste en toutes choses !

Fais-nous suivre la voie de la sainteté ; fais que, par la pureté de nos âmes, nous méritions de contempler un jour l'Unité dans la Trinité.

Amen."

SEQUENCE

Le beau Cantique qui suit est tiré des anciens Missels des Eglises d'Allemagne :

Saint Jean. Détail du tryptique de la Vierge à l'Enfant du
couvent de Saint-François de Borgo Sansepolcro.
Stefano di Giovanni, dit Sasseta. Toscane. XVe.

" Le Verbe de Dieu, né de Dieu, ni fait, ni créé, est venu du ciel : Jean l'a vu, il l'a touché, il l'a dévoilé jusque dans le ciel.

Entre ces sources primitives, vrais ruisseaux de la fontaine de vérité, il a jailli ; il a versé au monde entier ce nectar salutaire qui coule du trône de Dieu.

Il franchit le ciel, il contemple le disque du vrai soleil ; il y fixe toute l'ardeur du regard de son âme ; contemplateur spirituel, comme le Séraphin sous ses ailes, il voit la face de Dieu.

Il a entendu autour du trône ce que les vingt-quatre vieillards chantent sur leurs harpes ; il a empreint du sceau de la Trinité l'or de notre cité terrestre.

Gardien de la Vierge, en écrivant son Evangile, il a fait connaître au monde le mystère secret de la divine naissance. Après l'avoir fait reposer sur le sanctuaire de son cœur, le Christ lui recommande, à lui fils du tonnerre, Marie, son lis sans tache, avec la confiance du mutuel amour qui les unissait.

On lui fait boire un poison mortel ; mais la vertu de la foi préserve son corps virginal ; le supplice même s'étonne que Jean sorte sans atteinte de l'épreuve de l'huile brûlante.

Il commande à la nature : il change les pierres en joyaux précieux; par ses ordres le rameau de la forêt se durcit et devient or.

Il ouvre les enfers, il commande à la mort de rendre ceux que le poison avait fait périr : il confond d'Ebion, de Cérinthe, de Marcion, les perfides aboiements.

Aigle, il vole sans limite, plus haut que jamais ne volèrent ni poète, ni prophète; jamais homme ne vit avec tant de clarté le mystère des choses accomplies, le secret des choses à venir.

L'Epoux, couvert de la robe de pourpre, vu par les hommes, mais non compris, remonte au ciel, son palais ; il envoie à l'Epouse l'aigle d'Ezéchiel, pour lui apprendre le mystère des cieux.

Ô bien-aimé ! Parle de ton bien-aimé ! Dis à l'Epouse quel est l’Epoux : dis quelle est la nourriture des Anges, quelles sont les tètes des habitants des cieux, en la présence de l'Epoux.

Révèle le pain qui nous initie à la vérité, cette Cène du Christ que tu goûtas sur la poitrine du Christ : afin que devant l'Agneau, devant son trône, nous chantions par delà les cieux tes louanges, en retour de ta protection.

Amen."


Saint Jean. Francesco Furini. XVIIe.
 
PRIERE
 
" Nous vous saluons aujourd'hui, le cœur plein de reconnaissance, Ô bienheureux Jean ! Qui nous avez assistés avec une si tendre charité dans la célébration des mystères de la Nativité de votre divin Roi. En relevant vos ineffables prérogatives, nous rendons gloire à Celui qui vous en a décoré. Soyez donc béni, Ô vous l'ami de Jésus, le Fils de la Vierge ! Mais avant de nous quitter, recevez encore nos prières.

Apôtre de la charité fraternelle, obtenez que nos cœurs se fondent tous dans une sainte union ; que les divisions cessent ; que la simplicité de la colombe, dont vous avez été un exemple si touchant, renaisse au cœur du chrétien de nos jours. Que la foi, sans laquelle la charité ne saurait exister, se maintienne pure dans nos Eglises ; que le serpent de l'hérésie soit écrasé, et que ses affreux breuvages ne soient plus présentés aux lèvres d'un peuple complice ou indifférent ; que l'attachement à la doctrine de l'Eglise soit ferme et énergique dans les cœurs catholiques ; que les mélanges profanes, la lâche tolérance des erreurs ne viennent plus affadir les mœurs religieuses de nos pères ; que les enfants de lumière se tranchent d'avec les enfants de ténèbres.

Souvenez-vous, Ô saint Prophète, de la sublime vision dans laquelle vous fut révélé l'état des Eglises de l'Asie-Mineure : obtenez pour les Anges qui gouvernent les nôtres cette fidélité inviolable qui mérite seule la couronne et la victoire. Priez aussi pour les contrées que vous avez évangélisées, et qui méritèrent de perdre la foi. Assez longtemps elles ont souffert l'esclavage et la dégradation ; il est temps qu'elles se régénèrent par Jésus-Christ et son Église Du haut du ciel, envoyez la paix à votre Eglise d'Ephèse, et à ses sœurs de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicée ; qu'elles se réveillent de leur sommeil ; qu'elles sortent de leurs tombeaux ; que l'Islamisme achè

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vendredi, 03 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)

2 janvier. L'Octave de saint Etienne, premier diacre, premier martyr.

- Octave de saint Etienne, Ier diacre, Ier martyr.


Vision de saint Etienne. Anonyme.
Cathédrale Saint-Etienne de Cahors. XVIIe.

Nous avons achevé hier l'Octave de la Naissance du Sauveur ; nous finirons aujourd'hui l'Octave de saint Etienne ; mais nous ne perdrons pas de vue, un seul instant, le divin Enfant dont Etienne, Jean le Bien-Aimé et les Innocents forment la cour. Dans cinq jours, nous verrons arriver les Mages au berceau du Roi nouveau-né ; ils sont en marche, et l'étoile commence à approcher de Bethléhem. Durant ces heures d'attente, glorifions l'Emmanuel, en proclamant les grandeurs de ceux qu'il a choisis pour ses favoris les plus chers, et admirons encore une fois Etienne dans ce dernier jour de l'Octave que l'Eglise lui a dédiée. Sur une autre partie du Cycle, nous le retrouverons avec allégresse ; sous les feux d'Août, il apparaîtra réjouissant l'Eglise par la miraculeuse Invention de ses Reliques, et répandra sur nous de nouvelles faveurs.


Saint Etienne. Charles Van Loo. XVIIIe.

Un antique Sermon attribué longtemps à saint Augustin nous apprend que saint Etienne était dans la fleur d'une brillante jeunesse, lorsqu'il fut appelé par les Apôtres à recevoir, dans l'imposition des mains, le caractère sacré du Diaconat. Six compagnons lui furent donnés ; et cet auguste septénaire, chargé de veiller autour de l'autel de la terre, représentait les sept Anges que saint Jean a vus assistant près de l'Autel sublime du ciel. Mais Etienne était le chef de cette compagnie sacrée ; et le titre d'Archidiacre lui est donné par saint Irénée, dès le second siècle.

Or, la vertu du Diacre est la fidélité ; et c'est pour cette raison que les trésors de l'Eglise lui sont confiés ; trésors qui ne consistent pas seulement dans les deniers destinés au soulagement des pauvres, mais dans ce qu'il y a de plus précieux au ciel et sur la terre : le Corps même du Rédempteur, dont le Diacre, par l'Ordre qu'il a reçu, est le dispensateur. Aussi l'Apôtre, dans sa première Epître à Timothée, recommande-t-il aux Diacres de garder le Mystère de la Foi dans une conscience pure.


Prédication de saint Etienne. Charles-Joseph Natoire. XVIIIe.

Le Diaconat étant donc un ministère de fidélité, il convenait que le premier Martyr appartînt à l'ordre des Diacres, puisque le martyre est une épreuve de fidélité ; et cette merveille est déclarée dans toute l'Eglise par la glorieuse Passion de ces trois magnifiques athlètes du Christ qui, couverts de la dalmatique triomphale, éclatent à la tête de l'armée des Martyrs : Etienne, la gloire de Jérusalem ; Laurent, les délices de Rome ; Vincent, l'honneur du royaume Catholique. Dans cet heureux Temps de Noël, le 22 Janvier, nous célébrerons Vincent, associé à Etienne pour la garde du berceau du Sauveur. Août nous donnera à la fois Etienne dans l'Invention de ses reliques, et Laurent avec sa palme victorieuse.

Afin d'honorer le Diaconat dans son premier représentant, l'usage d'un grand nombre d'Eglises est de faire remplir aux Diacres, dans la fête de saint Etienne, tous les offices qui ne sont point incompatibles avec leur caractère. Ainsi, dans plus d'une Cathédrale, le Chantre cède à un Diacre son bâton cantoral, d'autres Diacres assistent comme choristes sous leurs dalmatiques ; l'Epître même de la Messe est chantée par un Diacre, parce qu'elle contient le récit du martyre de saint Etienne.

L'établissement de la fête du premier des Martyrs, et son assignation au lendemain de la Naissance du Sauveur, se perd dans la plus sacrée et la plus haute antiquité. Les Constitutions Apostoliques, recueil compilé au plus tard à la fin du IIIe siècle, nous la montrent déjà établie, et fixée au lendemain de Noël. Saint Grégoire de Nysse et saint Astère d'Amasée, antérieurs l'un et l'autre à l'époque où les reliques du grand Diacre furent révélées au milieu de tant de prodiges, célèbrent sa solennité dans des Homélies spéciales, et la relèvent entre autres par cette circonstance qu'elle a l'honneur d'être fêtée le jour même qui suit la Naissance du Christ. Quant à son Octave, elle est moins ancienne ; toutefois, on ne saurait donner la date de son institution. Amalaire, au IXe siècle, en parle comme déjà établie, et le Martyrologe de Notker, au Xe siècle, la porte expressément.


Saint Etienne au Sanhédrin. Dessin de Laurent de La Hyre. XVIIe.

On ne doit pas s'étonner que cette fête d'un simple Diacre ait reçu tant d'honneurs, tandis que la plupart de celles des Apôtres demeurent privées d'une Octave. La règle de l'Eglise, dans la Liturgie, est d'affecter les distinctions de son culte dans la proportion des services qu'elle a reçus des Saints. Ainsi honore-t-elle saint Jérôme, simple prêtre, d'un culte supérieur à celui qu'elle défère à un grand nombre de saints Pontifes. La place et le degré d'élévation qu'elle accorde sur le Cycle, sont en rapport avec sa gratitude envers les amis de Dieu qu'elle y admet ; c'est ainsi qu'elle dirige les affections du peuple fidèle envers les célestes bienfaiteurs qu'il devra vénérer dans les rangs de l'Eglise triomphante. Etienne, en frayant la voie aux Martyrs, a donné le signal de ce sublime témoignage du sang qui fait la force de l'Eglise, et ratifie les vérités dont elle est dépositaire et les espérances éternelles qui reposent sur ces vérités. A Etienne donc gloire et honneur jusqu'à la consommation des siècles, sur cette terre fécondée de son sang qu'il a mêlé à celui du Christ !

Nous avons relevé le caractère de ce premier des Martyrs, pardonnant à ses bourreaux, à l'exemple du Christ ; et nous avons vu la sainte Eglise puiser dans ce grand fait la matière de son principal éloge envers saint Etienne. Nous appuierons aujourd'hui sur une circonstance du drame si émouvant qui s'accomplit sous les murs de Jérusalem. Parmi les complices de la mort sanglante d'Etienne, était un jeune homme nommé Saul. Fougueux et plein de menaces, il gardait les vêtements de ceux qui lapidaient le saint Diacre ; et comme disent les Pères, il le lapidait par les mains de tous. Un peu après, ce même Saul était renversé par une force divine sur le chemin de Damas, et il se relevait disciple de ce Jésus que la voix éclatante d'Etienne avait proclamé Fils du Père céleste, jusque sous les coups de ses bourreaux. La prière d'Etienne n'avait pas été stérile ; et une telle conquête n'annonçait rien moins que celle de la gentilité, dont le sang d'Etienne enfanta l'Apôtre.


Lapidation de saint Etienne. Dessin de Laurent de La Hyre. XVIIe.

" Sublime tableau ! S'écrie saint Augustin. Vous y voyez Etienne qu'on lapide ; vous y voyez Saul gardant les vêtements de ceux qui le lapident. Or, voici que Saul devient Apôtre de Jésus-Christ, tandis qu'Etienne est serviteur de Jésus-Christ. Tu as été renversé, Ô Saul ! tu t'es relevé prédicateur de Celui que tu poursuivais. En tous lieux, on lit tes Epîtres ; en tous lieux, tu convertis au Christ les cœurs rebelles ; en tous lieux, devenu bon Pasteur, tu formes de grands troupeaux. Avec le Christ tu règnes, en la compagnie de celui que tu as lapidé. Tous deux vous nous voyez ; tous deux vous entendez ce que nous disons ; tous deux vous priez pour nous. Celui-là vous exaucera, qui tous deux vous a couronnés. D'abord, l'un était un agneau et l'autre un loup ; maintenant tous deux sont agneaux. Qu'ils nous protègent donc de leurs regards ; qu'ils nous recommandent dans leurs prières ! Qu'ils obtiennent une vie paisible et tranquille à l'Eglise de leur Maître."

Le temps de Noël ne se terminera pas non plus sans que nous ayons réuni dans notre culte Etienne et Paul ; le 25 janvier, nous célébrerons la Conversion de l'Apôtre des Gentils ; il appartenait à sa glorieuse victime de le présenter au berceau de leur commun Sauveur.

Enfin, la piété catholique, émue par cette mort du premier des Martyrs, cette mort que l'écrivain sacré appelle un sommeil, et qui fait un si frappant contraste avec la rigueur du supplice qui l'occasionne, la piété catholique, disons-nous, a désigné saint Etienne comme un de nos intercesseurs pour la grâce d'une heureuse mort. Implorons donc le secours du saint Diacre, pour l'heure où nous aurons à rendre à notre Créateur cette âme qu'il nous a confiée ; et disposons dès maintenant notre cœur à offrir, lorsque le Seigneur le demandera, le sacrifice entier de cette vie fragile qui nous est donnée comme un dépôt, que nous devons être prêts à représenter au moment où il nous sera réclamé.

HYMNE

L'Hymne suivante, remarquable par l'onction et la simplicité, se trouve dans la plupart des Bréviaires Romains-Français :


Lapidation de saint Etienne. Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

" Saint ami de Dieu, Protomartyr Etienne, qui, richement paré de la vertu de charité, avez prié le Seigneur pour un peuple ennemi.

Vous êtes le premier porte-étendard de la milice céleste, le héraut de la vérité, le premier témoin de la grâce, la pierre fondamentale et vivante, le modèle de patience.

Immolé par les pierres, non par le glaive, vous voyez les membres de votre corps déchirés cruellement par le tranchant des cailloux ; ces pierres, teintes de votre sang, sont l’ornement de votre couronne.

Le premier, vous avez frayé le chemin laborieux du ciel ; le premier, vous avez affronté le glaive déjà émoussé par la mort du Christ ; vous êtes le premier froment foulé dans l'aire du Christ.

Pour vous le premier, les portes du ciel s'ouvrent : vous y découvrez, dans sa puissance, Jésus pour qui vous combattez vaillamment; debout, dans la majesté de son Père, il vous assiste fidèlement.

Versez vos prières pour cette assemblée qui se voue à votre culte ; et que le Seigneur, touché par votre entremise, daigne nous purifier de nos péchés et nous réunir aux habitants du ciel.

Gloire et honneur à Dieu, qui vous a couronné de roses, et vous a placé sur un trône dans les cieux ; qu'il daigne sauver les pécheurs, en les délivrant de l'aiguillon de la mort.

Amen."

SEQUENCE

Nous empruntons cette Séquence au recueil de Saint-Gall ; elle est de la composition de Notker :


Lapidation de saint Etienne. Fresque.
Eglise Saint-Orens de Bourisp. Pyrénées. XVe.

" D'un zèle unanime, célébrons cette solennité.

Recueillons l'exemple de charité que nous donne celui que nous fêtons,

Lorsqu'il prie pour de perfides ennemis.

Ô Etienne ! Porte-étendard suprême du Roi de bonté, exaucez-nous ;

Vous qui fûtes pleinement exaucé pour vos ennemis.

Par vos prières, Ô Etienne !

Paul, d'abord votre persécuteur, a cru dans le Christ ;

Et avec vous il gaudit, au royaume céleste , duquel n'approche aucun persécuteur.

Nous donc, nous suppliants, nous qui crions vers vous, et vous sollicitons de nos instances,

Que votre très sainte prière nous réconcilie toujours à notre Dieu.

Pierre vous établit ministre du Christ ; vous découvrez à Pierre lui-même un nouveau fondement de la foi, en montrant à la droite du Père souverain Celui qu'un peuple a crucifié.

C'est vous que le Christ s'est choisi, Ô Etienne ! vous par qui il fortifie ses fidèles ; vous qu'il vient consoler par sa vue à travers le choc des pierres qui pleuvent sur vous.

Aujourd'hui, au milieu des bataillons empourprés des Martyrs, vous resplendissez couronné.

Amen."


Invention du corps de saint Etienne.
Dessin de Laurent de La Hyre. XVIIe.

" Grâces vous soient rendues, Ô glorieux Etienne ! Pour le secours que vous nous avez apporté dans la célébration de la Naissance de notre Sauveur. Il vous appartenait de nous initier à ce haut et touchant mystère d'un Homme-Dieu. Le céleste Enfant nous apparaissait dans votre compagnie, et l'Eglise vous chargeait de le révéler aux fidèles, comme autrefois vous le révélâtes aux Juifs.

Votre mission est remplie : nous l'adorons, cet Enfant, comme le Verbe de Dieu ; nous le saluons comme notre Roi ; nous nous offrons à lui pour le servir comme vous, et nous reconnaissons que cet engagement va jusqu'à lui donner notre sang, s'il le demande. Faites donc, Ô Diacre fidèle ! que nous lui abandonnions, dès aujourd'hui, notre coeur ; que nous cherchions tous les moyens de lui plaire, et de mettre toute notre vie et toutes nos affections en harmonie avec ses volontés. Par là, nous mériterons de combattre son combat, sinon dans l'arène sanglante, du moins dans la lutte avec nos passions.


Reliquaire de saint Etienne. Eglise Saint-Pardoux.
Gimel-les-Cascades. Limousin. XIIe.

Nous sommes les fils des Martyrs, et les Martyrs ont vaincu le monde, comme l'Enfant de Bethléhem ; que le monde ne remporte donc plus la victoire sur nous. Obtenez pour notre cœur cette charité fraternelle qui pardonne tout, qui prie pour les ennemis, qui obtient la conversion des âmes les plus rebelles. Veillez sur nous, Martyr de Dieu, à l'heure de notre trépas ; assistez-nous quand notre vie sera au moment de s'éteindre ; montrez-nous alors ce Jésus que vous nous avez fait voir Enfant ; montrez-le-nous glorieux, triomphant, et surtout miséricordieux, tenant en ses mains divines la couronne qui nous est destinée ; et que nos dernières paroles, à cette heure suprême, soient les vôtres : Seigneur Jésus, recevez mon esprit."

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jeudi, 02 janvier 2025 | Lien permanent

3 janvier. Sainte Geneviève, vierge, patronne de Paris. 512.

- Sainte Geneviève, vierge, patronne de Paris. 512.

Pape : Saint Symmaque. Roi de France : Clovis Ier (+511). Roi de Reims : Thierry Ier. Roi d'Orléans : Clodomir.

" La piété est une oeuvre utile à tout... Par leurs prières, les personnes pieuses sont une rosée céleste, qui éloigne les calamités de nos villes et de nos campagnes? Si dans un jardin l'on aime à voir des choux et des arbres fruitiers, l'on aime sans doute à y trouver aussi des lys éclatants de blancheur ou de majestueux tournesols? Il en est des plantes humaines placées dans le jardin de Dieu comme des légumes, des fleurs et des fruits qui croissent dans les jardins des hommes? Ne décriez donc jamais la piété des vierges."


Sainte Geneviève. Missel à l'usage d'Evreux. XVe.

Le Martyrologe de l'Eglise Romaine nous présente aujourd'hui le nom d'une sainte vierge dont la mémoire est trop chère à l'Eglise de Paris, et à toutes celles de la France entière, pour qu'il nous soit possible de passer sous silence ses glorieux mérites. Dans la compagnie des Martyrs et du Confesseur et Pontife Sylvestre, la vierge Geneviève brille d'un doux éclat à côte de la veuve Anastasie. Elle garde avec amour le berceau de l'Enfant divin dont elle imita la simplicité, et dont elle a mérité d'être l'Epouse. Au milieu des mystères de l'enfantement virginal, il est juste de rendre de solennels honneurs aux Vierges fidèles qui sont venues après Marie. S'il nous était possible d'épuiser les Fastes de la sainte Eglise, quelle magnifique pléiade d'Epouses du Christ n'aurions-nous pas à glorifier, dans ces quarante jours de la Naissance de l'Emmanuel !

Déjà nous avons nommé la grande Martyre Eugénie ; nous aimerions à célébrer Colombe de Sens , Euphrosyne d'Alexandrie, Emilienne de Rome, Macra de Reims, Synclétique d'Alexandrie, Véronique de Binasco, Brigitte d'Ecosse, Viridiana de Vallombreuse, et tant d'autres; mais les bornes de notre plan nous contraignent à ne dépasser que rarement les limites tracées par le Cycle lui-même.

Sainte Geneviève. Provient du trumeau du portail central de
l'église abbatiale de Sainte-Geneviève à Paris. XIIIe.

Toutefois, empruntant les belles paroles de saint Augustin dans son VIIIe Sermon pour la fête de Noël, nous dirons à toutes ces amantes du Dieu nouveau-né :
" Saintes Vierges, qui avez méprisé les noces terrestres, célébrez avec allégresse l'enfantement de la Vierge. Celui qui vient combler vos désirs n'a point enlevé à sa Mère cette pureté que vous aimez. Il a guéri en vous la blessure que vous aviez contractée par Eve : il ne pouvait altérer ce qui vous plaît en Marie. Mais ce Fils que vous n'avez pu, comme elle, enfanter selon la chair, vous l'avez senti votre Epoux dans votre cœur. Vous n'avez pas été stériles ; car la pureté de la chair est le principe de la fécondité de l'âme."

Geneviève a été célèbre dans le monde entier. Elle vivait encore en cette chair mortelle, que déjà l'Orient connaissait son nom et ses vertus ; du haut de sa colonne, le stylite Siméon la saluait comme sa sœur dans la perfection du Christianisme. La capitale de la France lui est confiée ; une simple bergère protège les destinées de Paris, comme un pauvre laboureur, saint Isidore, veille sur la capitale des Espagnes.


Sainte Geneviève méditant en gardant les moutons de ses parents.
Collégiale de chanoines de la congrégation de Saint-Victor,
église paroissiale Saint-Denis. Athis-Mons. Île-de-France. XIXe.

L'élection que le Christ avait daigné faire de la jeune fille de Nanterre pour son Epouse, fut déclarée par l'un des plus grands évêques de la Gaule au Ve siècle. Saint Germain d'Auxerre se rendait dans la Grande-Bretagne où le Pape saint Boniface Ier l'envoyait pour combattre l'hérésie pélagienne. Accompagné de saint Loup, évoque de Troyes, qui devait partager sa mission, il s'arrêta au village de Nanterre ; et comme les deux prélats se dirigeaient vers l'église où ils voulaient prier pour le succès de leur voyage, le peuple fidèle les entourait avec une pieuse curiosité. Eclairé d'une lumière divine, Germain discerna dans la foule une petite fille de sept ans, et il fut averti intérieurement que le Seigneur se l'était choisie. Il demanda aux assistants le nom de cette enfant, et pria qu'on l'amenât en sa présence. On fit donc approcher les parents, le père nommé Sévère et la mère appelée Geruntia. L'un et l'autre furent attendris à la vue des caresses dont le saint évêque comblait leur fille.
" Cette enfant est à vous ?" leur dit Germain.
" Oui, seigneur ", répondirent-ils.
" Heureux parents d'une telle fille !" reprit l'évêque.
" A la naissance de cette enfant, sachez-le, les Anges ont fait grande fête dans le ciel. Cette fille sera grande devant le Seigneur ; et, par la sainteté de sa vie, elle arrachera beaucoup d'âmes au joug du péché."
Puis, se tournant vers l'enfant :
" Geneviève, ma fille ?
- Père saint, votre servante écoute.
- Parle-moi sans crainte : voudrais-tu être consacrée au Christ dans une pureté sans tache, comme son Epouse ?
- Béni soyez-vous, mon Père ! Ce que vous me demandez est le plus cher désir de mon cœur. C'est tout ce que je veux ; daignez prier le Seigneur qu'il me l'accorde.
- Aie confiance, ma fille, sois ferme dans ta résolution ; que tes œuvres soient d'accord avec ta foi, et le Seigneur ajoutera sa force à ta beauté."


Sainte Geneviève rencontre saint Germain d'Auxerre.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Les deux évêques accompagnés du peuple entrèrent dans l'église, et l'on chanta l'Office de None, qui fut suivi des Vêpres. Germain avait fait amener Geneviève auprès de lui, et durant toute la psalmodie il tint ses mains imposées sur la tête de l'enfant. Le lendemain, au lever du jour, avant de se mettre en route, il se fit amener Geneviève par son père.
" Salut, Geneviève, ma fille ! Te souviens-tu de la promesse d'hier ?
- Ô Père saint ! Je me souviens de ce que j'ai promis à vous et à Dieu ; mon désir est de garder à jamais, avec le secours céleste, la pureté de mon âme et de mon corps."
A ce moment, Germain aperçut à terre une médaille de cuivre marquée de l'image de la Croix. Il la releva, et, la présentant à Geneviève, il lui dit :
" Perce-la, mets-la à ton cou, et garde-la en souvenir de moi. Ne porte jamais ni collier, ni bague d'or ou d'argent, ni pierre précieuse ; car si l'attrait des beautés terrestres venait à dominer ton cœur, tu perdrais bientôt ta parure céleste qui doit être éternelle."
Après ces paroles, Germain dit à l'enfant de penser souvent à lui dans le Christ, et l'ayant recommandée à Sévère comme un dépôt deux fois précieux, il se mit en route pour la Grande-Bretagne avec son pieux compagnon.

Nous nous sommes complu à retracer cette gracieuse scène, telle qu'elle est racontée dans les Actes des Saints, dans le but de montrer la puissance de l'Enfant de Bethléhem, qui agit avec tant de liberté dans le choix des âmes qu'il a résolu de s'attacher par un lien plus étroit. Il s'y conduit en maître, rien ne lui fait obstacle, et son action n'est pas moins visible en ce siècle de décadence et d'attiédissement qu'aux jours de saint Germain et de sainte Geneviève. Quelques-uns, hélas ! s'en irritent ; d'autres s'étonnent ; la plupart ne réfléchissent pas : les uns et les autres sont cependant en face d'un des signes les plus frappants de la divinité de l'Eglise.


Sainte Geneviève rencontre saint Germain d'Auxerre.
Puvis de Chavannes. XIXe.

Geneviève, née à Nanterre, au territoire de Paris, fille de Sévère et de Géruntia, fit briller dès ses plus tendres années l'éclat d'une rare vertu. L'évêque Germain d'Auxerre, allant en Bretagne avec Loup de Troyes, pour extirper les restes de l'hérésie Pélagienne, ayant aperçu Geneviève, reconnut et prophétisa qu'elle serait agréable à Dieu et illustre par la sainteté de sa vie. Lui ayant demandé si elle voulait consacrer à Dieu sa virginité, Geneviève répondit avec un visage plein de modestie qu'elle le désirait vivement et uniquement.

Germain entrant donc dans l'Eglise, avec un nombreux cortège de peuple, imposa les mains à la jeune fille et la consacra vierge, au milieu du chant des psaumes et des plus solennelles oraisons. Le lendemain, lui ayant demandé si elle se souvenait encore du vœu qu'elle avait fait, elle l'assura qu'elle s'en souvenait, et qu'avec l'aide de Dieu elle persévérerait dans son propos. Alors, l'évêque aperçut à ses pieds, non sans une volonté de Dieu, une pièce de cuivre marquée d'une croix ; il la ramassa, la donna à la vierge, et lui ordonna de la porter à son cou, et de ne plus désormais souffrir la parure d'un collier qui ne sied point à une Epouse du Christ.


Sainte Geneviève en prière. Puvis de Chavannes. XIXe.

Elle excella par le don et l'abondance des miracles, surtout à l'égard des énergumènes qu'elle délivrait de la tyrannie des démons, en les oignant d'une huile bénite. Elle fit plusieurs prophéties, entre autres à l'approche d'Attila, roi des Huns. Elle exhorta les habitants de Paris à ne point abandonner leurs foyers, et à ne pas transporter ailleurs leurs biens, promettant que la ville tiendrait debout, tandis que d'autres cités plus fortes étaient renversées. L'événement prouva la vérité de la promesse ; et on l'attribua à la protection de Geneviève. Pendant une famine, et dans une grande cherté de vivres, elle fournit à la ville une grande quantité de blé, et distribua des pains à d'innombrables pauvres. Toutefois, malgré tant de miracles, elle ne put échapper à la haine et aux insultes des malveillants. Germain, se rendant une seconde fois en Bretagne, l'alla trouver, et par ses divines paroles la consola de toutes ces calomnies ; puis, adressant au peuple une grave remontrance , il fit voir le grand mérite de Geneviève devant Dieu, et montra le lieu où elle répandait ses prières, tout arrosé de ses larmes.

De la quinzième à la cinquantième année de son âge, elle ne rompit le jeûne que le dimanche et le jeudi, par un peu de pain d'orge et quelques mets cuits quinze jours à l'avance, afin qu'ils fussent moins succulents : sans autre breuvage que l'eau fraîche. Après ce temps, à la persuasion des Evêques, auxquels elle eût jugé un grand crime de ne pas obéir, elle usa de petits poissons et de lait. Une si grande vertu ne put être longtemps sans franchir les limites de la Gaule.


Guérison par l'intercession des reliques de sainte Geneviève.
Théodore-Pierre-Nicolas Maillot. XIXe.

Saint Siméon le Stylite, ayant ouï le bruit de ses miracles, voulut se recommander à ses prières. Enfin ses admirables vertus, comme l'écrit Bède, éclatèrent au loin, et elle vieillit dans le service du Christ jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans.
Saint Grégoire de Tours dit encore d'elle :
" Sainte Geneviève qui, dans son corps mortel , fut si puissante qu'elle ressuscita un mort, fut ensevelie à Paris dans la basilique des saints Apôtres Pierre et Paul ; les prières faites à son tombeau obtiennent souvent d'être exaucées ; et surtout les fièvres les plus opiniâtres cèdent souvent à la vertu de son intercession."

ANTIENNE

Nous donnons ici un chœur de gracieuses Antiennes extraites des anciens livres d'Offices de l'Eglise de Paris. Ces chants antiques sont purs et naïfs comme la vie de l'humble et sainte bergère :


Procession des reliques de sainte Geneviève pour
écarter les pluies incessantes de 1496.
Théodore-Pierre-Nicolas Maillot. XIXe.

" La vierge Geneviève, lorsqu'elle était encore jeune, ne fit cependant rien paraître de puéril dans ses actions ; mais, pour trouver la solitude, elle fuyait la compagnie des hommes.

Le Seigneur la prit pour lui dès l'enfance, et il parla à son cœur.

Au dehors, elle paissait les brebis de son père ; mais au dedans, le Seigneur était son pasteur.

Elle trouva un grand repos dans la garde de son troupeau ; et la solitude de son cœur était comme un jardin de délices devant Dieu.

Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur, de ce qu'étant petite, j'ai plu au Très-Haut.

Depuis que le saint Pontife m'a donné une pierre céleste, je me suis délectée en Jésus-Christ seul, comme en la plénitude des richesses.

J'ai servi le Seigneur dans la simplicité de mon cœur, lorsque je gardais les brebis du pâturage de mon père.

Ô heureuse servante de Dieu ! Déchargez-nous du poids qui nous accable, et dépouillez-nous de ces fautes mortelles qui nous fatiguent, afin que, par vos supplications, la porte du ciel nous soit ouverte.

Ô miséricordieuse Epouse de Dieu ! Qui êtes l'aurore du jour pour les cœurs tristes : vierge fille de France, vierge pleine de douceur, écoutez ceux qui crient vers vous, ne méprisez point leurs prières.

Geneviève, vierge clémente, regardez ceux qui vous implorent, enlevez le fardeau de nos fautes, repoussez nos ennemis, rendez la santé à notre corps malade et à notre cœur gémissant.

Ô Geneviève ! Regardez-nous d'un œil de bonté ; vous qui participez à la lumière angélique, qui brillez d'un titre céleste, qui êtes en présence du souverain Roi, réconciliez-nous avec lui ; donnez-nous de jouir de votre Epoux, vous qui êtes l'Epouse et la fille de l'Epoux."

SEQUENCE

Il est juste de faire entendre ici la voix d'Adam de Saint-Victor, à qui appartient de droit l'honneur de chanter la noble vierge, patronne de l'Eglise de Paris, qui fut redevable à ce grand poète d'une si riche collection d'admirables Séquences :


Chapelle de sainte Geneviève. Eglise Saint-Louis-en-L'Île. Paris.

" De Geneviève la fête solennelle nous amène une solennelle joie.

Que la pureté du cœur éclate en un sacrifice de louange.

Heureuse fut la naissance de cette enfant, témoin le Pontife Germain.

Ce qu'il prévit en esprit est justifié par l'événement.

Sur la poitrine de la vierge, pour indice de pudeur,

Il suspend une médaille d'airain marquée du signe de la croix.

A Geneviève, il offre une dot venue de la main de Dieu,

La consacrant comme un temple du Saint-Esprit, sous l'alliance du Christ.

La mère de cette innocente enfant ose la frapper : elle est privée de la lumière.

Compatissant à sa mère, la vierge lui rend l'usage de la vue.

Geneviève au grand cœur, mortifie sa chair par le jeûne ; elle arrose la terre de ses larmes, et se réjouit dans un continuel martyre.

Sur les pas du céleste guide, elle parcourt les cieux et les enfers ; par l'ardeur de ses prières, elle sauve sa ville de l'invasion d'un peuple barbare.

Par un prodige divin, elle apaise longtemps la soif des travailleurs. Elle rend à une mère désolée son fils unique, qu'une chute a brisé.

A peine la vierge a-t-elle prié, les démons frémissent, la paix est rendue aux énergumènes, l'espoir aux infirmes, le pardon aux coupables.

En sa main, des flambeaux se rallument d'une manière céleste ; par elle, un fleuve au vaste lit rentre docilement dans ses rives.

Après sa mort, vivant encore par ses mérites, elle calme les ardeur

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vendredi, 03 janvier 2025 | Lien permanent

23 décembre. Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.

- Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.

Pape : Saint Lucius Ier. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trébonien Galle (+353) ; Hostilien (+351) ; Volusien (+353) ; Emilien (+353). Empereurs romains (période des trente tyrans) : Valérien ; Galien.

" Il est plus beau d'imiter dans sa chair la vie des anges que d'augmenter de sa chair le nombre des mortels."
Saint Augustin.


Sainte Victoire. Eglise Sainte-Victoire. Ficcule. Italie. XIVe.

Sainte Victoire était de Tivoli, ville proche de Rome. Elle naquit de parents illustres selon le monde et encore plus par la religion chrétienne dont ils faisaient profession. Lorsqu'elle fut nubile, ils la promirent en mariage, de son consentement, à un gentilhomme nommé Eugène, qui avait de très bonnes qualités, mais était encore engagé dans les superstitions de l'idolâtrie ; car alors, la différence du culte n'était pas un empêchement au mariage. Une autre fillen nommée Anatolie, que quelques auteurs font sa soeur selon la chair, et d'autres seulement selon l'esprit, fut en même temps accordée à Tite Aurèle, seigneur romain, mais païen. Celle-ci avait fait voeu de virginité et ne voulait aucunement consentir à cette alliance qui, en la ravissant à Notre Seigneur Jésus-Christ, devaitla faire épouse d'un profane, d'un sacrilège et d'un esclave du démon.

Le seigneur Aurèle, qui avait une extrême passion pour elle, employa divers moyens pour la résoudre ; mais voyant qu'il n'en pouvait venir à bout, il pria Victoire, comme accordée à son ami Eugène, d'entreprendre cette affaire et de persuader à Anatolie de ne point différer davantage ses noces. Victoire ne put lui refuser ce service ; elle alla voir Anatolie et lui tint ce discours :
" Vous savez, ma soeur, que je suis chrétienne comme vous, et qu'en cette qualité je suis bien éloignée de vouloir vous donner uin mauvais conseil ; cependant, si vous voulez me croire, vous consentirez au plus tôt à votre mariage. Dieu n'a point condamné les noces ; nous voyons au contraire dans l'Ecriture que les Patriarches et les Prophètes, ses amis et fidèles serviteurs, ont eu des femmes et que Dieu a béni leur postérité? D'ailleurs, celui que vos parents vous ont destiné est un homme d'honneur, il ne vous accusera point comme chrétienne, il n'empêchera point que vous fassiez tous les exercices de votre religion ; il y a même espérance que, par l'amour conjugal qu'il aura pour vous, il embrassera le culte du vrai Dieu dont vous faites profession."



Sainte Victoire. Imagerie populaire. Lemercier & Basset. XIXe.

Anatolie écouta patiemment ce discours, mais Victoire s'étant tue, elle repit la parole et dit :
" Ô ma chère Victoire, triomphez de la malice du démon et soyez Victoire d'effet comme vous l'êtes de nom ! Quand il fallut peupler le monde, Dieu dit aux hommes : " Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre " ; mais maintenant que l'univers ne manque point d'habitants, le Fils de Dieu, descendu du ciel sur la terre pour nous donner une doctrine céleste, ne cesse point de crier : " Croissez dans la foi, augmentez dans la charité et remplissez le ciel, car le royaume des cieux approche ".
Elle lui dit encore d'autres choses très pressantes, et, pour la persuader davantage, elle ajouta :
" Ma chère soeur, le jour que je distribuai aux pauvres le prix de mes joyaux, j'eus une vision dans laquelle un jeune homme m'apparut avec un diadème d'or sur la tête, vêtu de pourpre et couvert de pierres précieuses, et me dit d'un air agréable et d'un visage plein de gaieté :
" Ô virginité qui êtes toujours dans la lumière et jamais dans les ténèbres !"
A ces paroles, je m'éveillai fort triste de n'avoir pas entendu le reste et je me jetai à terre, les larmes aux yeux, priant Notre Seigneur Jésus-Christ que celui qui m'avait dit ce peu de mot continuât de m'instruire. Comme j'étais ainsi prosternée, le même jeune homme ajouta :
" La virginité est une pourpre royale qui relève celles qui en sont revêtues au-dessus de toutes les autres. La virginité est une pierre d'un prix inestimable ; la virginité est le trésor immense du Roi des rois. Les voleurs tâchent de la ravir à qui la possèdent ; conservez-là avec toute la diligence possible, et soyez d'autant plus sur vos gardes pour la conserver, que vous la possédez dans un degré plus éminent."


Fresque-mosaïque des saintes vierges et martyres, dont sainte Victoire
et sainte Anatolie. Basilique Saint-Apollinaire-la-Neuve. Ravenne. VIe.

Un discours si puissant et si pathétique toucha vivement sainte Victoire ; elle fut heureusement vaincue par celle qu'elle avait entrepris de vaincre, et, ayant pris la résolution de demeurer vierge, elle vendit, comme Anatolie, ce qu'elle avait de bagues et d'autres vains ornements et en donna tout l'argent aux pauvres.

Dès que les seigneurs Eugène et Aurèle surent la résolution de ces deux généreuses filles, ils n'épargnèrent rien pour les obliger à en venir au mariage? Ils s'adressèrent pour cela à l'empereur même : ils obtinrent la permission de les enlever et de les mener dans leur maison de campagne, pour tâcher de les gagner, ou par la douceur, ou par les menaces et même par les mauvais traitements.

Sainte Anatolie se distingua par sa constance et subit le martyre, comme nous le voyons au 9 juillet.


Sainte Victoire. Imagerie populaire. Picard imprimeur. XIXe.

Pour sainte Victoire, elle fut à l'épreuve de toutes les sollicitations et de tous les outrages d'Eugène. Il la garda quelques années dans son château, pendant lesquelles il ne lui faisait donner pour nourriture qu'un morceau de pain bis le soir. Il lui fit aussi endurer beaucoup d'autres mauvais traitements indignes de sa naissance et de sa vertu, pour la réduire à l'épouser ou à adorer les idoles, mais inutilement. Sainte Victoire demeura invincible au milieu de tant de supplices. Elle eut même l'adresse, dans le peu de liberté qu'elle avait, de gagner plusieurs épouses à Notre Seigneur Jésus-Christ, en persuadant à de jeunes demoiselles qui venaient la voir de lui consacrer leur pureté virginale.

Adelme, évêque des Saxons occidentaux, qui a composé son histoire en vers héroïques, rapportés par Surirus en ce jour, dit qu'elle en assembla jusqu'à 60 qui menaient une vie angélique et qui chantaient jours et nuits des hymnes et des psaumes à l'honneur du vrai Dieu. Il ajoute qu'elle fit plusieurs miracles, et que, entre autres, elle chassa un horrible dragon qui infectait tout ce pays, après avoir fait promettre au peuple qu'il embrasserait la religion chrétienne.


Martyre de sainte Victoire. Anonyme. Collegiale Sainte-Victoire.
Santa-Vittoria-in-Matenano. Acoli. Italie. XVIIIe.

Enfin, Eugène, lassé de sa persévérance, obtint de Julien, pontife du Capitole et comte des temples, un bourreau nommé Tiliarque pour la faire mourir. Celui-ci donna un coup d'épée dans le coeur de sainte Victoire, et en fit une glorieuse martyre de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce fut sous la persécution de Dèce, le 23 décembre 253.
Le malheureux qui lui avait donné le coup de la mort devint aussitôt lépreux, et au bout de six jours, il mourut rongé par les vers.

Le corps de sainte Victoire fut enterré où elle avait été exécutée. Sa mémoire est marquée dans les quatre martyrologes, et principalement dans celui d'Adon. Des reliques de notre Sainte sont conservées dans une magnifique châsse dans l'église Notre-Dame-des-Victoires de Rome.


Châsse et reliquaire de sainte Victoire.
Basilique Notre-Dame-des-Victoires. Rome.

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lundi, 23 décembre 2024 | Lien permanent

23 décembre. ” O Emmanuel ”.

- " O Emmanuel ".

" Ecce completa sunt omnia quae dicta sunt per Angelum, de Virgine Maria."
" Voici que sont accomplies toutes les choses que l'Ange avait dites, au sujet de la Vierge Marie."
Antienne de l'office des Laudes de ce jour.
 

L'Annonciation. Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

VIIe ANTIENNE


" O Emmanuel, Rex et Legifer noster, exspectatio gentium, et salvator earum : veni ad salvandum nos, Domine Deus noster.

" Ô Emmanuel ! Notre Roi et notre Législateur ! L'attente des nations et leur sauveur ! Venez nous sauver, Seigneur notre Dieu !"

PRIERE

" Ô Emmanuel ! Roi de Paix ! Vous entrez aujourd'hui dans Jérusalem, la ville de votre choix ; car c'est là que vous avez votre Temple. Bientôt vous y aurez votre Croix et votre Sépulcre ; et le jour viendra où vous établirez auprès d'elle votre redoutable tribunal. Maintenant, vous pénétrez sans bruit et sans éclat dans cette ville de David et de Salomon. Elle n'est que le lieu de votre passage, pour vous rendre à Bethléhem. Toutefois, Marie votre mère, et Joseph son époux, ne la traversent pas sans monter au Temple, pour y rendre au Seigneur leurs vœux et leurs hommages : et alors s'accomplit, pour la première fois, l'oracle du Prophète Aggée qui avait annoncé que la gloire du second Temple serait plus grande que celle du premier. Ce Temple, en effet, se trouve en ce moment posséder une Arche d'Alliance bien autrement précieuse que celle de Moïse, mais surtout incomparable à tout autre sanctuaire qu'au ciel même, parla dignité de Celui qu'elle contient.

C'est le Législateur lui-même qui est ici, et non plus simplement la table de pierre sur laquelle la Loi est gravée. Mais bientôt l'Arche vivante du Seigneur descend les degrés du Temple, et se dispose à partir pour Bethléhem, où l'appellent d'autres oracles. Nous adorons, Ô Emmanuel ! Tous vos pas à travers ce monde, et nous admirons avec quelle fidélité vous observez ce qui a été écrit de vous, afin que rien ne manque aux caractères dont vous devez être doué, Ô Messie, pour être reconnu par votre peuple. Mais souvenez-vous que l'heure est près de sonner, que toutes choses se préparent pour votre Nativité, et venez nous sauver ; venez, afin d'être appelé non plus seulement Emmanuel, mais Jésus, c'est-à-dire Sauveur."
 

Jugement dernier. Ivoire du XIIIe.

GRANDE ANTIENNE A JÉRUSALEM

" O Jérusalem ! Ville du grand Dieu, lève les yeux autour de toi, et regarde ton Seigneur ; car il va bientôt venir te délivrer de tes liens."

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lundi, 23 décembre 2024 | Lien permanent

26 décembre. Saint Etienne, premier diacre et premier martyr. 35.

- Saint Etienne, premier diacre et premier martyr. 35.
 
Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Tibère.
 
" Posuisti Domine, super caput ejus coronam de lapide precioso."
" Les pierres dont les Juifs l'ont accablé se sont changées sur sa tête en une couronne de pierres précieuses."
Ps. XX, 14.
 

Saint Etienne. Giotto di Bondone. XIVe.
 
Étienne ou Stéphane veut dire couronne en grec ; en hébreu il signifie règle. Il fut la couronne, c'est-à-dire le chef des martyrs du Nouveau Testament ; comme Abel de, l’ancien. Il fut encore une règle, c'est-à-dire un exemple aux autres de souffrir pour Notre Seigneur Jésus-Christ ou bien d'agir et de vivre dans la sincérité, ou de prier pour ses ennemis. Stéphane signifierait encore, d'après une autre étymologie, Strenue fans, qui parle avec énergie, comme il appert par son discours et par sa belle prédication de la parole de Dieu. Stéphane signifierait aussi : qui parle avec force aux vieilles, Strenue fans anus, parce qu'il parlait avec énergie, avec dignité aux veuves qu'il instruisait et dirigeait d'après la commission qu'il en avait reçue des apôtres, et qui, à la lettre, étaient vieilles. Il est donc couronné comme chef du martyre, règle du souffrir et du bien vivre, orateur énergique dans sa prédication, riche, et parlant aux vieilles dans ses admirables instructions. (Legenda aurea. Bx J. de Voragine).
Etienne est la version franco-germaine de Stéphane, plus fidèle à ses racines grecques. Esteban en espagnol, Stephen ou Steven en anglais, etc.
 
Saint Pierre Damien ouvre son Sermon sur la présente solennité par ces paroles :

" Nous tenons encore entre nos bras le Fils de la Vierge, et nous honorons par nos caresses l'enfance d'un Dieu. Marie nous a conduits à l'auguste berceau ; belle entre les filles des hommes, bénie entre les femmes, elle nous a présenté Celui qui est beau entre tous les enfants des hommes, et plus qu'eux tous, comblé de bénédictions. Elle soulève pour nous le voile des prophéties, et nous montre les desseins de Dieu accomplis. Qui de nous pourrait distraire ses yeux de la merveille d'un tel enfantement ? Néanmoins, tandis que le nouveau-né nous accorde les baisers de sa tendresse, et nous tient dans l'étonnement par de si grands prodiges, tout à coup, Etienne, plein de grâce et de force, opère des choses merveilleuses au milieu du peuple (Act. VI, 8.).

Laisserons-nous donc le Roi pour tourner nos regards sur un de ses soldats ? Non certes, à moins que le Prince lui-même ne nous le commande. Or, voici que le Roi, Fils de Roi, se lève lui-même, et vient assister au combat de son serviteur. Courons donc à un spectacle auquel il court lui-même, et considérons le porte-étendard des Martyrs."
 

Saint Etienne est fait diacre par saint Pierre. Vittore Carpaccio. XVe.

La sainte Eglise, dans l'Office d'aujourd'hui, nous fait lire ce début d'un Sermon de saint Fulgence sur la fête de saint Etienne :
" Hier, nous avons célébré la Naissance temporelle de notre Roi éternel ; aujourd'hui, nous célébrons la Passion triomphale de son soldat. Hier notre Roi, couvert du vêtement de la chair, est sorti du sein de la Vierge et a daigné visiter le monde ; aujourd'hui, le combattant est sorti de la tente de son corps, et est monté triomphant au ciel. Le premier, tout en conservant la majesté de son éternelle divinité, a ceint l'humble baudrier de la chair, et est entré dans le camp de ce siècle pour combattre ; le second, déposant l’enveloppe corruptible du corps, est monté au palais du ciel pour y régner à jamais.

L'un est descendu sous le voile de la chair, l'autre est monté sous les lauriers empourprés de son sang. L'un est descendu du milieu de la joie des Anges ; l'autre est monté du milieu des Juifs qui le lapidaient. Hier, les saints Anges, dans l'allégresse, ont chanté :
" Gloire à Dieu au plus haut des cieux !"
Aujourd'hui, ils ont reçu Etienne dans leur compagnie avec jubilation. Hier, le Christ a été pour nous enveloppé de langes : aujourd'hui, Etienne a été par lui revêtu de la robe a d'immortalité. Hier, une étroite crèche a reçu le Christ enfant : aujourd'hui l'immensité du ciel a reçu Etienne dans son triomphe."


Saint Etienne. Vincenzo Foppa. XVe.

Ainsi, la divine Liturgie unit les joies de la Nativité du Seigneur avec l'allégresse que lui inspire le triomphe du premier des Martyrs ; et encore Etienne ne sera pas le seul à venir partager les honneurs de cette glorieuse Octave. Après lui, nous célébrerons Jean, le bien-aimé Disciple ; les Innocents de Bethléhem ; Thomas, le Martyr de la liberté de l'Eglise ; Sylvestre, le Pontife delà Paix. Mais, dans cette brillante escorte du Roi nouveau-né, la place d'honneur appartient à Etienne, ce Proto-martyr qui, ainsi que le chante l'Eglise, " a rendu le premier au Sauveur la mort que le Sauveur a soufferte pour lui ". Ainsi méritait d'être honoré le Martyre, ce témoignage sublime qui acquitte avec plénitude envers Dieu les dons octroyés à notre race, et scelle par le sang de l'homme la vérité que le Seigneur a confiée à la terre.

Pour bien comprendre ceci, il est nécessaire de considérer le plan divin pour le salut du monde. Le Verbe de Dieu est envoyé afin d'instruire les hommes ; il sème sa divine parole, et ses œuvres rendent témoignage de lui. Mais, après son Sacrifice, il remonte à la droite de son Père ; et son témoignage, pour être reçu par les hommes qui n'ont pas vu ni entendu ce Verbe de vie, a besoin d'un témoignage nouveau. Or, ce témoignage nouveau, ce sont les Martyrs qui le donneront ; et ce ne sera pas simplement par la confession de leur bouche, mais par l'effusion de leur sang qu'ils le rendront. L'Eglise s'élèvera donc par la Parole et le Sang de Jésus-Christ ; mais elle se soutiendra, elle traversera les âges, elle triomphera de tous les obstacles par le sang des Martyrs, membres du Christ ; et ce sang se mêlera avec celui de leur Chef divin, dans un même Sacrifice.


Saint Etienne. Domenico Ghirlandaio. XVe.

Les Martyrs auront toute ressemblance avec leur Roi suprême. Ils seront, comme il l'a dit, " semblables à des agneaux au milieu des loups " (Matth. X, 16.). Le monde sera fort contre eux ; devant lui, ils seront faibles et désarmés ; mais, dans cette lutte inégale, la victoire des Martyrs n'en sera que plus éclatante et plus divine. L'Apôtre nous dit que le Christ crucifié est la force et la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24.) ; les Martyrs immolés, et cependant conquérants du monde, attesteront, d'un témoignage que le monde même comprendra, que le Christ qu'ils ont confessé, et qui leur a donné la constance et la victoire, est véritablement la force et la sagesse de Dieu. Il est donc juste qu'ils soient associés à tous les triomphes de l'Homme-Dieu, et que le cycle liturgique les glorifie, comme l'Eglise elle-même les honore en plaçant sous la pierre de l'autel leurs sacrés ossements, en sorte que le Sacrifice de leur Chef triomphant ne soit jamais célébré sans qu'ils soient offerts avec lui dans l'unité de son Corps mystique.

Or, la liste glorieuse des Martyrs du Fils de Dieu commence à saint Etienne ; il y brille par son beau nom qui signifie le Couronné, présage divin de sa victoire. Il commande, sous le Christ, cette blanche armée que chante l'Eglise, ayant été appelé le premier, avant les Apôtres eux-mêmes, et ayant répondu dignement à l'honneur de l'appel. Etienne a rendu un fort et courageux témoignage à la divinité de l'Emmanuel, en présence de la Synagogue des Juifs ; il a irrité leurs oreilles incrédules, en proclamant la vérité ; et bientôt une grêle de pierres meurtrières a été lancée contre lui par les ennemis de Dieu, devenus les siens. Il a reçu cet affront, debout, sans faiblir ; on eût dit, suivant la belle expression de saint Grégoire de Nysse, qu'une " neige douce et silencieuse tombait sur lui à flocons légers, ou encore qu'une pluie de roses descendait mollement sur sa tête ".


Sermon de saint Etienne à Jérusalem. Vittore Carpaccio. XVIe.

Mais, à travers ces pierres qui se choquaient entre elles en lui apportant la mort, une clarté divine arrivait jusqu'à lui : Jésus, pour qui il mourait, se manifestait à ses regards ; et un dernier témoignage à la divinité de l'Emmanuel s'échappait avec force de la bouche du Martyr. Bientôt, à l'exemple de ce divin Maître, pour rendre son sacrifice complet, le Martyr répand sa dernière prière pour ses bourreaux ; il fléchit les genoux et demande que le péché ne leur soit pas imputé. Ainsi tout est consommé ; et le type du Martyre est montré à la terre pour être imité et suivi dans toutes les générations, jusqu'à la consommation des siècles, jusqu'au dernier complément du nombre des Martyrs. Etienne s'endort dans le Seigneur, et il est enseveli dans la paix, in pace, jusqu'à ce que sa tombe sacrée soit retrouvée, et que sa gloire se répande de nouveau dans toute l'Eglise, par cette miraculeuse Invention, comme par une résurrection anticipée.

Etienne a donc mérité de faire la garde auprès du berceau de son Roi, comme le chef des vaillants champions de la divinité du céleste Enfant que nous adorons. Prions-le, avec l'Eglise, de nous faciliter l'approche de l'humble couche où repose notre souverain Seigneur. Demandons-lui de nous initier aux mystères de cette divine Enfance que nous devons tous connaître et imiter dans le Christ. Dans la simplicité de la crèche, il n'a point compté le nombre de ses ennemis, il n'a point tremblé en présence de leur rage, il n'a point fui leurs coups, il n'a point imposé silence à sa bouche, il a pardonné à leur fureur; et sa dernière prière a été pour eux.


Dispute de saint Etienne avec les Juifs. Vittore Carpaccio. XVe.

Ô fidèle imitateur de l'Enfant de Bethléhem ! Jésus, en effet, n'a point foudroyé les habitants de cette cité qui refusa un asile à la Vierge-Mère, au moment où elle allait enfanter le Fils de David. Il dédaignera d'arrêter la fureur d'Hérode qui bientôt le cherchera pour le faire périr ; il aimera mieux fuir en Egypte, comme un proscrit, devant la face de ce tyran vulgaire ; et c'est à travers toutes ces faiblesses apparentes qu'il montrera sa divinité, et que le Dieu-Enfant sera le Dieu-Fort. Hérode passera, et sa tyrannie ; le Christ demeurera, plus grand dans sa crèche où il fait trembler un roi, que ce prince sous sa pourpre tributaire des Romains ; plus grand que César-Auguste lui-même, dont l'empire colossal a pour destinée de servir d'escabeau à l'Eglise que vient établir cet Enfant si humblement inscrit sur les rôles de la ville de Bethléhem.

Pendant les premières années qui suivirent la mort de Jésus, un grand nombre de convertis, appartenant à toutes les classes de la société juive et même au sacerdoce, portèrent l'Eglise de Jérusalem à un haut point de faveur dans la ville ; par leur assiduité au temple, leur étroite observance de la loi, les fidèles étaient un sujet d'édification pour le peuple. Tout fut changé le jour où l'on soupçonna chez ceux en qui l'on ne voyait que des pharisiens plus parfaits que les autres, l'intention de soustraire la foi nouvelle à l'autorité de la Synagogue. L'introduction des diacres hellénistes dans la hiérarchie précipita les événements. Parmi les apôtres nul ne songeait alors à détacher l'Eglise du tronc sur lequel Jésus l'avait entée. Moins subjugués par les grands souvenirs du passé, les hellénistes avaient compris les premiers certaines paroles du Maître qui annonçaient la séparation des deux Testaments.


Dispute de saint Etienne avec les Juifs. Paolo Ucello.
Cathédrale de Sienne. Italie. XVe.

Le diacre Etienne provoqua un éclat terrible. On ne sait trop quel personnage il était autrefois, l'histoire ne commence pour lui qu'au moment de son élection. Dès lors, son zèle le portait à prêcher beaucoup, et son talent lui amenait des auditoires nombreux. Il soutenait la dispute contre les habitués de la synagogue des Libertini ou affranchis de Rome, des gens de Cyrène, d'Alexandrie, de Cilicie, d'Ephèse, et l'on s'animait fort à ces disputes, dont le sujet était le caractère messianique de Jésus, le crime de ceux qui l'avaient fait mourir, et de tous les Juifs qui refusaient de le reconnaître pour le Messie. Les autorités juives résolurent de perdre ce prédicateur ; elles profitèrent d'un gouvernement intérimaire de Marcellus pour entrer en possession de leurs droits méconnus par les procurateurs. La mort de Tibère et l'éloignement du légat de Syrie poussaient à hâter une entreprise qui rendait au Sanhédrin son autonomie d'autrefois. Des témoins furent apostés pour surprendre dans les discours d'Etienne quelque parole contre Moïse ; ayant trouvé ce qu'ils étaient venus chercher, ils se répandirent dans la ville, répétant qu'Etienne avait proféré des blasphèmes contre Moïse et contre Dieu.

Ils émurent donc le peuple, les anciens et les scribes et se jetant sur Etienne, ils l'enlevèrent et l'amenèrent devant le conseil ; ils produisirent même de faux témoins contre lui, qui dirent :
" Cet homme ne cesse de parler contre le lieu saint et la Loi, car nous lui avons entendu dire que Jésus de Nazareth détruira ce lieu et changera les traditions que Moïse nous a laissées."
Alors tous ceux qui étaient assis dans le conseil arrêtèrent les yeux sur lui, et crurent voir le visage d'un ange.


La lapidation de saint Etienne. Bernardo Daddi.
Eglise Santa Croce de Florence. XIVe.

Le pontife demande à Etienne si ces accusations sont vraies. Celui-ci répondit :
" Mes frères et mes pères, écoutez ! Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham quand il était en Mésopotamie, avant qu'il s'établît à Charan, et il lui dit :
" Sors de ton pays et de ta parenté, et viens dans la terre que je te montrerai." Alors, sortant du pays des Chaldéens, il habita à Charan. Et après la mort de son père, Dieu le fit passer dans cette terre que vous habitez aujourd'hui, où il ne lui donna aucun héritage, pas même où poser le pied, mais il promit de lui en donner la possession et, après lui, à sa postérité, alors qu'il n'avait point encore d'enfant, et Dieu lui prédit que ses descendants iraient demeurer dans un pays étranger, qu'ils y seraient réduits en servitude et qu'on les y traiterait avec dureté pendant quatre cents ans ; mais Dieu ajouta :
" J'exercerai mes jugements sur la nation qui les aura rendus esclaves, ensuite ils sortiront de là, et me serviront dans cette terre."

Depuis il contracta avec lui l'alliance de la circoncision, et ainsi Abraham, ayant engendré Isaac, le circoncit le huitième jour. Isaac circoncit Jacob, et Jacob les douze patriarches. Les patriarches, poussés par l'envie, vendirent Joseph pour être mené en Egypte ; mais Dieu, qui était avec lui, le délivra de toutes ses afflictions, et par la sagesse qu'il lui donna, le rendit agréable au Pharaon, roi d'Egypte, qui l'établit gouverneur de l'Egypte et de toute sa maison. En ce temps survinrent une famine et une grande désolation dans toute l'Egypte et dans le pays de Chanaan, en sorte que nos pères n'avaient pas de quoi vivre. Jacob apprit qu'il y avait du blé en Egypte, il envoya une première fois nos pères, puis une seconde fois, et ils reconnurent Joseph, et sa race fut découverte au Pharaon. Alors Joseph envoya un message à Jacob son père, et le fit venir avec toute sa parenté, qui était de soixante-quinze personnes. Jacob donc descendit en Egypte. Après leur mort, Jacob et nos pères furent transférés à Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des enfants d'Hémor, fils de Sichem.


La lapidation de saint Etienne. Annibale Carracci. XVIe.

Le temps de la promesse que Dieu avait faite

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jeudi, 26 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

4 janvier. Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

- Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.

" Il faut qu'un évêque soit sans tache, comme il convient à un dispensateur des dons de Dieu."
Ep. ad Tit.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Un saint Evêque de l'âge apostolique, un disciple du grand Paul, s'offre aujourd'hui à notre vénération. Ses actions nous sont peu connues ; mais en lui adressant une de ses Lettres inspirées, le Docteur des Gentils l'a rendu immortel. Partout où la foi du Christ a été et sera portée, Tite, ainsi que Timothée, sera connu des fidèles ; jusqu'à la fin des temps, la sainte Eglise consultera, avec un souverain respect, cette Epître adressée à un simple évêque de l'île de Crète, mais dictée par l'Esprit-Saint, et par là même destinée à faire partie du corps des Ecritures sacrées qui contiennent la pure Parole de Dieu. Les conseils et les directions que renferme cette admirable lettre, furent la règle souveraine du saint Evêque à qui Paul avait voué une si affectueuse tendresse. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans cette île fameuse où le paganisme avait un de ses principaux centres. Il survécut à son maître immolé dans Rome par le glaive de Néron ; et comme saint Jean, à Ephèse, il s'endormit paisiblement dans une heureuse vieillesse, entouré des respects de la chrétienté qu'il avait fondée. Sa vie a laissé peu de traces ; mais les quelques traits qui nous restent à son sujet donnent l'idée d'un de ces hommes de vertu supérieure que Dieu choisit au commencement, pour en faire les premières assises de son Eglise.

Tite, évêque de Crète, fut initié par les enseignements de l'Apôtre saint Paul aux mystères de la foi chrétienne ; et, préparé par les sacrements, il répandit une telle lumière de sainteté sur l'Eglise encore au berceau, qu'il mérita de prendre place entre les disciples du Docteur des Gentils. Appelé à partager le fardeau de la prédication, son ardeur à répandre l'Evangile et sa fidélité le rendirent si cher à saint Paul, que celui-ci étant venu à Troade, pour prêcher la foi dans cette ville, atteste lui-même qu'il n'y trouva pas le repos de son esprit, parce qu'il n'y rencontra pas Tite son frère. L'Apôtre, s'étant rendu peu après en Macédoine, exprime son affection pour ce disciple par ces paroles :
" Dieu qui console les humbles nous a consolés par l'arrivée de Tite."


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Envoyé à Corinthe par l'Apôtre, il sut s'acquitter de cette mission qui consistait principalement à recueillir les aumônes offertes par la piété des fidèles pour soulager la pauvreté de l'Eglise des Hébreux, avec tant de sagesse et de douceur, que non seulement il maintint les Corinthiens dans la foi du Christ, mais qu'il excita en eux des regrets accompagnés de larmes, et l'empressement le plus vif pour revoir Paul qui leur avait donné la première instruction. Après de nombreux voyages sur terre et sur mer, pour répandre la semence de la divine parole chez les nations les plus dissemblables par le langage et par la situation géographique ; après avoir supporté avec la plus grande fermeté d'âme mille soucis et mille travaux pour établir ainsi l'étendard de la Croix, il aborda à l'île de Crète avec Paul son maître. L'Apôtre le choisit pour remplir la charge d'Evêque dans l'Eglise qu'il fonda en cette île ; et il est certain que Tite y remplit ses fonctions de manière à devenir le modèle des fidèles dans les bonnes œuvres, et que, selon les conseils de son maître Paul, il brilla par la doctrine, par son intégrité et la gravité de ses mœurs.

Semblable à un flambeau, il répandit les rayons du christianisme sur ceux qui étaient assis sous les ombres de la mort, dans les ténèbres de l'idolâtrie et du mensonge. Une tradition prétend qu'il serait ensuite passé chez les Dalmates, et qu'il aurait essuyé les plus rudes fatigues pour planter la foi chez ces peuples.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Enfin, plein de jours et de mérites, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, il s'endormit dans le Seigneur, de la mort précieuse des justes, la veille des nones de janvier ; et il fut enseveli dans l'église où l'Apôtre l'avait établi ministre de la parole. Son nom couvert déloges par saint Jean Chrysostome et par saint Jérôme se lit en ce même jour au Martyrologe romain ; mais, en établissant sa fête pour être célébrée avec l'Office et la Messe dans tout le monde catholique par le clergé séculier et régulier, le souverain Pontife Pie IX l'a fixée au premier jour libre qui suit l'anniversaire de la mort du saint. Mais cette fête est plus ou moins différée, selon les lieux, par la liberté qu'a laissée le Saint-Siège de la placer au premier jour qui ne se trouve pas occupé par une autre fête. Dans la plupart des Eglises, elle n'est célébrée qu'en février.

PRIERE

" Heureux disciple du grand Paul, la sainte Eglise a voulu qu'un jour dans l'année fût employé à célébrer vos vertus et à implorer votre suffrage ; soyez propice aux fidèles qui glorifient le divin Esprit pour les dons qu'il a répandus en vous. Vous avez rempli avec zèle et constance la charge pastorale ; tous les traits que Paul énumère dans l'Epître qu'il vous a adressée comme devant former le caractère de l'Evêque, se sont trouvés réunis en votre personne ; et vous brillez sur la couronne du Christ, le Prince des Pasteurs, comme l'un de ses plus riches diamants. Souvenez-vous de l'Eglise de la terre dont vous avez soutenu les premiers pas. Depuis le jour où vous lui fûtes ravi, dix-huit siècles ont achevé leur cours. Souvent ses jours ont été mauvais ; mais elle a triomphé de tous les obstacles, et elle chemine dans la voie, recueillant les âmes et les dirigeant vers son céleste Epoux, jusqu'à l'heure où il viendra arrêter le temps, et ouvrir les portes de l'éternité.


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Tant que cette heure n'a pas sonné, nous comptons , Ô Tite , sur votre puissant suffrage ; du haut du ciel, sauvez les âmes par votre intercession, comme vous les sauviez ici-bas au moyen de vos saintes fatigues. Demandez pour nous à Jésus des Pasteurs qui vous soient semblables. Relevez la Croix dans cette île que vous aviez conquise à la vraie foi, et sur laquelle s'étendent aujourd'hui les ombres de l'infidélité et les ravages du schisme ; que par vous la chrétienté d'Orient se ranime, et qu'elle aspire enfin à l'unité, qui, seule, peut la préserver d'une dissolution complète. Exaucez, Ô Tite, les vœux du Pontife qui a voulu que votre culte s'étendît à l'univers entier, afin d'accélérer par votre suffrage les jours de paix et de miséricorde que le monde attend."

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samedi, 04 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

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