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16 octobre. Saint-Michel Au-Péril-de-la-Mer, apparition de saint Michel archange à saint Aubert. 720 - 725.
- Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches. Cette apparition provoqua la construction de l'abbaye du Mont-Saint-Michel par saint Aubert. 720 - 725.
Papes : Saint Eugène Ier ; Saint Grégoire II. Rois des Francs : Childebert III ; Thierry IV.
Le Mont Saint-Michel. Les Très riches heures du duc de Berry. XIVe.
Aux diocèces de Coutances et Avranches, Rennes et Vannes, anniversaire de l'apparition de saint Michel archange à saint Aubert, évêque d'Avranches.
Saint Aubert et saint Michel. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.
Une vaste plaine couverte d'épaisses forêts,et que défendaient contre l'Océan les rochers de Sessiacum, s'étendait au quatrième siècle entre les territoires de Coutances et d'Avranches et ceux de Dol et d'Aleth. Lorsque la foi chrétienne eut brillé sur les côtes d'Armorique et de Neustrie, les solitudes les plus retirées de ce désert devinrent le séjour de pieux personnages qu'attirait la facilité de s'y donner entièrement au service de Dieu et à la contemplation des vérités surnaturelles ; plusieurs se trouvent au catalogue des Saints.
Le Mont Saint-Michel.
Mais cette terre qu'avaient sanctifiée leurs pas, devint plus illustre encore à la suite d'une apparition de l'Archange saint Michel. Ce fut sous le règne de Childebert III que, se manifestant à l'évêque d'Avranches Aubert pendant son sommeil, il lui notifia sa volonté qu'on bâtît une église sous son patronage au sommet du mont Tombe, ainsi appelé de son élévation en forme de tumulus. Il fallut trois intimations successives au prélat hésitant, pour qu'il se mît à l'oeuvre. La forme par lui donnée au sanctuaire nouveau fut celle d'une crypte arrondie rappelant la grotte sainte du mont Gargan ; des reliques apportées de cette dernière y furent déposées ; et l'on fit solennellement la dédicace au dix-sept des calendes de novembre, jour célébré depuis non seulement dans les églises de la seconde Lyonnaise et beaucoup d'autres de France, mais encore dans celles d'Angleterre. Ainsi fut consacré à Dieu sous le patronage de saint Michel ce mont, qu'on appelle aussi Au-péril-de-la-mer depuis que, l'océan ayant envahi les forêts dont nous avons parlé, le saint rocher se voit deux fois le jour entouré par les flots.
Saint Aubert y fonda une collégiale de douze clercs attachés au service perpétuel du bienheureux Archange. Toutefois par la suite Richard Ier, duc de Normandie, leur substitua des moines de saint Benoît. La fréquence des miracles accomplis en ce lieu y attirait de nombreux pèlerinages venant de presque toute l'Europe acquitter leurs vœux : on y vit beaucoup de rois ou de princes de France et d'Angleterre. Louis XI y institua l'Ordre des Chevaliers de saint Michel, qui gardèrent longtemps la coutume de tenir audit lieu leurs assemblées générales de chaque année. Ce fut au commencement du XIe siècle que l'on entreprit l'audacieux travail, longtemps poursuivi, de cette basilique grandiose établie sur la crête du mont comme auguste base, et dont les merveilles, en grande partie conservées, attirent encore à saint Michel la vénération de nos contemporains.
Louis XI entouré des premiers chevaliers
de l'Ordre de Saint-Michel. Manuscrit du XVe.
Notons de plus que l'église de Saint-Gervais d'Avranches conserve encore le crâne de saint Aubert. On voit encore sur le front l'empreinte du doigt que saint Michel laissa sur le front de saint Aubert qui refusait de bâtir le sanctuaire sur le très inhospitalier mont Tomba.
Croix de l'Ordre de Saint-Michel.
Nous devons un souvenir à cette fête si aimée de nos pères. Le VIIIe siècle inaugurait ses glorieuses annales.
" Dieu tout-puissant allait y faire de l'empire des Francs le glaive et le boulevard de son Eglise." (Prière des Francs).
C'était l'heure où, sa fougueuse adolescence domptée, le peuple premier-né faisait écho à tous les Saints et Saintes qui l'engendrèrent à Dieu, et s'écriait d'une seule voix (Ibid.) :
" Donnez aux fils des Francs la lumière, afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour établir votre règne en ce monde, afin que le voyant ils l'accomplissent dans la force et l'amour."
Au peuple donc qui se déclarait le chevalier de Dieu, Michel, prince des milices angéliques, offrait son alliance à cette heure même. Par saint Aubert, auquel se manifestait l'Archange, il prenait possession du roc fameux qui s'élève en plein océan, près du rivage de cette France dont l'épée s'apprêtait à poursuivre sur terre le grand combat commencé dans les hauteurs des cieux.
Eglise Saint-Gervais d'Avranches où est toujours
conservé le crâne de saint Aubert. Normandie.
PRIERE
" Notre nation sut honorer le céleste associé de ses luttes d'ici-bas ; elle transforma son pied-à-terre abrupt en un séjour qui put complaire au vainqueur de Satan : à la fois forteresse incomparable, et sanctuaire où sans fin les chants des moines s'unissaient aux harmonies des neuf chœurs ; vraiment digne de ce nom de Merveille qui lui fut donné ; rendez-vous commun du peuple et des rois venant présenter leur hommage d'action de grâces et de prière au protecteur de la nation.
Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.
Car lui aussi fut fidèle. Tant que dura la monarchie, l'Archange ne souffrit pas qu'aux plus mauvais jours d'invasion étrangère ou de rébellion hérétique, une autre bannière que celle du roi très chrétien flottât jamais près de la sienne sur ses remparts. Et quand l'Anglais, bientôt partout maître, s'épuisait en efforts impuissants contre le Mont Saint-Michel, qui donc venait dire à Jeanne la Pucelle la grande pitié qui était au royaume de France, et l'envoyait rendre au roi son royaume ? Le 8 mai, première fête de l'Archange, voyait la délivrance d'Orléans par celle en qui lui-même avait nourri, durant trois années d'angéliques entrevues, ce dévouement à la patrie et cet amour de Dieu qui s'unissent en toute âme bien née.
Aussi fût-ce œuvre digne et juste, au siècle du triomphe, que la création de cet Ordre de Saint-Michel établi par les rois :
" A la gloire et louange de Dieu notre Créateur tout-puissant et révérence de sa glorieuse Mère, et commémoration et honneur de Monsieur saint Michel Archange, premier Chevalier, qui pour la querelle de Dieu victorieusement batailla contre le dragon et le trébucha du ciel ; et qui son lieu et oratoire, appelé le Mont Saint-Michel, a toujours seurement gardé, préservé et défendu, sans être pris, subjugué ne mis es mains des ennemis du royaume." (Lettres royales du 1er août 1460, établissant l'Ordre nouveau, dont l'insigne était un collier d'or de coquilles lacées soutenant l'image de saint Michel avec la devise : IMMENSI TREMOR OCEANI).
Ce fut un grand jour que celui où la fille aînée de la sainte Eglise put s'appliquer la parole des saints Livres : " Voici que Michel vient à mon aide (Dan. X, 13.) !" Longtemps le monde bénéficia de cette alliance heureuse. Soyez béni pour l'honneur ainsi fait à nos pères, Ô Archange ! En souvenir du passé, malgré tant de pactes brisés, tant de gloires profanées, n'abandonnez pas leurs descendants trop indignes. N'y va-t-il pas du sort de l'Eglise elle-même, dont les malheurs apparaissent liés dans nos temps à ceux de notre infortunée patrie ? Le Vicaire de l'Epoux le comprenait sans doute ainsi, lorsque naguère (3 juillet 1877) il voulait qu'en son nom fût couronnée solennellement votre image, rétablie sur l'auguste mont d'où vous présidiez en des jours meilleurs à nos destinées.
Daignez répondre à sa confiance, à celle de ces vrais fils des Francs qui, nombreux déjà, ont su retrouver dévots et pénitents le chemin de votre sanctuaire. Entendez le cri du pays sous l'angoisse présente : Nemo adjutor meus nisi Michael ; Michel est mon seul soutien. (Dan. X, 21.)."
Le saint crâne de saint Aubert. On distingue encore
la marque du doigt de saint Michel archange. Trésor
de l'église Saint-Gervais d'Avranches. Normandie.
mercredi, 16 octobre 2024 | Lien permanent
16 octobre. Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.
- Saint Gall, fondateur et Ier abbé du monastère de Saint-Gall en Suisse. 646.
Pape : Théodore Ier. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Empereur romain d'Orient : Constant II Héraclius.
" Quand vous recevez une humiliation, regardez cela comme un bon signe, comme une preuve certaine de la grâce qui approche."
Saint Bernard de Clairvaux.
Saint Gall. Peinture murale. Eglise Saint-Venant.
Horgenzell. Souabe. XVIIe.
Saint Gall naquit en Irlande de parents vertueux, qui l'offrirent à Dieu dès sa première jeunesse dans le monastère de Bangor (comté de Down), pour être élevé dans la piété et les lettres, sous la discipline de saint Colomban dont la vertu donnait alors beaucoup d'éclat à ce lieu. Il avait les inclinations si heureuses, qu'avec les grâces dont il plut à Dieu de le soutenir, il fit des progrès tout extraordinaires dans la vertu et les sciences, surtout dans l'intelligence de l'Ecriture sainte dont il expliquait admirablement les endroits les plus difficiles. Il y joignait l'agrément des belles-lettres, et particulièrement de la poésie dont il tâchait de sanctifier l'usage en la faisant servir à la piété. Quoiqu'il parût avoir été confié aux soins de Colomban, ce Saint n'avait sur lui d'autre supériorité que celle que lui donnait l'autorité particulière de ses exemples et de ses instructions.
Son abbé, saint Comgall, fondateur du monastère où il vivait, voulut le faire élever aux ordres sacrés, de l'avis de toute sa communauté mais s'il exécuta ce dessein, ce ne fut que pour lui conférer les ordres inférieurs. Car on est persuadé que saint Gall ne reçut la prêtrise qu'après qu'il fut passé en France avec saint Colomban, et par le commandement exprès de ce Saint, lorsqu'il fut devenu son abbé. Il n'y a que sa modestie qui lia pour lors les mains à l'abbé saint Comgall, et ce ne fut qu'après beaucoup de temps et d'efforts que saint Colomban put vaincre une répugnance qui n'était que l'effet de son humilité. Il fut du nombre des 12 moines de Bangor que ce Saint choisit, par la permission de saint Comgall, pour l'accompagner dans le dessein qu'il avait d'aller hors de son pays chercher à se perfectionner dans la vie pénitente. Ils passèrent de l'Irlande en Angleterre, et de là en " France ", du temps des rois Gontran et de ses neveux Clotaire II et Childebert II.
Ils s'arrêtèrent quelque temps dans les Etats du dernier qui régnait en Austrasie : puis, étant entrés dans les déserts des Vosges, ils y bâtirent le monastère d'Annegray, sur les confins des diocèses de Toul et de Besançon. Le pays y était stérile et dépourvu des commodités facilitant la vie. Cela ne pouvait être que favorable au dessein de Colomban et de ses disciples, qui y souffrirent beaucoup pendant près de 2 ans qu'ils y demeurèrent. Mais, ayant été conviés par des personnes de piété, entre autres par Agnoald, de passer sur les terres de Bourgondie qui obéissaient au roi Gontran, saint Colomban, à la faveur de ce prince, bâtit, de l'autre côté des montagnes des Vosges, un nouveau monastère sur les ruines d'une implantation païenne, appelée Luxeuil, au diocèse de Besançon. Saint Gall y embrassa des premiers la Règle que son maître y prescrivit à ses disciples, et y devint un modèle de régularité pour la communauté, qui se multiplia beaucoup, en peu de temps, par l'affluence de ceux qui venaient de France et de Bourgogne servir Dieu sous la conduite de saint Colomban.
Saint Gall et saint Colomban. Manuscrit du XVe.
Notre Saint, attaché à ses devoirs, passa plusieurs années dans le silence et la retraite de ce saint lieu, jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de permettre d'autres épreuves à sa vertu dans les traverses et les persécutions qui furent suscitées à saint Colomban. Pendant que Thierry, impie roi de Bourgogne, fils de Childebert II, à l'instigation de sa grand'mère Brunehaut, exerçait la patience de saint Colomban par divers exils, saint Gall, accompagné de saint Eustase, autre religieux de Luxeuil, qui en fut depuis abbé, ne trouvant point de sûreté dans sa communauté contre les insultes de cette princesse, se réfugia auprès de Théodebert, roi d'Austrasie, frère de Thierry. Saint Colomban s'y rendit peu de temps après, au retour de la cour du roi Clotaire, où les vexations de Thierry et de Brunehaut l'avaient obligé de passer. Théodebert les reçut comme des Anges du Seigneur, témoignant être fort satisfait d'entendre leurs instructions et fort joyeux d'avoir auprès de lui de tels serviteurs de Dieu. Saint Colomban lui demanda ensuite permission d'aller en Italie trouver Agilulphe, roi des Lombards.
Mais Théodebert, ne pouvant souffrir qu'il sortît de ses Etats, le pria d'y choisir tel lieu qu'il jugerait à propos pour servir Dieu en paix et instruire les peuples sous sa direction. Le Saint accepta et remonta le long du Rhin avec saint Gall, saint Eustase et quelques autres de ses disciples qui étaient venus le joindre à Metz. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu où le Rhin reçoit la rivière d'Aar, entre les diocèses de Bâle et de Constance, ils entrèrent en Suisse, s'avancèrent par la rivière du Limat jusqu'au bout du lac de Zurich, et passèrent au territoire de Zug, où ils croyaient avoir trouvé une solitude propre à leur établissement, lorsqu'ils s'en virent chassés par les habitants. Ces peuples étaient entièrement barbares et idolâtres : nos saints, touchés de compassion pour leur aveuglement et leurs désordres, s'employèrent à les instruire de la Foi chrétienne. Mais ils ne les trouvèrent pas disposés à les écouter.
Théodebert, qui avait donner refuge à saint Gall,
à la bataille de Quierzy contre son frère impie, Thierry.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.
Saint Gall, ne pouvant retenir son zèle, mit le feu aux temples de leurs faux dieux et jeta dans le lac qui en était proche les oblations et les autres choses destinées aux sacrifices. Cette action irrita tellement ces barbares, que, pour s'en venger, ils résolurent de le tuer et de fouetter saint Colomban, puis de le chasser de leur pays avec tous les siens. Nos Saints ayant su cette résolution jugèrent à propos de se retirer. Ils s'arrêtèrent au bourg d'Arbon, sur le lac de Constance, où ils furent charitablement reçus par Willimar, qui était un prêtre de grande vertu.
Colomban ayant demandé à cet hôte s'il ne connaissait pas quelque lieu écarté qui pût lui servir de retraite et à sa compagnie, il lui apprit qu'à l'extrémité du lac, vers le levant, il y avait une solitude fort propre à son dessein, parce qu'il y trouverait de vieux bâtiments abandonnés où il pourrait se loger, et que la campagne y était assez abondante en fruits. Suivant cet avis, saint Colomban monta sur une barque avec saint Gall et un diacre et arriva au lieu qui lui avait été indiqué.
C'était un lieu près la ville de Brégentz assez désert, mais dans une solitude fort agréable. Ils y trouvèrent une chapelle dédiée à sainte Aurélie, mais on n'y disait plus la Messe et elle était profanée par un culte impie, idolâtre ; car il y avait 3 statues d'airain, attachées à la muraille, que les habitants adoraient comme les anciennes divinités du pays à qui ils se tenaient redevables de leur fortune et de leur conservation. Saint Colomban, ne pouvant souffrir cette abomination, ordonna à saint Gall de leur annoncer l'Evangile, parce qu'il savait assez bien parler leur langue. Le jour de la grande fête du lieu étant venu, il s'y rendit une multitude de monde de tout âge et de tout sexe, dont le concours fut encore augmenté par le désir de voir ces étrangers.
Saint Gall y signala son zèle : il prêcha fortement contre la superstition païenne, exhorta le peuple à reconnaître et à adorer le vrai Dieu. Puis joignant l'effet aux paroles, il brisa les statues et en jeta les morceaux dans le lac. Plusieurs profitèrent de ces instructions et se convertirent; les autres, demeurant dans leur aveuglement, en furent fort irrités, ce qui n'empêcha point saint Colomban de purifier la chapelle avec de l'eau bénite. Il la dédia pendant que saint GaIl et son autre compagnon chantaient des Psaumes, en reconsacra l'autel avec de l'huile sainte, y mit des reliques de sainte Aurélie, et l'on commença ensuite à y dire la Messe.
Les autres disciples de saint Colomban, qui étaient restés à Arbon, vinrent le rejoindre à Brégentz. Ils bâtirent des cellules autour de la chapelle ; et outre les exercices de piété, les uns s'occupèrent à cultiver un jardin et les autres à pêcher. L'exercice de saint Gall était de faire des filets pour les pêcheurs ou de pêcher souvent lui-même. Par ce moyen, il fournissait du poisson à ceux de sa communauté et aux hôtes qu'ils recevaient dans leur petit monastère.
Saint Gall prêchant aux Païens des bords
du lac de Constance. Gravure du XIXe.
Le diable était furieux de se voir arracher un domaine où il régnait depuis si longtemps. Une nuit, notre Saint entendit le démon de la montagne crier à celui du lac :
" Viens à mon secours, afin que nous chassions ces étrangers; car ils m'ont expulsé de mon temple, brisé mes statues et attiré après eux le peuple qui me suivait."
Le démon du lac de Constance répondit :
" Ce que vous annoncez de votre infortune, je le ressens par la mienne; car un de ces étrangers me presse dans les eaux et dévaste mon domaine ; je ne saurais ruiner ses filets ni le tromper lui-même, car l'invocation du Nom divin est toujours dans sa bouche, et, veillant continuellement sur lui-même, il se rit de nos piéges."
L'homme de Dieu, quand il eut entendu ces choses, se fortifia de toutes parts du Signe de la Croix et dit à ces démons :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous adjure de quitter ce lieu et de n'y faire de mal à personne."
Ensuite il s'empressa de raconter à son abbé ce qu'il venait d'entendre. Aussitôt Colomban donna le signal de se réunir à l'église. Mais, avant qu'on eût commencé le chant des Psaumes, on entendit sur le sommet des montagnes les hurlements des démons et les gémissements de leur départ. Sur quoi les serviteurs de Dieu se prosternèrent en oraison et rendirent grâces au Seigneur, qui les avait délivrés de ces malins esprits.
Cependant les païens du pays, irrités que les serviteurs de Dieu eussent brisé leurs idoles, allèrent se plaindre au duc Gonzon, qui était ou seigneur ou gouverneur du lieu, que ces étrangers étaient venus troubler la liberté publique, et que l'on ne pouvait plus chasser aux environs de Brégentz à cause d'eux. D'autres enlevèrent quelques vaches du monastère et tuèrent même 2 des disciples de Colomban. Gonzon, qui n'était pas sans doute idolâtre, mais qui préférait la politique à la religion, lui ordonna de sortir du pays; et Colomban, au lieu de s'aller justifier comme il lui était aisé de le faire, aima mieux obéir, parce que d'ailleurs il s'attendait à voir reprendre en ce lieu la colère de Thierry, roi de Bourgogne, qui, par la défaite et la mort du roi Théodebert, son frère, était devenu roi d'Austrasie, d'où dépendait le lieu où il s'était établi. Il prit le parti de passer en Italie avec ses disciples ; mais saint Gall, se trouvant indisposé lorsqu'on était sur le point de partir, s'excusa de ne pouvoir le suivre. Le saint abbé crut que c'était moins l'infirmité que l'attachement que Gall avait pour ce pays qui lui faisait souhaiter de n'en pas sortir.
Il pensa peut-être que ce disciple, après avoir travaillé en ce lieu, avait envie d'y demeurer. Il lui permit de rester, mais, à titre de pénitence, il lui défendit de dire la Messe tant qu'il saurait qu'il serait en vie. Saint Gall obéit, et sa maladie, qui était réelle, ayant augmenté après le départ de saint Colomban, l'obligea de retourner à Arbon, chez le prêtre Willimar, qui le reçut avec beaucoup de charité. Il lui donna pour gardes et pour infirmiers 2 clercs de son église, Magnoald et Théodore, et prit un soin extrême de lui tout le temps de sa maladie, qui fut longue.
Baptême de Sigebert III.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XIVe.
Après sa guérison, l'amour de la solitude le portant à chercher une autre retraite que celle de Brégentz, lui fit demander quelque lieu écarté à Hiltibod, diacre de Willimar, qui avait une connaissance très particulière de tout le pays.
Celui-ci lui répondit :
" Père, je connais une solitude telle que vous dites ; mais elle est habitée par des bêtes féroces, des ours, des sangliers et des loups sans nombre. Je crains donc de vous y conduire, de peur que vous ne soyez dévoré par ces animaux."
Gall répliqua :
" L'Apôtre a dit : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Nous savons qu'à ceux qui aiment Dieu toutes choses tournent en bien. Celui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions peut aussi m'arracher de la griffe des bêtes."
Ils convinrent tous 2 de partir le lendemain. Saint Gall jeûna tout le jour et passa toute la nuit en prières. Le lendemain ils marchèrent jusqu'à l'heure de None, où le diacre dit :
" C'est l'heure de la réfection, prenons un peu de pain et d'eau, afin de faire mieux le reste du chemin."
L'homme de Dieu répondit :
" Prenez ce qui est nécessaire à votre corps. Pour moi, je ne goûterai de rien que le Seigneur ne m'ait montré le lieu de la demeure que je désire."
Le diacre répliqua :
" Puisque nous devons partager la consolation, nous partagerons aussi la peine."
Et ils marchèrent tous 2 sans manger jusqu'au soir. Ils vinrent à une petite rivière appelée Stemaha, et la descendirent jusqu'à un rocher, d'où elle se précipitait dans un gouffre où ils aperçurent beaucoup de poissons. Ils y jetèrent leurs filets et les prirent. Le diacre ayant fait du feu, les fit rôtir et tira du pain de la panetière.
Le bienheureux Gall s'étant un peu écarté pour prier, s'embarrassa dans des ronces et tomba par terre. Le diacre accourut pour le relever ; mais l'homme de Dieu lui dit :
" Laissez-moi, c'est ici mon repos à jamais, c'est ici le lieu que j'habiterai, parce que je l'ai choisi."
Et, se levant après sa prière, il prit une tige de cornouiller, en fit une croix et la fixa en terre. Or, il avait appendu à son cou une boîte où étaient des reliques de la sainte vierge Marie (quelques fragments des vêtements de la sainte Vierge), ainsi que de saint Maurice et de saint Didier.
Il attacha le reliquaire à la croix, se prosterna devant elle avec le diacre et dit :
" Seigneur Jésus-Christ qui, pour le Salut du genre humain, a daigné naître de la Vierge et subir la mort, ne méprise pas mon désir à cause de mes péchés; mais, pour l'honneur de Ta sainte Mère ainsi que de Tes Martyrs et de Tes Confesseurs, prépare en ce lieu une habitation propre à Te servir."
La prière finie, les 2 pèlerins prirent leur nourriture avec actions de grâces, au soleil couchant, et puis ayant prié de nouveau, ils se couchèrent par terre pour reposer quelque peu. Quand le saint homme crut son compagnon endormi, il se prosterna en forme de croix devant le reliquaire et pria le Seigneur avec beaucoup de dévotion.
Cependant un ours, descendu de la montagne, ramassait avec soin les miettes échappées aux 2 convives. L'homme de Dieu, voyant ce que faisait la bête, lui dit :
" Je t'ordonne, au Nom du Seigneur, prends du bois et mets-le dans le feu."
A ce commandement, la bête alla prendre un morceau de bois très considérable et le jeta dans le feu. Sur quoi le saint homme tire de la panetière un pain tout entier, le donne au nouveau servant et lui dit :
" Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, retire-toi de cette vallée et aie en commun les montagnes et les collines environnantes, sous la condition que tu ne feras de mal ici à aucun homme ni à aucune bête."
Cependant le diacre, qui ne faisait que somnoler, considérait avec étonnement ce qui se passait. Il se leva, vint se jeter aux pieds du saint homme et dit :
" Maintenant, je sais que le Seigneur est vraiment avec vous, puisque les bêtes de la solitude vous obéissent."
Le Saint lui répondit :
" Gardez-vous de dire ceci à personne, jusqu'à ce que vous voyiez la gloire de Dieu."
Saint Gall aidé par son ours. Saint Gall récompense son ours
avec un pain. Haut-relif. Abbaye Saint-Gall. Saint-Gall.
Suisse. IXe.
Au matin, le diacre s'en alla vers la fosse de la rivière pour y prendre du poisson et en faire cadeau au prêtre Willimar à son retour. Il était sur le point d'y jeter ses filets, lorsqu'il aperçut sur les bords 2 esprits immondes sous la forme de femmes, qui lui jetèrent des pierres et dirent :
" C'est toi qui as amené dans cette solitude cet homme méchant et plein d'envie, accoutumé à nous vaincre par ses maléfices."
Le diacre retourne aussitôt vers l'homme de Dieu et lui raconte ce qu'il vient de voir et d'entendre. Ils se mettent tous 2 en prière, puis se rendent à la fosse. A leur vue, les démons s'enfuient vers la montagne voisine, pendant que saint Gall leur dit :
" Fantômes impurs, je vous ordonne, par la puissance de l'éternelle Trinité, de quitter ce lieu, de vous en aller dans les montagnes désertes et de n'oser plus jamais revenir ici."
Ils jettent ensuite leurs filets dans la fosse et prennent des poissons tant qu'ils veulent. Ma
mercredi, 16 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
21 octobre. Saint Hilarion de Tabathe, patriarche des solitaires en Palestine. 372.
- Saint Hilarion de Tabathe, patriarche des solitaires en Palestine. 372.
Pape : Saint Damase Ier. Empereur romain d'Orient : Valens Ier. Empereur romain d'Occident : Valentinien Ier.
Saint Jean Chrysostome.

Notre Dame et sainte Marie-Madeleine. Fra Filippo Lippi. Florence. XVe.
Né à Tabathe, en Palestine, de parents infidèles, Hilarion fut envoyé pour ses études à Alexandrie ; il y brilla par la pureté de sa vie et par ses talents, que relevèrent encore d'admirables progrès dans la foi et la chanté, quand il eut embrassé la religion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Assidu à l'église, persévérant dans le jeûne et la prière, il méprisait tous les faux plaisirs et foulait aux pieds les désirs terrestres.

Saint Hilarion. Bréviaire romain. Auvergne. XVe.
La lecture et l'étude des saintes Lettres prenait une bonne part de sa vie. Quelques figues et le suc des herbes étaient sa nourriture, qu'il ne prenait jamais avant le coucher du soleil. Sa mortification, son humilité dépassaient toute croyance ; vertus qui, avec d'autres, le firent triompher d'effrayantes et multiples tentations de l'enfer, comme elles lui donnèrent puissance pour chasser en beaucoup de pays d'innombrables démons des corps qu'ils possédaient.
Or le Seigneur ne tardait pas d'élever à tel point celui-ci en gloire, qu'Antoine disait aux malades qu'attirait de Syrie la renommée de ses miracles :
" Pourquoi vous fatiguer à venir de si loin, quand vous avez près de vous mon fils Hilarion ?" (Ibid. III.).

Saint Hilarion. Vitae sanctorum. Bourgogne. XIIe.
Hilarion cependant n'avait passé auprès d'Antoine que deux mois ; lesquels étant écoulés, le patriarche lui avait dit :
Après quoi, remettant un cilice et un vêtement de peau à cet enfant de quinze ans qu'il ne devait plus revoir, il l'avait renvoyé sanctifier les solitudes de sa patrie, pendant que lui-même s'enfonçait plus avant dans le désert. (Ibid. I, ex graeca versione).
L'ennemi du genre humain, qui pressentait un adversaire redoutable dans le nouveau venu de la solitude, engagea contre lui de terribles combats. La chair même du jeune ascète, malgré ses jeûnes, fut la première complice de l'enfer. Mais, sans merci pour un corps si délicat et si frêle, au témoignage de l'historien, que tout effort eût paru devoir le réduire à néant, Hilarion s'écriait indigné :
" Âne, je saurai faire que tu ne regimbes plus ; je te materai par la famine, je t'écraserai sous les fardeaux, je te ferai marcher par tous les temps ; tu crieras tant la faim, que tu ne songeras pas au plaisir." (Hieron. Vita S. Hilarionis, I.).

Saint Hilarion et les démons tentateurs.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Vaincu de ce côté, l'ennemi trouva d'autres alliés pour, croyait-il, ramener par la crainte Hilarion vers les lieux habités. Mais aux voleurs se jetant sur sa pauvre cabane de joncs, le Saint disait en souriant :
Et ceux-ci, touchés d'une si grande vertu, ne cachaient pas leur admiration, et promettaient d'amender leur vie. (Ibid.).
C'était l'heure pour Satan d'entrer lui-même en lice, comme il l'avait fait avec Antoine, et sans plus de succès. Nul trouble ne pouvait plus atteindre aux régions sereines où la simplicité de cette âme l'avait portée. Un jour que le démon, entré dans le corps d'un chameau rendu par lui furieux, se précipitait sur le Saint avec d'horribles cris, il s'attirait la réponse :
" Tu ne m'effraies pas ; renard ou chameau, avec toi c'est tout un."
Et l'énorme bête tombait, domptée, à ses pieds. (Ibid. II.).
L'épreuve fut plus dure, et la ruse plus habile du côté de l'enfer, lorsque voulant se dérober à l'immense concours qui ne cessait point d'assiéger sa pauvre cellule, Hilarion vit l'ennemi se faire malicieusement le porte-voix de sa renommée, et lui ramener sous tous les cieux ces foules qui opprimaient son âme.
" Vainement quitte-t-il la Syrie, pour parcourir l'Egypte en tous sens ; vainement, traqué de désert en désert, il traverse la mer, espérant se cacher en Sicile, en Dalmatie, en Chypre. Du navire qui le promène au milieu des Cyclades, il entend dans chaque île les esprits infernaux s'appeler par les villes et les bourgs, et courir aux rivages près desquels il passe. A Paphos où il aborde, c'est le même concours de démons amenant à leur suite des multitudes humaines ; jusqu'à ce que Dieu, prenant en pitié son serviteur, lui fait trouver un lieu inaccessible à ses semblables, où il est seul enfin en la compagnie des légions diaboliques qui jour et nuit l'entourent. Loin de trembler, dit son biographe, il prenait plaisir à ce voisinage des habitués bien connus de ses luttes de jadis, et il vécut là en grande paix les cinq années qui précédèrent sa mort." (Hieron. Vita S. Hilarionis, III, IV, V.).

Saint Hilarion. Bréviaire françiscain. Savoie. XVe.
Fondateur de nombreux monastères, illustre par ses miracles, il était dans sa quatre-vingtième année, quand la maladie l'arrêta ; sous la violence du mal, prêt à rendre le dernier souffle, il disait :
" Sors, que crains-tu ? Sors, mon âme, pourquoi hésiter ? Il y a près de soixante-dix ans que tu sers le Christ, et tu crains la mort ?"
Il expira en prononçant ces mots.
Saint Hilarion fut en Orient l'un des premiers Confesseurs, sinon le premier d'entre eux, honoré d'un culte public à côté des Martyrs. En Occident, la blanche armée qu'Ursule conduisit à cette date au triomphe, relève de sa gloire l'auréole du saint moine auquel l'Eglise Mère a maintenu les premiers honneurs de cette journée.

Eglise Saint-Hilarion. Saint-Hilarion. Île-de-France. France.
PRIERE
" S'il en est ainsi du bois vert, que sera-ce du bois sec ?" (Luc. XXIII, 31.).
Illustre Saint, pénétrez-nous de l'attente des jugements de Dieu. Apprenez-nous que la crainte chrétienne ne bannit pas l'amour. C'est elle, bien au contraire, qui dégage ses abords et y conduit, pour ensuite l'escorter sur la route de la vie comme une garde attentive et fidèle. Elle fut votre sécurité à l'heure suprême ; puisse-t-elle, après avoir comme les vôtres assuré nos sentiers, nous introduire nous-mêmes directement aux cieux !"
lundi, 21 octobre 2024 | Lien permanent
12 janvier. Saint Benoît Biscop, abbé en Angleterre. 690.
" Le culte catholique est le vrai foyer de la civilisation et des beaux-arts."
" Mes enfants, dites tout ce que vous voudrez, pourvu que de votre bouche il ne sorte ni plainte contre Dieu ni parole malséante, ni discours désobligeant à l'endroit du prochain."
Benoît (de son vrai nom Biscop Baducing) était anglais d'origine, d'une famille fort considérable par sa noblesse. Ses parents le firent élever dans les exercices militaires, à dessein d'en faire, dans la suite, un grand capitaine ; et, comme il était naturellement fort et courageux, il acquit bientôt beaucoup de réputation dans les armes.
Oswy, roi de Northumberland, pays septentrional de l'Angleterre, l'ayant appelé à sa cour, le saint y passa quelques années ; mais Notre Seigneur Jésus-Christ, qui le destinât à d'autres emplois, lui parla dans le secret du coeur et le fit résoudre d'abandonner le monde. Il sortit non seulement de la cour, mais aissi du lieu de sa naissance, et entreprit le voyage de Rome pour honorer les tombeaux de des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul et pour être mieux instruit des principes de la foi et des règles de la perfection chrétienne, que l'on enseignait que fort imparfaitement dans son pays nouvellement converti.
Etant arrivé en cette ville, il visita avec une singulière piété tous les sanctuaires qui la rendent si vénérable ; à son retour, il s'appliqua entièrement à l'étude des saintes Ecritures et aux exercices de piété. Cinq ou six ans après, Alcfrid, fils du roi Oswy, eut envie de visiter les tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul ; il pria le saint de l'accompagner, mais le père du prince s'étant opposé à ce pèlerinage, Benoît parti seul pour Rome, afin de s'y perfectionner de plus en plus dans la science du salut. En revenant d'Italie, il passa par le célèbre monastère de Lérins, où il prit l'habit religieux. Après y être resté deux ans, il revint à Rome, l'an 658. Son dessein n'était pas d'en sortir ; mais le pape Vitalien voulut qu’il accompagnât saint Théodore, archevêque de Cantorbéry, et saint Adrien, qu’il envoyait en Angleterre afin de travailler à l’instruction de ce nouveau peuple chrétien.
Saint Benoît fut chargé du monastère de Saint-Pierre et de Saint-Paul, qui n’était pas éloigné de la ville de Cantorbéry : laissant cette charge quelques temps après à saint Adrien, il fit un nouveau voyage à Rome. Il voulait acquérir de nouvelles lumières sur la discipline de l’Eglise et sur les diverses constitutions monastiques : ce qui l’engagea à rester un temps assez considérable en divers endroits de l’Italie. A son retour, ayant trouvé grâce auprès de son prince, Egfrid, successeur d’Oswy, il bâtit deux monastères : l’un près de la rivière de la Were en l’honneur du prince des Apôtres, appelé pour cette raison Weremouth (674) ; l’autre, sous l’invocation de saint Paul, près de la rivière de Tyne ; ce dernier porta d’abord le Girwy, puis celui de Jarrow (677).
Ce bienheureux abbé fit encore d’autres fois le voyage de France et d’Italie, tant pour le bien de son ordre que pour l’utilité de toute l’Eglise d’Angleterre, dont il s’occupa toujours avec le plus grand soin. Il avait surtout un zèle extraordinaire pour tout ce qui pouvait relever la gloire et la beauté de la maison de Dieu, et rendre les cérémonies ecclésiastiques pompeuses et magnifiques. Il n’y avait presque point alors, en Angleterre, de temples ni de chapelles bâtis en pierre ; l’usage des vitres aux fenêtres y était inconnu, les peintures sacrées y étaient fort rares, et l’on n’y trouvait les livres des saints Pères qu’en très petite quantité.
Il ne manqua pas non plus de procurer à son pays des reliques fort considérables qui lui furent données par les Papes, à qui son ardeur pour les choses saintes fut fort agréable. Mais ce qui le satisfit principalement, fut que le Pape saint Agathon envoya avec lui Jean, abbé de Saint-Martin, maître de la musique et des cérémonies de Saint-Pierre, pour introduire ces cérémonies en Angleterre, et y apprendre la méthode de bien chanter. Aussi, tant qu’il fut dans l’Île, saint Benoît eut un soin extraordinaire de lui et ne permit pas que d’autres que ses religieux pourvussent à sa subsistance ; de là vient qu’ils furent les mieux instruits sur tout ce qui appartenait à la célébration des offices ecclésiastiques. Lui-même y devint si habile, qu’il composa un livre sur ce sujet, intitulé De la célébration des fêtes, afin que l’on oubliât pas ce qu’on avait appris de ce chantre de l’Eglise romaine. Le vénérable Bède, parlant de cette prévoyance charitable de son maître saint Benoît, dit qu’il a travaillé avec tant de zèle, afin que les siens vécussent en repos, et qu’il a entrepris tant de voyages, afin que, étant fournis des choses nécessaires, ils pussent s’en servir paisiblement Notre Seigneur dans l’enceinte de leurs monastères, sans être obligés d’en sortir. Il fit un cinquième voyage à Rome mais il est difficile d’en préciser la date.
Enfin, étant devenu vieux et infirme, il donna de rares exemples de patience à ses disciples, souffrant sans chagrin et avec beaucoup de tranquillité et de joie des maladies très douloureuses. Sa plus grande récréation était de parler quelquefois des lieux saints qu’il avait visités, de l’exacte observance des maisons religieuses, et du bonheur des personnes qui aiment leur vocation. Les trois dernières années de sa vie, une cruelle paralysie le priva de l’usage de ses membres et l’obligea enfin à garder le lit. Lorsqu’il ne lui fut plus possible d’assister à l’office canonial, quelques moines, partagés en deux chœurs, vinrent chanter à côté de lui les psaumes de chaque heure du jour et de la nuit ; il s’unissait à eux autant qu’il el pouvait, mêlant sa voix avec les leurs. Son esprit ne s’occupait que de Dieu et de la perfection de ses disciples qu’il exhortait fréquemment à observer leur règle avec exactitude :
" Mes enfants, n’allez pas regarder comme une invention de mon esprit les constitutions que je vous ai données. Après avoir visité dix-sept monastères bien disciplinés, dont j’ai tâché de connaître parfaitement les lois et les usages, j’ai formé un recueil de toutes les règles qui m’ont paru les meilleures : c’est ce recueil que je vous ai donné."

Il mourut après avoir reçu le saint Viatique, le 12 janvier 690. On transféra ses reliques à l’abbaye de Thorney, en 970. Les moines de Glastonbury prétendaient en avoir une partie. Les Bénédictins anglais honorent ce saint comme un de leurs patrons.
dimanche, 12 janvier 2025 | Lien permanent
8 janvier. Saint Séverin du Norique, Apôtre de l'Autriche et de la Bavière. 482.
- Saint Séverin du Norique, Apôtre de l'Autriche et de la Bavière. 482.
Pape : Saint Simplice. Empereur romain, d'Orient : Zénon. Chute de l'empire romain d'Occident : Julius Népos (+480) ; Romulus Augustule. Chef des Hérules, patrice romain, etc. : Odoacre. Roi des Francs Saliens : Clovis Ier.
" Quand vous aurez vaincu, ne tuez pas les ennemis."
Saint Séverin au chef de la garnison de Vienne.
Saint Séverin du Norique.
Maître de Saint-Séverin. Autriche. XVe.
Dans le Ve siècle, un Solitaire d'Orient, poussé par l'esprit d'en-haut, vint annoncer la pénitence et le royaume de Dieu aux peuples barbares du Septentrion. On ne put savoir sa patrie ; aux questions qu'on lui faisait à ce sujet, il répondait qu'un prédicateur de l'Evangile n'avait point d'autre âge que l'éternité, ni d'autre pays que le ciel. Toutefois, on reconnut facilement, à son parler et à ses manières, qu'il était Romain ou d'un endroit ou d'un endroit où l'on parlait encore le bon latin. Comme il était humble et qu'il refusait de dire la condition de sa famille, on crut, non sans raison, que ses parents étaient illustres selon le monde. Il faisait précéder sa prédication de l'exemple de sa vie ; il était pieux, austère et charitable envers les pauvres, les malades et tous les nécessiteux.
Au temps où vécut saint Séverin, il y a plus de treize cents ans, Attila, ce terrible roi des Huns, dont nous avons déjà parlé, venait de mourir. En mourant, il laissa plusieurs fils, qui se disputèrent l'empire, principalement dans les contrées situées le long des deux rives du Danube. Au loin régnaient la terreur et la désolation. Saint Séverin demeurait alors aux environs de la ville d'Astures ; il anonça aux habitants de cette ville qu'ils étaient menacés des horreurs de la guerre, et que leur cité serait détruite, à moins qu'ils ne fléchissent le ciel par des jeûnes, des prières et des aumônes. Pour leur malheur, les Asturiens n'écoutèrent pas les sàges exhortations du Saint, et leur ville fut ruinée de fond en comble, de sorte qu'aujourd'hui l'on ne sait plus même le lieu où elle s'est trouvée (d'aucuns pensent que Stockeraw, au nord de Vienne est située sur le site de l'ancienne Astures).
Saint Séverin. Gravure. XVIIIe.
Mais avant le désastre, saint Séverin s'était retiré dans une autre ville, appelée Cumanis (aujourd'hui Haynburg, à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de Vienne). Là il renouvela ses conseils et ses sinistres prédictions ; mais là aussi il ne fut pas écouté. Alors un vieillard, qui seul avait échappé ua massacre et à l'incendie d'Astures, raconta aux habitants de Cumanis tous les détails de l'horrible désastre dont il avait été témoin ; et il ajouta qu'avant l'événement un homme inconnu était venu leur prédire tout ce qui était arrivé, et les avait exhortés à détourner ces malheurs par la pénitence :
" Et c'est parce qu'on ne l'a pas cru, dit-il en terminant son récit, que tous ces malheurs sont venus sur ma patries !..."
Et le vieillard, ayant vu saint Séverin qui l'écoutait discrètement mélé à son nombreux auditoire, s'écria aussitôt :
" C'est lui-même, écoutez-le !"
Alors les Cumaniens lui demandèrent pardon de n'avoir pas voulu l'écouter d'abord et pendant trois jours ils implorèrent le secours du ciel par des prières, des jeûnes et des aumônes. Pendant ce temps les farouches ennemis s'étaient rapprochée de Cumanis mais vers la fin du troisième jour leur camp fut ébranlé par un terrible tremblement de terre, et ils s'enfuirent épouvantés. Pendant la nuit suivante, ils s'imaginèrent être poursuivis, et, prenant leurs compagnons pour des ennemis, ils s'entre-tuèrent.
Saint Séverin prêchant aux habitants de la ville de Cumanis.
Cathédrale neuve Notre-Dame. Linz. Autriche. XVIIe.
Une autre ville * plus loin sur le Danube était désolée par la famine. C'était au cœur de l'hiver, et l'on attendait des vivres qui devaient arriver des pays qui sont près de l'Inn. Mais le fleuve était gelé, les bateaux qui devaient transporter les vivres ne pouvaient arriver. Or, les habitants de cette ville ayant entendu parler de la merveilleuse efficacité des prières de saint Séverin, le firent inviter à se rendre auprès d'eux.
Son premier soin, en arrivant, fut de les exhorter à la prière et à la pénitence. Et presque aussitôt l'on vit arriver une foule de bateaux chargés de vivres. Que s'était-il donc passé ? Le fleuve, qui depuis longtemps tenait les bateaux emprisonnés dans les glaces, s'était subitement fondu par l'effet d'un dégel miraculeux survenu à une époque tout à fait indue. Grande fut la reconnaissance des Viennois, et grandes furent aussi leurs actions de grâces.
Or, il y avait à Vienne une riche veuve nommée Procule qui avait caché, pendant une famine, une immense quantité de blé : l'Esprit de Dieu ayant révélé cet acte d'avarice à Séverin, le Saint reprit publiquement la veuve sans entrailles, lui reprocha d'être cause, par sa cupidité, de la mort d'un grand nombre de pauvres, et lui fit voir qu'elle se disait en vain chrétienne, puisqu'en adorant les richesses elle était tombée dans une détestable idolâtrie. Procule comprit l'énormité de sa faute et la répara en ouvrant gratuitement ses greniers.
Saint Séverin. Gravure. M. Haffner. Autriche. XVIIIe.
Dans le même temps, des barbares menaçaient cette ville par le fer et le feu tout ce qu'ils pouvaient saisir au dehors des murs, hommes et bêtes, ils l'emmenaient avec eux. La ville était presque entièrement dépourvue de soldats : saint Séverin harangua leur chef, lui disant d'avoir confiance en Dieu, et d'aller attaquer résolument l'ennemi, lui assurant que Dieu lui donnerait la victoire. Il ajouta encore ces paroles remarquables :
" Mais quand vous aurez vaincu, ne tuez pas les ennemis !"
Le capitaine partit aussitôt, plein de confiance en Dieu et dans les prières de son fidèle serviteur. Les barbares, en l'apercevant, furent saisis d'épouvante, jetèrent leurs armes et s'enfuirent. Ceux d'entre eux qu'on put emmener captifs, furent conduits devant saint Séverin, qui, après leur avoir reproché leurs brigandages, leur fit donner à boire et à manger, et puis les renvoya dans leur pays.
Plus tard saint Séverin se retira dans une solitude, avec le désir de ne plus vivre que pour Dieu mais il n'y demeura pas longtemps seul. Une foule de gens allaient le trouver pour lui demander aide et conseil dans leurs besoins spirituels ou corporels.
Saint Séverin. Tobia Gorio. XVIIe.
Un homme, nommé Rufus, était malade depuis douze ans : il souffrait horriblement dans tous les membres de son corps. Or, les moyens employés jusque-là avaient été infructueux. Sa mère le mit sur une voiture et le conduisit devant l'habitation du Saint. Elle le supplia de guérir son fils. Le Saint répondit :
" Dieu seul peut rendre la santé aux malades ; mais je vais vous donner un conseil donnez des aumônes, selon vos moyens."
Cette femme, n'ayant pour le moment aucune autre chose à donner, se dépouilla de ses habits pour les donner aux pauvres. Mais le Saint lui dit :
" Remettez vos habits ; votre fils va être guéri ensuite, quand vous serez retournée chez vous, prouvez votre foi par es oeuvres."
Saint Séverin se mit ensuite en prières ; et aussitôt, au grand étonnement de tous les assistants, le malade se leva guéri, et s'en retourna chez lui. L'étonnement de tous ceux qui le connaissaient était si grand, que plusieurs ne voulurent pas croire que ce fût le même homme qu'ils avaient vu si infirme.
La renommée de la sainteté et des miracles de saint Séverin se répandit au loin. Plusieurs cités pensèrent que si elles possédaient un tel trésor, elles seraient à l'abri de toutes les calamités. Le Saint fut donc appelé avec instance de divers côtés. Or, un jour il se trouvait dans une ville, où une partie des habitants s'adonnait à l'idolâtrie. Saint Séverin leur représenta combien grand était ce crime, mais personne ne voulut s'avouer coupable.
Alors il prescrivit un jeûne de trois jours, et ordonna que le troisième jour chaque famille se rendrait à l'église avec un cierge non allumé. Le Saint s'étant mis en prières avec les prêtres et le peuple, les cierges des vrais croyants s'allumèrent d'eux-mêmes, tandis que ceux des idolâtres demeurèrent non allumés. Etant ainsi miraculeusement convaincus, les idolâtres confessèrent leur péché ; et le chroniqueur, en rapportant ce fait, ajoute :
" Ô douce puissance de mon Créateur, qui alluma les coeurs en même temps que les cierges ! Car le feu se mit aussi aux cierges des coupables, après qu'ils eurent confessé leur faute et pendant que ce feu consumait la cire qu'ils tenaient en leurs mains, un feu immatëriel consumait leurs cœurs et faisait couler de leurs yeux des larmes de componction."
Eglise Saint-Séverin. Passau. Bavière.
Une autre fois les campagnes d'alentour furent ravagées par des nuée de sauterelles, et l'on supplia encore saint Séverin d'éloigner ce fléau par ses prières. Comme toujours, il recommanda d'avoir recours à la prière, au jeûne et aux aumônes ; en même temps il exigea que personne n'allât aux champs : " car, dit-il, vos soins intempestifs seraient faits pour éloigner le secours de Dieu plutôt que pour chasser les sauterelles ". Tous se conformèrent scrupuleusement aux prescriptions du Saint, à l'exception d'un tout pauvre homme, qui voulait absolument aller visiter son champ. Ce champ se trouvait environné de plusieurs autres, et le pauvre homme s'y rendit pour en chasser les insectes destructeurs. Mais la nuit même les sauterelles disparurent complètement, en laissant intacts tous les champs, à l'exception de celui du pauvre incrédule, sur lequel elles ne laissèrent pas un fruit, ni un brin d'herbe. Ce malheureux alors courut à la ville, en se lamentant devant tout le monde de ce qui lui était arrivé. Là-dessus tous sortirent, et virent avec étonnement que leurs champs avaient été préservés du fléau, et que seul le champ de l'incrédule avait été dépouillé.
Le Saint alors leur dit ces simples paroles :
" Apprenez par les sauterelles à obéir toujours à Dieu !"
Alors le pauvre dit en se lamentant :
" Je veux bien, à l'avenir, obéir fidèlement à Dieu, mais qui me donnera de quoi vivre, car mon champ est dévasté ?"
Le Saint s'adressant à la foule, dit :
" Il est juste que celui qui par son châtiment vous apprend à être humbles et obéissants, soit, pour cette année, nourri par vous."
Et il fut fait une collecte au profit du pauvre.
Statue de saint Séverin. XVe.
Eglise Saint-Séverin. Passau. Bavière.
Une autre fois une femme, après avoir été longtemps malade, entra en agonie quelques-uns de ceux qui l'entouraient, la croyant déjà morte, se mirent à se lamenter, suivant la coutume en pareille occurrence. Les autres, au contraire, leur imposèrent silence, et, emportant la malade, ils allèrent la déposer devant la porte de saint Séverin. Le Saint leur dit :
" Que me voulez-vous ?"
Ils répondirent :
" Nous vous prions de rendre à ta santé cette femme qui va mourir."
Le Saint reprit :
" Vous demandez trop à un pauvre pécheur comme moi. Je suis indigne de faire des miracles ; tout ce que je puis faire, c'est de prier Dieu de me pardonner mes péchés."
Ceux-ci répliquèrent :
" Nous croyons que si vous priez pour la malade, elle sera guérie."
Alors le Saint se mit à prier et aussitôt la malade put se lever. Et le Saint leur dit :
" Ce miracle n'est pas dû à mes mérites, mais à votre foi ; pareille chose arrive journellement en maint endroit, chez tous les peuples, par la toute-puissance de Dieu, qui seul peut guérir les malades et ressusciter les morts, afin que tous les peuples sachent qu'il est le seul vrai Dieu."
Trois jours après, cette même femme était si bien guérie, qu'elle put de nouveau vaquer à ses travaux habituels.
Mais, quoiqu'il fît ces prodiges pour gagner les peuples à Jésus-Christ, il ne voulut point guérir un mal d'yeux qui causait des douleurs très vives à Bonose, le plus cher de ses disciples ; il aurait cru, en lui enlevant la souffrance, le priver d'un moyen de perfection. Sa réputation alla si loin que les princes, même d'au-delà du Danube, infidèles ou Ariens, lui demandaient ses avis pour la conduite civile de leurs Etats, quoiqu'ils refusassent d'ouvrir les yeux à la vérité et de corriger les déréglements de leur vie.
Notre Père des cieux ressuscitant une femme morte par
l'intercession de saint Séverin et de la foi des fidèles. XVIe.
Il établit plusieurs monastères, dont le plus considérable était près de Favienne. Il le quittait souvent pour aller à deux lieues au delà, dans un endroit écarté, pour prier plus tranquillement. Mais la charité l'obligeait souvent d'aller en divers lieux, consoler les habitants dans leurs alarmes car ils se croyaient en sûreté quand il était avec eux. Il recommandait à ses disciples surtout l'imitation des anciens et l'éloignement du siècle ; ses exemples leur prêchaient plus encore que ses paroles. Car, excepté les fêtes, il ne mangeait qu'après le soleil couché, et en Carême une seule fois dans la semaine il dormait tout vêtu sur un cilice, étendu sur le pavé de son oratoire. Il marchait toujours pieds-nus, même lorsque le Danube était gelé. Plusieurs villes le demandèrent pour évêque, mais il ne voulut jamais se rendre à leurs instances :
" N'est-ce pas assez que j'aie quitté ma chère solitude pour venir ici vous instruire et vous consoler ?"
Il ne faut donc pas croire que notre Saint ait établi d'une manière définitive et durable, ni la religion catholique, ni la vie monastique dans ces pays ; ce n'était ni le lieu ni le moment. La Providence l'avait amené là, lui Romain, moine catholique, représentant du monde civilisé qui allait être enfin envahi, afin d'arrêter un instant, et d'adoucir les envahisseurs ; ainsi Attila trouva saint Léon au passage du Mincio, saint Aignan sous les murs d'Orléans, et saint Loup aux portes de Troyes ainsi saint Germain d'Auxerre arrêta Eocharich, roi des Allemands, au cœur de la Gaule.
L'anachorète qui défendit le Norique, veillait en même temps dans l'intérêt de toute la Chrétienté. Si le débordement des invasions se fût précipité d'un seul coup, il aurait submergé la civilisation. L'empire était ouvert, mais les peuples n'y devaient entrer qu'un à un et le sacerdoce chrétien se mit sur la brèche, afin de les retenir jusqu'au moment marqué, et pour ainsi dire jusqu'à l'appel de leur nom. c'était le tour des Hérules : saint Séverin avait contenu leurs bandes sur le chemin de l'Italie.
Odoacre consultant saint Séverin.
Leopold Kupelwieser. Vienne. XVIIIe.
Parmi ceux qui venaient demander sa bénédiction, se trouva un jour un jeune homme, pauvrement vêtu, mais de race noble, et si grand qu'il lui fallait, se baisser pour entrer dans la cellule du moine :
" Va, lui dit Séverin, va vers l'Italie ; tu portes maintenant de chétives fourrures, mais bientôt tu auras de quoi faire largesse."
Ce jeune homme était Odoacre, à la tête des Thurilinges et des Hérules ; il s'empara de Rome, envoya Romulus Augustule mourir en exil, et, sans daigner se faire lui-même empereur, se contenta de rester le maître de l'Italie. Du sein de sa conquête, il se souvint de la prédiction du moine romain qu'il avait laissé sur les bords du Danube, et lui écrivit pour le prier de lui demander tout ce qu'il voudrait. Séverin en profita pour obtenir la grâce d'un exilé.
Si Odoacre, maître de Rome, usa de clémence, s'il épargna les monuments, les lois, les écoles, et ne détruisit que le vain nom de l'empire, c'est qu'il se souvint, notamment, du moine romain qui avait prédit sa victoire et béni sa jeunesse.
Une autre fois, comme les Allemands ravageaient le territoire de Passau, où il se trouvait alors, il alla trouver Gibold leur roi, et lui tint un langage si ferme, que le barbare troublé promit de rendre les captifs et d'épargner le pays on l'entendit ensuite déclarer à ses compagnons que jamais, en aucun péril de guerre, il n'avait tremblé si fort
mercredi, 08 janvier 2025 | Lien permanent
9 janvier. Saint Julien d'Antioche et sainte Basilisse, mariés, religieux, vierges et martyrs, et leurs compagnons, mart
- Saint Julien d'Antioche et sainte Basilisse, mariés, religieux, vierges et martyrs, et leurs compagnons, martyrs. 313.
Pape : Saint Mechiade. Empereur romain d'Orient : Maximin Daïa II. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier.
" Et ecce ego morior !"
" Quel bonheur de mourir !"
1 Reg., XIV, 43.

Saint Julien d'Antioche. Jean Hey ou Jean Pichore.
Avant que de donner quelques éléments de la vie de saint Julien, notons au préalable que nous avons un peu plus de soixante saints portant le prénom de Julien.
Il se peut donner sans difficulté à saint Julien et à sainte Basilisse les quatre titres de mariés, de vierges, de religieux et de martyrs, quoique sainte Basilisse ait fini ses jours en paix et dans la ferveur de la prière : mais elle beaucoup souffert pour Notre Seigneur Jésus-Christ et disposé une infinité de personnes à mourir pour la foi qui lui a valu cette qualité de martyre.
Saint Julien d'Antioche naquit de parents riches qui le voulurent marier. Il fit voeux de rester chaste et d'engager son épouse à le demeurer, ce qu'elle fit aussi. Il choisirent d'ailleurs de ne pas demeurer ensemble.

Sainte Basilisse, associée à saint Julien l'Hospitalier,
Leurs parents respectifs étant mort, ils héritèrent tous deux de grands biens qu'ils vendirent pour le soulagement des pauvres et pour fonder chacun des établissements destinés à leur soulagement.
Plusieurs jeunes hommes demandèrent rapidement à venir seconder saint Julien dans ses oeuvres et de même de nombreuses jeunes filles voulurent suivre l'exemple de sainte Basilisse.
Bientôt, Maximin II renouvella, après Dioclétien, la persécution en Orient. L'empereur envoya à Antioche un lieutenant appelé Marcien, homme particulièrement cruel. Il fit comparaître Julien devant son tribunal et ne pouvant le réduire, fit mettre le feu aux quatre coins de la batisse qui servait de maison aux novices. De là ils montèrent au Ciel.
Marcien fit à nouveau comparaître saint Julien. La constance de notre saint fut la même, et avec une grande fermeté, il supporta d'être battu avec des cordes nouées (guérissant au passage un des soldats qui avait reçu accidentellement un coup de corde qui lui avait fait perdre un oeil). Marcien fit ensuite traîner saint Julien dans Antioche, chargé de fers, et le fit tourmenter tout au long du chemin.
Il se trouve que le fils de Marcien, âgé de sept ans, Celse, était avec d'autres écoliers pas les rues d'Antioche. Touché par l'héroïque constance du saint, il s'approcha de lui et lui demanda d'être admis dans la société de Notre Seigneur.
Marcien fit mettre saint Julien et son propre fils dans une basse-fosse afin d'essayer de venir à bout de leur patience. A peine arrivé dans ce lieu, une lumière divine vint les éclairer et l'odeur épouvantable de la fosse se changea en un parfum admirable. Ce fut la cause de la conversion de la vingtaine de gardes que Marcien avait préposé à leur surveillance. Marcien fit ensuite préparer un brasier fait d'huile et de résine afin d'exterminer cette sainte troupe.
Comme des Gentils passaient avec un mort sur le chemin qui menait des geoles au lieu du supplice, Marcien demanda à saint Julien qu'il ressucitât ce mort s'il le pouvait. Saint Julien, après avoir prié le Maître de Vie, le ressucita en effet. Le ressucité dit à l'instant du retour de sa vie terrestre, que Jésus-Christ était bien le seul et vrai Dieu et qu'il emploierait le restant de sa vie à expier ses péchés.
Marcien ne se laissa pas plus toucher par ce miracle que par les précédents. Il fit conduire la troupe au lieu du supplice et on mit le feu au brasier. Aussitôt, ce feu fut changer en une agréable source de raffraîchissement, et Marcien fut obliger de reconduire nos saints en prison.
Marcien envoya alors son épouse, Marcionille, visiter son fils Celse afin de l'engager à revenir aux idoles. Elle fut tellement touchée par la compagnie de nos saints qu'elle demanda le baptême et Celse fut choisi pour être le parrain de sa mère. Marcien fit alors décorer le temple le plus majestueux temple d'Antioche, dédié à Jupiter, et fit préparer une cérémonie solennelle. Il dit à saint Julien de demander à son Dieu qu'Il lui plût, s'il Lui était possible, de détruire le temple. Aussitôt, la terre souvrit et engloutit le temple et les prêtres de Satan qui étaient là.
Renvoyés en prison, la sainte troupe en fut retirée le lendemain et jetée aux bêtes féroces, qui ne voulurent toucher nos saints que pour les lécher et se faire caresser. Marcien finit par leur faire couper la tête, en même temps que des criminels de droit commun.
Sainte Basilisse put terminer ses jours, avec les religieuses qui l'entouraient, dans la paix du Seigneur, non sans avoir été tourmentée sa vie durant il est vrai.
La France, et particulièrement, le diocèse de Sens, fut honorée d'avoir le crâne de saint Julien d'Antioche. L'abbaye de Morigny le conservait. Malheureusement, l'invasion des abbés commandataires au XVIIe siècle, encouragée par le petit-fils de l'usurpateur Bourbon Henri de Navarre, produisit la ruine puis l'abandon de cette abbaye.
Cette insigne relique se trouve probablement toujours au trésor de la cathédrale de Sens.
Rq : On trouvera des détails intéressants sur ces saintes reliques sur lien suivant : http://www.corpusetampois.com/che-17-fleureau-b10.html
On lira et méditera avec fruit le magnifique sermon sur saint Julien de saint Jean Chrysostome : http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2011/01/09/saint...
jeudi, 09 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)
7 janvier. Saint Lucien d'Antioche, prêtre et martyr. 312.
" Seigneur, l'explication de votre parole éclaire et donne de l'intelligence aux petits."
Ps. CXVIII.

Saint Lucien d'Antioche. Bas-relief. Arles. XIe.
Ce grand personnage était Syrien de nation, d'une famille illustre de Samosate (d'après l'hagiographe Baillet, cette famille était d'Antioche). Ses parents, Chrétiens, prirent un soin particulier de l'élever dans la crainte de Dieu. Il devint orphelin de père et de mère à l'âge de douze ans et dès lors, jugeant que la vie religieuse était un port assuré contre les orages du monde, il se retira chez un saint personnage appelé Macaire, qui faisait profession d'étudier et d'interpréter les saintes écritures à Edesse. Lucien profita si bien à cette sainte école, qu'il se prescrivit dès lors une façon de vivre très austère. L'oraison et le silence étaient ses plus familiers entretiens, et, s'il lui échappait parfois une parole, elle était toujours puisée dans les saintes Ecritures.
Avançant de plus en plus en âge et en vertu, il se fit ordonné prêtre à Antioche ; et, pour se faire utile au public, il entreprit d'instruire la jeunesse, tant dans les belles lettres que dans la pratique de la piété. Pour cet effet, il tint école ouverte, à l'exemple de son maître saint Macaire, afin que tous ceux qui voulait jouir de ses travaux le pussent faire sans aucune difficulté. De plus, pour avoir de quoi faire l'aumône aux pauvres, il s'acquit une telle facilité de bien écrire, qu'il y gagnait assez pour son entretien et celui des autres. Il entreprit en outre un ouvrage très difficile ; car, ayant observé que les hérétiques, traduisant diversement les livres sacrés, y avaient glissé beaucoup d'erreurs, il résolut d'en revoir toutes les traductions, et d'en faire une toute nouvelle de l'hébreu en grec. Cette édition mérita l'estime universelle et fut très utile à saint Jérôme qui rapporte que l'on s'en servait dans l'Eglise d'Orient, particulièrement depuis Constantinople jusqu'à Antioche.
C'est pour partie à saint Lucien d'Antioche que l'on doit l'invention des reliques de saint Etienne. Il vint un jour s'entretenir avec l'évêque de Jérusalem du lieu, qu'il avait vu en songe, où les précieuses reliques seraient découvertes.
Comme notre saint travaillait ainsi pour la religion, l'empereur Maximin renouvela les édits de ses prédécesseurs Dioclétien et Maximien, et continua de persécuter les Chrétiens. Sachant que ce très saint prêtre était un des plus fermes soutiens et une des plus fortes colonnes de l'Eglise catholique d'Antioche, et que les fidèles avaient pour lui beaucoup de déférence, il résolut de le faire arrêter. Le saint homme en ayant avis, pour ne pas s'exposer témérairement au péril, il sortit de la ville et se retira secrètement dans la campagne, pratiquant en cela le conseil du Sauveur qui dit à ses disciples (Matth. X, 23.) :
" Quand les hommes vous persécuterons en une ville, fuyez en une autre."

Saint Lucien d'Antioche. D'après une Icône grecque du Xe.
Cependant, ayant été dénoncé par un méchant apostat partisan de l'hérésiarque Sabellius, il fut fait prisonnier et conduit à Nicomédie en 303.
En passant par la Cappadoce, il rencontra quelque soldats de sa connaissance, qui, par crainte ou par la violence des tourments, avaient renoncé au Christianisme : notre saint, animé de ferveur et de zèle, leur fit une si vive et charitable remontrance, que, touchés de repentir, ils promirent de ne faire désormais que des actes de bons Chrétiens ; et de quarante qu'ils étaient, la plupart moururent courageusement pour Notre Seigneur Jésus-Christ ; les autres, triomphant de la cruauté des tourments, survécurent à la rage du tyran.
Le saint martyr ne produisit pas un moindre fruit quand il arriva à Nicomédie. Il trouva encore quelques Chrétiens qui avaient fait naufrage dans la foi. Il les ramena par ses ferventes exhortations et les fit rentrer dans le sein de l'Eglise. Aussi, ce très saint prêtre porte-t-il à très juste titre le nom de Lucien, qui vient de lux, lumière, brillant par l'éclat de sa foi, de sa doctrine et de ses vertus, non seulement pour lui-même mais aussi pour les autres.
Il semble que Maximin craignait d'être éclairé par cette lumière s'il l'interrogeait lui-même ; en effet, il se couvrit pour ainsi dire d'un voile, et ne parla à Lucien que par un interprète. Il lui offrit de se l'associer au gouvernement de l'empire et de le faire son collègue et conseil s'il voulait " seulement " sacrifier aux idoles ; mais notre saint se moquant de ces vaines promesses, protesta hautement qu'il n'en ferait jamais rien. Alors Maximin, passant des promesses aux menaces, le fit conduire an prison, où, après plusieurs autres outrages, le saint confesseur eut à subir d'affreux traitements. On prépara une grosse pièce de bois, percée en quatre endroits différents, et après lui avoir fait entrer les jambes jusqu'aux genoux dans les deux trous de dessus, on les replia pour les faire entrer dans les trous de dessous, ce qui lui déboîta les os et força horriblement les jointures. Ensuite, on lui attacha les mains par-dessus la tête à une autre pièce de bois, afin qu'étant couché il ne pût nullement remuer, et, la place ayant été couverte de têts de pots cassés, on l'étendit nu sur ce lit de douleur pour lui faire souffrir sans relâche une torture insupportable.
Les bourreaux le laissèrent ainsi douze ou quatorze jours, sans rien lui donner à manger que les viandes qui avaient été présentées aux idoles ; mais, comme il eût plutôt souffert mille morts que de toucher un seul de ces morceaux, s'appuyant sur cette loi qu'on ne peut manger ce qui a été offert aux idoles s'il en doit résulter du scandale pour les faibles et si les Païens l'exigent comme un acte d'idolâtrie, il s'abstint sans défaillance.
Cependant la fête de l'Epiphanie approchait, et ses disciples qui le venait visiter, eussent bien voulu de le voir libre en ce jour afin de participer avec lui aux saints mystères de notre rédemption. Le saint le leur promit. Ainsi, le jour arrivé, il leur dit que sa poitrine servirait d'autel, et eux, d'église, en se rangeant autour de sa personne. Ils apportèrent donc le pain et le vin sur le sein du prêtre qui, après les prières accoutumées, les bénit l'un et l'autre, les consacra et reçut la sainte Eucharistie, qu'il fit distribuer ensuite à toute l'assistance. Chose admirable : Dieu ne permit pas qu'un seul Païen se présentât pour interrompre l'auguste cérémonie.
Ce fait, qui se trouve dans les Actes de saint Lucien, est aussi rapporté par Philostorge, historien arien (liv. II, ch. 12, 13).
Le lendemain, l'empereur, irrité de ce que le martyr vivait si longtemps, envoya voir s'il était mort ; mais d'aussi loin qu'il apercut les ministres d'iniquité, saint Lucien s'écria :
" Je suis Chrétien !"
Le bourreau, étonné de cette constance, lui demanda de quel pays il était :
" Je suis Chrétien !" répondit saint Lucien.
" Quelle est ta profession ?" demanda le ministre de Satan.
" Je suis Chrétien !" répondit le saint prêtre.
" Mais qui sont tes parents ?" ajouta encore le Païen.
" Je suis Chrétien !" reprit encore le généreux martyr.
Il n'eut pas si tôt fait cette dernière profession de foi que saint Lucien rendit son âme à Dieu : ce fut le 7 janvier de l'an 312.
On croit qu'il resta 9 ans en prison, puisque, au rapport d'Eusèbe, il en reçut la couronne du martyre qu'après la mort de saint Pierre d'Alexandrie arrivée en 311.
Saint Jean Chrysostome a écrit des merveilles sur cette admirable réponse de saint Lucien ; " parce que le disciple de Notre Seigneur Jésus-Christ, en disant qu'il est Chrétien, explique parfaitement bien, en un seul mot, quelle est sa patrie, sa famille et sa profession. Sa partie parce que, n'en ayant point sur la terre, il n'en reconnaît pas d'autre que la Jérusalem céleste ; sa famille, parce qu'il ne croit pas avoir d'autres parents que les Saints ; enfin sa profession, puisque toute sa vie est dans le ciel ".
Le tyran, écoutant sa rage, même après la mort de saint Lucien, commanda qu'on lui attachât une grosse pierre à la main droite, et que son corps fût jeté dans la mer, afin d'en ôter à jamais le souvenir. Mais le Créateur de toutes choses le conserva 14 jours dans les eaux, autant qu'il avait souffert de jours le martyre ; et au 15e, le saint apparut à l'un de ses parents qui était son disciple, Glycérius, pour lui dire qu'il allât en un tel endroit du rivage qu'il lui marquait, et qu'il y trouverait alors infailliblement son corps. Glycérius se rendit à cet endroit avec quelques autres Chrétiens. Ils n'y furent pas plus tôt arrivés, qu'ils apercurent un grand dauphin qui, portant ce précieux trésor sur son dos, le déchargea à leur vue sur le bord de la mer. On put facilement se convaioncre que ce dauphin n'était pas un fantôme mais un vrai poisson, car il expira qur le rivage aussitôt qu'il se fut déchargé, ainsi qu'il paraît par le dernier couplet d'une hymne que l'on chante en l'honneur de saint Lucien :
Et voulant à son corps rendre un pieux hommage,
Le porta sur son dos jusqu'au bord du rivage,
Où devant tout le monde il mourut de plaisir."
Ce saint corps fut reçut tout entier et sans aucune corruption ni mauvaise odeur, si ce n'est la main droite qui en avait été séparée par la pesanteur de la pierre qui y avait été attachée. Mais Dieu voulant ratifier par un nouveau miracle le travail de cette même main qui avait servi à la correction des erreurs introsuites dans les versions des saintes Ecritures, fit que peu de temps après, la mer l'ayant rapportée sur ses ondes, elle fut parfaitement réunie au corps de saint Lucien ; lequel reut les honneurs de la sépulture autant que ses disciples le pouvaient faire dans ces circonstances de persécutions.
Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, passant par Nicomédie au retour de la visite des lieux saints, eut dévotion d'honorer le sépulcre du saint martyr Lucien, et fit bâtir une belle ville, qui changea son nom de Drépan et Hélenopolis, dans laquelle elle fit élever un beau temple dédié à saint Lucien.

Colonne Saint-Lucien. Vestige de l'église dédiée à saint Lucien.
Dans la suite des temps, saint Charlemagne fit apporter les saintes reliques de notre saint prêtre et martyr dans la ville d'Arles, en Provence, après y avoir fait bâtir une église en son honneur.
Après que les bêtes féroces de 1793 aient profané cette église, l'archevêque d'Aix, Mgr Bernet, reconnut néanmoins en 1839 les reliques qui avaient échapé aux outrages comme étant bien celles de saint Lucien et de saint Vincent.
L'église Saint-Lucien s'élevait autrefois sur la place du Forum, dans la partie occupée actuellement par le café Van Gogh. Elle était aussi désignée sous l'appellation de Notre-Dame-du-Temple ou Notre-Dame-de-la-Minerve à cause d'une tradition voulant qu'elle ait été fondée sur un ancien temple de Minerve dont une portion lui aurait servi de nef. Saint Charlemagne y fit placer des reliques de saint Lucien, ce qui lui conféra son nom.
Elle était au cœur d'une paroisse de gens aisés, principalement de négociants, majoritairement de merciers. Un escalier donnait accès à une chapelle basse, du XIIe siècle, dont on peut encore voir l'abside ainsi que la base de l'autel à l'extrémité de la galerie Nord des Cryptoportiques. Chapelle placée sous la dédicace de Saint-Michel.
mardi, 07 janvier 2025 | Lien permanent
16 janvier. Saint Marcel Ier, pape et martyr. 304 à 310.
Papes : Saint Marcelin (prédécesseur, +304, puis vacance jusqu'au début de l'année 308) ; Saint Eusèbe Ier (successeur). Empereur romain à Rome : Maxence. Empereur romain d'Occident : Licinius. Empereur romain d'Orient : Galère.
" Cette vie me plait, mais elle trompe."
Saint Honorat, évêque d'Arles et fondateur de l'abbaye de Lérins. Il est fêté aussi ce 16 janvier.
Marcel a gouverné l'Eglise à la veille des jours de paix qui bientôt allaient se lever. Encore quelques mois, et le tyran Maxence tombait sous les coups de Constantin, et la croix triomphante brillait sur le Labarum des légions. Les moments étaient courts pour le martyre ; mais Marcel sera ferme jusqu'au sang, et méritera d'être associé à Etienne, et de porter comme lui la palme près du berceau de l'Enfant divin. Il soutiendra la majesté du Pontificat suprême en face du tyran, au milieu de cette Rome qui verra bientôt les Césars s'enfuir à Byzance, et laisser la place au Christ, dans la personne de son Vicaire. Trois siècles se sont écoulés depuis le jour où les édits de César Auguste ordonnaient le dénombrement universel qui amena Marie en Bethléhem, où elle mit au monde un humble enfant : aujourd'hui, l'empire de cet enfant a dépassé les limites de celui des Césars, et sa victoire va éclater. Après Marcel va venir Eusèbe ; après Eusèbe, Melchiade qui verra le triomphe de l'Eglise.
Romain d'origine, Marcel fut choisi le 21 mai 308, pour succéder à saint Marcellin, martyrisé deux mois auparavant. (Il siégea sous le règne de Maxence, cinq ans, six mois et vingt-et-un jours.)

Saint Marcel Baptisant. Legenda aurea.
Devenu Pape, saint Marcel n'oublia point les exemples de vertus et de courage de son prédécesseur. Il obtint d'une pieuse matrone nommée Priscille, un endroit favorable pour y rétablir les catacombes nouvelles, et pour pouvoir y célébrer les divins mystères à l'abri des profanations des païens. Les vingt-cinq titres de la ville de Rome furent érigés en autant de paroisses distinctes, afin que les secours de la religion fussent plus facilement distribués aux fidèles. A la faveur d'une trève dans la persécution, Marcel s'efforça de rétablir la discipline que les troubles précédents avaient altérée. Sa juste sévérité pour les chrétiens qui avaient apostasié durant la persécution lui attira beaucoup de difficultés.
L'Église subissait alors la plus violente des dix persécutions. Dioclétien venait d'abdiquer en 305, après avoir divisé ses États en quatre parties, dont chacune avait à sa tête un César. Maxence, devenu César de Rome en 306, ne pouvait épargner le chef de l'Église universelle. L'activité du Saint Pontife pour la réorganisation du culte sacré au milieu de la persécution qui partout faisait rage, était aux yeux du cruel persécuteur, un grief de plus.
Maxence le fit arrêter par ses soldats et comparaître à son tribunal, où il lui ordonna de renoncer à sa charge et de sacrifier aux idoles. Mais ce fut en vain: saint Marcel répondit hardiment qu'il ne pouvait désister un poste où Dieu Lui-même l'avait placé et que la foi lui était plus chère que la vie. Le tyran, exaspéré par la résistance du Saint à ses promesses comme à ses menaces, le fit flageller cruellement. Il ne le condamna point pourtant à la mort ; pour humilier davantage l'Église et les fidèles, il l'astreignit à servir comme esclave dans les écuries impériales.

Saint Marcel Ier dans l'étable. Legenda aurea.
Le Pontife passa de longs jours dans cette dure captivité, ne cessant dans la prière et le jeûne, d'implorer la miséricorde du Seigneur. Après neuf mois de détention, les clercs de Rome qui avaient négocié secrètement son rachat avec les officiers subalternes, vinrent pendant la nuit et le délivrèrent. Une pieuse chrétienne nommée Lucine, qui depuis dix-neuf ans avait persévéré dans la viduité, donna asile au Pontife. Sa maison devint dès lors un titre paroissial de Rome, sous le nom de Marcel, où les fidèles se réunissaient en secret.
Maxence en fut informé, fit de nouveau arrêter Marcel, et le condamna une seconde fois à servir comme palefrenier dans un haras établi sur l'emplacement même de l'église. Saint Marcel, Pape, mourut au milieu de ces vils animaux, à peine vêtu d'un cilice. Il est le saint patron des palefrenier et des valets d'écuries. La bienheureuse Lucine l'ensevelit dans la catacombe de Priscille, sur la voie Salaria. Les reliques de ce Souverain Pontife reposent dans l'ancienne église de son nom, illustrée par son martyre, mais son chef, après avoir été conservé longtemps par l'abbaye de Cluny est toujours aujourd'hui au trésor de la cathédrale d'Autun. Il fut le dernier des Papes persécutés par le paganisme.
" Quelles furent vos pensées, Ô glorieux Marcel, lorsque l'impie dérision d'un tyran vous enferma en la compagnie de vils animaux ? Vous songeâtes au Christ, votre maître, naissant dans une étable, et étendu dans la crèche à laquelle étaient attachés aussi des animaux sans raison. Bethléhem vous apparut avec toutes ses humiliations, et vous reconnûtes avec joie que le disciple n'est pas au-dessus du maître. Mais de l'ignoble séjour où le tyran avait cru renfermer la majesté du Siège Apostolique, elle allait bientôt sortir affranchie et glorifiée, aux yeux de la terre entière. Rome chrétienne, abaissée en vous, allait être reconnue comme la mère de tous les peuples, et Dieu n'attendait plus qu'un moment pour livrer à vos successeurs les palais de cette fière cité qui n'avait pas encore le secret de sa destinée.
Comme l'Enfant de Bethléhem, Ô Marcel, vous avez triomphé par vos abaissements. Souvenez-vous de l'Eglise qui vous est toujours chère ; bénissez Rome qui visite avec tant d'amour le lieu sacré de vos combats. Bénissez tous les fidèles du Christ qui vous demandent, dans ces saints jours, de leur obtenir la grâce d'être admis à faire leur cour au Roi nouveau-né. Demandez-lui pour eux la soumission à ses exemples, la victoire sur l'orgueil, l'amour de la croix, et le courage de demeurer fidèles dans toutes les épreuves."
jeudi, 16 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)
18 janvier. Chaire de saint Pierre à Rome.

Roman de Dieu et de sa mère. XVe.
L’archange avait annoncé à Marie que le Fils qui naîtrait d'elle serait Roi, et que son Royaume n'aurait point de fin ; instruits par l'Etoile, les Mages vinrent, du fond de l'Orient, chercher ce Roi en Bethléhem ; mais il fallait une Capitale à ce nouvel Empire ; et parce que le Roi qui devait y établir son trône devait aussi, selon les conseils éternels, remonter bientôt dans les cieux, il était nécessaire que le caractère visible de sa Royauté reposât sur un homme qui fût, jusqu'à la fin des siècles, le Vicaire du Christ.
Pour cette sublime lieutenance, l'Emmanuel choisit Simon, dont il changea le nom en celui de Pierre, déclarant expressément que l'Eglise tout entière reposerait sur cet homme, comme sur un rocher inébranlable. Et comme Pierre devait aussi terminer par la croix ses destinées mortelles, le Christ prenait l'engagement de lui donner des successeurs dans lesquels vivraient toujours Pierre et son autorité.
Mais quelle sera la marque de cette succession, dans l'homme privilégié sur qui doit être édifiée l'Eglise jusqu'à la fin des temps ? Parmi tant d'Evêques, quel est celui dans lequel Pierre se continue ? Ce Prince des Apôtres a fondé et gouverné plusieurs Eglises; mais une seule, celle de Rome, a été arrosée de son sang ; une seule, celle de Rome, garde sa tombe : l'Evêque de Rome est donc le successeur de Pierre, et, par là même, le Vicaire du Christ. C'est de lui, et non d'un autre, qu'il est dit : " Sur toi je bâtirai mon Eglise ". Et encore : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux ". Et encore : " J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; confirme tes frères ". Et encore : " Pais mes agneaux; pais mes brebis ".

Chaire de saint Pierre.
L'hérésie protestante l'avait si bien compris, que longtemps elle s'efforça de jeter des doutes sur le séjour de saint Pierre à Rome, croyant avec raison anéantir, par ce stratagème, l'autorité du Pontife Romain, et la notion même d'un Chef dans l'Eglise. La science historique a fait justice de cette puérile objection ; et depuis longtemps, les érudits de la Réforme sont d'accord avec les catholiques sur le terrain des faits, et ne contestent plus un des points de l'histoire les mieux établis par la critique.
Ce fut pour opposer l'autorité de la Liturgie à une sr étrange prétention des Réformateurs, que Paul IV, en 1558, rétablit au dix-huit janvier l'antique fête de la Chaire de saint Pierre à Rome ; car, depuis de longs siècles, l'Eglise ne solennisait plus le mystère du Pontificat du Prince des Apôtres qu'au vingt-deux février. Désormais, ce dernier jour fut assigné au souvenir de la Chaire d'Antioche, la première que l'Apôtre ait occupée.
Aujourd'hui donc, la Royauté de notre Emmanuel brille de tout son éclat ; et les enfants de l'Eglise se réjouissent de se sentir tous frères et concitoyens d'un même Empire, en célébrant la gloire de la Capitale qui leur est commune à tous. Lorsque, regardant autour d'eux, ils aperçoivent tant de sectes divisées et dépourvues de toutes les conditions de la durée, parce qu'un centre leur manque, ils rendent grâces au Fils de Dieu d'avoir pourvu à la conservation de son Eglise et de sa Vérité, par l'institution d'un Chef visible dans lequel Pierre se continue à jamais, comme le Christ lui-même dans Pierre. Les hommes ne sont plus des brebis sans pasteur ; la parole dite au commencement se perpétue, sans interruption, à travers les âges ; la mission première n'est jamais suspendue, et, par le Pontife Romain, la fin des temps s'enchaîne à l'origine des choses.
" Quelle consolation aux enfants de Dieu !" S'écrie a Bossuet, dans le Discours sur l'Histoire universelle ; " mais quelle conviction de la vérité quand ils voient que d'Innocent XI, qui remplit aujourd'hui (1681) si dignement le premier Siège de l'Eglise, on remonte, sans interruption, jusqu'à saint Pierre, établi par Jésus-Christ prince des Apôtres : d'où, en reprenant les Pontifes qui ont servi sous la Loi, on va jusqu'à Aaron et jusqu'à Moïse ; de là jusqu'aux Patriarches et jusqu'à l'origine du monde !

Bible historiale. Guiard des Moulins. Saint-Omer. XIVe.
Pierre, en entrant dans Rome, vient donc accomplir et expliquer les destinées de cette cité maîtresse ; il vient lui promettre un Empire plus étendu encore que celui qu'elle possède. Ce nouvel Empire ne s'établira point parla force, comme le premier. De dominatrice superbe des nations qu'elle avait été jusqu'alors, Rome, parla charité, devient Mère des peuples; mais, tout pacifique qu'il est, son Empire n'en sera pas moins durable."
Ecoutons saint Léon le Grand, dans un de ses plus magnifiques Sermons, raconter, avec toute la pompe de son langage, l'entrée obscure, et pourtant si décisive, du Pêcheur de Génésareth dans la capitale du paganisme :
" Le Dieu bon, juste et tout-puissant, qui n'a jamais dénié sa miséricorde au genre humain, et qui, par l'abondance de ses bienfaits, a fourni à tous les mortels les moyens de parvenir à la connaissance de son Nom, dans les secrets conseils de son immense amour, a pris en pitié l'aveuglement volontaire des hommes, et la malice qui les précipitait dans la dégradation, et il leur a envoyé son Verbe, qui lui est égal et coéternel. Or, ce Verbe, s'étant fait chair, a si étroitement uni la nature divine à la nature humaine , que l'abaissement de la première jusqu'à notre abjection est devenu pour nous le principe de l'élévation la plus sublime.
Mais, afin de répandre dans le monde entier les effets de cette inénarrable faveur, la Providence a préparé l'Empire romain, et en a si loin reculé les limites, qu'il embrassât dans sa vaste enceinte l'universalité des nations. C'était, en effet, une chose merveilleusement utile à e l'accomplissement de l'œuvre divinement projetée, que les divers royaumes formassent la confédération d'un Empire unique, afin que la prédication générale parvînt plus vite à l'oreille des peuples, rassemblés qu'ils étaient déjà sous le régime d'une seule cité.
Cette cité, méconnaissant le divin auteur de ses destinées, s'était faite l'esclave des erreurs de tous les peuples, au moment même où elle les tenait presque tous sous ses lois, et croyait a encore posséder une grande religion, parce qu'elle ne rejetait aucun mensonge ; mais plus durement était-elle enlacée par le diable, plus merveilleusement fut-elle affranchie par le Christ.

Antiphonaire à l'usage de la collégiale Saint-Pierre d'Angers. XVe.
En effet, lorsque les douze Apôtres, après avoir reçu par l'Esprit-Saint le don de parler toutes les langues, se furent distribué les diverses parties de la terre, et qu'ils eurent pris possession de ce monde qu'ils devaient instruire de l'Evangile, le bienheureux Pierre, Prince de l'ordre Apostolique, reçut en partage la citadelle de l'Empire romain, afin que la Lumière de vérité, qui était manifestée pour le salut de toutes les nations, se répandît plus efficacement, rayonnant du centre de cet Empire sur le monde entier.
Quelle nation, en effet, ne comptait pas de nombreux représentants dans cette ville ? Quels peuples eussent jamais pu ignorer ce que Rome avait appris ? C'était là que devaient être écrasées les opinions de la philosophie ; là que devaient être dissipées les vanités de la sagesse terrestre ; là que le culte des démons devait être confondu ; là enfin devait être détruite l'impiété de tous les sacrifices, dans ce lieu même où une superstition habile avait rassemblé tout ce que les diverses erreurs avaient jamais produit.
Est-ce que tu ne crains pas, bienheureux Apôtre Pierre, de venir seul dans cette ville ? Paul l'Apôtre, le compagnon de ta gloire, est encore occupé à fonder d'autres Eglises ; et toi, tu t'enfonces dans cette forêt peuplée de bêtes farouches, tu marches sur cet océan dont la profondeur est pleine de tempêtes, avec plus de courage qu'au jour où tu marchais sur les eaux. Tu ne redoutes pas Rome, la maîtresse du monde, toi qui, dans la maison de Caïphe, avais tremblé à la voix d'une servante de ce prêtre. Est-ce que le tribunal de Pilate, ou la cruauté des Juifs, étaient plus à craindre que la puissance d'un Claude ou la férocité d'un Néron ? Non ; mais la force de ton amour triomphait de la crainte, et tu n'estimais pas redoutables ceux que tu avais reçu la charge d'aimer. Sans doute, tu avais déjà conçu le sentiment de cette intrépide charité, au jour où la profession de ton amour envers le Seigneur fut sanctionnée par le mystère d'une triple interrogation. Aussi n'exigea-t-on autre chose de ton âme, si ce n'est que, pour paître les brebis de Celui que tu aimais, ton cœur dépensât pour elles la substance dont il était rempli.
Ta confiance, il est vrai, devait s'accroître au souvenir des miracles si nombreux que tu avais opérés, de tant de précieux dons de la grâce que a tu avais reçus, et des expériences si multipliées de la vertu qui résidait en toi. Déjà tu avais instruit les peuples de la Circoncision, qui avaient cru à ta parole ; déjà tu avais fondé l'Eglise d'Antioche, où commença d'abord la dignité du nom Chrétien ; déjà tu avais soumis aux lois de la prédication évangélique le Pont, a la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie ; et alors, sûr du progrès de ton œuvre et de la durée de ta vie, tu vins élever sur les remparts de Rome le trophée de la Croix du Christ, là même où les conseils divins avaient préparé pour toi l'honneur de la puissance suprême, et la gloire du martyre."
L'avenir du genre humain par l'Eglise est donc pour jamais fixé à Rome, et les destinées de cette ville sont pour toujours enchaînées à celles du Pontife immortel. Divisés, de races, de langages, d'intérêts, nous tous, enfants de l'Eglise, nous sommes Romains dans l'ordre de la religion; et ce titre de Romains nous unit par Pierre à Jésus-Christ, et forme le lien de la grande fraternité des peuples et des individus catholiques.

Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.
Notre Seigneur Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous régissent dans l'ordre du gouvernement spirituel. Tout pasteur dont l'autorité n'émane pas du Siège de Rome, est un étranger, un intrus. De même, dans l'ordre de la croyance, Jésus-Christ par Pierre, Pierre par son successeur, nous enseignent la doctrine divine, et nous apprennent à discerner la vérité de l'erreur. Tout Symbole de foi, tout jugement doctrinal, tout enseignement, contraire au Symbole, aux jugements, aux enseignements du Siège de Rome, est de l'homme et non de Dieu, et doit être repoussé avec horreur et anathème. En la fêle de la Chaire de saint Pierre à Antioche, nous parlerons du Siège Apostolique comme source unique de la puissance de gouvernement dans l'Eglise ; aujourd'hui, honorons la Chaire romaine comme la source et la règle de notre foi.
Empruntons encore ici le sublime langage de saint Léon, et interrogeons-le sur les titres de Pierre à l'infaillibilité de l'enseignement. Nous apprendrons de ce grand Docteur à peser la force des paroles que le Christ prononça pour être le titre suprême de notre foi, dans toute la durée des siècles :
" Le Verbe fait chair était venu habiter au milieu de nous, et le Christ s'était dévoué tout entier à la réparation du genre humain. Rien qui n'eût été réglé par sa sagesse, rien qui se fût trouvé au-dessus de son pouvoir. Les éléments lui obéissaient, les Esprits angéliques étaient à ses ordres; le mystère du salut des hommes ne pouvait manquer son effet ; car Dieu, dans son Unité et dans sa Trinité, daignait s'en occuper lui-même. Cependant de ce monde tout entier, Pierre seul est choisi, pour être préposé à la vocation de toutes les nations, à tous les Apôtres, à tous les Pères de l'Eglise. Dans le peuple de Dieu, il y aura plusieurs prêtres et plusieurs pasteurs; mais Pierre régira, par une puissance qui lui est propre, tous ceux que le Christ régit lui-même d'une manière plus élevée encore. Quelle grande et admirable participation de son pouvoir Dieu a daigné donner à cet homme, ô frères chéris ! S'il a voulu qu'il y eût quelque chose de commun entre lui et les autres pasteurs, il l'a fait à la condition de donner à ceux-ci, par Pierre, tout ce qu'il voulait bien ne pas leur refuser.

Heures à l'usage de Rome. XVe.
Le Seigneur interroge tous les Apôtres sur l'idée que les hommes ont de lui. Les Apôtres sont d'accord, tant qu'il ne s'agit que d'exposer les différentes opinions de l'ignorance humaine. Mais quand le Christ en vient à demander à ses disciples leur propre sentiment, celui-là est le premier à confesser le Seigneur, qui est le premier dans la dignité apostolique. C'est lui qui dit :
" Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant."
Jésus lui répond :
" Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ces choses, mais mon Père qui est dans les cieux. C'est-à-dire : Oui, tu es heureux, car mon Père t'a instruit ; les pensées de la terre ne t'ont point induit en erreur, mais l'inspiration du ciel t'a éclairé. Ce n'est ni la chair ni le sang, mais Celui-là même dont je suis le Fils unique, qui m'a fait connaître à toi. Et moi, ajoute-t-il, je te le dis : De même que mon Père t'a dévoilé ma divinité, à mon tour, jeté fais connaître ton excellence. Car tu es Pierre, c'est-à-dire, de même que je suis la Pierre inviolable, la Pierre angulaire qui réunit les deux murs, le Fondement si essentiel que l'on n'en saurait établir un autre : ainsi, toi-même, tu es Pierre, car tu reposes sur ma solidité, et les choses qui me sont propres par la puissance qui est en moi, te sont communes avec moi par la participation que je t'en fais. Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Sur la solidité de cette pierre, je bâtirai le temple éternel ; et mon Eglise, dont le faîte montera jusqu'au ciel, s'élèvera sur la fermeté de cette foi."
La veille de sa Passion, qui devait être une épreuve pour la constance de ses disciples, le Seigneur dit ces paroles :
" Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme le froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras converti , confirme tes frères."
Le péril de la tentation était commun à tous les Apôtres ; tous avaient besoin du secours de la protection divine ; car le diable se proposait de les remuer tous, et de les écraser tous. Cependant le Seigneur ne prend un soin spécial que de Pierre seul ; ses prières sont pour la foi de Pierre, comme si le salut des autres était en sûreté, par cela seul que l'âme de leur Prince n'aura point été abattue. C'est donc sur Pierre que le courage de tous s'appuiera, que le secours de la grâce divine sera ordonné, afin que la solidité que le Christ attribue à Pierre, soit par Pierre conférée aux Apôtres.

Retable de la chaire de saint Pierre. Le Bernin. Rome. XVIIe.
Dans un autre Sermon, l'éloquent Docteur nous fait voir comment Pierre vit et enseigne toujours dans la Chaire Romaine :
" La disposition établie par Celui qui est la Vérité même, persévère donc toujours, et le bienheureux Pierre, conservant la solidité qu'il a reçue, n'a jamais abandonné le gouvernail de l'Eglise. Car tel est le rang qui lui a été donné au-dessus de tous les autres, que, lorsqu'il est appelé Pierre, lorsqu'il est proclamé Fondement, lorsqu'il est constitué Portier du Royaume des cieux, lorsqu'il est établi Arbitre pour lier et délier, avec une telle force dans ses jugements qu'ils sont ratifiés jusque dans les cieux, nous sommes à même de connaître, par le mystère de si hauts titres, le lien qu'il avait avec le Christ. Maintenant, c'est avec plus de plénitude et de puissance qu'il remplit la mission qui lui fut confiée ; et toutes les parties de son office et de sa charge, il les exerce en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié.
Si donc, sur cette Chaire, nous faisons quelque chose de bien, si nous décrétons quelque chose de juste, si nos prières quotidiennes obtiennent quelque grâce de la miséricorde de Dieu, c'est par l'effet des œuvres et des mérites de celui qui vit dans son Siège et y éclate par son autorité. Il nous l'a mérité, frères chéris, par cette confession qui, inspirée à son coeur d'Apôtre par Dieu le Père, a dépassé toutes les incertitudes des opinions humaines, et mérité de recevoir cette fermeté de la Pierre que nuls assauts ne pourraient ébranler. Chaque jour, dans toute l'Eglise, c'est Pierre qui dit: Vous êtes le Christ, Fils d
samedi, 18 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)
19 janvier. Saint Canut, roi de Danemark, martyr. 1086.
" Il a imité la passion du Seigneur : marchons sur ses traces."
Brev. rom.

Statue de saint Canut à Odensée - Royaume de Danemark.
Les Rois Mages, comme nous l'avons dit, ont été suivis, à la crèche du Sauveur, par les saints Rois chrétiens ; il est juste que ceux-ci soient représentés sur le Cycle, dans cette saison consacrée au mystère de sa Naissance. Parmi les saints Rois que donna en si grand nombre à l'Eglise et à la société européenne le onzième siècle, si fécond en toutes sortes de merveilles catholiques, Canut IV, sur le trône de Danemark, se distingue entre les autres par l'auréole du martyre. Propagateur zélé de la foi du Christ, législateur habile, guerrier intrépide, pieux et aumônier, il eut tous les genres de gloire d'un prince chrétien. Son zèle pour l’Eglise, dont les droits alors étaient en même temps ceux des peuples, fut le prétexte de sa mort violente ; et il expira, dans une sédition, avec le caractère sublime d'une victime immolée pour sa nation.
Son offrande au Roi nouveau-né fut l'offrande du sang ; et il échangea la couronne périssable pour cette autre couronne dont l'Eglise orne le front de ses martyrs, et qui ne se fane jamais. Les annales du Danemark, au onzième siècle, sont peu familières à la plupart des habitants de la terre ; mais l'honneur qu'a eu cette contrée de posséder un Roi martyr est connu dans toute l'étendue de l'Eglise, et l'Eglise habite le monde entier. Cette puissance de l'Epouse de Jésus-Christ pour honorer le nom et les mérites des serviteurs et des amis de Dieu, est un des plus grands spectacles qui soient sous le ciel ; car les noms qu'elle proclame deviennent immortels chez les hommes, qu'ils aient été portés par des rois, ou qu'ils n'aient servi qu'à distinguer les derniers de ses enfants.
Saint Canut était fils naturel de Suenon II, dont le grand-oncle nommé aussi Canut, avait régné en Angleterre. Suénon, qui n'avait pas d'enfant légitimes, prit un soin particulier de l'éducation du jeune Canut qui alliait de belles qualités d'âme à celles du corps. Suénon le mit sous la conduite de maîtres habiles qui remarquèrent bientôt une profonde piété qui relevait ses autres qualités.
Dès qu'il fut en âge de commander les armées, il le fit avec supériorité et assurance. Ses premiers coups d'essais furent de purger les mers des pirates qui désolaient les côtes de Danemark et de soumettre les peuples qui s'adonnaient à ces forfaits.
A la mort de Suénon en 1074, plusieurs Danois voulurent placer notre saint sur le trône (le trône en Danemark a presque toujours été électif jusqu'en 1660), mais, par crainte de son esprit guerrier, ils lui préférèrent l'un de ses frères Harald (Suénon II eut treize fils naturels), septième du nom, bientôt surnommé le fainéant, et qui régna jusqu'en 1080.
Saint Canut s'était retiré en Norvège auprès du roi Halstan qui l'avait reçu avec de vives démonstrations d'estime. Ce roi engagea souvent saint Canut à prendre les armes contre son jeune frère, mais notre saint s'y refusa toujours avec constance. Il chercha toujours, depuis la Norvège, à se rendre utile à sa patrie. Cette attitude résolue et sans faiblesse lui gagna le coeur des Danois qui l'élirent à la mort d'Harald VII en 1080.
Le début de son règne fut marqué par de très retentissants succès militaires sur les Sembes, les Estons et les Curètes qui ravageaient régulièrement ses Etats et que la molesse honteuse d'Harald n'avait pas su arrêtés. Il fit porter avec détermination les lumières de la foi à tous les peuples qui ne la connaissaient pas encore, en particulier en Courlande, en Samogitie et en Livonie.
Les succès ne l'enorgueillissaient pas et il déposait toujours sa couronne aux pieds du Roi des Rois, Notre Seigneur Jésus-Christ en lui faisant offrande de sa personne et de son royaume. Il s'unit avec Adélaïde, fille de Robert comte de Flandres. De cette union naquit Charles, surnommé plus tard dans sa maturité Le Bon.

Saint Canut IV de Danemark. Manuscrit flamand du XIIe.
Il eut à connaître des abus qui s'étaient développés dans son royaume et les corrigea avec une extrême sévérité et en prenant toujours le parti du faible contre le puissant. Il édicta des lois très sévères (et les fit appliquer) pour réduire toutes sortes de crimes auxquels s'adonnaient ses peuples, enclins il est vrai à une extrême violence.
L'Angleterre étant passée sous le contrôle de Guillaume le Conquérant en 1066, saint Canut n'en fit pas moins valoir ses droits sur l'île. Hélas, toutes les opérations qu'il monta échouèrent par défaut d'allié. Une dernière opération échoua par la faute de son frère Olas, duc de Schleswig, qui tergiversant et retardant la mise en route, provoqua la désertion quasi-complète des troupes. A cette occasion, au plan intérieur, le saint roi voulut instaurer la dîme ecclésiastique. Il décrêta qu'en cas de désertion, les Danois paieraient soit la dîme soit une forte taxe. Par détestation de la dîme, les Danois préférèrent s'acquiter de fortes taxes.
Bientôt, les mutins ne voulant pas affronter un prince dont ils connaissaient les qualités de commandement et la qualité de ses troupes, lui envoyèrent une ambassade qui fit serment que tout les révoltés cessaient le combat et qu'ils rentraient dans les résolutions du roi. Saint Canut crut ces protestations, malgré les avertissements de son frère Benoît qui avait éventé la fourberie de cette ambassade. Quelques temps plus tard, alors que le roi avait relâché sa vigilance et que ses troupes étaient éparses, il apprit que l'armée des mutins marchait vers Odensée pour l'y surprendre.
Selon la coutume, il alla à l'église Saint-Alban pour entendre la messe, communier et faire ses dévotions pour se préparer au combat. Pendant que son frère Benoît faisait des prodiges aux portes de l'église pour en défendre l'accès, une pierre vint atteindre le front de saint Canut.
Comme les révoltés ne pouvaient entrer dans l'église, défendue par un Benoît, frère du roi, assisté par saint Michel, le chef des forcenés demanda à rencontrer le roi afin de négocier des conditions de paix. Canut ordonna qu'on le laissât entrer. Le traître, Egwind Blancon, se baissa profondément devant le roi et se releva brutalement et poignarda saint Canut.
Dieu vengea la mort de son serviteur en affligeant le Danemark d'une famine qui dura les huit années du règne suivant (celui d'Olas II, le même qui avait fait échouer l'opération en Angleterre à l'origine de l'établissement de la dîme ecclésiastique).
La chasse des reliques de saint Canut fut magnifiquement ornée et on y lit l'inscription suivante :
" L'an de Jésus-Christ 1086, dans la ville d'Odensée, le glorieux roi Canut, trahi, comme Jésus-Christ, à cause de son zèle pour la religion, et de son amour pour la justice, par Blancon [Edwig], l'un de ceux qui mangeaient à sa table, après s'être confessé, et avoir participé au sacrifice du corps du Seigneur, eut le côté percé, et tomba contre terre devant l'autel, les bras étendu en croix. Il mourut pour la gloire de Jésus-Christ, et reposa en lui le vendredi 7 juin, dans la basilique de Saint-Alban, martyr, dont quelques temps auparavant il avait apporté des reliques d'Angleterre en Danemark."
Saint Canut a un office particulier dans le bréviaire romain, le 19 janvier.
Ses attributs sont les flèches et la lance, instruments de son supplice.
" Le Soleil de justice s'était déjà levé sur votre contrée, Ô saint Roi, et tout votre bonheur était de voir ses rayons illuminer votre peuple. Comme les Mages de l'Orient, vous aimiez à déposer votre couronne aux pieds de l'Emmanuel; et, un jour, vous avez offert jusqu'à votre vie pour son service et pour celui de son Eglise. Mais votre peuple n'était pas digne de vous ; il répandit votre sang, comme l'ingrat Israël versera le sang du Juste qui nous est né, et dont nous honorons, en ces jours, l'aimable enfance. Cette mort violente que vous avez rendue profitable à votre peuple, en l'offrant pour ses péchés, offrez-la encore pour le royaume que vous avez illustré.
Depuis longtemps, le Danemark a oublié la vraie foi ; priez, afin qu'il la recouvre bientôt. Obtenez pour les princes qui gouvernent les Etats chrétiens, la fidélité à leurs devoirs, le zèle de la justice, et le respect de la liberté de l'Eglise. Demandez aussi pour nous au divin Enfant le dévouement dont vous étiez animé pour sa gloire ; et si nous n'avons pas, comme vous, une couronne à mettre à ses pieds, aidez-nous à lui soumettre nos cœurs."
dimanche, 19 janvier 2025 | Lien permanent