dimanche, 30 septembre 2007
30 septembre 2007. XVIIIe dimanche après la Pentecôte.
- XVIIIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.
La guérison du paralytique. Louis Durameau. XVIIIe.
Le paralytique portant son lit forme le sujet de l'Evangile du jour, et donne son nom au dix-huitième Dimanche après la Pentecôte. On a pu remarquer que le rang d'inscription de ce Dimanche le place, au Missel, à la suite des Quatre-Temps d'automne. Nous ne discuterons pas, avec les liturgistes du moyen âge (Berno Aug. Cap. V ; etc.), la question de savoir s'il doit être considéré comme ayant pris la place du Dimanche vacant qui suivait toujours autrefois l'Ordination des ministres sacrés (Microlog. Cap. XXIX.), en la manière que nous avons dite ailleurs (Avent. Samedi des Quatre-Temps). De très anciens manuscrits, Sacramentaires et Lectionnaires, l'appellent de ce nom, sous la formule bien connue : Dominica vacat (Thomasii Opp. Edit. Vezzosi, t. V, p. 148, 149, 309.).
Il n'est pas non plus sans intérêt d'observer que la Messe de ce jour est la seule où soit interverti l'ordre des lectures tirées de saint Paul et formant le sujet des Epîtres, depuis le sixième Dimanche après la Pentecôte : la lettre aux Ephésiens, déjà en cours de lecture et qui sera continuée, s'interrompt aujourd'hui pour donner place au passage de la première Epître aux Corinthiens, dans lequel l'Apôtre rend grâces à Dieu de l'abondance des dons gratuits accordés à l'Eglise en Jésus-Christ. Or, les pouvoirs conférés par l'imposition des mains aux ministres de l'Eglise sont le don le plus merveilleux que connaissent la terre et le ciel même ; et d'un autre côté, les autres parties de cette Messe se rapportent très bien aussi, comme on le verra, aux prérogatives du sacerdoce nouveau.
La liturgie du présent Dimanche offre donc un intérêt spécial, quand il se rencontre au lendemain des Quatre-Temps de septembre. Mais cette rencontre est loin d'être régulière, aujourd'hui du moins ; nous ne saurions nous arrêter davantage sur ces considérations, sans entrer trop exclusivement dans le domaine de l'archéologie et dépasser les bornes qui nous sont imposées.
La guérison du paralytique. Gustave Doré. XIXe.
A LA MESSE
L'introït des Messes dominicales, depuis la Pentecôte, avait toujours été tiré des Psaumes. Parcourant le Psautier du XIIe au CXVIIIe, l'Eglise, sans jamais revenir en arrière sur l'ordre d'inscription de ces chants sacrés, avait pu néanmoins choisir en eux l'expression qui convenait davantage aux sentiments qu'elle voulait formuler dans sa Liturgie. Désormais, sauf une fois encore où le livre par excellence de la louange divine sera de nouveau mis à contribution pour cet objet, c'est à divers autres livres de l'Ancien Testament que les Antiennes d'Introït seront empruntées. Aujourd'hui, Jésus fils de Sirach, l'auteur inspiré de l'Ecclésiastique, demande à Dieu de vérifier, par l'accomplissement de ce qu'ils ont annoncé, la fidélité des prophètes du Seigneur (Eccli. XXXVI, 18.). Les interprètes des oracles divins sont maintenant les pasteurs, que l'Eglise envoie prêcher en son nom la parole du salut et de la paix ; demandons, nous aussi, que jamais la parole ne soit vaine en leur bouche.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Corinthiens. I, Chap. I.
" Mes Frères, je rends grâces à mon Dieu continuellement pour vous , à cause de la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus, parce que vous avez été enrichis en lui dans toutes choses, dans la parole et dans la science, le témoignage du Christ ayant été ainsi confirmé en vous : de sorte que rien ne vous manque en aucune grâce dans l'attente de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vous gardera encore jusqu'à la fin sans péché pour le jour de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ."
Le dernier avènement du Fils de Dieu n'est plus éloigné. L'approche du dénouement qui doit donner la pleine possession de l'Epoux à l'Eglise redouble ses espérances ; mais le jugement final, qui doit consommer en même temps la réprobation d'un grand nombre de ses fils, joint chez elle la crainte au désir, et ces deux sentiments vont se faire jour plus souvent désormais dans la sainte Liturgie.
L'attente sans doute n'a point cessé d'être pour l'Eglise comme le fonds même de son existence. Séparée de l'Epoux quant à la vision de ses charmes divins, elle n'eût fait depuis sa naissance que soupirer dans la vallée de l'exil, si l'amour qui la pousse ne l'eût pressée de se dépenser, sans retour sur elle-même, pour celui à qui allait tout son cœur. Sans compter donc, elle s'est donnée par le travail, la souffrance, la prière et les larmes. Mais son dévouement, tout généreux qu'il fût, ne lui a point fait oublier l'espérance. Un amour sans désir n'est point la vertu de l'Eglise; elle le condamne, dans ses fils, comme une injure à l'Epoux.
Si légitimes et si véhémentes à la fois étaient dès l'origine ses aspirations, que l'éternelle Sagesse voulut ménager l'Epouse, en lui cachant la durée de l'exil. L'heure de son retour est le seul point sur lequel Jésus, interrogé par les Apôtres, ait refusé de renseigner son Eglise (Matth. XXIV, 3, 36.). Un tel secret entrait dans les vues générales du gouvernement divin sur le monde ; mais c'était aussi, de la part de l'Homme-Dieu, compassion et tendresse : l'épreuve eût été trop cruelle ; et mieux valait laisser l'Eglise à la pensée, véritable d'ailleurs, de la proximité de la fin devant Dieu, pour qui mille ans sont comme un jour (II Petr. III, 8.).
C'est ce qui nous explique la complaisance avec laquelle les Apôtres, interprètes des aspirations de la sainte Eglise, reviennent sans cesse, dans leurs paroles, sur l'affirmation de l'avènement prochain du Seigneur. Le chrétien, saint Paul vient de nous le dire jusqu'à deux fois en une même phrase, est celui qui attend la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ au jour qu'il viendra. Appliquant au second avènement, dans sa lettre aux Hébreux, les soupirs enflammés des Prophètes aspirant au premier (Habac II, 3.) : Encore un peu, un très peu de temps, dit-il, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point (Heb. X, 37.). C'est qu'en effet, sous la nouvelle comme dans l'ancienne alliance, l'Homme-Dieu s'appelle, en raison de sa manifestation finale attendue, celui qui vient (Matth. XI, 3.), celui qui doit venir (Apoc. 1, 8.). Le cri qui terminera l'histoire du monde sera l'annonce de son arrivée : Voici l'époux qui vient (Matth. XXV, 6.) !
" Ceignant donc spirituellement vos reins, dit saint Pierre à son tour, pensez à la gloire du jour où se révélera le Seigneur ; attendez-le, espérez-le d'une parfaite espérance (I Petr. 1, 5, 7, 13.)." Le Vicaire de l'Homme-Dieu prévoyait cependant le parti que les docteurs de mensonge allaient tirer d'une attente si longtemps prolongée. " Où donc est la promesse ? devaient-ils dire ; à quand son arrivée ? Nos pères se sont endormis du grand sommeil, et toutes choses demeurent comme au commencement (II Petr. III, 3-4.)." Or le chef du collège apostolique reprenait par avance, contre eux, la réponse que Paul son frère (Ibid. 15.) avait déjà faite (Rom. II, 4.) : " Ce n'est point, comme quelques-uns pensent, que le Seigneur retarde sa promesse ; mais il agit ainsi dans sa patience, à cause de vous, ne voulant pas, s'il était possible, qu'aucun pérît, mais que tous revinssent à lui par la pénitence Le jour du Seigneur n'en arrivera pas moins comme un voleur, et alors, dans une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments se dissoudront embrasés, la terre et ses ouvrages seront consumés. Puis donc que tout cela doit périr, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de votre vie et vos œuvres pieuses, attendant, hâtant de vos désirs l'arrivée de ce jour du Seigneur où le feu dissoudra les éléments et les cieux ? Car nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habite la justice. C'est pourquoi, mes bien-aimés, faites en sorte que le Seigneur, quand il viendra, vous trouve dans la paix, sans reproche et sans tache (II Petr. m, 9-14.)... Instruits ainsi de toutes choses à l'avance, veillez sur vous, de peur que, vous laissant emporter aux égarements des insensés, vous ne tombiez de l'état si ferme qui est aujourd'hui le vôtre (Ibid. 17.)."
Si, en effet, le péril doit être grand dans ces derniers jours où les vertus des cieux seront ébranlées (Matth. XXIV, 29.), le Seigneur, ainsi que le dit notre Epître, a pris soin de confirmer en nous son témoignage, d'affermir notre foi par les multiples manifestations de sa puissance. Et comme pour vérifier cette autre parole de la même Epître, qu'il confirmera de la sorte jusqu'à la fin ceux qui croient en lui, ses prodiges redoublent en nos temps précurseurs de la fin. Partout le miracle s'affirme à la face du monde ; les mille voix de la publicité moderne en portent les échos jusqu'aux extrémités de la terre. Au nom de Jésus, au nom de ses Saints, au nom surtout de sa Mère immaculée qui prépare le dernier triomphe de l'Eglise, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent , les maux du corps et de l'âme perdent soudain leur empire. La manifestation de la puissance surnaturelle est devenue si intense, que les services publics, hostiles ou non, doivent en tenir compte ; le tracé des voies ferrées elles-mêmes se plie à la nécessité de porter les peuples aux lieux bénis où Marie s'est montrée. La terre catholique n'est point la seule où éclate le divin pouvoir. Naguère encore, au cœur de l'infidélité musulmane, n'a-t-on pas vu la ville des sultans tressaillir au bruit des merveilles accomplies par la Reine du ciel en ses murs ? l'eau de sa fontaine miraculeuse a pénétré jusqu'en cette cité de la Mecque ouest fixé le tombeau du fondateur de l'Islam, et dans laquelle jadis un chrétien ne pouvait entrer sans mourir.
L'impie a beau dire en son cœur : Il n’y a point de Dieu (Psalm. XIII, 1.) ! S'il n'entend pas le témoignage divin, c'est que la corruption ou l'orgueil prévaut chez lui sur l'intelligence, comme autrefois sur l'intelligence des ennemis de Jésus durant les jours de sa vie mortelle. Pareil est-il à l'aspic du Psaume (Psalm. LVII, 5-6.), qui se rend sourd ; il se bouche les oreilles, pour ne point ouïr la voix de l'enchanteur divin qui veut nous sauver. Sa conduite n'est que rage (Ibid.) et folie (Psalm. XIII, 1.) ; il aura bien mérité la vengeance.
Ne l'imitons point ; mais, avec l'Apôtre, remercions Dieu pour la profusion miséricordieuse dont il fait preuve envers nous. Jamais ses dons gratuits ne furent plus nécessaires qu'en nos temps misérables. Il ne s'agit plus sans doute, chez nous, de promulguer l'Evangile ; mais les efforts de l'enfer sont devenus tels contre lui, qu'il ne faut rien moins, pour le soutenir, qu'un déploiement de la vertu d'en haut pareil, en quelque chose, à celui dont l'histoire des origines de l'Eglise nous retrace le tableau. Demandons au Seigneur des hommes puissants en paroles et en œuvres. Obtenons que l'imposition des mains produise plus que jamais, dans les élus du sacerdoce, son plein résultat ; qu'elle les fasse riches en toutes choses, et spécialement dans la parole et dans la science. Que nos jours, où tout s'éteint, voient du moins la lumière du salut briller vive et pure par les soins des guides du troupeau du Christ. Puissent les compromis et les lâchetés de générations où tout s'étiole et s'amoindrit, ne jamais amener ces nouveaux christs à décroître eux-mêmes, ni à laisser tronquer en leurs mains la mesure de l'homme parfait (Eph. IV, 13.) qui leur fut confiée pour l'appliquer, jusqu'à la fin, atout chrétien soucieux d'observer l'Evangile! Puisse leur voix, en dépit des vaines menaces, et dominant toujours le tumulte des passions déchaînées, retentir partout aussi ferme et vibrante qu'il convient à l'écho du Verbe !
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. IX.
" En ce temps-là , Jésus , montant dans une barque, passa le lac et vint dans sa ville. Et voici qu'on lui présenta un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Ayez confiance, mon fils ; vos péchés vous sont remis. Alors quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. Jésus, ayant vu leurs pensées, dit :
" Pourquoi pensez-vous du mal en vos cœurs ? Quel est le plus facile de dire : Vos péchés vous sont remis ; ou de dire : Levez-vous et marchez ? Or, pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique, emportez votre lit, et allez dans votre maison."
Et il se leva, et s'en alla dans sa maison. Le peuple, voyant donc ces choses, fut saisi de crainte, et rendit gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes."
Au XIIe siècle, dans plusieurs Eglises d'Occident, on lisait aujourd'hui, comme Evangile, le passage du livre sacré où Jésus parle des Scribes et des Pharisiens assis sur la chaire de Moïse (Matth. XXIII, 1-12.). L'Abbé Rupert, qui nous fait connaître cette particularité dans son livre Des divins Offices, rapproche heureusement cet ancien Evangile et l'Antienne de l'Offertoire toujours en usage, où il est aussi question de Moïse. " L'Office de ce Dimanche, dit-il, montre éloquemment à celui qui préside dans la maison du Seigneur et qui a reçu la charge des âmes, la manière dont il doit se comporter dans le rang supérieur où l'a placé la vocation divine. Qu'il ne ressemble pas à ces hommes assis indignement sur la chaire de Moïse ; mais qu'il soit comme Moïse lui-même, lequel présente dans l'Offertoire et ses Versets un beau modèle aux chefs de l'Eglise. Les pasteurs des âmes ne doivent pas ignorer, en effet, pour quelle cause ils occupent un lieu plus élevé : à savoir,non tant pour gouverner que pour servir (Rup. De div. Off. XII, 18.)."
L'Homme-Dieu disait des docteurs juifs : " Ce qu'ils disent, faites-le ; ce qu'ils font, gardez-vous de le faire ; car ils disent bien ce qu'il faut faire, mais ne font rien de ce qu'ils disent ". A l'encontre de ces indignes dépositaires de la Loi, ceux qui sont assis dans la chaire de la doctrine " doivent enseigner et agir conformément à leur enseignement, dit Rupert ; ou plutôt, qu'ils fassent d'abord ce qu'il convient de faire, afin de l'enseigner ensuite avec autorité ; qu'ils ne recherchent pas les honneurs et les titres, mais tendent à cet unique but de porter sur eux mêmes les péchés du peuple, et de parvenir à détourner de ceux qui leur sont soumis la colère de Dieu, comme fit Moïse, ainsi que le dit l'Offertoire "(Rup. De div, Off. XII, 18.).
L'Evangile des Scribes et des Pharisiens établis sur la chaire de Moïse a été réservé, depuis, pour le mardi de la deuxième semaine de Carême. Mais celui qui est maintenant partout en usage, n'éloigne point nos pensées de la considération des pouvoirs suréminents du sacerdoce, qui sont le bien commun de l'humanité régénérée. Les fidèles dont l'attention, en ce jour, était autrefois attirée sur le droit d'enseigner confié aux pasteurs, méditent maintenant sur la prérogative qu'ont ces mêmes hommes de pardonner les péchés et de guérir les âmes. De même qu'une conduite en contradiction avec leur enseignement n'enlèverait rien à l'autorité de la chaire sacrée, d'où ils dispensent pour l'Eglise et en son nom le pain de la doctrine à ses fils, l'indignité de leur âme sacerdotale ne diminuerait pas non plus, dans leurs mains, la puissance des clefs augustes qui ouvrent le ciel et ferment l'enfer. Car, c'est le Fils de l'homme, c'est Jésus qui par eux, indignes ou non, relève de leurs fautes les hommes ses frères et ses créatures, dont il a pris sur lui les misères et racheté les crimes dans son sang (Heb. II, 10-18.).
L'épisode de la guérison du paralytique, qui fut pour Jésus l'occasion d'affirmer son pouvoir de remettre les péchés en tant que fils de l’homme, a toujours été particulièrement cher à l'Eglise. Outre le récit que nous en fait aujourd'hui saint Matthieu, elle a placé la narration qu'en donne aussi saint Luc (Luc. V, 17-26.) au vendredi des Quatre-Temps de la Pentecôte. Les fresques des catacombes, parvenues jusqu'à nous, attestent encore la prédilection qu'elle inspira pour ce sujet aux artistes chrétiens du premier âge.
C'est qu'en effet, dès l'origine du christianisme, on vit l'hérésie dénier à l'Eglise le pouvoir de pardonner au nom de Dieu, qu'elle tient de son divin Chef ; c'était condamner irrémissiblement à la mort un nombre incalculable de chrétiens, malheureusement tombés après leur baptême, et que guérit le sacrement de Pénitence. Or quel trésor une mère peut-elle défendre avec plus d'énergie, que le remède auquel la vie de ses enfants est attachée ? L'Eglise donc frappa de ses anathèmes et chassa de son sein ces Pharisiens de la loi nouvelle, qui, comme leurs pères du judaïsme, méconnaissaient la miséricorde infinie et l'étendue du grand mystère de la Rédemption. Elle-même, comme Jésus sous les yeux des scribes ses contradicteurs, avait produit, en garantie de ses affirmations, un miracle visible à la face des sectaires, sans arriver plus que l'Homme-Dieu à les convaincre de la réalité du miracle de grâce opéré invisiblement par ses paroles de rémission et de pardon.
La guérison extérieure du paralytique fut tout ensemble, en effet, l'image et la preuve de la guérison de son âme réduite auparavant à l'impuissance ; mais lui-même représentait un bien autre malade : le genre humain, gisant immobile en son péché depuis des siècles. L'Homme-Dieu avait déjà quitté la terre, quand la foi des Apôtres opéra ce premier prodige de transporter aux pieds de l'Eglise le monde vieilli dans son infirmité. L'Eglise donc, voyant le genre humain docile à l'impulsion des messagers du ciel et partageant déjà leur foi, avait retrouvé pour lui dans son cœur de mère la parole de l'Epoux : " Mon fils, aie confiance, tes péchés sont remis ". Soudain, aux yeux étonnés de la philosophie sceptique, et confondant la rage de l'enfer, le monde s'était levé ostensiblement de sa couche ignominieuse ; montrant bien que ses forces lui étaient rendues, on l'avait vu charger sur ses épaules, par le travail de la pénitence et de la répression des passions, le lit de ses langueurs et de son impuissance, où l'avaient retenu si longtemps l'orgueil, la chair et la cupidité. Depuis lors, fidèle à la parole du Seigneur qui lui a été répétée par l'Eglise, il est en marche pour retourner dans sa maison, le paradis, où l'attendent les joies fécondes de l'éternité ! Et la multitude des cohortes angéliques, voyant sur la terre un pareil spectacle de rénovation et de sainteté (Luc. V, 26.), est saisie de stupeur, et elle glorifie Dieu qui a donné aux hommes une telle puissance.
Nous aussi, rendons grâces à l'Epoux dont la dot merveilleuse, qui est son sang versé pour l'Epouse, suffit jusqu'à la fin à solder les droits de la justice éternelle. Dans les jours de la Pâque, nous avons contemplé l'Homme-Dieu établissant le sacrement précieux qui rend ainsi, en un instant, vie et forces au pécheur (Mercredi de la cinquième sem. ap. Pâques). Mais combien sa vertu n'apparaît-elle pas plus merveilleuse encore, en nos temps d'affaissement et de ruine universelle ! L'iniquité abonde, les crimes se multiplient ; et toujours la piscine réparatrice, alimentée par les flots qui s'échappent du côté de Jésus entr'ouvert, absorbe et dissout, quand on le veut, sans laisser trace aucune, ces montagnes de péchés, ces hideux trésors de l'enfer entassés durant toute une vie par la complicité du démon, du monde et de l'homme même !
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