dimanche, 23 septembre 2007
23 septembre 2007. XVIIe dimanche après la Pentecôte.
- XVIIe dimanche après la Pentecôte.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger.
Jésus et les Pharisiens. Roman de Dieu et de sa mère. Herman de Valenciennes. XIVe.
L’Evangile qu'on lit aujourd'hui à la Messe du dix-septième dimanche, lui a fait donner le nom de Dimanche de l’amour de Dieu, depuis que l'Evangile de l’hydropique et des conviés aux noces a été transféré huit jours plus tôt.
A LA MESSE
Les décisions de Dieu sont toujours équitables, soit que, dans sa justice, il confonde les orgueilleux, soit que, dans sa miséricorde, il exalte les humbles. Nous avons vu cet arbitre souverain à l'œuvre, il y a huit jours, dans la distribution des places réservées pour les saints au banquet de l'union divine. Rappelons-nous les prétentions et le sort différents des invités aux noces sacrées, en chantant l'Introït de ce jour, et ne nous réclamons que de la miséricorde.
Notre Seigneur Jésus-Christ et les Pharisiens - G. Doré. XIXe.
EPÎTRE
Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Ephésiens. Chap. IV.
" Mes Frères, je vous conjure, moi qui suis enchaîné pour le Seigneur, de vivre d'une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés, en toute humilité, mansuétude et patience, vous supportant mutuellement dans la charité, ayant souci de conserver l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Soyez un seul corps et un seul esprit, comme vous avez été appelés à une même espérance qui est celle de votre vocation. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Il n'y a qu'un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et dans toutes choses, et en nous tous : béni est-il dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il !"
L'Eglise reprend avec saint Paul, dans la lettre aux Ephésiens, l'exposition des grandeurs de ses enfants ; elle les supplie, aujourd'hui, de répondre dignement à leur vocation sublime.
Cette vocation, cet appel de Dieu, nous les connaissons en effet ; c'est l'appel du genre humain aux noces sacrées, la vocation pour nos âmes à régner dans les cieux sur le trône du Verbe, devenu leur Epoux et leur Chef (Eph. II, 5.). Jadis plus rapproché de l'Epître qu'on vient de lire, l'Evangile précédent trouvait en elle son brillant commentaire, et lui-même expliquait parfaitement le terme de l'Apôtre. " Lorsque vous serez appelé aux noces, disait le Seigneur, quum VOCATUS fueris, prenez la dernière place " ; " En toute humilité, dit l'Apôtre, montrez-vous dignes de l'appel que vous avez entendu : digne ambuletis vocatione qua VOCATI estis ".
Quelle est donc maintenant la condition dont l'accomplissement doit nous montrer dignes de l'honneur suprême qui nous est fait par le Verbe éternel ? L'humilité, la mansuétude et la patience sont les moyens recommandés pour arriver au but. Mais le but lui-même, c'est I'unité de ce corps immense que le Verbe fait sien dans la célébration des noces mystiques ; la condition qu'exige l'Homme-Dieu de ceux qu'il appelle à devenir, en participation de l'Eglise son Epouse, os de ses os, chair de sa chair (Eph. V, 3.), est de maintenir entre eux une telle harmonie, qu'elle fasse de tous véritablement un même esprit et un seul corps, dans le lien de la paix.
" Lien splendide ! s'écrie saint Jean Chrysostome ; lien merveilleux qui nous réunit tous mutuellement, et, tous rassemblés, nous unit à Dieu !" (Chrys. in Ep. ad Eph. Hom. IX, 3.) Sa puissance est celle de l'Esprit-Saint lui-même, toute de sainteté et d'amour ; car c'est l'Esprit qui forme ses nœuds immatériels et divins, l'Esprit faisant l'office, au sein de la multitude baptisée, de ce souffle vital qui, dans le corps humain, anime à la fois et rallie tous les membres. Par lui, jeunes gens et vieillards, pauvres et riches, hommes et femmes, distincts de race et de caractère, ne sont plus qu'un seul tout comme en fusion dans l'immense embrasement dont brûle sans fin l'éternelle Trinité.
Mais pour que l'incendie de l'amour infini puisse s'emparer ainsi de l'humanité régénérée, il faut qu'elle soit purgée des rivalités, des rancunes, des dissensions qui montreraient qu'elle est encore charnelle (I Cor. III, 3.), et peu accessible dès lors à la divine flamme comme à l'union qu'elle produit. De même en effet, selon la belle comparaison de saint Jean Chrysostome (Chrys. ubi supra.), de même que le feu, quand il trouve les diverses variétés de bois qu'on offre à son action préparés par une dessiccation suffisante, ne fait de tous qu'un seul bûcher, mais ne peut, s'ils sont encore humides, ni prendre sur eux isolément, ni les unir ensemble : ainsi en est-il dans l'ordre du salut ; l'humidité malsaine des passions ne laisse point prise à l'Esprit sanctificateur, et L'union, condition et but de l'amour, est dès lors impossible.
Lions-nous donc à nos frères par cette chaîne bienheureuse de la charité, qui n'immobilise que nos petites passions et dilate nos âmes au contraire, en permettant à l'Esprit de les conduire sûrement à la réalisation de l’unique espoir de notre commune vocation, qui est de nous unir à Dieu dans l'amour. Sans doute, même entre les saints ici-bas, la charité reste une vertu laborieuse, parce que, chez les meilleurs eux-mêmes, la grâce arrive rarement à restaurer sans défectuosité aucune l'équilibre des facultés rompu par le péché d'origine ; il en résulte que l'infirmité, les excès ou les fuites de la pauvre nature se font sentir, non seulement à l'humilité du juste, mais encore quelquefois, il ne l'ignore pas, à la patience bienveillante de ceux qui l'entourent. Dieu le permet pour accroître ainsi le mérite de tous, et raviver en nous le désir du ciel.
Là seulement en effet, nous retrouverons facile autant que pleine harmonie avec nos semblables, par la pacification complète de nous-mêmes sous l'empire absolu du Dieu trois fois saint devenu tout en tous (Cor. XV, 28.). Dans cette patrie fortunée, Dieu même séchera les pleurs de ses élus sur leurs misères, en renouvelant leur être à sa source infinie (Apoc. XXI, 4-5.). Le Fils éternel, ayant en chacun de ses membres mystiques aboli l'empire des puissances ennemies et vaincu la mort (I Cor. XV, 24-28.), apparaîtra, dans la plénitude du mystère de son incarnation, comme la tête véritable de l'humanité, sanctifiée, restaurée et développée en lui (Eph. I, 10.) ; il tressaillira de voir arrivées à la mesure qui leur convenait, grâce aux soins de l'Esprit sanctificateur, les diverses parties de ce corps merveilleux (Ibid. IV, 13-16.) qu'il voulut s'agréger par le lien de l'amour, pour célébrer à jamais, dans le concert du Verbe et de la création, la gloire de la Trinité souveraine.
Combien alors seront dépassées les harmonies de la terre d'exil ! combien l'accord des chœurs les plus parfaits de ce monde paraîtra discordant, auprès de cet ensemble, de cette harmonie, de cet accord éternel ! Préparons-nous pour le céleste concert ; prenons soin d'ajuster nos voix, en disposant dès maintenant nos cœurs à cette plénitude de l'amour, qui n'est point d'ici-bas, mais que nous devons mériter par nos efforts et le support patient des défauts de nos frères et des nôtres.
On dirait que l'Eglise, dans l'extase où la plongent les notes de ce concert admirable qui s'échappent prématurément du ciel aujourd'hui par la bouche de Paul, se voit déjà transportée au delà du temps, pour y mêler en liberté ses inspirations au chant de l'Epoux. Car elle ajoute, en manière de conclusion, au texte de l'Epître, une expression de louange qui ne fait point partie de l'Ecriture, et qui forme comme la doxologie des accents inspirés du grand Apôtre.
Nous connaissons désormais les dons sans prix faits par l'Homme-Dieu à la terre (Eph. IV, 8.) ; grâce aux prodiges de puissance et d'amour opérés par le Verbe divin et l'Esprit sanctificateur, l'âme du juste est véritablement un ciel. Chantons, au Graduel, la félicité du peuple chrétien choisi par Dieu pour son héritage.
EVANGILE
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXII.
Jésus et les docteurs de la Loi. Graduel à l'usage de l'abbaye Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.
" En ce temps-là, les Pharisiens s'approchèrent de Jésus, et l'un d'eux qui était docteur de la loi l'interrogea pour le tenter, disant :
" Maître, quel est le grand commandement de la loi ?"
Jésus lui dit :
" Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. C'est là le plus grand et le premier commandement. Et le second ressemble à celui-là : Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les prophètes."
Les Pharisiens étant donc assemblés, Jésus les interrogea, disant :
" Que vous semble du Christ ? de qui est-il fils ?"
Ils lui répondirent :
" De David."
Il leur dit :
" Comment donc David l'appelle-t-il dans l'Esprit Seigneur, disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que j'aie fait de vos ennemis l'escabeau de vos pieds ? Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ?"
Et aucun ne pouvait lui répondre, et personne, depuis ce jour, n'osa l'interroger davantage."
Jésus et les docteurs de la Loi. Speculum humanae salvationis. XVe.
L'Homme-Dieu laissa la tentation approcher de sa personne sacrée au désert (Matth. IV, 1-11.), et ne dédaigna point de subir les attaques que la ruse haineuse du démon lui suggère depuis le commencement pour perdre les hommes ; Jésus voulait apprendre aux siens la manière dont ils devaient repousser les assauts de l'esprit du mal.
Aujourd'hui notre Chef adoré, qui veut être le modèle de ses membres en toutes leurs épreuves (Heb. II, 17-18; IV, 15.), nous apparaît aux prises, non plus avec la perfidie de Satan, mais avec l'hypocrisie de ses pires ennemis, les Pharisiens. Ils cherchent à le perdre en le surprenant dans ses paroles (Matth. XXII, 15.), ainsi que le feront jusqu'à la fin des temps, contre son Eglise, les représentants du monde ennemi qu'il a condamné (Johan. XVI, 8-11.).
Mais de même que son Epoux divin, l'Eglise, assistée par lui pour continuer son œuvre sur la terre au milieu des mêmes tentations et des mêmes embûches, trouvera dans sa fidélité aussi simple qu'inébranlable à la loi de Dieu et à la vérité le secret de toutes les victoires. Les hérétiques, suppôts de Satan, les princes du monde, rongeant le frein imposé par le christianisme à leur ambition et à leurs convoitises, tenteront vainement de circonvenir la dépositaire des oracles divins par leurs propositions ou leurs questions captieuses.
Mise en demeure de parler, elle parlera toujours ; qu'est-elle, en effet, comme Epouse de ce Verbe divin qui est la parole éternelle du Père ? Que peut-elle être, qu'une voix pour l'annoncer aux hommes ou le chanter dans les cieux ? Mais aussi, non seulement sa parole, revêtant la force et la pénétration de Dieu même, ne sera jamais sujette à surprise ; comme un glaive à deux tranchants, presque toujours elle ira plus loin que n'eussent voulu les questionneurs hypocrites de l'Eglise, en confondant leurs sophismes et en mettant à nu les intentions criminelles de leurs cœurs (Heb. IV, 12.). De leur tentative sacrilège il ne restera pour eux que la honte, avec le dépit d'avoir amené la glorification de la vérité sous un nouveau jour et accru la lumière pour les enfants soumis de la Mère commune.
Ainsi advint-il aux Pharisiens de notre Evangile. Ils voulaient voir, dit l'Homélie du jour, si le Sauveur, qui se proclamait Dieu, n'ajouterait point à cause de cela quelque chose au commandement de l'amour divin, afin de pouvoir ensuite le condamner comme ayant tenté de corrompre la lettre du plus grand des préceptes de la loi (Chrys. Hom. LXXII in Matth.).
Mais l'Homme-Dieu déjoue leurs pensées ; il rappelle à ceux qui l'interrogent sur le grand commandement le texte même du décalogue, et continuant la citation, il montre qu'il n'ignore point le mobile secret qui les pousse, en leur rappelant aussi le second commandement, semblable au premier, le commandement de l'amour du prochain qui condamne leurs homicides menées. Ils sont ainsi convaincus de n'aimer ni le prochain, ni Dieu même, puisque le premier commandement ne peut être observé sans le second qui en découle et le complète.
Cependant le Seigneur achève de les confondre et les contraint à reconnaître eux-mêmes implicitement la divinité du Messie. Interrogés à leur tour, ils avouent que le Christ doit descendre de David ; mais, s'il est son fils, comment David l'appelle-t-il son Seigneur aussi bien qu'il le fait pour Dieu même, dans le psaume cix où il chante les grandeurs du Messie ?
La seule explication possible est que le Messie, qui devait dans le temps et comme homme sortir de David, était Dieu et Fils de Dieu dès avant tous les temps, selon la parole du même psaume : Je vous ai engendré de mon sein avant l'aurore (Psalm. CIX, 3.). Cette réponse qui les eût condamnés, les Pharisiens ne la donnèrent pas ; mais leur silence était un aveu, en attendant que la vengeance du Père contre ces vils ennemis de son Christ accomplît la prophétie, et fît d'eux l'escabeau de ses pieds dans le sang et la honte, au jour terrible des justices de Jéhovah sur la ville déicide.
Nous, chrétiens, pour la plus grande honte de l'enfer qui suscita contre le Fils de Dieu les embûches de la synagogue expirante, sachons tirer de ces efforts de la haine une instruction qui profite à l'amour. Les Juifs, en rejetant Jésus-Christ, manquèrent à la fois aux deux préceptes qui constituent la charité et résument toute la loi ; si nous aimons Jésus-Christ au contraire, pour la même raison toute la loi se trouve accomplie.
Jésus et les docteurs de la Loi. Missel romain. XIVe.
Splendeur de la gloire éternelle (Heb. I, 3.), un par nature avec le Père et l'Esprit-Saint, il est le Dieu que nous prescrit d'aimer le premier commandement; et le second, d'autre part, ne trouve qu'en lui d'application possible. Car non seulement il est homme aussi véritablement qu'il est Dieu ; mais encore il est l'homme par excellence (Johan. XIX, 5.) : l'homme parfait, sur le type duquel et pour qui ont été formés tous les autres (Rom. VIII, 29.) ; leur modèle et leur frère à tous (Heb. II, 17.) ; le chef en même temps qui les régit comme roi (Johan. XVIII, 37.), qui les offre à Dieu comme pontife (Heb. X, 14.) ; la tête qui communique à tous les membres de l'humanité beauté et vie, mouvement et lumière ; le rédempteur de cette humanité tombée, et doublement dès lors la source de tout droit, la dernière et la plus haute raison, sinon l'objet direct, de tout amour légitime ici-bas.
Rien ne compte qu'en lui devant Dieu. Dieu n'aime les hommes, dit saint Augustin (Aug. in Johan. Tract, CX.), que parce qu'ils sont les membres de son Fils ou qu'ils peuvent le devenir ; c'est son Fils qu'il aime en eux tous : il aime ainsi d'un même amour, quoique non également, et son Verbe, et la chair de son Verbe, et les membres de son Verbe fait chair. Or la charité, c'est l'amour tel qu'il est en Dieu, communiqué par l'Esprit-Saint aux créatures. Ce que nous devons donc aimer par la charité en nous et dans autrui, c'est le Verbe divin comme étant dans les autres et en nous-mêmes, ou pour qu'il y soit, d'après une autre expression de l'évêque d'Hippone (Serm. CCLV, in dieb. pasch.).
Mais par suite, en dehors des damnés bannis pour jamais du corps de l'Homme-Dieu, gardons-nous d'exclure personne de l'amour. Qui peut se vanter d'avoir la charité du Christ, s'il n'embrasse pas son unité, dit encore saint Augustin (Epist. LXI.) ? qui peut l'aimer, sans aimer avec lui l'Eglise qui est son corps, sans aimer tous ses membres ? Ce que l'on fait à l'un des plus petits comme aux plus dignes, en bien comme en mal, c'est à lui qu'on le fait, déclare-t-il (Matth. XXV, 40, 45.). Aimons donc le prochain comme nous-mêmes à cause du Christ qui est en chacun de nous, et qui donne à tous union et croissance dans la charité (Eph. IV, 15-16.).
Le même Apôtre qui disait : " La fin de la loi, c'est la charité " (I Tim. 1, 5.), a dit aussi : " La fin de la loi, c'est le Christ " (Rom. X, 4.) ; et nous voyons maintenant l'harmonie de ces deux propositions. Nous comprenons également la connexité de la parole de notre Evangile. Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les prophètes, et de cette autre parole du Seigneur : " Scrutez les Ecritures, car elles rendent témoignage de Moi " (Johan. V, 39.). La plénitude de la loi qui règle les mœurs est dans la charité (Rom. XIII, 10.), dont le Christ est le but ; comme l'objet des Ecritures révélées n'est autre encore que l'Homme-Dieu résumant dans son adorable unité, pour les siens, la morale et le dogme. Il est leur foi et leur amour, " la fin de toutes nos résolutions, dit saint Augustin ; car tous nos efforts ne tendent qu'à nous parfaire en lui, et c'est là notre perfection, d'arriver jusqu'à lui ; parvenu donc à lui, ne cherche pas au delà : il est ta fin " (Aug. Enarr. in Ps. LVI.). Et le saint docteur nous donne, arrivés à ce point, la meilleure formule de l'union divine : " Adhérons à lui seul, jouissons de lui seul, soyons tous un en lui : haereamus uni, fruamur uno, permaneamus unum " (De Trinit. IV, I. 1.).
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