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dimanche, 09 février 2025

9 février. Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.

- Sainte Apolline, ou Apollonie, vierge et martyre. 249.

Pape : Saint Fabien. Empereur romain : Gordien III.

" La raison et la foi s'accordent à nous faire penser que les saints qui ont plus particulièrement souffert en quelque partie de leur corps ont aussi une compassion particulière pour ceux qui souffrent de la même manière."


Sainte Apolline. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Sainte Apolline ou Apollonie était d'Alexandrie ; au milieu de la corruption générale, elle y passait pour un modèle de vertu et de modestie chrétienne. Cette héroïque jeune fille ne se contenta pas de consacrer au Seigneur ses premières années, sa jeunesse et son existence entière, elle voulut encore lui offrir le sacrifice de sa vie.

L'an 248, sous l'empereur Dèce, une persécution sanglante éclata dans la cité à l'instigation d'un magicien qui détestait les chrétiens et qui attisa de toute son influence la fureur des païens. Cette fureur contre les chrétiens ne connut point de bornes. On pilla les maisons et on exerça contre les personnes les plus horribles violences. Apolline, déjà avancée en âge, loin de prendre la fuite, demeura toujours à Alexandrie, sans craindre la perte de ses biens ni de sa vie, heureuse, au contraire, d'attendre l'occasion de couronner ses vertus par un glorieux martyre.


Piero della Francesca. XVIe.

Un jour, elle fut arrêtée ; les bourreaux se jetèrent sur elle, la frappèrent si rudement avec des cailloux, qu'ils lui rompirent les mâchoires et lui brisèrent les dents ; puis, l'ayant entraînée hors de la ville, ils allumèrent un grand feu, résolus de l'y jeter, si elle ne renonçait pas à Jésus-Christ. La Sainte demanda quelques moments comme pour réfléchir à ce qu'elle devait faire.

Les païens espérèrent un instant qu'elle allait reculer devant l'horrible supplice du feu. Mais Apolline, profitant de cet instant de liberté, s'échappa de leurs mains, et poussée par l'ardeur de l'amour divin qui embrasait son coeur, elle s'élança elle-même impétueusement dans le feu, au grand étonnement de ses bourreaux stupéfaits de voir une fille plus hardie et plus prompte à souffrir la mort qu'eux-mêmes à la lui faire endurer.


Sainte Apolline. Détail d'un retable de Ghirlandaio. XVe.

Eprouvée déjà par différents supplices, cette courageuse martyre ne se laissa pas vaincre par la douleur des tourments qu'elle subissait, ni par l’ardeur des flammes, car son coeur était bien autrement embrasé des rayons de la vérité. Aussi ce feu matériel, attisé par la main des hommes, ne put détruire dans son cour intrépide l’ardeur qu'y avait déposée l’oeuvre de Dieu.

Oh ! La grande et l’admirable lutte que celle de cette vierge, qui, par l’inspiration de la grâce de Dieu, se livra aux flammes pour ne pas brûler, et se consuma pour ne pas être consumée ; comme si elle n'eût pas été la proie du feu, et des supplices! Elle était libre de se sauvegarder, mais sans combat, elle ne pouvait acquérir de gloire. Cette vierge et martyre intrépide de Notre Seigneur Jésus-Christ méprise les délices mondaines, foule par ses mépris les joies d'ici-bas, et sans autre désir que de plaire au Christ, son époux, elle reste inébranlable dans sa résolution de garder sa virginité, au milieu des tourments les plus violents.


Heures à l'usage de Paris. XVe.

Ses mérites éminents la font distinguer au milieu des martyrs pour le glorieux triomphe qu'elle a heureusement remporté. Assurément il y eut dans cette femme un courage viril, puisque la fragilité de son sexe ne fléchit point dans une lutte si violente. Elle refoule la crainte humaine par l’amour de Dieu, elle se saisit de la croix du Christ comme d'un trophée ; elle combat et remporte plus promptement la victoire avec les armes de la foi qu'elle n'aurait fait avec le fer, aussi bien contre les passions que contre tous les genres de supplices.

L'enlumineur, Jean Fouquet, a mis en scène le martyre de sainte Apolline comme un mystère. Un rideau d'arbres doublé d'un clayonnage limite le devant de la scène. Avec des gestes démonstratifs, les bourreaux, sur l'ordre de Dèce, ligotent la martyre, lui immobilisent la tête en tirant ses cheveux et lui arrachent les dents. Tandis qu'un fou, au geste obscène, déambule avec sa marotte, le régisseur, baguette en main, dirige l'ensemble du jeu et les musiciens. Décor et tribunes ferment le théâtre : à gauche le paradis, au centre les spectateurs et à droite, l'enfer.


Martyre de sainte Apolline. Heures d'Étienne Chevalier.
Jean Fouquet. XIVe.

Son corps, comme un holocauste pur et sans tache, fut bientôt dévoré par les flammes, et son âme généreuse et pure s'envola dans les Cieux, l'an 249 de Notre-Seigneur, le 9 février. L'exemple étonnant de sainte Apolline serait répréhensible si elle avait obéi à la précipitation de la nature ; mais l'Église, en l'admettant au nombre des martyrs, nous oblige à croire qu'elle obéit à l'impulsion de l'Esprit divin. Sainte Apolline a toujours été regardée par la dévotion populaire comme secourable contre le mal de dents, sans doute à cause du premier supplice qu'elle avait enduré.

Le courage de cette vierge, allant elle-même au-devant des supplices, est une éclatante condamnation de notre lâcheté au service de Dieu. Daigne nous accorder aussi cette grâce celui qui avec le Père et le Saint-Esprit règne dans les siècles des siècles.

Une église de Rome est sous son invocation et il s'y fait un pélerinage très populaire. Des pélerinages se font aussi en Provence, dans l'Ouest de la France et en particulier en Bretagne.


Heures à l'usage de Bayeux. XVe.

PRIERE

" Quelle ardeur est la vôtre, Ô Apolline ! La flamme du bûcher, loin de vous effrayer, vous attire, et vous y courez comme à un lieu de délices. En face du péché, la mort vous semble douce; et vous n'attendez pas que la main barbare des hommes vous y précipite. Ce courage étonne notre faiblesse ; et cependant le brasier que vous avez préféré à l'apostasie, et qui, dans peu d'instants, devait vous enfanter à un bonheur sans fin, n'est rien auprès de ces feux éternels que le pécheur brave à toute heure, parce qu'il ne les sent pas encore. Il ose défier ces flammes vengeresses, s'y exposer, pour une satisfaction passagère. Avec cela, les mondains se scandalisent des saints ; ils les trouvent exagérés, emportés, fanatiques, parce que les saints voient plus loin qu'ils ne voient eux-mêmes.


Sainte Marguerite et sainte Apolline foulant le démon.
Rogier van der Weyden. Flandres. XVe.

Réveillez en nous, Ô Apolline, la crainte du péché qui dévore éternellement ceux qui meurent avec lui. Si le bûcher qui fut pour vous comme un lit de repos nous semble affreux, que l'horreur de la souffrance et de la destruction serve du moins à nous éloigner du mal qui entraîne les hommes dans cet abîme, du fond duquel, comme parle saint Jean, la fumée de leurs tourments monte dans les siècles des siècles . Ayez pitié de nous, Ô Vierge ! priez pour les pécheurs. Ouvrez-leur les yeux sur les périls qui les menacent. Faites-nous craindre Dieu, afin que nous puissions éviter ses justices, et que nous commencions enfin à l'aimer."

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samedi, 08 février 2025

8 février. Saint Jean de Matha, prêtre, fondateur de l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des Captifs. 1213.

- Saint Jean de Matha, prêtre, co-fondateur de l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des Captifs. 1213.
 
Pape : Innocent III. Roi de Castille et de Tolède : Alphonse VIII, le Bon. Roi de Léon et de Galice : Alphonse IX. Roi de France : Philippe II Auguste. Empereurs romains germaniques : Othon IV ; Frédéric II.

" Plus une âme est parfaite, plus elle a de compassion pour les souffrances d'autrui."
Saint Grégoire le Grand.


Saint Jean de Matha et saint Félix de Valois aux pieds de
Notre Seigneur Jésus-Christ libérant deux esclaves. XVIIe.

Naguère, nous célébrions la mémoire de Pierre Nolasque, appelé par la très sainte Mère de Dieu à fonder un Ordre destiné au rachat des chrétiens captifs chez les infidèles ; aujourd'hui, nous avons à honorer l'homme généreux qui fut le premier favorisé de cette sublime pensée, et établit, sous le nom de la très sainte Trinité, une société religieuse dont les membres s'engagèrent à mettre leurs efforts, leurs privations, leur liberté, leur vie, au service des pauvres esclaves qui gémissaient sous le joug des Sarrasins. L'Ordre des Trinitaires et celui de la Merci, quoique distincts, son frères dans leur but et dans l'intention qui les a produits ; leurs résultats, e six siècles de durée, ont été de rendre à leurs familles et à leur patrie plus d'un million d'hommes, dont ils préservaient en même temps la foi des périls de l'apostasie.

C'est en France, près de Meaux, que Jean de Matha, assisté de son fidèle coopérateur Félix de Valois, qui paraîtra à son tour sur le Cycle dans la dernière partie de l'année, établit le centre de son œuvre à jamais bénie. En ces jours de préparation au Carême, où nous avons besoin de raviver en nous la flamme de la charité envers ceux qui souffrent, quel plus admirable modèle que Jean de Matha, que son Ordre tout entier, qui n'a eu d'autre raison d'existence que le désir d'aller arracher aux horreurs de l'esclavage des frères inconnus qui languissent chez les barbares !

Est-il une aumône, si généreuse qu'elle soit, qui ne s'efface, quand on la compare au dévouement de ces hommes qui s'obligent par leurs règles non seulement à parcourir la chrétienté pour y recueillir les deniers à l'aide desquels ils rendront la liberté aux esclaves, mais à prendre tour à tour les fers de quelqu'un de ces infortunés, afin d'accroître le nombre des rachetés ? N'est-ce pas, autant que la faiblesse humaine le peut permettre, imiter à la lettre l'exemple du Fils de Dieu lui-même, descendant du ciel pour être notre Rédempteur ? Animés par de tels modèles, nous entrerons plus volontiers encore dans les intentions de l'Eglise qui nous recommandera bientôt les œuvres de miséricorde comme l'un des éléments essentiels de la pénitence quadragésimale.


Saint Jean de Matha travaillant à la règle et aux statuts de l'Ordre.
Vicente Carducho. XVIIe.

Le 24 juin 1160 naissait à Faucon Jean de Matha. Son père Euphème de Matha était un seigneur espagnol qui avait reçu de Raymond Bérenger le jeune, comte de Barcelone et de Provence, la terre de Faucon. Pour lui donner une instruction et une éducation digne de son rang, la famille se fixe à Marseille où Jean commence ses études. Sa mère, Marthe, lui apprend à connaitre les pauvres, les malheureux et à les aimer. Elle le conduit aussi dans les hopitaux et les prisons.

Il poursuivra ses études à Aix en Provence, puis à l'université à Paris où il prend ses grades de docteur en théologie. Il est encouragé à devenir prêtre par Maurice de Sully, évêque de Paris, qui avait remarqué sa valeur et sa piété.

Quand il célèbre sa première messe, le 28 janvier 1193/1194, fête de sainte Agnès, dans la chapelle de Maurice de Sully, il " voit " un homme en blanc, une croix rouge et bleue sur la poitrine, posant les mains sur deux prisonniers dont l'un est blanc et l'autre maure.

Le lendemain, alors qu'il s'est retiré dans une forêt pour prier avec un ermite dont la réputation de sainteté est arrivée jusqu'à ses oreilles, les deux hommes sont témoins de l'apparition d'un cerf portant une croix entre les bois, qui vient s'abreuver à une fontaine auprès d'eux.


Le pape Innocent III remet le décret d'approbation de l'Ordre
à saint Jean de Matha et à saint Félix de Valois.
Eglise Saint-Thomas de Formis. Rome. XVIIe.

Jean de Matha parle de sa vision des prisonniers au pape, qui a eu la même : ils l'interprètent comme un appel à la fondation d'un ordre ayant pour mission de racheter les captifs victimes des razzias menés par les Sarrasins sur les côtes méditerranéennes. L'Ordre de la Très Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs est approuvé, en même temps que sa Règle, par Innocent III le 17 décembre 1198 (bulle Operante divine dispositionis).

Les Trinitaires construisent un premier monastère à Cerfroid (actuellement commune de Brumetz, dans l'Aisne), lieu de l'apparition, sur une propriété donnée par Marguerite de Blois, future comtesse de Bourgogne (la Maison de la Trinité de Cerfroid restera le Chef-d'ordre des Trinitaires jusqu'au châtiment de la Révolution qui ravagea la France). À Cerfroid s'ajoutent Planels et Bourg-la-Reine : ce sont les trois fondations initiales.


Statue de saint Jean de Matha. Salamanque. Espagne. XVIe.

Puis Philippe Auguste aide les Trinitaires à construire un monastère à Paris près d'une chapelle dédiée à saint Mathurin, d'où leur nom de Mathurins. Des milliers de chrétiens sont ainsi rachetés aux musulmans du Maroc, d'Algérie et de Tunisie dont ils étaient devenus esclaves.

Après la mort de son ami ermite, Félix de Valois, Jean se retire à Rome où il meurt. Son corps est déposé dans un mausolée de marbre.

En 1665 le père Jean de la Conception présenta une requête au vicariat de Rome avec des arguments prouvant que Jean de Matha (ainsi que Félix de Valois) avait été qualifié de saint par plusieurs papes. Le 31 juillet 1665, le cardinal vicaire de Rome rend un décret constatant le culte accordé de temps immémorial à Jean de Matha et à Félix de Valois, sentence confirmée par la Sacrée Congrégation des rites le 14 août 1666 et par le pape Alexandre VII le 21 octobre. Les noms de Jean et de Félix seront insérés dans le martyrologe romain le 27 janvier 1671 par un décret d'Innocent XI. Le 14 mars 1694 les fêtes des deux saints seront étendues à l'Église universelle.


Messe de fondation de l'Ordre par saint Jean de Matha.
Juan Carreno de Miranda. 1650.
 
PRIERE
 
" Jouissez maintenant du fruit de votre dévouement pour vos frères, Ô Jean de Matha ! Le Rédempteur du monde voit en vous une de ses plus fidèles images, et il se plaît à honorer aux yeux de toute la cour céleste les traits de ressemblance que vous avez avec lui. C'est à nous sur la terre de suivre vos traces, puisque nous espérons arriver au même terme. La charité fraternelle nous y conduira ; car nous savons que les œuvres qu'elle inspire ont la vertu d'arracher l'âme au péché (Eccli. III, 33.).

Vous l'avez comprise telle qu'elle est dans le cœur de Dieu, qui aime nos âmes avant nos corps, et qui cependant ne dédaigne pas de subvenir aux besoins de ceux-ci. Emu des périls que couraient tant d'âmes exposées au danger de l'apostasie, vous êtes accouru à leur aide, et vous leur avez fait comprendre tout le prix d'une religion qui suscite de tels dévouements. Vous avez compati aux souffrances de leurs corps, et votre main généreuse a fait tomber les chaînes sous le poids desquelles ils languissaient. Enseignez-nous à imiter de tels exemples. Que les périls auxquels sont exposées les âmes de nos frères ne nous trouvent plus insensibles. Faites-nous comprendre cette parole d'un Apôtre : " Celui qui aura retiré un pécheur des erreurs de sa voie, en même temps qu'il sauvera l'âme de celui-ci, couvrira la multitude de ses propres péchés " (Jacob, V, 20.).

Diplôme d'une confrérie de Laïcs de l'Ordre de la
Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs. Début du XVIIIe.

Donnez-nous part aussi à cette tendresse compatissante qui nous rendra généreux et empressés à soulager les maux que nos frères souffrent dans leurs corps, et qui sont trop souvent pour eux l'occasion de blasphémer Dieu et sa Providence. Libérateur des hommes, souvenez-vous en ces jours de tous ceux qui gémissent par le péché sous la captivité de Satan, de ceux surtout qui, dans l'ivresse des illusions mondaines, ne sentent plus le poids de leurs chaînes et dorment tranquillement dans leur esclavage. Convertissez-les au Seigneur leur Dieu, afin qu'ils recouvrent la véritable liberté. Priez pour la France votre patrie, et maintenez-la au rang des nations fidèles. Protégez enfin les restes précieux de l'Ordre que vous avez fondé, afin que, l'objet de son antique dévouement ayant pour ainsi dire cessé aujourd'hui, il puisse encore servir aux besoins de la société chrétienne."

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vendredi, 07 février 2025

7 février. Saint Romuald, abbé, fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.

- Saint Romuald, abbé fondateur de l'Ordre des Camaldules. 1027.

Pape : Jean XIX. Roi de France : Robert II, le Pieux. Empereur romain germanique : Conrad II, le Salique.

" Homicide point ne seras... "

" Ne pleurez pas trop car cela affaiblit la vue et la tête."
Saint Romuald à ses religieux.


Saint Romuald. Sebastiano del Piombo. XVe.

La série des Martyrs est interrompue pour deux jours sur le Cycle sacré ; nous fêtons aujourd'hui un des héros de la pénitence, Romuald, l'ange des forêts de Camaldoli. C'est un des fils du grand patriarche Benoît ; père, après lui, d'une longue postérité. La filiation bénédictine se poursuit, directe, jusqu'à la fin des temps ; mais du tronc de cet arbre puissant sortent en ligne collatérale quatre glorieux rameaux toujours adhérents, et auxquels l'Esprit-Saint a donné vie et fécondité pour de longs siècles; ce sont : Camaldoli par Romuald, Cluny par Odon, Vallombreuse par Jean Gualbert, et Cîteaux par Robert de Molesmes.

Aujourd'hui, Romuald réclame nos hommages ; et si les Martyrs que nous avons déjà rencontrés, et que nous rencontrerons encore sur la route qui nous conduit à l'expiation quadragésimale, nous offrent un précieux enseignement par le mépris qu'ils ont fait de la vie, les saints pénitents, comme le grand Abbé de Camaldoli, nous présentent une leçon plus pratique encore. " Ceux qui sont à Jésus-Christ, dit l'Apôtre, ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises " (Gal. V, 24.) ; c'est donc la condition commune de tout chrétien ; mais quel puissant encouragement nous donnent ces généreux athlètes de la mortification qui ont sanctifié les déserts par les œuvres héroïques de leur pénitence, enlevant ainsi toute excuse à notre lâcheté qui s'effraie des légères satisfactions que Dieu exige pour nous rendre ses bonnes grâces ! Acceptons la leçon qui nous est donnée, et offrons de bon cœur au Seigneur que nous avons offensé le tribut de notre repentir, avec les œuvres qui purifient les âmes.


Paolo Domenico Finoglio. XVIIe.

Romuald, né à Ravenne et fils de Sergius, homme de noble race, se retira dès sa jeunesse dans le monastère de Saint-Apollinaire en Classe, près de Ravenne, pour y faire pénitence. Les discours d'un saint religieux l'animèrent fortement à la piété, et à la suite de deux apparitions qu'il eut de saint Apollinaire, pendant la nuit, dans son église, il se fit moine selon la prédiction que lui en avait faite ce serviteur de Dieu. Peu après, il se rendit auprès d'un personnage nommé Marin, qui était célèbre par la sainteté et l'austérité de sa vie, sur les terres des Vénitiens ; désirant l'avoir pour maître et pour guide, dans le chemin étroit et sublime de la perfection.

Il eut à souffrir les embûches de Satan et l'envie de la part des hommes ; mais il s'en montrait d'autant plus humble, s'exerçant assidûment aux jeûnes et à la prière. De plus, son ange gardien, et saint Michel archange lui-même, le secourèrent à de nombreuses reprises contre les démons qui le tourmentaient.


Saint Michel met en déroute un démon qui persécutait saint Romuald.
Le Guercin. XVIIe.

Lorsqu'il se livrait à la contemplation des choses célestes, il répandait d'abondantes larmes ; mais il ne laissait pas d'avoir toujours le visage si joyeux, qu'il réjouissait tous ceux qui le considéraient. Il fut en grand honneur auprès des princes et des rois, et plusieurs par son conseil renoncèrent aux attraits du monde et se retirèrent dans la solitude. Enflammé du désir du martyre, il partit pour la Pannonie, dans l'espoir de l'y rencontrer ; mais une maladie qui le tourmentait à mesure qu'il avançait, et qui le quittait lorsqu'il revenait sur ses pas, l'obligea de s'en retourner.

C'est à l'âge d'environ cent ans qu'il se fit offrir un champ dans les Appenins par le comte de Maldoli pour y établir un nouveau monastère (d'où le nom de Camaldule : le champ de Maldoli) et qu'il changea l'habit noir des bénédictins pour le blanc qui devait dès lors être celui de son Ordre.


Saint Romuald. Monastère de la Sainte-Croix. Campanie. Italie.

Il éclata par des miracles durant sa vie et après sa mort, et il eut aussi l'esprit de prophétie. Comme le Patriarche Jacob, il vit une échelle qui s'élevait de la terre au ciel, et par laquelle montaient et descendaient des hommes vêtus de blanc, et il reconnut que cette vision merveilleuse désignait les moines Camaldules dont il a été l'instituteur. Enfin, après avoir vécu cent vingt ans, et servi Dieu pendant cent ans par la vie la plus austère, il alla au ciel, l'an du salut mil vingt-sept. Son corps fut trouvé dans son intégrité, cinq ans après qu'il eut été enseveli, et on le déposa avec honneur dans l'Eglise de son Ordre à Fabriano.


Saint Romuald enseignant les religieux camaldules.
Andrea Sacchi. XVIIe.
 

PRIERE

" Ami de Dieu, Romuald, que votre vie a été différente de la nôtre ! Nous aimonsle monde et ses agitations ; c'est à peine si la pensée de Dieu traverse quelquefois nos journées d'un fugitif souvenir ; plus rarement encore est-elle le mobile de nos actions. Cependant chaque heure qui s'écoule nous approche de ce moment où nous nous trouverons en face de Dieu, chargés de nos œuvres bonnes et mauvaises, sans que rien ne puisse plus modifier la sentence que nous nous serons préparée. Vous n'avez pas entendu ainsi la vie, Ô Romuald ! Il vous a semblé qu'une pensée unique devait la remplir tout entière, un seul intérêt la préoccuper, et vous avez marché constamment en présence de Dieu. Pour n'être pas distrait de ce grand et cher objet, vous avez cherché le désert ; là, sous la règle du saint Patriarche des moines, vous avez lutté contre le démon et la chair ; vos larmes ont lavé vos péchés, si légers en comparaison des nôtres ; votre cœur, régénéré dans la pénitence, a pris son essor d'amour vers le Sauveur des hommes, et vous eussiez voulu lui offrir jusqu'à votre sang.


Saint Romuald. Ermitage camaldule Saint-Georges.
Bardolino. Italie. XVIe.

Vos mérites sont notre bien aujourd'hui, par cette heureuse communion que le Seigneur a daigné établir entre les plus saintes âmes et nous pécheurs. Aidez-nous donc dans la carrière de pénitence qui commencera bientôt ; nous avons tant besoin de mettre la faiblesse de nos œuvres à couvert sous la plénitude des vôtres ! Au fond de votre solitude, sous les ombrages de votre Eden de Camaldoli, vous aimiez les hommes vos frères, et jamais ils n'approchèrent de vous sans être captivés par votre aimable et douce charité : montrez-leur que vous les aimez toujours. Souvenez-vous aussi de l'Ordre que vous avez fondé ; fécondez ses restes vénérables, et faites qu'il soit toujours aux âmes que le Seigneur y appelle une échelle sûre pour monter jusqu'à lui."

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jeudi, 06 février 2025

6 février. Sainte Dorothée, vierge, saint Théophile, magistrat, et leurs compagnons, martyrs à Césarée en Cappadoce. 304.

- Sainte Dorothée de Césarée, vierge, saint Théophile, magistrat, sainte Chrétienne et sainte Calliste, tous martyrs à Césarée en Cappadoce. 304.

Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Orient : Maximien-Hercule. Empereur romain d'Occident : Dioclétien.

" Seigneur Jésus, accepter le don de notre patience et accordez-nous pardon et indulgence."
Actes de sainte Dorothée.

Sainte Dorothée de Césarée. Francisco de Zurbarán. XVIIe.

Aujourd’hui encore, c'est une des plus aimables Epouses du Christ qui vient nous consoler par sa présence ; c'est Dorothée, la vierge naïve et courageuse qui sème les plus gracieux prodiges sur la route qui la conduit au martyre. Notre sainte religion nous offre seule ces admirables scènes, où l'on voit un sexe timide déployer une énergie qui surpasse quelquefois peut-être celle que nous admirons dans les plus vaillants martyrs. On sent que Dieu se plaît à voir briser la tête de son ennemi sous la faiblesse même de ce pied que Satan redoute.

L'inimitié que le Seigneur a scellée entre la femme et le serpent, produit dans les annales de l'Eglise ces luttes sublimes dans lesquelles l'Ange rebelle succombe, avec d'autant plus de honte et de rage, que son vainqueur lui semblait moins digne d'exciter ses alarmes. Il doit savoir maintenant, après tant de rudes expériences, combien est redoutable pour lui la femme chrétienne ; et nous qui comptons tant d'héroïnes parmi les ancêtres de notre grande famille, nous devons en être fiers et chérir leur mémoire. Appuyons-nous donc sur leur constante protection ; elles sont puissantes sur le cœur de l'Epoux. Entre toutes, Dorothée occupe un des premiers rangs ; glorifions sa victoire, et méritons son secours.

Sainte Dorothée. Heures à l'usage de Sarum. XVe.

Sainte Dorothée, vierge de Césarée en Cappadoce, fut arrêtée par ordre d'Apricius, gouverneur de cette province, parce qu'elle confessait le nom de Jésus-Christ, et on la livra à deux sœurs, nommées Crysta (ou Chrétienne) et Calliste, qui avaient abandonné la foi, afin qu'elles la fissent changer de résolution. Mais ce fut elle au contraire qui fit revenir les deux sœurs à leur ancienne foi ; c'est pourquoi elles furent jetées dans une chaudière, où elles périrent par le feu.

Le gouverneur fit étendre Dorothée sur le chevalet ; mais il n'en obtint que ces paroles :
" Jamais, dans toute ma vie, je n'ai goûté un bonheur pareil à celui que j'éprouve en ce moment."
Il ordonna donc de brûler des torches ardentes, les flancs de la vierge avec, puis de la frapper longtemps au visage, enfin de lui trancher la tête.

Sainte Dorothée conduite au martyre.
Dessin. Ecole française. Pierre Verdier. XVIIe.

Comme on la menait au supplice, elle dit ces paroles :
" Recevez mes actions de grâces, Ô ami des âmes, qui avez daigné m'appeler aux délices de votre Paradis."
Un certain Théophile, officier du gouverneur, l'entendit, et se moquant de la vierge :
" Eh bien ! dit-il, épouse du Christ, envoie-moi du jardin de ton époux des pommes ou des roses."
Et Dorothée lui répondit :
" Je le ferai certainement."
Avant de recevoir le coup de la mort, ayant obtenu la permission de prier quelques instants, un enfant de la plus grande beauté apparut tout à coup devant elle, portant  dans un linge trois pommes et trois roses. La sainte lui dit :
" Portez, je vous prie, ceci à Théophile."
Elle eut ensuite la tête tranchée, et elle alla se réunir au Christ.

Décollation de sainte Dorothée. Dessin. Raffaello Motta. XVIe.

Au moment même où Théophile racontait, en se jouant, à ses compagnons la promesse que Dorothée lui avait faite, voici que l'enfant se présente devant lui portant dans le linge trois pommes des plus belles, et trois roses des plus vermeilles, et lui dit :
" Selon ta demande, la très sainte vierge Dorothée t'envoie ceci du jardin de son époux."
Comme on était au mois de février, et que la gelée sévissait sur toute la nature, Théophile fut saisi d'étonnement, et, en recevant ce qu'on lui présentait, il s'écria :
" Le Christ est vraiment Dieu !"

Cette profession publique de la foi chrétienne l'exposait à un cruel martyre : saint Théophile le souffrit héroïquement.

Sainte Dorothée. Dessin. Mathias Grünewald. XVIe.

SEQUENCE

Parmi les pièces liturgiques que contiennent en l'honneur de sainte Dorothée les Missels et les Bréviaires du moyen âge, nous choisirons la Prose suivante qui est d'origine allemande, et convient parfaitement au Temps de la Septuagésime :

" Unissons-nous dans un concert harmonieux ; avec mélodie et dans la joie de nos cœurs, faisons entendre un chant de triomphe.

Dans cette fête pleine d'allégresse, que les cœurs purs, que les voix les plus douces entonnent les louanges de Dorothée.

Servante du Christ, généreuse et sans tache, brillante lumière de ce monde, tu nous enivres d'un vin mystérieux.

Habitante du Paradis, pour le mal tu rends le bien ; à un infidèle tu envoies les dons du ciel, des roses, des fruits odorants.

Tu as mené la vie des Anges ; soumise aux liens de la chair, tu n'en as pas senti le poids ; ton amour pour le Seigneur dédaigne les noces mortelles.

Martyre du Christ, tu foules aux pieds les dieux profanes, tu rends la foi à des âmes redevenues païennes ; en elles tu restitues la pureté des mœurs.

Dans l'éclat de ta beauté, tu es semblable à la rose vermeille et odorante ; ton courage brille dans le combat, sous les menaces de Fabricius.

On te charge de chaînes, tes membres sont étendus sur le chevalet, le bourreau te frappe au visage ; mais tu demeures exempte de toute souillure.

Sainte Dorothée offrant la corbeille de fruits et de roses
à la très sainte Vierge Marie et à son divin Fils.
David Téniers le Jeune. Bruxelles. XVIIe.

Une troupe perverse, pleine d'espérances coupables, loin d'écouter la parole de Dieu que ta bouche lui annonce, meurtrit sans pitié les traits où brille la lumière céleste.

Dans sa fureur, elle accroît encore les tortures cruelles auxquelles elle t'a soumise ; conduites par sa main, des torches ardentes dévorent ton sein  virginal.

A tes pieds, nous implorons ton secours ; sainte Martyre, donne-nous la crainte du péché, obtiens-nous le temps de faire une vraie pénitence.

Vierge pleine de tendresse, efface nos péchés, nourris nos âmes, règle notre vie ; empêche que, pour nos négligences, nous ne soyons condamnés par la loi redoutable.

Epouse du Christ, Ô Dorothée, par tes mérites rends-nous le bonheur ; que nos cœurs coupables étant purifiés, nous devenions dignes de la récompense.

Apaise Dieu irrité contre nous, afin qu'il daigne, après cet exil, nous octroyer cette place que nous ambitionnons dans son sein, au plus haut des cieux.

Amen."

Sainte Dorothée. Imagerie populaire. Diot éditeur. Beauvais. XIXe.

PRIERE

" Vous êtes fidèle à vos promesses, Ô Dorothée, et dans les jardins de votre Epoux céleste, vous n'oubliez pas les habitants de la terre. Théophile l'éprouva ; mais le plus beau des présents qu'il vous plut de lui adresser, ne fut pas la corbeille de fleurs et de fruits qui dégageait votre parole ; le don de la foi, la persévérance dans le combat, furent des biens autrement précieux.

Ô Vierge ! Envoyez-nous donc des dons pareils. Nous avons besoin de courage pour rompre avec le monde et avec nos passions ; nous avons besoin de nous convertir et de revenir à Dieu ; nous sommes appelés à partager la félicité dont vous jouissez ; mais nous ne pouvons plus y avoir accès que par la pénitence. Soutenez-nous, fortifiez-nous, afin que, au jour de la Pâque de votre Epoux, nos âmes lavées dans le sang de l'Agneau soient odorantes comme les beaux fruits du ciel, vermeilles comme les roses que votre main cueillit en faveur d'un mortel."

Sainte Dorothée. Eglise Saint-Germain-d'Auxerre.
Genovesio. Gyé-sur-Seine. Champagne. France. XVIIIe.

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mercredi, 05 février 2025

5 février. Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.

- Sainte Agathe, vierge et martyre. 251.

Pape : Saint Corneille. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trajan Dèce ; Herennius Etruscus ; Trébonien Galle ; Hostulien ; Volusien.

" A la messe, immédiatement après l'élévation, le prêtre récite une oraison où il prie Dieu de nous faire participer à la gloire des Apôtres et des Martyrs... Dans cette prière sont nommés plusieurs saints, entre autres sainte Agathe. Pour être jugée digne de l'honneur que lui fait l'Eglise de répéter son nom à tant de messes, depuis tant de siècles, il faut que sa sainteté ait été bien grande et bien extraordinaire.
Le doigt de Dieu est ici ! Cette gloire vient de Dieu ! Glorifions Dieu dans les saints !"


Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Déjà deux de ces quatre illustres Vierges dont le souvenir est associé aux mérites de l'Agneau, dans la célébration du Sacrifice, ont passé devant nous dans leur marche triomphale sur le Cycle de la sainte Eglise ; la troisième se lève aujourd'hui sur nous, comme un astre aux plus doux rayons. Après Lucie et Agnès, Agathe vient nous consoler par sa gracieuse visite. La quatrième, l'immortelle Cécile, se lèvera en son temps, lorsque l'année inclinant à sa fin, le ciel de l'Eglise paraîtra tout à coup resplendissant de la plus magnifique constellation. Aujourd'hui fêtons Agathe, la Vierge de Sicile, la sœur de Lucie. Que les saintes tristesses du temps où nous sommes n'enlèvent rien à la plénitude des hommages qui sont dus à Agathe. En chantant sa gloire, nous contemplerons ses exemples ; du haut du ciel elle daignera nous sourire, et nous encourager dans la voie qui seule peut nous ramener à celui qu'elle a suivi noblement jusqu'à la fin, et auquel elle est réunie pour jamais.


Sainte Agathe. Tableau processionnel. Jacopo del Casentino. XIVe.

Agathe tire son nom de agios, qui veut dire saint, et de Theos, Dieu, Sainte de Dieu.
Trois qualités font les saints, comme dit saint Jean Chrysostome, et elles furent toutes réunies en elle. Elles sont : la pureté du coeur, la présence de l’Esprit-Saint et l’abondance des bonnes oeuvres.

Ou bien Agathe vient encore de a privatif, sans, de geos terre, et Theos, Dieu, comme on dirait une divinité sans terre, c'est-à-dire, sans amour des biens de la terre.

Ce mot viendrait encore, de aga, qui signifie parlant et thau, consommation, comme ayant parlé d'une manière consommée et parfaite, ainsi qu'on peut s'en assurer par ses réponses.
Ou bien il viendrait d'agath, esclavage et thaas, souverain, ce qui voudrait dire servitude souveraine, par rapport à ces paroles qu'elle prononça :
" C'est une souveraine noblesse que celle par laquelle on prouve qu'on est au service de Notre Seigneur Jésus-Christ."

Agathe viendrait encore d'aga, solennel, et thau, consommé, comme si on disait consommée ; ensevelie solennellement ; puisque les anges lui rendirent ce bon office.

Deux villes de Sicile, Palerme et Catane, se disputent l'honneur d'avoir donné naissance à sainte Agathe ; ce qui est certain, c'est qu'elle fut martyrisée à Catane, sous l'empereur Dèce.

Sainte Agathe, vierge de race noble et très belle de corps, honorait sans cesse Dieu en toute sainteté dans la ville de Catane. Or, Quintien, consulaire en Sicile, homme ignoble, voluptueux, avare et adonné à l’idolâtrie, faisait tous ses efforts pour se rendre maître d'Agathe.
Comme il était de basse extraction, il espérait en imposer en s'unissant à une personne noble ; étant voluptueux, il aurait joui de sa beauté ; en s'emparant de ses biens, il satisfaisait son avarice ; puisqu'il était idolâtre, il la contraindrait d'immoler aux dieux.
Il se la fit donc amener. Arrivée en sa présence, et avant connu son inébranlable résolution, il la livra entre les mains d'une femme de mauvaise vie nommée Aphrodisie, et à ses neuf filles débauchées comme leur mère, afin que, dans l’espace de trente jours, elles la fissent changer de résolution.


Eglise Sainte Agathe. Catane, Sicile.

Elles espéraient ; soit par de belles promesses, soit par des menaces violentes, qu'elles la détourneraient de son bon propos. La bienheureuse Agathe leur dit :
" Ma volonté est assise sur la pierre et à Notre Seigneur Jésus-Christ pour base ; vos paroles sont comme le vent, vos promesses comme la pluie, les terreurs que vous m’inspirez comme les fleuves. Quels que soient leurs efforts, les fondements de ma maison restent solides, rien ne pourra l’abattre."
En s'exprimant de la sorte, elle ne cessait de pleurer et chaque jour elle priait avec le désir de parvenir à la palme du martyre. Aphrodisie voyant Agathe rester inébranlable dit à Quintien :
" Amollir les pierres, et donner au fer, la flexibilité du plomb serait plus facile que de détourner l’âme de cette jeune fille des pratiques chrétiennes et de la,faire changer."

Le juge alors fit comparaître la servante du Seigneur devant son tribunal :
" Qui es-tu ?
- Je suis noble et d'une illustre famille, toute ma parenté le fait assez connaître.
- Pourquoi donc suis-tu la chétive condition des chrétiens ?
- Parce que la véritable noblesse s'acquiert avec Jésus-Christ dont je me dis la servante.
- Quoi donc ! sommes-nous dégradés de noblesse pour mépriser ton Crucifié ?
- Oui, tu perds la véritable liberté en te faisant esclave du démon jusqu'au point d'adorer des pierres pour lui faire honneur."


Sainte Agathe en prison. Martyre de sainte Agathe.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Afin d'apprendre à la jeune fille à mieux parler, Quintianus la fit frapper sur la joue, et commanda qu'on la conduisit en prison, lui disant qu'elle eût à se préparer à renier Jésus-Christ ou à mourir dans les tourments. Le lendemain, le juge essaya de gagner Agathe par des promesses, mais il la trouva inébranlable, et ses réponses excitèrent tellement la rage du persécuteur, que, sur son ordre, on tordit et on arracha une mamelle à la Sainte. Elle dit à Quintianus :
" N'as-tu pas honte, Ô cruel tyran, de me faire souffrir de cette façon, toi qui as sucé ta première nourriture du sein d'une femme ?"

Quand elle fut rentrée dans la prison où le préfet avait défendu de lui rien donner, saint Pierre lui apparut et la guérit au nom du Sauveur ; la Sainte s'écria :
" Je Vous rends grâces, Ô mon Seigneur Jésus-Christ, de ce qu'il Vous a plu de m'envoyer Votre Apôtre afin de guérir mes plaies et de me rendre ce que le bourreau m'avait arraché."
La prison fut remplie d'une si éclatante lumière que les gardiens s'enfuirent épouvantés, laissant les portes ouvertes.

Les autres prisonniers conseillaient à Agathe de prendre la fuite, mais elle répondit :
" Dieu me garde de quitter le champ de bataille et de m'enfuir en voyant une si belle occasion de remporter la victoire sur mes ennemis."


Martyre de sainte Agathe.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

Quatre jours après, Agathe fut ramenée devant le juge qui, la voyant saine et sauve, fut rempli d'étonnement ; sa rage n'en devint que plus grande. Par son ordre, on roula la Sainte sur des têts de pots cassés et sur des charbons, en même temps que l'on perçait son corps de pointes aiguës.

Tout à coup au même moment un grand tremblement de terre ébranla toute la ville, et deux murailles en s'écroulant écrasèrent Silvin et Falconius, amis intimes du gouverneur. La ville étant en proie à une vive émotion, Quintianus, qui craignait quelque sédition dans le peuple, fait ramener secrètement Agathe demi-morte dans sa prison. Elle y fit ces prières a Dieu :
" Seigneur, qui m'avez gardée dès mon enfance, qui avez enlevé de mon cœur l'amour du monde, et qui m'avez fait surmonter la rigueur des tourments, recevez mon âme."
" Ouvrez, Seigneur, les bras de Votre miséricorde, et recevez mon esprit qui désire Vous posséder avec tous les transports d'amour dont il est capable."
En finissant cette prière, elle passa de la terre au ciel, le jour des nones de février ; son corps fut enseveli par les chrétiens.


Martyre de sainte Agathe. Giambattista Tiepolo. XVIe.

Aussitôt que la nouvelle de cette mort se fut répandue, toute la ville accourut pour honorer les restes de sainte Agathe, et au moment où on voulut la mettre dans le tombeau, cent Anges, sous la figure de jeunes hommes, apparurent, et au front d'Agathe inscrivirent ces mots :
" C'est une âme sainte ; elle a rendu un honneur volontaire à Dieu et elle est la rédemption de sa patrie."
Quintianus, de son côté, était parti pour se mettre en possession des biens de la servante de Dieu, mais au passage d'une rivière, un cheval le mordit au visage et un autre, à coups de pieds, le précipita dans l'eau où il se noya.

Un an exactement après sa mort l'Etna entra à en éruption. Voyant la lave arriver sur la ville, les habitants placèrent le voile qui recouvrait le corps de Ste Agathe devant le feu, ce qui le stoppa sur le champ.

La dévotion à sainte Agathe ne tarda pas de se répandre partout, mais nulle part elle ne fut plus honorée qu'à Catane. Plusieurs fois sa protection a sauvé cette ville des éruptions de l'Etna, et pour cela il suffisait aux habitants de donner, comme barrière aux torrents de lave qui descendaient de la montagne, un objet qui avait touché le corps de la Sainte.


Le martyre de sainte Agathe. Psautier à l'usage de Reims. XIIIe.

Voici ce que dit saint Ambroise en parlant de cette vierge, en sa préface :
" Ô heureuse et illustre vierge qui mérita de purifier son sang par, un généreux martyre pour la gloire du Seigneur ! Ô glorieuse et noble vierge, illustrée d'une double gloire, pour avoir fait toutes sortes de miracles au milieu des plus cruels tourments, et qui, forte d'un secours mystérieux, a mérité d'être guérie par la visite de l’apôtre ! Les cieux reçurent cette épouse du Christ ; ses restes mortels sont l’objet d'un glorieux respect. Le chœur des anges y proclame la sainteté de son âme et lui attribue la délivrance de sa patrie."

Il se fait chaque année à Catane, et encore aujourd'hui, une procession qui dure deux jours.


HYMNE

Les anciens Livres liturgiques sont remplis de compositions poétiques en l'honneur de sainte Agathe ; mais elles sont généralement assez faibles. Nous nous bornerons donc à donner ici la belle Hymne que lui a consacrée le Pape saint Damase :


Saint Marin, sainte Agathe et saint Barnabé. Anonyme italien. XVIIIe.

" Voici le jour de la Martyre Agathe, le jour illuminé par cette illustre Vierge ; c'est aujourd'hui qu'elle s'unit au Christ, et qu'un double diadème orne son front.

Noble de race et remarquable en beauté, elle brillait plus encore par ses œuvres et par sa foi ; le bonheur de la terre ne fut rien à ses yeux ; elle fixa sur son cœur les préceptes de Dieu.

Plus indomptable que le bras des bourreaux, elle livre à leurs fouets ses membres délicats ; sa mamelle arrachée de sa poitrine montre combien invincible est son courage.

Le cachot est pour elle un séjour de délices ; c'est là que Pierre le Pasteur vient guérir sa brebis ; pleine de joie et toujours plus enflammée, elle court avec une nouvelle ardeur au-devant des tourments.

Une cité païenne en proie à l'incendie l'implore et obtient son secours ; qu'elle daigne bien plus encore éteindre les feux impurs en ceux qu'honore le titre de chrétien.

Ô toi qui resplendis au ciel comme l'Epouse, supplie le Seigneur pour les pauvres pécheurs ; que leur zèle à célébrer ta fête attire sur eux tes faveurs.

Gloire soit au Père, au Fils et à l'Esprit divin ; daigne le Dieu unique et tout-puissant nous accorder l’intercession d'Agathe.

Amen."


Sainte Agathe. Tableau processionnel.
Jacopo di Marcovaldo. XIIIe siècle.

PRIERE

" Que vos palmes sont belles, Ô Agathe ! Mais que les combats dans lesquels vous les avez obtenues furent longs et cruels ! Vous avez vaincu; vous avez sauvé en vous la foi et la virginité ; mais votre sang a rougi l'arène, et vos glorieuses blessures témoignent, aux yeux des Anges, du courage indomptable avec lequel vous avez gardé fidélité à l'Epoux immortel. Après les labeurs des combats, vous vous tournez vers lui, et bientôt votre âme bénie s'élance dans son sein, pour aller jouir de ses embrassements éternels. Toute l'Eglise vous salue aujourd'hui, Ô Vierge, Ô Martyre ! Elle sait que vous ne l'oubliez jamais, et que votre inénarrable félicité ne vous rend point indifférente à ses besoins. Vous êtes notre sœur ; soyez aussi pour nous une mère. De longs siècles se sont écoulés depuis le jour où votre âme brisa son enveloppe mortelle, après l'avoir sanctifiée par la pureté et la souffrance ; mais, hélas ! Jusqu'aujourd'hui et toujours, sur cette terre, la guerre existe entre l'esprit et la chair. Assistez vos frères dans leurs combats ; ranimez dans leurs cœurs l'étincelle du feu sacré que le monde et les passions voudraient éteindre.


Buste reliquaire de Sainte Agathe porté en procession.
Catane. Sicile.

En ces jours, où tout chrétien doit songer à se retremper dans les eaux salutaires de la componction, ranimez partout la crainte de Dieu qui veille sur les envahissements d'une nature corrompue, l'esprit de pénitence qui répare les faiblesses coupables, l'amour qui adoucit le joug et assure la persévérance. Plus d'une fois, votre voile virginal, présenté aux torrents enflammés des laves qui descendaient des flancs de l'Etna, les arrêta dans leur cours, aux yeux d'un peuple tout entier : opposez, il en est temps, la puissante influence de vos innocentes prières à ce torrent de corruption qui déborde de plus en plus sur nous, et menace d'abaisser nos mœurs au niveau de celles du paganisme. Le temps presse, Ô Agathe ! Secourez les nations infectées des poisons d'une littérature infâme ; détournez cette coupe vénéneuse des lèvres de ceux qui n'y ont pas goûté encore ; arrachez-la des mains de ceux qui déjà y ont puisé la mort. Epargnez-nous la honte de voir le triomphe de l'odieux sensualisme qui s'apprête à dévorer l'Europe, et déjouez les projets que l'enfer a conçus."

mardi, 04 février 2025

4 février. Sainte Jeanne de Valois, veuve. 1505.

- Sainte Jeanne de Valois, veuve. 1505.
 
Pape : Jules II. Roi de France : Louis XII.

" Filia Francorum regis, soror, unaque conjux,
Et non pulsa toro, Joanna ego mater eram."
" Je suis Jeanne, fille, soeur, épouse des rois de France.
Je ne suis jamais montée dans le lit nuptial, et cependant je devais être mère !"
Légende du testament de la bonne duchesse.


Sainte Jeanne de Valois. A. Padrao.
Monastère des Annonciades de Balsamso. Portugal. XVIIIe.

Les Eglises de France honorent aujourd'hui cette pieuse princesse qui fut d'abord l'épouse de Louis XII, appelée à régner avec lui, et qui, plus tard, renversée du trône par un jugement solennel qui déclara la nullité de son mariage, se montra plus sainte et plus grande encore dans sa disgrâce qu'elle ne l'avait paru dans les jours de sa grandeur.

Cette bienheureuse princesse naquit dans la pourpre et au milieu des lis en 1464. Fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie - son enfance s'écoula presque entièrement au château d'Amboise -, soeur de Charles VIII, épouse du duc d'Orléans qui monta sur le trône et fut Louis XII, Jeanne paraît n'avoir été élevée si haut que pour mieux sentir le poids de l'infortune. Mais Dieu proportionna ses consolations et ses secours aux souffrances de la race royale victime en pansant Lui-même les blessures de so, âme, et lui donna cette merveilleuse fécondité qui enrichit l'Eglise d'un nouvel ordre religieux.


Portrait du vivant de sainte Jeanne de France.

Les vertus qui éclatèrent dans toute sa vie rendirent Jeanne de Valois l'objet de la vénération des peuples ; et si elle cessa de régner sur un trône fragile, son empire sur les coeurs ne fit que s'étendre, et l'auréole de la sainteté remplaça avantageusement pour elle le diadème qu'elle n'avait pas ambitionné et qu'elle dut déposer. Sa tendre confiance en Marie, son attrait pour les œuvres de la pénitence, sa miséricorde envers les pauvres, en font un modèle pour les chrétiens, dans ces jours où l'Eglise nous invite à préparer nos âmes pour la réconciliation.

Jeanne de Valois, fille de Louis XI, roi de France, fut donc élevée dès ses tendres années dans la piété, vers laquelle la portaient ses propres dispositions, et elle donna tout aussitôt des marques certaines de la sainteté qui devait briller en elle. A l'âge de cinq ans, demandant avec ferveur à la sainte Vierge, qu'elle honora toujours d'une manière admirable, de lui faire connaître en quelle façon elle pourrait lui être le plus agréable, il lui fut annoncé qu'elle était appelée à instituer dans la suite un nouvel Ordre de vierges sacrées, en l'honneur de la sainte Mère de Dieu.


Sainte Jeanne de Valois. Etienne Parrocel. XVIIIe.

Mariée à Louis, duc d'Orléans, contre le gré de ce prince, elle fit paraître dans la prospérité la plus grande retenue, et une admirable constance dans l'adversité. Le prince étant monté sur le trône de France, et son mariage ayant été déclaré nul par le Siège Apostolique, Jeanne non seulement supporta cet événement sans aucun regret, mais, se regardant comme délivrée d’un lien qui pesait sur elle, elle se félicita de pouvoir désormais servir Dieu seul en toute liberté.

Les revenus du duché de Berry qui lui avaient été assignés pour son entretien par le roi Louis, étaient largement employés par elle à nourrir les pauvres, à soulager les malades et à bâtir des monastères. Mais son œuvre principale fut la fondation et l'établissement d'un Ordre de vierges sacrées sous le titre d'Annonciades de la bienheureuse Vierge Marie, dont elles devaient imiter les vertus qui leur étaient proposées dans des règles approuvées par Alexandre VI ; elle vint heureusement à bout de cette œuvre sainte. Elle accueillait avec la charité d'une mère tous les indigents et les malheureux qui s'adressaient à elle, mais surtout les malades, dont elle ne craignait pas d'essuyer et de toucher de ses propres mains les ulcères dégoûtants ; plus d'une fois son seul attouchement leur rendit la santé.


Sa piété envers le très saint Sacrement de l'Eucharistie était admirable ; elle en approchait avec une si grande abondance de larmes, qu'elle excitait dans le cœur des assistants les mêmes sentiments d'amour et de dévotion. Sa piété n'était pas moins tendre envers les mystères de la Passion du Seigneur. Elle avait fait construire dans le jardin de sa maison une imitation du tombeau de notre Seigneur ; c'était là qu'elle se retirait de temps en temps pour se livrer à la prière, répandant des larmes abondantes et se frappant la poitrine avec une pierre. Parvenue à l'âge de quarante ans, elle sentit approcher la fin de sa vie pleine d'innocence, et, ayant reçu avec une grande ferveur les sacrés mystères de la religion chrétienne, elle mourut à Bourges la veille des nones de février, l'an mil cinq cent cinq.

Cinquante-sept ans après sa mort, des soldats hérétiques ayant enlevé son corps pour le brûler, il fut trouvé sans corruption ; et l'on rapporte qu'il poussa des gémissements, et que, percé de leurs épées, il répandit du sang avec abondance. Le culte de la Sainte fut approuvé d'autorité apostolique par Benoit XIV, en 1742.
 
Enfin, Pie VI accorda, le vingt avril 1775, à tout le royaume de France, de pouvoir célébrer l'Office et la Messe de sainte Jeanne de Valois au jour anniversaire de sa mort.


Statue de sainte Jeanne de France. Chapelle Sainte-Jeanne-de-France.
Couvent de l'Annonciade de Bourges. Berry. France.
 
PRIERE
 
" Nous honorons, Ô sainte Princesse, les vertus héroïques dont votre vie a été remplie, et nous glorifions le Seigneur qui vous a admise dans sa gloire. Mais que vos exemples nous sont utiles et encourageants, au milieu des épreuves de cette vie ! Qui plus que vous, a connu les disgrâces du monde ; mais aussi qui les a vues venir avec plus de douceur, et les a supportées avec plus de tranquillité ? Les grâces extérieures vous avaient été refusées, et votre cœur ne les regretta jamais ; car vous saviez que l'Epoux des âmes ne recherche pas dans ses élues les agréments du corps, qui trop souvent seraient un danger pour elles.

Le sceptre que vos saintes mains portèrent un instant leur échappa bientôt, et nul regret ne s'éleva en vous, et votre âme véritablement chrétienne ne vit dans cette disposition de la Providence qu'un motif de reconnaissance pour la délivrance qui lui était accordée La royauté de la terre n'était pas assez pour vous ; le Seigneur vous destinait à celle du ciel. Priez pour nous, servante du Christ dans ses pauvres, et faites-nous l'aumône de votre intercession.
 

Nicolas Van der Veken. XVIIe.

Ouvrez nos yeux sur les périls du monde, afin que nous traversions ses prospérités sans ivresse, et ses revers sans murmure. Souvenez-vous de la France qui vous a produite, et qui a droit à votre patronage. Un jour, la tombe qui recelait votre sainte dépouille fut violée par les impies, et des soupirs s'échappèrent de votre poitrine, au sentiment des malheurs de la patrie. C'était alors le prélude des maux qui depuis se sont appesantis sur la nation française ; mais du moins la cause de la foi trouva, dans ces temps, de généreux défenseurs, et l'hérésie fut contrainte de reculer. Maintenant, le mal est à son comble ; toutes les erreurs dont le germe était renferme dans la prétendue Réforme se sont développées, et menacent d'étouffer ce qui reste de bon grain. Aidez-nous, conservez la précieuse semence de vérité et de vertus qui semble prête à périr. Recommandez-nous à Marie, l'objet de votre tendre dévotion sur la terre, et obtenez-nous des jours meilleurs."

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lundi, 03 février 2025

3 février. Saint Blaise, évêque de Sébaste et martyr. 316.

- Saint Blaise, évêque de Sébaste et martyr. 316.

Pape : Saint Sylvestre Ier. Empereur romain d'Orient : Licinius. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier.

" Apprends, misérable, que je suis le serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ et que je n'adore pas les démons !"
Saint Blaise au gouverneur. Actes du Saint.


Saint Blaise. Hans Memling. Flandres XVe.

Maintenant que l'Eglise a clos pour nous la touchante Quarantaine de la Naissance du Sauveur, et qu'elle nous a ouvert la source des fortes et sérieuses méditations qui doivent nous préparer pour la pénitence, chaque Fête des Bienheureux doit nous apporter une impression propre à nourrir en nous l'esprit de ce saint Temps. Dans la période dont nous sortons, tous les amis de Dieu que nous avions à fêter, nous apparaissaient rayonnants des joies de la Naissance de l'Emmanuel ; ils formaient sa cour radieuse et triomphante. D'ici à la Résurrection du Fils de Dieu, nous aimerons à les considérer surtout dans les labeurs du pèlerinage de cette vie. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est de voir et d'étudier comment ils ont vaincu le monde et la chair.

" Ils allaient, dit le Psalmiste, et ils jetaient la semence sur le sillon, l'arrosant de leurs pleurs ; mais ils reviendront dans l'allégresse, chargés des gerbes que leurs sueurs auront produites." (Psalm. CXXV.).

Espérons qu'il en sera de même pour nous, à la fin de cette laborieuse carrière, et que le Christ ressuscité nous saluera comme ses membres vivants et renouvelés. Dans la période que nous avons présentement à traverser, les Martyrs abondent, et nous débutons aujourd'hui par un des plus célèbres. Sébaste, en Arménie, fut honorée par ses vertus pastorales et par sa glorieuse Passion ; bientôt la même ville nous fournira dans un seul jour quarante soldats Martyrs. La dévotion envers saint Biaise est demeurée très vive en Orient, surtout en Arménie, et son culte, introduit de bonne heure dans les Eglises de l'Occident, y a toujours été très populaire. Sa fête n'est néanmoins que du degré simple.


Saint Blaise et saint Pantaléon. Psautier cistercien. XIIIe.

Blaise pourrait venir de blandus, doux, ou de belasius, bela signifie habitude et syor, petit. En effet saint Blaise fut doux en ses discours ; il eut l’habitude des vertus et il se fit petit par l’humilité de sa conduite.

L'histoire de saint Blaise nous apprend qu'il parut dès son enfance d'un bon naturel, qu'il fut modeste en sa jeunesse. Arrivé à l'âge mûr, il s'appliqua particulièrement à la médecine, et fut toujours pénétré par la crainte de Dieu.

Blaise excellait en douceur et en sainteté, et avait gagné l'affection de tout le peuple, ce qui le fit élire évêque de Sébaste ; ville de Cappadoce. Après avoir reçu l’épiscopat, il se retira dans une caverne où il mena la vie érémitique, à cause de la persécution de Dioclétien (Bréviaire). Les oiseaux lui apportaient sa nourriture, et s'attroupaient véritablement ensemble autour de lui, et ne le quittaient que quand il avait levé les mains pour les bénir. Si quelqu'un d'eux avait du mal, il venait aussitôt à lui et retournait parfaitement guéri.


Saint Blaise fuyant la persécution.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

Le gouverneur du pays, Agricola, sous l'empereur Licinius, avait envoyé des soldats pour chasser des bêtes féroces en vue de les ramener à Sébaste et de leurs livrer les Chrétiens au cirque. Après s'être fatigués longtemps en vain, ils vinrent par hasard à l’antre de saint Blaise, où ils trouvèrent une grande multitude de bêtes rangées devant lui. Or, n'ayant pu prendre aucune d'elles, ils furent remplis d'étonnement et rapportèrent cela à leur maître, qui aussitôt envoya plusieurs soldats avec ordre de lui amener Blaise avec tous les chrétiens.


Eglise Saint-Blaise. Peinture de MM. Maisonade & Lapierre.
Javerdat. Limousin. XVIIIe.

Mais cette nuit-là même, Notre Seigneur Jésus-Christ était apparu au saint par trois fois en lui disant :
" Lève-toi et offre-moi le sacrifice."
Voici que les soldats arrivèrent et lui dirent :
" Sors d'ici, le gouverner t'appelle."
Saint Blaise répondit :
" Soyez les bienvenus, mes enfants ; je vois à présent que Dieu ne m’a pas oublié."

Pendant le trajet, qu'il fit avec eux, il ne cessa de prêcher, et en leur présence il opéra beaucoup de miracles. Une femme apporta aux pieds du saint son fils qui était mourant d'un os de poisson arrêté dans la gorge ; elle lui demanda avec larmes la guérison de son enfant. Saint Blaise lui imposa les mains et fit une prière pour que cet enfant, aussi bien que tous ceux qui demanderaient quoi que ce fût en son nom, obtinssent le bienfait de la santé ; et sur-le-champ, il fut guéri (Bréviaire).

Les esprits dits forts ne diront point qu'il s'agit là d'une invention récente car Aetius d'Amida sur le Tigre, médecin grec de la fin du Ve siècle, auteur du Tetrabiblos, vaste compilation où il a mis à contribution tous les médecins antérieurs connus, parmi les remèdes qu'il enseigne pour ce mal et les maux qui affectent la gorge en général, mentionne particulièrement l'invocation à saint Blaise.


Saint Blaise guérissant l'enfant dans la gorge duquel s'était fichée
une arrête de poisson. Graduel à l'usage de l'abbaye
Notre-Dame de Fontevrault. XIIIe.

Une pauvre femme n'avait qu'un seul pourceau qu'un loup lui ravit ; et elle priait saint Blaise de lui faire rendre son pourceau. Il lui dit en souriant :
" Femme, ne te désole pas : ton pourceau te sera rendu."
Et aussitôt le loup vint et rendit la bête à cette veuve.

Or, saint Blaise ne fut pas plutôt entré dans la ville que, par ordre du prince ; il fut jeté en prison. Le jour suivant, le gouverneur le fit comparaître devant lui. En le voyant, il le salua en lui adressant ces paroles flatteuses :
" Blaise, l’ami des dieux, soyez le bienvenu."
Blaise lui répondit :
" Honneur et joie à vous, illustre gouverneur ; mais n'appelez pas dieux ceux qui sont des démons, parce qu'ils seront livrés au feu éternel avec ceux qui les honorent."

Le gouverneur irrité le fit meurtrir à coups de bâton, puis rejeter en prison.
Blaise lui dit :
" Insensé, tu espères donc par tes supplices enlever de mon coeur l’amour de mon Dieu qui me fortifie lui-même ?"


Scènes de la vie de saint Blaise.
Speculum historiale. V. de Beauvais. François. XVe.

Or, la veuve à laquelle il avait fait rendre son pourceau, entendit cela ; elle tua l’animal, et en porta la tête et les pieds, avec une chandelle et du pain, à saint Blaise. Il l’en remercia, mangea, et lui dit :
" Tous les ans, offre une chandelle à une église qui porte mon nom, et tu en retireras bonheur, toi, et ceux qui t'imiteront."
Ce qu'elle ne manqua pas de faire ; et il en résulta en sa faveur une grande prospérité. Après quoi, le gouverneur fit tirer Blaise de sa prison ; et comme il ne le pouvait amener à honorer les dieux, il ordonna de le suspendre à un, arbre et de déchirer sa chair avec des peignes de fer ; ensuite il le fit reporter en prison.

Or, sept femmes qui le suivirent dans le trajet ramassaient les gouttes de son sang. On se saisit d'elles aussitôt et on les força de sacrifier aux dieux. Elles dirent :
" Si tu veux que nous adorions tes dieux, fais-les porter avec révérence à l’étang afin qu'après avoir été lavés, ils soient plus propres quand nous les adorerons."
Le gouverneur devint joyeux et fit exécuter au plus vite ce qu'elles avaient demandé. Mais elles prirent les dieux et les jetèrent au milieu de l’étang, en disant :
" Si ce sont des dieux, nous le verrons."
A ces mots le gouverneur devint fou de colère et se frappant lui-même, il dit à ses gardes :
" Pourquoi n'avez-vous pas tenu nos dieux afin qu'ils ne fussent pas jetés au fond du lac ?"
Ils répondirent :
" Vous vous êtes laissé mystifier par les paroles trompeuses de ces femmes et elles les ont jetés dans l’étang.
- Le vrai Dieu n'autorise pas les tromperies, reprirent-elles ; mais s'ils étaient des dieux, ils auraient certainement prévu ce que nous leur voulions faire."


Une des saintes martyres et son enfant, martyr lui aussi.
Vitrail. Soissonnais. XIIIe.

Le gouverneur irrité fit préparer du plomb fondu, des peignes de fer de plus, il fit préparer d'un- côté sept cuirasses rougies au feu, et il fit placer d'un autre côté sept chemises de lin. Il leur dit de choisir ce qu'elles préféraient ; alors une d'entre elles, qui avait deux jeunes enfants, accourut avec audace, prit les chemises et les jeta dans le foyer, ces enfants dirent à leur mère :
" Ô mère chérie, ne nous laisses pas vivre après toi ; mais de même que tu nous as rassasiés de la douceur de ton lait, rassasie-nous encore de la douceur du royaume du ciel."

Alors le gouverneur commanda de les suspendre et de réduire leurs chairs en lanières avec des peignes de fer. Or, leur chair avait la blancheur éclatante de la neige et, au lieu de sang, il en coulait du lait. Comme elles enduraient les supplices avec répugnance, un ange du Seigneur vint vers elles et leur communiqua une force virile en disant :
" Ne craignez point : un bon ouvrier qui commence bien et qui mène son œuvre à bien, mérite la bénédiction de celui qui le fait travailler ; pour ce qu'il a fait, il reçoit le prix de son labeur, et il est joyeux de posséder son salaire."
Alors le gouverneur les fit détacher et jeter dans le foyer ; mais Dieu permit que le feu s'éteignit et qu'elles sortissent sans avoir éprouvé aucune douleur. Le gouverneur leur dit :
" Cessez donc d'employer la magie et adorez nos dieux."
Elles répondirent :
" Achève ce que tu as commencé, parce que déjà nous sommes appelées au royaume céleste."


Martyre de saint Blaise. Sculpture en calcaire.
Agentan. Normandie. XVe.
 
Alors il porta une sentence par laquelle elles devaient avoir la tête tranchée. Au moment où elles allaient être décapitées, elles se mirent à genoux et adorèrent Dieu en disant :
" Ô Dieu qui nous avez ôtées des ténèbres et qui nous, avez amenées à cette très douce lumière, qui nous avez choisies pour vous être sacrifiées, recevez nos âmes et faites-nous parvenir à la vie éternelle."
Elles eurent donc la tête tranchée et passèrent au Seigneur.

Après cela, le gouverneur se fit présenter saint Blaise et lui dit :
" Adore à l’instant nos dieux, ou ne les adore pas."
Blaise lui répondit :
" Impie, je ne crains pas tes menaces ; fais ce que tu veux ; je te livre mon corps tout entier."

Alors il le fit jeter dans l’étang. Mais saint Blaise fit le signe. de la croix sur l’eau qui s'endurcit immédiatement comme une terre sèche ; et il dit :
" Si vos dieux sont de vrais dieux, faites-nous voir leur puissance et entrez ici."
Et soixante-cinq qui s'avancèrent furent aussitôt engloutis dans l’étang.
Mais il descendit un ange du Seigneur qui dit au saint :
" Sors, Blaise, et reçois la couronne que Dieu t'a préparée."


Saint Blaise et saint Guérin. Imagerie populaire.
Imagerie Pellerin. XIXe.

Quand il fut sorti, le gouverneur lui dit :
" Tu es donc bien déterminé à ne pas adorer les dieux ?
- Apprends, misérable, répondit Blaise, que je suis le serviteur de Notre Seigneur Jésus-Christ et que je n'adore pas les démons."
Et à l’instant l’ordre fut donné de le décapiter.

Quant à Blaise, il pria le Seigneur que si quelqu'un réclamait son patronage pour le mal 'de gorge, ou pour toute autre infirmité, il méritât aussitôt d'être exaucé. Et voici qu'une voix du ciel se fit entendre à lui, qu'il serait fait comme il avait demandé.

Ainsi fut décapité ce saint avec deux petits enfants des saintes femmes qui les avaient précédés, le 3 février de l'an 316.


Martyre de saint Blaise. Heures à l'usage du Mans. XVe.

CULTE

On met dans la main de saint Blaise une carde ou peigne de fer, ou bien une bougie roulée ; un peigne de fer parce qu'il endura, entre autres supplices, celui des ongles de fer, ce qui l'a fait choisir pour patron par les cardeurs de laine et même par les tailleurs de pierre, à cause d'un outil, appelé ripe, dont se servent ces derniers et qui ressemble à une carde ; un cierge, pour la raison que nous avons vue précédemment.

Les tisserands et les ouvriers en bâtiments de Paris l'ont pris pour saint patron.

Dans certains pays, comme on le sait, on fait bénir deux cierges le jour de la Chandeleur (jour où l'on fête la purification de notre Dame). Ceux qui veulent être délivrés de leurs maux de gorge pour lesquels on invoque spécialement saint Blaise, s'approchent du prêtre qui tient à la main les deux cierges bénits, les approche du cou des malades et prie sur eux en invoquant notre Saint.

On représente aussi saint Blaise avec un enfant, qu'il délivra de la strangulation qu'il risquait à cause de l'arrête de poisson fichée dans sa gorge, avec un cochon, qu'il força le loup à rendre à la pauvre femme dont il était toute la richesse, et en ermite entouré de bêtes féroces qui lui tenaient compagnie dans la caverne qu'il occupait.


Saint Blaise. Imagerie populaire. Imagerie Pellerin. XIXe.

En Orient, sa fête est d'obligation et se célèbre le 11 février.

Saint Blaise fait partie du groupe des quatorze saints dits secourables ; on appelle ainsi ceux d'entre eux qui sont plus particulièrement célèbres pour l'efficacité de leur invocation. Ces quatorze saints sont distribués deux à deux : saint Georges et saint Eustache ; saint Vit et saint Christophe ; saint Gilles et saint Cyriaque ; saint Erasme et saint Blaise ; saint Pantaléon et saint Achace ; saint Denis et sainte Marguerite ; sainte Catherine et sainte Barbe.

En Allemagne, la fête de saint Blaise se nomme messe de Blaise ou messe du vent, car le mot blas, en langue allemande, signifie également Blaise et vent. Autrefois, les marins scandinaves évitaient de prononcer le nom de cette fête, et les paysans danois regardent les vents qui soufflent ce jour-là comme présages de tempêtes tout au long de l'année.


Saint Blaise. Autel portatif à tablette de porphyre vert.
Abbaye de Fulda. Allemagne. XIe.

Saint Blaise est le saint patron, entres autres, de Comiso en Sicile, de Civitta di Penne et de Naples dans le royaume de Naples, de Raguse, de Mulhausen en Thuringe.

On invoque donc saint Blaise contre les affections de la gorge (dévotion particulière qui était chère à saint François de Sales) ; à cause du miracle du pourceau, on lui recommande aussi particulièrement l'espèce porcine et on l'invoque contre les bêtes farouches. En Russie, on l'invoque pour tout le bétail.

RELIQUES

Le corps de saint Blaise et celui des deux petits enfants furent pris par une femme pieuse nommée Hélisée, qui les ensevelit au même lieu, d'où plusieurs de ces saintes reliques ont été, à l'époque des croisades, apportées en diverses églises de France ; comme le chef sacré de notre Saint en la ville de Montpellier. D'autres ossements furent rapportés à Mende, en Gévaudan, à Melun-sur-Seine au monastère de Saint-Pierre, à Paris, en léglise Saint-Jean-en-Grève. Quelques-uns encore au prieuré de Variville, de l'ordre de Fontevrault, au diocèse de Beauvais, et aussi au couvent des Minimes de Grenoble, qui porta ainsi le nom de Saint-Blaise.

Il y a aussi des reliques de saint Blaise à Metz, en l'église Saint-Eucaire. Il se faisait chaque année, le jour de la fête du Saint, une fête très populaire. A cinq heures du matin commençait l'office, et la grand'messe, qui se chantait à huit heures, on bénissait une grande quantité de pains, qui se vendaient à plus de dix lieues à la ronde, et qui se conservaient d'une année à l'autre. Ces pains étaient appelés les pains de saint Blaise.


Eglise Saint-Blaise. Montepulciano. Sienne. Toscane. XVe-XVIe.

PRIERE

" Nous unissons nos voix au concert de louanges que vous adressent toutes les Eglises qui sont sous le ciel, ô glorieux Martyr ! En retour de nos hommages, du sommet de la gloire où vous régnez, abaissez vos regards sur nous, et voyez les fidèles de la Chrétienté tout entière qui se préparent aux saintes expiations de la pénitence, et qui songent à revenir au Seigneur leur Dieu par les larmes et la componction. Souvenez-vous de vos propres combats, et assistez-nous dans le travail de renouvellement que nous allons entreprendre. Vous n'avez pas craint les tourments de la mort ; et quelque rude qu'ait été l'épreuve, vous l'avez subie avec courage.

Obtenez-nous la constance dans une carrière moins périlleuse. Nos ennemis ne sont rien auprès de ceux qu'il vous a fallu vaincre; mais ils sont perfides, et si nous les ménageons, ils peuvent nous abattre. Obtenez-nous le secours divin par lequel vous avez triomphé. Nous sommes les fils des Martyrs ; que leur sang ne dégénère pas en nous. Souvenez-vous aussi, saint Pontife, des heureuses contrées que vous arrosâtes de votre sang. La foi pour laquelle vous avez donné votre vie s'y était altérée ; des jours meilleurs semblent briller enfin. Par vos prières paternelles, rendez l'Arménie à l'Eglise catholique, et consolez, par le retour de leurs frères, les fidèles qui ont su s'y conserver orthodoxes, parmi tant de périls."


Saint Blaise et saint Guérin. Imagerie populaire. Epinal. XIXe.

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