mercredi, 17 juillet 2024
17 juillet. Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.
- Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.
Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.
" La croix sur laquelle le monde est crucifié, c'est la pauvreté d'esprit, elle a quatre bras, savoir : le mépris de la gloire, des richesses, de la patrie et de la famille."
Saint Bonaventure.
Saint Alexis de Rome.
Saint Alexis fut un rare modèle de mépris du monde. Fils unique d'un des plus illustres sénateurs de Rome nommé Euphémien, il reçut une éducation brillante et soignée.
L'exemple de ses parents apprit au jeune Alexis que le meilleur usage des richesses consistait à les partager avec les pauvres. Cédant aux désirs de sa famille, le jeune Alexis dut choisir une épouse. Mais le jour même de ses noces, se sentant pénétré du désir d'être uniquement à Dieu et de L'aimer sans partage, il résolut de s'enfuir secrètement, s'embarqua sur un vaisseau qui se dirigeait vers Laodicée, et gagna la ville d'Edesse.
Saint Alexis sous son escalier. Legenda aurea.
J. de Voragine. R. de Monbaston. XIVe.
Là, distribuant aux indigents tout ce qui lui restait d'argent, il se mit à mendier son pain. Il passait la plus grande partie de son temps à prier sous le portail du sanctuaire de Notre-Dame d'Edesse, devant une image de la Vierge. Après dix-sept années passées dans l'abjection et l'oubli le plus total, il plut à Marie de glorifier son serviteur par un éclatant miracle. Un jour, comme le trésorier de l'église passait sous le porche, l'image de Notre-Dame s'illumina d'une clarté soudaine. Frappé de ce merveilleux spectacle, le trésorier se prosterna devant la Madone. La Très Sainte Vierge lui montra Alexis et lui dit :
" Allez préparer à ce pauvre un logement convenable. Je ne puis souffrir qu'un de mes serviteurs aussi dévoué soit délaissé de la sorte."
La nouvelle de cette révélation se répandit aussitôt dans la ville. L'humilité du Saint s'alarma devant les témoignages de vénération dont il était devenu subitement l'objet. Il quitta donc la ville d'Edesse pour se rendre à Tarse, mais une tempête poussa l'embarquation sur les rivages d'Italie. L'Esprit-Saint lui inspira l'idée de retourner à Rome, sa ville natale, et de mendier une petite place dans la maison paternelle. A la requête de l'humble pèlerin, le sénateur Euphémien consentit à le laisser habiter sous l'escalier d'entrée de son palais, lui demandant, en reconnaissance de ce bienfait, de prier pour le retour de son fils disparu.
Saint Alexis vécut inconnu, pauvre et méprisé, à l'endroit même où il avait été entouré de tant d'estime et d'honneurs. Tous les jours, il voyait couler les larmes du vieux patricien, il entendait les soupirs d'une mère inconsolable et entrevoyait cette noble fiancée dont la beauté s'était empreinte d'une indicible tristesse. Malgré ce déchirant spectacle, saint Alexis eut le courage surhumain de garder son secret et de renouveler perpétuellement son sacrifice à Dieu.
Ce Saint, plus qu'admirable, demeura dix-sept nouvelles années dans le plus complet oubli, vivant caché sous les marches de cet escalier que tous gravissaient pour entrer dans une maison qui était la sienne, en sorte qu'il semblait foulé aux pieds de tous. Avec une humilité consommée, il subit sans jamais se plaindre, les odieux procédés et les persécutions des valets qui l'avaient servi autrefois avec tant de respect et d'égards. Saint Alexis passa donc trente-quatre ans dans une âpre et héroïque lutte contre lui-même. Ce temps écoulé, Dieu ordonna à Son serviteur d'écrire son nom et de rédiger l'histoire de sa vie. Alexis comprit qu'il allait mourir bientôt, et obéit promptement.
Saint Alexis mort chez ses parents.
Le dimanche suivant, au moment où le pape Innocent Ier célébrait la messe dans la basilique St-Pierre de Rome, en présence de l'empereur Honorius, tout le peuple entendit une voix mystérieuse qui partait du sanctuaire :
" Cherchez l'homme de Dieu, dit la voix, il priera pour Rome, et le Seigneur lui sera propice. Du reste, il doit mourir vendredi prochain."
Durant cinq jours, tous les habitants de la ville s'épuisèrent en vaines recherches. Le vendredi suivant, dans la même basilique, la même voix se fit entendre de nouveau au peuple assemblé :
" Le Saint est dans la maison du sénateur Euphémien."
On y courut, et on trouva le pauvre pèlerin, qui venait de mourir. Quand le Pape eu fait donner lecture du parchemin que le mort tenait en sa main, ce ne fut de toutes parts, dans Rome, qu'un cri d'admiration. Innocent Ier ordonna d'exposer le corps de saint Alexis à la basilique St-Pierre, pendant sept jours. Ses funérailles eurent lieu au milieu d'un immense concours de peuple.
Funérailles de st Alexis. Vie de saints.
Son corps repose toujours dans l'église Saint-Boniface à Rome. La maison du sénateur Euphémien son père, sur le mont Aventin, fut transformée en église dédiée à saint Alexis. On y montre encore quelques degrés de l'escalier sous lequel notre saint passa les dernières années de sa vie.
Ô voies admirables ! Ô mystérieuse direction de cette Sagesse du Père pour tous ceux qu'a conquis son amour (Rom. XI, 33.) ! On vit la Reine des Anges applaudir à ce spectacle digne d'eux (I Cor. IV, 9.), et révéler aux hommes sous le ciel d'Orient le nom illustre que leur cachaient en vous les livrées de la sainte pauvreté. Ramené par une fuite nouvelle après dix-sept ans dans la patrie de votre naissance, vous sûtes y demeurer par la vaillance de votre foi comme dans une terre étrangère (Heb. XI. 9.). Sous cet escalier de la maison paternelle aujourd'hui l'objet d'une vénération attendrie, en butte aux avanies de vos propres esclaves, mendiant inconnu pour le père, la mère, l'épouse qui vous pleuraient toujours, vous attendîtes dix-sept autres années, sans vous trahir jamais, votre passage à la céleste et seule vraie patrie (Ibid. 16.). Aussi Dieu s'honora-t-il lui-même d'être appelé votre Dieu (Ibid.), lorsque, au moment de votre mort précieuse, une voix puissante retentit dans Rome, ordonnant à tous de chercher l'Homme de Dieu.
Escalier de saint Alexis. Eglise Saint-Alexis. Rome.
" Il priera pour Rome, et sera exaucé."
Priez donc pour l'illustre cité qui vous donna le jour, qui vous dut son salut sous le choc des barbares, et vous entoure maintenant de plus d'honneurs a coup sûr qu'elle n'eût fait, si vous vous étiez borné à continuer dans ses murs les traditions de vos nobles aïeux ; l'enfer se vante de l'avoir arrachée pour jamais à la puissance des successeurs de Pierre et d'Innocent : priez, et que le ciel vous exauce à nouveau contre les modernes successeurs d'Alaric. Puisse le peuple chrétien, à la lumière de vos actes sublimes, s'élever toujours plus au-dessus de la terre ; conduisez-nous sûrement par l'étroit sentier (Matth. VII, 14.) à la maison du Père qui est aux cieux."
Rq : Publiée en 1889 par Arthur Amiot, universitaire à l'Ecole pratique des hautes études, on peut consulter sur le lien suivant la légende syriaque de saint Alexis, l'homme de Dieu. Le manuscrit date du début du VIe siècle et est conservé à Londres et à Paris :
http://www.moinillon.net/public/PDF/Alexis-ss_syriaque.pdf
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lundi, 15 juillet 2024
15 juillet. Saint Henri, roi de Germanie, empereur des Romains, confesseur. 1024.
Saint Grégoire le Grand. Lib. VII in Reg.
Sacramentaire d'Henri II. Manuscrit allemand du XIIIe.
Henri de Germanie, deuxième du nom quant à la royauté, premier quant à l'empire, fut le dernier représentant couronné de cette maison de Saxe issue d'Henri l'Oiseleur, à laquelle Dieu, au dixième siècle, confia la mission de relever l'œuvre de Charlemagne et de saint Léon III. Noble tige, où l'éclat des fleurs de sainteté qui brillent en ses rameaux l'emporte encore sur la puissance dont elle parut douée, quand elle implanta dans le sol allemand les racines des fortes institutions qui lui donnèrent consistance pour de longs siècles.
L'Esprit-Saint, qui divise comme il veut ses dons (I Cor. XII, 11.), appelait alors aux plus hautes destinées la terre où, plus que nulle part, s'était montrée l'énergie de son action divine dans la transformation des peuples. Acquise au Christ par saint Boniface et les continuateurs de son œuvre, la vaste contrée qui s'étend au delà du Rhin et du Danube était devenue le boulevard de l'Occident, sur lequel durant tant d'années elle avait versé la dévastation et la ruine. Loin de songer à soumettre à ses lois les redoutables tribus qui l'habitaient, Rome païenne, au plus haut point de sa puissance, avait eu pour suprême ambition la pensée d'élever entre elles et l'Empire un mur de séparation éternelle ; Rome chrétienne, plus véritablement souveraine du monde, plaçait dans ces régions le siège même du Saint-Empire Romain reconstitué par ses Pontifes. Au nouvel Empire de défendre les droits de la Mère commune, de protéger la chrétienté contre les barbares nouveaux, de conquérir à l'Evangile ou de briser les hordes hongroises et slaves, mongoles, tartares et ottomanes qui successivement viendront heurter ses frontières. Heureuse l'Allemagne, si toujours elle avait su comprendre sa vraie gloire, si surtout la fidélité de ses princes au vicaire de l'Homme-Dieu était restée à la hauteur de la foi de leurs peuples !
Dieu, en ce qui était de lui, avait soutenu magnifiquement les avances qu'il faisait à la Germanie. La fête présente marque le couronnement de la période d'élaboration féconde où l'Esprit-Saint, l'ayant créée comme à nouveau dans les eaux de la fontaine sacrée, voulut la conduire au plein développement de l'âge parfait qui convient aux nations. C'est dans cette période de formation véritablement créatrice que l'historien doit s'attacher principalement à étudier les peuples, s'il veut savoir ce qu'attend d'eux la Providence. Quand Dieu crée en effet, dans l'ordre de la vocation surnaturelle des hommes ou des sociétés coin nie dans celui de la nature elle-même, il dépose dès l'abord en son œuvre le principe de la vie plus ou moins supérieure qui doit être la sienne : germe précieux dont le développement, s'il n'est contrarié, doit lui faire atteindre sa fin ; dont par suite aussi la connaissance, pour qui sait l'observer avant toute déviation, manifeste clairement à l'endroit de l'œuvre en question la pensée divine.
Saint Henri II et son épouse Cunégonde de Luxembourg.
Or, maintes fois déjà nous l'avons constaté depuis l'avènement de l'Esprit sanctificateur, le principe de vie des nations chrétiennes est la sainteté de leurs origines : sainteté multiple, aussi variée que la multiforme Sagesse de Dieu dont elles doivent être l'instrument (Eph. III, 10 ; I Petr. IV, 10.), aussi distincte pour chacune d'elles que le seront leurs destinées ; sainteté le plus souvent descendant du trône, et douée par là du caractère social que trop de fois plus tard revêtiront aussi les crimes des princes, en raison même de ce titre de princes qui les fait devant Dieu représentants de leurs peuples. Déjà aussi nous l'avons vu (Le Temps après la Pentecôte, T. III, Sainte Clotilde.) : au nom de Marie, devenue dans sa divine maternité le canal de toute vie pour le monde, c'est à la femme qu'est dévolue la mission d'enfanter devant Dieu les familles des nations (Psalm. XXI, 28.) qui seront l'objet de ses prédilections les plus chères ; tandis que les princes, fondateurs apparents des empires, occupent par leurs hauts faits l'avant-scène de l'histoire, c'est elle qui, dans le douloureux secret de ses larmes et de ses prières, féconde leurs œuvres, élève leurs desseins au-dessus de la terre et leur obtient la durée.
L'Esprit ne craint point de se répéter dans cette glorification de la divine Mère; aux Clotilde, Radegonde et Bathilde, qui pour elle donnèrent en des temps laborieux les Francs à l'Eglise, répondent sous des cieux différents, et toujours à l'honneur de la bienheureuse Trinité, Mathilde, Adélaïde et Chunégonde, joignant sur leurs fronts la couronne des saints au diadème de la Germanie. Sur le chaos du dixième siècle, d'où l'Allemagne devait sortir, plane sans interruption leur douce figure, plus forte contre l'anarchie que le glaive des Othon, rassérénant dans la nuit de ces temps l'Eglise et le monde. Au commencement enfin de ce siècle onzième qui devait si longtemps encore attendre son Hildebrand, lorsque les anges du sanctuaire pleuraient partout sur des autels souillés, quel spectacle que celui de l'union virginale dans laquelle s'épanouit cette glorieuse succession qui, comme lasse de donner seulement des héros à la terre, ne veut plus fructifier qu'au ciel ! Pour la patrie allemande, un tel dénouement n'était pas abandon, mais prudence suprême ; car il engageait Dieu miséricordieusement au pays qui, du sein de l'universelle corruption, faisait monter vers lui ce parfum d'holocauste : ainsi, à l'encontre des revendications futures de sa justice, étaient par avance comme neutralisées les iniquités des maisons de Franconie el de Souabe, qui succédèrent à la maison de Saxe et n'imitèrent pas ses vertus.
Que la terre donc s'unisse au ciel pour célébrer aujourd'hui l'homme qui donna leur consécration dernière aux desseins de l'éternelle Sagesse à cette heure de l'histoire ; il résume en lui l'héroïsme et la sainteté de la race illustre dont la principale gloire est de l'avoir, tout un siècle, préparé dignement pour les hommes et pour Dieu. Il fut grand pour les hommes, qui, durant un long règne, ne surent qu'admirer le plus de la bravoure ou de l'active énergie grâce auxquelles, présent à la fois sur tous les points de son vaste empire, toujours heureux, il sut comprimer les révoltes du dedans, dompter les Slaves à sa frontière du Nord, châtier l'insolence grecque au midi de la péninsule italique ; pendant que, politique profond, il aidait la Hongrie à sortir par le christianisme de la barbarie, et tendait au delà de la Meuse à notre Robert le Pieux une main amie qui eût voulu sceller, pour le bonheur des siècles à venir, une alliance éternelle entre l'Empire et la fille aînée de la sainte Eglise.
Saint Henri II. Eglise Saint-Germain.
Epoux vierge de la vierge Cunégonde, Henri fut grand aussi pour Dieu qui n'eut jamais de plus fidèle lieutenant sur la terre. Dieu dans son Christ était à ses yeux l'unique Roi, l'intérêt du Christ et de l'Eglise la seule inspiration de son gouvernement, le service de l'Homme-Dieu dans ce qu'il a de plus parfait sa suprême ambition. Il comprenait que la vraie noblesse, aussi bien que le salut du monde, se cachait dans ces cloîtres où les âmes d'élite accouraient pour éviter l'universelle ignominie et conjurer tant de ruines. C'était la pensée qui, au lendemain de son couronnement impérial, l'amenait à Cluny, et lui faisait remettre à la garde de l'insigne abbaye le globe d'or, image du monde dont la défense venait de lui être confiée comme soldat du vicaire de Dieu ; c'était l'ambition qui le jetait aux genoux de l'Abbé de Saint-Vannes de Verdun, implorant la grâce d'être admis au nombre de ses moines, et faisait qu'il ne revenait qu'en gémissant et contraint par l'obéissance au fardeau de l'Empire.
Qui donc pourrait trouver mauvais ce qu'approuve Dieu, ce que conseille le Christ, ce que l'Eglise a canonisé en vous et dans votre noble épouse ? La condition des royautés de la terre n'est pas lamentable à ce point que l'appel de l'Homme-Dieu ne puisse parvenir à leurs trônes ; l'égalité chrétienne veut que les princes ne soient pas moins libres que leurs sujets de porter leur ambition au delà de ce monde. Une fois de plus, au reste, les faits ont montré dans votre personne, que pour le monde même la science des saints est la vraie prudence (Prov. IX, 10.). En revendiquant votre droit d'aspirer aux premières places dans la maison du Père qui est aux cieux, droit fondé pour tous les enfants de ce Père souverain sur la commune noblesse qui leur vient du baptême, vous avez brillé comme un phare éclatant sous le ciel le plus sombre qui eût encore pesé sur l'Eglise, vous avez relevé les âmes que le sel de la terre, affadi, foulé aux pieds, ne préservait plus de la corruption (Matth. V, 13-16.). Ce n'était pas à vous sans doute qu'il appartenait de réformer directement le sanctuaire ; mais, premier serviteur de la Mère commune, vous saviez faire respecter intrépidement ses anciennes lois, ses décrets nouveaux toujours dignes de l'Epoux, toujours saints comme l'Esprit qui les dicte à tous les âges : en attendant la lutte formidable que l'Epouse allait engager bientôt, votre règne interrompit la prescription odieuse que déjà Satan invoquait contre elle.
Saint Henri II. Jean-Auguste Ingres. XIXe.
En cherchant premièrement pour vous le royaume de Dieu et sa justice (Ibid. VI, 33.), vous étiez loin également de frustrer votre patrie d'origine et le pays qui vous avait appelé à sa tête. C'est bien à vous entre tous que l'Allemagne doit l'affermissement chez elle de cet Empire qui fut sa gloire parmi les peuples, jusqu'à ce qu'il tombât dans nos temps pour ne plus se relever nulle part. Vos œuvres saintes eurent assez de poids dans la balance des divines justices pour l'emporter, lorsque depuis longtemps déjà vous aviez quitté la terre, sur les crimes d'un Henri IV et d'un Frédéric II, bien faits pour compromettre à tout jamais l'avenir de la Germanie.
Du trône que vous occupez dans les cieux, jetez un regard de commisération sur ce vaste domaine du Saint-Empire, qui vous dut de si beaux accroissements, et que l'hérésie a désagrégé pour toujours ; confondez les constructeurs nouveaux venus d'au delà de l'Oder, que l'Allemagne des beaux temps ne connut pas, et qui voudraient sans le ciment de l'antique foi relever à leur profit les grandeurs du passé ; préservez d'un affaissement plus douloureux encore que celui dont nous sommes les témoins attristés, les nobles parties de l'ancien édifice restées à grand'peine debout parmi les ruines. Revenez, Ô empereur des grands âges, combattre pour l'Eglise ; ralliez les débris de la chrétienté sur le terrain traditionnel des intérêts communs à toute nation catholique : et cette alliance, que votre haute politique avait autrefois conclue, rendra au monde la sécurité, la paix, la prospérité que ne lui donnera point l'instable équilibre avec lequel il reste à la merci de tous les coups de la force."
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dimanche, 14 juillet 2024
14 juillet. Saint Bonaventure, de l'ordre des Frères mineurs, cardinal-évêque d'Albano, docteur de l'Eglise. 1274.
- Saint Bonaventure, de l'ordre des Frères mineurs, cardinal-évêque d'Albano, docteur de l'Eglise. 1274.
Pape : Grégoire X. Roi de France : Philippe III le Hardi. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant. Roi d'Angleterre : Edouard Ier.
" Le Seigneur lui a ouvert la bouche au milieu de l'Eglise, et il l'a rempli de l'esprit de sagesse et d'intelligence."
Eccli. XV, 5.
Saint Bonaventure.
Saint Bonaventure d'après son vrai visage ;
Guérison de Jean de Fidenza par saint François d'Assise.
De là, le nom qui remplaça celui de Jean de Fidanza, On s'appliqua à entretenir en lui le souvenir de cette guérison et de la promesse qui l'avait précédée. En 1243, à l'âge de vingt-deux ans, il entra dans l'ordre des frères mineurs, autant pour répondre à l'appel de Notre Seigneur que pour accomplir le voeu de sa mère.
Bagnoreggio. Ville qui vit naître saint Bonaventure.
Il fut envoyé étudier à Paris, où les franciscains occupaient une des douze chaires de la faculté de théologie ; il y eut pour maître Alexandre de Hales, surnommé " Doctor irrefragabilis " et " Fons vitae " (mort en 1245). Ce maître, admirant l'innocence des moeurs de son élève, disait : " Il semble que le péché d'Adam n'a point passé dans Bonaventure ".
Jean de Rochelle remplaça Alexandre et lui-même fut remplacé par Bonaventure (1253). Trois ans auparavant, celui-ci avait déjà obtenu la permission de faire des leçons sur les Sentences de Pierre Lombard. C'est en 1254 qu'il fut reçu docteur.
St Bonaventure recevant la communion des mains d'un ange.
Bonaventure enseigna la philosophie et la théologie avec un succès égal a celui du dominicain saint Thomas d'Aquin. Il faut noter que quoique appartenant à des ordres rivaux et suivant des méthodes différentes, ces deux docteurs étaient unis par une amitié qu'aucun dissentiment ne troubla jamais.
Leurs succès et la prétention des ordres auxquels ils appartenaient de refuser, à raison de leurs privilèges, de se soumettre aux statuts de l'Université, émurent les professeurs séculiers. Guillaume de Saint-Amour attaqua l'institution même des ordres mendiants dans plusieurs traités, dont le plus important, " De periculis novissorum temporum ", composé en 1256, signale avec habileté et avec vigueur les dangers et les abus résultant de cette institution, qu'il ne nomme pourtant pas. Saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure répondirent ; la réponse de ce dernier est contenue dans les traités " Libellus apologeticus in eos qui ordini fratrum minorum adversantur et De paupertate Christi, adversus magis trum Guillelmum ".
Saint Bonaventure se signala aussi, et entre autres, par un combat aussi érudit qu'acharné, et toujours victorieux, contre les Avéroïstes et les Talmudistes.
Saint Bonaventure. Vittore Crivelli. XIVe.
En cette même année, saint Bonaventure, qui n'était encore âgé que de trente-cinq ans, fut élu général de son ordre en remplacement de Jean de Parme, qui l'avait désigné pour son successeur. S'empressant de tenir compte de quelques-uns des reproches de Guillaume de Saint-Amour, il écrivit à tous les supérieurs des franciscains (23 avril 1257), pour réclamer le retour à la règle, et ordonner de réprimer la cupidité, l'oisiveté et le vagabondage qu'on imputait aux frères ; dans une autre lettre, il réprimandait les religieux, à cause de leurs empiétements sur les droits des prêtres séculiers et de leurs obsessions auprès des malades pour obtenir des legs.
Cependant, malgré son mysticisme, il fut le constant adversaire de la tendance des franciscains dits spirituels. A l'égard d'une autre tendance fort différente, il convient de noter que ce fut sur ses ordres qu'on empêcha Roger Bacon de donner des leçons à Oxford et qu'on le mit en surveillance à Paris.
En 1263, Bonaventure sollicita sans succès Urbain IV de décharger les franciscains de la direction des religieuses de sainte Claire, en souvenance, dit-on, de ces paroles de saint François d'Assise : " Dieu nous a ôté les femmes, mais j'appréhende fort que le diable ne nous ait donné des soeurs pour nous tourmenter ".
Saint Bonaventure au concile de Lyon. Ecole flamande. XIVe.
Nommé archevêque d'York par Clément IV, il obtint de lui la permission de ne pas accepter cet office. Après la mort de ce pape (1268), le siège apostolique resta vacant pendant près de trois ans, les cardinaux ne pouvant s'accorder sur l'élection de son successeur. On rapporte qu'en fin ils s'engagèrent à nommer celui que saint Bonaventure désigrerait. Il désigna Thibaud Visconti, archidiacre de Liège, qui était alors en terre sainte et qui prit le nom de Grégoire X.
En 1273, ce pape lui imposa l'évêché d'Albano et, peu après, le nomma cardinal prêtre. A cette occasion, les envoyés du pape lui signifiant son élévation le trouvèrent, lui, général de l'Ordre, occupé, avec plusieurs frères, à laver la vaisselle.
En 1274, il fut envoyé comme légat au concile de Lyon ; il y prêcha la seconde et la troisième session ; mais il mourut trois jours avant la fin du concile. On lui fit des funérailles magnifiques, auxquelles tous les membres du concile, le pape lui-même et des rois assistèrent.
Son oraison funèbre fut prononcée par Pierre de Tarentaise, évêque d'Ostie. Dante l'avait placé dans le paradis ; Sixte IV le canonisa en 1482 ; Sixte V, en 1587, le mit, sixième en rang, au nombre des docteurs de l'Eglise, et lui confirma le titre de " Doctor Seraphicus ", le plaçant ainsi au-dessus de saint Thomas d'Aquin, qui n'était que " Doctor Angelicus ". Ce pape était franciscain lui-même.
Exposition du corps intact de saint Bonaventure au XVIIe.
Oeuvres spirituelles de saint Bonaventure :
- http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bonaventure ;
- http://www.jesusmarie.com/bonaventure.html.
Les ouvrages de saint Bonaventure ont été recueillis et imprimés pour la première fois à Rome, sur l'ordre de Sixte V et par les soins de Buonafocco Farnara, franciscain (1588-1596, 7 vol. in-fol.). C'est sur cette édition qu'a été faite celle de Lyon, 1668 (7 vol. in-fol.). Autres éditions : Mayence, 1609 (7 vol. in-fol.) ; Venise, 1751-1756 (14 vol. in-quart.) ; Paris, 1863-1872 (14 vol. gr. in-oct.) ; Florence, 1884, nouvelle édition publiée par les franciscains.
Saint Bonaventure.
Les Oeuvres spirituelles ont été traduites par le P. Berthomier (Paris, 1855, 6 vol. in-oct.). Parmi les reproductions partielles et les traductions on peut aussi placer l'ouvrage suivant : Alix, Théologie séraphique, extraite et traduite des oeuvres de saint Bonaventure (Paris, 1853-1856, 2 vol.). Dans l'ordre de l'édition de Lyon, les oeuvres de saint Bonaventure comprennent Méditations, expositions et sermons (3 vol.) ; Commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard (2 vol.) ; traités divers, opuscules et hymnes (2 vol.) : en totalité, quatre-vingt-huit ouvrages.
L'authenticité de quelques-uns des écrits qui lui sont attribués, est fortement contestée, et tout particulièrement celle du Psautier de la sainte Vierge. La Somme théologique qui porte son nom a été composée par le P. Trigose, capucin (2e édition, Lyon. 1616).
Quoique les franciscains aient toujours grandement prisé l'honneur de posséder le Docteur Séraphique, la doctrine caractéristique de leur ordre procède, non de Bonaventure, mais de Duns Scot, qui représente une méthode et une tendance fort différentes.
Bonaventure visait à l'édification infiniment plus qu'aux subtilités de la scolastique ; et son oeuvre tient une place beaucoup plus grande dans l'histoire des développements de la dévotion et du culte que dans celle des disputations théologiques.
Reprenant la tradition de l'école de Saint-Victor, qui s'était efforcée d'unir à l'explication dialectique de la doctrine ce qui sert à la piété et conduit à la contemplation, et de tenir le milieu entre une spéculation sans onction et sans chaleur, et une mysticité sans lumière, il joignit à l'emploi. de la scolastique dans l'étude de la théologie celui du mysticisme, dans un but d'édification.
II fit de la théologie une " scientia affectiva ", constituant une sorte de mysticisme à la fois pratique et spéculatif. Pour lui, le but suprême, c'est l'union avec Dieu dans la contemplation et dans un intense et absorbant amour. Ce but ne peut être complètement atteint dans cette vie ; mais il doit former la souveraine espérance de l'avenir, et il faut que tout y tende.
Saint Bonaventure part de ce principe, qu'on ne peut parvenir à la complète intelligence des choses divines au moyen du raisonnement et des définitions : ce qui la donne, c'est la lumière surnaturelle qu'un cour pur obtient par une foi profonde, une pieuse contemplation et l'exercice des vertus chrétiennes. Des idées mystiques et ascétiques forment le fond de la plupart de ses écrits.
Saint Bonaventure. Pierre-Paul Rubens. XVIIe.
A la théologie scolastique appartiennent les Commentaires sur le Maître des sentences et un court traité, Breviloquium ; son Centiloquium, ainsi dénommé a cause des cent chapitres dont il se compose, est un manuel pour les commençants.
L'exposé systématique de ses conceptions est présenté sommairement dans la Reductio artium ad theologiam.
Pour revenir à Dieu, dont il a été séparé par la chute, l'humain doit franchir quatre degrés :
- au premier, il est éclairé par la lumière extérieure, d'où viennent les arts mécaniques ;
- au second, par la lumière inférieure, celle des sens, qui procure les notions expérimentales ;
- au troisième, par la lumière intérieure, celle de la raison, qui, par le moyen de la réflexion, élève l'âme jusqu'aux choses intelligibles ;
- au quatrième par la lumière supérieure, qui ne vient que de la grâce et qui seule révèle les vérités qui sanctifient.
La raison naturelle, en commençant par l'observation empirique et en s'élevant de plus en plus par le raisonnement, peut parvenir jusqu'aux limites extrêmes de la nature créée ; mais, pour atteindre aux réalités surnaturelles, elle n'a d'autre guide que la foi.
C'est ainsi que toutes les sciences sont ramenées à la théologie, qui est leur couronnement. Il y a donc deux domaines, celui de la philosophie et celui de la foi. La philosophie ne donne pas la certitude ; la foi seule peut la procurer ; et, même dans l'ordre naturel, une assertion secundum pietatem est tenue par saint Bonaventure pour plus certaine que celle qui est présentée au nom de la science.
Dans son Commentaire sur les quatre livres des Sentences et dans quelques autres de ses traités, Bonaventure expose et défend amplement les doctrines et les institutions du Moyen âge, et tout particulièrement les plus récentes : transsubstantiation, communion sous une seule espèce, et il fait l'apologie du célibat des prêtres et de la vie monastique, qu'il considérait comme le plus sûr moyen de grâce.
Enthousiaste de la virginité, qu'il estimait une sorte de vertu théologale, il avait voué à Marie une très profonde dévotion, et il contribua puissamment à développer ce culte.
Dans un chapitre général tenu à Pavie, il ordonna aux religieux de saint François d'exhorter le peuple à adresser à la sainte Vierge une prière, au son de la cloche du soir (Angelus).
Les principaux de ses ouvrages mystiques sont l'Itinerarium mentis ad Deum et le traité De septem gradibus contenplationis. Il y décrit, d'après Richard de Saint-Victor, le chemin qu'il faut suivre pour connaître Dieu dans la pureté de son essence et arriver au point suprême de l'intelligence, où, délivré de toute image et de toute notion, l'humain sort de lui-même pour ne plus voir que Dieu et le posséder dans l'extase d'une sainte contemplation.
Entrée de saint Bonaventure dans l'Ordre franciscain.
F. de Herrera. XVIIe.
En dédiant à une religieuse de sainte Claire ses Méditations sur le vie de Jésus-Christ, Bonaventure lui écrivait : " Je vous raconterai les actions de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la manière dont on peut se les représenter par l'imagination ; car rien n'empêche de méditer ainsi, même l'Ecriture sainte ".
En effet, il y a énormément d'imagination dans les Méditations, ainsi que dans la Biblia pauperum, et dans la plupart des ouvrages d'édification de Bonaventure.
Non seulement il appliquait aux textes authentiques un système appuyé d'interprétation allégorique, permettant d'y trouver tout ce qu'il y mettait ; mais beaucoup des faits qu'il cite ne sont ni dans l'Ancien ni dans le Nouveau Testament, repris souvent dans les apocryphes, dans la tradition et les légendes ; peut-être même quelques-uns dans les visions de ses extases.
Suivant le même goût, sont choisis ses titres imagés : Carquois, Arbre de vie, Couronne de Marie, Miroir de la sainte Vierge, Diète du salut, les Six ailes des Chérubins, les Six ailes des Séraphins, les Vingt pas des novices, Aiguillon de l'amour divin. C'est par là surtout qu'il a fait école dans la littérature dévote. Il mit en vers les sentences des quatre livres de Pierre Lombard ; on lui attribue la prose Lauda, Sion, Salvatorem.
En philosophie, il professe l'existence des universaux ante rem, suivant la formule platonicienne : idées que Dieu avait produites d'abord dans son intelligence, comme des types d'après lesquels les diverses choses ont été créées. Il tient la matière pour une pure potentialité, qui ne reçoit son existence propre que de la puissance formative de Dieu; elle ne peut être considérée séparément de la forme. L'individuation résulte de l'union de la forme et de la matière.
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samedi, 13 juillet 2024
13 juillet. Saint Thuriau, évêque de Dol-de-Bretagne. 749.
Dom Lobineau. Eloge du saint.
Saint Thuriau. Chapelle Saint-Thuriau en Saint-Barthélémy.
Saint Thuriau naquit de parents nobles et riches, auprès du monastère de Ballon. Ce monastère était de la dépendance de celui de Dol. Dès son plus bas âge, son âme fut éclairée des lumières surnaturelles. Il méprisa de bonne heure les biens temporels, avant que son coeur eût eu le temps d'être séduit par leur usage ; et il commença à pratiquer les conseils les plus parfaits de l'Evangile, en abandonnant ses parents, sa maison, son pays et ses biens, pour chercher le royaume des cieux.
Il s'achemina du côté de Dol, et s'étant égaré, il fut rencontré par un homme charitable, qui le mena chez lui, et lui donna ses troupeaux à garder. Mais comme le saint enfant avait voué au Roi des siècles un service plus essentiel, il voulut, pour s'en rendre capable, être instruit dans les lettres. Un ecclésiastique, qu'il pria de lui en tracer les caractères sur des tablettes, lui rendit ce service. Il les eut bientôt appris, de même que la grammaire et les éléments de la langue latine. Il y joignit la science du chant, qu'il affectionnait d'autant plus, qu'il avait une voix éclatante et mélodieuse. Le goût qu'il prenait à l'employer, à faire retentir de tous côtés les louanges de Dieu, lui donna lieu d'être connu de l'évêque de Dol, nommé Thiarmail ou Armael, qui, touché des excellentes qualités qu'il trouva dans cet enfant, l'adopta pour son fils, l'emmena à Dol, lui donna tous ses soins, et lui enseigna les lettres sacrées.
Les progrès de ce jeune disciple furent si grands, que l'évêque ne trouva pas de difficulté à l'ordonner prêtre et à le mettre à la tête du clergé de son Eglise. Thuriau, élevé à cette dignité, fit de nouveaux efforts pour se surpasser lui-même, et pour devenir par ses vertus la règle vivante des autres. Thiarmail eut sujet de présumer que son choix était approuvé de Dieu, quand il vit les vertus de son cher disciple accompagnées du rare et précieux don des miracles. La confiance que lui donna l'approbation céleste l'engagea, à l'exemple de quelques-uns des plus saints de ses prédécesseurs, à mettre Thuriau à sa place, pour y exercer les fonctions pénibles de l'épiscopat, qui, à cause de son âge trop avancé, lui devenait désormais un poids trop difficile à soutenir.
Intronisation de saint Thuriau.
Le mérite extraordinaire de Thuriau rendit son élection et son ordination très-agréables aux autres évêques de Bretagne, au clergé et au peuple, qui se flattèrent de voir revivre saint Samson et saint Magloire dans ce nouveau prélat, déjà si favorisé du Ciel. Quant à lui, il avait déjà tout mis en usage dès qu'il était entré dans la carrière ecclésiastique pour acquérir la perfection des vertus de son saint état. Ses Actes rapportent qu'il se distinguait surtout par une humilité profonde, un zèle infatigable pour le salut des âmes, une ardente charité et une simplicité admirable, jointe à une grande innocence de moeurs. Il passait le jour à instruire son peuple, et presque toute la nuit en prière.
L'homme ennemi, qui veille toujours pour troubler l'Eglise et y semer le désordre et la division, profita, peu de temps après l'ordination de Thuriau, des dispositions qu'avaient à la violence un seigneur du pays, nommé Rivallon, et le porta à mettre le feu dans un monastère de la dépendance de l'évêché, distant de 7 à 8 lieues de Dol. On vint aussitôt annoncer à Thuriau que l'église, les livres sacrés, les ornements et les vases précieux avaient été pillés ou réduits en cendres ; il n'y eut que le missel qui fut épargné par miracle. Pénétré de douleur, il prit avec lui 12 de ses religieux, et se rendit à pied chez Rivallon, au lieu nommé " Kanfrut " ou " Lan-Kafrut ", qui paraît être le même que celui où cet homme violent venait de brûler le monastère.
Conversion de Rivallon. Saint Thuriau bénit Rivallon.
Rivallon, en le voyant, se sentit touché de repentir et, se jetant tout tremblant à ses pieds, lui fit des offres si avantageuses pour la réparation du mal qu'il avait commis, que Thuriau, qui ne cherchait que sa conversion, ne lui refusa pas le remède de la pénitence. Thuriau, satisfait, retourna dans son Eglise, et Rivallon, aidé des princes du pays, répara au septuple tout le dommage qu'il avait causé, à quoi il employa les sept années de pénitence que son prélat lui avait imposées.
On rapporte qu'il opéra plusieurs guérisons miraculeuses et qu'il rappela à la vie la fille unique d'un seigneur du pays, après s'être mis en prière avec tout son clergé.
Saint Thuriau, après avoir rempli tous les devoirs d'un bon pasteur, mourut saintement, dans un âge très-avancé, le 13 juillet, et son corps fut enterré dans son église cathédrale. Il a été depuis transporté en France, à l'époque où les Normands ravageaient la Bretagne, et déposé à Paris, dans l'église de Saint-Germain des Prés, qui l'a conservé jusqu'en 1793, époque à laquelle il a été détruit.
Saint Thuriau rescussitant une jeune fille.
Ce saint corps ne s'y trouvait pas tout entier ; l'église cathédrale de Chartres en possédait une partie, renfermée depuis l'an 1230 dans une châsse de vermeil très-curieuse. Cette partie a également été détruite pendant la révolution.
Il ne reste peut-être plus maintenant des reliques de saint Thuriau qu'un fragment d'ossement, qui se trouve dans l'église paroissiale de Quintin, ville du diocèse de Saint-Brieuc ; ce fragment est renfermé dans un chef en argent. Le saint évêque, nommé dans ce pays saint Thurian, est patron de cette église. Les anciens Bréviaires de Saint-Meen, de Saint-Brieuc, de Nantes et de Léon, mettent tous la fête de saint Thuriau au même jour, 13 juillet.
On le représente :
1. en habit de berger, pour rappeler ses premières années ;
2. avec une colombe sur l'épaule : il s'était mis en prière pour un seigneur emporté, qui s'offrait à faire pénitence, quand une colombe se reposa sur son épaule comme pour lui dire que le pécheur obtiendrait son pardon s'il tenait ses promesses.
Chapeau de saint Thuriau. Crac'h. Pays d'Auray. Bretagne.
" C'est un vent à déchapeauter saint Thuriau."
*Thuriaf, Thurian, Thurien, Thuriave, Thivisien, Thivisian.
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13 juillet. Saint Anaclet, pape et martyr. 96.
Cassiodor. sub psalm. LXXIX.
Saint Saintin, disciple de saint Denis, et saint Anaclet.
Le nom d'Anaclet nous apporte comme un dernier écho de la solennité du 29 juin. Lin, Clément, Clet, successeurs immédiats de Pierre, avaient reçu de lui la consécration des Pontifes ; Anaclet eut cette gloire moindre, et cependant inestimable, d'être fait prêtre par le vicaire de l'Homme-Dieu. Tandis que les autres Pontifes martyrs qui viendront après lui ne verront pas généralement s'élever leurs fêtes au delà du rite simple, il doit le degré relativement supérieur de la sienne au privilège qui nous montre ainsi en lui le dernier des Papes honorés de l'imposition des mains du prince des Apôtres. Ce fut aussi durant le pontificat d'Anaclet que la Ville éternelle vit porter au comble ses illustrations par l'arrivée du disciple bien-aimé dans ses murs, où il venait dégager la promesse qu'il avait faite au Seigneur de prendre part un jour à son calice (Matth. XX, 22.).
" Heureuse Eglise, s'écrie Tertullien, dans le sein de laquelle les Apôtres ont versé toute leur doctrine avec leur sang ; où Pierre a imité la Passion du Seigneur par la croix, où Paul a reçu comme Jean-Baptiste la couronne parle glaive, d'où Jean l'apôtre, sorti sain et sauf de l'huile bouillante, a été relégué dans une île." (De praescript. XXXVI.).
Par la vertu toute-puissante de l'Esprit de la Pentecôte, les progrès de la foi répondent dans Rome aux largesses du Seigneur. Peu à peu la Babylone ivre du sang des martyrs (Apoc. XVII, 6.) va se trouver supplantée par la cité sainte. Déjà toutes les classes de la société comptent leurs représentants dans ce peuple né d'hier, qui a les promesses de l'avenir. Près de la chaudière embrasée où le prophète de Pathmos fait hommage du tribut de sa glorieuse confession à la nouvelle Jérusalem, deux consuls, deux représentants à la fois de l'ancien patriciat et de la noblesse plus récente issue des césars, Acilius Glabrio et Flavius Clemens se donnent la main sous le glaive du martyre.
A l'exemple d'Anaclet ornant lui-même le tombeau du prince des Apôtres et pourvoyant à la sépulture des Pontifes, d'illustres familles ouvrent et développent sur toutes les voies aboutissant à la ville impériale les galeries des cimetières souterrains ; là déjà reposent nombreux les athlètes du Christ, victorieux dans leur sang ; et près d'eux, accompagnés de l'ancre du salut, dorment dans la paix les plus beaux noms de la terre.
Gravure. Jacques Callot. XVIIe.
Saint Anaclet, grec de nation, était originaire de la fameuse ville d'Athènes. Les bonnes qualités de cet adolescent frappèrent vivement saint Pierre qui le convertit lorsqu'il prêcha à Athènes. Charmé de sa piété exemplaire, de son zèle pour la religion, de l'intégrité de ses moeurs et des rares talents dont le Seigneur l'avait doué, le vicaire du Christ admit Anaclet dans le clergé, le reçut diacre, et lui conféra la dignité sacerdotale.
Revêtu de ce caractère sacré, saint Anaclet servit généreusement saint Pierre dans les fonctions de son apostolat et devint le compagnon inséparable de ses travaux et de ses voyages. Ange par la pureté de sa vie et par son zèle indéfectible au service de Dieu, Anaclet devint vite un des plus saints ministres de l'Église naissante.
Après que saint Pierre eut couronné son apostolat par un glorieux martyre, son fidèle disciple Anaclet se dévoua sous le pontificat de saint Lin et de saint Clet, avec le même empressement et le même succès. Il coopéra pour une large part aux merveilleux progrès que connut l'Eglise de Rome en ces temps si difficiles. L'excellence et la sainteté d'Anaclet devenait de jour en jour plus manifeste aux yeux de tous, lorsqu'en l'an 83, sous l'empire de Domitien, les voix des fidèles se réunirent à l'unanimité pour l'élire au souverain pontificat. Son élévation sur le trône de saint Pierre causa une joie universelle dans la chrétienté.
Dans ces premiers jours de l'Eglise, tout était à craindre : la puissance, la cruauté et la multitude des ennemis du Sauveur, la fureur des païens, la rage des Poldèves, la timidité et le relâchement des fidèles. Durant la troisième persécution que Trajan excita contre l'Eglise en l'an 107, saint Anaclet constata avec douleur les ravages causés dans le troupeau de Jésus-Christ. Quoique Trajan n'avait porté aucune loi officielle contre les chrétiens, une guerre sournoise d'extermination sévissait contre les fidèles et surtout les évêques. Le sang des martyrs coulait avec abondance dans l'Orient et dans l'Occident.
Au sein de la tourmente, Anaclet encourageait les uns et confondait les autres. Comme la violence de la persécution augmentait de jour en jour, ce pasteur vigilant n'oublia rien pour animer les fidèles à témoigner de leur foi en Jésus-Christ. Il publia de belles ordonnances pour retenir ses ouailles dans leur devoir. Il regardait comme chrétiens à demi vaincus ceux qui ne recevaient que rarement la divine Eucharistie.
Pour donner quelque marque de sa dévotion et de sa reconnaissance au prince des apôtres auquel il était redevable de sa conversion, saint Anaclet fit bâtir et orner une église à son sépulcre. Par une providence toute particulière, elle se conserva intacte au milieu des persécutions.
Ce digne représentant de Jésus-Christ sut conserver intact le dépôt sacré de la foi. Il travailla avec succès à établir la discipline de l'Eglise, conserva le bon règlement dans les affaires temporelles de l'Eglise et s'opposa aux désordres qui s'y étaient glissés. Ce saint pape ne pouvait échapper longtemps aux recherches du tyran qui envoyait chaque jour une multitude de condamnés au martyre. L'année précédent sa mort, en prévision du sort qui l'attendait, saint Anaclet conféra l'ordination épiscopale au prêtre Evariste qui devait lui succéder dans la charge du souverain pontificat. Après avoir gouverné l'Eglise neuf ans, trois mois et dix jours, saint Anaclet remporta la palme du martyre et fut enseveli au Vatican.
PRIERE
" Glorieux Pontife, votre mémoire se rattache de si près à celle de Pierre, qu'aux yeux de plusieurs vous seriez, sous un nom un peu différent, l'un des trois augustes personnages élevés par le prince des Apôtres au rang suprême de la hiérarchie. Pour vous distinguer de Clétus, qui parut en avril au Cycle sacré, il nous suffit pourtant et de cette autorité de la sainte Liturgie vous consacrant une fête spéciale, et du témoignage constant de Rome même qui sait mieux que personne à coup sûr les noms et l'histoire de ses Pontifes. Heureux êtes-vous de vous perdre ainsi dans les fondations sur lesquelles reposent jusqu'à nos temps et pour jamais la force et la beauté de l'Eglise ! Faites-nous aimer la place qui est nôtre dans l'édifice sacré. Recevez l'hommage reconnaissant de toutes les pierres vivantes appelées à composer le temple éternel, et qui s'appuieront sur vous dans les siècles sans fin."
L'année Litugique. Dom Prosper Guéranger. Notice de saint Anaclet.
- " Vespasien régnait encore lorsque saint Clet succéda à saint Clément..."
Histoire universelle de l'Eglise. Rohrbacher. T. II, p. 339.
- " Cependant, les évêques se succédaient dans les grands sièges. Anaclet avait succédé à Rome à saint Clet, dans les premières années de Domitien."
Histoire universelle de l'Eglise. Rohrbacher. T. II, p. 341.
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13 juillet. Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.
- Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.
Pape : Boniface VIII. Capitaine du peuple de Gènes : Olberto Doria. Roi de France : Philippe IV, le Bel.
" La science parfaite consiste à faire tout avec soin et à se bien pénétrer qu'on n'est rien par ses propres mérites."
Saint Bonaventure, sup. Job.
Statue du bienheureux Jacques de Voragine. Gènes.
Jacques de Voragine est né entre 1228 et 1229 à Varazze ou, plus probablement, à Gênes, où est attestée la présence d’une famille originaire de Varazze, appelée de " Varagine ". La formule de " Voragine " par laquelle il est parfois désigné dans les sources anciennes est une variante de " da Varagine ". L’idée remontant au XVIe siècle et devenue ensuite traditionnelle selon laquelle " Voragine " vient de " vorago ", pour indiquer l’abîme de connaissance dont Jacques a fait preuve dans ses oeuvres est donc extravagante, même si elle exprime une certaine vérité.
C’est le bienheureux Jacques lui-même qui fournit, dans une rapide autobiographie contenue dans l’une de ses oeuvres, la Chronica civitatis Ianuenses, les premières dates marquantes de sa vie : 1239 lorsque dans son enfance il assiste à une éclipse solaire, 1244 lorsque, adolescent, il entre dans l’Ordre des frères prêcheurs, et 1264, lorsqu’il a eu l’occasion d’admirer pendant quarante jours un autre fait prodigieux, c’est-à-dire l’apparition d’une comète.
Jacques avait pris une responsabilité importante à l’intérieur de l’Ordre avant 1267, date à laquelle il fut élevé, au Chapitre Général de Bologne, à l’office de prieur de l’importante province de Lombardie, qui comprenait à l’époque toute l’Italie septentrionale, l’Emilie et le Picenum. Il a occupé cette charge pendant dix années, participant aux chapitres provinciaux et généraux de l’Ordre et résidant probablement au couvent de Milan ou dans celui de Bologne, jusqu’à ce qu’il soit absolutus de cette charge au chapitre général de Bordeaux en 1277.
Après quelques années, au chapitre provincial de Bologne de 1281, il fut à nouveau nommé prieur de la province lombarde, charge qu’il a occupée pour cinq années encore, jusqu’en 1286. De 1283 à 1285, il exerça les fonctions de régent de l’Ordre après la mort de Jean de Verceil et avant l’élection du nouveau maître général, Munio de Zamora.
Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant. J. de Vignay. XIVe.
Entre temps, il continua à maintenir de forts liens avec la cité de Gênes. Le jour de Pâques 1283, comme il le raconte lui-même dans son opuscule Historia reliquiarum que sunt in monasterio sororum Sanctorum Philippi et Iacobi, il fit transporter une précieuse relique, la tête d’une des vierges de Sainte-Ursule, de Cologne au couvent des soeurs dominicaines de Gênes des saints Jacques et Philippe ; il s’agit du même couvent auquel quelques années plus tôt, durant son précédent priorat, il avait donné une autre relique, le doigt de saint Philippe, qu’il avait lui-même détaché de la main du saint conservée dans le couvent de Venise.
A cette occasion Jacques, après la procession solennelle, a donné une messe et un prêche au peuple. En 1288, alors qu’il n’était plus depuis deux ans prieur de la Lombardie, il fut candidat à la charge d’archevêque de Gênes, mais n’obtint pas, comme les trois autres candidats, la majorité des voix ; le pape Nicolas IV suspendit la nomination, confiant cependant à Jacques, le 18 mai de la même année, la tâche d’absoudre en une cérémonie publique, qui se tint dans l’église de Saint-Dominique, les Génois excommuniés pour avoir eu des rapports commerciaux avec les Siciliens, eux-mêmes excommuniés à cause de la guerre des Vêpres. La même année, il fut nommé diffinitor au chapitre général de Lucques.
En 1290, à l’occasion du chapitre général de Ferrare, Jacques résista aux pressions des cardinaux romains qui, dans une lettre,demandaient la démission du maître général Munio de Zamora, mal vu pour son rigorisme à l’intérieur de l’Ordre et de la Curie romaine. La lettre n’obtint aucun effet : non seulement le maître général ne démissionna pas, mais il fut soutenu par une déclaration publique, signée aussi de Jacques, qui exaltait sa vertu et approuvait sa politique.
Selon la relation de Gerolamo Borsello (XVe) et, après lui, d’autres biographes anciens, ce serait justement à cause de ce soutien donné à la ligne rigoureuse de Munio de Zamora que Jacques aurait subi cette année une tentative d’homicide de la part de confrères qui voulaient le jeter dans le puits du couvent de Ferrare. Une tentative qui, raconte encore Borsello, se serait répétée l’année suivante, en 1291, à Milan, cette fois parce que Jacques avait exclu du chapitre provincial frère Stefanardo, prieur du couvent milanais.
Rappelons à ce sujet que notre bienheureux combattit dans la grande querelle qui opposa les Guelfes et les Gibelins.
Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant.
En 1292, il fut nommé par le pape Nicolas IV archevêque de Gênes. Jacques consacra les six dernières années de sa vie à gouverner le diocèse génois, de 1292 à 1298, année de sa mort. Son action s’est tournée d’abord vers la réorganisation législative du clergé sous l’autorité archiépiscopale. Dans ce but, il convoca un concile provincial, qui se tint dans la cathédrale Saint-Laurent en juin 1293, durant lequel, comme le raconte Jacques lui-même dans la chronique de Gênes, fut accomplie, en présence des gouvernants et des notables puis de tout le peuple, une reconnaissance des os de san Siro, patron de la cité, qui confirmait solennellement l’authenticité de la relique.
L’activité de Jacques est intense sur le plan politique, il en offre lui-même un ample compte-rendu dans la Chronique de Gênes . En 1295, dans les premiers mois de l’année, il promut la pacification entre les factions de la cité et célébra la paix finalement obtenue dans une assemblée publique lors de laquelle il prêcha et entonna, avec ses ministres, les louanges à Dieu ; suivit ensuite une procession solennelle à travers les rues de la cité, guidée par ce même Jacques à cheval qui se conclut avec la remise de l’insigne de miles au podestat de Gênes, le milanais Jacques de Carcano.
La même année, en avril, avec les ambassadeurs envoyés par la Commune, il accomplit un voyage à Rome, convoqué par le pape Boniface VIII qui cherchait à prolonger l’armistice entre Gênes et Venise. Le séjour à la Curie romaine se prolongea une centaine de jours, et Jacques ne manqua pas de montrer une certaine fatigue face à l’indécision du pape et surtout face aux manoeuvres dilatoires des ambassadeurs vénitiens.
A ce point les Génois, après la longue attente, décidèrent d’aller à l’affrontement contre Venise, réunissant, dans l’enthousiasme populaire, une flotte qui aurait dû affronter les ennemis dans une bataille décisive près de Messine, à laquelle cependant les Vénitiens ne se présentèrent pas, contraignant le commandant Oberto Doria à retourner à Gênes sans avoir combattu, accueilli cependant en triomphe par la cité et par son évêque.
A la fin de 1295, Jacques subit un revers politique et une profonde déception personnelle : en effet, la paix entre les factions citadines se rompit, cette paix qu’il avait voulue et solennellement célébrée quelques mois plus tôt ; des incidents violents éclatèrent, durant lesquels la cathédrale Saint-Laurent fut incendiée, et son toit fut totalement brûlé. Les dommages furent si importants que Jacques demanda au pape une aide, qui lui fut accordée le 12 juin 1296.
Jacques mourut dans la nuit du 13 au 14 juillet 1298. Il demanda à ce que les frais nécessaire soient intégralement distribués aux pauvres. Son corps, d’abord enseveli dans l’église Saint-Dominique du couvent des frères prêcheurs de Gênes, fut, à la fin du XVIIIe siècle, transféré dans une autre église dominicaine, Santa Maria di Castello, où il se trouve encore. En vertu de la vénération et du culte dont il fut l’objet pendant des siècles, Jacques a été béatifié en 1816 par le pape Pie VII.
Son oeuvre est ample et remarquable tant par sa quantité que par sa qualité et sa science hors du commun. Quelques liens nous permettent de consulter entre autres la très fameuse Legenda aurea (tant de fois illustrée par les plus grands artistes) ou ses sermons.
Rq : On lira entre autres :
- http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm
- http://www.jesusmarie.com/jacques_de_voragine.html
- http://www.sermones.net et http://thesaurus.sermones.net/voragine/index.xsp;jsession...
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vendredi, 12 juillet 2024
12 juillet. Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.
- Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.
Papes : Alexandre II (1073 +), saint Grégoire VII. Empereur germanique : Henri IV. Roi de France : Philippe Ier.
" Nul ne doit espérer la miséricorde de Dieu, s'il est lui-même sans miséricorde."
Saint Augustin.
Saint Jean Galbert. Fresque. Détail.
Eglise de la Sainte-Trinité. Neri di Bicci. XIVe.
Depuis le jour où Simon le Mage se fit baptiser à Samarie, jamais l'enfer ne s'était vu si près d'être maître dans l'Eglise qu'au temps où nous ramène à l'occasion de la fête présente le Cycle sacré. Repoussé par Pierre avec malédiction, Simon, s'adressant aux princes, leur avait dit comme autrefois aux Apôtres :
" Donnez-moi pour argent ce pouvoir qu'à quiconque j'imposerai les mains, celui-là ait le Saint-Esprit." (Act. VIII.).
Et les princes, heureux à la fois de supplanter Pierre et d'augmenter leurs trésors, s'étaient arrogé le droit d'investir les élus de leur choix du gouvernement des Eglises ; et les évêques à leur tour avaient vendu au plus offrant les divers ordres de la sainte hiérarchie ; et s'introduisant à la suite de la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair avait rempli le sanctuaire d'opprobres sans nom.
Le dixième siècle avait assisté à l'humiliation même du pontificat souverain ; le onzième, au tiers de son cours, voyait le débordement du fleuve maudit changer en marais les derniers pâturages encore saufs des brebis du Seigneur. L'œuvre du salut s'élaborait à l'ombre du cloître ; mais l'éloquence de Pierre Damien n'avait point jusque-là franchi le désert, et la rencontre d'Hugues de Cluny, de Léon IX et d'Hildebrand devait se faire attendre plus encore. Or voici que dans le silence de mort qui planait sur la chrétienté, un cri d'alarme a retenti soudain, secouant la léthargie des peuples : cri d'un moine, vaillant homme d'armes jadis, vers qui s'est penchée la tête du Christ en croix pour reconnaître l'héroïsme avec lequel un jour il sut épargner un ennemi. Chassé par le flot montant de la simonie qui vient d'atteindre son monastère de San-Miniato, Jean Gualbert est entré dans Florence, et trouvant là encore le bâton pastoral aux mains d'un mercenaire, il a senti le zèle de la maison de Dieu dévorer son cœur (Psalm. LXVIII, 10.) ; en pleine place publique, il a dénoncé l'ignominie de l'évêque et de son propre abbé, voulant ainsi du moins délivrer son âme (Ezech. III, 19.).
Eglise Saint-Jean. Vilnius. Lituanie. XVIIIe.
A la vue de ce moine qui, dans son isolement, se dressait ainsi contre la honte universelle, il y eut un moment de stupeur au sein de la foule assemblée. Bientôt les multiples complicités qui trouvaient leur compte au présent état de choses regimbèrent sous l'attaque, et se retournèrent furieuses contre le censeur importun qui se permettait de troubler la bonne foi des simples. Jean n'échappa qu'à grand'peine à la mort ; mais, dès ce jour, sa vocation spéciale était fixée : les justes qui n'avaient point cessé d'espérer, saluèrent en lui le vengeur d'Israël ; leur attente ne devait pas être confondue.
Comme toujours cependant pour les œuvres authentiquement marquées du sceau divin, l'Esprit-Saint devra mettre un long temps à former l'élu de sa droite. L'athlète a jeté le gant aux puissances de ce monde ; la guerre sainte est ouverte : ne semble-t-il pas que dès lors il faille avant tout donner suite à la déclaration des hostilités, tenir campagne sans trêve ni repos jusqu'à pleine défaite de l'ennemi ? Et néanmoins le soldat des combats du Seigneur, allant au plus pressé, se retirera dans la solitude pour y améliorer sa vie, selon l'expression si fortement chrétienne de la charte même qui fonda Vallombreuse (Meliovandœ vitœ gratta : Litterœ donationis Ittae Abbatissae ; Ughelli, III, 299 vel 231.). Les tenants du désordre, un instant effrayés de la soudaineté de l'attaque et voyant sitôt disparaître l'agresseur, se riront de ce qui ne sera plus à leurs yeux qu'une fausse entrée dans l'arène ; quoi qu'il en coûte au brillant cavalier d'autrefois, il attendra humble et soumis, pour reprendre l'assaut, ce que le Psalmiste appelle le temps du bon plaisir de Dieu (Psalm. LXVIII, 14.).
Peu à peu, de toutes les âmes que révolte la pourriture de cet ordre social en décomposition qu'il a démasqué, se recrute autour de lui l'armée de la prière et de la pénitence. Des gorges des Apennins elle étend ses positions dans la Toscane entière, en attendant qu'elle couvre l'Italie et passe les monts. Septime à sept milles de Florence, Saint-Sauve aux portes de la ville, forment les postes avancés où, en 1063, reprend l'effort de la guerre sainte. Un autre simoniaque, Pierre de Pavie, vient d'occuper par droit d'achat le siège des pontifes. Jean et ses moines ont résolu de plutôt mourir que de porter en silence l'affront nouveau fait à l'Eglise de Dieu. Mais le temps n'est plus où la violence et les huées d'une foule séduite accueillaient seules la protestation courageuse du moine fugitif de San-Miniato.
Saint Jean Gualbert et saint Laurent. Fresque. Lorenza de Mozzi.
Le fondateur de Vallombreuse est devenu, par le crédit que donnent les miracles et la sainteté, l'oracle des peuples. A sa voix retentissant de nouveau dans Florence, une telle émotion s'empare du troupeau, que l'indigne pasteur, sentant qu'il n'a plus à dissimuler, rejette au loin sa peau de brebis (Matth. VII, 15.) et montre en lui le voleur qui n'est venu que pour voler, pour égorger et pour perdre (Johan. X, 10.). Une troupe armée à ses ordres fond sur Saint-Sauve ; elle met le feu au monastère, et se jette sur les moines qui, surpris au milieu de l'Office de la nuit, tombent sous le glaive, sans interrompre la psalmodie jusqu'au coup qui les frappe. De Vallombreuse, à la nouvelle du martyre ennoblissant ses fils, Jean Gualbert entonne un chant de triomphe. Florence, saisie d'horreur, rejette la communion de l'évêque assassin, Pourtant quatre années encore séparaient ce peuple de la délivrance, et les grandes douleurs pour Jean n'étaient pas commencées.
L'illustre ennemi de tous les désordres de son temps, saint Pierre Damien, venait d'arriver de la Ville éternelle. Investi de l'autorité du Pontife suprême, on était assuré d'avance qu'il ne pactiserait point avec la simonie, et l'on pouvait croire qu'il ramènerait la paix dans cette Eglise désolée. Ce fut le contraire qui eut lieu. Les plus grands saints peuvent se tromper, et, dans leurs erreurs, devenir les uns pour les autres un sujet d'épreuve d'autant plus acerbe que leur volonté, moins sujette aux changements capricieux des autres hommes, reste plus ferme dans la voie qu'ils se sont une fois tracée en vue des intérêts de Dieu et de son Eglise. Peut-être le grand évêque d'Ostie ne se rendit pas assez compte de la situation toute d'exception que faisaient aux victimes de Pierre de Pavie sa simonie notoire, et la violence avec laquelle il massacrait lui-même sans autre forme de procès les contradicteurs. Partant de l'incontestable principe que ce n'est point aux inférieurs à déposer leurs chefs, le légat réprouva la conduite de ceux qui s'étaient séparés de l'évêque ; et, arguant de certaines paroles extrêmes échappées à quelques-uns dans une indignation trop peu contenue, il retourna sur ceux qu'il appelait " ses confrères les moines " l'accusation d'hérésie portée par eux contre le prélat simoniaque (Petr. Dam. Opuscul. XXX, De Sacramentis per improbos administratis.).
L'accès du Siège apostolique restait ouvert aux accusés ; ils y portèrent intrépidement leur cause. Cette fois du moins, on ne pouvait soulever d'argument d'exception contre la canonicité de leur procédure. Mais là, dit l'historien (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.), beaucoup craignant pour eux-mêmes se mirent à s'élever contre eux; et lorsque presque tous, exhalant leur fureur, jugeaient dignes de mort ces moines dont la témérité osait faire la guerre aux prélats de l'Eglise, alors derechef, en plein concile romain, Pierre Damien prenant la parole alla jusqu'à dire au Pontife suprême :
" Seigneur et Père saint, ce sont là les sauterelles qui dévorent la verdure de la sainte Eglise ; que le vent du midi se lève et les emporte à la mer Rouge !"
Saint Jean Gualbert. Legenda aurea. Bx J. de Voragine XVe.
Mais le saint et très glorieux Pape Alexandre II, répondant avec douceur à ces excès de langage, prenait les moines en sa défense et rendait hommage à la droiture de leurs intentions. Cependant il n'osa donner suite à leur demande dépasser outre, parce que la plus grande partie des évêques favorisait Pierre de Pavie, et que seul l'archidiacre Hildebrand soutenait en tout l'abbé de Vallombreuse (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.).
L'heure néanmoins allait venir où Dieu même prononcerait ce jugement qu'on ne pouvait obtenir de la terre. Assaillis de menaces, traités comme des agneaux au milieu des loups (Ibid.), Jean Gualbert et ses fils criaient au ciel avec le Psalmiste :
" Levez-vous, Seigneur, aidez-nous ; levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, Ô Dieu : jugez votre cause." (Psalm. XLIII, LXXIII.).
A Florence, les sévices continuaient. Saint-Sauveur de Septime était devenu le refuge des clercs que la persécution bannissait de la ville ; le fondateur de Vallombreuse, qui résidait alors en ce lieu, multipliait pour eux les ressources de sa charité. Mais la situation devint telle enfin, qu'un jour du Carême de l'année 1067, le reste du clergé et la ville entière, laissant le simoniaque à la solitude de son palais désert, accourut à Septime. Ni la longueur du chemin détrempé par les pluies, ni la rigueur du jeûne observé par tous, dit la relation adressée dans les jours mêmes au Pontife souverain par le peuple et le clergé de Florence, ne purent arrêter les matrones les plus délicates, les femmes prêtes d'être mères ou les enfants (Epist. cleri et populi Florentini ad Alexandrum Pontificem.).
Saint Jean Gualbert. Raffaellino del Garbo. XVIe.
L'Esprit-Saint planait visiblement sur cette foule ; elle demandait le jugement de Dieu. Jean Gualbert, sous l'impulsion du même Esprit divin, permit l'épreuve ; et en témoignage de la vérité de l'accusation portée par lui contre l'évêque de Florence, Pierre, un de ses moines, nommé depuis Pierre Ignée, traversa lentement sous les yeux de la multitude un brasier immense qui ne lui fit aucun mal. Le ciel avait parlé; l'évêque fut déposé par Rome, et termina ses jours, heureux pénitent, dans ce même monastère de Septime.
En 1073, année de l'élévation d'Hildebrand son ami au Siège apostolique, Jean s'en allait à Dieu. Son action contre la simonie s'était étendue bien au delà de la Toscane. La république Florentine ordonna de chômer le jour de sa fête ; et l'on grava sur la pierre qui protégeait ses reliques sacrées :
" A JEAN GUALBERT, CITOYEN DE FLORENCE, LIBÉRATEUR DE L'ITALIE."
Saint Jean Gualbert, né à Florence, fut élevé avec soin dans les maximes de la piété et dans l'étude des lettres par une mère pieuse et de bonne noblesse. Son père, Gualbert, de bonne noblesse aussi, faisait profession des armes mais avait hélas un caractère tempétueux et impatient.
Mais à peine était-il entré dans le monde, qu'il y prit un goût excessif. L'amour des plaisirs l'emporta tellement, que ce qui lui avait paru criminel ne lui offrit plus rien que de légitime et d'innocent. Il était perdu sans ressources, si Dieu n'eût ménagé des circonstances pour lui ouvrir les yeux et le tirer de l'état déplorable où il s'était réduit.
Saint Jean Gualbert prend l'habit monastique
malgré l'opposition de son père. Italie. XVe.
Un jour de Vendredi saint, il rencontre le meurtrier de son frère, Hugues, et, plein d'idées de vengeance, il va le percer de son épée, lorsque le malheureux, se jetant à terre, les bras en croix, le conjure, par la Passion de Jésus-Christ, de ne pas lui ôter la vie. Gualbert ne peut résister à ce spectacle. L'exemple du Sauveur priant pour Ses bourreaux amollit la dureté de son coeur; il tend la main au gentilhomme et lui dit :
" Je ne puis vous refuser ce que vous me demandez au nom de Jésus-Christ. Je vous accorde non seulement la vie, mais mon amitié. Priez Dieu de me pardonner mon péché."
S'étant ensuite embrassés, ils se séparèrent. Jean se dirige de là vers l'église de l'abbaye Saint-Miniat ; il se jette lui-même aux pieds d'un crucifix, et y prie avec une ferveur extraordinaire. Dieu lui fait connaître par un prodige que sa prière est exaucée, et qu'il a obtenu le pardon de ses fautes ; car le crucifix devant lequel il priait baisse la tête et s'incline vers lui, comme pour le remercier du pardon qu'il a généreusement accordé par amour pour Dieu.
Changé en un homme nouveau, Jean prit l'habit de Saint-Benoît, contre l'avis de son père, et devint un religieux si fervent, qu'à la mort de l'abbé tous les suffrages se réunirent sur lui ; mais il ne voulut jamais accepter la dignité qu'on lui offrait. Il se retira à Vallombreuse, qui devint le berceau d'un nouvel Ordre, où la règle de Saint-Benoît était suivie dans toute sa rigueur.
On trouve dans la vie de saint Gualbert toutes les austérités et toutes les vertus qu'on rencontre dans la vie des plus grands Saints. Par un temps de disette, il se fit conduire au grenier presque vide, et les provisions, à sa prière, se multiplièrent au point qu'il put distribuer du blé à tous ses couvents et à tous les pauvres qui se présentèrent.
Epreuve du feu en présence de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.
Un jour qu'il faisait une halte dans un monastère opulent, notre saint apprit qu'en recevant un novice, on lui avait fait fait faire une donation totale de ses biens au bénéfice du monastèré et au détriment complet des ses héritiers naturels. Saint Jean Gualbert demanda d'en voir le contrat, le lu, et, scandalisé, le déchira en disant dans une grande colère :
" Il est bien plus convenable d'avoir peu de biens que de s'enrichir par des voies si peu charitables !"
Toujours en colère, il quitta sur le champs le monastère et pria Dieu de faire sentir son indignation. Aussitôt, le couvent fut presque entièrement dévasté par un violent incendie, et les religieux fort maltraités. Le moine qui accompagnait notre saint lui demanda de faire demi-tour afin de leur porter secours ; notre saint n'en fit rien et continua son chemin.
Saint Jean Gualbert tenait dans une particulière horreur la simonie. Il poursuivit constamment, Pierre, faux archevêque de Florence, qui avait acheté cette dignité. Témoignent de cette horreur de la simonie les lettres qu'écrivit à ce sujet le bienheureux cardinal Pierre Damien.
Ce violent simoniaque qu'était le faux archevêque de Florence envoya un jour ses seïdes dans un monastère de la congrégation de saint Jean Gualbert et le fit piller et incendier.
" Vous êtes maintenant de vrais religieux ! Oh que n'ai-je eu le bonheur d'être ici lorsque ces bourreaux y sont venus, pour avoir part à la gloire de vos couronnes !"
Dans ce combat contre la simonie de l'usurpateur du siège archiépiscopal de Florence, ce furent enfin les religieux de Vallombreuse qui l'emportèrent. Ayant proposé de prouver l'usurpation par l'épreuve du feu, l'un des religieux, nommé Pierre (comme l'usurpateur), y entra et y demeura longtemps sans y subir aucun dommage. Ce religieux fut dès lors nommé Igné et fut plus tard élevé à la dignité de cardinal.
Le Pape, à la prière du clergé et du peuple de Florence finit par déposer l'usurpateur.
Il faut noter que cette épreuve du feu était condamnée par le souverain pontife et par l'Eglise. En effet, elle offrait la possibilité à bien des escrocs ou des magiciens d'impressionner les pauvres gens et de les jeter dans la superstition. Cependant, son recours persistait encore au temps de saint Jean Gualbert.
Mort de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.
Il retourna le 12 juillet 1073 à Passignano à Notre Père des Cieux. L'on mit, ce que notre saint avait demandé, ce billet dans son cerceuil :
" Moi, Jean, je crois et je confesse la foi que les saints Apôtres ont prêchée et que les saints Pères ont confirmée par quatre conciles."
Canonisé par Célestin III en 1193, Clément X permit d'en faire l'office semi-double et Innocent IX le fit Double et de précepte.
PRIERE
" Vous avez été un vrai disciple de la loi nouvelle, Ô vous qui sûtes épargner un ennemi en considération de la Croix sainte. Apprenez-nous à conformer comme vous nos actes aux leçons que nous donne l'instrument du salut ; et il deviendra pour nous, comme il le fut pour vous, une arme toujours victorieuse contre l'enfer. Pourrions-nous, à sa vue, refuser d'oublier une injure venant de nos frères, quand c'est un Dieu qui, non content d'oublier nos offenses autrement criminelles à sa souveraine Majesté, se dévoue sur ce bois pour les expier lui-même ? Si généreux qu'il puisse être jamais, le pardon de la créature n'est qu'une ombre lointaine de celui que nous octroie chaque jour le Père qui est aux deux. A bon droit pourtant l'Evangile que l'Eglise chante à votre honneur nous montre, dans l'amour des ennemis, le caractère de ressemblance qui nous rapproche le plus de la perfection de ce Père céleste, et le signe même de la filiation divine en nos âmes (Matth. V. 45, 48.).
Vous l'avez eu, Ô Jean, ce caractère de ressemblance auguste ; Celui qui en vertu de sa génération éternelle est le propre Fils de Dieu par nature, a reconnu en vous ce cachet d'une incomparable noblesse qui vous faisait son frère. En inclinant vers vous sa tête sacrée, il saluait la race divine (Act. XVII, 29.) qui venait de se déclarer dans ce fils de la terre et allait éclipser mille fois l'illustration que vous teniez des aïeux d'ici-bas. Quel germe puissant l'Esprit-Saint alors déposait en vous ; et combien Dieu parfois récompense la générosité d'un seul acte !
Abbaye de Vallombreuse. Toscane.
Votre sainteté, la part glorieuse qui fut la vôtre dans la victoire de l'Eglise, et cette fécondité qui vous donne de revivre jusqu'à nos jours dans l'Ordre illustre qui plonge en vous ses racines : toutes ces grâces de choix pour votre âme et tant d'autres âmes, ont dépendu de l'accueil que vous alliez faire au malheureux que sa fatalité ou la justice du ciel, auraient dit vos contemporains, jetait sur vos pas. Il était digne de mort ; et dans ces temps où chacun plus ou moins se taisait justice lui-même, votre bonne renommée n'aurait point souffert, elle n'eût fait que grandir, en lui infligeant le châtiment qu'il avait mérité. Mais si l'estime de vos contemporains vous restait acquise, la seule gloire qui compte devant Dieu, la seule qui dure devant les hommes eux-mêmes, n'eût point été votre partage. Qui maintenant vous connaîtrait ? qui surtout prononcerait votre nom avec l'admiration et la reconnaissance qu'il excite aujourd'hui parmi les enfants de l'Eglise ?
Le Fils de Dieu, voyant vos dispositions conformes aux sentiments de son cœur sacré, a versé dans le vôtre son amour jaloux pour la cité sainte au rachat de laquelle il a voué tout son sang. Ô zélateur de la beauté de l'Epouse, veillez sur elle toujours ; éloignez d'elle les mercenaires qui prétendraient tenir de l'homme le droit de représenter l'Epoux à la tête des Eglises. Que l'odieuse vénalité de vos temps ne se transforme point dans les nôtres en compromissions d'aucune sorte à l'égard des pouvoirs de la terre. La simonie la plus dangereuse n'est point celle qui s'escompte à prix d'or ; il est des obséquiosités, des hommages, des avances, des engagements implicites, qui ne tombent pas moins sous l'anathème des saints canons que les transactions pécuniaires : et qu'importerait, de fait, l'objet ou la forme adoucie du contrat simoniaque, si la complicité achetée du pastorat laissait les princes charger l'Eglise à nouveau des chaînes que vous avez tant contribué à briser ?
Panneau de bois peint. Chapelle San-Miniato Al Monte. Florence. XIVe.
Ne permettez pas, Ô Jean Gualbert, un tel malheur qui serait l'annonce de désastres terribles. Que la Mère commune continue de sentir l'appui de votre bras puissant. Sauvez une seconde fois en dépit d'elle-même votre patrie de la terre. Protégez, dans nos temps malheureux, le saint Ordre dont vous êtes la gloire et le père ; que sa vitalité résiste aux confiscations, aux violences de cette même Italie qui vous proclama autrefois son libérateur. Obtenez aux chrétiens de toute condition Je courage nécessaire pour soutenir la lutte qui s'offre à tout homme ici-bas.
Toute l'Eglise fait écho en ce jour au solennel hommage que Milan continue de rendre, après seize siècles, à deux vaillants témoins du Christ. " Nos martyrs Félix et Nabor, dit saint Ambroise (In Luc. XIII, 19.), sont le grain de sénevé de l'Evangile. Ils possédaient la bonne odeur de la foi, mais sans qu'elle fût manifestée ; vint la persécution, ils déposèrent leurs armes, inclinèrent la tête, et frappés du glaive, ils répandirent jusqu'aux confins du monde entier la grâce qui se cachait en eux, en sorte que maintenant on peut dire à bon droit que leur voix a éclaté par toute la terre." (Psalm. XVIII, 5.).
Honorons-les, et méritons leurs suffrages par la prière que l'Eglise adresse aujourd'hui à Dieu en mémoire de leurs glorieux combats."
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