vendredi, 12 juillet 2024
12 juillet. Saint Menou, évêque de Quimper-Corentin et confesseur. VIIe.
Dom Lobineau. Eloge de saint Menou.
L'Irlande fut la patrie de saint Menou. Afin de servir Dieu d'une manière plus parfaite, il quitta, dès sa jeunesse, son pays et sa famille et se rendit d'abord dans la Grande-Bretagne, d'où il passa en Armorique et aborda à Quimper-Corentin, ville qui, à cette époque, faisait partie du pays des Ossimiens. Saint Corentin, deuxième du nom, en était alors évêque.
Il appela le jeune étranger, lui demanda d'où il venait et quel était le motif de son voyage. Menou lui répondit, en langue bretonne, qu'il était natif d'Irlande et que le désir de s'occuper uniquement du service de Dieu l'avait conduit dans cette contrée. Sa piété toucha le saint évêque, qui, le voyant d'ailleurs très-instruit, l'admit dans son clergé et l'éleva au sacerdoce.
Menou, devenu prêtre, ne se contenta pas d'immoler chaque jour la divine Victime, il s'offrait lui-même au Seigneur comme une hostie vivante, par une rude vie d'ascète. Sa Foi vive le rendait l'objet du respect et de l'affection du peuple. Aussi, à l'époque de la mort de saint Corentin fut-il appelé à lui succéder, par les voeux réunis du clergé et des fidèles. Devenu pasteur des âmes, le Saint ne se borna pas à les édifier par une vie régulière ; son soin principal fut de les instruire assidûment des vérités du Salut et de leur distribuer le pain sacré de la Parole de Dieu.
Sa charité, qui l'occupait sans cesse à pourvoir avec sollicitude aux besoins spirituels de ses ouailles, le rendait également sensible à leurs maux corporels. On rapporte qu'un homme noble du pays, que le prince retenait en prison, ayant entendu parler de l'éminente sainteté de l'évêque, témoigna le désir, s'il était rendu à la liberté, de se convertir, de suivre ses prédications et de recevoir sa bénédiction. Le zèlé pasteur, informé des pieuses dispositions du prisonnier, lui envoya son anneau et lui fit dire qu'il ne désespérât pas de Dieu, qu'il aurait bientôt des actions de grâces à rendre à Sa bonté infinie. Le prisonnier reçut avec plaisir cet anneau et en toucha ses chaînes, qui se brisèrent à la vue de tous les assistants, de telle manière qu'il put aller librement trouver le saint évêque, vers lequel il se hâta de se rendre. S'étant prosterné à ses pieds, et lui ayant témoigné sa vive reconnaissance, il en reçut le bienfait de l'instruction Chrétienne et le sacrement de Baptême, après lequel il s'en retourna chez lui plein de joie.
Il parait que saint Menou avait fait le voeu de visiter les tombeaux des saints Apôtres. Ce qu'il y a de certain c'est qu'il partit pour Rome accompagné de quelques-uns de ses prêtres. Arrivé à Rome, il n'y put tenir longtemps sa sainteté cachée ; car un miracle le fit bientôt connaître. Il accorda à un paralytique, qui lui demandait l'aumône, un bien plus grand avantage, celui de sa guérison. Ce prodige parvint aux oreilles du pape qui s'en réjouit et voulut voir le saint évêque. Il l'engagea beaucoup à prolonger son séjour à Rome ; mais le serviteur de Dieu ayant satisfait sa dévotion, résolut de retourner vers son troupeau.
Saint Menou. Bas-relief. Eglise Saint-Menoux.
Il quitta donc Rome, accompagné de ses prêtres, et étant rentré en France, il parvint jusqu'à Mouilly, petite ville du Bourbonnais et aujourd'hui du diocèse de Moulins. Là, il annonça à ses disciples que sa mort était prochaine, et il leur en prédit le jour et l'heure. Désolés d'apprendre cette triste nouvelle, ceux-ci ne le quittaient plus, et, réunis autour de lui, ils le priaient de vouloir bien être leur protecteur perpétuel dans la Ciel, comme il avait été leur maître dans les voies de la perfection sur la terre. Le vertueux évêque les exhorta à la persévérance dans le bien ; il reçut ensuite le saint Viatique, et, se plaçant comme s'il avait voulu se livrer au sommeil, il expira en priant, et fut aussi exempt des douleurs de la mort qu'il l'avait été pendant sa vie de la contagion du péché.
Son humilité lui avait fait demander d'être inhumé dans l'endroit le moins apparent du cimetière de Saint-Germain, et ses intentions furent remplies ; mais un miracle opéré à son tombeau porta un seigneur, nommé Arcade, à faire construire dans ce lieu une église en l'honneur du saint évêque ; on y fonda un monastère de filles, et Adalgise, troisième abbesse, fit lever son corps de terre dans le IXe siècle. L'abbaye est maintenant détruite, mais les reliques de saint Menou sont encore conservées dans l'ancienne église, qui est aujourd'hui paroissiale.
Le culte de saint Menou est depuis longtemps établi, non-seulement dans le lieu qui porte aujourd'hui son nom, mais dans tout le diocèse de Bourges. Le Bréviaire de cette église, imprimé en 1512, marque son office à trois leçons. Il n'est maintenant que du rite simple. On n'honore pas ce saint évêque en Bretagne, sans doute parce qu'il est mort hors de la province et que ses actions n'y étaient pas connues. Son nom cependant se retrouve assez fréquemment dans le pays ; Pont-Menou, le Vau-Meno et Kermeno le rappellent visiblement. Nous croyons que saint Nolf, dont une paroisse du diocèse de Vannes porte le nom, n'est autre que saint Menou, qui se nomme en latin " Menulphus ".
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jeudi, 11 juillet 2024
11 juillet. Saint Pie Ier, pape et martyr. 156.
Saint Pie Ier et sainte Praxède, vierge.
Un saint Pape du second siècle, le premier de cette série de Pontifes que le nom de Pie a illustrés jusqu'à nos jours, projette sur nous sa douce et sereine lumière. Malgré la situation toujours précaire de la société chrétienne, en face d'édits de persécution que les meilleurs des princes païens n'abrogèrent jamais, il mit à profit la paix relative que valait à l'Eglise la modération personnelle d'Antonin le Pieux, pour affermir les assises de la tour mystérieuse élevée par le Pasteur céleste à la gloire du Seigneur Dieu (Herm. Past.). Exerçant ses droits de suprême hiérarque, il établit que, nonobstant la pratique contraire suivie encore en divers lieux, la fête de Pâques serait désormais célébrée au dimanche par toutes les Eglises. Bientôt la glorieuse mémoire de Victor, successeur de Pie à la fin de ce siècle, viendra nous rappeler l'importance de la mesure qu'il crut ainsi devoir prendre et le retentissement qu'elle eut dans l'Eglise entière.
L'ancienne Légende de saint Pie Ier, modifiée récemment, rappelait le décret attribué dans le Corps du droit à notre Pontife (Cap. Si per negligentiam, 27. Dist. II de Consecratione.), touchant celui dont la négligence aurait laissé tomber quelque chose du Sang du Seigneur. Ces prescription: traduisent bien le respect profond que le sain : Pape voulait voir témoigner au Mystère de l'autel : la pénitence, y est-il ordonné, sera de quarante jours, si l'effusion du Sang précieux a lieu jusqu'à terre ; où que ce soit qu'il tombe, on devra le recueillir avec les lèvres s'il se peut, brûler la poussière et déposer la cendre en un lieu non profane.
Le premier pape qui porta le nom glorieux de Pie était un Italien de la ville d'Aquilée, dans l'état de Venise. Encore tout jeune, il vint habiter Rome où il fut admis au nombre des diacres. Le futur élu au souverain pontificat exerçait le sacerdoce lorsque le pape Hygin mourut martyr, en l'an 142. Il adopta le nom de Pie Ier, nom qui devait devenir si cher à l'Eglise.
Avec l'aide des lumières de saint Justin le Philosophe, il combattit l'hérésie de Valentin et refusa de communiquer avec Marcion qui tentait d'introduire dans l'Eglise la doctrine fataliste des deux principes, l'un auteur du bien, dont l'âme serait une émanation, l'autre auteur du mal, dont le corps serait l'ouvrage. Le saint pape Pie Ier eut surtout à combattre l'hérésie des Gnostiques implantée par Simon le Magicien qui avait essayé de tromper les fidèles de Rome par ses prestiges et ses artifices diaboliques.
Saint Pie Ier établit que la fête de Pâques se célébrerait le dimanche, en mémoire de la glorieuse Résurrection du Sauveur qui eut lieu ce jour de la semaine. Il fixa cette loi inviolable afin de continuer la pieuse coutume qui s'observait déjà par la tradition des Apôtres, et parce qu'il désirait abolir les superstitions de certaines Eglises qui voulaient imiter les Poldèves en cette sainte solennité.
Saint Pie Ier venait souvent célébrer le Saint Sacrifice de la messe dans l'illustre maison de saint Pudens, sénateur qui voulut consacrer sa maison afin de la convertir en église ouverte à tous les chrétiens. Comme une multitude de païens accouraient en ces lieux bénis pour demander leur admission au sein de l'Eglise naissante, cette affluence ne tarda pas à être remarquée par les idolâtres jaloux et hostiles qui s'empressèrent d'adresser leurs plaintes à l'empereur Marc-Aurèle Antonin.
Mosaïque représentant saint Pie Ier et sainte Praxède.
Ce prince ralluma la persécution à cause du grand nombre de conversions qui ne cessaient de se multiplier dans son empire. Il défendit aux chrétiens de se mêler au reste du peuple et de paraître dans les marchés, ainsi qu'aux thermes publics.
Saint Pie Ier gouverna la chrétienté pendant plus de quinze ans. L'histoire conteste que ce pontife ait donné son sang pour la foi, mais l'Église l'honore comme martyr. Il fut enseveli dans la catacombe du Vatican, auprès du corps de saint Pierre.
Dans la catacombe de Sainte-Priscille, sur la via Salaria, une peinture contemporaine de Pie Ier représente ce pontife, vêtu du Colobium, et assis sur une chaire épiscopale. La vierge sainte Praxède est debout devant lui tenant un voile déplié. Le pape lui impose les mains. Un prêtre assiste à cette sainte cérémonie ; il s'agit de Pastor, frère de saint Pie Ier.
Il y a des reliques de notre saint à Saint-Leu, aux Clarisses et aux Ursulines d'Amiens, au Saint-Sépulcre d'Abbeville, à Saint-Pierre de Roye et à Montreuil.
Eglise du Saint-Sépulcre d'Abbeville.
" C'est qu'en effet, proclamait dès le milieu du second siècle à la face du monde Justin le Philosophe, nous ne recevons pas comme un pain commun, comme un breuvage commun, cet aliment nommé chez nous Eucharistie ; mais de même que, fait chair par la parole de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur a eu et chair et sang pour notre salut, de même il nous a été appris que l'aliment fait Eucharistie par la prière formée de sa propre parole est et la chair et le sang de ce Jésus fait chair." (Apolog. I, 66.).
A cette doctrine, aux mesures qu'elle justifie si amplement, d'autres témoins autorisés faisaient écho, sur la fin du même siècle, en des termes qu'on croirait eux aussi empruntés à la lettre même des prescriptions qui vous sont attribuées :
" Nous souffrons anxieusement, si quoi que ce soit du calice ou du pain même qui est nôtre vient à tomber à terre ", disait Tertullien (De corona, III.) ; et Origène en appelait aux habitués des Mystères divins pour dire " quels soins, quelle vénération, entouraient les dons sacrés de peur que ne s'en échappât la moindre parcelle, ce qui, provenu de négligence, eût été regardé comme un crime " (In Ex. Homil. XII.).
Mosaïque représentant saint Pie Ier et sainte Praxède.
Et maintenant l'hérésie, pauvre de science comme de foi, prétend de nos jours que l'Eglise a dévié des antiques traditions, en exagérant ses hommages au Sacrement divin ! Faites en effet, Ô Pie, que nous revenions aux dispositions de nos pères : non dans leur foi, qui est toujours la nôtre ; mais dans la vénération et l'amour qu'ils puisaient en cette foi pour le calice enivrant (Psalm. XXII, 5.), trésor de la terre. Puisse l'Agneau réunir dans la célébration d'une même Pàque, selon vos volontés, tous ceux qu'honore le nom de chrétiens !"
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mercredi, 10 juillet 2024
10 août. Sainte Philomène, vierge et martyre. IIIe siècle.
- Sainte Philomène, vierge et martyre. IIIe siècle.
Pape : Saint Caïus. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule. Empereur romain d'Orient : Dioclétien.
" Le Christ l'a choisie pour son épouse avant que l'âge ne lui permît de se choisir elle-même un autre fiancé."
Saint Ambroise.
On trouvera neuvaines et prières à sainte Philomène, la " chère petite sainte " de notre non moins cher saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, à la fin de la notice de sa fête, le 9 août.
Le tombeau de cette vierge et martyre, inconnue jusqu'aux premières années du siècle dernier, fut providentiellement découvert aux catacombes, l'an 1802. Dieu a rendu célèbre par tant de miracles la découverte du corps de sainte Philomène ; le culte de cette jeune Sainte s'est répandu dans tout l'univers avec une rapidité si merveilleuse ; elle a reçu et reçoit de toutes parts des hommages si exceptionnels, qu'elle mérite d'être placée au premier rang parmi les vierges et martyres que vénère l'Église.
Le saint curé d'Ars l'appelait sa chère petite Sainte et faisait des merveilles par son invocation.
D'après les études fort sérieuses des savants, sainte Philomène aurait été une enfant du peuple, immolée au IIe siècle pour Jésus-Christ, à l'âge de douze ou treize ans. L'examen de ses ossements a permis d'apprécier son âge ; la fiole de sang desséché trouvée dans sa tombe indique clairement son martyre ; les instruments de supplice peints sur la plaque de terre cuite qui fermait le tombeau, les flèches, l'ancre, la torche, nous montrent quels genres de tortures elle a souffert.
L'inscription : " Pax tecum " (" La paix soit avec toi "), Philomène, nous fait connaître son nom vénéré.
C'est à bon droit que sainte Philomène a été appelée la Thaumaturge du XIXe siècle. Aucun Saint peut-être, dans ce siècle, n'a opéré tant de prodiges. On l'invoque dans tous les besoins ; mais elle semble s'être déclarée surtout l'amie et la protectrice des petits enfants. De tous les miracles qu'elle a faits, le plus grand est l'explosion de confiance et d'amour qu'elle a excitée en toute l'Église.
Très peu nous est connu de la vie de Sainte Philomène avant la découverte du lieu d'enterrement de sa dépouille mortelle dans les catacombes de Priscillia à Rome.
- Le peu d'information nous est venu de la révélation qu'elle même fit à sa dévouée fidèle, la Vénérée Mère Maria Luisa de Jésus le 3 août, 1833.
Pendant que cette sainte sœur priait devant la statue de Sainte Philomène, elle lui dévoila l'histoire de sa vie.
Elle lui dit :
" Je suis la fille d'un roi grec. Mes parents étaient des païens et n'ayant pas d’enfants à eux, ils offrirent des sacrifices aux faux dieux. Un docteur chrétiens de Rome leur dit de se faire baptiser, de devenir chrétiens et que Dieu les récompenserait avec une progéniture. Ils acceptèrent ce propos volontiers et furent baptisés dans la religion catholique.
Un an plus tard je suis née et on m'appela Philomena.
J'ai été élevée avec une éducation chrétienne, j'ai reçu ma première communion à l'âge de cinq ans et j'ai fait un vœu de virginité à Dieu à l'âge de onze ans.
A l'âge de treize ans, l'empereur Dioclétien (du IIe siècle), déclara la guerre aux forces de mon père. Alors mon père dut se rendre à Rome pour faire la paix pour éviter la guerre. C'était son désir que ma mère et moi l'accompagnions.
Lorsqu'on arriva à Rome on trouva Dioclétien dans les Bains. Aussitôt qu'il me vit, il fut épris de ma beauté et promis la paix à mon père à condition qu'il puisse me prendre en mariage.
Mon père et ma mère me supplièrent : "Aie pitié pour ton père, ta mère et ton pays ". Je lui répondis " Mon père est Dieu et mon pays c'est le ciel ".
Quand l'empereur Diocétien apprit ma décision, il fut troublé et dit : " Si tu veux pas de mon amour, tu ressentiras mon pouvoir !". Il donna l'ordre de m'enchaîner et de me jeter en prison avec seulement du pain et de l'eau chaque jour.
Après trente sept jours, la Sainte Vierge m'apparut et me dit : " Mon enfant choisi, tu devras rester en prison trois autres jours et ensuite tu vas souffrir différentes épreuves (supplices). L'Archange Gabriel et ton ange gardien vont t'aider et tu seras victorieuse ".
Le quarantième jour on m'enleva mes vêtements et je fus fouettée. Mon corps était recouvert de plaies et on me remit en prison pour mourir. Je fus visitée par deux anges et Dieu prit soin de moi ce soir même.
L'empereur me proposa le mariage de nouveau. J'ai continué de refuser et c'est alors qu'il ordonna de me lancer des flèches. Lorsqu'on m'attacha, je tombai en extase. Et les flèches n'atteignirent pas mon corps mais revinrent sur les archers tuant plusieurs d'eux.
L'empereur enragé de nouveau donna l'ordre de m'attacher une ancre autours du cou et de me noyer dans le fleuve du Tibre. De nouveau, deux anges intervinrent et me libérèrent et je fus ramenée sur terre. Le peuple qui venait de témoigner d'un miracle se mirent à crier aux bourreaux : " Elle est libre ! Elle est libre !". L'empereur qui avait craint de voir le peuple se soulever me fit décapiter.
Tout ceçi se passa le vendredi, 10 août, à un heure de l'après-midi."
Malgré le fait que le Saint Siége ne peut affirmer l'authenticité de cette révélation écrite, il a quand même reconnu le droit de publication le 21 décembre, 1883.
NEUVAINE A SAINTE PHILOMENE
Statue de sainte Philomène dans l'église d'Ars.
V. Ô Dieu ! Venez à mon aide ;
R. Seigneur, hâtez-vous de me secourir.
Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit.
Comme au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Après cette invocation, on lira avec attention et piété l'une des prières qui suivent, selon le jour, et l'on terminera par la récitation du Pater, de l'Ave, du Gloria, du Credo, et par l'oraison suivante.
V. Priez pour nous, Ô sainte Philomène,
R. Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ.
Prions
Nous vous supplions, Seigneur, de nous accorder le pardon de nos fautes par l'intercession de la Bienheureuse Philomène, vierge et martyre, qui vous a toujours été agréable par le mérite de sa chasteté et par le bon usage de la force que vous lui aviez donnée. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
V. Bénissons le Seigneur.
R. Rendons grâces à Dieu.
Ière PRIÈRE, pour les deux premiers jours :
" Vierge très pure, très fidèle disciple de l'Évangile, et invincible Martyre de Jésus-Christ ; ornée de tant de grâces, de pureté ; enrichie d'une foi si vive et d'une force si rare, au milieu d'un monde infidèle et corrompu, et surtout à Rome, qui était le centre de l'idolâtrie, de la tyrannie et de l'infernale superstition, et qui était l'école des vices les plus monstrueux, puisque cette ville idolâtre n'était qu'un affreux amas d'erreurs et de crimes ; sainte Philomène, vous qui dans cette capitale du monde, païenne et corrompue, vous vous conservâtes dans une foi inébranlable et une inviolable pureté jusqu'au dernier soupir pour votre Époux céleste, lui sacrifiant votre vie par tant de martyres douloureux, nous vous supplions, par l'éminence de vos mérites, de nous obtenir auprès du trône miséricordieux du Père céleste le don de la persévérance dans la foi, de la pureté de l'esprit et du corps, et d'une sainte mort dans la grâce de Jésus-Christ. Ainsi soit-il."
Pater, Ave, Gloria, Credo.
IIe PRIÈRE, pour le troisième et le quatrième jour :
" Ô courageuse Martyre et très fidèle Vierge de Jésus-Christ ! Pour conserver sans tache le trésor de la pureté et de la foi en votre Dieu, vous souffrîtes d'être jetée avec une ancre au cou, dans les eaux du Tibre, dont votre céleste Époux vous préserva : nous réclamons humblement votre intercession, afin qu'au milieu des eaux, des amertumes, des anxiétés et des tribulations qui nous environnent sans cesse, nous soyons revêtus de force et préservés du naufrage de nos péchés et de la mort de nos âmes, et que nous ne soyons pas submergés par les eaux des tentations. Ainsi soit-il."
Pater, Ave, Gloria, Credo.
IIIe PRIÈRE, pour le cinquième et le sixième jour :
" Épouse chérie et intrépide Martyre de Jésus-Christ ! Pour conserver votre virginité, votre foi héroïque vous fit endurer avec constance un supplice ignominieux en présence de tant de païens vicieux, dans les rues de Rome idolâtre. De plus, pour la gloire de la virginité et de la doctrine évangélique, vous renonçâtes aux plaisirs de la chair, aux délices et aux pompes du monde, et même à la vie de votre chaste corps. Vous souffrîtes encore la cruelle flagellation de fouets de cuirs armés d'anneaux de métal; et sous un déluge de coups meurtriers, vous fûtes couverte de plaies et vous devîntes parfaitement semblable au Sauveur que vous aimiez si ardemment. Hélas ! Nous avouons que nous sommes de misérables pécheurs, des mondains sensuels et délicats ; obtenez-nous la force nécessaire pour vivre loin de la fange du péché, et pour mourir comme vous, avec fermeté, dans la foi de l'Église romaine, dût-il nous en coûter des peines, le déshonneur et la mort même. Ainsi soit-il."
Pater, Ave, Gloria, Credo.
IVe PRIÈRE, Pour le septième et le huitième jour :
" Ô Vierge courageuse ! Qui défendîtes si courageusement votre virginité et la foi de Jésus-Christ, par cette joie surnaturelle et cette force invincible dont vous fîtes preuve en sacrifiant trois fois votre corps virginal, pour persévérer dans la doctrine de Jésus-Christ ; vous estimant heureuse d'être à trois reprises cruellement percée de dards, et vous enrichissant d'autant de palmes et de couronnes, que vous reçûtes de blessures mortelles pour votre céleste époux, priez pour nous qui observons si faiblement la loi de Dieu ; obtenez-nous la force nécessaire pour arriver au salut éternel, afin que nous souffrions avec une sainte résignation, les douleurs et les peines de cette vie, et que nous résistions à toutes les attaques de l'enfer. Ainsi soit-il."
Pater, Ave, Gloria, Credo.
Ve PRIÈRE, pour le neuvième jour :
" Illustre Martyre et glorieuse Épouse de Jésus-Christ ! Ce Dieu sauveur, qui vous destinait une couronne éminente, ne se contenta pas des peines atroces que vous aviez endurées, il ne permit pas que vous y succombassiez ; pour multiplier vos souffrances au milieu de tant de blessures et de douleurs, il vous prolongea la vie comme un moyen d'augmenter vos triomphes et vos lauriers immortels, et vous rendit ainsi plus admirable aux yeux des esprits célestes, et plus élevée entre les glorieux martyrs. Par suite de ces divins conseils, vous fûtes de nouveau chargée de chaînes, et traduite au tribunal des tyrans de Rome ; votre angélique pureté et votre sainte foi furent mises à de nouvelles épreuves ; et vos barbares ennemis, désespérant de vaincre la constance héroïque de votre cœur, vous condamnèrent à être décapitée ; dernier supplice qui en mettant le comble à votre mérite et à votre couronne, vous introduisit triomphante et glorieuse dans le royaume de votre époux."
" Nous vous supplions, en terminant cette neuvaine, de jeter sur nous un regard de charité. Daignez nous montrer, par une marque de bonté, que nos pauvres hommages vous ont été agréables, et obtenez-nous les grâces que nous désirons pour notre salut, et toutes celles dont vous voyez que nous avons besoin pour être préservés de la mort éternelle que nous avons si souvent méritée. Faites que, dans cette espérance, nous respirions dans tous nos troubles, c'est-à-dire, que votre douce charité nous anime et nous console. Nous bénissons de tout notre coeur et avec le plus profond respect la très sainte et auguste Trinité, qui vous prévint sur la terre de tant de bénédictions, qui vous orna de tant de pureté, de foi et de force, qui vous éleva à une si haute sainteté, vous soutint au milieu de vos ennemis et de si horribles supplices, et vous conduisit en triomphe à la gloire éternelle. Nous rendons encore grâces à la très pure vierge Marie, mère de Dieu, reine des martyrs, qui, comme une mère tendre, vous aida de sa puissante protection au milieu de vos tourments. Sainte Martyre, nous espérons que vous nous protégerez vous-même, maintenant que nous honorons vos mérites et votre glorieux triomphe. Ainsi soit-il."
On pourrait aussi se borner à réciter, tous les jours de la neuvaine, la prière suivante, en la faisant précéder et suivre de l'invocation et de l'oraison données plus haut.
PRIÈRE
" Ô très sainte Philomène ! Thaumaturge de notre siècle, me voici prosterné devant ce trône auguste où la très sainte Trinité vous a placée, avec la double couronne de la virginité et du martyre ; je lève vers vous mes mains suppliantes. Quel spectacle de force et de constance ne donnâtes-vous pas au ciel, à la terre, aux anges et aux hommes, lorsque les Césars persécutaient les brebis du Sauveur, et empourpraient l'Église du sang de tant de millions de martyrs ! L'ancre pesante qu'on attacha à votre cou, les eaux mêmes dans lesquelles on vous précipita n'ébranlèrent pas un seul instant la foi que vous aviez jurée à votre céleste époux. Lorsque la main cruelle du bourreau, armée d'un fouet meurtrier, déchirait votre corps virginal, et en faisait ruisseler le sang, on ne vous vit ni pâlir, ni pleurer ; les dards, les chaînes, le glaive même qui acheva le sacrifice, et accéléra pour votre belle âme la juste possession de la gloire, ne purent abattre un seul moment l'ardeur de votre cœur généreux pour l'amant céleste qui était votre tout et vos délices. Maintenant le Seigneur, en récompense de vos peines atroces, pour la gloire de ce lis que vous conservâtes intact au milieu des épines du monde, et pour la confusion de l'impiété de ce siècle corrompu, ce Dieu magnifique a voulu vous glorifier par la puissance de votre intercession. Du levant au couchant, du midi au nord, le bruit de vos prodiges se fait entendre ; les peuples vont en foule se réfugier sous les ailes de votre protection."
" C'est donc à vous, je le répète, c'est à vous, illustre Martyre, que je m'adresse ; je vous tends mes mains suppliantes. Ah ! Du haut de la céleste patrie, daignez jeter un regard sur moi votre humble serviteur (ou servante). Ô vierge pure! Ô sainte martyre Philomène ! Soulagez-moi dans mes afflictions, fortifiez-moi dans les tentations; préservez-moi dans les persécutions ! Aidez-moi dans tous les dangers, mais surtout à l'heure terrible de la mort, lorsque j'aurai à combattre toutes les puissances de l'enfer ; à ce moment redoutable et décisif d'où dépend mon éternité. Dans ces jours ténébreux protégez la sainte Église, que l'impie menace à main armée ; déjouez les desseins des méchants, et maintenez les fidèles dans l'unité de l'Église catholique. Voilà ce que je demande par votre intercession. Ainsi soit-il."
AUTRE NEUVAINE
Se mettre en la présence de Dieu... Invoquer les lumières de L'Esprit Saint (on peut réciter le Veni Creator)...
Réciter trois fois Pater, Ave, Credo, Gloria.
Puis faire cette prière :
" Je m'adresse à vous, illustre martyre, je tends vers vous mes mains suppliantes. Ah ! Du haut de la céleste patrie, daignez jeter un regard sur moi. Ô Vierge pure !
Ô sainte martyre Philomène ! Soulagez-moi dans mes afflictions; fortifiez-moi dans les tentations ; préservez-moi dans les persécutions ; aidez-moi dans tous les dangers, mais surtout à l'heure terrible de la mort, lorsque j'aurai à combattre toutes les puissances de l'enfer, à ce moment redoutable et définitif d'où dépend mon éternité. Dans ces jours ténébreux protégez la sainte Église, que l'impie menace à main armée ; déjouez les desseins des méchants, et maintenez les fidèles dans l'unité de l'Église catholique. Voilà ce que je demande par votre intercession. Ainsi soit-il.
Je vous salue, ô innocente Philomène, qui, pour l'amour de Jésus, avez conservé dans tout son éclat le lis de la virginité.
Je vous salue, ô illustre Philomène, qui avez si courageusement donné votre sang pour la défense de la loi de Jésus-Christ.
Je vous salue, ô célèbre Philomène, arche du salut, qui opérez partout les plus grands prodiges."
Après cette prière, on fera la méditation indiquée pour chaque jour, et on terminera par la prière suivante :
V. Priez pour nous, sainte Philomène.
R. Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ.
Méditation du premier jour
Considérons que sainte Philomène fut vierge et toujours pure... au milieu du monde... malgré la persécution... jusqu'à la mort...
Et moi... N'ai-je pas lieu d'être humilié ?... Ai-je conservé mon innocence ?... Y ai-je attaché quelque prix ?
Résolution pratique : Je me mettrai en garde contre les affections trop naturelles : Je demanderai tous les jours pardon à Dieu de l'avoir tant de fois offensé.
Méditation du deuxième jour
Considérons ce que fit sainte Philomène pour conserver sa pureté... Elle mortifia ses inclinations... elle lutta. Elle fut modeste dans ses sens, dans ses yeux... dans ses oreilles... Elle se tint éloignée du monde et des occasions dangereuses... L'ai-je imitée dans cette vigilance sur moi-même ?
Résolution pratique : Je veillerai sur mes yeux, afin de ne jamais les arrêter sur un objet dangereux. J'éviterai les occasions qui m'ont été funestes...
Méditation du troisième jour
Considérons encore comment sainte Philomène eut et accrut l'amour qu'elle avait pour la pureté parfaite... Elle usa des sacrements... Elle puisa dans la communion fréquente le germe de la virginité... N'ai-je pas les mêmes moyens?...
Résolution pratique : Je m'unirai un peu plus à Dieu par la prière, la méditation, la réception des sacrements. Je me souviendrai que mes membres sont les membres de Jésus-Christ et les temples du Saint-Esprit.
Méditation du quatrième jour
Considérons que sainte Philomène fut martyre… elle eut à souffrir... beaucoup... jusqu'à la mort... elle fut patiente dans les tourments. J'ai rarement à souffrir... peu aussi.., ai-je de la patience, de la résignation ?
Résolution pratique. Pour souffrir un peu, je me priverai de toute superfluité ; je ferai le sacrifice de quelques plaisirs permis ; de tout ce qui flatte la nature... Je supporterai du moins avec patience les douleurs et les contrariétés que le Seigneur m'enverra.
Méditation du cinquième jour
Considérons que sainte Philomène souffrit le martyre pour Jésus-Christ. On voulait lui faire quitter la religion, renier son baptême. Le démon, le monde, la chair me demandent la même chose… J'ai renoncé aux pompes du démon, aux vanités du monde, et cependant n'ai-je pas la faiblesse d'abandonner mon devoir pour le plaisir ?
Résolution pratique : Je vaincrai le respect humain; je ne rougirai plus d'être pieux; je me séparerai des réunions mondaines avec courage : il vaut mieux plaire à Dieu qu'aux hommes.
Méditation du sixième jour
Considérons que sainte Philomène mit en pratique cette parole de Jésus-Christ :
Celui qui ne hait pas sa vie même pour l'amour de moi, celui-là n'est pas mon disciple. Elle sacrifia tout, même ce qu'elle devait le plus aimer. Suis-je disposé à sacrifier mon repos, ma fortune, mes parents, ma vie pour Jésus-Christ ?
Résolution pratique : Je m'habituerai à me détacher des richesses par l'aumône et par la générosité envers l'Église... Je n'aimerai les créatures que pour Dieu et selon Dieu.
Méditation du septième jour
Considérons que sainte Philomène, pour souffrir le martyre, eut à essuyer les railleries, les sarcasmes, les injures de ses persécuteurs... des bourreaux... des spectateurs. Néanmoins elle resta ferme et joyeuse. Si le monde nous dédaigne, nous méprise, nous persécute, en sommes-nous peinés ? Ne cherchons-nous pas un peu l'honneur, et l'estime des autres ?
Résolution pratique : Si le monde nous dédaigne, cherchons la société de Jésus, dans les pauvres que nous soulagerons, dans les enfants que nous instruirons... Je resterai calme, et je ferai même effort pour remercier Dieu, si l'on me dit des paroles brusques, grossières.
Méditation du huitième jour
Considérons que sainte Philomène, en mourant pauvre à toutes les choses d'ici-bas, entra dans la joie de la vie éternelle. Elle savait qu'en perdant des biens périssables, elle recevrait la couronne de justice. Pensons-nous au ciel, quand il s'agit de faire un sacrifice ? Pour avoir tout, perdons tout.
Résolution pratique : Je m'imposerai, dès aujourd'hui, un sacrifice volontaire. Il faut acheter un peu le ciel... Je remplirai exactement tous mes devoirs...
Méditation du neuvième jour.
Considérons que sainte Philomène, pour avoir tout sacrifié à Jésus-Christ, reçoit, non seulement la couronne éternelle, mais de grands honneurs sur la terre. Quelle puissance ! Quels miracles ! Que de pèlerins ! Que de triomphes ! Que d'hommages à ses statues, à ses reliques ! C'est ainsi que Dieu récompense. Soyons fidèles. Ayons courage.
Résolution pratique : J'imiterai les saints, les honorant, les imitant, les invoquant... Aujourd'hui je ferai une œuvre de charité, une aumône en l'honneur de sainte Philomène... Je veux me disposer à faire pour sa fête une bonne et sainte communion.
AUTRES PRIERES
LITANIES DE SAINTE PHILOMÈNE
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous.
Père céleste, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils, qui êtes Dieu, Rédempteur du monde, ayez pitié de nous.
Esprit-Saint, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Sainte Trinité, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.
Sainte Marie, Reine des vierges, priez pour nous.
Sainte Philomène, dont la naissance récompensa la foi de vos parents, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui, jeune encore, avez été agréable à Dieu par votre fidélité, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui avez voué votre virginité à Jésus-Christ, priez pour nous.
Sainte Philomène, dont le cœur fut constamment en garde contre la vanité, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui n'avez désiré de plaire qu'à Jésus-Christ, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui avez vaincu la chair et le monde, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui avez fait généreusement à Dieu le sacrifice de vos affections les plus chères, priez pour nous.
Sainte Philomène, inébranlable à la vue des tourments, priez pour nous.
Sainte Philomène, pleine de confiance en la grâce de Dieu, priez pour nous.
Sainte Philomène, consolée dans votre prison par la divine Marie, priez pour nous.
Sainte Philomène, flagellée comme votre divin Époux, priez pour nous.
Sainte Philomène, percée d'une foule de dards, priez pour nous.
Sainte Philomène, guérie miraculeusement dans la prison, priez pour nous.
Sainte Philomène, conduite pour être précipitée dans le Tibre, priez pour nous.
Sainte Philomène, miraculeusement transportée par les Anges sur le rivage, priez pour nous.
Sainte Philomène, inaccessible, par la protection divine, aux dards enflammés, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui, par votre admirable constance, avez converti les témoins de vos divers supplices, priez pour nous.
Sainte Philomène, qui avez livré généreusement votre tête au fer des bourreaux, priez pour nous.
Sainte Philomène, puissante dans le ciel, priez pour nous.
Du malheur de perdre la foi, préservez-nous, sainte Philomène.
D'une coupable indifférence pour la Religion, préservez-nous, sainte Philomène.
De la lâcheté dans le service de Dieu, préservez-nous, sainte Philomène.
D'une volonté faible dans le bien, préservez-nous, sainte Philomène.
De l'amour du monde et de la vanité, préservez-nous, sainte Philomène.
Du démon de l'orgueil, préservez-nous, sainte Philomène.
Du démon de l'impureté, préservez-nous; sainte Philomène.
De l'amour désordonné de nous-mêmes, préservez-nous, sainte Philomène.
Du respect humain, préservez-nous, sainte Philomène.
Du danger des mauvais exemples, préservez-nous, sainte Philomène.
Du malheur de préférer le service du monde au service de Dieu, préservez-nous, sainte Philomène.
Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, faites-nous miséricorde.
V. Priez pour nous, sainte Philomène,
R. Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ.
Oraison
" Ô glorieuse Vierge ! Ô invincible Martyre sainte Philomène, vous qui, pour l'amour de Jésus, votre Époux, avez enduré tant de tourments, donné votre sang et votre vie en confirmation de cette Religion que j'ai moi-même le bonheur de professer, obtenez-moi une foi vive, une espérance ferme, une ardente charité, et la grâce de... (chacun la spécifie), afin que, servant fidèlement notre Seigneur Jésus-Christ pendant la vie, j'ai le bonheur de le posséder après la mort. Ainsi soit-il."
" Saluts à l'innocente, illustre et célèbre Philomène.
Je vous salue, ô innocente Philomène ! qui, pour l'amour de Jésus, avez conservé dans tout son éclat le lis de la virginité.
Je vous salue, ô illustre Philomène ! qui avez donné si courageusement votre sang pour la défense de la loi de Jésus-Christ.
Je vous salue, ô célèbre Philomène ! arche de salut, qui opérez partout les plus grands prodiges."
Pour demander le détachement du monde
" Ô sainte Philomène, vous vous êtes entièrement détachée du monde où vous appelaient la famille, les plaisirs, les honneurs et la puissance ; et moi je suis les maximes de corruption qu'il professe ; je crains ses railleries, je désire avoir part à ses applaudissements. Ô sainte Philomène, aidez-moi à quitter ces affections frivoles, à briser ces biens criminels. Mais, pour obtenir votre secours, je m'engage à un sacrifice... Tel jour, je me priverai de tel plaisir... je m'abstiendrai de telle... réunion... faites-moi la grâce d'être fidèle à cette résolution."
Pour obtenir la sainte vertu de pureté
" Je vous salue, ô vous qui êtes restée pure, et qui n'avez pas craint de sacrifier votre vie pour sauver votre virginité. Vous me montrez bien en quelle estime je dois avoir cette vertu. Bien des ennemis s'efforcent de me l'enlever, ou du moins d'en tenir l'éclat. Ô aimable et courageuse Vierge, veillez sur moi du haut du Ciel, afin que je sois chaste... Pour vous honorer, pour obtenir plus sûrement votre protection, dès aujourd'hui je prendrai les mesures qui me sont recommandées : Défiance de moi-même, modestie, fréquentation des sacrements, fuite des occasions... Ô chaste Philomène, priez pour moi."
Pour demander l'esprit de sacrifice
" Ô admirable sainte Philomène, vous avez sacrifié votre jeunesse, sacrifié votre avenir, sacrifié votre vie au milieu des tourments, pour rester fidèle à Dieu ; vous avez même exposé vos parents à la fureur d'un tyran. Et moi, j'obéis à peine quand il n'en coûte rien ni à la chair, ni à la nature. Aidez-moi, ô bonne sainte, afin que je sache porter ma croix, accepter l'infortune, me résigner à la maladie ; aidez-moi à accomplir les devoirs même les plus pénibles ; à me montrer franchement chrétien ; à fouler aux pieds le respect humain. Je suis prêt à tout souffrir plutôt que d'offenser Dieu. Seigneur, donnez-moi la grâce d'être fidèle ; je vous le demande par les mérites de sainte Philomène."
Pour demander la persévérance dans le bien
" Vous avez été sauvée, ô illustre martyre, parce que vous avez persévéré jusqu'à la fin. Les supplices qui se sont succédé n'ont jamais lassé votre constance. Et moi, combien de fois ne m'est-il pas arrivé de regarder en arrière ! Souvent, à l'occasion d'une retraite, au Carême, lors d'une grande solennité, j'ai fait sur moi-même un sérieux retour, et pris des résolutions que je disais sincères et fermes. Un instant après je succombais. J'avais dit adieu au monde, et je courais vers lui; j'avais promis de fuir les lieux où ma vertu avait fait plusieurs naufrages, et j'y volais à la première occasion. Cette fois, je veux devenir vertueux, fixer ma volonté, vaincre mon inconstance. Sainte Philomène, vous qui avez été si forte et si courageuse, je vous en conjure, venez à mon secours."
Pour demander une grâce temporelle
" Vous m'avez bien appris, Ô sainte Philomène, que je dois mépriser ce que le monde admire et recherche ; toutefois, vous avez si souvent exaucé vos dévots serviteurs, guéri tant de malades et consolé tant d'affligés, que j'ai recours avec confiance à vous pour vous demander de m'obtenir (spécifier la faveur désirée)... Si cependant ce bien temporel devait nuire à mon salut, je prie Dieu de rejeter ma demande. Je m'unis en tout à la sainte volonté de Dieu..."
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10 juillet. Sainte Félicité et ses sept fils, martyrs à Rome. 150.
- Sainte Félicité et ses sept fils, martyrs à Rome. 150.
Pape : Saint Pïe Ier. Empereur romain : Antonin le Pieux.
" Admirez la bienheureuse Félicité dont nous célébrons aujourd'hui la naissance au ciel ; servante du Christ par sa foi, elle devient sa mère par sa prédication auprès de ses fils : elle ne les perd pas, mais ne fait que les envoyer avant elle au paradis."
Saint Grégoire le Grand, hom. III ; saint Augustin, serm. CX.
Vitrail de sainte Félicité et ses sept fils.
Trois fois en quelques jours, à la gloire de la Trinité, le septénaire va marquer dans la sainte Liturgie le règne de l'Esprit aux sept dons. Félicité, Symphorose, la Mère des Machabées, échelonnent sur la route qui conduit au mois de l'éternelle Sagesse le triple bataillon des sept fils que leur donna le ciel. L'Eglise, que Pierre et Paul viennent de quitter par la mort, poursuit sans crainte ses destinées ; car les martyrs font de leur corps un rempart au dépôt sacré du témoignage apostolique. Vivants, ils sont la force de l'Epouse ; leur trépas ne saurait l'appauvrir : semence de chrétiens (Tertull. Apolog. 50.), leur sang versé dans les tourments multiplie l'immense famille des fils de Dieu. Mystère sublime du monde des âmes ; c'est donc au temps où la terre pleure l'extinction de ses races les plus généreuses, qu'elles font souche dans les cieux pour les siècles sans fin. Ainsi en sera-t-il toujours ; devenue plus rare avec la suite des âges, la consécration du martyre laissera en ce point sa vertu à l'holocauste de la virginité dans la voie des conseils.
La foi d’Abraham fut grande d'avoir espéré, contre toute espérance, qu'il serait le père des nations en cet Isaac qu'il reçut l'ordre un jour d'immoler au Seigneur ; la foi de Félicité aujourd'hui est-elle moindre, lorsqu'à l'immolation sept fois renouvelée des fruits de son sein, elle reconnaît le triomphe de la vie et la bénédiction suprême donnée à sa maternité ? Honneur à elle, comme à ses devancières, comme aux émules que suscitera son exemple ! Nobles sources, épanchant l'abondance de leurs eaux sur le sable aride du désert, elles recueillent le dédain des sages de ce siècle ; mais c'est par elles que la stérile gentilité se transforme à cette heure en un paradis du Seigneur, par elles encore qu'après le défrichement du premier âge le monde verra sa fertilité maintenue.
Marc Aurèle venait de monter sur le trône impérial, où dix-neuf ans de règne n'allaient montrer en lui que le médiocre écolier des rhéteurs sectaires du second siècle. En politique comme en philosophie, le trop docile élève ne sut qu'épouser les étroites et haineuses idées de ces hommes pour qui la lumineuse simplicité du christianisme était l'ennemie. Devenus par lui préfets et proconsuls, ils firent de ce règne si vanté le plus froidement persécuteur que l'Eglise ait connu. Le scepticisme du césar philosophe ne l'exemptait pas au reste de la loi qui, chez tant d'esprits forts, ne dépossède le dogme que pour mettre en sa place la superstition. Par ce côté la foule, tenue à l'écart des élucubrations de l'auteur des Pensées, retrouvait son empereur ; césar et peuple s'entendaient pour ne demander de salut, dans les malheurs publics, qu'aux rites nouveaux venus d'Orient et à l'extermination des chrétiens. L'allégation que les massacres d'alors se seraient perpétrés en dehors du prince, outre qu'elle ne l'excuserait pas, ne saurait se soutenir ; c'est un fait aujourd'hui démontré : parmi les bourreaux de tout ce que l'humanité eut jamais de plus pur, avant Domitien, avant Néron lui-même, stigmatisé plus qu'eux de la tache du sang des martyrs, doit prendre place Marc Aurèle Antonin.
Sainte Félicité et ses fils devant leur juge. Bernardino Pocetti. XVIe.
La condamnation des sept fils de sainte Félicité fut la première satisfaction donnée par le prince à la philosophie de son entourage, à la superstition populaire, et, pourquoi donc hésiter à le dire si l'on ne veut en plus faire de lui le plus lâche des hommes, à ses propres sentiments. Ce fut lui qui, personnellement, donna l'ordre au préfet Publius d'amener à l'apostasie cette noble famille dont la piété irritait les dieux ; ce fut lui encore qui, sur le compte rendu de la comparution, prononça la sentence et arrêta qu'elle serait exécutée par divers juges en divers lieux, pour notifier solennellement les intentions du nouveau règne. L'arène, en effet, s'ouvrait à la fois sur tous les points, non de Rome seule, mais de l'empire ; l'intervention directe du souverain signifiait aux magistrats hésitants la ligne de conduite qui ferait d'eux les bienvenus du pouvoir. Bientôt Félicité suivait ses fils ; saint Justin le Philosophe expérimentait la sincérité de l'amour apporté par César à la recherche de la vérité ; toutes les classes fournissaient leur appoint aux supplices que le salut de l'empire réclamait de la haute sagesse du maître du monde : jusqu'à ce que sur la fin de ce règne qui devait se clore, comme il avait commencé, comme il s'était poursuivi, dans le sang, un dernier rescrit du doux empereur amenât les hécatombes où Blandine l'esclave et Cécile la patricienne réhabilitaient par leur courage l'humanité, trop justement humiliée des flatteries données jusqu'à nos temps à ce triste prince.
Jamais encore le vent du midi n'avait à ce point fait de toutes parts couler la myrrhe et les parfums dans le jardin de l'Epoux (Cant. IV, 16 ; V, 1.) ; jamais contre un effort aussi prolongé de tousses ennemis, sous l'assaut combiné du césarisme et de la fausse science donnant la main aux hérésies du dedans, jamais pareillement l'Eglise ne s'était montrée invincible dans sa faiblesse comme une armée rangée en bataille (Ibid. VI, 3.). L'espace nous manque pour exposer une situation qui commence à être mieux étudiée de nos jours, mais reste loin d'être pleinement comprise encore. Sous le couvert de la prétendue modération antonine, la campagne de l'enfer contre le christianisme atteint son point culminant d'habileté à l'époque même qui s'ouvre par le martyre des sept Frères honorés aujourd'hui. Les attaques furibondes des césars du troisième siècle, se jetant sur l'Eglise avec un luxe d'atrocités que Marc Aurèle ne connut pas, ne seront plus qu'un retour de bête fauve qui sent lui échapper sa proie.
Sainte Félicité et ses fils devant leur juge.
Les choses étant telles, on ne s'étonnera pas que l'Eglise ait dès l'origine honoré d'un culte spécial le septénaire de héros qui ouvrit la lutte décisive dont le résultat fut la preuve qu'elle était bien désormais invincible à tout l'enfer. Et certes, le spectacle que les saints de la terre ont pour mission de donner au monde (I Cor. IV, 9.) eut-il jamais scène plus sublime ? S'il fut combat auquel purent applaudir de concert et les anges et les hommes, n'est-ce pas celui du 10 juillet 162, où, sur quatre points à la fois des abords de la Ville éternelle, conduits par leur héroïque mère, ces sept fils de l'antique patriciat engagèrent l'assaut qui devait, dans leur sang, arracher Rome aux parvenus du césarisme et la rendre à ses immortelles destinées ?
Quatre cimetières, après le triomphe, obtinrent l'honneur d'accueillir dans leurs cryptes sacrées les dépouilles des martyrs ; tombes illustres, qui devaient en nos temps fournir à l'archéologie chrétienne l'occasion des plus belles découvertes et l'objet des plus doctes travaux. Aussi loin qu'il est possible de remonter à la lumière des plus authentiques monuments, le VI des ides de juillet apparaît, dans les fastes de l'Eglise Romaine, comme un jour célèbre entre tous, en raison de la quadruple station conviant les fidèles aux tombeaux de ceux que par excellence on nommait les Martyrs. L'âge de la paix maintint aux sept Frères une dénomination d'autant plus glorieuse, au sortir de la mer de sang où sous Dioclétien l'Eglise s'était vue plongée; des inscriptions relevées dans les cimetières mêmes qui n'avaient pas eu la faveur de garder leurs restes, désignent encore au IVe siècle le 11 juillet sous l'appellation de lendemain du jour des Martyrs.
En cette fête de la vraie fraternité qu'exalte l'Eglise (Resp. VIII ad Matut., et Versus alleluia.), deux sœurs vaillantes partagent l'honneur rendu aux sept Frères. Un siècle avait passé sur l'empire. Les Antonins n'étaient plus. Valé-rien, qui d'abord sembla vouloir comme eux mériter pour sa modération les éloges de la postérité, venait de glisser sur la pente sanglante à son tour : frappant à la tête, il décrétait du même coup l'extermination sans jugement des chefs de l'Eglise, et l'abjuration sous les peines les plus graves de tout chrétien d'une illustre origine.
Rufine et Seconde durent aux édits nouveaux de croiser leurs palmes avec celles de Sixte et de Laurent, de Cyprien et d'Hippolyte. Elles étaient de la noble famille des Turcii Asterii que de modernes découvertes ont également remis en lumière. En s'en tenant aux prescriptions de Va-lérien, qui n'ordonnait contre les femmes chrétiennes que la confiscation et l'exil, elles eussent paru devoir échapper à la mort ; mais leur crime de fidélité au Seigneur était aggravé par le vœu de la sainte virginité qu'elles avaient embrassée : leur sang mêla sa pourpre à la blancheur du lis qui avait leur amour. La Basilique Mère et Maîtresse garde, près du baptistère de Constantin, les reliques des deux sœurs ; le second siège cardinalice des princes de la sainte Eglise est placé sous leur protection puissante, et joint à son titre de Porto celui de Santa-Rufina.
Sainte Félicité encourage ses saints fils.
Sainte Félicité était une dame romaine distinguée par sa vertu et par sa naissance. Mère de sept enfants, elle les éleva dans la crainte du Seigneur. Après la mort de son mari, elle servit Dieu dans la continence et ne s'occupa plus que de bonnes oeuvres. Ses exemples, ainsi que ceux de sa famille, arrachèrent plusieurs païens à leurs superstitions, en même temps qu'ils encourageaient les chrétiens à se montrer dignes de leur vocation. Les prêtres païens, furieux de l'abandon de leurs dieux, la dénoncèrent.
Elle comparut, avec ses pieux enfants, devant le juge, qui l'exhorta à sacrifier aux idoles, mais reçut en réponse une généreuse confession de foi :
" Malheureuse femme, lui dit-il alors, comment avez-vous la barbarie d'exposer vos enfants aux tourments et à la mort ? Ayez pitié de ces tendres créatures, qui sont à la fleur de l'âge et qui peuvent aspirer aux premières charges de l'État.
– Mes enfants, reprit Félicité, vivront éternellement avec Jésus-Christ, s'ils sont fidèles ; ils doivent s'attendre à d'éternels supplices, s'ils sacrifient aux idoles. Votre pitié apparente n'est donc qu'une cruelle impiété."
Se tournant ensuite vers ses enfants :
" Regardez, leur dit-elle, regardez le Ciel, où Jésus-Christ vous attend avec Ses Saints."
Le juge, prenant les enfants séparément, essaya d'ébranler leur constance. Il commença par Janvier; mais il en reçut cette réponse :
" Ce que vous me conseillez de faire est contraire à la raison ; le Sauveur Jésus, je l'espère, me préservera d'une telle impiété."
Félix, le second, fut ensuite amené. Comme on le pressait de sacrifier, il répondit :
" Il n'y a qu'un seul Dieu, et c'est à Lui que nous devons offrir le sacrifice de nos coeurs ; employez tous les artifices, tous les raffinements de la cruauté, vous ne nous ferez pas trahir notre foi !"
Les autres frères, interrogés, répondirent avec la même fermeté. Martial, qui parla le dernier, dit :
" Tous ceux qui ne confessent pas que Jésus-Christ est le vrai Dieu seront jetés dans un feu qui ne s'éteindra jamais."
L'interrogatoire fini, les Saints souffrirent la peine du fouet et furent ramenés en prison; bientôt ils achevèrent leur sacrifice de différentes manières. Janvier fut frappé jusqu'à la mort avec des fouets garnis de plomb ; Félix et Philippe furent tués à coups de massue ; Sylvain fut jeté, la tête en bas, dans un précipice ; Alexandre, Vital et Martial eurent la tête tranchée. Félicité, mère de ces nouveaux Macchabées, subit le martyre la dernière.
Martyre de sainte Félicité et de ses saints fils.
Il y avait sur la voie Salarienne une église bâtie en l'honneur et sur la tombe de sainte Félicité. C'est dans cette église que saint Grégoire le Grand prêcha sa troisième homélie sur les évangiles le jour de la fête de la sainte martyre.
Comme sainte Félicité n'eut que des garçons, on l'invoque pour en obtenir. Rappelons que selon une antique tradition, constatée dans les faits à de multiples reprises, le septième garçon d'une fratrie chrétienne possède des dons de thaumaturge.
PRIERE
" Enfants, louez le Seigneur ; chantez celui qui, dans sa maison, donne à la stérile une couronne de fils." ( Introit. diei.).
Ainsi l'Eglise ouvre aujourd'hui ses chants. Etait-elle donc stérile, Ô Martyrs, la mère glorieuse qui vous avait donnés tous les sept à la terre ? Mais la fécondité qui s'arrête à ce monde ne compte pas devant Dieu ; ce n'est point elle qui répond à la bénédiction tombée des lèvres du Seigneur, au commencement, sur l'homme fait par lui son semblable (Gen. I, 26-28.). Saint et fils de Dieu, c'était une lignée sainte, une race divine (Act. XVII, 29.), qu'il recevait mission de propager par le Croissez et multipliez du premier jour. Ce que fut la première création, toute naissance devait l'être : l'homme était réservé à ce degré d'honneur de ne communiquer sa propre existence à d'autres hommes ses semblables, qu'en leur donnant avec elle la vie du Père qui est aux cieux ; celle-ci devait être aussi inséparable de la vie naturelle qu'un édifice l'est du fondement qui le porte, et, dans l'intention de Dieu, la nature appelait la grâce non moins que le cadre appelle l'œuvre d'art pour laquelle il est fait.
Trop tôt le péché brisa l'harmonie des lignes du plan divin ; la nature fut violemment séparée de la grâce, et ne produisit plus que des fils de colère (Eph. II, 3.). Le Dieu riche en miséricorde (Ibid. 4.) n'abandonnait point cependant les projets de son amour immense ; lui qui dès la première création nous eût voulus pour fils, nous créait comme tels à nouveau dans son Verbe fait chair (Ibid. 10.). Ombre d'elle-même, ne donnant plus directement naissance aux fils de Dieu, l'union d'Adam et d'Eve était découronnée de cette gloire près de laquelle eussent pâli les sublimes prérogatives des esprits angéliques ; mais elle restait la figure du grand mystère du Christ et de l'Eglise (Ibid. V. 32.).
La maternité s'était dédoublée. Stérile pour Dieu, confinée dans la mort qu'elle avait attirée sur sa race, l'ancienne Eve ne pouvait plus qu'en participation de la nouvelle mériter son titre de mère des vivants (Gen. III, 20.). A cette condition toutefois de s'incliner devant les droits de celle que l'Adam nouveau a choisie comme Epouse, l'honneur demeurait grand pour elle, et il lui était loisible de réparer en partie sa déchéance. Mieux que la fille de Pharaon sauvant Moïse et le confiant à Jochabed, l'Eglise allait dire à toute mère au sortir des eaux :
" Recevez cet enfant, et me le nourrissez." ( Ex. II, 9.).
Et humblement soucieuse de répondre à la confiance de l'Eglise, saintement fière de revenir aux intentions premières de Dieu pour elle-même, toute mère chrétienne allait faire sienne, en son labeur redevenu plus qu'humain, cette parole d'un amour dépassant la nature :
" Mes petits enfants, que j'enfante de nouveau, " jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous !" ( Gal. IV, 19.).
Martyre de sainte Félicité et de ses fils. Ecole française du XVIIe.
Honte à celle qui mettrait en oubli la destinée supérieure appelant le fruit de son sein aux honneurs de la filiation divine ! Le crime serait pire que d'étouffer en lui par négligence ou calcul, dans une éducation exclusivement préoccupée des sens, l'intelligence qui distingue l'homme des animaux soumis à son empire. La vie divine n'est pas moins nécessaire à l'homme, en effet, pour atteindre sa fin, que la vie raisonnable ; n'en point tenir compte, laisser dépérir le germe divin déposé dans l'âme d'un enfant à sa nouvelle naissance au bord de la fontaine sacrée, serait pour une mère replonger dans la mort l'être fragile qui lui devait l'existence.
Elle avait autrement compris sa mission votre illustre mère, Ô Martyrs ! Et c'est pourquoi l'Eglise, qui se réserve de nous rappeler sa mémoire sainte au jour où, quatre mois après vous, elle quitta notre terre, fait néanmoins de la fête présente le principal monument de sa gloire. C'est elle que célèbrent surtout et les lectures et les chants du Sacrifice (Introit., Epist., Evang., Commun.), et les instructions de l'Office de la nuit (Lect. VI, et Homil. diei.). C'est qu'en effet servante du Christ par la foi, proclame saint Grégoire, elle est aujourd'hui devenue sa mère, selon la parole du Seigneur même, en l'engendrant sept fois dans les fils que lui avait donnés la nature. Après vous avoir rendus si pleinement tous les sept à votre Père du ciel, que sera son propre martyre, sinon la fin trop longtemps retardée du veuvage, l'heure toute de joie (Prov. XXXI, 25.) qui la réunira dans la gloire à ceux qui sont devenus doublement ses fils ?
Dès ce jour donc qui fut pour elle la journée du labeur sans être encore celle de la récompense, à cette date où la mère passa sept fois par les tortures et la mort et dut accepter par surcroît la continuation de l'exil, il convenait qu'on vît se lever les fils (Ibid. 28.) et renvoyer à qui de droit l'honneur du triomphe. Car dès maintenant, tout exilée qu'elle reste encore, la pourpre, teinte non pas deux (Ex. XXV, 4, etc.) mais sept fois, est son vêtement (Prov. XXXI, 22.) ; les plus riches des filles d'Eve (Ibid. 29.) s'avouent dépassées par cette débordante fécondité du martyre ; ce sont ses œuvres mêmes qui la louent aujourd'hui dans l'assemblée des Saints (Ibid. 31.). Puissent donc en ce jour et les fils et la mère, puissent les deux nobles sœurs associées à leur triomphe, écouter nos vœux, protéger l'Eglise, rappeler le monde aux enseignements contenus dans les exemples de leur vie !"
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10 juillet. Saint Pasquier, ou saint Pasquaire ou encore saint Pascharius, évêque de Nantes, confesseur. VIIe.
Dom Lobineau. Eloge de saint Pasquaire.
Statue de saint Pasquier. Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.
Pasquier naquit à Nantes. Ayant reçu une bonne éducation et s'étant pénétré de l'importance du Salut, il renonça au monde, qui lui offrait cependant des avantages temporels, mais au milieu duquel il est si aisé de se perdre, et se consacra au Seigneur, en embrassant l'état ecclésiastique.
Sa vertu le fit choisir pour remplir le siège de Nantes, après la mort de l'évêque Harco, qui l'occupait et qui n'est connu que de nom. Les Saints, pénétrés des maximes de l'Evangile dont l'humilité est une des principales, ont toujours fui l'élévation et les honneurs ; aussi Pasquaire réclama-t-il fortement contre son élection, et ne se soumit-il à recevoir la consécration épiscopale que lorsqu'il vit clairement que telle était la volonté de Dieu.
Connaissant toute l'importance de la charge pastorale et l'étendue des devoirs qu'elle impose, il s'acquitta de ses obligations avec l'exactitude et le zèle d'un homme animé de l'Esprit de Dieu. Il s'appliqua surtout à bien régler son clergé, à instruire son peuple et à soulager les pauvres, auxquels il distribua tout son patrimoine, qui était considérable.
Quoiqu'il s'adonnât tout entier au service du prochain et qu'il n'épargnât rien pour éclairer et amener au Salut les âmes confiées à ses soins, il sentait néanmoins qu'il n'opérait pas tout le bien qu'il aurait voulu faire.
Eglise Saint-Pasquier de Nantes. Bretagne.
Son désir était d'avoir de pieux coopérateurs qui eussent prêché autant par leurs exemples que par leurs discours, et dont la vie régulière et pénitente pût servir à tous de modèle. Parlant un jour à son troupeau de la vie monastique, son discours toucha tellement ses auditeurs qu'ils montrèrent le plus grand empressement à obtenir de ces hommes de Dieu, qui devaient les éclairer par leurs paroles et les édifier par leur sainte vie.
Voyant son peuple dans des dispositions si bienveillantes, Pasquier envoya au monastère de Fontenelle, auprès de saint Lambert qui en était abbé, des personnes de confiance pour lui demander quelques-uns de ses moines, afin de les établir dans le diocèse de Nantes. Répondant aux voeux du saint évêque, le vénérable abbé lui envoya 12 de ses frères, à la tête desquels se trouvait le célèbre saint Hermeland. Ils arrivèrent bientôt à Nantes, et leur premier soin fut d'aller dans l'église de Saint-Pierre implorer le secours du Ciel et en attirer les bénédictions sur leur entreprise.
Informé de leur présence dans le lieu saint, Pasquier, plein de joie, va les trouver, les reçoit comme des anges, et bénit Dieu de ce que, remplissant son désir le plus ardent, Il donnait à son diocèse des hommes qui loueraient sans cesse la sainte Trinité et l'aideraient à mener les âmes au Salut.
Après avoir passé quelque temps avec eux dans des entretiens de piété, il les conduisit dans l'île d'Aindre (ou Indre), placée au milieu de la Loire et distante de Nantes de deux lieues. Il les y établit.
Les autres actions du saint pasteur ne nous sont pas connues ; mais son zèle pour la sanctification de son troupeau, et sa charité envers saint Hermeland et ses compagnons, sont autant de titres qui prouvent combien est fondé le culte que lui rend depuis longtemps son Eglise. Il mourut vers le commencement du VIIIe siècle, le 10 juillet, jour auquel il est honoré dans le diocèse de Nantes. Sa fête y était célébrée autrefois du rite double. On ne voit pas que son corps ait été jamais levé de terre, et l'on ignore où se trouve son tombeau.
Rq : On lira la notice que consacre dom Lobineau à saint Pasquier. Très courte, elle précède la notice de saint Hermeland (fêté au 25 novembre), qui succéda à saint Pasquier, et sur lequel nous avons d'amples renseignements :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114592x.pagination
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mardi, 09 juillet 2024
9 juillet. Les 19 martyrs de Gorkum, à La Brille en Hollande. 1572.
- Les 19 martyrs de Gorkum, à La Brille en Hollande. 1572.
Pape : Saint Pie V ; Grégoire XIII. Roi d'Espagne : Philippe II. Chef des révolutionnaires calvinistes : Guillaume d'Orange-Nassau.
" C'est une grande vertu que celle qui, assaillie et presque écrasée par l'effort des persécuteurs, n'a pas cédé le terrain ni faillie à la loi de Dieu."
Saint Ambroise. Sub psalm. CXVIII.
Les dix-neuf martyrs de Gorkum, canonisés le 29 juin 1867 par Pie IX, appartiennent au martyrologe des Pays-Bas pendant les guerres de religion. Le récit de leur martyre a été écrit par un théologien de grand mérite, Guillaume Estius, dont l'ouvrage demeure la principale et à peu près l'unique source historique des événements qui s'accomplirent à Gorcum et à Brielle en 1572, " et cette source, écrit Mgr le Recteur de l'Université de Louvain, présente des garanties exceptionnelles d'authenticité ". Il suffit, pour s'en convaincre, de connaître le caractère de l'auteur et les conditions dans lesquelles il composa son oeuvre.
Guillaume Estius naquit à Gorcum en 1541, d'une ancienne et noble famille qui se distinguait par son attachement à la foi catholique. Il fit ses humanités au collège de Saint-Jérôme, à Utrecht, où enseignait avec éclat le célèbre Georges Macropedius. Il vint à Louvain en 1557 pour y suivre les cours de la Faculté des Arts ; il entra à la pédagogie du Faucon. En 1561, il obtint le grade de maître ès arts. Il fut plus tard chargé de l'enseignement de la philosophie dans cette même pédagogie dont il avait été l'un des plus brillants élèves. Il y remplit pendant dix ans les fonctions de professeur de philosophie.
Mais les sciences théologiques avaient particulièrement fixé l'attention d'Estius ; il avait pris les grades du baccalauréat et de la licence en théologie, et, tout en enseignant la philosophie, il se préparait lentement à tenter la difficile épreuve du doctorat. La pro-motion solennelle au grade de docteur en théologie eut lieu le 22 novembre 1580. Peu de temps après il fut appelé à l'Université de Douai, qui, récemment fondée, se glorifiait d'être la fille de l'Université de Louvain ; il y professa l'Écriture sainte et la théologie ascétique pendant un grand nombre d'années. Il mourut à Douai, en odeur de sainteté, le 20 septembre 1613. Ses admirables travaux sur les saintes Ecritures, ainsi que sur les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard et sur la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, placent Estius au premier rang des maîtres de la science.
Tel est l'auteur de l'Histoire des martyrs de Gorkum, un savant de premier ordre et un saint. Disons maintenant dans quelles conditions il a composé cette histoire.
Rappelons que Guillaume Estius était le neveu de l'un des principaux [martyrs], le bienheureux Nicolas Pic, gardien du couvent de Gorcum ; la mère de notre historien était la propre soeur du martyr. Estius était lié d'amitié, non seulement avec son oncle Nicolas Pic, mais encore avec le Père Jérôme et les deux curés de Gorcum, Léonard Véchel et Nicolas Poppel ; il connaissait personnellement Godefroid Dunée, prêtre séculier de Gorkum, et plusieurs autres martyrs.
L'année même du martyre, en 1572, Estius rédigea une courte relation de l'événement. Mais ce travail n'était pas destiné au public. Voici comment en parle l'auteur :
" L'année même de la mort des martyrs, j'envoyai à un ami qui habitait Cologne un rapide et très court récit de leurs glorieux combats et de leurs souffrances ; il trouva bon de publier, à mon insu, cet écrit indigeste et improvisé."
Estius ajoute que cette relation n'est pas rigoureusement exacte en tout, parce qu'il n'avait pas encore pu réunir et contrôler tous les renseignements nécessaires. Nous ne voyons aucune divergence grave entre ce premier récit et le grand ouvrage publié trente ans plus tard par le savant écrivain ; les quelques inexactitudes que se reproche la conscience sévère de l'auteur ne portent que sur des points tout à fait secondaires.
Dès ce moment, Guillaume Estius songeait vraisemblablement à écrire une histoire sérieuse et complète de ces graves événements. Son frère, Rutger Estius, qui lui-même avait été associé pendant quelque temps aux martyrs dans la citadelle de Gorkum, s'était chargé de recueillir tous les documents propres à éclairer tout ce qui les concernait, et il le fit avec une sollicitude digne de la cause qu'il avait à coeur de servir.
Martyre de deux des dix-neuf saints martyrs de Gorkum.
Durant les deux années qui suivirent la mort des confesseurs de la foi, il consacra presque tout son temps à fixer par écrit ses souvenirs personnels et à s'enquérir des faits auprès des témoins oculaires, alors encore fort nombreux, ou de personnes à qui ceux-ci les avaient racontés ; il annotait sur-le-champ ce qui lui était communiqué par des gens graves, contrôlant ensuite avec soin les divers témoignages, rejetant ce qui lui paraissait douteux ou le notant comme incertain. Il fit ce travail avec la conscience délicate d'un rapporteur d'une cause capitale qui redoute jusqu'à l'ombre d'une légère exactitude. Toutes ces notes furent remises à Guillaume Estius. Celui-ci nous apprend que, malgré la confiance que lui inspiraient les renseignements fournis par son frère, il crut devoir les sou-mettre à un nouvel et sévère examen ; il connaissait , lui-même beaucoup de faits par des témoins dignes de foi. L'auteur ne publia son oeuvre qu'en 1603.
L'an 1572, pendant le règne du défunt roi d'Espagne, Philippe second, et au nom de Sa Majesté le feu duc d'Albe était gouverneur ès Pays-Bas. Par toute la Hollande et Zélande, la faction des séditieux et ennemis de Dieu et du roi (qui communément étaient appelés Gueux après les premiers troubles de l'an 1566), par la grâce de Dieu, et par le ministère de la duchesse de Parme (gouvernante pour lors en ces pays pour le roi catholique) et par la prudence d'autres princes et seigneurs avait été heureusement éteinte et assoupie.
Derechef, à l'occasion de quelque tribut (dont le prétexte couvrait leur méchanceté) croissaient les Gueux peu à peu en nombre et en force, et même ils avaient déjà réduit sous leur puissance la Brile, Flessingue et l'Ecluse, villes maritimes, très commodes et propres à leurs desseins. Ils ont aussi peu de temps après, par une émotion populaire, occupé une des principales villes de Hollande, appelée Dordrecht, distante de six heures de chemin la ville de Gorkum, appelée anciennement Gorincheim, ville capitale du territoire et ressort d'Arckel, ou Herculen, qui n'est pas grande de circuit, mais peuplée, et bien assise pour le trafic, à savoir sur le bord de la Meuse, et en lieu commode pour la navigation.
La citadelle de Gorkum où nos saints Martyrs
Quand on y vint rapporter que Dordrecht était prise par les Gueux, cette nouvelle inquiéta les affectionnés catholiques, et principalement ceux qui étaient les plus engagés au ministère de l'Église, car ils n'ignoraient pas quel était l'ennemi, dont ils avaient déjà expérimenté la cruauté par plusieurs effets remarquables récemment survenus. Les Gueux, par une astucieuse et cauteleuse iniquité, mêlaient la cause de la religion avec l'intérêt d'État, arguant du poids des charges et impôts dont il prétendaient que les Espagnols les accablassent.
Il advint ainsi que la haine injustement conçue contre l'Espagnol s'est généralement tournée contre toute sorte de catholiques, et principalement contre les ecclésiastiques, les religieux et tous autres de l'état sacerdotal, comme étant principaux et les plus signalés de l'Église catholique. De là est arrivé pour la prospérité des succès des Gueux et hérétiques, que les catholiques ont été, non sans cause, extrêmement épouvantés, et en très grande crainte et perplexité, principalement ès lieux proches de ceux qui avaient été récemment ruinés. Tel était l'état des affaires au territoire de Gorcom après les tumultes et révoltes de Dordrecht.
Il y avait dans la cité de Gorkum un monastère de religieux de la règle de Saint-François militant sous l'enseigne de Jésus-Christ, qui était fort recommandable, non tant pour la splendeur du lieu et de la structure des bâtiments, ou du nombre des religieux, que pour la sincère observance de la bonne discipline maintenue et exercée entre eux. Ils n'étaient pas sans grande crainte, ayant l'ennemi si proche, car ils étaient bien avertis et informés de la cruauté et haine irréconciliable des Gueux à l'encontre de ceux de leur profession.
En ce même temps il y avait en ce monastère un gardien de sainte et innocente vie, appelé Nicolas Pic, natif de la même ville, dont la vertu et premièrement le zèle et l'ardente affection à l'accroissement de la religion, a produit et rendu plusieurs notables et singuliers effetst. Or dès le commencement des troubles, il était souvent visité par un sien neveu, fils de sa soeur, nommé Roger Estius, très dévot jeune homme et affectionné catholique. Il racontait à son oncle tous les bruits qui couraient partout des actes indignes et cruels que les Gueux nouvellement avaient perpétrés contre les catholiques ; les uns tourmentés d'horrible cruautés, d'autres chassés honteusement, même ils avaient violé les vierges consacrées à Dieu pour assouvir leur turpitude et sacrilège cupidité. Entre autres,il lui parlait d'un de Gorkum qui pour avoir commis le crime de lèse-majesté divine et humaine, était contraint de s'absenter, et vivant en pirate sur la mer, pillait et volait les catholiques. A l'aide de ses complices il avait indignement assailli son concitoyen, voisin et compagnon d'étude, nommé Cnobbaut, catholique, et pour cette cause particulièrement haï, au pays de Waterland, où il avait une ferme et métairie, et y demeurait alors. Après s'être emparé de sa maison et l'avoir entièrement pillée, il l'avait emmené sur son navire, où l'ayant cruellement battu et outragé, lui avait coupé le nez et les oreilles, et enfin l'avait fait pendre au mât. Comme il était ainsi pendu, ce pirate et ses compagnons ne cessèrent de le tirer de lard brûlant qu'ils avaient mis par petits morceaux en leurs escopettes, jusqu'à ce qu'il eût rendu la vie. S'ils font tels actes aux séculiers, disait ce jeune homme, que feront-ils aux ecclésiastiques ?
Il y avait en cette ville de Gorkum deux curés, Léonard Vechel et Nicolas Poppel, tous deux hommes excellents et doctes, d'une grande intégrité de vie, et qui, paissant salutairement leur troupeau, veillaient sur lui avec une grande diligence. Mais principalement Léonard. Car outre qu'il était plus âgé, et plus célèbre par la doctrine et l'éloquence, il avait acquis sur le peuple plus de créance et d'autorité. Ces bons curés, pendant qu'il y eut apparence de conserver la ville contre les ennemis, n'omettaient rien de ce qu'ils jugeaient leur devoir, afin d'exciter et confirmer les volonté et courage des citoyens pour la défense et conservation d'icelle. Premièrement, ils s'emploient à garder les murailles, ils exhortent et encouragent tous, grands et petits, qui avaient charge de garder et défendre les portes et remparts, et les induisent, tant qu'ils peuvent, à persévérer en une confiance virile.
Procession annuelle à Gorkum. Hollande.
De là ils vont en la place publique de la ville, où les arquebusiers citoyens jurés étaient assemblés, et par une grave, sérieuse et solide remontrance, les admonestent, exhortent, et prient très instamment, qu'en ce grand danger ils se montrent et soient affectionnés et vertueux ; qu'ils combattent vaillamment pour la garde et défense de la sainte religion ; qu'ils conservent et entretiennent le serment et la foi qu'ils ont solennellement donnés au roi et à la ville. Bien qu'il y en eût assez sur l'esprit desquels cette exhortation avait force et efficace, plusieurs néanmoins mus et empêtrés de différentes passions, ont semblé ne prêter les oreilles ni incliner leurs volontés à ce qui leur était dit; même certains recevaient ces enseignements et exhortations salutaires avec risée. Après donc que les pasteurs eurent tenté tous les moyens, et qu'ils virent la multitude disposée à recevoir en la cité les ennemis, qui promettaient toute prospérité et libre exercice de la religion, ils retournent, et se retirent en la citadelle, où déjà ils s'étaient retirés et avaient pendant quelques nuits précédentes fait leur demeure pour la sûreté de leurs personnes.
Après s'être réfugiés dans la citadelle de Gorkum, celle-ci, par traitrise, tomba entre les mains des Gueux et les ecclésiastique furent emprisonnés et pressés de toutes manières.
Premièrement ils demandent que l'on leur montre les trésors de l'Eglise. Mais comme la constance du personnage ne s'émeut par menace, ils se préparent à user de force. Ils le mettent devant eux et le tiennent de telle façon en arrêt, qu'il ne se peut mouvoir, ni tourner d'un côté ni d'autre. Ils lui présentent devant la bouche une escopette, chargée d'une balle et poudre à canon, bandée et amorcée de ce qu'il lui faut, comme s'ils voulaient promptement tirer contre lui. Lors donc avec un âpre et cruel reproche, ils lui commandent de dire, s'il ose, ce que plusieurs fois il avait prêché en ses sermons, l'injuriant de ces mots :
" Vois-tu là, prêtre, où est maintenant ta bouche et ta victoire, toi qui tempêtant en la chaire, as tant de fois babillé et crié que tu mourrais volontiers pour ta foi ? Or sus donc, parle clairement, et réponds si tu es prêt à faire preuve maintenant de tes héroïques paroles, et sceller ta doctrine par la mort."
A cela le saint personnage répondit librement :
" Je souffrirai volontiers la mort pour la foi catholique et la créance au corps et sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ être vraiment contenus au Saint-Sacrement, sous les espèces de pain et de vin."
Après cette confession, n'attendant plus que de mourir incontinent, il s'écria à haute voix, de telle sorte qu'il était entendu par presque toute la citadelle, disant :
" Mon Dieu, mon Seigneur et Maître, je recommande mon esprit en vos mains."
Cependant le soldat n'osa pas lâcher l'escopette qu'il tenait contre la bouche du curé, Dieu retenant la main de ce barbare, afin de réserver iceluy pour témoin de sa vérité à un plus grand sujet de patience et à une plus grande gloire. Mais ces soldats, irrités par cette vertu et ne désespérant pas encore de découvrir les trésors de l'Eglise, essaient de trouver une autre voie pour extorquer une confession de ce qu'ils prétendaient savoir. Après avoir ôté la ceinture de corde à l'un des frères mineurs, ils enserrent avec elle le col au curé Poppel et attachent l'autre partie à la porte de la prison, alors le tirant en haut d'une grande forge et violence, et derechef le laissant abaisser, comme ils recommençaient souvent, peu s'en fallait que lui serrant trop fort la corde, ils ne lui étouffassent le passage de la vie. Ils le pressent alors instamment de déclarer où sont les trésors. Mais le voyant persévérer en sa première déclaration, et enfin qu'après beaucoup de tourments il était défailli et dénué de ses forces naturelles, et presque sans âme, ils le délient, et le poussent arrière d'eux. Il revient peu à peu à soi et reprend son esprit. Mais toutefois le noble confesseur de Jésus-Christ a toujours gardé la marque de la corde autour du col ; on la vit continuellement jusqu'à sa mort.
Par la suite, les écclésiastiques furent emmenés à La Brille où le comte de Lumey ordonna leur pendaison après des traitements immondes que l'on lira dans les deux relations indiquées en remarques ci-dessous.
Le comte de Lumey, chef calviniste rapace et
CATALOGUE DES DIX-NEUF MARTYRS OCCIS TOUS ENSEMBLE A LA BRILLE
Les onzes frères Mineurs du monastère de Gorkum :
Saint Nicolas Pic, natif de Gorcom, gardien.
Saint Jérôme de Werde, vicaire.
Saint Théodore de Emden, natif d'Amorsfort.
Saint Nicaise, fils de Jean, natif de Heze.
Saint Wilhade de Dannemark.
Saint Godefroy de Meruel, sacristain.
Saint Antoine de Werde.
Saint Antoine de Hornare.
Saint François de Roy, natif de Bruxelles.
Saint Pierre d'Asque, frère lai.
Saint Cornille de Wyck, frère lai.
Les noms des huit autres qui ont été mis â mort avec les susdits :
Saint Léonard Vechel, natif de Boisleduc, pasteur de Gorcom.
Saint Nicolas Poppel, natif de Welde, l'autre pasteur de Gorcom.
Saint Godefroy Duneus, natif de Gorcom.
Saint Jean Oosterwyck, chanoine régulier de Saint-Augustin.
Saint Jean, de l'ordre des Frères prêcheurs.
Saint Adrien de Beke, de l'ordre de Prémontrés.
Saint Jacques Lacop, natif d'Audenarde, du même ordre.
Saint André Walteri, pasteur de Heinorte.
A ceux-ci est ajouté pour le vingtième, saint Guillaume de Gaude, frère mineur, martyrisé à Gertruyberghe.
Les noms d'aucuns autres desquels par occasion nous avons dit les martyres :
Saint Théodore de Gaude, chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin.
Saint Jacques de Gaude, religieux du même ordre.
Saint Cornille de Sconhoue, du même ordre.
Saint Gaspard, aussi du même ordre.
Saint Jean Rixtel, de l'ordre de Saint-Jérôme.
Saint Adrien le Tisseran, natif de Gaude, pareillement de l'ordre de Saint-Jérôme.
Saint Cornille Musius, natif de Delft, théologien et poète.
Saint Cornille Musius. Eminent théologien, poête, compositeur.
Rq :
- On lira très avantageusement avec piété et émotion la relation que donne Guillaume Estius des terribles épreuves que souffrirent pour la plus grande gloire de Notre Seigneur ces très grands Martyrs. Les bêtes féroces calvinistes se surpassèrent en cruauté et en bestialité : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0007.htm...
- On lira la relation qu'en donnent les Petits Bollandistes (T. VIII, pp. 196 et suiv.) qui apporte de précieuses indications quant au culte et aux reliques de nos saints martyrs : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307386
- On lira enfin le livre remarquable de monsieur l'abbé Patrick Chauvière mis en ligne par les très heureux soins de la bibliothèque Saint-Libère : http://www.liberius.net/livres/000000550.pdf
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lundi, 08 juillet 2024
8 juillet. Saint Thibaud de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay. 1247
- Saint Thibaud de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay (1) au diocèse de Versailles. 1247.
Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis (Louis IX).
" Jamais Saint, après saint Bernard, n'a plus aimé la sainte Vierge, et s'il est vrai que celui qui invoque Marie est assuré de son salut, ii ne faut point douter que saint Thibaud ne soit admis dans les tabernacles éternels."
Anonyme : Eloge de saint Thibaud.
Saint Thibaud de Marly recoit saint Louis et Marguerite de Provence.
Vitrail offert par la comtesse Potocka.
Eglise Saint-Eloi. Le Perray-en-Yvelines. XIX.
Saint Thibaud (ou Thibauld, Thibaut, Thibault ou encore Théobald) était fils de Bouchard, seigneur de Marly, de l'ancienne maison de Montmorency, et de Mathilde ou Mahaud de Châteaufort, personnes également nobles et vertueuses. Marly fut le lieu de sa naissance et de son éducation. Il fut l'aîné de trois garçons et d'une fille, arrière-petit-fils de Mathieu, premier du nom, connétable de France sous Louis le Jeune. On lui fit apprendre très-peu les belles-lettres, mais tous les exercices propres à la noblesse de cette époque il y devint fort habile il n'y en avait point qui sût mieux monter à cheval et faire des armes, ni qui se distinguât davantage dans les jeux publics, les courses de la bague et les tournois.
Cependant il ne négligeait pas la piété, et surtout il avait une singulière dévotion envers la sainte Vierge, qu'il honorait comme sa bonne Mère et sa chère Maîtresse ce fut aussi cette dévotion qui donna lieu à son entière conversion. Car, allant un jour à un célèbre tournoi, où plusieurs seigneurs devaient lutter contre lui, comme il passait devant une église, il entendit sonner une messe il descendit de cheval, entra dans l'église et entendit la messe tout entière avec d'autant plus de dévotion, qu'on la célébrait en l'honneur de la sainte Vierge; après la messe, il piqua vers ses compagnons ; mais il fut bien surpris de les voir venir au-devant de lui, pour le complimenter de la victoire qu'il avait remportée dans les jeux. Il en témoigna d'abord quelque étonnement; mais reconnaissant aussitôt, à ce qu'ils disaient, que son bon ange avait pris sa figure et qu'il avait jouté en sa place, il ne s'en expliqua pas davantage. Se retirant alors dans l'église d'où il venait, après avoir rendu grâces à la Mère de Dieu d'une si insigne faveur, il fit vœu de quitter le monde et de renoncer à toutes les grandeurs et aux satisfactions que le siècle lui promettait.
Saint Thibaud de Marly. Image pieuse. XIX-XXe.
L'abbaye des Vaux-de-Cernay était alors très-florissante. Notre Saint s'y retira à peine eut-il pris l'habit, qu'on vit briller en lui toutes les vertus religieuses. Ses compagnons, qui ne pouvaient le suivre, admiraient sa modestie, son silence, son humilité, sa ferveur, son assiduité à l'oraison, et surtout son esprit doux et maniable, qui était comme une cire molle entre les mains de ses supérieurs. Les plus anciens bénissaient Dieu de leur avoir envoyé un jeune homme qui joignait à la noblesse de son sang et aux perfections de son corps, une âme si bien née et tant de rares qualités spirituelles. Comme il n'avait presque point étudié, on lui donna un maître, qui lui apprit, en peu de temps, ce que l'on apprend dans les écoles publiques. Sa vertu croissant toujours avec l'âge, on l'élut prieur du monastère, et, quelque temps après, l'abbé Richard, sous lequel il avait exercé cette charge avec une prudence singulière, étant décédé, il fut mis en sa place. Il résista quelque temps à cette inclination de ses confrères ; mais, ne pouvant leur faire changer de résolution, il fut obligé de se rendre à leurs instantes prières. Comme ils ne l'avaient élu qu'après une longue épreuve de sa justice et de sa charité, ils n'eurent pas sujet de se repentir de leur choix. Ils eurent en lui un supérieur sage, vigilant, miséricordieux, rempli de compassion pour les besoins de ses frères et toujours prêt à les secourir.
Saint Thibaud ne crut pas que l'abbé dût avoir d'autres droits et priviléges que d'être l'exemple de sa maison, et de surpasser autant les autres religieux dans toutes les vertus monastiques qu'il les surpassait en dignité. Son humilité était si prodigieuse, qu'il n'y avait point d'emploi dans le monastère, quelque vil qu'il fût, auquel il ne s'abaissât avec joie. Il se chargeait souvent d'allumer les lampes de l'église, du dortoir et de l'infirmerie ; il nettoyait les souliers et les habits de ses frères ; il chantait au chœur, à son tour, les répons qu'on fait ordinairement chanter aux plus jeunes clercs. Il ne faisait point de difficulté de servir d'aide aux maçons, et de porter des pierres et du mortier sur ses épaules pour avancer les bâtiments de son couvent. Enfin, il était si pauvrement vêtu, qu'il l'emportait en cela sur le dernier des frères convers. Ces pratiques d'humilité étant sues dans l'Ordre de Cîteaux, les abbés lui en firent un reproche au Chapitre général, où sa qualité l'obligea de se trouver ; mais il leur ferma aussitôt la bouche en leur disant qu'ils ne le reprendaient pas et ne trouveraient pas à redire à sa conduite, s'il était venu bien monté et qu'ils lui vissent un habit précieux et éclatant.
Abbaye des Vaux-de-Cernay (1). Cernay. Île-de-France. France.
Ce qui le rendait surtout admirable, c'était sa dévotion et sa tendresse pour la très Sainte Vierge Marie ; il pensait continuellement à elle et il avait l'adresse de rapporter à sa gloire tout ce qu'il disait et tout ce qu'il faisait. Lorsqu'on écrivait des livres pour le chœur, il voulait qu'on formât toujours son nom en lettres rouges quand il l'entendait prononcer, son amour lui faisait dire ces belles paroles : " Nom suave de la bienheureuse Vierge, Nom vénérable, Nom béni, Nom ineffable, Nom aimable dans toute l'éternité ".
S'il passait devant le grand autel, où était le Saint-Sacrement, il disait d'un cœur plein de joie « Béni soit Jésus-Christ, fils de Dieu, qui, par sa naissance temporelle, a rempli d'une gloire indicible Notre-Dame, sa très-digne et très-glorieuse Mère H. On lui dit un jour qu'il pouvait y avoir de l'excès dans cette affection pour la Vierge Marie, parce qu'il semblait qu'il partageât son cœur entre Dieu et elle, et que Jésus-Christ n'en eût pas l'entière possession. Mais il satisfit à cette plainte par une réponse aussi chrétienne que modeste :
" Sachez que je n'aime la Sainte Vierge autant que je fais, que parce qu'elle est la Mère de mon Seigneur Jésus-Christ ; que si elle ne l'était point, je ne l'aimerais pas plus que les autres saintes vierges. Ainsi, c'est Jésus-Christ même que j'aime, que j'honore et que je révère en elle."
Il ajoutait qu'il ne doutait nullement qu'elle ne fût élevée au-dessus de tous les anges et de tous les élus, et qu'elle ne méritât, par conséquent, d'être aimée par-dessus toutes choses après Dieu.
Croix de l'autel de l'abbatiale des Vaux de Cernay.
Ce grand amour lui méritait souvent la vue, l'entretien et les saintes caresses de cette auguste Reine. Il fut aussi un jour consolé par une vision de la très-adorable Trinité, et il apprit, en cette occasion, que Dieu prenait un singulier plaisir lorsqu'on chantait avec ferveur le cantique des trois enfants de la fournaise de Babylone. L'abbé de Clairvaux rendit témoignage de ce fait après la mort de Thibaud, à la cérémonie de l'élévation de son corps. Ses prières étaient si efficaces, qu'elles obtenaient de Dieu tout ce qu'il lui demandait.
Nous en avons deux exemples mémorables :
1. Un jour, un novice de son monastère, violemment tenté, voulait renoncer à la vie religieuse le maître des novices n'oublia rien pour lui faire connaître que c'était un artifice du démon mais ce fut inutilement. Le saint abbé l'alla trouver lui-même, et, dans la ferveur de son zèle, lui dit tout ce qu'un père plein de charité peut dire à son enfant pour l'empêcher de se perdre mais il ne gagna rien. Enfin, il le pria d'attendre au moins jusqu'au lendemain, pour exécuter une si funeste résolution ce qu'il n'obtint qu'avec peine. Après Complies, il se mit en oraison pour lui, et la continua durant toute la nuit, mais avec tant de succès, que le lendemain on trouva le novice si changé, si confus de sa légèreté, si résolu de persévérer dans sa vocation, qu'il protesta qu'il ne sortirait pas pour tous les trésors du monde.
2. La reine Marguerite, femme de saint Louis, n'ayant point d'enfant, en était toute désolée, et la France entière avec elle. On faisait partout des prières pour elle. Saint Thibaud, animé de l'esprit de Dieu, dit qu'on ne devait point désespérer si vite, et que Dieu prié avec persévérance viendrait au secours du royaume de France. En effet, les prières du Saint furent d'une telle efficacité que la reine eut plusieurs enfants. Cette princesse en fut si reconnaissante envers saint Thibaud, qu'après sa mort elle vint à son sépulcre, et, s'étant prosternée le visage contre terre, elle lui rendit ses devoirs comme à son singulier bienfaiteur.
Saint Louis et Marguerite de Provence visitant saint Thibaud.
Sans enfants, les époux royaux allèrent visiter notre Saint
et lui offrirent une corbeille de fleurs. Saint Thibaut la bénit
et onze lys s'épanouirent soudain, figurant les onze enfants
qu'allaient avoir le roi et la reine.
Joseph Marie Vien. Chapelle du Petit-Trianon. Versailles. XVIIIe.
Ce grand homme ne sortait qu'à regret de son abbaye, et, lorsqu'il était dehors, il était comme un poisson hors de l'eau :
" Ô mon âme, ton Bien-Aimé, celui que tu cherches et que tu désires n'est pas ici ; retournons, je te prie, à Vaux-de-Cernay, c'est là que tu le trouveras, que tu converseras avec lui et que tu auras le bonheur de le voir par la foi dans l'oraison, en attendant que tu le voies face à face et tel qu'il est en lui-même."
Il ajoutait encore, dans la crainte de se trop dissiper :
" Retourne, Sunamite (2), à ton monastère, retournes-y promptement, et là tu adoreras ton Dieu avec plus de dévotion et de sûreté."
" Plût à Dieu, dit à ce sujet un savant auteur de l'Ordre de Saint-Benoît, que ces religieux éventés, qui ne se plaisent que hors de leur cloître, fissent réflexion sur ces paroles ; ils aimeraient la solitude plus qu'ils ne font, et ne mettraient pas toute leur affection à faire des voyages inutiles et à converser avec des séculiers !"
Notre Saint ne pouvait trouver d'autre consolation que celle qui lui venait de Dieu ; il était la plupart du temps retiré dans sa cellule où, pour tout mets, on lui apportait du pain bis et de l'eau. Si, pendant ce temps-là, il lui venait des lettres du dehors, même de la part des prélats et des grands seigneurs, on les mettait sur la petite fenêtre de son oratoire, pour en avoir réponse, sans pour cela l'interrompre ni lui parler.
Saint Louis et Marguerite de Provence visitant saint Thibaud.
Joseph Marie Vien. Dessin préparatoire.
Chapelle du Petit Trianon. Versailles. XVIIIe.
Il avait un soin particulier de rapporter à Dieu tout ce qu'il voyait ou entendait. Etant à la cour de saint Louis, où un musicien récréait la compagnie, il fut élevé à une haute contemplation de la sainteté divine et des joies du paradis, de sorte que les larmes lui en coulèrent des yeux avec abondance ce qui fit dire à ce saint roi que Thibaud avait trouvé le secret de convertir la joie temporelle en une joie spirituelle, et de tirer profit des pertes d'autrui.
Enfin, la vie et la conversation de ce saint Abbé étaient si édifiantes, que son monastère, bien loin de relâcher de la rigueur de l'observance sous son gouvernement, devint un monastère encore plus régulier et plus austère qu'il n'était auparavant de sorte qu'on l'appelait communément la jon'soH de l'Ordre, et qu'il n'y avait que les plus fervents religieux qui souhaitassent d'y demeurer. Guillaume de Paris chargea aussi Thibaud du gouvernement des religieuses de Port-Royal, à deux lieues et demie de Vaux-de-Cernay. Ce ne fut pas l'unique monastère de religieuses que notre Saint fut obligé de prendre sous sa direction on lui confia celui du Trésor, dans le Yexin, entre Gisors et Mante. Il gouverna de plus une abbaye d'hommes, appelée Breuil-Benoît, fille de celle de Vaux-de-Cernay et mère de celle de la Trappe, au diocèse de Séez.
Il vécut ainsi jusqu'à l'année 1247. Dieu, pour récompenser ses travaux et couronner ses mérites, lui envoya une maladie qui fut l'instrument de sa délivrance et le chemin par lequel il arriva à une mort bienheureuse. Son corps fut d'abord enterré dans la chapelle, où la reine Marguerite, et, depuis, Philippe le Hardi, son fils, le visitèrent.
Pierre tombale de Saint Thibault de Marly :
" Hic jacet Theobaldus abbas " (Ci-gît Thibauld, abbé).
Abbatiale ruinée de l'abbaye des Vaux de Cernay. Aujourd'hui.
Quatorze ans après, il fut levé de terre et transféré dans une chapelle, où on l'a toujours honoré depuis. On trouva sa cuculle entière et si bien conservée, que l'abbé Geoffroy, un de ses successeurs, s'en servit le reste de sa vie en certains jours de cérémonie. Les miracles qui se sont faits et qui se font continuellement à son tombeau sont sans nombre.
Nous avons tiré ce récit du martyrologe monastique, commenté par Hugues Menard, et du ménologe de Citeaux, commenté par Henriquez. MM. de Sainte-Marthe, auteurs consciencieux, en parlent aussi dans le rang des abbés des Vaux-de-Cernay.
Reliques de saint Thibault de Marly. Eglise Saint-Brice.
Cernay la Ville. Île-de-France. France.
Rq : Certaines illustrations, dont la photographie inédite des saintes reliques de saint Thibaud, ornent et réhaussent cette notice. Que leur auteur, pieux dévot de saint Thibaud, épous et père d'une grande famille, soit ici remercié et chaleureusement porté avec tous les siens dans les prières du lecteur.
1. Valles Cernaii ou Sarnaii, abbaye de l'Ordre de Cîteaux, fondée l'an 1128 par Simon, seigneur de Neaufle-le-Château (ou Neaufle-le-Chatelet), connétable du roi, et par son épouse Eva, qui y furent tous deux inhumés. Elle était située à l'extrémité du diocèse de Paris : on dit même qu'une partie de ses domaines et les bâtiments appartenaient au diocèse de Chartres. L'église était sous l'invocation de la sainte Vierge et de saint Jean-Baptiste. Vaux-de-Cernay est aujourd'hui au diocèse de Versailles.
Cette abbaye déclina à la fin du XIVe siècle. Relevée au XVIIe et XVIIIe, mise sous le régime épouvantable de la commende, elle était en décadence au moment de la révolution. " Vendue " comme " Bien national " (c'est-à-dire volée à l'Eglise et aux Catholiques, et bradée à quelque bourgeois sans scrupule), elle tomba dans les griffes Rothschild en 1873 qui en firent une résidence de plaisance (!?). En 1946, l'avionneur Félix Amiot la racheta au rejeton qui l'avait héritée et y installa ses ateliers d'ingénierie. Vendue à nouveau dans les années 80, elle abrite aujourd'hui un hôtel...
2. La Sulamite (ou Sunamite) est un personnage du Cantique des cantiques. Le premier verset du Chapitre 7 du Cantique des cantiques commence ainsi : " Reviens, reviens, la Sulamite, reviens, reviens !"
L'étymologie du nom " Shulammite " est généralement rapportée à la Shunammite du roi David. Celle-ci, prénommée Abishag, apparaît en I Rs I, 2-4. Les Shunammites sont originaires de la ville de Shunem ou Sunam (II Rs, IV, 8-37 ; Jos XIX, 18 ; I Sm, XXVIII, 4), qui se trouve aujourd'hui dans Sôlem.
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