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dimanche, 24 mars 2024

25 mars. Saint Richard de Paris, enfant, martyr. 1180.

- Saint Richard de Paris, enfant, martyr. 1180.

Pape : Alexandre III. Roi de France : Philippe II, Auguste.

" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."
" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."
Prudence.

Sur la fin du règne de Louis VII, en France, et au commencement de celui de Philippe-Auguste, son fils, qui régna quelque temps avec lui, on vit à Paris un fait presque semblable à celui dont nous parlions hier, arrivé dans la ville de Norwich ; le martyr était aussi en âge de raison, et ainsi sa victoire fut plus remarquable et plus glorieuse.

C'était un jeune garçon appelé Richard, de fort bonne famille, âgé seulement de douze ans. Les Juifs s'en étant saisis vers la fête de Pâques, l'attirèrent en leur maison et le conduisirent en un caveau sous terre. Le chef de la synagogue, l'interrogeant sur sa croyance et sur ce que lui enseignaient ses parents, il répondit avec une fermeté digne d'un vrai Chrétien :
" Je ne crois qu'en Dieu le Père tout-puissant, et en Jésus-Christ, son Fils unique, né de la Vierge Marie, crucifié et mort sous Ponce-Pilate."

Le rabbin, offensé de cette profession de foi si pleine de candeur, adressa la parole aux Juifs complices de son crime, et leur commanda de le dépouiller et de le fouetter cruellement. L'exécution suivit aussitôt le commandement le saint jeune homme étant dépouillé, fut battu avec une fureur qui ne pouvait convenir qu'à des enfants de la race de Chanaan. Tandis que quelques-uns le traitaient de la sorte, les autres, qui étaient spectateurs de la tragédie, lui crachaient au visage, et, par un horrible mépris de la foi chrétienne qu'il professait, proféraient mille blasphèmes contre la divinité de Jésus-Christ, au lieu que le martyr le bénissait sans cesse, ne prononçant point d'autres paroles, parmi tous ces tourments, que le nom sacré de JÉSUS.

Lorsque ces tigres se furent suffisamment délectés de ce premier supplice, ils relevèrent sur une croix, et lui firent souffrir toutes les indignités que leurs, sacrilèges ancêtres avaient autrefois fait endurer sur le Calvaire a notre divin Sauveur cependant leur barbarie ne put ébranler le courage du Martyr; mais, retenant toujours l'amour de Jésus en son cœur, il ne cessa jamais de l'avoir en la bouche, jusqu'à ce qu'enfin son petit corps, affaibli par la douleur, laissa sortir son âme avec un soupir, et avec le même nom adorable de Jésus.

Une impiété si détestable, commise au milieu d'un royaume très-chrétien, ne demeura pas impunie. Le roi voulait même exterminer tous les Juifs qui se trouvaient en France, parce que presque partout on les accusait de crimes semblables, outre leurs usures il se contenta de les bannir du royaume.

Dieu voulut rendre illustre la mémoire du saint Martyr, qui était mort pour la cause de son fils. Le tombeau qu'on lui avait érigé en un cimetière appelé des Petits-Champs, devint célèbre par les miracles qui s'y opéraient tous les jours ; ce qui engagea les chrétiens de lever son saint corps de terre et de le porter solennellement en l'église des Innocents, où il a demeuré jusqu'à ce que les Anglais, s'étant rendus en quelque façon les maîtres de la France, et particulièrement de Paris, sous le faible roi Charles VI, enlevèrent ce précieux trésor pour l'honorer en leur pays, alors catholique, et ne nous laissèrent que son chef. Il se voyait encore au XVIIIe siècle, en cette même église des Innocents, enchâssé dans un riche reliquaire.

L'histoire du martyre de saint Richard a été composée par Robert Gaguin, général de l'Ordre de la Très-Sainte Trinité elle se trouve aussi dans les Annales et les Antiquités de Paris ; dans le martyrologe des Saints de France, et dans plusieurs historiens qui ont écrit les gestes de nos rois.

Particulièrement dans Scipion Duplex, lorsqu'il traite du règne de Philippe-Auguste, en l'année 1180, cet auteur remarque, avec le cardinal Baronius, au deuxième tome de ses Annales, que, huit ans auparavant, d'autres Juifs avaient commis un crime semblable en la ville de Nordwich, en Angleterre, en la personne d'un enfant, appelé Guillaume, comme nous l'avons vu hier.

Polydore Virgile parle de cet enfant en son Histoire d'Angleterre, ainsi que le religieux Robert du Mont, en son supplément à Sigebert.

Nous avons déjà cinq saints innocents martyrisés par les Juifs : Siméon, à Trente, Janot, au diocèse de Cologne, Guillaume, à Nordwich, Hugues à Lincoln, et notre Richard, à Paris.

Nous pouvons encore y en ajouter un cinquième, dont parle Raderus en sa Bavière sainte, à savoir, un nommé Michel, jeune enfant de trois ans et demi, fils d'un paysan, nommé Georges, du village de Sappendelf, auprès de la ville de Naumbourg. Les Juifs l'ayant enlevé le dimanche de la Passion, pour satisfaire leur rage contre les chrétiens, l'attachèrent à une colonne, où ils le tourmentèrent, l'espace de trois jours, par d'étranges cruautés ainsi ils lui ouvraient les poignets et le dessus des pieds, et lui faisaient diverses incisions en forme de croix, par tout le corps, pour en tirer tout le sang. Il mourut dans ce supplice l'an de Notre-Seigneur 1340.

Ajoutons que les Juifs étant devenus l'objet d'une telle haine générale, les Papes et les conciles les sauvèrent seuls, souvent du moins, de la fureur du peuple et des édits de proscription des princes. On en fit dans certaines contrées, dans certaines villes, d'affreux massacres, ou on les obligea, par les menaces et les tortures, d'embrasser le christianisme.

Alexandre II, pour ne citer que deux exemples, loua les évêques espagnols qui s'étaient opposés à ces violences ; le cinquième concile de Tours (1273), défendit aux croisés de persécuter les Juifs.

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Le dimanche des Rameaux. Suite et fin.

- Le dimanche des Rameaux. Suite et fin.


L'Agonie de Notre Seigneur Jésus-Christ dans
le Jardin des Olives. Andrea Mantegna. XVe.

Alors Jésus vint avec eux en un lieu appelé Gethsémani, et dit à ses disciples :
" Asseyez-vous ici, pendant que j'irai là pour prier. Et avant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença de tomber en grande tristesse. Alors il leur dit :
" Mon âme est triste jusqu'à la mort ; demeurez ici, et veillez avec moi."
Et s'étant éloigné un peu, il se prosterna sur sa face, priant et disant :
" Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ; cependant, non pas comme je veux, mais comme vous voulez."
Ensuite il vint à ses disciples, et les trouvant endormis, il dit à Pierre :
" Ainsi vous n'avez pu veiller une heure avec moi ? Veillez et priez pour ne point entrer en tentation ; l'esprit est prompt, mais la chair est faible."
Il s'en alla une seconde fois et pria, disant :
" Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté se fasse."
Et il vint de nouveau, et les trouva encore endormis ; car leurs yeux étaient appesantis. Et les laissant, il s'en alla encore, et pria une troisième fois, disant les mêmes paroles. Ensuite il revint à ses disciples, et leur dit :
" Dormez maintenant et reposez-vous ; voici que l'heure approche où le Fils de l'homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons : celui qui doit me trahir est près d’ici."



L'Agonie de Notre Seigneur Jésus-Christ dans
le Jardin des Olives. Ivoire. Flandres. XVe.

Il parlait encore, lorsque Judas, un des douze, arriva, et avec lui une troupe nombreuse, armée d'épées et de bâtons, envoyée par les princes des prêtres et les anciens du peuple. Or celui qui le livrait leur avait donné un signe, disant :
" Celui que je baiserai, c'est lui : arrêtez-le."
Et aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit :
" Salut, Maître ! Et il le baisa."
Et Jésus lui dit :
" Mon ami, qu'es-tu venu faire ?"
Alors les autres s'approchèrent, mirent la main sur Jésus, et se saisirent de lui.


Et voilà qu'un de ceux qui étaient avec Jésus, étendant la main, tira son épée, et, frappant un serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille. Alors Jésus lui dit :
" Remets ton épée en son lieu : car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne puisse pas prier mon Père, et il m'enverrait aussitôt plus de douze légions d'Anges ? Comment donc s'accompliront les Ecritures qui déclarent qu'il doit être fait ainsi ?"
En même temps Jésus dit à cette troupe :
" Vous êtes venus à moi avec des épées et des bâtons, comme pour prendre un voleur. Assis dans le Temple, j'y enseignais chaque jour, et vous ne m’avez pas pris. Or tout cela s'est fait pour que s’accomplisse ce qu'avaient écrit les Prophètes."
Alors tous les disciples, l'abandonnant, s'enfuirent.



Le baiser de Judas et l'arrestation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Giotto. Chapelle Scrovegni. Padoue. XIVe.

Et les gens qui s'étaient saisis de Jésus l'emmenèrent chez Caïphe, prince des prêtres, où s'étaient assemblés les scribes et les anciens du peuple. Pierre le suivait de loin, jusque dans la cour du prince des prêtres ; et y étant entré, il s'assit avec les serviteurs pour voir la fin. Or les princes des prêtres et toute l'assemblée cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mourir. Et ils n'en trouvèrent point, quoique beaucoup de faux témoins se fussent présentés. Enfin il vint deux faux témoins, qui dirent :
" Celui-ci a dit : " Je puis détruire le Temple de Dieu, et le rebâtir après trois jours "."
Et le prince des prêtres, se levant, lui dit :
" Vous ne répondez rien à ce que ceux-ci témoignent contre vous."
Et Jésus se taisait. Le prince des prêtres lui dit :
" Je vous adjure par le Dieu vivant de nous dire si vous êtes le Christ Fils de Dieu."
Jésus lui répondit :
" Vous l'avez dit. Au reste, je vous déclare qu'un jour vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la Vertu de Dieu, et venant sur les nuées du ciel."
Alors le prince des prêtres déchira ses vêtements, disant :
" Il a blasphémé ; qu'avons-nous encore besoin de témoins ! Vous venez d'entendre le blasphème. Que vous en semble ?"
Ils répondirent :
" Il mérite la mort."
Alors ils lui crachèrent au visage, et le frappèrent avec le poing ; d'autres lui donnèrent des soufflets, disant :
" Christ, prophétise-nous qui est-ce qui t'a frappé ?"



Notre Seigneur Jésus-Christ devant Caïphe.
Email peint sur plaque de cuivre. XIVe.

Cependant Pierre était assis dans la cour, et une servante s'approchant, lui dit :
" Et toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen. Mais il le nia devant tous, disant :
" Je ne sais ce que tu dis."
Et comme il était à la porte pour sortir, une autre servante le vit, et dit à ceux qui étaient là :
" Celui-ci était aussi avec Jésus le Nazaréen."
Il le nia une seconde fois avec serment, disant :
" Je ne connais point cet homme."
Peu après, ceux qui se trouvaient là, s'approchant de Pierre, lui dirent :
" Certainement toi aussi, tu es de ces gens-là : ton langage même te décèle."
Alors il se mit à jurer avec exécration qu'il ne connaissait point cet homme. Et aussitôt le coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole que lui avait dite Jésus : " Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois ". Et étant sorti dehors, il pleura amèrement.



Le reniement de saint Pierre.
Duccio di Buoninsegna. Cathédrale de Sienne. XIVe.

Le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir. Et l'ayant lié, ils l'emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce Pilate. Alors Judas, celui qui le trahit, voyant qu'il était condamné, se repentit et reporta les trente pièces d'argent aux princes des prêtres et aux anciens, disant :
" J'ai péché, en livrant le sang innocent."
Mais ils lui dirent :
" Que nous importe ? C'est ton affaire."
Sur quoi, ayant jeté l'argent dans le Temple, il se retira, et alla se pendre.



Suicide de Judas. Sculpture. Gislebertus.
Cathédrale Saint-Lazare d'Autun. Bourgogne.

Mais les princes des prêtres ayant pris l'argent, dirent :
" Il n'est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c'est le prix du sang."
Et s'étant consultés entre eux, ils en achetèrent le champ d'un potier pour la sépulture des étrangers. C'est pourquoi ce champ est encore aujourd'hui appelé Haceldama, c'est-à-dire le champ du Sang. Alors fut accompli ce qu'avait dit le prophète Jérémie : " Ils ont reçu trente pièces d'argent prix de celui mis à prix suivant l'appréciation des enfants d'Israël ; et ils les ont données pour le champ d'un potier, comme le Seigneur me l'a ordonné ".



Notre Seigneur Jésus-Christ devant Pilate.
Email peint sur plaque de cuivre. XVe.

Jésus comparut donc devant le gouverneur ; et le gouverneur l'interrogea, disant :
" Etes-vous le Roi des Juifs ?"
Jésus lui répondit : " Vous le dites."
Et comme les princes des prêtres et les anciens l'accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit :
" N'entendez-vous pas combien de choses ils disent contre vous ?"
Mais à tout ce qu'il lui dit, il ne répondit rien, de sorte que le gouverneur s'étonnait grandement.
Au jour de la fête de Pâques, le gouverneur avait coutume de délivrer un prisonnier, celui que le peuple voulait. Il y en avait alors un fameux nomme Barabbas. Comme donc ils étaient tous assemblés, Pilate dit :
" Lequel voulez-vous que je vous délivre, Barabbas, ou Jésus, qu'on appelle le Christ ?"
Car il savait qu'ils l'avaient livré par envie. Pendant qu'il siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya dire :
" Ne prends aucune part à l'affaire de ce juste ; car j'ai été aujourd'hui étrangement tourmentée en songe à cause de lui."
Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas, et de faire périr Jésus. Le gouverneur donc leur dit :
" Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ?"
Ils lui répondirent :
" Barabbas."
Pilate leur dit :
" Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle le Christ ?"
Tous dirent :
" Qu'il soit crucifié."
Le gouverneur leur dit :
" Quel mal a-t-il fait ?"
Mais ils criaient encore plus fort, disant :
" Qu'il soit crucifié."
Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte croissait de plus en plus, se fit apporter de l'eau, et se lavant les mains devant le peuple, il dit :
" Je suis innocent du sang de ce juste : vous en répondrez."
Et tout le peuple dit :
" Que son sang soit sur nous et sur nos enfants."



Pilate se lavant les mains. Mattia Preti - Il Calabrese. XVIIe.

Alors il leur délivra Barabbas ; et, après avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour être crucifié.
Les soldats du gouverneur le menèrent dans le prétoire ; et toute la cohorte s'assembla autour de lui. Et, l'ayant dépouillé, ils jetèrent sur lui un manteau de pourpre. Et tressant une couronne d'épines, ils la mirent sur sa tête, et un roseau dans sa main droite ; et, fléchissant le genou devant lui, ils le raillaient, disant :
" Salut, Roi des Juifs."



La Flagellation et le Couronnement d'Epines de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Maître de Cappenberg. Flandres. XVIe.

Et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau, et en frappaient sa tète. Après s'être ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l'emmenèrent pour le crucifier.

Comme ils sortaient, ils trouvèrent un homme de la Cyrénaïque, nommé Simon, qu'ils contraignirent de porter sa croix. Et ils vinrent au lieu appelé Golgotha, qui est le lieu du Calvaire. Et ils lui donnèrent à boire du vin mêlé avec du fiel ; et, l'ayant goûté, il n'en voulut pas boire. Après qu'ils l'eurent crucifié, ils se partagèrent ses vêtements, en les tirant au sort, afin que s'accomplit ce qu'avait dit le Prophète :
" Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma robe au sort ".

Et s'étant assis, ils le gardaient. Et au-dessus de sa tête ils mirent un écriteau portant le sujet de sa condamnation : " Jésus, Roi des Juifs ". En même temps, ils crucifièrent avec lui deux voleurs, l'un à sa droite l'autre à sa gauche. Les passants le chargeaient d'injures, branlant a tête et disant :
" Eh bien ! Toi qui détruis le Temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, que ne te sauves-tu toi-même ? Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix."



Le Portement de la Croix. Jérôme Bosch. XVe.

Les princes des prêtres aussi, avec les scribes et les anciens, disaient en se moquant de lui :
" Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même. S'il est le Roi d'Israël, qu'il descende maintenant de sa croix, et nous croirons en lui. Il se confie en Dieu : que Dieu maintenant le délivre, s'il l'aime ; car il a dit : " Je suis le Fils de Dieu "."
Les voleurs qu'on avait crucifiés avec lui, lui adressaient les mêmes reproches.
Or, depuis la sixième heure jusqu'à la neuvième, les ténèbres couvrirent toute la terre. Et vers la IXe heure, Jésus jeta un grand cri, disant :
" Eli, Eli, lamma sabacthani ?"
C’est-à-dire :
" Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?"
Ce qu'entendant quelques-uns de ceux qui étaient là, ils disaient :
" Il appelle Elie."
Et aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge qu'il emplit de vinaigre et la mettant au bout d'un roseau, il lui présenta à boire. Les autres disaient :
" Attendez, voyons si Elie viendra le délivrer."
Mais Jésus, de nouveau jetant un grand cri, rendit l'esprit.


La Crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Lucas Cranach. XVIe.

Ici l'historien fait une pause dans sa lecture, pour honorer par un acte solennel de deuil la mort du Sauveur des hommes. Toute l'assistance se met à genoux, et demeure quelque temps dans le silence. En bien des lieux, on se prosterne et on baise humblement la terre. Le Diacre reprend ensuite son récit :



" Consumatum est." La Crucifixion sur le Golgotha.
Jean-Léon Gérôme. XIXe.

Et voilà que le voile du Temple se déchira en deux du haut jusqu'en bas, et la terre trembla : les pierres se fendirent, et les tombeaux s'ouvrirent ; et plusieurs corps de saints qui s'étaient endormis se levèrent, et sortant de leurs sépulcres après sa résurrection, ils vinrent dans la cité sainte, et furent vus de plusieurs.
Le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, voyant le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d'une grande crainte, et dirent :
" Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu."



La descente de Croix.
Email peint sur feuille d'argent. Jean Penicaud. XVIe.

Il y avait là aussi, un peu éloignées, plusieurs femmes qui, de la Galilée, avaient suivi Jésus pour le servir, parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, et Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zebédée. Sur le soir, un homme riche d'Arimathie, nommé Joseph, qui était, lui aussi, disciple de Jésus, vint trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus. Pilate commanda qu'on le lui donnât. Ayant pris le corps, Joseph l'enveloppa dans un linceul blanc, et le déposa dans un sépulcre neuf, qu'il avait fait creuser dans le roc ; et ayant roulé une grande pierre à l'entrée du sépulcre, il s'en alla. Or, Marie-Madeleine et l'autre Marie étaient là assises devant le sépulcre.



Saint Joseph d'Arimathie et saint Nicomède demandant à Pilate
le corps du Christ. Maître de la Vierge parmi les vierges. Flandres. XVe.

Afin que la Messe de ce jour ne soit pas privée d'un rite essentiel, qui consiste dans la lecture solennelle de l'Evangile, le Diacre réserve une dernière partie du récit lugubre qu'il a fait entendre, et s'approchant de l'autel, il vient y faire bénir l'encens par le Prêtre et recevoir la bénédiction. Il se rend ensuite à l'Ambon ; mais les Acolytes ne l'accompagnent pas avec leurs flambeaux. Après l'encensment du livre, la narration évangélique se termine :



Mise au tombeau. Giotto. Chapelle Scrovegni. Padoue. XIVe.

" Le lendemain, qui était le Sabbat, les princes des prêtres et les pharisiens s'étant assemblés, vinrent trouver Pilate, et lui dirent :
" Seigneur, nous nous sommes souvenus que ce séducteur, lorsqu'il vivait encore, a dit : " Après trois jours je ressusciterai ". Commandez donc que l'on garde le sépulcre jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent enlever le corps, et ne disent au peuple : " Il est ressuscite d'entre les morts " ; et la dernière erreur serait pire que la première."
Pilate leur dit :
" Vous avez des gardes ; allez, et gardez-le comme vous l'entendrez."
Ils allèrent donc, fermèrent soigneusement le sépulcre, en scellèrent la pierre, et y mirent des gardes."

Le dimanche des Rameaux.

- Le dimanche des Rameaux.

  

Entrée de Notre Seigneur Jésus-Christ dans Jérusalem.
Ivoire. Flandres. XVe. 

Dès le matin de cette journée, Jésus laissant à Béthanie Marie sa mère, les deux sœurs Marthe et Marie-Madeleine avec Lazare, se dirige vers Jérusalem, dans la compagnie de ses disciples. La mère des douleurs frémit en voyant son fils se rapprocher ainsi de ses ennemis, qui ne songent qu'à répandre son sang ; cependant ce n'est pas la mort que Jésus va chercher aujourd'hui à Jérusalem : c'est le triomphe. Il faut que le Messie, avant d'être attaché à la croix, ait été proclamé Roi dans Jérusalem par le peuple ; qu'en face des aigles romaines, sous les yeux des Pontifes et des Pharisiens muets de rage et de stupeur, la voix des enfants, se mêlant aux acclamations de la cité, fasse retentir la louange au Fils de David.

Le prophète Zacharie avait prédit cette ovation préparée de toute éternité pour le Fils de l'homme, à la veille de ses humiliations :
" Tressaille d'allégresse, fille de Sion, avait-il dit ; livre-toi aux transports de la joie, fille de Jérusalem : voici ton Roi qui vient vers toi ; il est le Juste et le Sauveur. Il est pauvre, et il s'avance monté sur l'ânesse et sur le petit de l'ânesse." (Zachar., IX, 9.).
Jésus, voyant que l'heure de l'accomplissement de cet oracle était venue, détache deux de ses disciples et leur ordonne de lui amener une ânesse et un ânon qu'ils trouveront à quelque distance. Le Sauveur était déjà arrivé à Bethphagé, sur le mont des Oliviers. Les deux disciples s'empressent de remplir la commission de leur maître ; et bientôt l'ânesse et l'ânon sont amenés aux pieds du Sauveur.



La Crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Email peint sur feuille d'argent. Jean Penicaud. XVIe.

Les saints Pères nous ont donné la clef du mystère de ces deux animaux. L'ânesse figure le peuple juif qui, dès longtemps, avait été placé sous le joug de la Loi ; " l'ânon sur lequel, dit l'Evangile, aucun homme n'était encore monté " (Marc, XI, 2.), représente la gentilité, que nul n'avait domptée jusqu'alors. Le sort de ces deux peuples se décidera d'ici à quelques jours. Pour avoir repoussé le Messie, le peuple juif sera délaissé ; en sa place Dieu adoptera les nations qui, de sauvages qu'elles étaient, deviendront dociles et fidèles.

Les disciples étendent leurs vêtements sur l'ânon ; alors Jésus, pour accomplir la figure prophétique, monte sur cet animal (lbid. XI, 7.), et se prépare à faire ainsi son entrée dans la ville. En même temps le bruit se répand dans Jérusalem que Jésus approche. Par un mouvement de l'Esprit divin, la multitude de Juifs qui s'était réunie de toutes parts dans la cité sainte pour y célébrer la fête de Pâques, sort à sa rencontre, portant des palmes et faisant retentir l'air d'acclamations. Le cortège qui accompagnait Jésus depuis Béthanie se confond avec cette foule que l'enthousiasme transporte ; les uns étendent leurs vêtements sur la terre qu'il doit fouler, d'autres jettent des branches de palmier sur son passage. Le cri d'Hosannah retentit ; et la grande nouvelle dans la cité, c'est que Jésus, fils de David, vient d'y faire son entrée comme Roi.

C'est ainsi que Dieu, dans sa puissance sur les cœurs, ménagea un triomphe à son Fils au sein même de cette ville qui devait, si peu de temps après, demandera grands cris le sang de ce divin Messie. Cette journée fut un moment de gloire pour Jésus, et la sainte Eglise, comme nous l’allons voir tout à l'heure, veut que nous renouvelions chaque année la mémoire de ce triomphe de l'Homme-Dieu. Dans les temps de la naissance de l'Emmanuel, nous vîmes les Mages arriver du fond de l'Orient, cherchant et demandant à Jérusalem le Roi des Juifs, afin de lui rendre leurs hommages et de lui offrir leurs présents ; aujourd'hui c'est Jérusalem elle-même qui se lève comme un seul homme pour aller au-devant de lui.



L'Entrée dans Jérusalem. Détail.
Tapisserie laine et soie. Flandres. XVe.

Ces deux faits se rapportent au même but ; ils sont une reconnaissance de la royauté de Jésus-Christ : le premier de la part des Gentils, le second de la part des Juifs. Il fallait que le Fils de Dieu, avant de souffrir sa Passion, eût recueilli l'un et l'autre hommage. L'inscription que bientôt Pilate placera au-dessus de la tête du Rédempteur : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, exprimera l'indispensable caractère du Messie. En vain les ennemis de Jésus feront tous leurs efforts pour faire changer les termes de cet écriteau : ils n'y réussiront pas. " Ce que j'ai écrit est écrit ", répondra le gouverneur romain, dont la main païenne et lâche a déclaré, sans le savoir, l'accomplissement des Prophéties. Israël aujourd'hui proclame Jésus son Roi ; Israël bientôt sera dispersé, en punition de sa révolte contre le fils de David ; mais Jésus, qu'il a proclamé, demeure Roi à jamais. Ainsi s'accomplissait à la lettre l'oracle de l'Ange parlant à Marie, et lui annonçant les grandeurs du fils qui devait naître d'elle :
" Le Seigneur lui donnera le trône de David son aïeul, et il régnera sur la maison de Jacob à jamais " (Cateches. X.).

Jésus commence aujourd'hui son règne sur la terre ; et si le premier Israël ne doit pas tardera se soustraire à son sceptre, un nouvel Israël, issu de la portion fidèle de l'ancien, va s'élever, formé de tous les peuples de la terre, et offrir au Christ un empire plus vaste que jamais conquérant ne l'a ambitionné.

Tel est, au milieu du deuil de la Semaine des douleurs, le glorieux mystère de ce jour. La sainte Eglise veut que nos cœurs se soulagent par un moment d'allégresse, et que Jésus aujourd'hui soit salué par nous comme notre Roi. Elle a donc dispose le service divin de cette journée de manière à exprimer à la fois la joie et la tristesse : la joie, en s'unissant aux acclamations dont retentit la cité de David ; la tristesse, en reprenant bientôt le cours de ses gémissements sur les douleurs de son Epoux divin. Toute la fonction est partagée comme en trois actes distincts, dont nous allons successivement expliquer les mystères et les intentions.



La Cène. Ugolin de Sienne. XIVe.

La bénédiction des Palmes, ou des Rameaux, comme nous disons en France est le premier rite qui s'accomplit sous nos yeux ; et l'on peut juger de son importance par la solennité que l'Eglise y déploie. On dirait d'abord que le Sacrifice va s'offrir, sans autre intention que de célébrer l'anniversaire de rentrée de Jésus à Jérusalem. Introït, Collecte, Epître, Graduel, Evangile, Préface même, se succèdent comme pour préparer l'immolation de l'Agneau sans tache ; mais après le Trisagion : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus ! l'Eglise suspend ces solennelles formules, et son ministre procède à la sanctification de ces mystiques rameaux qui sont devant lui. Les prières employées à leur bénédiction sont éloquentes et remplies d'enseignements. Ces branches d'arbres, objet de la première partie de la fonction, reçoivent par ces oraisons, accompagnées de l'encens et de l'aspersion de l'eau sainte, une vertu qui les élève à l'ordre surnaturel, et les rend propres à aider à la sanctification de nos âmes, et à la protection de nos corps et de dos demeures. Les fidèles doivent tenir respectueusement ces rameaux dans leurs mains durant la procession, et à la Messe durant le chant de la Passion, et les placer avec honneur dans leurs maisons, comme un signe de leur foi, et une espérance dans le secours divin.

Il n'est pas besoin d'expliquer au lecteur que les palmes et les branches d'olivier, qui reçoivent en ce moment la bénédiction de l'Eglise, sont portées en mémoire de celles dont le peuple de Jérusalem honora la marche triomphale du Sauveur ; mais il est à propos de dire quelques mots sur l'antiquité de cette coutume. Elle commença de bonne heure en Orient, et probablement, dès la paix de l'Eglise, à Jérusalem. Déjà au IVe siècle, saint Cyrille, Évêque de cette ville, atteste que le palmier qui avait fourni ses branches au peuple qui vint au-devant du Christ, existait encore dans la vallée de Cédron (Act. SS. XX Januarii.) ; rien n'était plus naturel que d'en tirer occasion pour instituer une commémoration anniversaire de ce grand événement.

Au siècle suivant, on voit cette cérémonie établie, non plus seulement dans les Eglises de l'Orient, mais jusque dans les monastères dont les solitudes de l'Egypte et de la Syrie étaient peuplées. A l'entrée du Carême, beaucoup de saints moines obtenaient de leur abbé la permission de s'enfoncer dans le désert, afin d'y passer ce temps dans une profonde retraite ; mais ils devaient rentrer au monastère pour le Dimanche des Palmes, comme nous l'apprenons de la Vie de saint Euthymius, écrite par son disciple Cyrille (Act. SS. XX Januarii.).



L'Entrée dans Jérusalem. Email peint sur plaque de cuivre. XVe.

En Occident, ce rite ne s'établit pas aussi promptement ; la première trace que l'on en trouve est dans le Sacramentaire de saint Grégoire : ce qui donne la fin du VIe siècle, ou le commencement du vue. A mesure que la foi pénétrait dans le Nord, il n'était même plus possible de solenniser cette cérémonie dans toute son intégrité, le palmier et l'olivier ne croissant pas dans nos climats. On fut obligé de les remplacer par des branches d'autres arbres ; mais l'Eglise ne permet pas de rien changer aux oraisons prescrites pour la bénédiction de ces humbles rameaux, parce que les mystères qui sont exposés dans ces belles prières sont fondés sur l'olivier et la palme du récit évangélique, figurés par nos branches de buis ou de laurier.

Le second rite de cette journée est la Procession célèbre qui fait suite à la bénédiction solennelle des Rameaux. Elle a pour objet de représenter la marche du Sauveur vers Jérusalem et son entrée dans cette ville ; et c'est afin que rien ne manque à l'imitation du fait raconté dans le saint Evangile que les rameaux qui viennent d'être bénits sont portés par tous ceux qui prennent part à cette Procession. Chez les Juifs, tenir en main des branches d'arbres était un signe d'allégresse ; et la loi divine sanctionnait pour eux cet usage. Dieu avait dit au livre du Lévitique, en établissant la fête des Tabernacles :
" Le premier jour de la fête, vous tiendrez dans vos mains des fruits pris sur les plus beaux arbres ; vous porterez des rameaux de palmier, des branches avec leur feuillage, vous en détacherez des saules du torrent, et vous vous livrerez à la joie, en présence du Seigneur votre Dieu." (Levit., XXIII, 40.).

C'est donc dans l'intention de témoigner leur enthousiasme pour l'arrivée de Jésus dans leurs murs que les habitants de Jérusalem, et jusqu'aux enfants, eurent recours à cette joyeuse démonstration. Nous aussi allons au-devant de notre Roi, et chantons Hosannah à ce vainqueur de la mort, à ce libérateur de son peuple.

Au Moyen Âge, en beaucoup d'églises, on portait avec pompe, à cette Procession, le livre des saints Evangiles qui représentait Jésus-Christ dont il contient les paroles. A un lieu marqué et préparé pour une station, la Procession s'arrêtait : le diacre ouvrait alors le livre sacré, et chantait le passage où l'entrée de Jésus dans Jérusalem est racontée. On découvrait ensuite la croix, qui jusqu'alors était demeurée voilée ; tout le clergé venait solennellement lui rendre ses adorations, et chacun déposait à ses pieds un fragment du rameau qu'il tenait à la main. La Procession repartait ensuite précédée de la croix, qui demeurait alors sans voile, jusqu'à ce que le cortège fût rentré à l'église.

En Angleterre et en Normandie, dès le XIe siècle, on pratiquait un rite qui représentait plus vivement encore la scène qui eut lieu, en ce jour, à Jérusalem. La sainte Eucharistie était portée en triomphe à la Procession. L'hérésie de Bérenger contre la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie venait d'éclater à cette époque ; et ce triomphe de l'Hostie sacrée était un prélude lointain à l'institution de la Fête et de la Procession du très saint Sacrement.



L'Entrée dans Jérusalem. Détail. Duccio di Buoninsegna. XIVe.

Un usage touchant avait lieu aussi à Jérusalem, dans la Procession des Palmes, toujours dans la même intention de renouveler la scène évangélique qui se rapporte à ce jour. Toute la communauté des Franciscains qui veille à la garde des saints lieux se rendait dès le matin à Bethphagé. Là le Père Gardien de Terre Sainte, en habits pontificaux, montait sur un ânon qu'on avait couvert de vêtements ; et accompagné des religieux et des catholiques de Jérusalem, tous portant des palmes, il faisait son entrée dans la ville et descendait à la porte de l'Eglise du Saint-Sépulcre, où la Messe était célébrée avec la plus grande solennité. Depuis deux siècles environ, les autorités turques de Jérusalem ont interdit cette belle cérémonie, qui remontait aux temps du royaume latin de Jérusalem.

La fin de la Procession est marquée par une cérémonie empreinte du plus haut et du plus profond symbolisme. Au moment de rentrer dans l'église, le pieux cortège en trouve les portes fermées. La marche triomphale est arrêtée ; mais les chants d'allégresse ne sont pas suspendus. Une hymne spéciale au Christ-Roi retentit dans les airs avec son joyeux refrain, jusqu'à ce qu'enfin le sous-diacre ayant frappé la porte avec le bâton de la croix, cette porte s'ouvre, et la foule, précédée du clergé, rentre dans l'église en célébrant celui qui seul est la Résurrection et la Vie.

Cette scène mystérieuse a pour but de retracer l'entrée du Sauveur dans une autre Jérusalem, dont celle de la terre n'était que la figure. Cette Jérusalem est la patrie céleste dont Jésus nous a procuré l'entrée. Le péché du premier homme en avait fermé les portes ; mais Jésus, le Roi de gloire, les a rouvertes par la vertu de sa Croix, a laquelle elles n'ont pu résister. Continuons donc de suivre les pas du fils de David ; car il est aussi le Fils de Dieu, et il nous convie à venir prendre part à son royaume. C'est ainsi que la sainte Eglise, dans la Procession des Palmes, qui n'est d'abord que la commémoration de l'événement accompli en ce jour, élève notre pensée jusqu'au glorieux mystère de l'Ascension, par lequel se termine au ciel la mission du Fils de Dieu sur la terre. Mais, hélas ! Les jours qui séparent l'un de l'autre ces deux triomphes du Rédempteur ne sont pas tous des jours d'allégresse, et la Procession ne sera pas plutôt terminée, que la sainte Eglise, qui a soulevé un moment le poids de ses tristesses, n'aura plus à faire entendre que des gémissements.

La troisième partie de la fonction de ce jour est l'offrande du saint Sacrifice. Tous les chants qui l'accompagnent sont empreints de désolation ; et pour mettre le comble au deuil qui signale désormais le reste de cette journée, le récit de la Passion du Rédempteur va être lu par avance dans l'assemblée des fidèles Depuis cinq à six siècles l'Eglise a adopté un récitatif particulier pour cette narration du saint Evangile, qui devient ainsi un véritable drame. On entend d'abord l'historien qui raconte les faits sur un mode grave et pathétique ; les paroles de Jésus ont un accent noble et doux, qui contraste d'une manière saisissante avec le ton élevé des autres interlocuteurs, et avec les clameurs de la populace juive.



Pilate présentant Notre Seigneur Jésus-Christ à la foule des Juifs.
Giovanni Battista Tiepolo. XVIIIe.

Durant le chant de la Passion, tous les assistants doivent tenir leur rameau à la main, afin de protester par cet emblème de triomphe contre les humiliations dont le Rédempteur est l'objet de la part de ses ennemis. C'est au moment où, dans son amour pour nous, il se laisse fouler sous les pieds des pécheurs, que nous devons le proclamer plus haut notre Dieu et notre souverain Roi.

Ce Dimanche, outre son nom liturgique et populaire de Dimanche des Rameaux, ou des Palmes, est appelé aussi Dimanche d’Hosannah, à cause du cri de triomphe dont les Juifs saluèrent l'arrivée de Jésus. Nos pères l'ont nommé longtemps Dimanche de Pâque fleurie, parce que la Pâque, qui n'est plus qu'à huit jours d'intervalle, est aujourd'hui comme en floraison, et que les fidèles peuvent remplir dès maintenant le devoir de la communion annuelle. C’est en souvenir de cette appellation, que les Espagnols ayant découvert, le Dimanche des Rameaux de l'an 1513, la vaste contrée qui avoisine le Mexique, lui donnèrent le nom de Floride.

On trouve ce Dimanche appelé aussi Capitilavium, c'est-à-dire lave-tête, parce que, dans les siècles de la moyenne antiquité, où l'on renvoyait au Samedi Saint le baptême des enfants nés dans les mois précédents, et qui pouvaient attendre cette époque sans danger, les parents lavaient aujourd'hui la tête de ces enfants, afin que le samedi suivant on pût avec décence y faire l'onction du Saint Chrême. A une époque plus reculée, ce Dimanche, dans certaines Eglises, était nommé la Pâque des Compétents. On appelait Compétents les catéchumènes admis au baptême. Ils se rassemblaient en ce jour à l'église, et on leur faisait une explication particulière du Symbole qu'ils avaient reçu au scrutin précédent. Dans l'Eglise gothique d'Espagne, on ne le donnait mère qu'aujourd'hui. Enfin, chez les Grecs, ce Dimanche est désigné sous le nom de Baïphore, c'est-à-dire Porte-Palmes.

LA BÉNÉDICTION DES RAMEAUX

EPÎTRE

Lecture du livre de l'Exode. Chap. XV. :



La récolte de la Manne présidée par Moïse et Aaron.
Engelbert Frisen. XVIIIe.

" En ces jours-là, les enfants d'Israël vinrent à Elim, où il y avait douze fontaines et soixante-dix palmiers ; et ils campèrent auprès des eaux. Toute la multitude des enfants d'Israël partit ensuite d'Elim, et arriva au désert de Sin, qui est entre Elim et Sinaï, le quinzième jour du second mois depuis la sortie d'Egypte. Et toute la foule des enfants d'Israël murmura contre Moïse et Aaron dans le désert ; et les enfants d'Israël leur disaient :
" Que ne sommes-nous morts dans la terre d'Egypte par la main du Seigneur, lorsque nous étions assis près des chaudières pleines de viandes, et que nous mangions du pain à notre contentement ! Pourquoi nous avez-vous amenés dans ce désert, pour y faire mourir de faim toute cette multitude ?"
Alors le Seigneur dit à Moïse :
" Je vais vous faire pleuvoir des pains du ciel ; que le peuple sorte pour en recueillir ce qui lui suffira pour chaque jour, afin que j'éprouve s'il marche ou non dans ma loi. Le sixième jour ils en amasseront pour garder chez eux ; et il y aura le double de ce qu'ils recueillaient les autres jours."
Moïse et Aaron dirent donc à tous les enfants d'Israël :
" Dès ce soir vous connaîtrez que c'est le Seigneur qui vous a tirés de la terre d'Egypte ; et demain au matin vous verrez éclater la gloire du Seigneur. "


EVANGILE

La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XXI. :



L'Entrée dans Jérusalem. Ivoire. Flandres. XIVe.

" En ce temps-là, comme Jésus approchait de Jérusalem, étant arrivé à Bethphagé, près du mont des Oliviers, il envoya deux disciples auxquels il dit :
" Allez au village qui est devant vous : vous y trouverez une ânesse attachée, et son ânon avec elle : déliez-les et amenez-les-moi ; et si quelqu'un vous dit quelque chose, dites que le Seigneur en a besoin ; et aussitôt il les laissera emmener."
Or tout cela fut fait, afin que s'accomplit cette parole du Prophète :
" Dites à la fille de Sion : " Voici que ton Roi vient à toi plein de douceur, assis sur l'ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug "."
Les disciples s'en allant firent ce que Jésus leur avait commandé. Ils amenèrent l'ânesse et l'ânon ; et ayant mis dessus leurs vêtements, ils l'y firent asseoir. Le peuple en foule étendit ses vêtements le long de la route ; d'autres coupaient des branches d'arbres et les jetaient sur le chemin ; et toute cette multitude, tant ceux qui précédaient que ceux qui suivaient, criaient et disaient :
" Hosannah au fils de David ! Béni celui qui vient au nom du Seigneur !"

Le moment approche où les palmes mystérieuses vont recevoir la bénédiction de l'Eglise. Le Prêtre invoque d'abord les souvenirs de Noé, à qui la branche d'olivier annonça la fin du déluge, et de Moïse, dont le peuple, à sa sortie d'Egypte, vint camper à l'ombre de soixante-dix palmiers ; ensuite, empruntant le mode solennel de la Préface, il adjure tous les êtres de confesser en ce moment le grand nom du Fils de Dieu, auquel va être rendu un si éclatant hommage. L'assistance répond par l'acclamation au Dieu trois fois Saint, et crie, à sa gloire :
" Hosannah au plus haut des cieux !"

A LA MESSE

A Rome, la Station est dans la Basilique de Latran. Une si auguste fonction ne demandait pas moins que l'Eglise Mère et Maîtresse de toutes les autres. De nos jours, cependant, la Fonction papale a lieu à Saint-Pierre ; mais cette dérogation est sans préjudice des droits de l’Archibasilique qui, dans l'antiquité, avait en ce jour l'honneur delà présence du Souverain Pontife, et a conservé les indulgences accordées à ceux qui la visitent aujourd'hui.

La Messe de ce Dimanche ne retient plus aucune trace de la joie qui éclatait dans la cérémonie des Palmes.

ÉPÎTRE

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, aux Philippiens. Chap. II. :



Crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ avec le centurion.
Lucas Cranach. XVIe.

" Mes Frères, ayez à l'égard de vous-mêmes les sentiments qu'a eu Jésus-Christ, lui qui, étant dans la nature même de Dieu, ne devait pas croire que ce fût pour lui usurpation d'être égal à Dieu, et qui néanmoins s'est anéanti lui-même, prenant la nature d'esclave, se rendant semblable aux hommes, et paraissant à l'extérieur un pur homme. Il s'est humilié lui-même, obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la Croix : c'est pourquoi Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; en sorte qu'au nom de Jésus (à cet endroit, le Prêtre et toute l'assistance fléchissent le genou) tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père."

La sainte Eglise nous prescrit de fléchir le genou à l'endroit de cette Epître où l'Apôtre dit que tout doit s'abaisser quand le nom de Jésus est prononcé. Nous venons d'accomplir ce commandement. Comprenons que, s'il est une époque dans l'année où le Fils de Dieu ait droit à nos plus profondes adorations, c'est surtout en cette Semaine, où sa divine majesté est violée, où nous le voyons foulé sous les pieds des pécheurs.

Sans doute nos cœurs doivent être animés de tendresse et de compassion à la vue des douleurs qu'il endure pour nous ; mais nous devons ressentir avec non moins de vivacité les outrages et les indignités dont il est abreuvé, lui qui est l'égal du Père, et Dieu comme lui. Rendons-lui par nos abaissements, autant du moins qu'il est en nous, la gloire dont il se prive pour réparer notre orgueil nos révoltes, et unissons-nous aux saints Anges qui, témoins de tout ce que lui a fait accepter son amour pour l'homme, s'anéantissent plus profondément encore, en voyant l'ignominie à laquelle il est réduit.

EVANGILE

Méditons le récit de la Passion de notre Sauveur ; mais afin de montrer au ciel et à la terre que nous ne sommes pas scandalisés, comme le furent les disciples, par le spectacle de son apparente faiblesse et du triomphe de ses ennemis, tenons en mains les rameaux avec lesquels tout à l'heure nous l'avons proclamé notre Roi.

L'Eglise lit, à quatre jours différents de cette Semaine, la narration des quatre Evangiles. Elle commence aujourd'hui par celle de saint Matthieu, qui le premier a écrit son récit sur la vie et la mort du Rédempteur. En signe de tristesse, les Acolytes ne viennent pas à l'ambon avec leurs cierges, et le livre n'est pas encensé. Sans saluer le peuple fidèle par le souhait ordinaire, le Diacre qui remplit le rôle de l'historien commence immédiatement son lamentable récit.

La Passion de notre Seigneur Jésus-Christ selon saint Matthieu. Chap. XXVI. :

" En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples :
" Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié."

Alors les princes des prêtres et les Anciens du peuple se réunirent dans la salle du grand prêtre, appelé Caïphe, et délibérèrent de se saisir de Jésus par ruse, et de le faire mourir.
Mais ils disaient :
" Que ce ne soit pas pendant la fête, de peur d'émotion dans le peuple."



La femme pauvre répand du parfum sur les pieds de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Gravure de Schnorr. XIXe.

Or Jésus étant à Béthanie, dans la maison de Simon le Lépreux, une femme portant un vase d'albâtre plein d'un parfum de grand prix, s'approcha, et le répandit sur la tète de Jésus qui était à table. Ce que voyant, ses disciples s'indignèrent et dirent :
" A quoi bon cette profusion ? On aurait pu vendre très cher ce parfum et donner le prix aux pauvres."
Mais Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit :
" Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme ? Ce qu'elle vient de faire envers moi est une bonne œuvre. Car vous aurez toujours parmi vous des pauvres ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Elle a répandu ce parfum sur mon corps en vue de ma sépulture. En vérité, je vous le dis, dans le monde entier, partout où sera prêché cet Evangile, on dira ce qu'elle a fait, et elle en sera louée."

Alors un des douze, nommé Judas Iscariote, s'en alla vers les princes des prêtres, et leur dit :
" Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ?"
Et ils convinrent avec lui de trente pièces d'argent. Et de ce moment il cherchait l'occasion de le leur livrer.



Judas recevant les trente pièces. Duccio di Buoninsegna.

Or, le premier jour des azymes, les disciples venant à Jésus lui dirent :
" Où voulez-vous que nous vous préparions ce qu'il faut pour manger la Pâque ?"
Et Jésus leur dit :
" Allez dans la ville chez un tel, et dites-lui : Le Maître dit : " Mon temps est proche : je ferai la Pâque chez vous avec mes disciples "."
Et les disciples firent ce que Jésus leur avait commandé, et ils préparèrent la Pâque.



Lavement des pieds. Ivoire. Flandres. XVe.

Sur le soir, il était à table avec ses disciples. Et pendant qu'ils mangeaient, il leur dit :
" Je vous le dis en vérité, un de vous me trahira."
Cette parole les contrista beaucoup, et ils se mirent chacun a lui demander :
" Est-ce moi, Seigneur ?"
Mais il leur répondit :
" Celui qui met avec moi la main dans le plat, est celui qui me trahira. Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va, selon ce qui a été écrit de lui ; mais malheur à l'homme par qui le fils de l'homme sera trahi ! Il vaudrait mieux pour cet homme qu'il ne fût pas né."
Judas, celui qui le trahit, dit :
" Est-ce moi, Maître ?"
Il lui répondit :
" Tu l'as dit."



La Cène. Email peint sur plaque de cuivre. Coulhin Noyer. XVIe.

Pendant qu'ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit et le rompit, et le donna à ses disciples, disant :
" Prenez et mangez ; ceci est mon corps."
Et prenant la coupe, il rendit grâces, et la leur donna, disant :
" Buvez tous de ceci ; car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui sera répandu pour plusieurs, en rémission des péchés. Or je vous le dis : Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père."
Et après avoir dit le cantique, ils s'en allèrent à la montagne des Oliviers. Alors Jésus leur dit :
" Je vous serai cette nuit à tous un sujet de scandale ; car il est écrit : " Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées ". Mais après être ressuscité, je vous précéderai en Galilée."
Pierre lui répondit :
" Quand tous se scandaliseraient à votre sujet, moi je ne me scandaliserai jamais."
Jésus lui dit :
" Je te le dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois."
Pierre lui dit :
" Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point."
Tous les autres disciples parlèrent de même.

24 mars. Saint Simon de Trente, ou Siméon, enfant, martyr. 1475.

- Saint Simon de Trente, ou Siméon, enfant, martyr. 1475.

Pape : Sixte IV. Empereur : Frédéric III.

" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."

" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."

Prudence.

La ville de Trente, limitrophe de l'Italie et de l'Allemagne, et très renommée pour le fameux Concile général qui y a été célébré dans le XVIe siècle, s'est vue ensanglantée, près de cent ans auparavant, par le meurtre d'un innocent, que les Juifs firent mourir. Cet enfant s'appelait Pierre Stéphane Simon (ou, comme disent quelques auteurs, Siméon). Son père se nommait André, et sa mère Marie étaient catholiques ; pauvres, ils demeuraient en un lieu appelé le Fossé, au bout de la même ville. Notre Saint était né l'an 1472, le 26 novembre, un vendredi, jour particulièrement destiné à la mémoire de la Passion du Sauveur, dont il devait porter la ressemblance.

Il arriva donc que des Juifs, qui demeuraient à Trente, se disposant a leurs cérémonies pascales, voulurent avoir un enfant chrétien pour le faire mourir.

Ils engagèrent un d'entre eux, appelé Tobie, à commettre ce détestable larcin, et à leur amener, à quelque prix que ce fût, quelqu'un des petits enfants chrétiens qu'il trouverait dans la ville. Celui-ci n'y manqua pas rencontrant ce petit Siméon, qui était beau comme un ange, âgé seulement de vingt-neuf mois, moins trois jours, il le déroba à la porte même de la maison de ses parents, en ce lieu du Fossé, et l'apporta sans bruit chez un Juif appelé Samuel, où tous les autres de cette nation réprouvée avaient rendez-vous. Il n'est pas aisé d'exprimer les hurlements que jetèrent ces loups en voyant en leur pouvoir cet innocent agneau.

Le soir du jeudi au vendredi de la semaine sainte, ils le portèrent en leur synagogue à un vieillard nommé Moïse, qui le dépouilla d'abord, et, de crainte que, par ses petits cris, il ne se fît entendre du voisinage, et qu'il ne fit découvrir ainsi leur cruauté, ce malheureux lui entoura le cou d'un mouchoir pour étouffer sa voix. Le tenant de la sorte sur ses genoux, après des cruautés que des oreilles chastes ne peuvent entendre, il lui coupa un morceau de la joue droite, qu'il mit dans un bassin ensuite tous les assistants enlevèrent chacun une partie de sa chair vive et recueillirent son sang pour le sucer et s'en repaître.

Martyre de saint Simon de Trente.
Gravure. Schedelsche Weltchronik. XVIe.

Lorsque le misérable chef de ces infanticides se fût rassasié de la chair et du sang de cet enfant, il l'éleva droit sur ses pieds, quoique déjà demi-mort ; et, ayant commandé à un de ses bourreaux, nommé Samuel, de le tenir les bras étendus en forme de crucifix, il exhorta tous les autres à le percer à coups d'aiguilles en tous ses membres innocents, sans lui laisser une seule place, depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, qui n'eût sa propre plaie.

Ce martyre ne dura pas moins d'une heure, pendant laquelle ces tigres furieux, afin de n'être point touchés par les plaintes mourantes de ce pauvre enfant, hurlaient eux-mêmes comme des forcenés, disant ces paroles en leur langage :
" Tuons celui-ci comme Jésus, le Dieu des chrétiens, qui n'est rien, et qu'ainsi nos ennemis soient à jamais confondus."

Enfin, cet innocent Martyr leva les yeux au ciel comme pour le prendre à témoin des supplices qu'on lui faisait injustement endurer, puis, les rabaissant vers la terre, il rendit son esprit à Celui pour la gloire de qui il mourait. Ce fut le vendredi saint, le 24 mars, l'an de Notre Seigneur Jésus-Christ 1475.

Les Juifs, croyant couvrir leur crime, cachèrent ce petit corps sous des tonneaux de vin, dans un cellier mais le bruit s'en répandait déjà dans la ville, par la voix des autres enfants qui, voyant les parents de Siméon en peine, criaient publiquement qu'il le fallait chercher dans les maisons des Juifs. Ces malheureux, de peur d'être découverts, le jetèrent dans un ruisseau qui coulait au-dessous de la synagogue et pour paraître encore plus innocents, donnèrent avis aux juges qu'en tel endroit il paraissait un corps sur l'eau.

Enlèvement et martyre de saint Simon de Trente.
Gravure. Rudolf Schilling. XVIIe.

La justice y alla et trouva cette victime traitée de la manière qu'il vient d'être dit. L'évêque, assisté de son clergé, le fit transporter comme une précieuse relique en l'église de Saint-Pierre. Dieu, que ce bienheureux Siméon, vierge, martyr et innocent, avait glorifié, non pas en parlant, mais en souffrant, comme autrefois les petits innocents qu'Hérode fit massacrer en Judée. Dieu l'a aussi gloriné de son côté, par la multitude des miracles qui ont été faits par l'attouchement et à la présence de ses dépouilles sacrées.

Pour les Juifs qui avaient commis ce meurtre, ils n'échappèrent pas, même dès ce monde, à la main vengeresse de Dieu parce que la justice, les ayant saisis, leur fit payer les peines qui étaient dues à une Cruauté si inouïe.

Le martyre de ce très saint Innocent se trouve excellemment écrit au deuxième tome de Surius, par Jean-Mathias Tibérin, docteur en médecine, qui avait visité son saint corps par ordre de revenue, et qui dédia son histoire au Sénat et au peuple de Brescia. L'Eglise romaine en a fait tant d'état, qu'elle l'a inséré en son martyrologe, le 24 mars, jour auquel il arriva.

Voir aussi Surius et les Bollandistes, qui ont inséré l'instruction du procès et le rapport du médecin Tibérin, qui visita le corps du jeune Martyr. Voir encore Martène, coll., t. II ; Benolt XIV, de canonis., liv. Ier, ch. XIV, et la vie de saint Guillaume de Norwtch, que nous fêtons aussi aujourd'hui.

Martyre de saint Simon de Trente.
Médaillon sculpté. XVIe.

Enfin, en février 2007, le professeur et chercheur Ariel Toaff, israëlite et fils d'un ancien Grand-rabbin de Rome, a publié un livre dont le titre est Pasque di sangue : Ebrei d'Europa e omicidi rituali (Pâques sanglantes : Juifs d'Europe et meurtres rituels). Dans ce livre, il conclut, entre autres, que les crimes rituels imputés aux Juifs ne furent pas des inventions, que le sang récupéré avait vocation à être utilisé pour des pratiques talmudiques et magiques, pour l'incorporer au pain azyme confectionné et consommé pour la Pâques que célèbrent les Israëlites post-christiques, et, séché, qu'il était utilisé à des fins médicales et qu'un marchant itinérant juif venant de Venise, impliqué dans le procès qui eut lieu à la suite de la découverte du meurtre rituel de saint Simon de Trente, en faisait commerce. Un commentaire intéressant d'Israël Shamir, écrivain israëlien, sur les recherches du professeur Toaff est consultable sur le lien suivant : http://www.israelshamir.net/French/Fr21.htm.

Faut-il préciser que ses conclusions sont contestées, que son livre fit, et fait encore scandale, et que, surtout, le professeur Toaff a subit de la part de certains de ses correligionnaires une persécution terrible ? Cette persécution a " porté " ses fruits hélas, puisque le professeur Toaff, après cinq années de résistance, a du modérer son propos et la dernière réédition de son livre a été amputée et une nouvelle introduction du professeur vient amender son premier propos qui ne souffrait pourtant, comme l'ont soutenu, et le soutiennent toujours, de nombreux universitaires de tous horizons.

Rq : Sur ce sujet grave, nous recommandons aux seuls lecteurs adultes la lecture et le téléchargement du livre " Le mystère du sang ", de monsieur l'abbé Henri Desportes, paru à la fin du XIXe siècle.
Ce livre, très sérieux et documenté, était encore consultable sur le site Gallica - site de la Bibliothèque nationale de France - voilà encore un an-et-demi environ : il a été retiré de la consultation.
Il est désormais disponible sur ce lien :
http://ia351424.us.archive.org/3/items/LeMystreDuSangChez...

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24 mars. Saint Guillaume de Norwich, martyr en Angleterre. 1137.

- Saint Guillaume de Norwich, martyr en Angleterre. 1137.

Pape : Innocent II. Roi d'Angleterre : Etienne Ier.

" Salvete, flores martyrum,
Quo lucis ipso in limine
Christi insecutor sustulit,
Ceu turbo nascentes rosas."
" Salut, fleurs des martyrs,
Moissonnées au seuil de la vie
Par le glaive de l'ennemi du Christ,
Comme la tempête en fureur brise les roses qui viennent d'éclore."
Prudence.

Saint Guillaume de Norwich. Détail d'un vitrail de l'église Saint-Edmond.
Norfolk. Angleterre. XIXe.

Saint Guillaume fut aussi la victime de la haine implacable des Juifs contre notre sainte religion. Il souffrit dans la douzième année de son âge.

Il était fils de riches paysans très pieux ; plusieurs prodiges avaient accompagné sa naissance et illustré son enfance. Il menait la vie la plus pure et la plus sainte et sa réputation étant connue, c'est ainsi qu'il mérita d'être distingué par les Juifs pour le  sacrifice pascal.

Il était depuis peu apprenti chez un tanneur de Norwich. Les Juifs l'attirèrent chez eux quelques temps avant la fête de Pâques de l'an 1137.

Lorsqu'ils en furent les maîtres,ils lui lient les membres et la tête de manière à empêcher tout mouvement et ils lui mirent un baîllon dans la bouch. Après cela, ils lui rasèrent la tête et la blessèrent à coups multipliés d'épines ; puis ils mirent l'innocent sur un gibet et s'efforcèrent de lui arracher la vie. Au côté gauche, jusqu'au plus intime du cœur, ils firent une blessure cruelle, et, pour apaiser l'écoulement du sang qui se faisait par tout le corps, ils lui versèrent sur la tête de l'eau très chaude.

Martyre de saint Guillaume de Norwich.
Détail d'une fresque du XIVe. Loddon church. Norfolk.

Le jour de Pâques ils lièrent son corps dans un sac, et le portèrent dans une forêt voisine des portes de la ville dans le dessein de l'y brûler ; mais ayant été surpris par un bourgeois de la ville nommé Eiluerdus, ils le laissèrent suspendu à un arbre (on bâtit d'ailleurs à l'endroit où il avait été trouvé une chapelle connue sous le nom de Saint-Guillaume-aux-Bois).

Pour conjurer ce mal, ils gagnèrent à prix d'argent le gouverneur de la ville qui se chargea d'imposer silence à Eiluerdus. Mais il n'y réussit que pour un temps ; et bientôt le crime fut découvert et puni comme il devait l'être : les Juifs coupables et leurs complices.

Le corps du Saint, qui avait été glorifié par des miracles, fut porté, en 1144, dans le cimetière de l'église cathédrale, dédiée à la Sainte-Trinité ; on le mit six ans après dans le chœur de la même église.

Nous apprenons de M. Weever qu'autrefois les Juifs des principales villes d'Angleterre enlevaient des enfants mâles pour les circoncire, les couronner d'épines, les fouetter et les crucifier en dérision de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce fut de cette manière que mourut saint Richard de Pontoise. Matthieu Pâris et Capgrave rapportent aussi que saint Hugues, enfant, fut crucifié par les Juifs à Lincoln, en 1254.

Le nom de saint Guillaume de Norwich est marqué au 24 mars dans les calendriers anglais.

Saint Guillaume de Norwich. Détail d'un panneau peint.
Eglise Saint-Jacques. Norwich. XIVe.

Le pape Benoît XIV montre (liv. 1 de Canoniz., ch. XIV, p. 103) que l'on ne doit point canoniser les enfants qui meurent après le baptême et avant l'usage de raison, quoiqu'ils soient Saints. Il se fonde :
1° sur ce qu'ils n'ont point pratiqué des vertus dans le degré d'héroïsme requis pour la canonisation ;
2° sur ce que de telles canonisations n'ont jamais été en usage dans l'Eglise.

On en excepte les enfants, même non baptisés, qui ont été massacrés en haine du saint nom de Jésus-Christ.

Nous en avons un exemple dans les saints Innocents, auxquels saint Irénée, Origène, etc., et les plus anciens Missels, donnent le titre de martyrs, et dont le culte date des premiers siècles de l'Eglise, comme nous le voyons par les homélies des Pères sur leur fête. C'est pour la même raison qu'on a mis au nombre des martyrs les enfants massacrés par les Juifs, en haine de Jésus-Christ, tels que saint Simon de Trente, saint Guillaume de Norwich, saint Richard de Paris, saint Vernier, etc.

L'évêque diocésain décerna au premier un culte public avec la qualité de martyr, et ce culte fut confirmé par les décrets des papes Sixte V et Grégoire XIII. Le second, qui avait douze ans, et par conséquent l'âge de raison, devrait plutôt être appelé adulte qu'enfant.

Saint Guillaume de Norwich.
Panneau peint d'un polyptique anglais du XIVe.

Voyez l'histoire de son martyre et de ses miracles, par Thomas de Monmouth, auteur contemporain, très savant et saint religieux, qui écrit notamment à propos des prélèvements de sang effectué par certains Juifs sur des enfants chrétiens (que ces mauvais traitements soit suivis de meurtres ou pas) :
" Le sang de ces enfants est gardé par les femmes juives qui croient ne pouvoir enfanter sans cela. Quant à ceux qui ne vivent pas parmi les chrétiens on leur envoie du sang durci et réduit en poussière. Cette imagination diabolique doit avoir pour but d'exalter l'imagination des femmes enceintes, de les rappeler, par ce souvenir,à la haine contre les chrétiens et de communiquera leur fruit les mêmes affections, pendant qu'elles le  portent dans leur sein."

Ce monument, fruit de l'enquête serrée du Bénédictin, est disponible en anglais sur le lien suivant - et téléchargeable - dans une version commentée de la fin du XIXe de bonne qualité même s'i elle est quelque peu relativiste. quant au commentaire. Agrémentée d'une intéressante iconographie hagiographique de saint Guillaume de Norwich dans les premiers temps qui suivirent son martyre et qui furent marqués par un grand nombre de miracles obtenus par son intercession, le texte latin, traduit en anglais, suffit lui-même à rejeter les cris hystériques de dénégations systématiques d'une certaine (ne suivons aucun regard...) critique contemporaine : " The life and miracles of Saint William of Norwich."

On verra aussi la chronique saxonne, qui est du même siècle, et l'histoire de Norfolk, par Bromfield.

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samedi, 23 mars 2024

23 mars. Saint Victorien de Carthage et ses saints compagnons, martyrs. 484.

- Saint Victorien de Carthage et ses saints compagnons, martyrs. 484.

Pape : Saint Félix III. Empereur : Zénon.

" L'homme prudent est celui qui voit de loin..."
Saint Isidore de Séville.

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Saint Victorien de Carthage. Vitrail de l'église Saint-Joseph.
Jatibonico y Arroyo Blanco. Île de Cuba. XIXe.

Le combat de ces glorieux confesseurs du nom de Jésus-Christ est trop illustre et trop touchant pour n'en pas édifier les lecteurs. Voici à peu près ce que Victor d'Utique en dit dans l'histoire qu'il a composée sur la persécution des Vandales (nous verrons dans la vie de saint Fulgence, le 1er janvier, une note sur les Vandales).

Où trouverai-je des paroles pour représenter dignement ce qui se passa en la personne de Victorien, proconsul de Carthage, natif de la ville d'Adrumète ? Il était le plus riche de l'Afrique, et il avait toujours fait paraître beaucoup de fidélité dans les emplois dont le roi Hunéric l'avait chargé. Ce prince impie lui manda, avec des termes fort civils, que s'il obéissait sans résistance à ses volontés, il l'aimerait particulièrement et lui donnerait le premier rang entre ses officiers.

Mais ce grand serviteur de Dieu lui fit répondre, par le même envoyé que :
" Rien n'était capable de le séparer de la foi et de l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans la confiance qu'il avait au secours d'un maître si puissant, il était prêt à souffrir plutôt toutes sortes de tourments que de consentir jamais à l'impiété des Ariens. Il pouvait le faire brûler et exposer aux bêtes, ou accabler par d'autres supplices ; mais il ne gagnerait jamais sur lui qu'il quittât l'Eglise catholique, dans laquelle il avait été baptisé. Une action si détestable l'exposerait comme un ingrat et un perfide, à des peines qui ne finiraient jamais mais quand cela ne serait pas, et qu'il n'y aurait point d'autre vie que la vie présente, ni de récompense éternelle préparée pour ceux qui auront vaincu, il ne pourrait se résoudre à quitter la véritable et unique religion, et à manquer de fidélité a celui qui lui avait confié le précieux dépôt de sa grâce."

Et encore :
" Confiant en Dieu et dans le Christ mon Seigneur, vous direz de ma part au roi qu'il peut dresser ses bûchers, lâcher contre moi ses bêtes féroces, et me livrer, s'il le veut, à mille tourments : ce serait mépriser le baptême que m'a donné l'Eglise catholique, que d'accéder à son désir. Quand bien même tout finirait avec la vie présente et que nous n'aurions pas à espérer cette vie éternelle, qui est pourtant réelle, jamais je ne consentirais à jouir d'une gloire caduque et transitoire au prix d'une infidélité envers celui qui m'a donné sa foi."

Ces réponses irritèrent de telle sorte la fureur du tyran, qu'il lui fit souffrir des tourments dont la longueur et la cruauté surpassent tout ce que l'on en pourrait dire. Le Saint les endura tous dans la vue de Dieu avec une joie incomparable, et ayant heureusement achevé sa course, il alla recevoir dans le ciel la couronne du martyre qu'il avait si justement méritée.

Qui pourrait aussi expliquer, comme il faut, les combats des autres martyrs qui furent exécutés en la ville de Tabaye, et surtout de deux frères de la ville d'Aquae regiae ? S'étant promis, par serment, dans l'humble confiance qu'ils avaient en Dieu, de mourir tous deux d'un même supplice, ils obtinrent des bourreaux de n'être point séparés, ni de lieu, ni de peine.

Martyre de saint Victorien et de ses saints compagnons.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

On commença par les pendre avec de gros poids attachés à leurs pieds et, lorsqu'ils eurent été près d'un jour en cette gêne, un d'eux, succombant à la douleur, pria qu'on le détachât et qu'on lui donnât quelque trève. L'autre, voyant cela du gibet où il était aussi pendu et craignant qu'il ne renonçât à la foi, lui cria :
" Gardez-vous bien, mon frère, de faire cette demande ce n'est pas là ce que nous avons promis à Jésus-Christ, et je vous accuserais moi-même d'infidélité devant son tribunal redoutable, si vous y persistiez ; car nous avons juré sur son corps et sur son sang de souffrir la mort ensemble pour la confession de son nom."
Par ces paroles et d'autres semblables, il encouragea tellement son compagnon à soutenir le combat, que celui-ci, au lieu de chanceler comme auparavant, cria d'une voix forte :
" Ajoutez supplices à supplices, et qu'il n'y ait point de cruautés que vous n'exerciez contre nous quelques tourments que mon frère souffre, je suis prêt à les souffrir."

On les brûla ensuite avec des lames de fer toutes rouges, on les déchira avec des ongles de fer, on les tourmenta longtemps et en mille manières les bourreaux, craignant enfin que leur patience servît plutôt à convertir les ariens qu'à ébranler les catholiques, furent contraints de les quitter, d'autant plus qu'on ne voyait en eux ni meurtrissures, ni aucune autre marque des tourments qu'ils enduraient. Ils arrivèrent néanmoins heureusement à la palme du martyre. Et en même temps, deux marchands, qui étaient de la ville de Carthage, et qui portaient tous deux le nom de Frumence, furent mis à mort ; et, par un heureux négoce, achetèrent, avec le prix de leur sang, la perle évangélique et le royaume des cieux.

Les Ariens exilèrent encore un grand nombre d'ecclésiastiques de Carthage. Il se trouva parmi eux beaucoup d'enfants destinés au service des autels ; on en alla chercher douze pour les ramener à Carthage. A la vue des persécuteurs, ils embrassèrent les genoux de leurs compagnons, et il fallut employer la violence pour les en arracher. Chaque jour on les fouettait cruellement, et on les frappait avec des bâtons mais il fut impossible d'obtenir d'eux quelque chose de contraire à leur foi ils confessèrent généreusement Jésus-Christ jusqu'à la fin.

Victor d'Utique rapporte encore les victoires de beaucoup d'autres Saints, martyrisés sous le tyran Hunéric ; mais, comme il n'y a que ceux-ci de nommés en ce jour dans le martyrologe romain, nous nous contenterons du récit que nous venons de faire. La persécution de ce prince sévit particulièrement en l'année 481.

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vendredi, 22 mars 2024

22 mars. Sainte Catherine de Suède, reine et veuve. 1381.

- Sainte Catherine de Suède, reine et veuve. 1381.
 
Pape : Clément VII. Roi de Danemark, de Norvège et de Suède : Oluf IV.
 
" La Croix est l'échelle du ciel."
 

Sainte Catherine de Suède et sa mère sainte Brigitte.

Sainte Catherine eut pour père un prince de Suède et pour mère sainte Brigitte, cette femme si célèbre par ses Révélations. La fille devait être l'émule, sinon l'égale de sa mère, par ses vertus comme par les lumières qu'elle reçut du Ciel. On vit Catherine, encore au berceau, repousser une nourrice de vie coupable et ne point vouloir de son lait. Le démon la poursuivit dès sa plus tendre enfance, prenant la forme d'un taureau pour l'épouvanter et s'acharnant contre son petit corps frêle et délicat.

Lorsque Catherine, après la sainte éducation qu'elle reçut dans un monastère, fut en âge de se marier, son père lui donna de force un noble et vertueux époux qu'elle eut le bonheur de faire consentir à garder avec elle le voeu de virginité parfaite.

Cependant Brigitte, après la mort de son mari, était allée demeurer à Rome, qu'une inspiration divine lui avait montrée comme un lieu spécialement propre à sa sanctification. Catherine eut bientôt le désir de rejoindre sa mère et obtint cette grâce de son époux, qui, du reste, mourut pieusement quelques temps après.


Sainte Catherine de Suède.

Dans la Ville éternelle, on pouvait voir la mère et la fille visiter avec ferveur les églises et les tombeaux des martyrs et s'adonner ensemble à tous les exercices de la mortification et de la piété. Catherine sut résister aux obsessions de plusieurs seigneurs romains qui la recherchaient en mariage, et Dieu la défendit parfois d'une manière merveilleuse.

Sa joie était de paraître vile aux yeux des hommes ; quatre heures par jour à genoux sans interruption, elle contemplait les souffrances du Sauveur; elle flagellait cruellement son corps pour devenir plus semblable à son divin modèle ; soigner les malades et panser leurs plaies hideuses dans les hôpitaux, était sa plus douce satisfaction ; la terre nue et quelques pierres formaient la couche de sa mère, elle s'en approchait pendant la nuit et la faisait reposer doucement sur sa poitrine.


Sainte Catherine de Suède. Malning. XVe.

Un jour vint où elle fut privée de la compagnie de sa mère chérie ; elle fit transporter en Suède les restes mortels de cette sainte femme, qui y furent reçus en triomphe ; elle-même se fixa dans un monastère de sa patrie, où sa vertu s'épura dans le sacrifice: sa vie dès lors ne fut qu'une longue suite de douleurs corporelles. C'est dans un transport d'amour que son âme s'envola vers le Ciel. Depuis le moment de sa mort jusqu'à sa sépulture, une étoile brilla jour et nuit sur le monastère.

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