vendredi, 19 avril 2024
19 avril. Saint Expédit, commandant de la légion Fulminante et martyr. 303.
- Saint Expédit, commandant de la légion Fulminante et martyr. 303.
Pape : Saint Marcelin. Empereur romain : Dioclétien.
" Tout me semble une perte auprès de la connaissance de Jésus-Christ pour l'amour duquel je me suis privé de toutes choses."
Saint Paul. Ep. aux Philippiens, III, 8.

Saint Expédit. Eglise Saint-Didier. Brain-sur-Longuenée. Touraine.
C'est du Martyrologium Hieronymianum(1) que l'on tire que saint Expedit est mort martyr sous la persécution de Dioclétien le 19 avril 303. Il était le commandant en chef de la XIIe légion romaine, dénommée la Fulminante, qui tenait ses quartiers dans la ville de Mélitène, chef-lieu de la province romaine d’Arménie. Il avait donc 6821 hommes sous ses ordres. Cette légion était constituée d’Améniens chrétiens et avait déjà protégé Jérusalem contre les assauts des Barbares. En ce temps-là, elle avait pour mission de veiller sur la protection de la frontière orientale. Saint Expédit était donc investi d’une fonction de tout premier ordre.
Le nom de Fulminante donné à cette légion, provenait d’un fait d’armes miraculeux. C’était quelque cent ans plus tôt, sous le règne, et en la présence de Marc-Aurèle lui-même. L’armée romaine, engagée dans la pénible campagne de Germanie, s’était retranchée dans un oppidum fortifié de la région des Quades, dans le nord-est de la Hongrie, mais surprise par les Barbares, elle s’était laissée encercler. On se trouvait en été et l’eau finit par disparaître. Mourants de soif, les soldats romains n’avaient plus la force de combattre ; leur moral déclinait rapidement. L'armée romaine était sur le point de périr tout entière.
Faisant appel aux augures magiques qui accompagnaient inévitablement les troupes en campagne, et prédisaient la bonne ou la mauvaise issue d’une campagne, Marc-Aurèle ordonna que des prières publiques fussent adressées aux dieux. Tandis que le reste de l’armée s’adonnait à de stériles et répugnantes invocations et pratiques, la Fulminante sortit du camp, s’agenouilla dans la plaine et fit monter vers Jésus-Christ, le seul vrai Dieu, des prières ferventes. En voyant ces 6000 soldats à genoux, les bras en croix, l’ennemi interloqué n’osa attaquer.

Miracle de la Légion Fulminante. Sur la partie droite, Dieu est
représenté faisant pleuvoir pluie et grêle sur les Germains.
Détail de la Colonne antonine. Rome. IVe.
Leur prière une fois achevée, d’un même élan, les soldats se dressent et courent sus aux Barbares. A cet instant, une pluie torrentielle se met à tomber. Dans leurs casques, les soldats recueillent cette eau providentielle, s’en abreuvent à longs traits sans cesser de combattre et reprennent des forces. Aussitôt le combat engagé par la Fulminante, un terrible orage éclata. La foudre cribla les rangs des Barbares qui fuirent sous une pluie de grêlons gros comme des pierres alors que les chrétiens ne furent pas touchés. C’est en commémoration de ce miracle que la XIIe légion romaine reçut ce nom de Fulminante.
Ce fait est avéré et rapporté par Marc-Aurèle lui-même. Il aurait lui-même baptisé de Fulminante cette légion. Cette légion, composée très majoritairement de soldats chrétiens, s'était déjà illustrée précédemment par de hauts faits d'armes ; raison pour laquelle Marc-Aurèle, pendant cette terrible sécheresse, avait défendu que les autres troupes, qui l'accusaient d'en être responsable, ne s'en prissent à ses soldats, et même ne l'en accusât publiquement.
Nous avons à Rome, sur la Colonne antonine, un haut-relief rapportant ce miracle et en particulier Dieu faisant tomber la pluie et la grêle qui décimèrent les Germains. Ce fait est rappelé d'ailleurs par Apollonius (ou Apollinaire) de Rome, que nous avons fêté hier 18 avril, dans l'appologie de la vraie religion qu'il fit au Sénat pour sa défense. Saint Eusèbe de Césarée rapporte aussi l'événement et Tertullien apporte d'autres détails sur le sujet.

Eglise Saint-Briac. Saint-Briac-sur-Mer. Bretagne.
Du supplice de saint Expédit, quelque cent ans plus tard donc, nous ne connaissons que la date et le lieu : Mélitène. Flagellé jusqu’au sang puis décapité par le glaive. Son corps a entièrement disparu, ou du moins n'a pas été retrouvé. Nous n’avons aucune relique de lui.
A ce sujet, il en va de l'existence de saint Expédit, et des preuves de celle-ci, comme de celle de sainte Philomène, la " petite et chère sainte " de saint Jean-Marie Vianney, le curé d'Ars. Longtemps, l'Eglise n'avait ratifié le culte de sainte Philomène que sur la foi de la tradition. C'est à la charnière du XIXe et du XXe siècle seulement que des preuves de son existence furent découvertes à la faveur de fouilles entreprises dans les catacombes à Rome.
L'Eglise procède ainsi avec un certain nombre de saints, dont saint Expédit. Sur cette matière, le scepticisme, érigé en religion depuis le XXe siècle, et qui a disposé les usurpateurs du trône de Pierre à rayer un certain nombre de saints de LEUR calendrier, est au moins hasardeux. Ils auraient fait subir le même sort à sainte Philomène...
Quant au calendrier des dits usurpateurs : il n'est pas catholique. Rappelons que ce n'est pas parce qu'ils y conservent des saints authentiquement catholiques - avec lesquels ils ne partagent d'ailleurs presque rien de la vrai foi professée par ceux-ci, et ce qui illustre au passage leur volonté de subvertir sournoisement et de tromper les pauvres fidèles qui les suivent en changeant l'identité catholique de manière rampante et progressive afin de les pervertir " en douceur " -, qu'ils le sont eux-mêmes.
L'Eglise procède ainsi avec un certain nombre de saints, dont saint Expédit. Sur cette matière, le scepticisme, érigé en religion depuis le XXe siècle, et qui a disposé les usurpateurs du trône de Pierre à rayer un certain nombre de saints de LEUR calendrier, est au moins hasardeux. Ils auraient fait subir le même sort à sainte Philomène...
Quant au calendrier des dits usurpateurs : il n'est pas catholique. Rappelons que ce n'est pas parce qu'ils y conservent des saints authentiquement catholiques - avec lesquels ils ne partagent d'ailleurs presque rien de la vrai foi professée par ceux-ci, et ce qui illustre au passage leur volonté de subvertir sournoisement et de tromper les pauvres fidèles qui les suivent en changeant l'identité catholique de manière rampante et progressive afin de les pervertir " en douceur " -, qu'ils le sont eux-mêmes.

Verrière de l'église Saint-Etienne. Saint-Etienne-l'Allier. Normandie.
Bien d'autres sectes issues du Christiannisme, voire d'autres religions, aux tendances syncrétiques notamment, " vénèrent " des saints catholiques : cela n'en fait bien évidemment pas des religions catholiques.
Ce calendrier n'est pas catholique ; il n'est donc pas le nôtre, comme on l'aura compris. Ces notices ne tiennent donc aucun compte en la matière des curiosités et autres scandales postérieurs au pontificat de Pie XII.
Revenons à notre cher saint Expédit. Il a donc rejoint au ciel ses compagnons d’arme, saint Sébastien (que l'on fête le 2 janvier) et saint Maurice (que l'on fête au 22 septembre) de la légion Thébaine. Soldat de grands mérites militaires comme eux, chef courageux et reconnu comme eux, mais aussi et surtout martyr comme eux, pour avoir professé héroïquement Notre Seigneur Jésus-Christ.
On représente saint Expedit vêtu en légionnaire romain, tenant d’une main la palme du martyre, il présente de l’autre la croix sur laquelle est frappée le mot Hodie qui veut dire aujourd’hui. Du pied il écrase un corbeau (ou parfois l'aigle romaine) qui crie : Cras, c'est-à-dire demain.
Hodie, la devise de saint Expedit (qui est aussi le premier mot de la réponse de Notre Seigneur Jésus-Christ à la prière du Bon Larron pour aller avec lui en Paradis et qui a été choisit pour présider à ce blog), exprime que nous ne devons jamais attendre au lendemain pour rendre à Dieu l’hommage d’amour et de reconnaissance qui lui est dû, pour implorer sa miséricorde et obtenir ses grâces pour nous convertir.
Demain, en effet, c’est peut-être jamais.
Hodie, Aujourd'hui, nous invite à vivre au jour le jour ; chaque jour suffit sa peine. Vivre en présence de Dieu, voilà l’unique et sage façon de prévoir le demain.

Eglise Saint-Nicolas. Milan.
Saint Expedit est plus spécialement invoqué en faveur de trois causes principales (mais on peut le prier pour d’autres grâces) :
- le succès dans les examens, car il est le patron de la jeunesse ;
- l’intercession dans les affaires pressantes, quelles qu’elles soient ;
- la médiation dans les différends et les procès, afin de trouver une heureuse issue.
1. Le Martyrologium Hieronymianum (Martyrologe de Jérôme) fut compilé du Ve au VIe siècle par des moines de l'Eglise latine en Italie à la suite de travaux de saint Jérôme lui même et des monuments liturgiques nombreux et fiables (calendriers d'Eglises particulières, actes authentiques de martyres, etc.). Le Martyrologium Hieronymianum est notamment reproduit dans les Acta Sanctorum Novembris, T. II, par le commandeur Giovanni-Battista de Rossi et le R. P. Louis Duchesne, 1894. La Bibliothèque nationale de France conserve plusieurs exemplaires manuscrits datant du haut Moyen-Âge le reproduisant. On le trouve aussi dans la Patrologie latine de l'abbé Migne et chez bien d'autres commentateurs et compilateurs réputés.
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mercredi, 13 mars 2024
13 mars. Sainte Euphrasie, vierge dans la Thébaïde. 412.
- Sainte Euphrasie, vierge dans la Thébaïde. 412.
Pape : Innocent Ier. Empereur d'Occident : Honorius.
" O virginalis nuptiae
Per quas caro fit spiritus !
O dulce vinculum, jungitur
Quo mens Deo, menti Deus."
" Ô noces de la virginité
Par laquelle la chair devient esprit !
Ô doux noeuds, par lesquels
Dieu s'unit à l'âme et l'âme à Dieu."
Santeuil. Hymnes.
Par laquelle la chair devient esprit !
Ô doux noeuds, par lesquels
Dieu s'unit à l'âme et l'âme à Dieu."
Santeuil. Hymnes.

Sainte Euphrasie (ou Eupraxie, ou encore Euphrosine) était de race royale. Son père sénateur, Antigone, occupait l'une des charges les plus importantes à la cour de Constantinople. Sa mère, prénommée Euphrasie aussi, encouragea son époux à renoncer au monde, et à la mort de celui-ci, supplia l'empereur Théodose de prendre sa fille sous sa protection.
Notre sainte renonça bientôt à une brillante alliance, et fit distribuer aux pauvres ses immenses richesses pour ne penser plus qu'à servir Jésus-Christ. C'est un monastère de la Thébaïde qui eut la joie de la recevoir, et elle en devint bientôt, malgré sa jeunesse, l'édification et le modèle.
Dès sa douzième année, elle pratiqua les jeûnes du monastère, et ne mangea qu'une fois le jour ; plus tard, elle demeura jusqu'à deux ou trois jours sans prendre de nourriture ; elle put même parfois jeûner sans manger, une semaine entière. Les occupations les plus viles avaient sa préférence : cette fille de prince balayait le couvent, faisait le lit de ses soeurs, tirait de l'eau pour la cuisine, coupait du bois, et faisait tout cela avec une joie parfaite.

Sainte Euphrasie prenant l'habit. Vies de Saints. Henri. XIIIe.
Pour éprouver son obéissance, l'abbesse lui commanda un jour de transporter d'un endroit du jardin à l'autre d'énormes pierres que deux soeurs ensemble pouvaient à peine mouvoir. Elle obéit sur-le-champ, saisit les pierres les unes après les autres et les transporta sans difficulté au lieu indiqué. Le lendemain, elle dut les reporter à leur première place. Pendant trente jours on l'employa au même travail, sans qu'on put remarquer sur son visage aucune marque d'impatience.
Le démon, furieux de voir tant de vertu dans une frêle créature, lui fit une guerre acharnée. Un jour, il la jetait dans le puits où elle tirait de l'eau ; une autre fois il la renversait sur la chaudière d'eau bouillante où elle faisait cuire le maigre repas de ses soeurs ; mais la jeune sainte appelait Jésus à son secours et se riait des vains efforts de Satan. Les attaques les plus terribles furent celles où le malin esprit lui représentait, pendant son sommeil, les vanités et les plaisirs du siècle qu'elle avait quittés ; mais elle en triomphait par un redoublement de mortifications et par le soin de découvrir à son abbesse tous les pièges de son infernal ennemi.

Sainte Euphrasie. Gravure. Jacques Callot. XVIe.
L'existence d'Euphrasie était un miracle perpétuel ; car, malgré ses effrayantes austérités, elle n'était jamais malade, et son teint ne perdit rien de sa beauté ni de sa fraîcheur. Pendant un an, on ne la vit jamais s'asseoir, et elle ne prit qu'un peu de sommeil sur la terre nue. Dieu lui accorda le don de guérir les sourds-muets et de délivrer les possédés.
La mémoire de sainte Euphrasie est en telle vénération chez les Grecs que lorsqu'on reçoit les voeux d'une religieuse, le prêtre demande à Dieu pour elle qu'Il lui fasse part des grâces et des bénédictions dont Il a comblé sainte Thècle, sainte Euphrasie et sainte Olympiade.

On représente sainte Euphrasie embrassant un crucifix, pour rappeler cette circonstance de sa vie où, considérant un crucifix, elle crut voir dans ses bras ouverts une invitation à l'embrasser, et où elle courut l'environner de ses bras d'enfant, pour lui promettre de n'avoir jamais d'autre amour.
On la représente aussi foulant aux pieds le démon qui s'efforce de la jeter dans un puits.
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lundi, 11 mars 2024
11 mars. Saint Euloge, prêtre, et sainte Lucrèce, vierge, martyrs à Cordoue. 859.
- Saint Euloge, prêtre, et sainte Lucrèce, vierge, martyrs à Cordoue. 859.
Pape : Saint Nicolas Ier.
" En principe, on doit obéir à ses parents, à ses maîtres, aux autorités constituées ; mais quand ils commandent des choses contraires à la loi de Dieu, il faut appliquer la maxime de l'Apôtre saint Pierre : " Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes."

Saint Euloge et sainte Lucrèce. Icône mozarabe du Xe.
Euloge signifie qui parle bien. Saint Euloge, le principal ornement de l'Eglise d'Espagne au IXe siècle, appartenait à une des premières familles de Cordoue, alors capitale du royaume des Maures. Euloge entra, dès sa jeunesse, dans la communauté des prêtres de saint Zoïle, où il apprit les sciences avec la piété, et devint très habile, surtout dans la connaissance de l'Ecriture sainte. Il alla ensuite se mettre sous la direction d'un pieux et savant abbé nommé Espère-en-Dieu, qui gouvernait le monastère de Cute-Clar. Puis il enseigna les lettres dans Cordoue et fut élevé au sacerdoce. Il menait une vie sainte et mortifiée, tout en demeurant dans le monde. En 850, les Maures ayant persécuté les chrétiens, notre saint fut jeté en prison.
Il fut bientôt remis en liberté, et, l'archevêque de Tolède étant mort, le peuple et le clergé de cette ville choisirent Euloge pour lui succéder. Mais il plut à Notre-Seigneur de le couronner avant qu'il fût sacré. Il y avait à Cordoue une vierge chrétienne nommé Lucrèce, convertie fort jeune de l'infidélité de Mahomet à la foi de Jésus-Christ, par le moyen d'une de ses parentes. Elle se voyait extrêmement maltraitée par ses parents, qui voulaient la contraindre à apostasier. Elle se réfugia chez saint Euloge, qui la donna à garder à sa soeur Annulon, puis la fit mettre en sûreté chez un ami. Les parents de Lucrèce obtinrent du magistrat le pouvoir d'informer sur cet enlèvement et de saisir tous ceux qui leur seraient suspects. Beaucoup de personnes furent ainsi arrêtées.
Cependant la vierge Lucrèce désirait vivement revoir la soeur d'Euloge qu'elle aimait beaucoup. Elle se rendit pendant la nuit à sa demeure, espérant satisfaire le besoin de consolation qu'elle éprouvait. Elle se proposait de passer la journée auprès de sa compagne et puis de regagner sa retraite la nuit suivante. Elle raconta à Euloge et à sa soeur Annulon que deux fois, pendant qu'elle priait, elle avait senti sa bouche remplie d'une liqueur ressemblant à du miel, que, n'osant pas la cracher, elle l'avait avalée, et avait été ravie de la délicieuse saveur qu'elle y avait trouvée. Le saint lui dit que c'était là un présage e la douceur du royaume céleste, dont elle jouirait bientôt.
La vierge se disposait à retourner, le lendemain, en sa cachette, mais il arriva que celui qui devait la conduire ne vint point à l'heure fixée pendant la nuit, mais seulement au point du jour. Il n'y avait plus alors moyen de sortir, car Lucrèce ne voyageait que dans les ténèbres pour éviter les embûches des persécuteurs. Elle résolut donc de passer tout le jour en la demeure d'Euloge et de se mettre en route quand le soleil aurait disparu à l'horizon, lorsque la nuit aurait rétabli le calme et la solitude dans les rues de la ville. Cette décision, qui paraissait prise par la prudence humaine, était en même temps effet de la volonté divine : afin que la vierge et Euloge reçussent ensemble la couronne du martyre.

Saint Euloge prêchant. Mosaïque mozarabe du XIVe.
Ce jour-là même, en effet, par suite de trahison, d'embûches ou peut-être simplement par instinct, je ne sais, on vint révéler au juge le lieu où se trouvait cachée Lucrèce, et soudain la maison fut envahie par les soldats envoyés à la hâte pour y perquisitionner. Le bienheureux se trouvait heureusement chez lui en ce moment. Les satellites s'emparèrent de la vierge ; puis, saisissant Euloge, ils l'accablèrent de coups et d'outrages, et enfin traînèrent leurs deux captifs devant le tribunal. Le juge, bien résolu de profiter de cette occasion pour faire mourir dans les supplices le saint prêtre, lui lança des regards furibonds et lui demanda avec colère et menaces pourquoi il avait ainsi recélé chez lui la vierge Lucrèce.
Euloge, conservant le calme et la patience, se mit en devoir d'exposer la vérité avec l'élocution brillante qui le distinguait :
" Président, dit-il, c'est un devoir de notre charge, et il est dans la nature même de notre religion, d'offrir à ceux qui nous la demandent la lumière de la foi, et de ne pas refuser lès sacrements à ceux qui veulent marcher dans les sentiers qui mènent à la vie. C'est là le devoir des prêtres, c'est là une obligation que nous impose notre religion : l'ordre de Notre Seigneur Jésus-Christ est formel sur ce point : quiconque, dans sa soif, désire puiser aux fleuves de la foi, doit trouver deux fois plus de boisson qu'il n'en cherche. Or, cette vierge étant venue nous demander la règle de notre sainte foi, il était nécessaire que nous nous occupassions d'elle en proportion de sa ferveur. Il ne convenait pas de repousser celle qui formulait de si saints désirs ; surtout un tel refus venant de celui qui a été choisi par le Christ pour accomplir ces fonctions auprès des fidèles. J'ai donc, selon mon pouvoir, instruit et éclairé cette vierge ; je lui ai exposé notre foi qui ouvre le chemin du royaume céleste. J'aurais rempli avec grand plaisir le même devoir envers toi, si tu m'en avais prié."
Le président, les traits bouleversés par la fureur, ordonna d'apporter les verges et menaça le saint de le faire périr sous les coups. Euloge dit alors :
" Que désires-tu faire avec ces verges ?"
Le juge :
" T'arracher la vie."
Le saint :
" Apprête plutôt et aiguise ton glaive, tu délivreras plus facilement par ce moyen mon âme des liens du corps, et tu la rendras à son Créateur ; car avec tes verges tu ne peux pas espérer de couper nies membres."
Puis, d'une voix claire et assurée, le saint se mit à flageller la fausseté du prophète et de sa loi, et à proclamer la vérité de notre religion.
Aussitôt on l'entraîna au palais et on le fit comparaître devant les conseillers du roi. En l'apercevant, un des conseillers, qui connaissait intimement le saint, fut touché de compassion et lui cria :
" Que des fous et des idiots se soient précipités d'une façon lamentable dans ce gouffre de la mort, passe encore. Mais toi qui brilles par la sagesse, qui es renommé pour ta vie exemplaire, quelle démence a pu éteindre en toi l'amour naturel de la vie et t'entraîner dans cette chute mortelle ? Ecoute-moi, je t'en prie ; ne te précipite pas, tête baissée, dans cet abîme, je t'en supplie ; dis seulement une parole dans ce moment, et ensuite, dès que tu le, pourras, tu retourneras à ta foi. Nous promettons de ne pas t'inquiéter dans la suite."
Le martyr sourit en entendant cette exhortation :
" Ô mon ami, lui répondit-il, si tu pouvais savoir ! Quels biens sont réservés à ceux qui professent notre religion ! Si je pouvais faire passer en ton coeur la foi dont est rempli le mien ! Tu cesserais alors d'essayer de me détourner de mon dessein, et tu ne songerais qu'à te débarrasser de ces honneurs mondains !"
Euloge se mit alors à lui exposer le texte de l'Evangile éternel, et à lui prêcher le royaume du ciel avec liberté Les conseillers, ne voulant pas l'entendre, ordonnèrent de le décapiter séance tenante.
Pendant qu'on emmenait le saint, un des eunuques du roi lui donna un soufflet. Euloge présenta l'autre joue, en disant :
" Je t'en prie, frappe maintenant cette joue, afin qu'elle ne soit pas jalouse de l'honneur de sa compagne."
L'eunuque frappa une seconde fois, et le saint, sans rien perdre de sa patience et de sa douceur, présenta de nouveau la première. Mais les soldats l'arrachèrent et l'entraînèrent vers le lieu du supplice. Arrivé là, Euloge se mit à genoux pour prier, tendit les mains vers le ciel, fit le signe de la croix, et après une courte prière intérieure il tendit le cou au bourreau. Aussitôt un coup rapide lui donna la vie. Euloge consomma son martyre le 5 des ides de mars, un samedi, à l'heure de none.
Aussitôt que son cadavre eut été précipité du haut d'un rocher dans le fleuve, une colombe éclatante de blancheur fendit les airs à la vue de tous les spectateurs, et vint en voletant se poser sur la dépouille du martyr. On se mit alors à lui jeter des pierres pour la chasser, mais ce fut en vain. On essaya de l'écarter avec les mains, mais elle alla en sautillant, sans se servir de ses ailes, se percher sur une tour qui dominait le fleuve, et se tint là les yeux tournés vers le corps du bienheureux.
Il ne faut pas omettre ici de rapporter le miracle que le Christ opéra sur ce corps pour la gloire de son nom. Un habitant d'Artyge, qui accomplissait son service mensuel dans le palais et était chargé de veiller pendant la nuit, voulut se désaltérer et se rendit à l'aqueduc qui amène en ce lieu les eaux du fleuve. En arrivant, il aperçut autour du cadavre du bienheureux Euloge, qui était là gisant, des prêtres dont les vêtements étaient plus blancs que la neige : ils tenaient à la main des lampes brillantes et récitaient gravement des psaumes comme on fait à l'office divin. Effrayé par cette vision, le garde regagna son gîte à toutes jambes. Il raconta ce qu'il venait de voir à son compagnon et retourna avec lui en ce même endroit ; mais tout avait disparu. Le lendemain de l'exécution, les chrétiens purent racheter la tête du martyr ; son corps fut recueilli trois jours après, et on l'ensevelit dans l'église du bienheureux Zoïle, martyr lui aussi.
Les fanatiques musulmans profanèrent à leur arrivée à Cordoue,
au VIIIe siècle, la basilique Saint-Vincent en en faisant une mosquée.
Dès la reconquête de Cordoue, au XIIIe siècle, l'Eglise,
après l'avoir exorcisée, la rendit au vrai culte et en fit
une église cathédrale. dédiée à Notre Dame et à saint Vincent.Les juges essayèrent de gagner la bienheureuse Lucrèce par toutes sortes de caresses et de promesses ; mais elle se maintint fermement dans la foi et fut décapitée quatre jours après le bienheureux Euloge. On jeta sa dépouille dans le fleuve, mais les eaux ne purent ni la submerger ni la dérober ; et, au grand étonnement de tout le monde, son corps suivit lentement le courant du fleuve. Les chrétiens purent ainsi l'attirer sur la rive et l'ensevelirent dans la basilique du martyr saint Genès, élevée au lieu dit Tercios.
Telle fut la fin du bienheureux docteur Euloge ; telle fut sa mort admirable ; ainsi passa-t-il de ce monde en l'autre, chargé de bonnes oeuvres et de mérites.
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