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samedi, 20 juillet 2024

20 juillet. Saint Jérôme Emilien, confesseur, fondateur des Clercs réguliers Somasques. 1537.

- Saint Jérôme Emilien, confesseur, fondateur des Clercs réguliers Somasques. 1537.
 
Pape : Paul III. Roi de France : François Ier. Empereur d'Allemagne, roi d'Espagne : Charles Quint (Charles Ier pour le royaume d'Espagne).
 
" La charité est véritable non quand elle se traduit par des paroles et des politesses, mais quand elle se manifeste par des oeuvres et des bienfaits."
Saint Jean Chrysostome.
 

Issu de cette puissante aristocratie qui valut à la reine de l'Adriatique douze siècles de splendeurs, Jérôme vint au monde à l'époque où Venise atteignait l'apogée de sa gloire. A quinze ans soldat, il fut un des héros de la lutte formidable où sa patrie soutint l'effort de l'Europe presque entière coalisée contre elle dans la ligue de Cambrai. La cité d'or, écrasée un instant et rétablie bientôt dans son ancienne fortune, offrait ses honneurs au défenseur de Castelnovo, tombé vaillamment et relevé comme elle. Mais Notre-Dame de Trévise, en délivrant le prisonnier des chaînes allemandes, l'avait fait son captif ; elle le rendait à saint Marc pour une mission plus haute que celles que la fière république aurait pu lui donner. Le descendant des Aemiliani, conquis par l'éternelle beauté comme un siècle plus tôt Laurent Justinien, n'allait plus vivre que pour l'humilité qui conduit au ciel et les hauts faits de la charité. Somasque, obscur village devenu le camp retranché d'une milice nouvelle recrutée par ses soins, éclipsera pour lui tous les titres de la terre ; et ses victoires seront maintenant d'amener à Dieu les petits enfants. Les patriciens, dont naguère il marchait l'égal, ne le verront plus dans leurs palais ; car sa noblesse est plus élevée : ils servent le monde, et lui les cieux ; les Anges sont les émules de sa gloire leur ambition (Hilar. in Matth. XVIII.), comme la sienne, est de garder au Père l'hommage immaculé de ces âmes innocentes dont le plus grand au royaume des cieux doit porter la ressemblance (Matth. XVIII, 4.).

" En effet, nous dit aujourd'hui l'Eglise par la bouche si pleine de charmes de saint Jean Chrysostome, l'âme de l'enfant est pure de toutes passions. Il ne garde point rancune à ceux qui l'offensent, mais, comme si de rien n'eût été, les revient trouver en amis. Si souvent que sa mère le frappe, il la cherche toujours et la préfère à tout. Montrez-lui une reine avec sa couronne : il ne la met point au-dessus de sa mère en haillons, et il aime mieux la vue de celle-ci dans sa pauvreté que le spectacle de la reine en sa magnificence. Car il juge de ce qui l'intéresse ou ne le touche point, non sur la richesse ou la pénurie, mais sur l'amour. Le nécessaire et rien plus est tout son désir ; gorgé du lait qu'il aime, il laisse en repos le sein où il puise. L'enfant n'a pas nos chagrins : ni perte de biens, ni rien de pareil ne saurait le troubler ; il ne goûte pas nos plaisirs : ni la beauté des corps, ni tout ce périssable qui nous séduit, ne peut l'émouvoir. C'est pourquoi le Seigneur disait : Le royaume des cieux est pour qui leur ressemble (Ibid. XIX, 14.), nous exhortant à pratiquer par choix ce que les enfants font par nature." (Chrys. in Matth. Hom. LXII, al. LXIII.).

Leurs célestes gardiens plongeant la vue dans ces êtres si purs, c'est encore la parole du Seigneur, ne sont point distraits delà contemplation du Père qui est au ciel (Matth. XVIII, 10.) ; car il réside en eux comme sur les ailes des Chérubins, depuis le baptême qui en a fait ses fils. Heureux notre Saint d'avoir été choisi par Dieu pour partager les soucis des Anges ici-bas, en attendant d'être associé à leur félicité dans les cieux !


Mattia Traverso. XIXe.

Jérôme (Girolamo) naquit à Venise de la famille patricienne des Miani de Emiliani (ou Aemiliani ou Miani) par son père et des Morocini par sa mère. Soldat dès sa première adolescence, il fut, en des temps difficiles pour la République, préposé à la défense de Castelnovo sur le territoire de Quero dans les monts de Trévise.

La forteresse ayant, été prise, il fut lui-même jeté, pieds et poings liés, dans une affreuse prison. Dénué de tout secours humain, il tourne vers la bienheureuse Vierge ses prières ; elle, clémente, vient à lui, délie ses chaînes, et, par le milieu des ennemis qui occupaient toutes les routes, le conduit sain et sauf en vue de Trévise. Entré dans la ville, en témoignage du bienfait reçu, il suspend à l'autel de la Mère de Dieu devenue sa Dame les menottes, les entraves et les chaînes qu'il avait apportées avec lui. De retour à Venise, on le vit s'adonner avec ferveur aux inspirations de la piété et d'une admirable charité pour les pauvres ; mais sa miséricorde se porta surtout sur les enfants qui, privés de parents, erraient par la ville misérables et sordides : il les recueillit dans des maisons louées à ses frais, pour les nourrir et les former aux mœurs chrétiennes.

En ces jours abordaient à Venise le bienheureux Gaétan et Pierre Caraffa qui fut plus tard Paul IV. Ils approuvèrent l'esprit de Jérôme et sa nouvelle entreprise de recueillir les orphelins ; en même temps ils l'introduisirent à l'hôpital des incurables, où sa charité devait trouver à s'exercer également et simultanément à l'éducation des enfants abandonnés et au soin des malades. Bientôt, sur leurs conseils encore, gagnant le continent, il éleva des orphelinats à Brescia d'abord, puis à Bergame et à Côme ; Bergame surtout bénéficia de son zèle: car, outre deux établissements dont l'un pour les garçons et l'autre pour les filles, il y ouvrit, nouveauté inconnue dans ces régions, un asile pour les femmes perdues converties à pénitence.


S'arrêtant enfin à Somasque, humble village du territoire de Bergame aux confins des possessions Vénitiennes, il y fixa le siège de la Congrégation qu'il établit alors et qui reçut à cause de cela le nom de Somasque. Elle s'accrut et se propagea par la suite ; au gouvernement des orphelins, au soin des édifices sacrés, elle joignit, pour la plus grande utilité de la république chrétienne, l'éducation des jeunes gens dans les lettres et les bonnes mœurs, fondant pour cette fin des collèges, académies et séminaires. Saint Pie V l'admit parmi les Ordres religieux, et les autres Souverains Pontifes l'honorèrent par des privilèges.

Tout entier à la pensée des orphelins, Jérôme partit pour Milan et Pavie, et, avec l'aide de nobles personnages, il pourvut de demeure, de nourriture, de vêtement, de maîtres, les troupes d'enfants qu'il rassembla dans les deux villes.
Rentré à Somasque, tout à tous, il ne répugnait à rien de ce qu'il prévoyait devoir tourner au bien du prochain. Il se mêlait dans les champs aux villageois faisant la récolte, et, tout en les aidant dans leurs travaux, leur expliquait les mystères de la foi ; on le voyait prendre soin des enfants avec une patience qui allait jusqu'à nettoyer leurs têtes teigneuses et repoussantes, et tel était le succès avec lequel il s'employait au pansement des plaies putrides des paysans, qu'on le regardait comme doué de la grâce des guérisons.

Avant trouvé sur la montagne qui domine Somasque une grotte écartée, il s'y cachait et là, se flagellant, passant à jeun des jours entiers, en prière la plus grande partie des nuits et ne prenant que sur le roc nu un court sommeil, il expiait ses fautes et celles d'autrui. Dans l'intérieur de cette grotte coule goutte à goutte de la pierre aride une eau obtenue, d'après une constante tradition, par les prières du serviteur de Dieu ; jamais tarie jusqu'à nos jours, et portée en divers pays, elle obtient souvent la santé aux malades.


Saint Jérôme Emilien pendant une extase. Antonio Magatti. XVIIe.

Enfin, dans une contagion qui ravageait toute la vallée, et où il se dépensa, servant les malades et portant les morts sur ses propres épaules à la sépulture, le mal l'atteignit lui-même. Il avait cinquante-six ans.

Sa précieuse mort, que peu auparavant il avait prédite, arriva le 8 février 1537 sur le territoire de Bergame, au service des pestiférés, laissant donc la Congrégation des Clercs Réguliers Somasques pour continuer son oeuvre.

Illustré par de nombreux miracles durant sa vie et après sa mort, Benoît XIV et Clément XIII l'inscrivirent solennellement, le premier au nombre des Bienheureux, le second dans les fastes des Saints.

 
Saint Jérôme Emilien enseignant d'humbles petits enfants.
Imagerie populaire. XIXe.

PRIERE

" Avec Vincent de Paul et Camille de Lellis, Ô Jérôme Emilien, vous constituez sur le Cycle en ces jours le triumvirat de la charité. Ainsi l'Esprit divin, dont le règne se poursuit, trouve-t-il ses complaisances à marquer l'empreinte de la Trinité sur les temps ; ainsi veut-il manifester que l'amour du Seigneur Dieu, qu'il apporte au monde, ne va point sans celui des frères. Dans le temps même où il fournissait par vous cette démonstration à la terre, l'esprit du mal faisait de son côté la preuve que l'amour vrai de nos semblables disparaît d'où s'en va celui du Seigneur, lequel lui-même s'éteint là où la foi n'est plus : entre les ruines de la prétendue réforme et la fécondité toujours nouvelle de l'Esprit de sainteté, l'humanité put choisir. Son choix, hélas, fut loin d'être partout conforme à ses intérêts du temps et de l'éternité. Combien plus que vous n'aurions-nous pas raison de répéter la prière que vous enseigniez aux petits orphelins :
" Notre doux-Père, Seigneur Jésus-Christ, nous vous en supplions par votre bonté infinie, relevez la chrétienté, ramenez-la toute à cette droiture de la sainteté qui fleurit au temps de vos Apôtres."


Apothéose de saint Jérôme Emilien. XVIIIe.

Vous avez travaillé largement pour votre part à cette œuvre immense de restauration. La Mère de la divine grâce, en brisant vos chaînes dans la prison, rendait à votre âme plus cruellement captive l'essor du baptême et de vos premiers ans ; votre jeunesse, comme celle de l'aigle, était renouvelée (Psalm. CII, 5.) ; décuplée au service du prince très puissant chanté dans le Psaume (Psalm. XLIV, 4.), la valeur qui vous avait illustré dans les armées d'ici-bas, multiplia vos conquêtes sur la mort et l'enfer. Qui jamais, dans cette arène nouvelle, pourrait nombrer vos prises ? Jésus, le Roi de la guerre du salut, vous communiqua ses prédilections pour les petits enfants : qui comptera ceux que vous sûtes garder à ses caresses divines en leur innocence, ceux qui déjà périssaient et vous devront leur couronne au ciel ! Du trône où vous entourent déjà leurs gracieuses phalanges, multipliez vos fils, soutenez tous ceux qui continuent votre œuvre sur la terre ; que votre esprit se répande toujours plus dans un temps où l'odieuse jalousie de Satan dispute plus que jamais le jeune âge au Seigneur. Heureux, à l'heure dernière, ceux qui auront accompli l'œuvre de miséricorde par excellence en nos jours : sauvé la foi des enfants, préservé leur baptême ! Eussent-ils comme vous autrefois mérité la colère, ils pourront redire avec confiance ces mots que vous affectionniez :
" Ô très doux Jésus, soyez-moi sauveur et non juge !"

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samedi, 13 juillet 2024

13 juillet. Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.

- Bienheureux Jacques de Voragine, dominicain, archevêque de Gènes. 1298.

Pape : Boniface VIII. Capitaine du peuple de Gènes : Olberto Doria. Roi de France : Philippe IV, le Bel.

" La science parfaite consiste à faire tout avec soin et à se bien pénétrer qu'on n'est rien par ses propres mérites."
Saint Bonaventure, sup. Job.


Statue du bienheureux Jacques de Voragine. Gènes.

Jacques de Voragine est né entre 1228 et 1229 à Varazze ou, plus probablement, à Gênes, où est attestée la présence d’une famille originaire de Varazze, appelée de " Varagine ". La formule de " Voragine " par laquelle il est parfois désigné dans les sources anciennes est une variante de " da Varagine ". L’idée remontant au XVIe siècle et devenue ensuite traditionnelle selon laquelle " Voragine " vient de " vorago ", pour indiquer l’abîme de connaissance dont Jacques a fait preuve dans ses oeuvres est donc extravagante, même si elle exprime une certaine vérité.

C’est le bienheureux Jacques lui-même qui fournit, dans une rapide autobiographie contenue dans l’une de ses oeuvres, la Chronica civitatis Ianuenses, les premières dates marquantes de sa vie : 1239 lorsque dans son enfance il assiste à une éclipse solaire, 1244 lorsque, adolescent, il entre dans l’Ordre des frères prêcheurs, et 1264, lorsqu’il a eu l’occasion d’admirer pendant quarante jours un autre fait prodigieux, c’est-à-dire l’apparition d’une comète.

Jacques avait pris une responsabilité importante à l’intérieur de l’Ordre avant 1267, date à laquelle il fut élevé, au Chapitre Général de Bologne, à l’office de prieur de l’importante province de Lombardie, qui comprenait à l’époque toute l’Italie septentrionale, l’Emilie et le Picenum. Il a occupé cette charge pendant dix années, participant aux chapitres provinciaux et généraux de l’Ordre et résidant probablement au couvent de Milan ou dans celui de Bologne, jusqu’à ce qu’il soit absolutus de cette charge au chapitre général de Bordeaux en 1277.

Après quelques années, au chapitre provincial de Bologne de 1281, il fut à nouveau nommé prieur de la province lombarde, charge qu’il a occupée pour cinq années encore, jusqu’en 1286. De 1283 à 1285, il exerça les fonctions de régent de l’Ordre après la mort de Jean de Verceil et avant l’élection du nouveau maître général, Munio de Zamora.


Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant. J. de Vignay. XIVe.

Entre temps, il continua à maintenir de forts liens avec la cité de Gênes. Le jour de Pâques 1283, comme il le raconte lui-même dans son opuscule Historia reliquiarum que sunt in monasterio sororum Sanctorum Philippi et Iacobi, il fit transporter une précieuse relique, la tête d’une des vierges de Sainte-Ursule, de Cologne au couvent des soeurs dominicaines de Gênes des saints Jacques et Philippe ; il s’agit du même couvent auquel quelques années plus tôt, durant son précédent priorat, il avait donné une autre relique, le doigt de saint Philippe, qu’il avait lui-même détaché de la main du saint conservée dans le couvent de Venise.

A cette occasion Jacques, après la procession solennelle, a donné une messe et un prêche au peuple. En 1288, alors qu’il n’était plus depuis deux ans prieur de la Lombardie, il fut candidat à la charge d’archevêque de Gênes, mais n’obtint pas, comme les trois autres candidats, la majorité des voix ; le pape Nicolas IV suspendit la nomination, confiant cependant à Jacques, le 18 mai de la même année, la tâche d’absoudre en une cérémonie publique, qui se tint dans l’église de Saint-Dominique, les Génois excommuniés pour avoir eu des rapports commerciaux avec les Siciliens, eux-mêmes excommuniés à cause de la guerre des Vêpres. La même année, il fut nommé diffinitor au chapitre général de Lucques.

En 1290, à l’occasion du chapitre général de Ferrare, Jacques résista aux pressions des cardinaux romains qui, dans une lettre,demandaient la démission du maître général Munio de Zamora, mal vu pour son rigorisme à l’intérieur de l’Ordre et de la Curie romaine. La lettre n’obtint aucun effet : non seulement le maître général ne démissionna pas, mais il fut soutenu par une déclaration publique, signée aussi de Jacques, qui exaltait sa vertu et approuvait sa politique.

Selon la relation de Gerolamo Borsello (XVe) et, après lui, d’autres biographes anciens, ce serait justement à cause de ce soutien donné à la ligne rigoureuse de Munio de Zamora que Jacques aurait subi cette année une tentative d’homicide de la part de confrères qui voulaient le jeter dans le puits du couvent de Ferrare. Une tentative qui, raconte encore Borsello, se serait répétée l’année suivante, en 1291, à Milan, cette fois parce que Jacques avait exclu du chapitre provincial frère Stefanardo, prieur du couvent milanais.

Rappelons à ce sujet que notre bienheureux combattit dans la grande querelle qui opposa les Guelfes et les Gibelins.


Le bienheureux Jacques de Voragine prêchant.
Manuscrit du XIVe. France.

En 1292, il fut nommé par le pape Nicolas IV archevêque de Gênes. Jacques consacra les six dernières années de sa vie à gouverner le diocèse génois, de 1292 à 1298, année de sa mort. Son action s’est tournée d’abord vers la réorganisation législative du clergé sous l’autorité archiépiscopale. Dans ce but, il convoca un concile provincial, qui se tint dans la cathédrale Saint-Laurent en juin 1293, durant lequel, comme le raconte Jacques lui-même dans la chronique de Gênes, fut accomplie, en présence des gouvernants et des notables puis de tout le peuple, une reconnaissance des os de san Siro, patron de la cité, qui confirmait solennellement l’authenticité de la relique.

L’activité de Jacques est intense sur le plan politique, il en offre lui-même un ample compte-rendu dans la Chronique de Gênes . En 1295, dans les premiers mois de l’année, il promut la pacification entre les factions de la cité et célébra la paix finalement obtenue dans une assemblée publique lors de laquelle il prêcha et entonna, avec ses ministres, les louanges à Dieu ; suivit ensuite une procession solennelle à travers les rues de la cité, guidée par ce même Jacques à cheval qui se conclut avec la remise de l’insigne de miles au podestat de Gênes, le milanais Jacques de Carcano.

La même année, en avril, avec les ambassadeurs envoyés par la Commune, il accomplit un voyage à Rome, convoqué par le pape Boniface VIII qui cherchait à prolonger l’armistice entre Gênes et Venise. Le séjour à la Curie romaine se prolongea une centaine de jours, et Jacques ne manqua pas de montrer une certaine fatigue face à l’indécision du pape et surtout face aux manoeuvres dilatoires des ambassadeurs vénitiens.

A ce point les Génois, après la longue attente, décidèrent d’aller à l’affrontement contre Venise, réunissant, dans l’enthousiasme populaire, une flotte qui aurait dû affronter les ennemis dans une bataille décisive près de Messine, à laquelle cependant les Vénitiens ne se présentèrent pas, contraignant le commandant Oberto Doria à retourner à Gênes sans avoir combattu, accueilli cependant en triomphe par la cité et par son évêque.

A la fin de 1295, Jacques subit un revers politique et une profonde déception personnelle : en effet, la paix entre les factions citadines se rompit, cette paix qu’il avait voulue et solennellement célébrée quelques mois plus tôt ; des incidents violents éclatèrent, durant lesquels la cathédrale Saint-Laurent fut incendiée, et son toit fut totalement brûlé. Les dommages furent si importants que Jacques demanda au pape une aide, qui lui fut accordée le 12 juin 1296.

Jacques mourut dans la nuit du 13 au 14 juillet 1298. Il demanda à ce que les frais nécessaire soient intégralement distribués aux pauvres. Son corps, d’abord enseveli dans l’église Saint-Dominique du couvent des frères prêcheurs de Gênes, fut, à la fin du XVIIIe siècle, transféré dans une autre église dominicaine, Santa Maria di Castello, où il se trouve encore. En vertu de la vénération et du culte dont il fut l’objet pendant des siècles, Jacques a été béatifié en 1816 par le pape Pie VII.

Son oeuvre est ample et remarquable tant par sa quantité que par sa qualité et sa science hors du commun. Quelques liens nous permettent de consulter entre autres la très fameuse Legenda aurea (tant de fois illustrée par les plus grands artistes) ou ses sermons.

Rq : On lira entre autres :
- http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/index.htm
- http://www.jesusmarie.com/jacques_de_voragine.html
- http://www.sermones.net et http://thesaurus.sermones.net/voragine/index.xsp;jsession...

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vendredi, 12 juillet 2024

12 juillet. Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.

- Saint Jean Gualbert, bénédictin, instituteur de la congrégation de Vallombreuse, abbé de Vallombreuse. 1073.

Papes : Alexandre II (1073 +), saint Grégoire VII. Empereur germanique : Henri IV. Roi de France : Philippe Ier.

" Nul ne doit espérer la miséricorde de Dieu, s'il est lui-même sans miséricorde."
Saint Augustin.


Saint Jean Galbert. Fresque. Détail.
Eglise de la Sainte-Trinité. Neri di Bicci. XIVe.

Depuis le jour où Simon le Mage se fit baptiser à Samarie, jamais l'enfer ne s'était vu si près d'être maître dans l'Eglise qu'au temps où nous ramène à l'occasion de la fête présente le Cycle sacré. Repoussé par Pierre avec malédiction, Simon, s'adressant aux princes, leur avait dit comme autrefois aux Apôtres :
" Donnez-moi pour argent ce pouvoir qu'à quiconque j'imposerai les mains, celui-là ait le Saint-Esprit." (Act. VIII.).

Et les princes, heureux à la fois de supplanter Pierre et d'augmenter leurs trésors, s'étaient arrogé le droit d'investir les élus de leur choix du gouvernement des Eglises ; et les évêques à leur tour avaient vendu au plus offrant les divers ordres de la sainte hiérarchie ; et s'introduisant à la suite de la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair avait rempli le sanctuaire d'opprobres sans nom.

Le dixième siècle avait assisté à l'humiliation même du pontificat souverain ; le onzième, au tiers de son cours, voyait le débordement du fleuve maudit changer en marais les derniers pâturages encore saufs des brebis du Seigneur. L'œuvre du salut s'élaborait à l'ombre du cloître ; mais l'éloquence de Pierre Damien n'avait point jusque-là franchi le désert, et la rencontre d'Hugues de Cluny, de Léon IX et d'Hildebrand devait se faire attendre plus encore. Or voici que dans le silence de mort qui planait sur la chrétienté, un cri d'alarme a retenti soudain, secouant la léthargie des peuples : cri d'un moine, vaillant homme d'armes jadis, vers qui s'est penchée la tête du Christ en croix pour reconnaître l'héroïsme avec lequel un jour il sut épargner un ennemi. Chassé par le flot montant de la simonie qui vient d'atteindre son monastère de San-Miniato, Jean Gualbert est entré dans Florence, et trouvant là encore le bâton pastoral aux mains d'un mercenaire, il a senti le zèle de la maison de Dieu dévorer son cœur (Psalm. LXVIII, 10.) ; en pleine place publique, il a dénoncé l'ignominie de l'évêque et de son propre abbé, voulant ainsi du moins délivrer son âme (Ezech. III, 19.).


Eglise Saint-Jean. Vilnius. Lituanie. XVIIIe.

A la vue de ce moine qui, dans son isolement, se dressait ainsi contre la honte universelle, il y eut un moment de stupeur au sein de la foule assemblée. Bientôt les multiples complicités qui trouvaient leur compte au présent état de choses regimbèrent sous l'attaque, et se retournèrent furieuses contre le censeur importun qui se permettait de troubler la bonne foi des simples. Jean n'échappa qu'à grand'peine à la mort ; mais, dès ce jour, sa vocation spéciale était fixée : les justes qui n'avaient point cessé d'espérer, saluèrent en lui le vengeur d'Israël ; leur attente ne devait pas être confondue.

Comme toujours cependant pour les œuvres authentiquement marquées du sceau divin, l'Esprit-Saint devra mettre un long temps à former l'élu de sa droite. L'athlète a jeté le gant aux puissances de ce monde ; la guerre sainte est ouverte : ne semble-t-il pas que dès lors il faille avant tout donner suite à la déclaration des hostilités, tenir campagne sans trêve ni repos jusqu'à pleine défaite de l'ennemi ? Et néanmoins le soldat des combats du Seigneur, allant au plus pressé, se retirera dans la solitude pour y améliorer sa vie, selon l'expression si fortement chrétienne de la charte même qui fonda Vallombreuse (Meliovandœ vitœ gratta : Litterœ donationis Ittae Abbatissae ; Ughelli, III, 299 vel 231.). Les tenants du désordre, un instant effrayés de la soudaineté de l'attaque et voyant sitôt disparaître l'agresseur, se riront de ce qui ne sera plus à leurs yeux qu'une fausse entrée dans l'arène ; quoi qu'il en coûte au brillant cavalier d'autrefois, il attendra humble et soumis, pour reprendre l'assaut, ce que le Psalmiste appelle le temps du bon plaisir de Dieu (Psalm. LXVIII, 14.).

Peu à peu, de toutes les âmes que révolte la pourriture de cet ordre social en décomposition qu'il a démasqué, se recrute autour de lui l'armée de la prière et de la pénitence. Des gorges des Apennins elle étend ses positions dans la Toscane entière, en attendant qu'elle couvre l'Italie et passe les monts. Septime à sept milles de Florence, Saint-Sauve aux portes de la ville, forment les postes avancés où, en 1063, reprend l'effort de la guerre sainte. Un autre simoniaque, Pierre de Pavie, vient d'occuper par droit d'achat le siège des pontifes. Jean et ses moines ont résolu de plutôt mourir que de porter en silence l'affront nouveau fait à l'Eglise de Dieu. Mais le temps n'est plus où la violence et les huées d'une foule séduite accueillaient seules la protestation courageuse du moine fugitif de San-Miniato.


Saint Jean Gualbert et saint Laurent. Fresque. Lorenza de Mozzi.
Eglise du Saint-Esprit et de Sainte-Félicité. Florence. XVe.

Le fondateur de Vallombreuse est devenu, par le crédit que donnent les miracles et la sainteté, l'oracle des peuples. A sa voix retentissant de nouveau dans Florence, une telle émotion s'empare du troupeau, que l'indigne pasteur, sentant qu'il n'a plus à dissimuler, rejette au loin sa peau de brebis (Matth. VII, 15.) et montre en lui le voleur qui n'est venu que pour voler, pour égorger et pour perdre (Johan. X, 10.). Une troupe armée à ses ordres fond sur Saint-Sauve ; elle met le feu au monastère, et se jette sur les moines qui, surpris au milieu de l'Office de la nuit, tombent sous le glaive, sans interrompre la psalmodie jusqu'au coup qui les frappe. De Vallombreuse, à la nouvelle du martyre ennoblissant ses fils, Jean Gualbert entonne un chant de triomphe. Florence, saisie d'horreur, rejette la communion de l'évêque assassin, Pourtant quatre années encore séparaient ce peuple de la délivrance, et les grandes douleurs pour Jean n'étaient pas commencées.

L'illustre ennemi de tous les désordres de son temps, saint Pierre Damien, venait d'arriver de la Ville éternelle. Investi de l'autorité du Pontife suprême, on était assuré d'avance qu'il ne pactiserait point avec la simonie, et l'on pouvait croire qu'il ramènerait la paix dans cette Eglise désolée. Ce fut le contraire qui eut lieu. Les plus grands saints peuvent se tromper, et, dans leurs erreurs, devenir les uns pour les autres un sujet d'épreuve d'autant plus acerbe que leur volonté, moins sujette aux changements capricieux des autres hommes, reste plus ferme dans la voie qu'ils se sont une fois tracée en vue des intérêts de Dieu et de son Eglise. Peut-être le grand évêque d'Ostie ne se rendit pas assez compte de la situation toute d'exception que faisaient aux victimes de Pierre de Pavie sa simonie notoire, et la violence avec laquelle il massacrait lui-même sans autre forme de procès les contradicteurs. Partant de l'incontestable principe que ce n'est point aux inférieurs à déposer leurs chefs, le légat réprouva la conduite de ceux qui s'étaient séparés de l'évêque ; et, arguant de certaines paroles extrêmes échappées à quelques-uns dans une indignation trop peu contenue, il retourna sur ceux qu'il appelait " ses confrères les moines " l'accusation d'hérésie portée par eux contre le prélat simoniaque (Petr. Dam. Opuscul. XXX, De Sacramentis per improbos administratis.).

L'accès du Siège apostolique restait ouvert aux accusés ; ils y portèrent intrépidement leur cause. Cette fois du moins, on ne pouvait soulever d'argument d'exception contre la canonicité de leur procédure. Mais là, dit l'historien (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.), beaucoup craignant pour eux-mêmes se mirent à s'élever contre eux; et lorsque presque tous, exhalant leur fureur, jugeaient dignes de mort ces moines dont la témérité osait faire la guerre aux prélats de l'Eglise, alors derechef, en plein concile romain, Pierre Damien prenant la parole alla jusqu'à dire au Pontife suprême :
" Seigneur et Père saint, ce sont là les sauterelles qui dévorent la verdure de la sainte Eglise ; que le vent du midi se lève et les emporte à la mer Rouge !"


Saint Jean Gualbert. Legenda aurea. Bx J. de Voragine XVe.

Mais le saint et très glorieux Pape Alexandre II, répondant avec douceur à ces excès de langage, prenait les moines en sa défense et rendait hommage à la droiture de leurs intentions. Cependant il n'osa donner suite à leur demande dépasser outre, parce que la plus grande partie des évêques favorisait Pierre de Pavie, et que seul l'archidiacre Hildebrand soutenait en tout l'abbé de Vallombreuse (Vita S. J. Gualb. ap. Baron, ad an. 1063.).

L'heure néanmoins allait venir où Dieu même prononcerait ce jugement qu'on ne pouvait obtenir de la terre. Assaillis de menaces, traités comme des agneaux au milieu des loups (Ibid.), Jean Gualbert et ses fils criaient au ciel avec le Psalmiste :
" Levez-vous, Seigneur, aidez-nous ; levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, Ô Dieu : jugez votre cause." (Psalm. XLIII, LXXIII.).

A Florence, les sévices continuaient. Saint-Sauveur de Septime était devenu le refuge des clercs que la persécution bannissait de la ville ; le fondateur de Vallombreuse, qui résidait alors en ce lieu, multipliait pour eux les ressources de sa charité. Mais la situation devint telle enfin, qu'un jour du Carême de l'année 1067, le reste du clergé et la ville entière, laissant le simoniaque à la solitude de son palais désert, accourut à Septime. Ni la longueur du chemin détrempé par les pluies, ni la rigueur du jeûne observé par tous, dit la relation adressée dans les jours mêmes au Pontife souverain par le peuple et le clergé de Florence, ne purent arrêter les matrones les plus délicates, les femmes prêtes d'être mères ou les enfants (Epist. cleri et populi Florentini ad Alexandrum Pontificem.).


Saint Jean Gualbert. Raffaellino del Garbo. XVIe.

L'Esprit-Saint planait visiblement sur cette foule ; elle demandait le jugement de Dieu. Jean Gualbert, sous l'impulsion du même Esprit divin, permit l'épreuve ; et en témoignage de la vérité de l'accusation portée par lui contre l'évêque de Florence, Pierre, un de ses moines, nommé depuis Pierre Ignée, traversa lentement sous les yeux de la multitude un brasier immense qui ne lui fit aucun mal. Le ciel avait parlé; l'évêque fut déposé par Rome, et termina ses jours, heureux pénitent, dans ce même monastère de Septime.

En 1073, année de l'élévation d'Hildebrand son ami au Siège apostolique, Jean s'en allait à Dieu. Son action contre la simonie s'était étendue bien au delà de la Toscane. La république Florentine ordonna de chômer le jour de sa fête ; et l'on grava sur la pierre qui protégeait ses reliques sacrées :
" A JEAN GUALBERT, CITOYEN DE FLORENCE, LIBÉRATEUR DE L'ITALIE."

Saint Jean Gualbert, né à Florence, fut élevé avec soin dans les maximes de la piété et dans l'étude des lettres par une mère pieuse et de bonne noblesse. Son père, Gualbert, de bonne noblesse aussi, faisait profession des armes mais avait hélas un caractère tempétueux et impatient.

Mais à peine était-il entré dans le monde, qu'il y prit un goût excessif. L'amour des plaisirs l'emporta tellement, que ce qui lui avait paru criminel ne lui offrit plus rien que de légitime et d'innocent. Il était perdu sans ressources, si Dieu n'eût ménagé des circonstances pour lui ouvrir les yeux et le tirer de l'état déplorable où il s'était réduit.


Saint Jean Gualbert prend l'habit monastique
malgré l'opposition de son père. Italie. XVe.

Un jour de Vendredi saint, il rencontre le meurtrier de son frère, Hugues, et, plein d'idées de vengeance, il va le percer de son épée, lorsque le malheureux, se jetant à terre, les bras en croix, le conjure, par la Passion de Jésus-Christ, de ne pas lui ôter la vie. Gualbert ne peut résister à ce spectacle. L'exemple du Sauveur priant pour Ses bourreaux amollit la dureté de son coeur; il tend la main au gentilhomme et lui dit :
" Je ne puis vous refuser ce que vous me demandez au nom de Jésus-Christ. Je vous accorde non seulement la vie, mais mon amitié. Priez Dieu de me pardonner mon péché."

S'étant ensuite embrassés, ils se séparèrent. Jean se dirige de là vers l'église de l'abbaye Saint-Miniat ; il se jette lui-même aux pieds d'un crucifix, et y prie avec une ferveur extraordinaire. Dieu lui fait connaître par un prodige que sa prière est exaucée, et qu'il a obtenu le pardon de ses fautes ; car le crucifix devant lequel il priait baisse la tête et s'incline vers lui, comme pour le remercier du pardon qu'il a généreusement accordé par amour pour Dieu.

Changé en un homme nouveau, Jean prit l'habit de Saint-Benoît, contre l'avis de son père, et devint un religieux si fervent, qu'à la mort de l'abbé tous les suffrages se réunirent sur lui ; mais il ne voulut jamais accepter la dignité qu'on lui offrait. Il se retira à Vallombreuse, qui devint le berceau d'un nouvel Ordre, où la règle de Saint-Benoît était suivie dans toute sa rigueur.

On trouve dans la vie de saint Gualbert toutes les austérités et toutes les vertus qu'on rencontre dans la vie des plus grands Saints. Par un temps de disette, il se fit conduire au grenier presque vide, et les provisions, à sa prière, se multiplièrent au point qu'il put distribuer du blé à tous ses couvents et à tous les pauvres qui se présentèrent.


Epreuve du feu en présence de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.

Un jour qu'il faisait une halte dans un monastère opulent, notre saint apprit qu'en recevant un novice, on lui avait fait fait faire une donation totale de ses biens au bénéfice du monastèré et au détriment complet des ses héritiers naturels. Saint Jean Gualbert demanda d'en voir le contrat, le lu, et, scandalisé, le déchira en disant dans une grande colère :
" Il est bien plus convenable d'avoir peu de biens que de s'enrichir par des voies si peu charitables !"

Toujours en colère, il quitta sur le champs le monastère et pria Dieu de faire sentir son indignation. Aussitôt, le couvent fut presque entièrement dévasté par un violent incendie, et les religieux fort maltraités. Le moine qui accompagnait notre saint lui demanda de faire demi-tour afin de leur porter secours ; notre saint n'en fit rien et continua son chemin.

Saint Jean Gualbert tenait dans une particulière horreur la simonie. Il poursuivit constamment, Pierre, faux archevêque de Florence, qui avait acheté cette dignité. Témoignent de cette horreur de la simonie les lettres qu'écrivit à ce sujet le bienheureux cardinal Pierre Damien.
Ce violent simoniaque qu'était le faux archevêque de Florence envoya un jour ses seïdes dans un monastère de la congrégation de saint Jean Gualbert et le fit piller et incendier.
" Vous êtes maintenant de vrais religieux ! Oh que n'ai-je eu le bonheur d'être ici lorsque ces bourreaux y sont venus, pour avoir part à la gloire de vos couronnes !"

Dans ce combat contre la simonie de l'usurpateur du siège archiépiscopal de Florence, ce furent enfin les religieux de Vallombreuse qui l'emportèrent. Ayant proposé de prouver l'usurpation par l'épreuve du feu, l'un des religieux, nommé Pierre (comme l'usurpateur), y entra et y demeura longtemps sans y subir aucun dommage. Ce religieux fut dès lors nommé Igné et fut plus tard élevé à la dignité de cardinal.

Le Pape, à la prière du clergé et du peuple de Florence finit par déposer l'usurpateur.

Il faut noter que cette épreuve du feu était condamnée par le souverain pontife et par l'Eglise. En effet, elle offrait la possibilité à bien des escrocs ou des magiciens d'impressionner les pauvres gens et de les jeter dans la superstition. Cependant, son recours persistait encore au temps de saint Jean Gualbert.


Mort de saint Jean Gualbert. Italie. XVe.

Il retourna le 12 juillet 1073 à Passignano à Notre Père des Cieux. L'on mit, ce que notre saint avait demandé, ce billet dans son cerceuil :
" Moi, Jean, je crois et je confesse la foi que les saints Apôtres ont prêchée et que les saints Pères ont confirmée par quatre conciles."

Canonisé par Célestin III en 1193, Clément X permit d'en faire l'office semi-double et Innocent IX le fit Double et de précepte.

PRIERE

" Vous avez été un vrai disciple de la loi nouvelle, Ô vous qui sûtes épargner un ennemi en considération de la Croix sainte. Apprenez-nous à conformer comme vous nos actes aux leçons que nous donne l'instrument du salut ; et il deviendra pour nous, comme il le fut pour vous, une arme toujours victorieuse contre l'enfer. Pourrions-nous, à sa vue, refuser d'oublier une injure venant de nos frères, quand c'est un Dieu qui, non content d'oublier nos offenses autrement criminelles à sa souveraine Majesté, se dévoue sur ce bois pour les expier lui-même ? Si généreux qu'il puisse être jamais, le pardon de la créature n'est qu'une ombre lointaine de celui que nous octroie chaque jour le Père qui est aux deux. A bon droit pourtant l'Evangile que l'Eglise chante à votre honneur nous montre, dans l'amour des ennemis, le caractère de ressemblance qui nous rapproche le plus de la perfection de ce Père céleste, et le signe même de la filiation divine en nos âmes (Matth. V. 45, 48.).

Vous l'avez eu, Ô Jean, ce caractère de ressemblance auguste ; Celui qui en vertu de sa génération éternelle est le propre Fils de Dieu par nature, a reconnu en vous ce cachet d'une incomparable noblesse qui vous faisait son frère. En inclinant vers vous sa tête sacrée, il saluait la race divine (Act. XVII, 29.) qui venait de se déclarer dans ce fils de la terre et allait éclipser mille fois l'illustration que vous teniez des aïeux d'ici-bas. Quel germe puissant l'Esprit-Saint alors déposait en vous ; et combien Dieu parfois récompense la générosité d'un seul acte !


Abbaye de Vallombreuse. Toscane.

Votre sainteté, la part glorieuse qui fut la vôtre dans la victoire de l'Eglise, et cette fécondité qui vous donne de revivre jusqu'à nos jours dans l'Ordre illustre qui plonge en vous ses racines : toutes ces grâces de choix pour votre âme et tant d'autres âmes, ont dépendu de l'accueil que vous alliez faire au malheureux que sa fatalité ou la justice du ciel, auraient dit vos contemporains, jetait sur vos pas. Il était digne de mort ; et dans ces temps où chacun plus ou moins se taisait justice lui-même, votre bonne renommée n'aurait point souffert, elle n'eût fait que grandir, en lui infligeant le châtiment qu'il avait mérité. Mais si l'estime de vos contemporains vous restait acquise, la seule gloire qui compte devant Dieu, la seule qui dure devant les hommes eux-mêmes, n'eût point été votre partage. Qui maintenant vous connaîtrait ? qui surtout prononcerait votre nom avec l'admiration et la reconnaissance qu'il excite aujourd'hui parmi les enfants de l'Eglise ?

Le Fils de Dieu, voyant vos dispositions conformes aux sentiments de son cœur sacré, a versé dans le vôtre son amour jaloux pour la cité sainte au rachat de laquelle il a voué tout son sang. Ô zélateur de la beauté de l'Epouse, veillez sur elle toujours ; éloignez d'elle les mercenaires qui prétendraient tenir de l'homme le droit de représenter l'Epoux à la tête des Eglises. Que l'odieuse vénalité de vos temps ne se transforme point dans les nôtres en compromissions d'aucune sorte à l'égard des pouvoirs de la terre. La simonie la plus dangereuse n'est point celle qui s'escompte à prix d'or ; il est des obséquiosités, des hommages, des avances, des engagements implicites, qui ne tombent pas moins sous l'anathème des saints canons que les transactions pécuniaires : et qu'importerait, de fait, l'objet ou la forme adoucie du contrat simoniaque, si la complicité achetée du pastorat laissait les princes charger l'Eglise à nouveau des chaînes que vous avez tant contribué à briser ?


Panneau de bois peint. Chapelle San-Miniato Al Monte. Florence. XIVe.

Ne permettez pas, Ô Jean Gualbert, un tel malheur qui serait l'annonce de désastres terribles. Que la Mère commune continue de sentir l'appui de votre bras puissant. Sauvez une seconde fois en dépit d'elle-même votre patrie de la terre. Protégez, dans nos temps malheureux, le saint Ordre dont vous êtes la gloire et le père ; que sa vitalité résiste aux confiscations, aux violences de cette même Italie qui vous proclama autrefois son libérateur. Obtenez aux chrétiens de toute condition Je courage nécessaire pour soutenir la lutte qui s'offre à tout homme ici-bas.

Toute l'Eglise fait écho en ce jour au solennel hommage que Milan continue de rendre, après seize siècles, à deux vaillants témoins du Christ.
" Nos martyrs Félix et Nabor, dit saint Ambroise (In Luc. XIII, 19.), sont le grain de sénevé de l'Evangile. Ils possédaient la bonne odeur de la foi, mais sans qu'elle fût manifestée ; vint la persécution, ils déposèrent leurs armes, inclinèrent la tête, et frappés du glaive, ils répandirent jusqu'aux confins du monde entier la grâce qui se cachait en eux, en sorte que maintenant on peut dire à bon droit que leur voix a éclaté par toute la terre." (Psalm. XVIII, 5.).

Honorons-les, et méritons leurs suffrages par la prière que l'Eglise adresse aujourd'hui à Dieu en mémoire de leurs glorieux combats."

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mercredi, 26 juin 2024

26 juin. Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

- Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

Pape : Saint Libère*. Empereur romain : Julien l'Apostat.

" Ils étaient frères déjà et par le sang et par la naissance ; une même foi, une même mort, voilà ce qui a mis le dernier sceau à cette fraternité."
M. l'abbé C. Martin.


Bréviaire franciscain. XVe.

Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.

Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ; et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef (I Tim. VI, 13.).

Avec l'astucieuse habileté des traîtres et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement.

Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.

Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers ; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial, sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince ; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ?


Saint Jean et saint Paul avec Constance, fille de Constantin.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.

Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois Saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête.

Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne, cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux (26 juin 363), Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage :
" Tu as vaincu, Galiléen !"

De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur ; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection.

C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes (Bern. Ep. 386, al. 333, Joannis Casae-Marii ad Bern.).


Missel romain. XIVe.

Jean et Paul étaient deux frères de haute famille ; ils demeuraient à Rome et remplissaient des emplois fort honorables dans la maison princière de Constance, fille de Constantin. Ils se faisaient remarquer par leurs oeuvres de piété et par une grande charité envers les pauvres.

Quand Julien l'Apostat fut monté sur le trône, ils renoncèrent à toutes leurs charges et se retirèrent dans leur maison du mont Coelius, dont on a retrouvé récemment des parties fort intéressantes et bien conservées, sous l'antique église construite en leur honneur et administrée encore aujourd'hui par les pseudo-Passionistes.

Julien n'était pas moins altéré de l'or que du sang des chrétiens, il résolut de s'emparer des biens des deux frères, qui avaient méprisé de le servir. Il leur fit demander de venir à sa cour, comme du temps de Constantin et de ses fils ; mais ils refusèrent de communiquer avec un apostat. Dix jours de réflexion leur sont accordés ; ils en profitent pour se préparer au martyre par les oeuvres de charité.

Ils vendent tout ce qu'ils peuvent de leurs propriétés, et distribuent aux pauvres argent, vêtements, meubles précieux, plutôt que de voir tous ces biens tomber entre les mains d'un homme aussi cupide qu'impie ; ils passent ensuite le reste de leur temps à prier et à fortifier les fidèles dans la résolution de mourir pour Jésus-Christ plutôt que d'abandonner la religion.

Le dixième jour, l'envoyé de l'empereur les trouve en prière et disposés à tout souffrir pour leur foi :
" Adorez Jupiter !", leur dit-il en leur présentant une petite idole de cette divinité.
" A Dieu ne plaise, répondent-ils, que nous adorions un démon ! Que Julien nous commande des choses utiles au bien de l'État et de sa personne : c'est son droit ; mais qu'il nous commande d'adorer les simulacres d'hommes vicieux et impurs, cela dépasse son pouvoir. Nous le reconnaissons pour notre empereur, mais nous n'avons point d'autre Dieu que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont un seul Dieu en trois personnes."

Le messager, voyant qu'il ne pourrait ébranler leur courage invincible, ordonna de creuser une fosse dans leur jardin ; il les fit décapiter pendant la nuit dans leur propre maison, et ensuite enterrer secrètement.


Décollation de saint Jean et saint Paul par Julien l'Apostat.
Livre d'Images de Madame Marie. Hainuat. XIIIe.

L'empereur, craignant que cette exécution ne soulevât la réprobation de Rome, répandit le bruit qu'il les avait envoyés en exil ; mais les démons publièrent leur mort et leur triomphe, et l'exécuteur des ordres de Julien, après avoir vu son fils délivré du démon par l'intercession des martyrs, se convertit avec sa famille.

ANTIENNES ET RÉPONS

Nous donnons à la suites Antiennes et Répons propres dont il est pairlé plus haut, et qui se trouvent quant à l'ensemble, avec quelques variantes, dans les plus anciens Responsoriaux et An-tiphonaires parvenus jusqu'à nous. Le personnage mentionné dans l'une de ces Antiennes,sous le nom de Gallicanus , est un consulaire qui fut amené par les deux frères à la foi et à la sainteté ; sa mémoire était célébrée hier même au Martyrologe :

" Paul et Jean dirent à Julien : Nous adorons un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre.

Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est votre maître, ayez la paix avec lui ; pour nous, il n'en est point d'autre que le Seigneur Jésus-Christ.

Jean et Paul, connaissant bien la tyrannie de Julien, se mirent à distribuer leurs richesses aux pauvres.

Esprits célestes et âmes des justes, chantez un hymne à Dieu. Alléluia.

Jean et Paul dirent à Gallicanus : " Faites un vœu au Dieu du ciel, et vous serez vainqueur mieux que vous ne l'avez été."


Eglise Saints-Jean-et-Paul. Mont Coelius. Rome.

Ant. de Magnificat aux premières Vêpres :

" Les justes se sont tenus devant le Seigneur, et n'ont point été séparés l'un de l'autre ; ils ont bu le calice du Seigneur, et on les a appelés amis de Dieu."

Ant. de Magnificat aux deuxièmes Vêpres :

" Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés qui sont devant le Seigneur ; ils ont la puissance d'empêcher le ciel de pleuvoir, et d'ouvrir ses portes ; car leurs langues sont devenues les clefs du ciel."

A Benedictus :

" Ce sont là les saints qui, pour l'amour du Christ, ont méprisé les menaces des hommes ; saints martyrs, ils tressaillent avec les anges dans le royaume des cieux ; oh ! qu'elle est précieuse la mort des saints, qui toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point sépares l'un de l'autre !"

R/. Ce sont là les deux hommes de miséricorde, qui se tiennent devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".
V/. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés, présents devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".

R/. J'ai vu, près l'un de l'autre, des hommes couverts de vêtements resplendissants ; et un ange du Seigneur m'a dit :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."

V/. J'ai vu un ange de Dieu, plein de force, volant par le milieu du ciel, criant d'une voix retentissante et disant :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."


Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

PRIERE

" Un double triomphe éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde ; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne. La lutte ne fut jamais un mal pour l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur terre, non la paix, mais le glaive (Matth. X, 34.). Aussi, jusqu'à la fin des siècles, proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler votre mépris au tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve.

Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences ; où, parce que le péché proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour ; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux, le blasphème des habitants de la cité maudite ! Nos temps ont vu s'élever une persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur ; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence, ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois ; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.

Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue, en raison de sa primauté, le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur. Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de fermer les portes du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre: bénissez les moissons prêtes à mûrir; soyez propices aux moissonneurs, allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent criminelle, l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs (Matth. V, 45.)."

* Rappelons toujours et encore que le pape saint Libère - ainsi de saint Marcelin et d'Honorius d'ailleurs - ne fut jamais hérétiques car un pape ne peut pas l'être, ne l'a jamais été et ne le sera jamais.

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lundi, 24 juin 2024

24 juin. Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

- Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Empereur romain : Tibère. Roi de Judée : Hérode Antipas.

" Nul ne s'est jamais rencontré qui fut plus grand que saint Jean-Baptiste. Il surpasse tous les autres, il brille au-dessus de tous ; auprès de lui les prophètes et les patriarches ne sont que des ombres, et tout homme né de la femme sera toujours impuissant à l'égaler."
Saint Thomas d'Aquin. Part. III, quest. 38, art. 1.


Lucas Cranach l'ancien. XVe.

" Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez les sentiers du Seigneur ; voici votre Dieu !" (Isai. XL, 3, 9.).
Oh ! qui, dans notre siècle refroidi, comprendra les transports de la terre à cette annonce si longtemps attendue ? Le Dieu promis n'est point manifesté encore ; mais déjà les cieux se sont abaissés (Psalm. XVII, 10.) pour lui livrer passage. Il n'a plus à venir, celui que nos pères, les illustres saints des temps prophétiques, appelaient sans fin dans leur indomptable espérance. Caché toujours , mais déjà parmi nous, il repose sous la nuée virginale près de laquelle pâlit pour lui la céleste pureté des Chérubins et des Trônes ; les ardeurs réunies des brûlants Séraphins se voient dépassées par l'amour dont l'entoure à elle seule , en son cœur humain, l'humble fille d'Adam qu'il s'est choisie pour mère.

La terre maudite, devenue soudain plus fortunée que l'inexorable ciel fermé jadis à ses supplications, n'attend plus que la révélation de l'auguste mystère ; l'heure est venue pour elle de joindre ses cantiques à l'éternelle et divine louange qui, dès maintenant, monte de ses profondeurs, et, n'étant autre que le Verbe lui-même, célèbre Dieu comme il mérite de l'être. Mais sous le voile d'humilité où, après comme avant sa naissance, doit continuer de se dérober aux hommes sa divinité, qui découvrira l'Emmanuel ? Qui surtout, l'ayant reconnu dans ses miséricordieux abaissements, saura le faire accepter d'un monde perdu d'orgueil, et pourra dire, en montrant dans la foule le fils du charpentier (Matth. XIII, 55.) : " Voilà celui qu'attendaient vos pères !"

Car tel est l'ordre établi d'en haut pour la manifestation du Messie : en conformité de ce qui se fait parmi les hommes, le Dieu fait homme ne s'ingérera pas de lui-même dans les actes de la vie publique ; il attendra, pour inaugurer son divin ministère, qu'un membre de cette race devenue la sienne, un homme venu avant lui, et doué à cette fin d'un crédit suffisant, le présente à son peuple.


Anonyme flamand du XVe.

Rôle sublime, qui fera d'une créature le garant de Dieu, le témoin du Verbe ! La grandeur de celui qui doit le remplir était signalée, comme celle du Messie, longtemps avant sa naissance. Dans la solennelle liturgie du temps des figures, le chœur des lévites, rappelant au Très-Haut la douceur de David et la promesse qui lui fut faite d'un glorieux héritier, saluait de loin la mystérieuse lumière préparée par Dieu même à son Christ (Psalm. CXXI, 17.). Non que, pour éclairer ses pas, le Christ dût avoir besoin d'un secours étranger : splendeur du Père, il n'avait qu'à paraître en nos obscures régions, pour les remplir de la clarté des cieux ; mais tant de fausses lueurs avaient trompé l'humanité, durant la nuit des siècles d'attente, que la vraie lumière, s'élevant soudain, n'eût point été comprise, ou n'eût fait qu'aveugler des yeux rendus impuissants par les ténèbres précédentes à porter son éclat.

L'éternelle Sagesse avait donc décrété que comme l'astre du jour est annoncé par l'étoile du matin, et prépare sa venue dans la clarté tempérée de l'aurore ; ainsi le Christ lumière serait précédé ici-bas d'un astre précurseur, et signalé parle rayonnement dont lui-même, non visible encore, revêtirait ce fidèle messager de son avènement. Lorsque autrefois le Très-Haut daignait pour ses prophètes illuminer l'avenir, l'éclair qui, par intervalle, sillonnait ainsi le ciel de l'ancienne alliance s'éteignait dans la nuit, sans amener le jour ; l'astre chanté dans le psaume ne connaîtra point la défaite ; signifiant à la nuit que désormais c'en est fini d'elle, il n'éteindra ses feux que dans la triomphante splendeur du Soleil de justice. Aussi intimement que l'aurore s'unit au jour, il confondra avec la lumière incréée sa propre lumière ; n'étant de lui-même, comme toute créature, que néant et ténèbres, il reflétera de si près la clarté du Messie, que plusieurs le prendront pour le Christ (Luc. III, 15.).


Dirck Bouts. XVe.

La mystérieuse conformité du Christ et de son Précurseur, l'incomparable proximité qui les unit, se retrouvent marquées en maints endroits des saints Livres. Si le Christ est le Verbe, la parole éternelle du Père, lui sera la Voix portant cette parole où elle doit parvenir ; Isaïe l'entend par avance qui remplit d'accents jusque-là inconnus le désert, et le prince des prophètes exprime sa joie dans l'enthousiasme d'une âme qui déjà se voit en présence de son Seigneur et Dieu (Isai. XL.).

Le Christ est l’ange de l’alliance ; mais dans le texte même où l'Esprit-Saint lui donne un titre si rempli pour nous d'espérance, paraît aussi portant ce. nom d'ange l'inséparable messager, l'ambassadeur fidèle à qui la terre devra de connaître l'Epoux :
" Voici que j'envoie mon ange qui préparera le chemin devant ma face, et aussitôt viendra dans son temple le dominateur que vous cherchez, l'ange de l'alliance que vous réclamez ; voici qu'il vient, dit le Seigneur des armées." (Malach. III, 1.).

Et mettant fin au ministère prophétique dont il est le dernier représentant, Malachie termine ses propres oracles par les paroles que nous avons entendu Gabriel adresser à Zacharie, pour lui notifier la naissance prochaine du Précurseur (Ibid. IV, 5, 6.).


Hans Memling. XVe.

La présence de Gabriel en cette occasion, montrait elle-même combien l'enfant promis alors serait l'intime du Fils de Dieu ; car le même prince des célestes milices allait aussi, bientôt, venir annoncer l'Emmanuel. Nombreux pourtant se pressent les messagers fidèles au pied du trône de la Trinité sainte, et le choix de ces augustes envoyés varie, d'ordinaire, selon la grandeur des instructions que le Très-Haut transmet par eux au monde. Mais il convenait que l'archange chargéde conclure les noces sacrées du Verbe avec l'humanité, préludât à cette grande mission en préparant la venue de celui que les décrets éternels avaient désigné comme l’ Ami de l'Epoux (Johan. III, 29.).

Six mois après, député vers Marie, il appuyait son divin message en révélant à la Vierge très pure le prodige qui, dès maintenant, donnait un fils à la stérile Elisabeth : premier pas du Tout-Puissant vers une merveille plus grande. Jean n'est pas né encore ; mais, sans plus tarder, son rôle est ouvert : il atteste la vérité des promesses de l'ange. Ineffable garantie que celle de cet enfant, caché toujours au sein de sa mère, et déjà témoin pour Dieu dans la négociatio sublime qui tient en suspens la terre et les deux ! Eclairée d'en haut, Marie reçoit le témoignage et n'hésite plus :
" Voici la servante du Seigneur, dit-elle à l'archange ; qu'il me soit fait selon votre parole." (Luc. I.).


Juan Sariñena. XVIe.

Gabriel s'est retiré, emportant avec lui le secret divin qu'il n'est point charge de communiquer au reste du monde. La Vierge très prudente ne parlera pas davantage ; Joseph lui-même, son virginal époux, n'aura pas d'elle communication du mystère. Ne craignons point cependant : l'accablante stérilité dont le monde a gémi, ne sera pas suivie d'une ignorance plus triste encore, maintenant que la terre a donné son fruit (Psalm. LXXXIV, 13.). Il est quelqu'un pour qui l'Emmanuel n'aura ni secret, ni retard ; et lui saura bien révéler la merveille. A peine l'Epoux a-t-il pris possession du sanctuaire sans tache où doivent s'écouler les neuf premiers mois de son habitation parmi les hommes, à peine le Verbe s'est fait chair : et Notre-Dame, instruite au dedans du désir de son Fils, se rend en toute hâte vers les monts de Judée (Luc. I, 39.). Voix de mon bien-aimé ! Le voici qui vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines (Cant. II, 8.). A l'ami de l'Epoux sa première visite, à Jean le début de ses grâces. Une fête distincte nous permettra d'honorer spécialement la journée précieuse où l'Enfant-Dieu, sanctifiant son Précurseur, se révèle à Jean par la voix de Marie ; où Notre-Dame, manifestée par Jean qui tressaille en sa mère, proclame enfin les grandes choses que le Tout-Puissant a opérées en elle selon la miséricordieuse promesse qu'il fit autrefois à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour jamais (Luc. I, 55.).

Mais le temps est venu où, des enfants et des mères, la nouvelle doit s'étendre au pays d'alentour, en attendant qu'elle parvienne au monde entier. Jean va naître, et, ne pouvant parler encore, il déliera la langue de son père. Il fera cesser le mutisme dont le vieux prêtre, image de l'ancienne loi, avait été frappé par l'ange ; et Zacharie, rempli lui-même de l'Esprit-Saint, va publier dans un cantique nouveau la visite bénie du Seigneur Dieu d’Israël (Luc. I, 68.).


Notre Seigneur Jésus-Christ et saint Jean-Baptiste.
Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

HYMNE

Ce que l'on connaît mieux, est l'importance que la première de ces strophes a conquise dans l'histoire du chant grégorien et de la musique. L'air primitif sur lequel on chantait l'Hymne de Paul Diacre, offrait cette particularité que la syllabe initiale de chaque hémistiche s'élevait d'un degré sur la précédente dans l'échelle des sons ; on obtenait, en les rapprochant, la série des notes fondamentales qui forment la base de notre gamme actuelle. L'usage s'introduisit de donner aux notes elles-mêmes les noms de ces syllabes : Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La.
Gui d'Arezzo, par sa méthode d'enseignement, avait donné naissance à cet usage ; en le complétant par l'introduction des lignes régulières de la portée musicale, il fit faire un pas immense à la science du chant sacré, auparavant laborieuse et longue à acquérir. Il convenait que le divin Précurseur, la Voix dont les accents révélèrent au monde l'harmonie du Cantique éternel, eût cet honneur de voir se rattacher à son nom l'organisation des mélodies de la terre.

" Ut queant laxis resonare fibris
Mira gestorum famuli tuorum,
Solve polluti labii reatum, Sancte Johannes.

Nuntius celso veniens olympo.
Te patri magnum fore nasciturum,
Nomen et vitae seriem gerenda ;
Ordine promit.

Ille, promissi dubius superni,
Perdidit promptae modulos loquelae ;
Sed reformasti genitus peremptae
Organa vocis.

Ventris obstruso recubans cubili,
Senseras regem thalamo manentem :
Hinc parens, nati meritis, uterque
Abdita pandit.

Sit decus Patri, genitaeque Proli,
Et tibi, compar utriusque virtus Spiritus,
Semper, Deus unus, omni Temporis aevo.

Amen."


V/. Fuit homo missus a Deo,
R/. Cui nomen erat Johannes.


Raphaël. XVIe.

" Pour que d'une voix étendue et puissante vos serviteurs fassent retentir les merveilles de vos actes, bannissez, Ô saint Jean, l'indignité de nos lèvres souillées.

Un messager venu des célestes sommets annonce à votre père que vous naîtrez et serez grand ; le nom que vous porterez, la vie que vous mènerez, il expose par ordre toutes choses.

Lui doute des célestes promesses, et soudain il n'a plus le pouvoir d'articuler les sons ; mais, en naissant, vous restaurez l'organe de sa voix éteinte.

Reposant dans le secret des entrailles maternelles, vous aviez senti la présence du roi séjournant en sa couche nuptiale ; en suite de quoi, par le mérite de leur fils, votre père et votre mère découvrirent tous deux les mystères.

Honneur au Père, et au Fils qu'il engendre, ainsi qu'à vous, puissance éternellement égale aux deux, Ô Esprit, Dieu unique, dans toute la suite des âges.

Amen."


V/. Il y eut un homme envoyé par Dieu,
R/. Dont le nom était Jean.


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

PRIERE

" Précurseur du Messie, nous partageons la joie que votre naissance apporta au monde. Elle annonçait la propre naissance du Fils de Dieu. Or, chaque année, l'Emmanuel prend vie à nouveau dans l'Eglise et les âmes ; et, pas plus aujourd'hui qu'il y a dix-huit siècles, il ne veut naître sans que vous-même ayez, comme alors, préparé les voies à cette nativité qui donne à chacun de nous son Sauveur. A peine s'achève, au Cycle sacré, la série des mystères qui ont consommé la glorification de l'Homme-Dieu et fondé l'Eglise, que déjà Noël se montre à l'horizon ; déjà, dans son berceau, Jean tressaille et révèle l'approche de l'Enfant-Dieu. Doux prophète du Très-Haut, qui ne pouvez parler encore et déjà, pourtant, dépassez tous les princes de la prophétie, bientôt le désert, comme nous le redirons, semblera vous avoir ravi pour jamais au commerce des hommes. Mais dans les jours de l'Avent, l'Eglise vous aura retrouvé ; elle nous ramènera sans cesse à vos enseignements sublimes, aux témoignages que vous rendrez à Celui qu'elle attend. Dès maintenant, commencez la préparation de nos âmes ; redescendu sur notre terre en ce jour d'allégresse, venu comme messager de la prochaine arrivée du Seigneur, pourriez-vous un instant rester oisif devant l'œuvre immense qui vous incombe en nous ?

Chasser le péché, dompter les vices, redresser les instincts faussés de la pauvre nature déchue : tout cela devrait être accompli sans doute, tout cela serait achevé dès longtemps, si nous avions répondu fidèlement à vos labeurs passés. Il n'est que trop vrai pourtant ; c'est à peine s'il semble, en plusieurs, que le défrichement ait jamais commencé : terres rebelles, où les pierres et les ronces défient vos soins depuis des années. Nous le reconnaissons, dans la confusion de nos âmes coupables : nous confessons nos fautes à vous et au Dieu tout-puissant, comme l'Eglise nous apprend à le faire au début du grand Sacrifice ; mais, en même temps, nous vous prions avec elle d'intercéder pour nous auprès du Seigneur notre Dieu. Vous le proclamiez au désert : de ces pierres mêmes, Dieu peut toujours faire sortir des fils d'Abraham.


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

Chaque jour, les solennelles formules de l'oblation qui prépare l'immolation sans cesse renouvelée du Sauveur, nous apprennent la part honorable extrêmement puissante qui vous revient dans cet auguste Sacrifice ; votre nom, de nouveau prononcé lorsque la victime sainte est sur l'autel, supplie alors pour nous pécheurs le Dieu de toutes miséricordes. Puisse-t-il, en considération de vos mérites et de notre misère, être propice à la prière persévérante de notre mère l'Eglise, changer nos cœurs, et remplacer leurs attaches mauvaises par les attraits des vertus qui nous vaudront la visite de l'Emmanuel !

A ce moment sacré des Mystères, trois fois invoqué selon la formule même que vous nous avez apprise, l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde aura lui-même pitié de nous et nous donnera la paix : cette paix précieuse avec le ciel, avec la terre, avec nous-mêmes, qui nous préparera pour l'Epoux en nous rendant les fils de Dieu (Johan I, 12 ; Matth. V, 9.) selon le témoignage que, chaque jour également, vous renouvelez par la bouche du prêtre au sortir de l'autel. Alors votre joie et la nôtre sera complète, ô Précurseur ; l'union sacrée, dont ce jour de votre nativité renferme pour nous l'espérance déjà si joyeuse, sera devenue, dès cette terre et sous les ombres de la foi, une réalité sublime, en attendant la claire vision de l'éternité."


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

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mercredi, 19 juin 2024

19 juin. Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.

- Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.

Pape : Benoît XII. Empereur germanique : Louis V de Bavière.

" Levez-vous et suivez moi afin que vous ne fouliez pas davantage la terre, mais que vous montiez au ciel."
Saint Antoine de Padoue. De passion. salvat.


Anonyme italien. XVe.
 
Miraculeusement munie du viatique sacré, Julienne achève aujourd'hui son pèlerinage; elle se présente aux portes du ciel, montrant sur son cœur l'empreinte laissée par l'Hostie. Florence, où elle naquit, voit briller d'un éclat nouveau le lis qui resplendit sur ses armes ; d'autres sont déjà venus, d'autres viendront encore manifester, par les sublimes vertus pratiquées en ses murs, que l'Esprit d'amour se complaît dans la ville des fleurs. Qui dira la gloire des montagnes formant à la noble cité cette couronne que les hommes admirent, et que les anges trouvent plus splendide encore ? Vallombreuse, et, par delà, Camaldoli, l'Alverne : forteresses saintes, au pied desquelles tremble l'enfer ; réservoirs sacrés des grâces de choix, gardés par les séraphins ! De là, plus abondantes et plus pures que les flots de l'Arno, s'épanchent sur cette heureuse contrée les eaux vives du salut.

Trente-sept années avant la naissance de Julienne, il sembla que Florence allait devenir, sous l'influence d'un tel voisinage, un paradis nouveau : tant la sainteté y parut commune, tant les prodiges s'y vulgarisèrent. Sous les yeux de l'enfer en furie, la Mère de la divine grâce, aimée, chantée par ses dévots clients, multipliait ses dons. Au jour de son Assomption, sept personnages des plus en vue par la noblesse, la fortune et les charges publiques , avaient été soudain remplis d'une flamme céleste qui les portait à se consacrer sans partage au culte de Notre-Dame ; bientôt, sur le passage de ces hommes disant adieu au monde, les enfants à la mamelle s'écriaient tout d'une voix dans la ville entière : " Voici les serviteurs de la Vierge Marie !"

Parmi les innocents dont la langue se déliait ainsi pour annoncer les mystères divins, était un nouveau-né de l'illustre famille des Benizi; on le nommait Philippe, et il avait vu le jour en cette fête même de l'Assomption où Marie venait de fonder, pour sa louange et celle de son Fils, le très pieux Ordre des Servîtes.

Nous aurons à revenir sur cet enfant, qui fut le propagateur principal du nouvel Ordre ; car l’Église célèbre sa naissance dans le ciel au lendemain de l'Octave de la grande fête qui le vit naître ici-bas. Il devait être devant Dieu le père de Julienne. En attendant, les sept conviés de Marie au festin de la pénitence, tous fidèles jusqu'à la mort, tous inscrits eux-mêmes au catalogue des Saints, s'étaient retirés à trois lieues de Florence au désert du mont Senario. Là, Notre-Dame mit sept années à les former au grand dessein dont ils étaient, à leur insu, les instruments prédestinés. Durant un si long temps, selon le procédé divin tant de fois relevé par nous en ces jours, l’Esprit-Saint commença par éloigner d'eux toute autre pensée que celle de leur propre sanctification, les employant à la mortification des sens et de l'esprit dans l'exclusive contemplation des souffrances du Seigneur et de sa divine Mère. Deux d'entre eux descendaient chaque jour à la ville, pour y mendier leur pain et celui de leurs compagnons. L'un de ces mendiants illustres était Alexis Falconiéri, le plus avide d'humiliations parmi les sept. Son frère, qui continuait d'occuper un des principaux rangs parmi les citoyens, était digne du bienheureux et s'honorait de ces héroïques abaissements. Aussi le vit-on, avec le concours de la religieuse cité sans distinction de classes, doter d'une magnifique église la pauvre retraite que les solitaires du mont Senario avaient fini par accepter, comme pied-à-terre, aux portes de Florence.


Sainte Julienne de Falconieri - Pier Leone Ghezzi. XVIIIe siècle.

Pour honorer le mystère où leur auguste Souveraine s'était elle-même déclarée la servante du Seigneur, les Servites de Marie voulurent qu'on y représentât sur la muraille la scène où Gabriel salua pleine de grâce dans son humilité l'impératrice de la terre et des cieux. L’Annonciade fut le nom du nouveau monastère, qui devint le plus considérable de l'Ordre. Entre les merveilles que la richesse et l'art des siècles suivants ont réunies dans son enceinte, le principal trésor reste toujours cette fresque primitive dont le peintre, moins habile que dévot à Marie, mérita d'être aidé par les anges. D'insignes faveurs, descendant sans interruption de l'image bénie, amènent jusqu'en nos temps la foule à ses pieds; si la ville des Médicis et des grands-ducs, englobée dans le brigandage universel de la maison de Savoie, a gardé mieux que plusieurs autres l'ardente piété des beaux temps de son histoire, elle le doit à son antique madone, et à ses saints qui semblent composer à Notre-Dame un cortège d'honneur.

Ces détails étaient nécessaires pour faire mieux comprendre le récit abrégé où l’Église renferme la vie de notre Sainte. Née d'une mère stérile et d'un père avancé en âge, Julienne fut la récompense du zèle que ce père, Carissimo Falconiéri, avait déployé pour l'Annonciade. C'est près de la sainte image qu'elle devait vivre et mourir ; c'est près d'elle encore que reposent aujourd'hui ses reliques sacrées. Élevée par saint Alexis, son oncle, dans l'amour de Marie et de l'humilité, elle se dévoua dès son plus jeune âge à l'Ordre qu'avait fondé Notre-Dame, n'ambitionnant qu'un titre d'oblate, qui lui permît de servir au dernier rang les serviteurs et servantes de la Mère de Dieu ; c'est ainsi que , plus tard , elle fut reconnue comme institutrice du tiers-ordre des Servites, et se vit à la tête de la première communauté des Mantelées ou tertiaires de son sexe. Mais son influence auprès de Dieu s'étendit bien plus, et l'Ordre entier la salue comme sa mère ; car ce fut elle qui véritablement acheva l'œuvre de sa fondation, et lui donna stabilité pour les siècles à venir.

L'Ordre, en effet, que quarante années de miraculeuse existence et le gouvernement de saint Philippe Benizi avaient merveilleusement étendu, traversait alors une crise suprême, d'autant plus redoutable que de Rome même partait la tempête. Il s'agissait d'appliquer partout les canons des conciles de Latran et de Lyon, qui prohibaient l'introduction d'Ordres nouveaux dans l’Église; l'établissement des Servites étant postérieur au premier de ces conciles, Innocent V résolut leur suppression. Déjà défense avait été faite aux supérieurs de recevoir aucun novice à la profession ou à la vêture ; et, en attendant la sentence définitive, les biens de l'Ordre étaient considérés d'avance comme dévolus au Saint-Siège. Philippe Benizi allait mourir, et Julienne n'avait pas quinze ans. Toutefois, éclairé d'en haut, le saint n'hésita pas : il confia l'Ordre à Julienne, et s'endormit dans la paix du Seigneur. L'événement justifia sa confiance : à la suite de péripéties qu'il serait long de rapporter, Benoît XI, en 1304, donnait aux Servites la sanction définitive de L’Église. Tant il est vrai que dans les conseils de la Providence ne comptent ni le rang, ni le sexe, ni l'âge! La simplicité d'une âme qui a blessé le cœur de l’Époux, est plus forte en son humble soumission que l'autorité la plus haute, et sa prière ignorée prévaut sur les puissances même établies de Dieu.


Imagerie populaire du XIXe.

Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l'illustre fondateur de l'église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l'Ange, monument splendide qui se voit encore à Florence. Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata son épouse jusque-là stérile, lorsqu'en l'an mil deux cent soixante-dix naquit notre sainte. Elle fournit dès le berceau un présage non minime de sa sainteté future, en prononçant d'elle-même de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie.

Elle fut initiée dès son berceau à la piété et à la vertu, si bien que saint Alexis Falconiéri, de
l'Ordre des Servites, disait à la mère ravie :
" Ce n'est pas une fille, c'est un Ange que Dieu vous a donné ; Il la destine à de grandes choses."

Les journées de la sainte enfant se passaient presque entières en pieux exercices. Sa mère, y trouvant de l'excès, la grondait :
" Julienne, disait-elle, si tu n'apprends pas ce que doit savoir une maîtresse de maison, je ne pourrais pas te trouver un mari.
- Ne craignez rien, ma mère, répondait finalement Julienne ; quand le temps sera venu, la Sainte Vierge y pourvoira."

Le temps venu, Julienne refusa de se marier, et offrit à Dieu sa virginité.

Enfant, elle s'adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que saint Alexis, son oncle paternel, dont elle suivait les instructions et les exemples, n'hésitait pas à dire à sa mère qu'elle avait enfanté non une femme, mais un ange. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur si pur de la plus légère tache et de la moindre inclination mauvaise, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d'un homme; le seul mot de péché la faisait trembler, et il arriva qu'un jour, au récit d'un crime, elle tomba soudain comme inanimée. Elle n'avait pas encore achevé sa quinzième année, que, laissant de côté les biens considérables qui lui venaient par sa famille et dédaignant les noces d'ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de saint Philippe Benizi, et, la première, reçut de lui l'habit dit des Mantelées.

L'exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et on vit la mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille, de sorte que, leur nombre augmentant peu à peu, elle institua ces Mantelées en Ordre religieux, leur donnant des règles de pieuse vie qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence. Saint Philippe Benizi connaissait si bien ses vertus que, près de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu'à Julienne, non seulement les femmes, mais l'Ordre entier des Servîtes dont il avait été le propagateur et le chef. Cependant elle n'avait d'elle-même sans cesse que de bas sentiments ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les plus viles occupations domestiques. Elle passait des jours entiers à prier, très souvent ravie en extase; et pour le temps de reste, elle l'employait à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades; plus d'une fois, appliquant sa bouche à la pourriture qui découlait de leurs ulcères, elle les rendit à la santé. Elle avait l'habitude de broyer son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolongeant ses veilles ou couchant sur la terre nue. Deux jours dans la semaine, le Pain des anges était sa seule nourriture. Le samedi, elle ne prenait que du pain et de l'eau, et les quatre autres jours elle se contentait d'aliments grossiers en petite quantité.

Cette dureté de vie la fit tomber dans un mal d'estomac, qui, s'aggravant, la réduisit à l'extrémité lorsqu'elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d'un visage gai et d'une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; sa seule plainte était que, ne pouvant prendre et retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tenait éloignée de la table eucharistique.

Le plus beau triomphe de Julienne, ce fut sa mort. Comme nous l'avons vu, gémissant de ne pouvoir communier, elle supplia qu'au moins on lui montre la Sainte Hostie, et, quand on lui procura ce bonheur, elle pria qu'on lui place le corporal avec l'Hostie sur sa poitrine ; mais à peine son vœu était-il exaucé, que l'Hostie disparaissait et que Julienne, transportée d'amour, rendait le dernier soupir en disant : " Mon doux Jésus !"

Le visage serein et souriant. On comprit le miracle, lorsque le corps de la vierge dut être disposé selon l'usage pour la sépulture : on trouva en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme par un sceau la forme d'une hostie représentant l'image de Jésus crucifié.

La renommée de ce prodige et de ses autres miracles lui attira la vénération , non seulement de Florence , mais de tout l’univers chrétien ; pendant près de quatre siècles entiers elle s accrut de telle sorte, qu'enfin Benoit XIII ordonna qu'on en fit l'Office propre au jour de sa fête dans tout l'Ordre des Servites de la Bienheureuse Vierge Marie. Sa gloire éclatant de jour en jour par des miracles nouveaux, Clément XII, le magnifique protecteur du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes Vierges.

PRIERE

" Servir Marie était, Ô Julienne, la seule noblesse qui arrêtât vos pensées ; partager ses douleurs, la récompense unique qu'ambitionnât en ses abaissements votre âme généreuse. Vos vœux furent satisfaits. Mais, du haut de ce trône où elle règne maintenant sur les hommes et les anges, celle qui se confessa la servante du Seigneur et vit Dieu regarder sa bassesse (Luc. I, 48, 52.), voulut aussi vous exalter comme elle-même au-dessus des puissants. Trompant l'obscurité silencieuse où vous aviez résolu de faire oublier l'éclat humain de votre naissance, votre gloire sainte éclipsa bientôt l'honneur, pourtant si pur, qui s'attachait dans Florence au nom de vos pères ; c'est à vous, humble tertiaire, servante des serviteurs de Notre-Dame, que le nom des Falconiéri doit d'être aujourd'hui connu dans le monde entier.

Bien mieux : au pays des vraies grandeurs, dans la cité céleste où l'Agneau, par ses rayons inégalement distribués sur le front des élus, constitue les rangs de la noblesse éternelle, vous brillez d'une auréole qui n'est rien moins qu'une participation de la gloire de Marie. Comme elle fit en effet pour l’Église après l'Ascension du Seigneur, vous-même, en ce qui touche l'Ordre glorieux des Servîtes, laissant à d'autres l'action qui paraît au dehors et l'autorité qui régit les âmes, n'en fûtes pas moins dans votre humilité la maîtresse et la mère de la famille nouvelle que Dieu s'était choisie. Plus d'une fois dans le cours des âges la divine Mère voulut ainsi glorifier ses imitatrices, en faisant d'elles jusque-là, contre leur attente, ses copies très fidèles. Dans la famille confiée à Pierre par son divin Fils, Notre-Dame était la plus soumise au gouvernement du vicaire de l'Homme-Dieu et des autres Apôtres ; tous cependant savaient qu'elle était leur reine, et la source des grâces d'affermissement et d'accroissement répandues sur l’Église. De même, Ô Julienne, la faiblesse du sexe et de l'âge n'empêcha point un Ordre puissant de vous proclamer sa lumière et sa gloire, parce que le Très-Haut, libre en ses dons, voulut accorder à votre jeunesse les résultats refusés à la maturité, au génie, à la sainteté de Philippe Benizi votre père.

Continuez votre aide à la famille pieuse des Servîtes de Marie. Étendez votre assistance bénie à tout l'Ordre religieux si éprouvé de nos jours. Que Florence garde par vos soins, comme son souvenir le plus précieux, celui des faveurs de Notre-Dame et des saints qu'a produits en elle la foi des vieux âges. Que toujours l’Église ait à chanter, pour des bienfaits nouveaux, la puissance que l’Époux divin daigna vous octroyer sur son Cœur. En retour de la faveur insigne par laquelle il voulut couronner votre vie et consommer en vous son amour, soyez propice à nos derniers combats ; obtenez-nous de ne point mourir sans être munis du viatique sacré. L'Hostie sainte, proposée par une autre Julienne à nos adorations plus spéciales en ces jours, illumine de ses feux toute cette partie du Cycle. Qu'elle soit l'amour de notre vie entière ; qu'elle nous fortifie dans la lutte suprême. Puisse notre mort être aussi le passage heureux du banquet divin d'ici-bas aux délices de l'union éternelle."

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mercredi, 12 juin 2024

12 juin. Saint Jean de Saint-Facond (Juan de Sahagun en Espagne), religieux de l'Ordre de Saint-Augustin. 1479.

- Saint Jean de Saint-Facond (Juan de Sahagun en Espagne), religieux de l'Ordre de Saint-Augustin. 1479.
 
Pape : Sixte IV. Reine de Castille : Isabelle Ière la Catholique. Roi d'Aragon : Jean II ; saint Ferdinand II (puis Ferdinand V de Castille une fois marié à Isabelle la Catholique en 1479).
 
" On prêche bien et utilement quand on traduit en oeuvre ce que l'on exprime en parole."
St Cyprien. De zelo et livore.
 

Statue de saint Jean de Saint-Facond à Salamanque, Espagne.

Jean Gonzalez de Castrillo Martinez de Sahagun (ou Sancto Facundo) y Cea naquit à Saint-Facond (ou Sahagun) le jour de la Saint-Jean-Baptiste 1430. Sa naissance fut le fruit des prières de ses pieux et illustres parents, qui l'obtinrent miraculeusement de la très Sainte Vierge après de longues années de mariage. On ne trouve rien d'imparfait dans la vie de cet admirable enfant, qui, dès les premières années, montre la maturité d'un homme et fait présager toutes les vertus d'un grand Saint.

Après de fortes études, Jean, ordonné prêtre, fut nommé chanoine de la cathédrale de Burgos, où son mérite commença à briller d'une manière éclatante. Il distribuait aux pauvres ses riches revenus, vivait lui-même dans la pauvreté, et consacrait tout son temps à la prière, à l'étude et au soin des malheureux, qu'il faisait souvent asseoir à sa table et servait de ses propres mains.

A la mort de ses parents, le pieux chanoine abandonna ses immenses richesses pour en doter ses soeurs et en soulager ses frères, les pauvres ; puis il alla se jeter aux pieds de son évêque et lui demanda en grâce de se démettre de son riche bénéfice pour desservir une pauvre chapellenie. Le pieux pontife n'y consentit qu'avec peine. Dès lors Jean se fait pauvre, il prêche la paix dans un temps de guerre civile, brave la fureur et les coups des ennemis qui s'entretuent, parle des châtiments éternels et fait rentrer en eux-mêmes les plus endurcis.


Eglise Saint-Jean de Saint-Facond à Salamanque.

Dans une maladie douloureuse qui le conduit aux portes du tombeau, il promet, s'il survit à la cruelle opération qu'il doit subir, de se faire religieux, et sa prière est exaucée. La première fois qu'il sort ensuite, un pauvre presque nu lui demande l'aumône ; Jean hésite s'il doit lui donner sa meilleure ou sa moins bonne tunique ; puis, se ravisant :
" Quoi ! se dit-il, donner au Seigneur ce que j'ai de moins bon !"
Et il donna la meilleure. La nuit suivante, Jésus lui apparut revêtu de cette tunique et lui dit :
" C'est Jean qui M'a revêtu de cet habit."
Douce récompense d'une belle action. Cependant Jean songe à sa promesse et choisit l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin.

Parmi toutes ses vertus, il convient de remarquer sa dévotion extraordinaire envers la Sainte Eucharistie. Il faisait de chacune de ses actions une préparation à la Sainte Messe ; il restait en prière devant le Saint-Sacrement depuis Matines jusqu'au lever du jour ; souvent Jésus-Christ lui apparaissait quand il offrait le Saint Sacrifice.

Sa hardiesse apostolique fut soutenue par de nombreux miracles. Il mourut empoisonné par une femme de mauvaise vie, martyr de son apostolat.

Saint Jean de Saint-Facond (san Juan de Sahagun) est l'un des patrons majeurs de la ville de Salamanque.
 

Retable de saint Jean de Saint-Facond.
Cathédrale de Burgos. Espagne. XVIIIe.
 
PRIERE
 
" Vous méritiez, bienheureux Saint, d'apparaître au ciel de l'Eglise en ces semaines qui relèvent immédiatement de la glorieuse Pentecôte. Longtemps à l'avance, Isaïe, contemplant le monde au lendemain de l'avènement du Paraclet, décrivait ainsi le spectacle offert à ses yeux prophétiques :
" Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers de la paix, des porteurs du salut disant à Sion : Ton Dieu va régner !"
(Isai. LII, 7.).
C'étaient les Apôtres, prenant pour Dieu possession du monde, qu'admirait ainsi le Prophète; mais leur mission, telle qu'il la définit dans son enthousiasme inspiré, ne fut-elle pas aussi la vôtre ? Le même Esprit qui les animait dirigea vos voies ; le Roi pacifique vit par vous son sceptre affermi dans une des plus illustres nations formant son empire. Au ciel où vous régnez avec lui, la paix qui fut l'objet de vos travaux est aujourd'hui votre récompense. Vous éprouvez la vérité de cette parole que le Maître avait dite en pensant à ceux qui vous ressemblent, à tous ceux qui, apôtres ou non, établissent du moins la paix dans la terre de leurs cœurs :
" Bienheureux les pacifiques ; car ils seront appelés fils de Dieu !"
(Matth. V, 9.).
Vous êtes entré en possession de l'héritage du Père ; le béatifiant repos de la Trinité sainte remplit votre âme, et s'épanche d'elle jusqu'à nos froides régions en ce jour.

Continuez à l'Espagne, votre patrie, le secours qui lui fut si précieux. Elle n'occupe plus dans la chrétienté cette place éminente qui fut la sienne après votre mort glorieuse. Persuadez-la que ce n'est  pas en prêtant l'oreille  toujours plus aux accents d'une fausse liberté, qu'elle retrouvera sa grandeur. Ce qui l'a faite dans le passé puissante et forte, peut toujours attirer sur elle les bénédictions de Celui par qui règnent les rois (Prov. VIII, 16.). Le dévouement au Christ fut sa gloire, l'attachement à la vérité son trésor. La vérité révélée met seule les hommes dans la vraie liberté (Johan. VIII, 32.) ; seule encore, elle peut garder indissolublement uni dans une nation le faisceau des intelligences et des volontés : lien puissant, qui assure la force d'un pays en dehors de ses frontières, et au dedans la paix. Apôtre de la paix, rappelez donc à votre peuple, apprenez à tous, que la fidélité absolue aux enseignements de l'Eglise est le seul terrain où des chrétiens puissent chercher et trouver la concorde." 

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