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samedi, 13 avril 2024

13 avril. Saint Justin le philosophe, et ses compagnons, martyrs. 167.

- Saint Justin le philosophe, et ses compagnons, martyrs. 167.

Pape : Saint Soter. Empereurs : Antonin ; Marc-Aurèle.

" Justin approchait autant de la vertu des Apôtres qu'il approchait de leurs temps."
Methodius apud Photium, cod. 234.
" Notre devoir est de faire connaître à chacun quelle est notre doctrine, afin que les fautes de ceux qui pèchent par ignorance, ne nous soient pas imputées et que nous n'en portions point la peine."
Saint Justin.

Saint Justin. Gravure. Russie. XVIIIe.

Saint Justin naquit vers l'an 103 à Naplouse, ville de la Palestine, appelée autrefois Sichem, près du puits de Jacob, et qui, du temps d'Alexandre le Grand, était métropole de la Samarie. Il n'était pas samaritain, mais grec, païen et incirconcis. Il nous apprend lui-même qu'il employa sa jeunesse à lire les poëtes, les orateurs et les historiens. Après avoir étudié les belles-lettres, il s'appliqua à la philosophie de sorte que, selon l'expression de Fleury, il se fit chrétien avec une grande connaissance de cause, après avoir essayé de toutes les sectes de philosophes.

Il le raconte lui-même à peu près en ces termes :
" D'abord, je me donnai à un stoïcien, et après avoir passé bien du temps avec lui, voyant que je n'apprenais rien sur Dieu, car lui-même ne savait rien là-dessus, et disait que cette connaissance n'était pas nécessaire, je le quittai et m'adressai à un péripatéticien, qui se croyait un esprit très-subtil. Il me demanda, après quelques jours, de quel salaire ses peines seraient récompensées je le quittai aussitôt, ne pouvant croire qu'une âme aussi basse pût être celle d'un philosophe.

Comme j'étais toujours avide des secrets de la philosophie, j'allai trouver un pythagoricien, qui était, en grande réputation et n'avait pas lui-même une moindre opinion de sa sagesse. Lorsque je lui eus témoigné le désir d'être son disciple, il me dit :
" Très-bien, mais avez-vous étudié la musique, l'astronomie, la géométrie ? Car ne pensez pas pouvoir rien comprendre de ce qui mène à la béatitude, sans avoir acquis ces connaissances, qui dégagent l'âme des objets sensibles, la rendent propre aux intelligibles, et la mettent en état de contempler la beauté et la bonté souveraine."

Je lui avouai que j'ignorais ces sciences alors il me renvoya, parce qu'il les considérait comme nécessaires. On peut juger quelle fut ma peine, en quittant un homme que je  croyais plein de science ; mais il m'eût fallu employer trop de temps aux études préalables qu'il exigeait de moi j'y renonçai et me déterminai à suivre les Platoniciens.

Il y en avait un dans notre ville, homme de bon sens et des plus distingués d'entre eux. J'eus avec lui plusieurs conversations qui me profitèrent beaucoup. Il me semblait que l'intelligence des choses incorporelles me soulevait de terre, et que la contemplation des idées donnait des ailes à mon esprit. Déjà je m'applaudissais d'être devenu sage en si peu de temps, et j'avais conçu la folle espérance de voir Dieu bientôt c'est le but de la philosophie de Platon. Cette disposition d'esprit me faisait chercher la solitude. Un jour que je me promenais au bord de la mer, je vis, en me retournant, un vieillard qui me suivait d'assez près. Son extérieur était majestueux un air de douceur et de gravité semblait répandu sur toute sa personne nous entrâmes en conversation."

Saint Justin raconte au long cette conversation, dont voici la partie la plus instructive. Ce vieillard lui lit voir que les philosophes mêmes qu'il estimait le plus, Platon et Pythagore, avaient erré dans les principes et n'avaient bien connu ni Dieu, ni l'âme raisonnable. Justin lui demanda quels maîtres il fallait donc suivre, si ceux-là n'avaient pas connu la vérité. Le digne vieillard me dit alors :
" A une époque très-reculée, et bien avant ceux qu'on a cru philosophes, il y a eu des hommes justes, bienheureux et chéris de Dieu, qui, parlant par l'esprit divin, ont annoncé d'avance ce qui se passe aujourd'hui dans le monde. On les appelle Prophètes. Eux seuls ont connu la vérité eux seuls l'ont annoncée aux hommes, sans craindre ni considérer personne. Ils n'ont prêché que ce que leur révélait l'Esprit-Saint. Leurs écrits, que nous avons encore, nous font très bien connaître la première cause et la dernière de tous les êtres. On y trouve beaucoup d'autres questions qui intéressent un philosophe. Ils n'employaient, pour établir la vérité, ni les disputes, ni les raisonnements subtils, ni ces démonstrations abstraites qui sont au-dessus de la portée du commun des hommes. Ce qui doit faire croire à leur parole, ce sont leurs prédictions qui se sont accomplies ou s'accomplissent tous les jours, et les miracles qu'ils opéraient ; ils faisaient cela au nom d'un seul Dieu créateur de toutes choses, et de son fils Jésus-Christ, qui devait, disaient-ils, " venir en ce monde, et qui y est venu en effet ".
Quant à vous, dit-il en finissant, faites d'ardentes prières, pour que les portes de la lumière vous soient ouvertes car nul ne peut comprendre ces choses, si Dieu et son Christ ne lui en donnent l'intelligence."

A ces mots, le vieillard mystérieux disparut, et Justin ne le revit jamais.

Saint Justin. D'après une Icone byzantine du Xe.

Ce discours fit une vive impression sur le cœur du jeune philosophe il aima dès lors les Prophètes et les amis du Christ, et considéra leur doctrine comme la seule philosophie certaine et utile. Ce qui le porta encore puissamment à croire à la divinité, et dès lors à la vérité de la religion chrétienne, ce fut la constance des martyrs parmi les supplices :
" Si, comme on les en accuse, les Chrétiens étaient friands de chair humaine, voluptueux, intempérants, ils chercheraient à vivre pour jouir plus longtemps, ils ne chercheraient pas à mourir et ils ne souffriraient pas, ils ne mourraient pas avec tant de douceur, de modestie et d'héroïsme."

On ne sait pas au juste en quelle année ni dans quelle ville eut lieu la conversion de saint Justin ce fut entre 132 et 137, et dans la ville de Naplouse, ou, plus probablement, dans celle d'Alexandrie. Il dit lui-même qu'il visita cette ville, et il est certain que le désir de connaître, le fit voyager, surtout en Egypte, pays renommé pour la science des mystères les plus secrets. Comme en devenant chrétien, loin de renoncer à la vie de philosophe, il avait embrassé une philosophie plus sublime et plus sainte, il garda le pallium, ou le manteau, marque distinctive des sages. Avant lui, d'autres chrétiens avaient agi de la sorte, entre autres, saint Aristide d'Athènes, et saint Héraclas, évêque d'Alexandrie. Il est probable qu'on le fit prêtre ou du moins diacre il est certain qu'il mena une vie austère et sainte, ce qui l'a fait nommer par saint Epiphane un grand et qu'il prêchait en toute occasion la vérité, et par ses exemples et par ses discours :
" Notre devoir est de faire connaître à chacun quelle est notre doctrine, afin que les fautes de ceux qui pèchent par ignorance, ne nous soient pas imputées et que nous n'en portions point la peine."
Et ailleurs :
" Comme j'ai obtenu de Dieu la grâce d'entendre les Ecritures, je m'efforce de faire part de cette grâce à tout le monde, de peur que je ne sois condamné au jugement de Dieu. Telle est ma résolution dans toutes mes paroles je n'ai en vue que de dire la vérité je la dirai sans crainte, ni considération aucune, et dussé-je à l'heure même être mis en pièces."
" Voilà un véritable philosophe, dit Rohrbacher, c'est-à-dire un homme qui aime sincèrement la vérité et la sagesse Platon, Sénèque, qui retenaient cette vérité captive, qui n'osaient la prêcher publiquement, de peur de s'exposer à quelque péril Platon, Sénèque, n'aimaient qu'eux-mêmes."

Il n'y avait pas longtemps que notre Saint était chrétien lorsqu'il écrivit son Oraison ou Discours aux Grecs. Il y expose les raisons qui lui ont fait embrasser le christianisme, l'impiété et l'extravagance de l'idolâtrie, la sainteté de la doctrine évangélique, l'auguste autorité des Ecritures qui règlent nos passions, et apaisent les inquiétudes de l'esprit humain. Il traite à peu près le même sujet, mais plus au long, dans sa Parénèse ou exhortation aux Grecs, ouvrage qu'il écrivit à Rome. Il y répand, dit Godescard, les fleurs de l'éloquence, ce qu'il n'a pas fait même dans ses apologies. On y trouve la réfutation des erreurs de l'idolâtrie, avec les preuves de la vanité des philosophes païens. L'auteur reproche à Platon d'avoir essayé d'établir le polythéisme, dans une harangue qu'il prononça en présence des Athéniens, de peur qu'on ne lui ôtât la vie comme à Socrate ce qui montrait de sa part une grande faiblesse, et surtout beaucoup de mauvaise foi, puisqu'il est prouvé par ses écrits qu'il n'admettait qu'un Dieu. Il a cité divers passages (d'Orphée, d'Homère, de Sophocle, de Pythagore, de Platon, de Mercure, d'Acmon ou plutôt Ammon) d'anciens auteurs qui tous ne reconnaissaient qu'une seule divinité. En composant son livre de la Monarchie, il se proposa d'établir l'unité de Dieu par des autorités et des raisons tirées des philosophes païens.

On ne peut douter que saint Justin ne soit aussi l'auteur de l'Epître à Diognète. Cette épître est attribuée à saint Justin dans tous les anciens manuscrits, et l'on ne peut la lut contester, selon Cuve, Ceillier, Maran, etc. Le style en est plus fleuri et plus élevant que celui des autres ouvrais du saint Docteur ; mais on aurait tort d'en inférer qu'il n'en est point l'auteur, comme l'ont montre les critiques que nous venons de citer. A la vérité, cette épitre n'est citée ni par Eusèbe ni par saint Jérôme. Ils ne citent point non pins les ouvrages d'Athénagore en conclura-t-on pour cela qu'ils sont supposés ? L'art de l'imprimerie n'ayant été inventé que fort tard ; est-il étonnant qu'il leur soit échappé quelques écrits ? Tillemont prétend que l'auteur de l'épitre dont il s'agit est plus ancien que saint Justin, parce qu'il se qualifie disciple des Apôtres mais cette raison ne prouve absolument rien. Saint Justin pouvait prendre le même titre, lui qui était contemporain de saint Polycarpe et d'autres saints personnages qui avaient vu quelques-uns des Apôtres.

Ce Diognète, homme de grande considération, était fort versé dans la philosophie. Il avait été le précepteur de Marc-Aurèle, qui eut toujours pour lui autant d'estime que de confiance. A son sujet, dom Le Nourri (Appar. In Bibl. Patr., t. I, p. 445) dit que Diognète était juif mais il est probable qu'il se trompe, puisque Diognète est appelé adorateur des dieux dans la lettre qui lui est adressée par saint Justin. On ne peut toutefois exclure que Diognète ait simulé par ambition son attachement au paganisme ; l’histoire en effet nous donne maintes illustrations de cette esprit de duplicité et de dissimulation chez un grand nombre de membres du peuple réprouvé.

Saint Justin. Dessin. Elie Delaunay. XIXe.

Frappé de la conduite des chrétiens, Diognète désirait connaître ce qui les portait à mépriser le monde et la mort avec toutes ses horreurs, et d'où leur venait cette charité mutuelle, inconnue aux autres hommes, charité si puissante, qu'elle paraissait les rendre insensibles aux plus cruels traitements ? Saint Justin se chargea de lui donner les éclaircissements qu'il demandait. Après avoir démontré la folie du paganisme et l'imperfection de la loi judaïque, il peint les " vertus pratiquées par les chrétiens, et surtout leur humilité, leur douceur, leur amour pour ceux qui les haïssent injustement ", etc. Il ajoute que " les tortures ne servaient qu'à augmenter le nombre et à perfectionner la sainteté des fidèles ".

Vient ensuite une explication claire et précise de la divinité de Jésus-Christ, fils de Dieu et créateur de toutes choses. Ce saint docteur prouve l'insuffisance de la raison, en montrant qu'elle ne peut toute seule nous conduire à la connaissance de Dieu qui a envoyé son fils pour nous enseigner ses adorables volontés et pour payer le prix de notre rédemption dans le temps que nous ne méritions que des supplices. Il développe ce mystère en faisant voir que le Saint a souffert pour les pécheurs, et la personne offensée, pour ceux dont elle avait reçu des outrages :
" Etant, dit-il, dans l'impossibilité d'expier nos crimes par nos propres forces, nous nous trouvons à couvert sous les ailes de la justice elle-même, et nous sommes affranchis de l'esclavage du péché."

Il relève la bonté infinie de Dieu pour l'homme, laquelle éclate en ce que, non content de nous avoir donné l'être, il a créé le monde pour notre usage, nous a soumis toutes choses, et nous a donné son Fils unique, avec la promesse de nous faire régner avec lui si nous l'aimons :
" Présentement que vous le connaissez, poursuit-il, de quelle joie ne devez-vous pas être comblé ? Quels transports d'amour ne devez-vous pas éprouver pour celui qui vous a aimé le premier ? Et quand vous l'aimerez, vous serez l'imitateur de sa bonté. On est véritablement l'imitateur de Dieu, lorsqu'on supporte les fardeaux des autres, qu'on assiste le prochain, qu'on se place au-dessous de ses inférieurs, qu'on partage avec les pauvres les biens qu'on a reçus du ciel. Vous comprendrez alors que Dieu gouverne cet univers ; vous connaîtrez ses mystères vous aimerez et vous admirerez ceux qui souffrent pour lui ; vous condamnerez l'imposture du monde, vous méprisiez la mort, du corps, et ne craindrez que la mort éternelle de l'âme, avec ce feu qui ne s'éteindra jamais. Quand vous saurez ce que c'est que ce feu, vous envierez le bonheur de ceux qui souffrent les flammes pour la justice. Je ne parle pas de choses auxquelles je sois étranger ; ayant été disciple des Apôtres, je suis établi pour enseigner les nations, etc."

Saint Justin ne combattit pas l'hérésie avec moins de force quelle paganisme. Il écrivit contre Marcion des ouvrages que saint Jérôme appelle excellents ; ils se sont perdus ainsi que plusieurs autres écrits auxquels les anciens donnent de grands éloges.

L'an 150, il composa une apologie publique, adressée à l'empereur Antonin, à ses fils, au sénat, et au peuple romain, pour les personnes de toutes conditions qui sont maltraitées injustement. Ce seul titre indique la force de son raisonnement ; il laisse de côté la question religieuse, et examine si les chrétiens sont jugés selon les lois. La manière de procéder contre eux était une persécution, non un jugement. On leur imputait, pour la forme, les crimes les plus énormes, mais, de fait, on ne punissait en eux que le nom et la profession du christianisme. Pour être absous, il suffisait de nier qu'on fût chrétien, et ceux qui se disaient chrétiens étaient punis sans autre enquête, tandis que la justice exige qu'on examine la vie de chacun et qu'on le punisse selon ses œuvres. Voilà ce que demande saint Justin.

Saint Justin écrivant. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Mais laissons-lui la parole :
" Mais quels crimes reprochait-on aux Chrétiens ? D'abord d'être athées nous le sommes, en effet, dit-il, à l'égard des faux dieux que nous refusons d'adorer, mais non pas à l'égard du vrai Dieu, père de la justice, de la chasteté et de toutes les autres vertus, sans mélange d'aucun vice. Nous l'adorons en vertu et en vérité, nous l'adorons conjointement avec le Christ qui est sorti de lui et nous a enseigné ces choses, ainsi qu'aux anges fidèles nous l'adorons conjointement avec l'esprit prophétique. Rien de plus saint, de plus efficace que la doctrine chrétienne. Les espérances des chrétiens ne sont pas pour cette vie de là leur constance dans le malheur, au milieu des supplices, en face de la mort. Personne ne contribue plus au bon ordre et à la paix d'un Etat que le chrétien, car il est persuadé que personne ne peut se cacher aux regards de Dieu, ni le méchant, ni l'avare, ni le traître, ni l'homme de bien, et que chacun marche à un supplice ou à un salut éternel, selon le mérite de ses œuvres ?

Si tous les hommes croyaient à ces vérités, personne ne choisirait le vice pour un pou de temps, sachant que le vice le conduirait au feu éternel ; il n'y aurait rien qu'il ne fit pour se contenir et acquérir la vertu, afin d'obtenir les biens qui viennent de Dieu. Ni vos lois, ni vos supplices, ne retiennent point les méchants ils savent que l'on peut se cacher de vous qui n'êtes que des hommes ; mais s'ils étaient persuadés qu'il y a un Dieu à qui il est impossible de rien cacher, non-seulement de nos actions, mais de nos pensées, vous conviendrez vous-mêmes que la crainte au moins les rendrait sages. Vous semblez craindre (en abolissant le christianisme, seul frein du mal) que tout le monde ne vive bien et que vous n'ayez plus personne à punir c'est penser en bourreaux et non en princes. On reprochait aux chrétiens, comme une folie, d'adorer un Dieu crucifié. Eh bien c'est pourtant ce culte, cette folie de la croix, qui réforme nos mœurs.

Autrefois, nous aimions la débauche, à présent nous n'aimons que la pureté ; nous qui cherchions l'avenir dans l'art magique, nous nous abandonnons aujourd'hui à la providence de Dieu ; nous ne cherchions que les moyens de nous enrichir, et maintenant nous mettons en commun nos biens pour en faire part aux autres. Nous nous haïssions souvent jadis jusqu'à la mort et, suivant l'usage, ne mangions qu'avec nos compatriotes depuis la venue de Jésus-Christ, nous prions pour nos ennemis, et, malgré les différences de nations, vivons familièrement dans une sainte société. Nous nous efforçons de convertir nos persécuteurs, et nous pourrions en citer plusieurs qui ont déjà changé de vie, en voyant les vertus des chrétiens. Les préceptes de ce Crucifié sont aussi admirables que courts et concis ; quelle pureté divine dans sa morale, par exemple sur la chasteté il condamne jusqu'aux pensées contraires à cette vertu. Il y a
[saint Justin parle de son temps] plusieurs personnes de l'un et de l'autre sexe, qui, à l'âge de soixante à soixante-dix ans, conservent la pureté, ayant suivi dès l'enfance la doctrine de Jésus-Christ ; et je me vante d'en pouvoir montrer de tels dans toutes les conditions je ne parle pas du nombre infini de ceux qui, du désordre, ont passé à la vie réglée."

Le Saint continue de rapporter les préceptes de l'Evangile, sur l'amour des ennemis, sur l'aumône et le désintéressement, sur la patience, sur l'obéissance aux princes. Il prouve ensuite la vérité de la religion chrétienne par les prophéties il rapporte les principales qui regardent Jésus-Christ :
" Si vous voulez savoir, dit-il, comment tout ce qui avait été prédit sur la passion de Jésus-Christ s'est accompli, lisez les Actes de Pilate." [relation du procès de Jésus-Christ envoyée à l'empereur Tibère].
Il renvoie à ces mêmes actes pour prouver que Jésus-Christ a guéri des aveugles et des lépreux, et ressuscité des morts. Il fait voir que la ruine de Jérusalem et la propagation du christianisme se sont accomplies telles qu'elles avaient été prédites ; il prétend que les philosophes ont emprunté aux Prophètes plusieurs de leurs dogmes, Platon, en particulier, à Moïse, et il montre très-bien que l'Eglise, seule bonne maîtresse du genre humain, communique la lumière et la sagesse, non pas à quelque initiés, mais a tous, aux plus petits :
" Chez nous, dit-il, on peut apprendre ces vérités de ceux mêmes qui ne savent pas lire, qui sont grossiers et barbares pour le langage, mais sages et fidèles par l'esprit."

Il fait remarquer ensuite que les empereurs permettaient le libre exercice de toutes les religions, excepté de la religion chrétienne, et qu'ils laissaient même des imposteurs se faire reconnaître comme Dieu.
" On fait une absurde calomnie, lorsqu'on accuse ces Chrétiens de manger des enfants les chrétiens ont la plus grande tendresse, le plus grand respect pour les enfants nous ne nous marions, dit-il, que pour élever des enfants ; quand nous renonçons au mariage, c'est pour garder la continence parfaite. Mais les païens ont la coutume d'exposer les enfants, quand ils ne veulent pas les nourrir, soit par pauvreté, soit pour quelque autre raison, et les philosophes mêmes l'autorisent. Ces enfants, ainsi exposés, périssent, ou sont nourris comme des troupeaux de bétail, et destinés à la prostitution et à des usages qu'on ne peut nommer."

Saint Justin. Détail. Gravure allemande. XVIIe.

Dans la primitive Eglise, les fidèles ne faisaient point connaître aux païens leurs mystères, leurs pratiques, pour ne point les exposer au mépris, à la risée. Saint Justin en parle cependant pour repousser les calomnies ; il explique en quoi consiste le baptême, l'Eucharistie, la messe, la sanctification du dimanche :
" Le jour du soleil [c'est ainsi que les païens nommaient le dimanche], tous ceux qui demeurent à la ville ou à la campagne, s'assemblent en un même lieu, on lit les écrits des Apôtres et des Prophètes ; puis, celui qui préside fait un discours au peuple pour l'exhorter à imiter de si belles choses ; ensuite, nous nous levons tous et nous faisons nos prières ; lorsqu'elles sont faites, on offre, comme je vous l'ai dit, du pain, du vin et de l'eau. Le prélat fait la prière et l'action de grâce, et le peuple répond Amen ; on distribue aux assistants les choses sanctifiées, et on les envoie aux absents par les diacres. On fait une quête, dont le produit, confié au prélat, sert à assister les orphelins, les malades, les pauvres, les prisonniers, les étrangers ; en un mot, le prélat est chargé de tous les nécessiteux. Nous nous assemblons le jour du soleil, parce que c'est le premier où Dieu fit le monde, et que Jésus-Christ ressuscité en ce jour, apparut à ses disciples, et leur enseigna ce que nous vous avons exposé. Si vous trouvez cela raisonnable, respectez-le si vous le jugez ridicule, méprisez-le ; mais ne condamnez pas à mort des gens qui n'ont fait aucun mal."

On croit que cette apologie produisit son effet et fit diminuer la persécution. Antonin envoya en Asie un rescrit où se lisent les paroles suivantes :
" Plusieurs gouverneurs de provinces ayant écrit à mon père au sujet des Chrétiens, il répondit qu'il ne fallait point les inquiéter, à moins qu'ils ne fussent convaincus d'avoir entrepris quelque chose contre l'Etat. Ayant été moi-même consulté sur le même sujet, j'ai répondu que si quelqu'un était accusé simplement d'être chrétien, on devait le renvoyer absous, et faire subir à son accusateur la peine portée par les lois."(Eusèbe, Hist., liv. IV, ch. 13).
D'après Orose et Zonare, ce fut l'apologie de saint Justin qui détermina l'empereur à envoyer un ordre semblable.

Pendant le calme qui succéda à la persécution, notre Saint, qu'on appela un voyageur missionnaire, quitta Rome pour aller en Asie. Avant son retour, sur le point de partir d'Ephèse, lorsqu'il n'attendait plus qu'un temps favorable à la navigation, et se promenait dans les galeries publiques de la ville, son manteau le fit reconnaître pour philosophe ; un autre philosophe, Tryphon, juif le plus renommé de son temps, qui se promenait à ce même endroit, accompagné de six amis ou disciples, l'aborda et eut avec lui un entretien qui dura deux jours.

Saint Justin mit, depuis, ces conférences par écrit et les publia sous le titre de Dialogue avec Tryphon. C'est le plus étendu des écrits de notre Saint. En voici une très-courte analyse.
Saint Justin s'étonne de ce qu'un juif, qui possédait la Bible, cherchât quelque chose pour les grandes vérités religieuses, chez les philosophes qui ne savent rien. Il le prouve en racontant sa propre histoire, sa conversion, et se fait fort de démontrer que la vérité se trouve dans la Bible et dans la doctrine chrétienne. Voilà l'introduction.

Le corps de l'ouvrage se divise en trois parties.
Dans la première, il montre que l'ancienne loi n'était que pour un temps, et qu'elle est maintenant remplacée par la nouvelle.
Dans la deuxième partie, il fait voir que le Christ est Dieu et Sauveur car :
1° Il est le Messie promis dans l'Ancien Testament ;
2° l'Ancien Testament parle déjà d'une seconde personne divine ;
3° l'Ancien Testament parle également de la naissance surnaturelle et de la dignité divine du Christ, de son crucifiement et de la rédemption par la croix ; enfin, de la résurrection générale de tous les hommes.
Dans la troisième partie de son dialogue, saint Justin traite de la vocation des Gentils et de l'établissement de l'Eglise ; il exclut du royaume céleste les hérétiques aussi bien que les infidèles :
" Il me semble, dit saint Justin, que, par ces discours, je devrais persuader les esprits les plus obtus, car ce n'est pas moi qui les ai préparés par un artifice humain. Ce que je vous ai dit, David l'a chanté, Isaïe et Zacharie l'ont prêché, Moïse l'a écrit. Vous le reconnaissez, Tryphon, tout cela se trouve dans vos livres, ou plutôt dans les nôtres car nous les croyons, et vous, vous les lisez sans les entendre."

En effet, nous voyons régner dans ces dialogues de saint Justin, une grande intelligence des saintes Ecritures, surtout des Prophètes. Il en cite tant, et de si longs passages, qu'on est porté à croire qu'il les savait par cœur. Tout ce qui, dans les livres de l'Ancien Testament, peut s'alléguer de plus clair, de plus fort, de plus propre à convaincre l'opiniâtreté judaïque, il l'emploie avec une force si merveilleuse, que Tryphon et ses amis ne savaient que répondre.
Saint Justin répète plusieurs fois, en ce dialogue, que l'Eucharistie est le sacrifice qui doit être offert à Dieu, du levant au couchant, même parmi les Gentils, suivant la prophétie de Malachie, et il nomme expressément l'Eucharistie sacrifice :
" Le pain et la coupe eucharistiques, dit-il, ne sont pas un aliment commun et un breuvage ordinaire, mais la chair et le sang du Verbe de Dieu incarné." (Dial., n. 41).

Il atteste que les dons miraculeux du Saint-Esprit, tels que ceux de guérir les malades et de chasser les démons, par l'invocation du nom de Jésus-Christ, étaient alors fréquents parmi les disciples de Jésus-Christ. Obligé d'admettre que le Christ, vrai Fils de Dieu et vrai Dieu, lumière des nations, devait naître d'une Vierge et être sujet à la souffrance et à la douleur, Tryphon pria Justin de lui démontrer par les prophéties, que le Christ devait souffrir la mort honteuse de la croix, lorsque les livres saints maudissent ceux qui sont condamnés à ce genre de supplice. Justin se mit à lui prouver le mystère de la Croix avec des textes de l'Ecriture, si nombreux, si clairs, mais surtout par le Psaume XXIe, où sont prédits si évidemment la passion et le crucifiement du Messie, que ni Tryphon, ni les siens ne surent que répliquer. Ils quittèrent notre Saint en lui souhaitant une heureuse navigation, tandis que, de son côté, il priait pour eux et leur souhaitait la foi de Jésus-Christ.

De retour à Rome, notre Saint y trouva un philosophe cynique, qui traitait publiquement les chrétiens d'athées et d'impies. C'était Crescent, connu pour ses amours infâmes et son avarice, et, toutefois, pensionné de l'empereur. Justin le provoqua à une conférence publique, où, en présence d'un grand nombre de témoins, il le convainquit clairement, ou d'ignorer absolument ce qui se passait parmi les Chrétiens, ou d'être le plus méchant des hommes d'une souveraine ignorance, si réellement il croyait les chrétiens tels qu'il le publiait hautement ; de la plus noire malice, si, connaissant leur doctrine et leurs mystères, il osait néanmoins les diffamer, et cherchait à les faire passer dans l'esprit des princes, des magistrats et du peuple, pour des hommes sans religion, sans piété, sans Dieu. Cette discussion en public fut très fréquente. Justin en parle dans sa seconde apologie, adressée l'an 167, aux empereurs, au sénat et au peuple romain. Il y réfute admirablement les calomnies qui servaient de prétextes aux persécuteurs des Chrétiens.

Il fait remarquer qu'on mettait à la question des esclaves, des enfants, des femmes, et qu'on leur faisait souffrir des tourments horribles, jusqu'à ce qu'ils avouassent que les chrétiens étaient coupables des incestes et des repas de chair humaine, dont on les accusait. Il ajoute que ces crimes, reprochés aux chrétiens, ne se trouvent que parmi les païens, où l'on a divinisé tous les vices, où l'on honore les dieux par toutes sortes d'infamies ; mais les Chrétiens suivent d'abord les lumières naturelles, qui nous disent ce qui est honnête ou honteux ; ils se rappellent que Dieu est témoin de leurs actions et de leurs pensées ; ils meurent avec une joie qui est une nouvelle preuve de leur innocence. Ils meurent pour avoir refusé d'adorer vos dieux, dit-il aux païens, et ils ont refusé de les adorer, parce que vos dieux ont commis les crimes que vous nous reprochez et en exigent de semblables. Il ne demande qu'une chose pour lui, c'est la publicité de son écrit, afin qu'il puisse gagner des âmes à Jésus-Christ.

Saint Justin disait, dans cette même requête, à l'empereur-philosophe Marc- Aurèle, qu'il s'attendait de jour en jour, d'après les manœuvres des philosophes, surtout de Crescent, à être attaché à un poteau, pour être brûlé vif ou dévoré par les bêtes. Ce qu'il avait prévu s'accomplit. Tatien, son disciple, dit formellement que la mort de saint Justin fut l'ouvrage de ces faux philosophes, surtout de Crescent, irrités de ce que notre Saint leur reprochait sans cesse leur fourberie, leur avarice et la corruption de leurs mœurs. Nous avons la relation authentique du martyre de ce vrai philosophe, qui scella de son sang sa foi et sa doctrine. Nous reproduisons intégralement ces actes, qui ont été conservés dans toute leur pureté.

Sous le règne de Marc-Aurèle, quelques personnes, passionnées pour le culte des idoles, obtinrent de l'empereur qu'on publiât dans toutes les villes de l'empire des édits contre ceux qui faisaient profession de la véritable religion. Ces édits portaient qu'en quelque lieu qu'on trouvât un chrétien, on s'en saisît, et qu'on l'obligeât sur l'heure à sacrifier aux dieux. Ce fut alors que Justin, et ceux qui étaient avec lui, furent arrêtés et conduits à Rome, où on les fit comparaître devant le tribunal de Rusticus, préfet de la ville.

Ce magistrat, s'adressant à Justin, lui dit :
" Ne veux-tu pas obéir aux dieux et à l'empereur ?"
Justin lui répondit :
" Quiconque obéira à Jésus-Christ notre Sauveur, ne pourra jamais être condamné.
- Quelle science, ou quel art professes-tu, continua le préfet ?
- Jusqu'ici, répliqua Justin, j'ai travaillé à acquérir toutes les connaissances naturelles et humaines, et il n'y a point de genre d'érudition où ma curiosité ne m'ait fait faire quelques progrès ; mais enfin je me suis fixé à la science dos Chrétiens, quoiqu'elle ne soit pas du goût de ceux qui n'en ont que pour l'erreur.
- Quoi ! Misérable, reprit Rusticus, cette science peut-elle te plaire ?
- Oui, sans doute, répliqua Justin, parce qu'elle me fait marcher avec les chrétiens dans la voie de la vérité, et qu'elle contient une doctrine droite et pure.
- Quelle est cette doctrine ? dit le préfet.
- La doctrine que suivent les Chrétiens, répondit Justin, consiste à croire qu'il n'y a qu'un Dieu qui a créé toutes les choses qui se voient et toutes celles qui ne tombent pas sous les sens ; à reconnaître un seul Seigneur, qui est Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, prédit autrefois et annoncé aux hommes par les Prophètes, et qui doit venir juger tout le genre humain. C'est lui qui est l'auteur du salut, et c'est lui qui l'est venu publier dans le monde. Il veut bien être le maître de ceux qui aiment à apprendre de lui les vérités qu'il enseigne. Pour moi, qui suis un homme sans intelligence, j'avoue que j'ai trop peu de lumières pour pouvoir parler de sa divinité d'une manière qui soit digne d'elle. Il n'appartient qu'aux Prophètes de pénétrer dans cet abîme de grandeur, et ce sont eux qui, par l'inspiration de Dieu, ont prédit l'avènement de celui que je viens de nommer son Fils, et ils l'ont prédit plusieurs siècles avant qu'il parût sur la terre."

Procès de saint Justin et de ses compagnons.

Le préfet lui demanda où les chrétiens s'assemblaient. Justin lui répondit qu'il était libre à chacun de se trouver partout où il pouvait :
" Penses-tu, continua-t-il, que nous ayons un lieu déterminé où nous tenions ordinairement nos assemblées ? Nullement. Sache que le Dieu des chrétiens n'est pas enfermé dans un lieu ; il est immense, aussi bien qu'invisible, et il remplit le ciel et la terre. Ainsi il est adoré en tous lieux, et chaque fidèle lui peut rendre hommage en quelque lieu que ce soit.
- Je veux savoir, repartit le préfet, où vous vous assemblez tous, et particulièrement le lieu où tes disciples te vont écouter.
- Je te dirai bien où je demeure, répondit Justin, j'ai logé jusqu'ici tout près d'un nommé Martin, en face du bain Timiotinum. Voici la seconde fois que je viens à Rome, et je ne connais aucun autre logement ; si quelqu'un a voulu me venir trouver, je ne lui ai pas caché la doctrine de la vérité, et je lui ai volontiers communiqué ce que j'en savais.
- Tu es donc chrétien ? lui dit le préfet.
- Oui, je le suis, répondit Justin."

Alors le préfet, se tournant vers Chariton, lui dit :
" Et toi, es-tu Chrétien ?"
Chariton lui répondit :
" Oui, je le suis, par la grâce de Dieu."
Le préfet fit avancer une femme nommée Charitana, et il lui demanda si elle était Chrétienne elle dit qu'elle aussi était Chrétienne, par la miséricorde du Seigneur. Le préfet interrogea aussi Evelpiste sur sa religion et sur sa condition. Evelpiste répondit :
" Je suis serviteur de l'empereur, mais je suis chrétien et affranchi de Jésus-Christ ; et par un effet de sa bonté, j'ai la même espérance que ceux que tu vois, et je vis comme eux dans la même attente."
Le préfet s'adressa ensuite à Hiérax, et lui demanda s'il était Chrétien :
" Assurément, répondit Hiérax, je suis Chrétien, j'adore le même Dieu que ces autres adorent.
- Est-ce Justin, dit le qui t'a fait, Chrétien ?
- Moi, répondit Hiérax, j'ai été Chrétien et je le serai.

Martyre de saint Justin. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. Mâcon. XVe.

Un nommé Péon, qui était présent, dit tout haut :
" Je suis chrétien aussi.
- Et qui t'a instruit ? répliqua le préfet.
- Ce sont mes parents, répondit Péon."

Evelpiste ajouta :
" J'écoutais avec plaisir les Instructions de Justin, mais j'ai aussi appris de mes parents à être chrétien."
Le préfet lui dit :
" Où sont, tes parents ?
- Ils sont en Cappadoce, repartit Evelpiste."

Le préfet posa même question à Hiérax, qui lui fit cette réponse :
" Notre véritable Père, c'est Jésus-Christ, et la foi est notre véritable mère ; c'est par elle que nous croyons en lui. A l'égard des parents que j'ai eus sur la terre, ils sont morts. Au reste, j'ai été tiré de la Phrygie, et l'on m'a amené ici."
Le préfet demanda à Libérien ce qu'il disait, et s'il était aussi chrétien et impie envers les dieux. Libérien répondit qu'il était chrétien, et qu'il adorait le vrai Dieu.

Le préfet revenant à Justin, lui dit :
" Ecoute, toi qui fais l'orateur, et qui te piques d'éloquence et de doctrine, toi qui crois posséder la vraie sagesse, quand je t'aurai fait déchirer à coups de fouet de la tête aux pieds, penses-tu monter au ciel en cet état ?
- J'espère, répondit Justin, que si je souffre pour Jésus-Christ le supplice dont tu me menaces, je recevrai de lui ce qu'ont déjà reçu ceux qui ont gardé ses préceptes car je sais que la grâce de Dieu est réservée jusqu'à la fin du monde à tous ceux qui auront ainsi vaincu.
- Tu t'imagines donc, lui dit le préfet, qu'une grande récompense t'attend dans le ciel ?
- Je ne me l'imagine pas, reprit Justin ; je le sais, et j'en suis si convaincu, que je n'en ai pas le moindre doute."

Le préfet dit :
" Laissons tout cela ; venons au fait, et à ce qui est plus pressé : réunissez-vous tous, et, animés d'un même esprit, préparez-vous à sacrifier aux dieux."
Justin, prenant la parole au nom de tous, dit :
" Un homme de bon sens n'abandonnera jamais la véritable piété pour courir après l'impiété et l'erreur."
Le préfet dit :
" Si vous n'obéissez à notre ordonnance, vous pouvez vous attendre à être traités sans aucune miséricorde."
Saint Justin répondit :
" Nous ne nous souhaitons rien avec plus d'ardeur que de soutenir pour Notre Seigneur Jésus-Christ, et que d'aller à lui par les tourments. C'est ce qui nous donnera de la confiance devant son tribunal terrible, où tous les hommes doivent comparaître, pour être jugés."
Tous dirent la même chose, et ajoutèrent :
" Fais ce que tu voudras nous sommes Chrétiens, et nous ne sacrifierons point aux idoles."
Le préfet ayant entendu ces paroles, prononça cette sentence :
" Que ceux qui n'ont pas voulu sacrifier aux dieux, ni obéir à l'ordonnance de l'empereur, soient battus des verges et conduits au lieu du supplice, pour y perdre la tête, ainsi que les lois l'ordonnent."

Les saints martyrs furent donc menés au lieu où l'on exécutait les criminels ; et là, parmi les louanges, les actions de grâces et les bénédictions qu'ils donnaient à Dieu, ils furent d'abord fouettés et eurent ensuite la tête tranchée, confessant leur Sauveur jusqu'au dernier soupir. Après leur mort, quelques fidèles enlevèrent secrètement leurs corps et les enterrèrent en un lieu décent.

La cathédrale de Coutances possède de nos jours quelques reliques de saint Justin.
On donne pour attribut à saint Justin la hache ou le glaive ; on le représente aussi discourant en face de la mer.

Décollation de saint Justin et de ses compagnons.

ÉCRITS DE SAINT JUSTIN, SAINT QUADRAT ET SAINT ARISTIDE

Les meilleures éditions des œuvres de saint Justin, avec une tradition latine et des notes
savantes, ont été données :
1° Par le bénédictin de Saint-Maur, dom Prudence Maran (1742, Paris, in-fol.), en même
temps que les œuvres de Tatien, Athénagore. Théophile et Hermias, avec une savante préface. La réimpression, faite à Würtzbourg (1777, 3 vol. in-8°), n'a pas grande valeur.
2° Récemment, par le docteur Otto (1842, Iéna, 3 vol. in-S"), dont une nouvelle édition à part, en 1847-50, sous le titre : Corpus Apologetarum Christ, saeculi secundi ; nous ne parlons pas de l'édition de M. Migne, que tout le monde connait.
M. de Genoude a donne une nouvelle traduction des œuvres de saint Justin. (Les Pères des trois premiers siècles, traduits en français, 6 vol. in-8°, 1837-1843.).
M. Henry de Riancey a aussi traduit la première apologie. (Choix des Pères, 1837).
Il existe deux Monographies de saint Justin, l'une du docteur Otto : De Justini martyris scriptis et doctrina (Ienae, 1841) ; l'autre de Semisch : Justin le Martyr. (Breslau, 1840, 2 vol.).

Saint Justin. Gravure. Jacques Callot. XVIIe.

On admet généralement que l'apologie de saint Justin fut précédée de celle de saint Quadrat et de celle de saint Aristide :
- Saint Quadrat, disciple des Apôtres, avait reçu !e don de prophétie. Publius, successeur de saint Denys l’Aréopagite sur le siège épiscopal d'Athènes, ayant reçu la couronne du martyre, sous l'empire d'Adrien, vers l'an 125 de Jésus-Christ, saint Quadrat lui succéda sa foi et son zèle ranimèrent le courage des fidèles que la terreur de la persécution avait dispersés.
L'empereur Adrien, étant venu pour la seconde fois à Athènes, en l'an 124, s'y fit initier aux mystères d'Eleusine. La persécution, qui avait déjà commencé contre les chrétiens, devint plus forte depuis cette initiation. C'est ce qui engagea Quadrat prendre la défense de la religion chrétienne dans une apologie qu'il adressa à l’empereur en 126. Saint Quadrat déploya tant d'énergie et de logique dans cette pièce que, dire de saint Jérôme, elle eut la force d'éteindre la persécution dont l'Eglise était alors agitée. Le même saint Jérôme appelle cet ouvrage digne d'un disciple des Apôtres.
Il ne nous reste qu'un fragment dans lequel Quadrat démontre la divinité des miracles de Jésus-Christ par leur permanence. Les prétendus prodiges des imposteurs n'ont pas ce caractère (cf. Dom Ceillier, t. I ; Patrol. de Migne, t. V.).
- Saint Aristide était athénien de naissance et philosophe de profession il en garda l'habit lorsqu’il embrassa la foi ce que fit aussi saint Justin.
Saint Aristide partage avec saint Quadrat l'honneur d'avoir, par son Apologie du Christianisme, rendu la paix à l'Eglise pour quelques années. Il soutint la divinité de Jésus-Christ devant Adrien, non-seulement par ses écrits, mais par un éloquent discours que ce prince lui permit de prononcer en sa présence.

On dit que l'apologie d'Aristide existe encore au monastère de Medelli, à six kilomètres d'Athènes ce serait à vérifier.

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vendredi, 29 mars 2024

29 mars. Saint Jonas, saint Barachisius, frères, et leurs saints compagnons, martyrs. 326.

- Saint Jonas (ou Jonan ou encore Yon), saint Barachisius (ou Barachise ou encore Berikjesu), frères, et leurs saints compagnons, martyrs. 326.

Pape : Saint Sylvestre Ier. Roi des Perses : Sapor Ier.
 
" Ne craignez rien, leur dirent-ils, combattons, mes frères, pour le nom de Jésus crucifié, et nous obtiendrons, comme nos devanciers, la glorieuse couronne promise aux vaillants soldats de la foi."
Saint Barachisius.
 

Saint Jonas et saint Barachisius. Gravure de Jacques Callot. XVIIe.

La dix-huitième année de son règne, Sapor, croyant qu'il était de sa politique de persécuter l'Église du Christ, renversa les églises et les autels, brûla les monastères, et accabla de vexations les chrétiens. Il voulait leur faire renier le culte du Dieu créateur pour celui du feu, du soleil et de l'eau : quiconque refusait d'adorer ces divinités était torturé.

Il y avait dans la ville de Beth-Asa deux frères également vertueux et chers à tous les chrétiens ; ils se nommaient Jonan et Berikjesu. Connaissant les tourments qu'on faisait subir, en divers lieux, aux chrétiens, pour les forcer à renier, ils résolurent de s'y rendre incontinent. Arrivés à la ville de Hubaham, et désirant tout voir par eux-mêmes, ils pénétrèrent jusqu'à la prison publique, pour y visiter les chrétiens. Ils en trouvèrent un grand nombre qui avaient résisté à plusieurs épreuves; ils les animèrent à persévérer, leur apprirent à trouver dans les Écritures des réponses pour confondre les juges ; et le succès de leurs exhortations fut tel que, parmi ces chrétiens, les uns confessèrent devant les tyrans et les autres cueillirent la palme du martyre ; ces derniers furent au nombre de neuf : Zébinas, Lazare, Marout, Narsai, Elia, Mahri, Habile, Saba et Schembaitch.

A la vue de plusieurs chrétiens dans les tourments, ils les encouragèrent ainsi :
" Ne craignez rien, leur dirent-ils, combattons, mes frères, pour le nom de Jésus crucifié, et nous obtiendrons, comme nos devanciers, la glorieuse couronne promise aux vaillants soldats de la foi."

Soutenues par ces paroles, les victimes consommèrent sans faiblesse leur sacrifice. Mais il n'en fallait pas davantage pour exciter la colère des ministres du roi. Jonas et Barachisius sont arrêtés et menacés de mort s'ils n'adorent les dieux de la Perse, le soleil, le feu et l'eau. Leur refus est suivi de cruelles tortures.


Saint Jonas. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Jonas, attaché à un pieu, est frappé de verges couvertes d'épines jusqu'à ce que ses côtes soient mises à nu ; mais il bénit et glorifie le Seigneur. On le traîne alors, une chaîne aux pieds, sur un étang glacé pour y passer la nuit.

Pendant ce temps, Barachisius confond à son tour la folie des adorateurs des idoles, et affirme que jamais il n'adorera que Celui qui est le Créateur tout-puissant du soleil, du feu et de l'eau. On lui verse du plomb fondu sur les yeux, dans la bouche, dans le nez et les oreilles, puis on le suspend par un pied dans sa prison.

Le lendemain, le combat recommence pour les deux frères. Aux questions railleuses de ses bourreaux, Jonas répond :
" Dieu ne m'a jamais donné une nuit plus heureuse ni plus tranquille ", puis il leur parle avec une éloquence et une sagesse qui les ravissent d'étonnement et d'admiration malgré eux, sans toutefois diminuer leur barbarie. Ils coupent par phalanges les doigts des mains et des pieds du saint martyr, et ensuite le jettent dans une chaudière de poix bouillante, après lui avoir ôté la peau de la tête. La poix bouillante l'ayant épargné, ils le placent sous un pressoir à vis et le broient en faisant tourner sur lui cet horrible instrument ; et c'est dans ce supplice que Jonas termina son combat victorieux.

Quant à son frère Barachisius, il ne fut pas moins admirable. Jeté dans un buisson d'épines aiguës, on ne l'en retira que pour enfoncer dans sa chair des pointes de roseaux et les arracher violemment. Au lieu de se plaindre, la douce victime, à l'exemple du Maître, priait pour ses ennemis. Son corps fut ensuite broyé sous le même pressoir où son frère avait expiré.

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jeudi, 28 mars 2024

28 mars. Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.

- Saint Jean de Capistran, général de l'Ordre des Frères Mineurs, légat du Saint-Siège. 1456.

Pape : Callixte III. Empereurs : Frédéric III.

" Si Dieu ne se proposait de mettre en possession de son héritage ceux qui sont éprouvés, Il ne prendrait pas soin de les former par la tribulation."
Saint Antonin de Florence.


Saint Jean de Capistran. Bartolomeo Vivarini. XVe.

Plus l’Eglise semble approcher du terme de ses destinées, plus aussi l’on dirait qu’elle aime à s’enrichir de fêtes nouvelles rappelant le glorieux passé. C'est qu'en tout temps du reste, un des buis du Cycle sacré est de maintenir en nous le souvenir des bienfaits du Seigneur. " Ayez mémoire des anciens jours, considérez l'histoire des générations successives ", disait déjà Dieu sous l'alliance du Sinaï (Deut. XXXII, 7.) ; et c'était une loi en Jacob, que les pères rissent connaître à leurs descendants, pour qu'eux-mêmes les transmissent à la postérité, les récits antiques (Psalm. LXXVII, 5.). Plus qu'Israël qu'elle a remplacé, l'Eglise a ses annales remplies des manifestations de la puissance de l'Epoux ; mieux que la descendance de Juda, les fils de la nouvelle Sion peuvent dire, en contemplant la série des siècles écoulés : " Vous êtes mon Roi, vous êtes mon Dieu, vous qui toujours sauvez Jacob !" (Psalm. XLIII, 5.).

Tandis que s'achevait en Orient la défaite des Iconoclastes, une guerre plus terrible, où l'Occident devait lutter lui-même pour la civilisation et pour l'Homme-Dieu, commençait à peine. Comme un torrent soudain grossi, l'Islam avait précipité de l'Asie jusqu'au centre des Gaules ses flots impurs ; pied à pied, durant mille années, il allait disputer le sol occupé par les races latines au Christ et à son Eglise. Les glorieuses expéditions des XIIe et XIIIe siècles, en l'attaquant au centre même de sa puissance, ne firent que l'immobiliser un temps. Sauf sur la terre des Espagnes, où le combat ne devait finir qu'avec le triomphe absolu de la Croix, on vit les princes, oublieux des traditions de Charlemagne et de saint Louis, délaisser pour les conflits de leurs ambitions privées la guerre sainte, et bientôt le Croissant, défiant à nouveau la chrétienté, reprendre ses projets de conquête universelle.

En 1453, Byzance, la capitale de l'empire d'Orient, tombait sous l'assaut des
janissaires turcs ; trois ans après, Mahomet II son vainqueur investissait Belgrade, le boulevard de l'empire d'Occident. Il eût semblé que l'Europe entière ne pouvait manquer d'accourir au secours de la place assiégée. Car cette dernière digue forcée, c'était la dévastation immédiate pour la Hongrie, l'Autriche et l'Italie ; pour tous les peuples du septentrion et du couchant, c'était à bref délai la servitude de mort où gisait cet Orient d'où nous est venue la vie, l'irrémédiable stérilité du sol et des intelligences dont la Grèce, si brillante autrefois, reste encore aujourd'hui frappée.


Saint Jean de Capestran. Gaetano Lapis. XVIIIe.

Or toutefois, l'imminence du danger n'avait eu pour résultat que d'accentuer la division lamentable qui livrait le monde chrétien à la merci de quelques milliers d'infidèles. On eût dit que la perte d'autrui dût être pour plusieurs une compensation à leur propre ruine ; d'autant qu'à cette ruine plus d'un ne désespérait pas d'obtenir délai ou dédommagement, au prix de la désertion de son poste de combat. Seule, à rencontre de ces égoïsmes, au milieu des perfidies qui se tramaient dans l'ombre ou déjà s'affichaient publiquement, la papauté ne s'abandonna pas. Vraiment catholique dans ses pensées, dans ses travaux, dans ses angoisses comme dans ses joies et ses triomphes, elle prit en mains la cause commune trahie par les rois. Econduite dans ses appels aux puissants, elle se tourna vers les humbles, et plus confiante dans sa prière au Dieu des armées que dans la science des combats, recruta parmi eux les soldats de la délivrance.

C'est alors que le héros de ce jour, saint Jean de Capistran, depuis longtemps déjà redoutable à l'enfer, consomma du même coup sa gloire et sa sainteté. A la tête d'autres pauvres de bonne volonté, paysans, inconnus, rassemblés par lui et ses Frères de l'Observance, le pauvre du Christ ne désespéra pas de triompher de l'armée la plus forte, la mieux commandée qu'on eût vue depuis longtemps sous le ciel. Une première fois, le 14 juillet 1456, rompant les lignes ottomanes en la compagnie de Jean Hunyade, le seul des nobles hongrois qui eût voulu partager son sort, il s'était jeté dans Belgrade et l'avait ravitaillée. Huit jours plus tard, le 22 juillet, ne souffrant pas de s'en tenir à la défensive, sous les yeux d'Hunyade stupéfié par cette stratégie nouvelle, il lançait sur les retranchements ennemis sa troupe armée de fléaux et de fourches, ne lui donnant pour consigne que de crier le nom de Jésus à tous les échos.

C'était le mot d'ordre de victoire que saint Jean de Capistran avait hérité de Bernardin de Sienne son maître :
" Que l'adversaire mette sa confiance dans les chevaux et les chars ; pour nous, nous invoquerons le Nom du Seigneur." (Psalm. XIX, 8.).

Et en effet, le Nom toujours " saint et terrible " (Psalm. CX, 9.) sauvait encore son peuple. Au soir de cette mémorable journée, vingt-quatre mille Turcs jonchaient le sol de leurs cadavres ; trois cents canons, toutes les armes, toutes les richesses des infidèles étaient aux mains des chrétiens ; Mahomet II, blessé, précipitant sa fuite, allait au loin cacher sa honte et les débris de son armée.

Ce fut le 6 août que parvint à Rome la nouvelle d'une victoire qui rappelait celle de Gédéon sur Madian (Judic. VII.). Le Souverain Pontife, Callixte III, statua que désormais toute l'Eglise fêterait ce jour-là solennellement la glorieuse Transfiguration du Seigneur. Car en ce qui était des soldats de la Croix, " ce n'était pas leur glaive qui avait délivré la terre, ce n'était pas leur bras qui les avait sauvés, mais bien votre droite et la puissance de votre bras à vous, Ô Dieu, et le resplendissement de votre visage, parce que vous vous étiez complu en eux " (Psalm. XLIII , 4.), " comme au Thabor en votre Fils bien-aimé " (Matth. XVII, 5.).


La petite ville de Capestrano. Abbruzes.

Saint Jean naquit à Capestrano dans les Abruzzes. Envoyé pour ses études à Pérouse, il profita grandement dans les sciences chrétiennes et libérales Sa connaissance éminente du droit le fit appeler par le roi de Naples Ladislas au gouvernement de plusieurs villes. Or, tandis qu'il s'en acquittait saintement et s'efforçait dans des temps troublés de ramener la paix, lui-même est jeté dans les fers. Délivré miraculeusement, il embrasse la règle de saint François d'Assise parmi les Frères Mineurs. Dans les lettres divines il eut pour maître saint Bernardin de Sienne, dont il devint le parfait imitateur pour la vertu, pour la propagation surtout du culte du très saint nom de Jésus et delà Mère de Dieu. Il refusa l'évêché d'Aquila. Son austérité, ses nombreux écrits pour la réforme des moeurs le rendirent célèbre.

Tout adonné à la prédication de la parole de Dieu, il parcourut en s'acquittant de cet office l'Italie presque entière, ramenant d'innombrables âmes dans les voies du salut par la force de son éloquence et ses miracles répétés. Martin V l'établit inquisiteur pour l'extinction de la secte des Fratricelles.

Nommé par Nicolas V inquisiteur général en Italie contre les Juifs et les Sarrasins, il en convertit un grand nombre à la foi du Christ. En Orient, il fut le promoteur de beaucoup d'excellentes mesures ; au concile de Florence, où on le vit briller comme un soleil, il rendit à l'Eglise catholique les Arméniens. Sur la demande de l'empereur Frédéric III, le même Nicolas V l'envoya comme nonce du Siège apostolique en Allemagne, pour qu'il y rappelât les hérétiques à la foi véritable et l’esprit des princes à la concorde. Un ministère de six années en ce pays et dans d'autres provinces lui permit d'accroître merveilleusement la gloire de Dieu, amenant sans nombre au sein de l'Eglise, par la vérité de la doctrine et l'éclat des miracles, Hussites, Adamites, Thaborites et Juifs.


Saint Bernardin de Sienne et saint Jean de Capestran.
Détail. Alonso Cano. XVIIe.

Callixte III ayant résolu, principalement à sa prière, de promouvoir la croisade, Jean parcourut sans repos la Hongrie et d'autres contrées, excitant par lettres ou discours les princes à la guerre, enrôlant dans un court espace de temps soixante-dix mille chrétiens. C'est surtout à sa prudence, à son courage, qu'est due la victoire de Belgrade, où cent vingt mille Turcs furent partie massacrés, partie mis en fuite. La nouvelle de cette victoire étant arrivée à Rome le huit des ides d'août, Callixte III, en perpétuelle mémoire, consacra ce jour en y fixant la solennité de la Transfiguration du Seigneur. Atteint d'une maladie mortelle, Jean fut transporté à Illok, où plusieurs princes étant venus le visiter, il les exhorta à la défense de la religion, et rendit saintement à Dieu son âme.

On était en l'année du salut mil quatre cent cinquante-six. Dieu confirma sa gloire après sa mort par beaucoup de miracles, lesquels ayant été prouvés juridiquement, Alexandre VIII le mit au nombre des Saints l'an mil six cent quatre-vingt-dix. Au second centenaire de sa canonisation, Léon XIII a étendu son Office et sa Messe à toute l'Eglise.


Statue de saint Jean de Capestran à la gloire de la défense de la
Très Sainte Eucharistie et de la Foi. Vienne. Autriche.

PRIERE

" Le Seigneur est avec vous, Ô le plus fort des hommes ! Allez dans cette force qui est la vôtre, et délivrez Israël, et triomphez de Madian : " sachez que c'est moi qui vous ai envoyé " (Judic. VI.). Ainsi l'Ange du Seigneur saluait Gédéon, quand il le choisissait pour ses hautes destinées parmi les moindres de son peuple ! Ainsi pouvons-nous, la victoire remportée, vous saluer à notre tour, Ô fils de François d'Assise, en vous priant de nous aide toujours. L'ennemi que vous avez vaincu sur les champs de bataille n'est plus à redouter pour notre Occident ; le péril est bien plutôt où Moïse le signalait pour son peuple après la délivrance, quand il disait :
" Prenez garde d'oublier le Seigneur votre Dieu, de peur qu'après avoir écarté la famine, bâti de belles maisons, multiplié vos troupeaux, votre argent et votre or, goûté l'abondance de toutes choses, votre coeur ne s'élève et ne se souvienne plus de Celui qui vous a sauvés de la servitude."
(Deut. VIII, 11-14.).

Si, en effet, le Turc l'eût emporté, dans la lutte dont vous fûtes le héros, où serait cette civilisation dont nous sommes si fiers ? Après vous, plus d'une fois, l'Eglise dut assumer sur elle à nouveau l'œuvre de défense sociale que les chefs des nations ne comprenaient plus. Puisse la reconnaissance qui lui est due préserver les fils de la Mère commune de ce mal de l'oubli qui est le fléau de la génération présente ! Aussi remercions-nous le ciel du grand souvenir dont resplendit par vous en ce jour le Cycle sacré, mémorial des bontés du Seigneur et des hauts faits des Saints. Faites qu'en la guerre dont chacun de nous reste le champ de bataille, le nom de Jésus ne cesse jamais de tenir en échec le démon, le monde et la chair ; faites que sa Croix soit notre étendard, et que par elle nous arrivions, en mourant à nous-mêmes, au triomphe de sa résurrection."

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mercredi, 27 mars 2024

27 mars. Saint Jean Damascène, docteur de l'Eglise. 780.

- Saint Jean Damascène, docteur de l'Eglise. 749.
 
Pape : Saint Agathon ; saint Zacharie. Empereur d'Orient : Léon l'Isaurien ; Constantin Copronyme. Roi des Lombards : Aistulf.

" Le bien n'est même pas bien s'il n'est pas bien fait."
Maxime favorite de saint Jean Damascène.


Saint Jean Damascène. Xe.

Jean, appelé Damascène du nom de sa ville natale, était de noble race. Il fut instruit dans les lettres humaines et divines, à Constantinople, par le moine Côme. Dans ce temps-là, l'empereur Léon l’Isaurien ayant déclaré une guerre impie aux saintes Images, Jean, sur l'exhortation du Pontife romain Grégoire III, mit tout son zèle à défendre dans ses discours et ses écrits la sainteté de leur culte ; ce qui lui attira l'inimitié de l'empereur. Cette inimitié alla si loin que celui-ci, au moyen de lettres supposées, accusa Jean de trahison près du calife de Damas dont il était le conseiller et le ministre. Trop crédule à la calomnie, le calife, sans écouter les protestations de l'accusé, lui fit couper la main droite. Mais l'innocence devait être vengée ; la Vierge très sainte prêta l'oreille à la prière fervente de son dévot client : par son secours, la main coupée se rejoignit au bras comme si elle n'en avait jamais été séparée.

Ce miracle émut Jean de telle sorte, qu'il résolut d'accomplir un dessein formé dès longtemps dans son âme : le calife lui ayant quoique à regret permis de quitter son service, il distribua tous ses biens aux pauvres, affranchit ses esclaves, et, après avoir fait le pèlerinage des saints lieux de Palestine, se retira dans la compagnie de son maître Côme en la laure de saint Sabas près de Jérusalem, où on l’ordonna prêtre.

L'arène de la vie religieuse le vit donner aux moines d'admirables exemples de vertu, principalement d'humilité et d'obéissance. Il réclamait comme siens les plus vils emplois du monastère, et mettait tout son zèle à les accomplir. Envoyé vendre à Damas les corbeilles qu'il avait tressées, les insultes et les moqueries de la plèbe étaient pour lui comme un breuvage délicieux dans cette ville où jadis il avait joui des plus grands honneurs. Son obéissance ne le tenait pas seulement à la disposition du moindre signe des supérieurs ; mais, si durs, si insolites que fussent les ordres donnés, il ne se crut jamais permis d'en demander la raison.


Manuscrit Grec. XIIe.

Dans cet exercice de toutes les vertus, son dévouement à défendre le dogme catholique du culte des saintes Images ne se démentit jamais. Aussi la haine de Constantin Copronyme, comme auparavant celle de Léon l'Isaurien, le poursuivit-elle de ses vexations ; d'autant qu'il ne craignait pas de relever l'orgueilleuse prétention de ces empereurs s'estimant maîtres dans les choses de la foi, et s'y posant en juges suprêmes.

Combien, tant en prose qu'en vers, Jean composa d'ouvrages pour cette cause de la foi et pour nourrir la piété des peuples, c'est ce qu'on doit certes admirer, comme fit le second concile de Nicée qui l'honora des plus grandes louanges, comme l'atteste aussi ce nom de Chrysorrhoès qui lui fut donné pour signifier les flots d'or de ses discours. Ce ne fut pas seulement, en effet, contre les Iconoclastes qu'il défendit l'orthodoxie ; mais presque tous les hérétiques eurent à subir ses coups, spécialement les Acéphales, les Monothélites, ceux qui prétendent que dans le Christ la divinité a souffert.

Il vengea noblement les droits et la puissance de l'Eglise, affirma éloquemment la primauté du Prince des Apôtres, qu'il nomme maintes fois le soutien des églises, la pierre infrangible, le maître et le guide de l'univers. Or ses ouvrages sans exception ne brillent pas seulement par la doctrine et la science ; on y trouve le parfum d'une dévotion touchante, surtout lorsqu'il célèbre les louanges de la Mère de Dieu, pour laquelle excellaient son culte et son amour.

Entre toutes ces gloires, la moindre pour Jean n'est pas d'avoir le premier ramené l'ensemble de la théologie à un ordre logique, et aplani la voie dans laquelle saint Thomas devait traiter de la science sacrée avec une si admirable méthode. Enfin, plein de mérites et chargé d’années, consommé en sainteté, il se reposa dans la paix du Christ vers l'an sept cent cinquante quatre. Le Souverain Pontife Léon XIII a accordé à toute l'Eglise d'en célébrer l'Office et la Messe sous le titre de Docteur.


" C'est légitimement, déclare le deuxième concile de Nicée, qu'on place dans les églises, en fresques, en tableaux, sur les vêtements, les vases sacrés, comme dans les maisons ou dans les rues, les images soit de couleur, soit de mosaïque ou d'autre matière convenable, représentant notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, notre très pure Dame la sainte Mère de Dieu, les Anges et tous les Saints ; de telle sorte qu'il soit permis de faire fumer l'encens devant elles et de les entourer de lumières (Concil. Nic. Il, sess. VII.). Non, sans doute, reprennent contre les Protestants les Pères de Trente, qu'on doive croire qu'elles renferment une divinité ou une vertu propre, ou que l'on doive pincer sa confiance dans l'image même comme autrefois les païens dans leurs idoles ; mais, l’honneur qui leur est rendu se référant au prototype (Cette formule, où se trouve exprimée la vraie base théologique du culte des images, est empruntée par le concile de Trente au second de Nicée, qui lui-même l'a tirée textuellement de saint Jean Damascène : De fide orthodoxa, IV, XVI.), c'est le Christ à qui vont par elles nos adorations, ce sont les Saints que nous vénérons dans les traits qu'elles nous retracent d'eux." (Concil. Trident., sess. XXV.).

On n'a point oublié que les Grecs célèbrent au premier dimanche de Carême une de leurs plus grandes solennités : la fête de l'Orthodoxie. La nouvelle Rome, montrant bien qu'elle ne partageait aucunement l'indéfectibilité de l'ancienne, avait parcouru tout le cycle des hérésies concernant le dogme du Dieu fait chair. Après avoir rejeté successivement la consubstantialité du Verbe, l'unité de personne en l'Homme-Dieu, l'intégrité de sa double nature, il semblait qu'aucune négation n'eût échappé à la sagacité de ses empereurs et de ses patriarches. Un complément pourtant des erreurs passées manquait encore au trésor doctrinal de Byzance.

Il restait à proscrire ici-bas les images de ce Christ qu'on ne parvenait pas à diminuer sur son trône du ciel ; en attendant qu'impuissante à l'atteindre même dans ces représentations figurées, l'hérésie laissât la place au schisme pour arriver à secouer du moins le joug de son Vicaire en terre : dernier reniement, qui achèvera de creuser pour Constantinople la tombe que le Croissant doit sceller un jour.

L'hérésie des Iconoclastes ou briseurs d'images marquant donc, sur le terrain de la foi au Fils de Dieu, la dernière évolution des erreurs orientales, il était juste que la fête destinée à rappeler le rétablissement de ces images saintes s'honorât, en effet, du glorieux nom de fête de l'Orthodoxie ; car en célébrant le dernier des coups portés au dogmatisme byzantin, elle rappelle tous ceux qu'il reçut dans les Conciles, depuis le premier de Nicée jusqu'au deuxième du même nom, septième œcuménique. Aussi était-ce une particularité de ladite solennité, qu'en présence de la croix et des images exaltées dans une pompe triomphale, l'empereur lui-même se tenant debout à son trône, on renouvelât à Sainte-Sophie tous les anathèmes formulés en divers temps contre les adversaires de la vérité révélée.

Satan, du reste, l'ennemi du Verbe, avait bien montré qu'après toutes ses défaites antérieures, il voyait dans la doctrine iconoclaste son dernier rempart. Il n'est pas d'hérésie qui ait multiplié à ce point en Orient les martyrs et les ruines. Pour la défendre, Néron et Dioclétien semblèrent revivre dans les césars baptisés Léon l'Isaurien, Constantin Copronyme, Léon l'Arménien, Michel le Bègue et son fils Théophile. Les édits de persécution, publiés pour protéger les idoles autrefois, reparurent pour en finir avec l'idolâtrie dont l'Eglise, disait-on, restait souillée.

Vainement, dès l'abord, saint Germain de Constantinople rappela-t-il au théologien couronné sorti des pâturages de l'Isaurie, que les chrétiens n'adorent pas les images, mais les honorent d'un culte relatif se rapportant à la personne des Saints qu'elles représentent. L'exil du patriarche fut la réponse du césar pontife.


Saint Jean Damascène. Couvent Saint-Simplice.
Faculté de théologie. Milan. XVIe.

La soldatesque, chargée d'exécuter les volontés du prince, se rua au pillage des églises et des maisons des particuliers. De toutes parts, les statues vénérées tombèrent sous le marteau des démolisseurs. On recouvrit de chaux les fresques murales ; on lacéra, on mit en pièces les vêtements sacrés, les vases de l'autel, pour en faire disparaître les émaux historiés, les broderies imagées. Tandis que le bûcher des places publiques consumait les chefs-d'œuvre dans la contemplation desquels la piété des peuples s'était nourrie, l'artiste assez osé pour continuer de reproduire les traits du Seigneur, de Marie ou des Saints, passait lui-même par le feu et toutes les tortures, en compagnie des fidèles dont le crime était de ne pas retenir l'expression de leurs sentiments à la vue de telles destructions. Bientôt, hélas ! dans le bercail désolé, la terreur régna en maîtresse ; courbant la tête sous l'ouragan, les chefs du troupeau se prêtèrent à de lamentables compromissions.

C'est alors qu'on vit la noble lignée de saint Basile, moines et vierges consacrées, se levant tout entière, tenir tête aux tyrans. Au prix de l'exil, de l'horreur des cachots, de la mort par la faim, sous le fouet, dans les flots, de l'extermination par le glaive, ce fut elle qui sauva les traditions de l'art antique et la foi des aïeux. Vraiment apparut-elle, à cette heure de l'histoire, personnifiée dans ce saint moine et peintre du nom de Lazare qui, tenté par flatterie et menaces, puis torturé, mis aux fers, et enfin, récidiviste sublime, les mains brûlées par des lames ardentes, n'en continua pas moins, pour l'amour des Saints, pour ses frères et pour Dieu, d'exercer son art, et survécut aux persécuteurs.

Alors aussi s'affirma définitivement l'indépendance temporelle des Pontifes romains, lorsque l’Isaurien menaçant de venir jusque dans Rome briser la statue de saint Pierre, l'Italie s'arma pour interdire ses rivages aux barbares nouveaux, défendre les trésors de ses basiliques, et soustraire le Vicaire de l'Homme-Dieu au reste de suzeraineté que Byzance s'attribuait encore.

Glorieuse période de cent vingt années, comprenant la suite des grands Papes qui s'étend de saint Grégoire II à saint Pascal Ier, et dont les deux points extrêmes sont illustrés en Orient par les noms de Théodore Studite, préparant dans son indomptable fermeté le triomphe final, de Jean Damascène qui, au début, signifia l'orage. Jusqu'à nos temps, il était à regretter qu'une époque dont les souvenirs saints remplissent les fastes liturgiques des Grecs, ne fût représentée par aucune fête au calendrier des Eglises latines. Sous le règne du Souverain Pontife Léon XIII, cette lacune a été comblée ; depuis l'année 1892, Jean Damascène, l'ancien vizir, le protégé de Marie, le moine à qui sa doctrine éminente valut le nom de fleuve d'or, rappelle au cycle de l'Occident l'héroïque lutte où l'Orient mérita magnifiquement de l'Eglise et du monde.

 
PRIERE
 
" Vengeur des saintes Images, obtenez-nous, comme le demande l'Eglise (Collecta diei.), d'imiter les vertus, d'éprouver l'appui de ceux qu'elles représentent. L'image attire notre vénération et notre prière à qui en mérite l'hommage : au Christ roi, aux princes de sa milice, aux plus vaillants de ses soldats, qui sont les Saints ; car c'est justice qu'en tout triomphe, le roi partage avec son armée ses honneurs (Damasc. De Imaginibus, I, 19-21.).

L'image est le livre de ceux qui ne savent pas lire ; souvent les lettrés mêmes profitent plus dans la vue rapide d'un tableau éloquent, qu'ils ne feraient dans la lecture prolongée de nombreux volumes (lbid. Comment, in Basil.). L'artiste chrétien, dans ses travaux, fait acte en même temps de religion et d'apostolat ; aussi ne doit-on pas s'étonner des soulèvements qu'à toutes les époques troublées la haine de l'enfer suscite pour détruire ses œuvres.

Avec vous, qui compreniez si bien le motif de cette haine, nous dirons donc :
" Arrière, Satan et ton envie, qui ne peut souffrir de nous laisser voir l'image de notre Seigneur et nous sanctifier dans cette vue ; tu ne veux pas que nous contemplions ses souffrances salutaires, que nous admirions sa condescendance, que nous ayons le spectacle de ses miracles pour en prendre occasion de connaître et de louer la puissance de sa divinité. Envieux des Saints et des honneurs qu'ils tiennent de Dieu, tu ne veux pas que nous ayons sous les yeux leur gloire, de crainte que cette vue ne nous excite à imiter leur courage et leur foi ; tu ne supportes pas le secours qui provient à nos corps et à nos âmes de la confiance que nous mettons en eux. Nous ne te suivrons point, démon jaloux, ennemi des hommes." (De Imaginibus, III, 3.).

Soyez bien plutôt notre guide, Ô vous que la science sacrée salue comme un de ses premiers ordonnateurs. Connaître, disiez-vous, est de tous les biens le plus précieux (Dialectica, I.). Et vous ambitionnez toujours d'amener les intelligences au seul maître exempt de mensonge, au Christ, force et sagesse de Dieu : pour qu'écoutant sa voix dans l'Ecriture, elles aient la vraie science de toutes choses ; pour qu'excluant toutes ténèbres du cœur comme de l'esprit, elles ne s'arrêtent point à la porte extérieure de la vérité, mais parviennent à l'intérieur de la chambre nuptiale (Ibid.).

Un jour, Ô Jean, Marie elle-même prédit ce que seraient votre doctrine et vos œuvres ; apparaissant à ce guide de vos premiers pas monastiques auquel vous obéissiez comme à Dieu, elle lui dit :
" Permets que la source coule, la source aux eaux limpides et suaves, dont l'abondance parcourra l'univers, dont l'excellence désaltérera les âmes avides de science et de pureté, dont la puissance refoulera les flots de l'hérésie et les changera en merveilleuse douceur."

Et la souveraine des célestes harmonies ajoutait que vous aviez aussi reçu la cithare prophétique et le psaltérion, pour chanter des cantiques nouveaux au Seigneur notre Dieu, des hymnes émules de ceux des Chérubins (Joan. Hierosolymit. Vita J. Damasceni, XXXI.). Car les filles de Jérusalem, qui sont les Eglises chantant la mort du Christ et sa résurrection (Ibid.), devaient avoir en vous l'un de leurs chefs de chœurs. Des fêtes de l'exil, de la Pâque du temps, conduisez-nous par la mer Rouge et le désert à la fête éternelle, où toute image d'ici-bas s'efface devant les réalités des cieux, où toute science s'évanouit dans la claire vision, où préside Marie, votre inspiratrice aimée, votre reine et la nôtre."

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mardi, 19 mars 2024

19 mars. Saint Joseph, époux de la très sainte Vierge Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ier siècle.

- Saint Joseph, époux de la très sainte Vierge Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ier siècle.

Empereur romain : Tibère.

" Si vous cherchez Joseph, vous l'y trouverez avec Jésus et Marie."
Origène. Homil. XVIII in Luc.

" Le juste fleurira comme le lis ; sa fleur conservera son éclat et son parfum éternellement devant le Seigneur."
Brév. rom., 19 mars, office de saint Joseph.

" Vous pouvez conjecturer quel personnage fut saint Joseph d'après la seule interprétation de son nom, qui veut dire augmentation."
Saint Jean Chrysostome.


L’Apparition de l’Ange à saint Joseph. Georges de La Tour. XVIIe.

Saint Joseph descendait de la race royale de David. On croit généralement qu'en vue de la mission sublime que le Ciel lui destinait, il fut sanctifié avant sa naissance. Nul ne peut douter que Joseph ne fût préparé à son sublime ministère, quand la Providence, qui dirige tous les événements, unit son sort à celui de Marie.

L'Évangile est sobre de détails sur saint Joseph, et on y voit tout résumé en ces mots (Matth. I, 19.) : " Il était juste ".

En quoi consiste cette vertu de justice ? Donnons deux saints docteurs afin d'en appréhender l'essentiel :
" La justice n'est pas seulement cette vertu spéciale attribuant à chacun ce qui lui appartient, c'est encore cette rectitude générale de l'âme consistant dans la réunion de toutes les vertus."
Saint Thomas d'Aquin.
" Le nom de juste que l'Esprit-Saint accorde à saint Joseph, signifie accompli dans toutes les vertus."

Saint Jean Chrysostome.


Le repentir de saint Joseph. Alessandro Tiarini. XVIIe.

Mais que ces mots couvrent de merveilles, puisque les docteurs s'accordent à dire que saint Joseph tient le premier rang après Marie parmi tous les Saints !

Ainsi Suarez n'hésite-t-il pas à écrire (De Incarnat., part. III, quaest. 29, disp. 8, sect. 2.) :
" Il n'est pas téméraire, c'est même une opinion vraisemblable, et inspirée par la piété, que saint Joseph, entre tous les saints, a tenu le premier rang dans l'état de la grâce."

Et d'ailleurs dans la prière à saint Joseph - qui est aussi le patron des causes difficiles - ne récite-t-on pas :
" Ô Vous qui êtes si puissant auprès de Dieu qu'on a pu dire : " Au ciel, Joseph commande plutôt qu'il ne supplie ", etc. " ?


La Nativité. Le Carravage. XVIe siècle.

Son père l'éleva, d'après la tradition, dans l'état modeste de charpentier ; il pouvait avoir, selon de sérieux auteurs, une cinquantaine d'années, et il avait gardé une chasteté parfaite, lorsque la Volonté de Dieu lui confia la Très Sainte Vierge. Cette union, belle devant les anges, dit saint Jérôme, devait sauvegarder l'honneur de Marie devant les hommes.

Dieu voulut que le mystère de l'Annonciation demeurât quelques temps caché à saint Joseph, afin de nous donner, dans le trouble qui plus tard s'empara de lui, lorsqu'il s'aperçut de la grossesse de Marie, une preuve de la virginité de la Mère et de la conception miraculeuse du Fils. L'avertissement d'un ange dissipa toutes ses craintes.


La Nativité. Giorgio Martini Di Francesco. XVe.

Sur la virginité de saint Joseph, nous nous contenterons de citer l'un des ses plus dévots serviteurs, Isidore de Lille (Summa de beato Josepho, part. IV, chap. 1.) :
" Les Docteurs catholiques n'hésitent plus aujourd'hui à décerner à saint Joseph l'auréole de la virginité : d'abord, parce qu'ils regardent comme vérité démontrée que ce grand saint fut vierge d'esprit et de corps, par voeu et par état ; ensuite, parce qu'il fut le premier à suivre et à imiter le Reine des vierges ; enfin, parce que l'époux et l'épouse doivent être parés des mêmes ornements."


La fuite en Egypte. Cosimo di Domenico di Bonaventura Tura. XVe.

Qui dira ce que Joseph, depuis lors, montra de respect, de vénération, de tendresse pour Celle qui bientôt allait donner au monde le Sauveur ? Combien Joseph fut utile à Marie dans le voyage de Bethléem ! Combien plus encore il lui fut utile dans la fuite en Égypte ! Saint Joseph se montra pour la Mère de Dieu l'ami fidèle, le gardien vigilant, le protecteur dévoué.

Imaginons-nous les progrès en vertu que dut faire saint Joseph, vivant dans la compagnie de Jésus et de Marie. Quel délicieux intérieur ! Quelle sainte maison que cette modeste demeure ! Que de mystères dans cette vie cachée où un Dieu travaille sous la direction d'un homme, où un homme se sanctifie sous l'influence d'un Dieu visible à ses yeux et devenu son Fils adoptif ! Après la plus heureuse des vies, Joseph eut la plus heureuse des morts, car il rendit son dernier soupir entre les bras de Jésus et de Marie.


Notre Seigneur Jésus-Christ dans l'atelier de saint Joseph.
Eglise Saint-Paul Saint-Louis. Paris.

Il est permis de croire, après saint François de Sales qui l'affirme, que saint Joseph est dès maintenant au Ciel en corps et en âme, avec Jésus et Marie. C'est à bon droit que saint Joseph porte le titre glorieux de Patron de l'Église universelle, et que son nom, dans la dévotion chrétienne, est devenu inséparable des noms de Jésus et de Marie.

On l'invoque aussi comme Patron de la bonne mort, parce que, disent les hymnes en son honneur :
" Il s'endormit d'un doux sommeil, en présence de Jésus et de Marie."
(Hymne Quicumque).

Psautier cistercien. XIIIe.

C'est une pieuse croyance, adoptée par de pieux évrivains et souvent reproduite dans les ouvrages les plus savants (voir par ex. Suarez, t. XIX), que saint Joseph ressuscita et apparut à Jérusalem en même temps que Jésus-Christ sortit victorieux du tombeau, et qu'il fut du nombre de ceux que l'Evangile dit avoir été rappelés à la vie. Le saint Patriarche, sorti miraculeusement du tombeau, se serait montré plusieurs fois à Marie. Quarante jours après il aurait pris son essor vers les cieux, le jour de l'Ascension triomphante du Sauveur, et l'aurait accompagné lorsqu'Il alla prendre possession de son trône, à la droite du Père céleste.

Cependant, cette pieuse et consolante croyance n'est pas consignée dans la liturgie.


Saint Joseph et Notre Seigneur Jésus-Christ.
Georges de La Tour. XVIIe.

RELIQUES

Aucune église ne se glorifie de posséder les reliques proprement dites de saint Joseph.
- A Florence, les religieux du monastère des Anges conservent son bâton parmi les objets les plus précieux de leur trésor.
- A Rome, dans l'église de Sainte-Anastasie, on voit un de ses bâtons et son manteau.
- A Joinville-sur-Marne, dans le diocèse de Langres, on montre, avec un juste orgueil, " la vraye et véritable ceinture de saint Joseph, conservée chèrement dans l'église Notre-Dame ".

Cette ceinture consiste en un tissu plat, de fil ou d'écorce assez gros et de couleur grisâtre ; elle est longue d'un mètre et porte en largeur de 30 à 45 centimètres ; aux extrémités est attaché un fermoir en ivoire, jauni par le temps ; une boutonnièrese trouve aussi à l'un des bouts ? Confectionnée, suivant la tradition, par par les mains de la Sainte Vierge, on peut croire qu'elle lui resta, comme un souvenir bien cher, à la mort de son chaste époux, et que plus tardelle fut remise à saint Jean ou à quelque autre apôtre.

Au XIIIe siècle, elle fut rapportée de Palestine par l'historien de saint Louis, et placée dans son château de Joinville où elle resta jusqu'à la révolution : à cette époque néfaste, des mains pieuses la reccueillirent avec tous ses authentiques.

On voit toujours aujourd'hui cette noble et très-sainte ceinture dans un reliquaire dans l'église Notre-Dame de Joinville. Cette ceinture est dans un état de conservation remarquable.


Reliquaire et la ceinture de saint Joseph.
Eglise Notre-Dame de Joinville-Le-Pont. Champagne.

Saint Joseph est l'un des patrons de la Belgique, de l'Espagne, de Naples, de la Westphalie et de la ville de Verdun.
Les missions de Chine sont confiées à sa puissante tutèle.

Rappelons enfin que les corps des charpentiers, des menuisiers et des ébénistes sont placés sous son haut patronage.

PRIERE

" Nous vous louons, nous vous glorifions, heureux Joseph. Nous saluons en vous l'Epoux de la Reine du ciel, le Père nourricier de notre Rédempteur. Quel mortel obtint jamais de pareils titres ? et cependant ces titres sont les vôtres, et ils ne sont que la simple expression des grandeurs qu'il a plu à Dieu de vous conférer. L'Eglise du ciel admire en vous le dépositaire des plus sublimes faveurs ; l'Eglise de la terre se réjouit de vos honneurs, et vous bénit pour les bienfaits que vous ne cessez de répandre sur elle.

Royal fils de David, et en môme temps le plus humble des hommes, votre vie semblait devoir s'écouler dans cette obscurité qui faisait vos délices ; mais le Seigneur voulut vous associer au plus sublime de ses actes. Une noble Vierge, de même sang que vous, fait l'admiration du ciel, et deviendra la gloire et l'espérance de la terre ; cette Vierge vous est destinée pour épouse. L'Esprit-Saint doit se reposer en elle comme dans son tabernacle le plus pur ; c'est à vous, homme chaste et juste, qu'il a résolu de la confier comme un inestimable dépôt.Devenez donc l'Epoux de celle " dont le Seigneur lui-même a convoité la beauté " (Psalm. XLIV, 12.).

La mort de saint Joseph. Dessin. Jean André. XVIIe.

Le Fils de Dieu vient commencer ici-bas une vie d'homme ; il vient sanctifier la famille, ses liens et ses affections. Votre oreille mortelle l'entendra vous nommer son Père ; vos yeux le verront obéir à vos commandements. Quelles furent, Ô Joseph, les émotions de votre cœur, lorsque, pleinement instruit des grandeurs de votre Epouse et de la divinité de votre Fils adoptif, il vous fallut remplir le rôle de chef, dans cette famille au sein de laquelle le ciel et la terre se réunissaient ! Quel souverain et tendre respect pour Marie, votre Epouse ! Quelle reconnaissance et quelles adorations pour Jésus, votre enfant soumis ! Ô mystère de Nazareth ! Un Dieu habite parmi les hommes, et il souffre d'être appelé le Fils de Joseph !

Daignez, Ô sublime ministre du plus grand de tous les bienfaits, intercéder en notre laveur auprès du Dieu fait homme. Demandez-lui pour nous l'humilité qui vous a fait parvenir à tant de grandeur, et qui sera en nous la base d'une conversion sincère. C'est par l'orgueil que nous avons péché, que nous nous sommes préférés à Dieu ; il nous pardonnera cependant, si nous lui offrons " le sacrifice d'un cœur contrit et humilié " (Psalm. L, 19.). Obtenez-nous cette vertu, sans laquelle il n'est pas de véritable pénitence. Priez aussi, ô Joseph, afin que nous soyons chastes. Sans la pureté du cœur et des sens, nous ne pouvons approcher du Dieu de toute sainteté, qui ne souffre près de lui rien d'impur ni de souillé. Par sa grâce, il veut taire de nos corps des temples de son Saint-Esprit : aidez-nous à nous maintenir à cette élévation, à la rétablir en nous, si nous l'avions perdue.

Saint Joseph. Jean-Baptiste Bérangier. Chambéry. Savoie. XVIIIe.

Enfin, Ô fidèle Epoux de Marie, recommandez-nous à notre Mère. Si elle daigne seulement jeter un regard sur nous en ces jours de réconciliation, nous sommes sauvés : car elle est la Reine de la miséricorde, et Jésus son fils, Jésus qui vous appela son Père, n'attend, pour nous pardonner, pour convertir notre cœur, que le suffrage de sa Mère. Obtenez-le pour nous, Ô Joseph ! Rappelez à Marie Bethléhem, l'Egypte, Nazareth, où son courage s'appuya sur votre dévouement; dites-lui que nous vous aimons, que nous vous honorons aussi : et Marie daignera reconnaître par de nouvelles bontés envers nous les hommages que nous rendons à celui qui lui fut donné par le ciel pour être son protecteur et son appui."

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samedi, 16 mars 2024

16 mars. Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.

- Saint Julien de Lescar, premier évêque connu de Lescar ou Béarn. 400.

Pape : Saint Anastase. Empereur d'Occident : Honorius.

" Non destitit laborare ut denarium a Domino mereretur accipere."
" Il travaillait sans cesse pour mériter de recevoir des mains du Seigneur le denier de chaque jour."
Brév. de Lescar (1541), Légende de saint Léonce de Trèves.


Saint Julien guérissant un enfant. Missel. XVe.

Voici ce que rapporte une ancienne tradition, recueillie par le vieux Bréviaire de Lescar, imprimé en 1541 :

En la cité de Trèves, capitale de la Gaule Belgique, qui fut fondée par Trebeta, frère de Ninus, roi d'Assyrie - s'il faut en croire les vieilles histoires - et qui fut évangélisée par Valère, disciple du bienheureux Pierre, il y eut un évêque, du nom de Léonce, homme distingué par la noblesse de sa race et la gravité de ses moeurs, appliqué aux saintes oeuvres et désireux de cultiver la vigne du Seigneur, par l'extirpation de l'idolâtrie, jusque dans les contrées les plus lointaines. Il avait un disciple admirablement vertueux, Julein, très diligent imitateur d'un si bon Maître.

Or, saint Léonce, qui savait qu'une partie des Gaules était livrée au culte des démons et qui, dans sa grande douleur, trouvait injuste et indécent que le prince des ténèbres régnât sur les créatures de Dieu, apprit que le pays de Béarn (patria bearnica), loin d'avoir reçu l'Evangile du Christ " qu'on y avait semé de mille manières ", gémissait encore dans la fange des superstitions et de l'incrédulité. Un jour donc, que le bienheureux Julien était auprès de lui, il lui parla en ces termes :
" Bienheureux Frère, il nous faut observer les préceptes du Seigneur, et, pour l'éternelle récompense, travailler beaucoup dans la vigne du Christ. C'est pourquoi, Ô homme excellent et très miséricordieux, écoutez mes conseils et ceignez vos reins ; hâtez-vous et courez pour amener à la religion véritable ce peuple qui sert les démons."


Voyage de saint Julien de Trèves à Lescar. Vies de saints. XIIIe.

Le bienheureux Julien brûlait lui-même du désir d'arracher à la gueule du dragon les âmes que le Christ a rachetées de son sang. Docile aux avis de son maître, il prit avec lui deux prêtres, Austrilien et Alpinien, et se mit en route avec autant de joie que de promptitude.

Mais bientôt il advint que l'un de ses compagnons, Austrilien, passa de vie à trépas. Sur quoi, saint Julien, rebroussant chemin, courut en toute hâte raconter son malheur au serviteur de Dieu. Celui-ci lui dit :
" Repartez au plus tôt, et, prenant en main mon bâton, vous en toucherez le cadavre de votre frère défunt."
Saint Julien repartit, et, arrivé au lieu où le prêtre Austrilien avait été enseveli, il toucha du bâton, suivant la parole de l'homme de Dieu, le corps du défunt qui revont à la vie. Alors, redoublant d'ardeur, le bienheureux Julien continua sa route. Enfin, il arriva à Beneharnum ; il y confessa le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, y enseigna hautement la loi de Dieu, et, par sa douceur non moins que par ses miracles, il amena à la foi du Christ la nation béarnaise, si grandement aveugle jusque-là.


Saint Julien ressuscitant un mort.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Les miracles en effet vinrent confirmer la prédication du bienheureux Julien. Il guérit un boiteux, du nom de Cisternanus, et ses deux fils ; il donna la vue à trois frères, aveugles de naissance, Amilien, Nicet et Ambroisien ; purifia deux lépreux, Valentin et Urbain ; rendit l'ouïe à quatre sourds et sauva sept hommes dont les eaux du Gave emportait la nacelle (Gave est le nom générique de tous les cours d'eau ou torrents dans les Pyrénées ; gave ou gaba signifie, en basque, sombre et profond. Ce mot a passé dans le langage populaire de certaines provinces, où l'on dit encore se gaver d'eau pour signifier se gorger).

Dieu voulut donner une vierge martyre à cette église naissante. Une noble fille, nommée Valérienne, avait été promise en mariage à un Gentil : mais comme celui-ci, résistant aux conseils de Julien, ne voulut pas abjurer ses faux dieux, Valérienne refusa de l'épouser ; ce que voyant, le jeune homme donna la mort à sa fiancée, qui ontint ainsi deux couronnes, l'une blanche pour sa virginité, l'autre de pourpre pour son martyre.

C'est de cette manière que le bienheureux Julien conduisit à la vérité le peuple du Béarn et qu'il fonda une nouvelle Eglise, dont le siège épiscopal fut fixé dans la ville qui porte aujourd'hui le nom de Lescar.

Notons au passage que Lescar a succédé à la ville de Beneharnum, qui a donné son nom à la province de Béarn. Cette province correspond aux arrondissements de Pau, d'Orthez et d'Oloron. La ville des Béarnais subsista jusque l'an 845, époque à laquelle les Normands la détruisirent. Les ducs de Gascogne la relevèrent de ses ruines vers l'an 1000, et ce n'est qu'à partir de cette époque qu'elle s'appela Lescar, c'est-à-dire entourée de ruisseaux. Son évêché, en dernier lieu, n'était composé que de quarante paroisses, tandis que celui d'Oloron en comptait deux cents et plus ; mais la circonscription spirituelle de Lescar était beaucoup plus étendue au temps de saint Julien et comprenait, comme nous l'avons vu, tout le Béarn. Oloron ne fut, plus tard, qu'un démembrement de ce diocèse primitif.


Saint Julien. Enseigne de pèlerinage. Etain moulé. XIVe.

Cependant, le saint évêque de Trèves, Léonce, avait entrepris, malgré son extrême vieillesse, le pèlerinage de Saint-Jacques. Sur sa route se trouvait la cité de son disciple. Il s'y arrêta, et, quand il vit les triomphes remportés par Julien sur les ténèbres de l'erreur, il rendit à Dieu d'immenses actions de grâces, puis continua son pieux voyage, en traversant la cité d'Iluro et la vallée d'Aspe.

A son retour, saint Léonce repassa par Beneharnum, où il sentit s'affaiblir ses membres octogénaires. Bientôt l'agonie se déclara ; il reçut les sacrements du Seigneurs ; on vit une nuée blanche envelopper son lit, et il rendit son âme à Dieu en proférant de saintes paroles. Le bienheureux Julien lui fit de magnifiques funérailles, que Dieu illustra par des miracles, entre autres la résurrection de trois morts et la guérison de dix aveugles. Au moment où le clergé entonnait l'office des morts, une voix d'anges se fit entendre, disant avec transport : " Réjouissez-vous dans le Seigneur ", comme pour déclarer que le Saint évêque de Trèves était déjà au ciel.

A propos de l'état de l'Eglise de cette région, disons que lorsqu'en 406, c'est-à-dire six ans après que la sainte mort de saint Julien, sur laquelle nous n'avons pas de détail en dehors de sa date, Wallia, à la tête de ses Goths de l'Ouest ou Wisigoths, dépeupla tout ce qui appartient à l'Aquitaine et aux neuf peuples ; le pays où il campait était catholique.

Les neuf peuples en question, dans l'Aquitaine, étaient les Tarbelli (Dax et Bayonne), les Ausci (Auch et Armagnac), les Bigorrais, les Cocozates (Bazas), les Eluzates (Eauze), les Tarusates (Tartas et Chalosse), les Convenae (Comminges et Conserans), les Benharni (Lescar, Oloron, Aspe, Ossau, Barétous, Soule) et les Garites, dont le nom est rappelé par Garis, village de la Basse-Navarre.


La Novempopulanie et ses principaux peuples au Ve siècle.

Sidoine Apollinaire nous apprend que Bordeaux, Bazas, Comminges, Auch et beaucoup d'autres cités touchaient à leur ruine spiritelle par la mort de leurs pasteurs, moissonnés sans qu'on établît de nouveaux évêques... Dans les diocèse et dans les paroisses, tout était négligé. Sidoine Apollinaire, dans ce passage, distingue les paroisse rurales des paroisses urbaines. D'après saint Grégoire de Tours, ce furent surtout les villes des deux Aquitaines et de la Novempopulanie qui se firent dépeuplées par cette horrible tempête.

Ajoutons que, plus loin dans le temps, les actes du concile d'Agde, tenu en 506, et auquel la Novempopulanie fut représentée par onze évêques, dont celui de Lescar, saint Galactoire, et celui d'Oloron, saint Grat, nous apprennent que dès les premières années du VIe siècle, il y avait dans les contrées du midi des couvents d'hommes et de femmes, que le clergé possédait des propriétés, que les diocèses étaient divisés en paroisses.

On peut aisément conclure de tout cela qu'à l'arrivée des Wisigoths, au commencement du Ve siècle, l'Eglise était partout et hiérarchiquement constituée.

La ville de Lescar fête saint Julien à la fin août à l'occasion des fêtes patronales.

Saint Julien de Lescar est invoqué pour la guérison de plusieurs maladies et handicaps.


Eglise Saint-Julien-de-Lescar. Lescar. Béarn.

L'église Saint-Julien de Lescar à Lescar

L’Evêché de Lescar existait donc dès le Ve siècle avec une église cathédrale, Saint-Julien, dans la Basse-ville. Détruite par les Normands, rebâtie au XIIIe siècle, elle fut de nouveau détruite en 1569 par les bêtes féroces protestantes de Montgomery. Reconstruite une troisième et dernière fois au XVIIe siècle, seul le clocher pignon de l’église romane a survécu. Saint-Julien ne fut donc cathédrale que durant la deuxième moitié du premier millénaire.

Curiosité, la ville de Lescar fut baptisée au alentours du XIIIe siècle " ville septénaire ", car elle comportait 7 églises, 7 portes, 7 fontaines, 7 tours, 7 moulins, 7 vignes et 7 bois.


Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption. Lescar. Béarn.

La cathédrale Notre Dame de l'Assomption de Lescar

Au Xe siècle, il subsistait dans la Haute-ville un baptistère dédié à Saint-Jean-Baptiste. Un soldat repenti, " Loup-Fort ", construisit à sa place une chapelle et un monastère sous le vocable de Sainte-Marie.

En 1062, cette chapelle fut consacrée cathédrale et Lescar devint Évêché. L'augmentation de l'édifice débuta en 1120 par le chœur à l'instigation de son évêque Guy de Lons. La cathédrale fut elle aussi saccagée par les bêtes féroces calvinistes de Montgomery sous le règne de Jeanne d'Albret.

D'importantes restaurations aux XVIIe et XVIIIe siècles sauvèrent le chœur de la ruine. Le chevet a conservé une architecture romane. La nef est voûtée en berceau plein cintre, les bas-côtés en berceaux transversaux. Sur les chapiteaux romans on peut reconnaitre des scènes du cycle de Daniel, de la naissance du Christ ou encore le sacrifice d'Abraham. Le sol du chœur est pavé d'une mosaïque du XIIe siècle représentant une scène de chasse.


Mosaïque du choeur de la cahédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
de Lescar signalant et honorant l'inhumation
de son évêque Guy de Lons. XIIe.

Guy de Lons, l'évêque bâtisseur de la cathédrale, Henri II d'Albret, Catherine de Foix, Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier, François Phébus y sont notamment inhumés.

Sous la révolution, en 1791, l'évêché de Lescar fut supprimé et rattaché à celui de Bayonne, en même temps que celui d’Oloron Sainte-Marie.

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vendredi, 08 mars 2024

8 mars. Saint Jean de Dieu, fondateurs des religieux hospitaliers dits de la Charité. 1550.

- Saint Jean de Dieu, fondateurs des religieux hospitaliers dits de la Charité. 1550.
 
Papes : Alexandre VI, Jules III. Roi d'Espagne : Charles-Quint (Charles Ier en Espagne).

" L'aumône est une fleur dont les fruits se récolte au Ciel."


Statue de saint Jean de Dieu vénérée à l'hôpital
Saint-Jean-de-Dieu de Barcelone. XVIIe.

Le même esprit qui avait inspire Jean de Matha se reposa sur Jean de Dieu, et le porta à se faire le serviteur de ses frères les plus délaissés. Tous deux, dans ce saint temps, se montrent à nous comme les apôtres de la charité fraternelle. Ils nous enseignent, par leurs exemples, que c'est en vain que nous nous flatterions d'aimer Dieu, si la miséricorde envers le prochain ne règne pas dans notre coeur, selon l'oracle du disciple bien-aimé qui nous dit :
" Celui qui aura reçu en partage les biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans la nécessité, tiendra pour lui ses entrailles fermées, comment la charité de Dieu demeurerait-elle en lui ?" (I Johan. III, 17.).

Mais, s'il n'est point d'amour de Dieu sans l'amour du prochain, l'amour des hommes, quand il ne se rattache pas à l'amour du Créateur et du Rédempteur, n'est aussi lui-même qu'une déception. La philanthropie, au nom de laquelle un homme prétend s'isoler du Père commun, et ne secourir son semblable qu'au nom de l'humanité, cette prétendue vertu n'est qu'une illusion de l'orgueil, incapable de créer un lien entre les hommes, stérile dans ses résultats. Il n'est qu'un seul lien qui unisse les hommes : c'est Dieu, Dieu qui les a tous produits, et qui veut les réunir à lui. Servir l'humanité pour l'humanité même, c'est en faire un Dieu ; et les résultats ont montré si les ennemis de la charité ont su mieux adoucir les misères auxquelles l'homme est sujet en cette vie, que les humbles disciples de Jésus-Christ qui puisent en lui les motifs et le courage de se vouer à l'assistance de leurs frères.


Le héros que nous honorons aujourd'hui fut appelé Jean de Dieu, parce que le saint nom de Dieu était toujours dans sa bouche. Ses oeuvres sublimes n'eurent pas d'autre mobile que celui de plaire à Dieu, en appliquant à ses frères les effets de cette tendresse que Dieu lui avait inspirée pour eux. Imitons cet exemple ; et le Christ nous assure qu'il réputera fait à lui-même tout ce que nous aurons fait en faveur du dernier de nos semblables.

Le patronage des hôpitaux a été dévolu par l'Eglise à Jean de Dieu, de concert avec Camille de Lellis que nous retrouverons au Temps après la Pentecôte.


Moulage de cire du visage de saint Jean de Dieu d'après nature. XVIe.

Le 8 mars 1495, à Monte-Mayor-El-Nuovo au diocèse d'Evora en Portugal, naissait Jean Ciudad. Il fut élevé dans la foi par ses parents, André et Thérèse Ciudad, qui n'avaient pour seule grande richesse leur piété et leurs vertus.

Jeune encore, notre saint s'enfuya de la maison et commença une vie aventureuse faite hélas de toutes sortes de vices.

Lorsque André, qui l'avait cherché longtemps, revint chez lui, il découvrit son épouse à l'article de la mort. Elle venait d'avoir la visite de l'anbge gardien de notre saint qui l'avait rassuré quant au sort de leur fils en lui signifiant qu'il vivrait de terribles épreuves avant que de devenir un grand saint. Elle demanda à son époux, qui la chérissait et se lamentait d'avoir presque perdu son fils et d'être sur le point de perdre son épouse, d'entrer dans le Tiers-Ordre de Saint-François après sa mort.

Notre saint encore enfant se retrouva un jour affamé et pleurant sur un chemin de Castille non loin de la ville d'Oropeza. Un Mayoral (berger en chef) s'approcha de lui et, après avoir écouter l'histoire de saint Jean de Dieu, le prit à son service.


Saint Jean de Dieu. Détail. Murillo. XVIIe.

Quelques années plus tard, satisfait de son dévouement, il lui fit la proposition d'épouser sa fille. Après une nuit passé en prière devant une image de la Sainte Vierge, saint Jean de Dieu, décida de s'enfuir, se jugeant indigne de cette marque de bienveillance.

Arrivé dans la ville d'Oropeza, il aperçu une troupe de milicien qui vaquait à des exercices militaires, et il s'engagea. La vie militaire qu'il mena fut troublée et dissipée. Il finit même par avoir honte d'être vertueux et s'adonna à toutes sortes de passions et de vices.

Un jour que la troupe se trouvait aux alentours de Fontarabie, à la frontière française, une chute de cheval - qu'il avait volé - lui fit perdre connaissance. A son réveil, il reçu une effusion de grâces qui lui fit ressentir la protection divine et lui permit de regagner la troupe. Il fut bientôt accusé injustement d'avoir dérobé un butin et fut contraint de quiter le service militaire.


Saint Jean de Dieu apportant des soins à un pauvre malade.
Mosaïque anonyme. Résidence de saint Jean de Dieu à Séville. XVIIe.

Ses pas le ramenèrent alors chez le bon mayoral qui le reçut avec force affection malgré son ancienne défection. Saint Jean de Dieu s'en expliqua en présentant à son bienfaiteur, toujours disposé à lui donner sa fille :
" Pourquoi me tentez-vous ainsi par tant de générosité ? Ne comprenez-vous pas que je ne suis point appelé ici-bas à jouir du repos que donne la richesse ? Quelle que soit ma destinée, je sens qu'elle n'est point accomplie. Il y a en moi des pressentiments vagues qui s'agitent et dont je ne me rends pas bien compte. Ô mon cher maître ! Si je suis revenu ici c'est pour vous voir et non pour devenir votre héritier."

Il raconta au mayoral les circonstances qui avaient présidé à son départ du service militaire et ajouta que le roi d'Espagne voulant se croisé contre les Turcs, il voulait y combattre pour la sainte foi lui-même. S'il revenait vivant de ces combats, alors il retournerait à Monte-Mayor-El-Nuovo, embrassé les êtres chers qu'il avait follement abandonnés.

Quelques années plus tard, notre saint rentra enfin pour découvrir que ses parents avaient trépassé.
Résolu d'expier ce qu'il considérait comme un crime - avoir tué ses parents de chagrin -, il passa en Andalousie et s'engagea bientôt au service d'un gentilhomme portugais que le roi Jean III avait banni avec sa famille et faisait conduire sur les côtes africaines à Ceuta.

Saint Jean de Dieu secourant de pauvres malades.

Là-bas, il se multiplia pour subvenir aux besoins de son maître. Dieu avait en effet laissé à Jean Ciudad une solide santé. Il trouvait encore le temps de visiter les prisons afin de faire entendre des paroles consolantes aux prisonniers, et ne manquait jamais à ses devoirs de piété.

Bientôt, le gentilhomme fut à l'extrémité. Il remercia Jean de ses soins constants et dévoués et lui proposa de rejoindre l'Espagne avec le reste de sa famille car le roi venait d'accepter leur retour et leur réintagration dans une partie de leurs biens confisqué à la faveur du bannissement dont ils avait été l'objet.

Jean ne céda point à cette perspective de confort et repassa seul en Espagne. Quelques temps après, notre saint se retrouva à nouveau affamé, quoiqu'il eut trouvé pour subsister l'activité de vendre des images pieuses et des cathéchismes par les routes.


Saint Jean de Dieu. Pedro de Raxis. Grenade. XVIe siècle.

Il croisa un jour un petit enfant miséreux et exténué qu'il prit sur son dos pour le conduire au village le plus proche. Il faisait tellement chaud que Jean s'arrêta à une fontaine et demanda au petit enfant de descendre. Cet enfant n'était autre que Notre Seigneur ! Ceuillant une grenade sur un arbre alentour, Notre Seigneur montra à notre nouveau saint Christophe le fruit ouvert et au milieu duquel se voit une croix et lui dit :
" Jean de Dieu, Grenade sera ta croix !"

Notre saint comprit la volonté du Seigneur et se rendit bien vite à Grenade où il loua une petite boutique depuis laquelle il continua son commerce d'images et de livres pieux.

Le docteur Jean d'Avila, célèbre par sa science et par ses vertus, prêcha un jour de la saint Sébastien et toucha le coeur de saint Jean de Dieu.
Il résolu de supporter toute sorte d'injures comme saint Sébastien et partit dans les rues en criant sans cesse :
" Miséricorde ! Miséricorde !"
Il fut prit pour fou et on l'enferma bientôt dans un hospice où il reçut pendant des semaines plus de cinq mille coups de bâtons.

Bientôt, on se rendit compte qu'il n'était pas fou et, à la faveur du dévouement qu'il montrait pour les pauvres, on lui fit des aumônes conséquentes. Il ne les accepta que pour fonder un hôpital destiné à soulager les misères des pauvres.


Le panier ou capacha du Saint pour le soin des pauvres.
Maison Pisa. Grenade.

Pour procurer des aliments à ses nombreux malades, Jean, une hotte sur le dos et une marmite à chaque bras, parcourait les rues de Grenade en criant :
" Mes frères, pour l'amour de Dieu, faites-vous du bien à vous-mêmes."
Sa sollicitude s'étendait à tous les malheureux qu'il rencontrait ; il se dépouillait de tout pour les couvrir et leur abandonnait tout ce qu'il avait, confiant en la Providence, qui ne lui manqua jamais.

Mais Jean, appelé par la voix populaire Jean de Dieu, ne suffisait pas à son oeuvre ; les disciples affluèrent ; un nouvel Ordre se fondait, qui prit le nom de Frères Hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu, et s'est répandu en l'Europe entière. Peu de Saints ont atteint un pareil esprit de mortification, d'humilité et de mépris de soi-même.

Le bâton de saint Jean de Dieu. Quand on entendait son bruit sur
le pavé, on préparait ses aumônes pour les remettre à notre saint.
Maison Pisa. Grenade.

Un jour, la Mère de Dieu lui apparut, tenant en mains une couronne d'épines, et lui dit :
" Jean, c'est par les épines que tu dois mériter la couronne du Ciel.
- Je ne veux, répondit-il, cueillir d'autres fleurs que les épines de la Croix ; ces épines sont mes roses."

Aux derniers jours de sa vie (il faut absolument lire la notice que les petits bollandistes lui consacrent), une pieuse dame de la famille Pisa, le persuada de prendre une chambre dans sa maison. Il accepta et y mourrut très saintement. Après avoir demandé à tous de sortir de la chambre, il se leva, se mit à genoux, et dit :
" Jésus ! Jésus ! Je recommande mon âme entre vos mains !"
Il embrassa le crucifix et expira ainsi, le samedi 8 mars 1550, peu avant minuit.


Chambre et lit où saint Jean de Dieu passa les dermiers jours
de son pélerinage ici-bas et où il mourut. Maison Pisa. Grenade.

Saint Jean de Dieu est un des patrons des pauvres et des affligés, il l'est aussi des libraires.
Ses reliques sont vénérées dans la basilique Saint-Jean-de-Dieu à Grenade. La maison Pisa, où il mourut, est aujourd'hui un musée dédié à notre grand saint.
PRIERE
 
" Qu'elle est belle, Ô Jean de Dieu ! Votre vie consacrée au soulagement de vos frères ! Qu'elle est grande en vous, la puissance de la charité ! Sorti, comme Vincent de Paul, de la condition la plus obscure, ayant comme lui passé vos premières années dans la garde des troupeaux, la charité qui consume votre cœur arrive à vous faire produire des oeuvres qui dépassent de beaucoup l'influence et les moyens des puissants selon le monde. Votre mémoire est chère à l'Eglise ; elle doit l'être à l'humanité tout entière, puisque vous l'avez servie au nom de Dieu, avec un dévouement personnel dont n'approchèrent jamais ces économistes qui savent disserter, sans doute, mais pour qui le pauvre ne saurait être une chose sacrée, tant qu'ils ne veulent pas voir en lui Dieu lui-même.

Basilique Saint-Jean-de-Dieu à Grenade.

Homme de charité, ouvrez les yeux de ces aveugles, et daignez guérir la société des maux qu'ils lui ont faits. Longtemps on a conspiré pour effacer du pauvre la ressemblance du Christ ; mais c'est le Christ lui-même qui l'a établie et déclarée, cette ressemblance ; il faut que le siècle la reconnaisse, ou il périra sous la vengeance du pauvre qu'il a dégradé. Votre zèle, Ô Jean de Dieu, s'exerça, avec une particulière prédilection, sur les infirmes ; protégez-les contre les odieux attentats d'une laïcisation qui poursuit leurs âmes jusque dans les asiles que leur avait préparés la charité chrétienne. Prenez pitié des nations modernes qui, sous prétexte d'arriver à ce qu'elles appelaient la sécularisation, ont chassé Dieu de leurs mœurs et de leurs institutions : la société, elle aussi, est malade, et ne sent pas encore assez distinctement son mal; assistez-la, éclairez-la, et obtenez pour elle la santé et la vie. Mais comme la société se compose des individus, et qu'elle ne reviendra à Dieu que par le retour personnel des membres qui la composent, réchauffez la sainte charité dans le cœur des chrétiens : afin que, dans ces jours où nous voulons obtenir miséricorde, nous nous efforcions d'être miséricordieux, comme vous l'avez été, à l'exemple de celui qui, étant notre Dieu offensé, s'est donné lui-même pour nous, en qui il a daigné voir ses frères.

Protégez aussi du haut du ciel le précieux institut que vous avez fondé, et auquel vous avez donné votre esprit, afin qu'il s'accroisse et puisse répandre en tous lieux la bonne odeur de cette charité de laquelle il emprunte son beau nom."

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