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lundi, 24 juin 2024

24 juin. Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

- Saint Jean-Baptiste, précurseur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Empereur romain : Tibère. Roi de Judée : Hérode Antipas.

" Nul ne s'est jamais rencontré qui fut plus grand que saint Jean-Baptiste. Il surpasse tous les autres, il brille au-dessus de tous ; auprès de lui les prophètes et les patriarches ne sont que des ombres, et tout homme né de la femme sera toujours impuissant à l'égaler."
Saint Thomas d'Aquin. Part. III, quest. 38, art. 1.


Lucas Cranach l'ancien. XVe.

" Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez les sentiers du Seigneur ; voici votre Dieu !" (Isai. XL, 3, 9.).
Oh ! qui, dans notre siècle refroidi, comprendra les transports de la terre à cette annonce si longtemps attendue ? Le Dieu promis n'est point manifesté encore ; mais déjà les cieux se sont abaissés (Psalm. XVII, 10.) pour lui livrer passage. Il n'a plus à venir, celui que nos pères, les illustres saints des temps prophétiques, appelaient sans fin dans leur indomptable espérance. Caché toujours , mais déjà parmi nous, il repose sous la nuée virginale près de laquelle pâlit pour lui la céleste pureté des Chérubins et des Trônes ; les ardeurs réunies des brûlants Séraphins se voient dépassées par l'amour dont l'entoure à elle seule , en son cœur humain, l'humble fille d'Adam qu'il s'est choisie pour mère.

La terre maudite, devenue soudain plus fortunée que l'inexorable ciel fermé jadis à ses supplications, n'attend plus que la révélation de l'auguste mystère ; l'heure est venue pour elle de joindre ses cantiques à l'éternelle et divine louange qui, dès maintenant, monte de ses profondeurs, et, n'étant autre que le Verbe lui-même, célèbre Dieu comme il mérite de l'être. Mais sous le voile d'humilité où, après comme avant sa naissance, doit continuer de se dérober aux hommes sa divinité, qui découvrira l'Emmanuel ? Qui surtout, l'ayant reconnu dans ses miséricordieux abaissements, saura le faire accepter d'un monde perdu d'orgueil, et pourra dire, en montrant dans la foule le fils du charpentier (Matth. XIII, 55.) : " Voilà celui qu'attendaient vos pères !"

Car tel est l'ordre établi d'en haut pour la manifestation du Messie : en conformité de ce qui se fait parmi les hommes, le Dieu fait homme ne s'ingérera pas de lui-même dans les actes de la vie publique ; il attendra, pour inaugurer son divin ministère, qu'un membre de cette race devenue la sienne, un homme venu avant lui, et doué à cette fin d'un crédit suffisant, le présente à son peuple.


Anonyme flamand du XVe.

Rôle sublime, qui fera d'une créature le garant de Dieu, le témoin du Verbe ! La grandeur de celui qui doit le remplir était signalée, comme celle du Messie, longtemps avant sa naissance. Dans la solennelle liturgie du temps des figures, le chœur des lévites, rappelant au Très-Haut la douceur de David et la promesse qui lui fut faite d'un glorieux héritier, saluait de loin la mystérieuse lumière préparée par Dieu même à son Christ (Psalm. CXXI, 17.). Non que, pour éclairer ses pas, le Christ dût avoir besoin d'un secours étranger : splendeur du Père, il n'avait qu'à paraître en nos obscures régions, pour les remplir de la clarté des cieux ; mais tant de fausses lueurs avaient trompé l'humanité, durant la nuit des siècles d'attente, que la vraie lumière, s'élevant soudain, n'eût point été comprise, ou n'eût fait qu'aveugler des yeux rendus impuissants par les ténèbres précédentes à porter son éclat.

L'éternelle Sagesse avait donc décrété que comme l'astre du jour est annoncé par l'étoile du matin, et prépare sa venue dans la clarté tempérée de l'aurore ; ainsi le Christ lumière serait précédé ici-bas d'un astre précurseur, et signalé parle rayonnement dont lui-même, non visible encore, revêtirait ce fidèle messager de son avènement. Lorsque autrefois le Très-Haut daignait pour ses prophètes illuminer l'avenir, l'éclair qui, par intervalle, sillonnait ainsi le ciel de l'ancienne alliance s'éteignait dans la nuit, sans amener le jour ; l'astre chanté dans le psaume ne connaîtra point la défaite ; signifiant à la nuit que désormais c'en est fini d'elle, il n'éteindra ses feux que dans la triomphante splendeur du Soleil de justice. Aussi intimement que l'aurore s'unit au jour, il confondra avec la lumière incréée sa propre lumière ; n'étant de lui-même, comme toute créature, que néant et ténèbres, il reflétera de si près la clarté du Messie, que plusieurs le prendront pour le Christ (Luc. III, 15.).


Dirck Bouts. XVe.

La mystérieuse conformité du Christ et de son Précurseur, l'incomparable proximité qui les unit, se retrouvent marquées en maints endroits des saints Livres. Si le Christ est le Verbe, la parole éternelle du Père, lui sera la Voix portant cette parole où elle doit parvenir ; Isaïe l'entend par avance qui remplit d'accents jusque-là inconnus le désert, et le prince des prophètes exprime sa joie dans l'enthousiasme d'une âme qui déjà se voit en présence de son Seigneur et Dieu (Isai. XL.).

Le Christ est l’ange de l’alliance ; mais dans le texte même où l'Esprit-Saint lui donne un titre si rempli pour nous d'espérance, paraît aussi portant ce. nom d'ange l'inséparable messager, l'ambassadeur fidèle à qui la terre devra de connaître l'Epoux :
" Voici que j'envoie mon ange qui préparera le chemin devant ma face, et aussitôt viendra dans son temple le dominateur que vous cherchez, l'ange de l'alliance que vous réclamez ; voici qu'il vient, dit le Seigneur des armées." (Malach. III, 1.).

Et mettant fin au ministère prophétique dont il est le dernier représentant, Malachie termine ses propres oracles par les paroles que nous avons entendu Gabriel adresser à Zacharie, pour lui notifier la naissance prochaine du Précurseur (Ibid. IV, 5, 6.).


Hans Memling. XVe.

La présence de Gabriel en cette occasion, montrait elle-même combien l'enfant promis alors serait l'intime du Fils de Dieu ; car le même prince des célestes milices allait aussi, bientôt, venir annoncer l'Emmanuel. Nombreux pourtant se pressent les messagers fidèles au pied du trône de la Trinité sainte, et le choix de ces augustes envoyés varie, d'ordinaire, selon la grandeur des instructions que le Très-Haut transmet par eux au monde. Mais il convenait que l'archange chargéde conclure les noces sacrées du Verbe avec l'humanité, préludât à cette grande mission en préparant la venue de celui que les décrets éternels avaient désigné comme l’ Ami de l'Epoux (Johan. III, 29.).

Six mois après, député vers Marie, il appuyait son divin message en révélant à la Vierge très pure le prodige qui, dès maintenant, donnait un fils à la stérile Elisabeth : premier pas du Tout-Puissant vers une merveille plus grande. Jean n'est pas né encore ; mais, sans plus tarder, son rôle est ouvert : il atteste la vérité des promesses de l'ange. Ineffable garantie que celle de cet enfant, caché toujours au sein de sa mère, et déjà témoin pour Dieu dans la négociatio sublime qui tient en suspens la terre et les deux ! Eclairée d'en haut, Marie reçoit le témoignage et n'hésite plus :
" Voici la servante du Seigneur, dit-elle à l'archange ; qu'il me soit fait selon votre parole." (Luc. I.).


Juan Sariñena. XVIe.

Gabriel s'est retiré, emportant avec lui le secret divin qu'il n'est point charge de communiquer au reste du monde. La Vierge très prudente ne parlera pas davantage ; Joseph lui-même, son virginal époux, n'aura pas d'elle communication du mystère. Ne craignons point cependant : l'accablante stérilité dont le monde a gémi, ne sera pas suivie d'une ignorance plus triste encore, maintenant que la terre a donné son fruit (Psalm. LXXXIV, 13.). Il est quelqu'un pour qui l'Emmanuel n'aura ni secret, ni retard ; et lui saura bien révéler la merveille. A peine l'Epoux a-t-il pris possession du sanctuaire sans tache où doivent s'écouler les neuf premiers mois de son habitation parmi les hommes, à peine le Verbe s'est fait chair : et Notre-Dame, instruite au dedans du désir de son Fils, se rend en toute hâte vers les monts de Judée (Luc. I, 39.). Voix de mon bien-aimé ! Le voici qui vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines (Cant. II, 8.). A l'ami de l'Epoux sa première visite, à Jean le début de ses grâces. Une fête distincte nous permettra d'honorer spécialement la journée précieuse où l'Enfant-Dieu, sanctifiant son Précurseur, se révèle à Jean par la voix de Marie ; où Notre-Dame, manifestée par Jean qui tressaille en sa mère, proclame enfin les grandes choses que le Tout-Puissant a opérées en elle selon la miséricordieuse promesse qu'il fit autrefois à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour jamais (Luc. I, 55.).

Mais le temps est venu où, des enfants et des mères, la nouvelle doit s'étendre au pays d'alentour, en attendant qu'elle parvienne au monde entier. Jean va naître, et, ne pouvant parler encore, il déliera la langue de son père. Il fera cesser le mutisme dont le vieux prêtre, image de l'ancienne loi, avait été frappé par l'ange ; et Zacharie, rempli lui-même de l'Esprit-Saint, va publier dans un cantique nouveau la visite bénie du Seigneur Dieu d’Israël (Luc. I, 68.).


Notre Seigneur Jésus-Christ et saint Jean-Baptiste.
Giovanni di Paolo di Grazia. XVe.

HYMNE

Ce que l'on connaît mieux, est l'importance que la première de ces strophes a conquise dans l'histoire du chant grégorien et de la musique. L'air primitif sur lequel on chantait l'Hymne de Paul Diacre, offrait cette particularité que la syllabe initiale de chaque hémistiche s'élevait d'un degré sur la précédente dans l'échelle des sons ; on obtenait, en les rapprochant, la série des notes fondamentales qui forment la base de notre gamme actuelle. L'usage s'introduisit de donner aux notes elles-mêmes les noms de ces syllabes : Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La.
Gui d'Arezzo, par sa méthode d'enseignement, avait donné naissance à cet usage ; en le complétant par l'introduction des lignes régulières de la portée musicale, il fit faire un pas immense à la science du chant sacré, auparavant laborieuse et longue à acquérir. Il convenait que le divin Précurseur, la Voix dont les accents révélèrent au monde l'harmonie du Cantique éternel, eût cet honneur de voir se rattacher à son nom l'organisation des mélodies de la terre.

" Ut queant laxis resonare fibris
Mira gestorum famuli tuorum,
Solve polluti labii reatum, Sancte Johannes.

Nuntius celso veniens olympo.
Te patri magnum fore nasciturum,
Nomen et vitae seriem gerenda ;
Ordine promit.

Ille, promissi dubius superni,
Perdidit promptae modulos loquelae ;
Sed reformasti genitus peremptae
Organa vocis.

Ventris obstruso recubans cubili,
Senseras regem thalamo manentem :
Hinc parens, nati meritis, uterque
Abdita pandit.

Sit decus Patri, genitaeque Proli,
Et tibi, compar utriusque virtus Spiritus,
Semper, Deus unus, omni Temporis aevo.

Amen."


V/. Fuit homo missus a Deo,
R/. Cui nomen erat Johannes.


Raphaël. XVIe.

" Pour que d'une voix étendue et puissante vos serviteurs fassent retentir les merveilles de vos actes, bannissez, Ô saint Jean, l'indignité de nos lèvres souillées.

Un messager venu des célestes sommets annonce à votre père que vous naîtrez et serez grand ; le nom que vous porterez, la vie que vous mènerez, il expose par ordre toutes choses.

Lui doute des célestes promesses, et soudain il n'a plus le pouvoir d'articuler les sons ; mais, en naissant, vous restaurez l'organe de sa voix éteinte.

Reposant dans le secret des entrailles maternelles, vous aviez senti la présence du roi séjournant en sa couche nuptiale ; en suite de quoi, par le mérite de leur fils, votre père et votre mère découvrirent tous deux les mystères.

Honneur au Père, et au Fils qu'il engendre, ainsi qu'à vous, puissance éternellement égale aux deux, Ô Esprit, Dieu unique, dans toute la suite des âges.

Amen."


V/. Il y eut un homme envoyé par Dieu,
R/. Dont le nom était Jean.


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

PRIERE

" Précurseur du Messie, nous partageons la joie que votre naissance apporta au monde. Elle annonçait la propre naissance du Fils de Dieu. Or, chaque année, l'Emmanuel prend vie à nouveau dans l'Eglise et les âmes ; et, pas plus aujourd'hui qu'il y a dix-huit siècles, il ne veut naître sans que vous-même ayez, comme alors, préparé les voies à cette nativité qui donne à chacun de nous son Sauveur. A peine s'achève, au Cycle sacré, la série des mystères qui ont consommé la glorification de l'Homme-Dieu et fondé l'Eglise, que déjà Noël se montre à l'horizon ; déjà, dans son berceau, Jean tressaille et révèle l'approche de l'Enfant-Dieu. Doux prophète du Très-Haut, qui ne pouvez parler encore et déjà, pourtant, dépassez tous les princes de la prophétie, bientôt le désert, comme nous le redirons, semblera vous avoir ravi pour jamais au commerce des hommes. Mais dans les jours de l'Avent, l'Eglise vous aura retrouvé ; elle nous ramènera sans cesse à vos enseignements sublimes, aux témoignages que vous rendrez à Celui qu'elle attend. Dès maintenant, commencez la préparation de nos âmes ; redescendu sur notre terre en ce jour d'allégresse, venu comme messager de la prochaine arrivée du Seigneur, pourriez-vous un instant rester oisif devant l'œuvre immense qui vous incombe en nous ?

Chasser le péché, dompter les vices, redresser les instincts faussés de la pauvre nature déchue : tout cela devrait être accompli sans doute, tout cela serait achevé dès longtemps, si nous avions répondu fidèlement à vos labeurs passés. Il n'est que trop vrai pourtant ; c'est à peine s'il semble, en plusieurs, que le défrichement ait jamais commencé : terres rebelles, où les pierres et les ronces défient vos soins depuis des années. Nous le reconnaissons, dans la confusion de nos âmes coupables : nous confessons nos fautes à vous et au Dieu tout-puissant, comme l'Eglise nous apprend à le faire au début du grand Sacrifice ; mais, en même temps, nous vous prions avec elle d'intercéder pour nous auprès du Seigneur notre Dieu. Vous le proclamiez au désert : de ces pierres mêmes, Dieu peut toujours faire sortir des fils d'Abraham.


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

Chaque jour, les solennelles formules de l'oblation qui prépare l'immolation sans cesse renouvelée du Sauveur, nous apprennent la part honorable extrêmement puissante qui vous revient dans cet auguste Sacrifice ; votre nom, de nouveau prononcé lorsque la victime sainte est sur l'autel, supplie alors pour nous pécheurs le Dieu de toutes miséricordes. Puisse-t-il, en considération de vos mérites et de notre misère, être propice à la prière persévérante de notre mère l'Eglise, changer nos cœurs, et remplacer leurs attaches mauvaises par les attraits des vertus qui nous vaudront la visite de l'Emmanuel !

A ce moment sacré des Mystères, trois fois invoqué selon la formule même que vous nous avez apprise, l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde aura lui-même pitié de nous et nous donnera la paix : cette paix précieuse avec le ciel, avec la terre, avec nous-mêmes, qui nous préparera pour l'Epoux en nous rendant les fils de Dieu (Johan I, 12 ; Matth. V, 9.) selon le témoignage que, chaque jour également, vous renouvelez par la bouche du prêtre au sortir de l'autel. Alors votre joie et la nôtre sera complète, ô Précurseur ; l'union sacrée, dont ce jour de votre nativité renferme pour nous l'espérance déjà si joyeuse, sera devenue, dès cette terre et sous les ombres de la foi, une réalité sublime, en attendant la claire vision de l'éternité."


Retable de saint Jean-Baptiste. Rogier van der Weyden. XVe.

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mercredi, 19 juin 2024

19 juin. Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.

- Sainte Julienne de Falconieri, vierge. 1340.

Pape : Benoît XII. Empereur germanique : Louis V de Bavière.

" Levez-vous et suivez moi afin que vous ne fouliez pas davantage la terre, mais que vous montiez au ciel."
Saint Antoine de Padoue. De passion. salvat.


Anonyme italien. XVe.
 
Miraculeusement munie du viatique sacré, Julienne achève aujourd'hui son pèlerinage; elle se présente aux portes du ciel, montrant sur son cœur l'empreinte laissée par l'Hostie. Florence, où elle naquit, voit briller d'un éclat nouveau le lis qui resplendit sur ses armes ; d'autres sont déjà venus, d'autres viendront encore manifester, par les sublimes vertus pratiquées en ses murs, que l'Esprit d'amour se complaît dans la ville des fleurs. Qui dira la gloire des montagnes formant à la noble cité cette couronne que les hommes admirent, et que les anges trouvent plus splendide encore ? Vallombreuse, et, par delà, Camaldoli, l'Alverne : forteresses saintes, au pied desquelles tremble l'enfer ; réservoirs sacrés des grâces de choix, gardés par les séraphins ! De là, plus abondantes et plus pures que les flots de l'Arno, s'épanchent sur cette heureuse contrée les eaux vives du salut.

Trente-sept années avant la naissance de Julienne, il sembla que Florence allait devenir, sous l'influence d'un tel voisinage, un paradis nouveau : tant la sainteté y parut commune, tant les prodiges s'y vulgarisèrent. Sous les yeux de l'enfer en furie, la Mère de la divine grâce, aimée, chantée par ses dévots clients, multipliait ses dons. Au jour de son Assomption, sept personnages des plus en vue par la noblesse, la fortune et les charges publiques , avaient été soudain remplis d'une flamme céleste qui les portait à se consacrer sans partage au culte de Notre-Dame ; bientôt, sur le passage de ces hommes disant adieu au monde, les enfants à la mamelle s'écriaient tout d'une voix dans la ville entière : " Voici les serviteurs de la Vierge Marie !"

Parmi les innocents dont la langue se déliait ainsi pour annoncer les mystères divins, était un nouveau-né de l'illustre famille des Benizi; on le nommait Philippe, et il avait vu le jour en cette fête même de l'Assomption où Marie venait de fonder, pour sa louange et celle de son Fils, le très pieux Ordre des Servîtes.

Nous aurons à revenir sur cet enfant, qui fut le propagateur principal du nouvel Ordre ; car l’Église célèbre sa naissance dans le ciel au lendemain de l'Octave de la grande fête qui le vit naître ici-bas. Il devait être devant Dieu le père de Julienne. En attendant, les sept conviés de Marie au festin de la pénitence, tous fidèles jusqu'à la mort, tous inscrits eux-mêmes au catalogue des Saints, s'étaient retirés à trois lieues de Florence au désert du mont Senario. Là, Notre-Dame mit sept années à les former au grand dessein dont ils étaient, à leur insu, les instruments prédestinés. Durant un si long temps, selon le procédé divin tant de fois relevé par nous en ces jours, l’Esprit-Saint commença par éloigner d'eux toute autre pensée que celle de leur propre sanctification, les employant à la mortification des sens et de l'esprit dans l'exclusive contemplation des souffrances du Seigneur et de sa divine Mère. Deux d'entre eux descendaient chaque jour à la ville, pour y mendier leur pain et celui de leurs compagnons. L'un de ces mendiants illustres était Alexis Falconiéri, le plus avide d'humiliations parmi les sept. Son frère, qui continuait d'occuper un des principaux rangs parmi les citoyens, était digne du bienheureux et s'honorait de ces héroïques abaissements. Aussi le vit-on, avec le concours de la religieuse cité sans distinction de classes, doter d'une magnifique église la pauvre retraite que les solitaires du mont Senario avaient fini par accepter, comme pied-à-terre, aux portes de Florence.


Sainte Julienne de Falconieri - Pier Leone Ghezzi. XVIIIe siècle.

Pour honorer le mystère où leur auguste Souveraine s'était elle-même déclarée la servante du Seigneur, les Servites de Marie voulurent qu'on y représentât sur la muraille la scène où Gabriel salua pleine de grâce dans son humilité l'impératrice de la terre et des cieux. L’Annonciade fut le nom du nouveau monastère, qui devint le plus considérable de l'Ordre. Entre les merveilles que la richesse et l'art des siècles suivants ont réunies dans son enceinte, le principal trésor reste toujours cette fresque primitive dont le peintre, moins habile que dévot à Marie, mérita d'être aidé par les anges. D'insignes faveurs, descendant sans interruption de l'image bénie, amènent jusqu'en nos temps la foule à ses pieds; si la ville des Médicis et des grands-ducs, englobée dans le brigandage universel de la maison de Savoie, a gardé mieux que plusieurs autres l'ardente piété des beaux temps de son histoire, elle le doit à son antique madone, et à ses saints qui semblent composer à Notre-Dame un cortège d'honneur.

Ces détails étaient nécessaires pour faire mieux comprendre le récit abrégé où l’Église renferme la vie de notre Sainte. Née d'une mère stérile et d'un père avancé en âge, Julienne fut la récompense du zèle que ce père, Carissimo Falconiéri, avait déployé pour l'Annonciade. C'est près de la sainte image qu'elle devait vivre et mourir ; c'est près d'elle encore que reposent aujourd'hui ses reliques sacrées. Élevée par saint Alexis, son oncle, dans l'amour de Marie et de l'humilité, elle se dévoua dès son plus jeune âge à l'Ordre qu'avait fondé Notre-Dame, n'ambitionnant qu'un titre d'oblate, qui lui permît de servir au dernier rang les serviteurs et servantes de la Mère de Dieu ; c'est ainsi que , plus tard , elle fut reconnue comme institutrice du tiers-ordre des Servites, et se vit à la tête de la première communauté des Mantelées ou tertiaires de son sexe. Mais son influence auprès de Dieu s'étendit bien plus, et l'Ordre entier la salue comme sa mère ; car ce fut elle qui véritablement acheva l'œuvre de sa fondation, et lui donna stabilité pour les siècles à venir.

L'Ordre, en effet, que quarante années de miraculeuse existence et le gouvernement de saint Philippe Benizi avaient merveilleusement étendu, traversait alors une crise suprême, d'autant plus redoutable que de Rome même partait la tempête. Il s'agissait d'appliquer partout les canons des conciles de Latran et de Lyon, qui prohibaient l'introduction d'Ordres nouveaux dans l’Église; l'établissement des Servites étant postérieur au premier de ces conciles, Innocent V résolut leur suppression. Déjà défense avait été faite aux supérieurs de recevoir aucun novice à la profession ou à la vêture ; et, en attendant la sentence définitive, les biens de l'Ordre étaient considérés d'avance comme dévolus au Saint-Siège. Philippe Benizi allait mourir, et Julienne n'avait pas quinze ans. Toutefois, éclairé d'en haut, le saint n'hésita pas : il confia l'Ordre à Julienne, et s'endormit dans la paix du Seigneur. L'événement justifia sa confiance : à la suite de péripéties qu'il serait long de rapporter, Benoît XI, en 1304, donnait aux Servites la sanction définitive de L’Église. Tant il est vrai que dans les conseils de la Providence ne comptent ni le rang, ni le sexe, ni l'âge! La simplicité d'une âme qui a blessé le cœur de l’Époux, est plus forte en son humble soumission que l'autorité la plus haute, et sa prière ignorée prévaut sur les puissances même établies de Dieu.


Imagerie populaire du XIXe.

Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l'illustre fondateur de l'église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l'Ange, monument splendide qui se voit encore à Florence. Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata son épouse jusque-là stérile, lorsqu'en l'an mil deux cent soixante-dix naquit notre sainte. Elle fournit dès le berceau un présage non minime de sa sainteté future, en prononçant d'elle-même de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie.

Elle fut initiée dès son berceau à la piété et à la vertu, si bien que saint Alexis Falconiéri, de
l'Ordre des Servites, disait à la mère ravie :
" Ce n'est pas une fille, c'est un Ange que Dieu vous a donné ; Il la destine à de grandes choses."

Les journées de la sainte enfant se passaient presque entières en pieux exercices. Sa mère, y trouvant de l'excès, la grondait :
" Julienne, disait-elle, si tu n'apprends pas ce que doit savoir une maîtresse de maison, je ne pourrais pas te trouver un mari.
- Ne craignez rien, ma mère, répondait finalement Julienne ; quand le temps sera venu, la Sainte Vierge y pourvoira."

Le temps venu, Julienne refusa de se marier, et offrit à Dieu sa virginité.

Enfant, elle s'adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que saint Alexis, son oncle paternel, dont elle suivait les instructions et les exemples, n'hésitait pas à dire à sa mère qu'elle avait enfanté non une femme, mais un ange. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur si pur de la plus légère tache et de la moindre inclination mauvaise, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d'un homme; le seul mot de péché la faisait trembler, et il arriva qu'un jour, au récit d'un crime, elle tomba soudain comme inanimée. Elle n'avait pas encore achevé sa quinzième année, que, laissant de côté les biens considérables qui lui venaient par sa famille et dédaignant les noces d'ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de saint Philippe Benizi, et, la première, reçut de lui l'habit dit des Mantelées.

L'exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et on vit la mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille, de sorte que, leur nombre augmentant peu à peu, elle institua ces Mantelées en Ordre religieux, leur donnant des règles de pieuse vie qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence. Saint Philippe Benizi connaissait si bien ses vertus que, près de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu'à Julienne, non seulement les femmes, mais l'Ordre entier des Servîtes dont il avait été le propagateur et le chef. Cependant elle n'avait d'elle-même sans cesse que de bas sentiments ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les plus viles occupations domestiques. Elle passait des jours entiers à prier, très souvent ravie en extase; et pour le temps de reste, elle l'employait à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades; plus d'une fois, appliquant sa bouche à la pourriture qui découlait de leurs ulcères, elle les rendit à la santé. Elle avait l'habitude de broyer son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolongeant ses veilles ou couchant sur la terre nue. Deux jours dans la semaine, le Pain des anges était sa seule nourriture. Le samedi, elle ne prenait que du pain et de l'eau, et les quatre autres jours elle se contentait d'aliments grossiers en petite quantité.

Cette dureté de vie la fit tomber dans un mal d'estomac, qui, s'aggravant, la réduisit à l'extrémité lorsqu'elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d'un visage gai et d'une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; sa seule plainte était que, ne pouvant prendre et retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tenait éloignée de la table eucharistique.

Le plus beau triomphe de Julienne, ce fut sa mort. Comme nous l'avons vu, gémissant de ne pouvoir communier, elle supplia qu'au moins on lui montre la Sainte Hostie, et, quand on lui procura ce bonheur, elle pria qu'on lui place le corporal avec l'Hostie sur sa poitrine ; mais à peine son vœu était-il exaucé, que l'Hostie disparaissait et que Julienne, transportée d'amour, rendait le dernier soupir en disant : " Mon doux Jésus !"

Le visage serein et souriant. On comprit le miracle, lorsque le corps de la vierge dut être disposé selon l'usage pour la sépulture : on trouva en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme par un sceau la forme d'une hostie représentant l'image de Jésus crucifié.

La renommée de ce prodige et de ses autres miracles lui attira la vénération , non seulement de Florence , mais de tout l’univers chrétien ; pendant près de quatre siècles entiers elle s accrut de telle sorte, qu'enfin Benoit XIII ordonna qu'on en fit l'Office propre au jour de sa fête dans tout l'Ordre des Servites de la Bienheureuse Vierge Marie. Sa gloire éclatant de jour en jour par des miracles nouveaux, Clément XII, le magnifique protecteur du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes Vierges.

PRIERE

" Servir Marie était, Ô Julienne, la seule noblesse qui arrêtât vos pensées ; partager ses douleurs, la récompense unique qu'ambitionnât en ses abaissements votre âme généreuse. Vos vœux furent satisfaits. Mais, du haut de ce trône où elle règne maintenant sur les hommes et les anges, celle qui se confessa la servante du Seigneur et vit Dieu regarder sa bassesse (Luc. I, 48, 52.), voulut aussi vous exalter comme elle-même au-dessus des puissants. Trompant l'obscurité silencieuse où vous aviez résolu de faire oublier l'éclat humain de votre naissance, votre gloire sainte éclipsa bientôt l'honneur, pourtant si pur, qui s'attachait dans Florence au nom de vos pères ; c'est à vous, humble tertiaire, servante des serviteurs de Notre-Dame, que le nom des Falconiéri doit d'être aujourd'hui connu dans le monde entier.

Bien mieux : au pays des vraies grandeurs, dans la cité céleste où l'Agneau, par ses rayons inégalement distribués sur le front des élus, constitue les rangs de la noblesse éternelle, vous brillez d'une auréole qui n'est rien moins qu'une participation de la gloire de Marie. Comme elle fit en effet pour l’Église après l'Ascension du Seigneur, vous-même, en ce qui touche l'Ordre glorieux des Servîtes, laissant à d'autres l'action qui paraît au dehors et l'autorité qui régit les âmes, n'en fûtes pas moins dans votre humilité la maîtresse et la mère de la famille nouvelle que Dieu s'était choisie. Plus d'une fois dans le cours des âges la divine Mère voulut ainsi glorifier ses imitatrices, en faisant d'elles jusque-là, contre leur attente, ses copies très fidèles. Dans la famille confiée à Pierre par son divin Fils, Notre-Dame était la plus soumise au gouvernement du vicaire de l'Homme-Dieu et des autres Apôtres ; tous cependant savaient qu'elle était leur reine, et la source des grâces d'affermissement et d'accroissement répandues sur l’Église. De même, Ô Julienne, la faiblesse du sexe et de l'âge n'empêcha point un Ordre puissant de vous proclamer sa lumière et sa gloire, parce que le Très-Haut, libre en ses dons, voulut accorder à votre jeunesse les résultats refusés à la maturité, au génie, à la sainteté de Philippe Benizi votre père.

Continuez votre aide à la famille pieuse des Servîtes de Marie. Étendez votre assistance bénie à tout l'Ordre religieux si éprouvé de nos jours. Que Florence garde par vos soins, comme son souvenir le plus précieux, celui des faveurs de Notre-Dame et des saints qu'a produits en elle la foi des vieux âges. Que toujours l’Église ait à chanter, pour des bienfaits nouveaux, la puissance que l’Époux divin daigna vous octroyer sur son Cœur. En retour de la faveur insigne par laquelle il voulut couronner votre vie et consommer en vous son amour, soyez propice à nos derniers combats ; obtenez-nous de ne point mourir sans être munis du viatique sacré. L'Hostie sainte, proposée par une autre Julienne à nos adorations plus spéciales en ces jours, illumine de ses feux toute cette partie du Cycle. Qu'elle soit l'amour de notre vie entière ; qu'elle nous fortifie dans la lutte suprême. Puisse notre mort être aussi le passage heureux du banquet divin d'ici-bas aux délices de l'union éternelle."

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mercredi, 12 juin 2024

12 juin. Saint Jean de Saint-Facond (Juan de Sahagun en Espagne), religieux de l'Ordre de Saint-Augustin. 1479.

- Saint Jean de Saint-Facond (Juan de Sahagun en Espagne), religieux de l'Ordre de Saint-Augustin. 1479.
 
Pape : Sixte IV. Reine de Castille : Isabelle Ière la Catholique. Roi d'Aragon : Jean II ; saint Ferdinand II (puis Ferdinand V de Castille une fois marié à Isabelle la Catholique en 1479).
 
" On prêche bien et utilement quand on traduit en oeuvre ce que l'on exprime en parole."
St Cyprien. De zelo et livore.
 

Statue de saint Jean de Saint-Facond à Salamanque, Espagne.

Jean Gonzalez de Castrillo Martinez de Sahagun (ou Sancto Facundo) y Cea naquit à Saint-Facond (ou Sahagun) le jour de la Saint-Jean-Baptiste 1430. Sa naissance fut le fruit des prières de ses pieux et illustres parents, qui l'obtinrent miraculeusement de la très Sainte Vierge après de longues années de mariage. On ne trouve rien d'imparfait dans la vie de cet admirable enfant, qui, dès les premières années, montre la maturité d'un homme et fait présager toutes les vertus d'un grand Saint.

Après de fortes études, Jean, ordonné prêtre, fut nommé chanoine de la cathédrale de Burgos, où son mérite commença à briller d'une manière éclatante. Il distribuait aux pauvres ses riches revenus, vivait lui-même dans la pauvreté, et consacrait tout son temps à la prière, à l'étude et au soin des malheureux, qu'il faisait souvent asseoir à sa table et servait de ses propres mains.

A la mort de ses parents, le pieux chanoine abandonna ses immenses richesses pour en doter ses soeurs et en soulager ses frères, les pauvres ; puis il alla se jeter aux pieds de son évêque et lui demanda en grâce de se démettre de son riche bénéfice pour desservir une pauvre chapellenie. Le pieux pontife n'y consentit qu'avec peine. Dès lors Jean se fait pauvre, il prêche la paix dans un temps de guerre civile, brave la fureur et les coups des ennemis qui s'entretuent, parle des châtiments éternels et fait rentrer en eux-mêmes les plus endurcis.


Eglise Saint-Jean de Saint-Facond à Salamanque.

Dans une maladie douloureuse qui le conduit aux portes du tombeau, il promet, s'il survit à la cruelle opération qu'il doit subir, de se faire religieux, et sa prière est exaucée. La première fois qu'il sort ensuite, un pauvre presque nu lui demande l'aumône ; Jean hésite s'il doit lui donner sa meilleure ou sa moins bonne tunique ; puis, se ravisant :
" Quoi ! se dit-il, donner au Seigneur ce que j'ai de moins bon !"
Et il donna la meilleure. La nuit suivante, Jésus lui apparut revêtu de cette tunique et lui dit :
" C'est Jean qui M'a revêtu de cet habit."
Douce récompense d'une belle action. Cependant Jean songe à sa promesse et choisit l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin.

Parmi toutes ses vertus, il convient de remarquer sa dévotion extraordinaire envers la Sainte Eucharistie. Il faisait de chacune de ses actions une préparation à la Sainte Messe ; il restait en prière devant le Saint-Sacrement depuis Matines jusqu'au lever du jour ; souvent Jésus-Christ lui apparaissait quand il offrait le Saint Sacrifice.

Sa hardiesse apostolique fut soutenue par de nombreux miracles. Il mourut empoisonné par une femme de mauvaise vie, martyr de son apostolat.

Saint Jean de Saint-Facond (san Juan de Sahagun) est l'un des patrons majeurs de la ville de Salamanque.
 

Retable de saint Jean de Saint-Facond.
Cathédrale de Burgos. Espagne. XVIIIe.
 
PRIERE
 
" Vous méritiez, bienheureux Saint, d'apparaître au ciel de l'Eglise en ces semaines qui relèvent immédiatement de la glorieuse Pentecôte. Longtemps à l'avance, Isaïe, contemplant le monde au lendemain de l'avènement du Paraclet, décrivait ainsi le spectacle offert à ses yeux prophétiques :
" Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers de la paix, des porteurs du salut disant à Sion : Ton Dieu va régner !"
(Isai. LII, 7.).
C'étaient les Apôtres, prenant pour Dieu possession du monde, qu'admirait ainsi le Prophète; mais leur mission, telle qu'il la définit dans son enthousiasme inspiré, ne fut-elle pas aussi la vôtre ? Le même Esprit qui les animait dirigea vos voies ; le Roi pacifique vit par vous son sceptre affermi dans une des plus illustres nations formant son empire. Au ciel où vous régnez avec lui, la paix qui fut l'objet de vos travaux est aujourd'hui votre récompense. Vous éprouvez la vérité de cette parole que le Maître avait dite en pensant à ceux qui vous ressemblent, à tous ceux qui, apôtres ou non, établissent du moins la paix dans la terre de leurs cœurs :
" Bienheureux les pacifiques ; car ils seront appelés fils de Dieu !"
(Matth. V, 9.).
Vous êtes entré en possession de l'héritage du Père ; le béatifiant repos de la Trinité sainte remplit votre âme, et s'épanche d'elle jusqu'à nos froides régions en ce jour.

Continuez à l'Espagne, votre patrie, le secours qui lui fut si précieux. Elle n'occupe plus dans la chrétienté cette place éminente qui fut la sienne après votre mort glorieuse. Persuadez-la que ce n'est  pas en prêtant l'oreille  toujours plus aux accents d'une fausse liberté, qu'elle retrouvera sa grandeur. Ce qui l'a faite dans le passé puissante et forte, peut toujours attirer sur elle les bénédictions de Celui par qui règnent les rois (Prov. VIII, 16.). Le dévouement au Christ fut sa gloire, l'attachement à la vérité son trésor. La vérité révélée met seule les hommes dans la vraie liberté (Johan. VIII, 32.) ; seule encore, elle peut garder indissolublement uni dans une nation le faisceau des intelligences et des volontés : lien puissant, qui assure la force d'un pays en dehors de ses frontières, et au dedans la paix. Apôtre de la paix, rappelez donc à votre peuple, apprenez à tous, que la fidélité absolue aux enseignements de l'Eglise est le seul terrain où des chrétiens puissent chercher et trouver la concorde." 

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jeudi, 30 mai 2024

30 mai. Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

- Sainte Jeanne d'Arc, vierge et martyre. 1431.

Pape : Martin V. Roi de France : Charles VII.

" En Nom Dieu ! Les hommes d'armes batailleront, et Messire Dieu leur donnera la victoire !"
Sainte Jeanne d'Arc à Poitiers. Mars 1430.


Sainte Jeanne d'Arc au couronnement de Charles VII. Ingres. XIXe.

Sainte Jeanne d'Arc montre une fois de plus, et d'une manière particulièrement éclatante, deux choses : combien Dieu aime la France et comme il est vrai qu'Il Se plaît à choisir les plus faibles instruments pour l'accomplissement des plus grandes choses.

A ce sujet, l'humble copiste d'Hodie Mecum souhaite faire une mise au point.

Bien des partis, des courants, des pseudos monarchistes même, tous prétendument amoureux de la France et de la patrie, réclament pour eux la mémoire et l'exemple de notre Sainte, recourent à son intercession par d'étranges et bien peu orthodoxes prières poétiques, analogiques ou métaphoriques, au gré de leurs intérêts immédiats, et surtout de la captation de l'attention de braves gens généreux mais égarés dans des " actions " politiques vaines et dont l'issue est toujours, oui toujours ! perdue !


Charles VII. Jean Fouquet. XVe.

Depuis plus de 300 ans environ, c'est-à-dire, depuis que Louis XIV et ses successeurs, de suspectes mémoires au moins à ce titre, refusèrent d'arborer et de brandir fièrement sur les étendards francs, le Sacré-Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ (que nous fêtons d'ailleurs aujourd'hui), Souverain-Prêtre et Souverain-Roi et Souverain-Maître de la France - demande présentée par Notre Seigneur Jésus-Christ Soi-même par l'intermédiaire de sainte Marguerite-Marie Alacoque -, ces faux dévôts de sainte Jeanne d'Arc toujours édulcorent et jettent un voile sur quelqu'aspect de la vie de la sainte, sur le surnaturel divin qui éclate magnifiquement à tous les moments de cette épopée catholique et française.

Tronquée par eux, dissimulée, quand ce n'est pas habilement ridiculisée, la geste chrétienne et toute miraculeuse de notre petite et sainte bergère, devient un récit fastidieux, incompréhensible, légendaire, incertain.


Vision de saint Michel Archange par sainte Jeanne d'Arc.
E. Thirion, XIXe.

Nous donnons quelques ressources bibliographiques, à la fin de cette trop courte notice, qui sont à consulter en priorité. Elles n'ont rien à voir avec les élucubrations nationalistes, matérialistes, modernistes et libérales qui pullulent depuis un siècle-et-demi, et qui ne sauraient bien entendu satisfaire toute âme authentiquement chrétienne, toute personne, française ou non, authentiquement attachée à la France et à sa mission élective et particulière dans l'histoire.

Nous allons rappeler le contexte historique dans lequel " Monseigneur Dieu " sucita une nouvelle fois une humble bergère pour, entre autres vérités, rappeler à la France, au Français et à leur roi que c'est du sacre que procède la légitimité du pouvoir et non pas du sang, de la dynastie ou encore de l'élection ; laquelle peut certes désigner légitimement le prince, mais en aucun cas lui donner légitimement le pouvoir :
" Messire Dieu premier servi !"


Statue de sainte Jeanne d'Arc. Place Saint-Augustin. Paris.

De très anciens commentateurs, français et étrangers, et après eux toute la tradition la plus orthodoxe et irréprochable, appelèrent le sacre des rois de France le " huitième sacrement ". Cette appellation, par extension et par licence certes, fut employée pour marquer la singularité de ce sacre par rapport à tous les autres sacres de rois chrétiens. Seul le roi de France en effet, est le Lieutenant - le Tenant lieu - de Dieu sur terre. L'élection divine du roi des Francs est un pacte que Dieu engage avec le roi des Francs pour autant que ce roi se conforme à Sa volonté.

C'est en ce sens, et en ce sens seul, que la France, sous le seigneurage de son roi très Chrétien, dument sacré selon les formules essentielles exactes et exhaustives du sacre que saint Remi institua sous la dictée du Saint-Esprit et administra à Clovis, est universelle. Est-il besoin de dire que l'universalisme maçonnique, républicain et révolutionnaire est l'universalisme du démon !?


Sainte Jeanne d'Arc au siège d'Orléans. Jules Eugène Lenepveu. XIXe.

A l'époque où paru notre Sainte, des guerres cruelles désolaient le royaume de France. Une rivalité, dégénérant souvent en inimitié, s'était établie entre l'Angleterre et la France, depuis que les Français d'Anjou, sous Henri Plantagenêt, étaient devenus maîtres de l'Angleterre.

Ce qui envenima ce mal, ce fut surtout la postérité de Philippe Le Bel. Ce roi qui le premier et le plus violemment revendiqua l'autonomie du pouvoir temporel contre la souveraineté de Notre Seigneur Jésus-Christ, avait marié sa fille Isabelle à Edouard II, roi d'Angleterre. Leur fils, La postérité masculine de Philippe Le Bel s'étant éteinte - qui ne voit pas en cela que Dieu, très mécontent des outrages des quatre derniers capétiens directs, voulu changer de lignée en établissant les Valois ? -, Edouard III revendiqua indument le royaume du chef de sa mère.

Ce ne sont plus hélas les Français qui sont les plus fervents dévôts
de leur immense sainte, quant il ne la ridiculisent pas...
Dieu merci, les Ecossais, en vertu de la " Vieille alliance ",
palient cette sombre et tragique décadence.
Plaque commémorative de la bataille de Patay.

A la tête d'une puissante armée et d'une flotte nombreuse, deux fois il débarqua sur le sol français : la première en 1346 et la seconde en 1355. Les Français perdirent la bataille de Poitiers en 1356, le roi Jean II fut fait prisonnier, et Calais se rendit à Edouard. Charles V lui reprit à peu près toute ses conquêtes ; mais après sa mort, survenue le 16 septembre 1380, les ducs d'Anjou, de Berri et de Bourgogne, se disputèrent le gouvernement de leur neveu, le jeune roi Charles VI, et du royaume.

Charles VI tomba hélas en démence. Passagère et par crise au début, elle devint bien vite invalidante. Le duc de Bourgogne fit assassiner le frère du roi, le duc d'Orléans. La guerre civile éclata entre les Bourguignons et les Armagnacs. Charles VI - fut-ce pendant une crise ou un répit ? - donna sa fille Catherine en mariage au roi d'Angleterre Henri V, et le déclara régent du royaume et héritier de la couronne de France, à l'exclusion de toute autre personne de la famille royale, son fils compris (!?) le 21 mai 1420.

A la mort de Charles VI, dont les circonstances sont suspectes, le 22 octobre 1421, Henri de Lancastre fut donc proclamé roi d'Angleterre et de France. Son oncle et tuteur, le duc de Bedford, fut nommé régent.

De son côté, Charles VII, déshérité par son père, s'était retiré à Bourges et avait été reconnu par une minorité significative des grands du royaume, mais faible en moyens et en hommes. Les partisans du roi se battirent, se battirent bien même, mais ils n'essuyèrent que des échecs. Le duc de Bedford voulut alors pousser son avantage est porter ses conquêtes au-delà de la Loire. Il mit donc le siège devant la ville-clef qu'était Orléans, bientôt réduite à l'estrémité.

Charles VII, apprenant la situation, impuissant à secourir la ville, envisagea sérieusement, et fit commencer des préparatifs, de s'enfuir en Espagne ou en Ecosse. Avait-il oublié que " c'est le sacre qui fait le roi " ? Avait-il oublié les promesses du dit sacre ? Toujours est-il que Dieu intervint tout puissamment et lui envoya l'humble mais Ô combien décisif secours : sainte Jeanne d'Arc !


Manuscrit français du XVe.

Sainte Jeanne d'Arc naquit à Domremy, dans la Lorraine actuelle, le 6 janvier 1412 ; ses parents, Jacques d'Arc et Isabelle Romée, qui avaient aussi trois fils et une autre fille, étaient des cultivateurs faisant valoir leur petit bien. La première parole que lui apprit sa mère fut le nom de Jésus ; toute sa science se résuma dans le Pater, l'Ave, le Credo et les éléments essentiels de la religion. Elle approchait souvent du tribunal de la pénitence et de la Sainte Communion ; tous les témoignages contemporains s'accordent à dire qu'elle était " une bonne fille, aimant et craignant Dieu, priant beaucoup Jésus et Marie.
Son curé put dire d'elle :
" Je n'ai jamais vu de meilleure chrétienne, et il n'y a pas sa pareille dans toute la paroisse."


Saint Michel apparaît à la sainte bergère.
Gravure d'après dessin. XXe.

La France était alors à la merci des Anglais et des Bourguignons, leurs alliés ; la situation du roi Charles VII était, nous l'avons vu, désespérée. A vue humaine, tout était perdu ! " Mais Dieu Se souvint de Son peuple ", et afin que l'on vît d'une manière évidente que le salut venait de Lui seul, Il Se servit de l'humble fille des champs, de l'humble bergère.


Départ de Vaucouleurs. Scherrer. XIXe.

Sainte Jeanne avait treize ans quand l'Archange saint Michel lui apparut une première fois, vers midi, dans le jardin de son père, lui donna des conseils pour sa conduite et lui déclara que Dieu voulait sauver la France par elle. Les visions se multiplièrent ; l'Archange protecteur de la France était accompagné de sainte Catherine et de sainte Marguerite, que Dieu donnait à Jeanne comme conseillères et comme soutien.

Jusqu'ici la vie de Jeanne est l'idylle d'une pieuse bergère ; elle va devenir l'épopée d'une guerrière vaillante et inspirée ; elle avait seize ans quand le roi Charles VII, convaincu de sa mission par des signes miraculeux, lui remit la conduite de ses armées. Bientôt Orléans fut délivrée ; de défaite en défaite, supérieurs en nombre et en force, les Anglais tremblèrent bientôt à la simple évocation de la jeune fille, et bien des batailles remportées n'en furent point, faute de combattant...


Entrée dans Orléans. Scherrer. XIXe.

Quelques mois plus tard, et en cela, et en cela seul, consistait la mission terrestre que Dieu avait confié à sainte Jeanne d'Arc, le roi était sacré à Reims et devenait ainsi pleinement Charles VII, roi de France. Cela est si vrai que jamais avant le sacre, sainte Jeanne d'Arc ne l'appela autrement que " Gentil dauphin ".

C'est le sacre chrétien qui fait le roi de France ! Le sacre seul ! Pas la volonté d'un seul ! Pas la volonté du plus grand nombre ! Pas la volonté de tous ! La désignation d'une ou de plusieurs personnes n'est pas la dévolution de la légitimité de l'exercice du seigneurage de la France " En Nom Dieu " !

Le lecteur voudra bien pardonner la chaleur du propos, mais le très humble copiste qui rédige ces lignes chercha des années durant, trop longtemps et en vain, dans le maquis des modernes et autres faux dévôts de la Sainte, la signification précise et exacte de cette geste toute divine et toute humaine à la fois, pour n'être pas quelque peu vif depuis que " Monseigneur Dieu " lui fit la grâce de le mettre enfin en connaissance de la simple et exacte mission de sainte Jeanne d'Arc.


Jeanne d'Arc conduite devant ses juges. Vigiles de Charles VII. XVe.

Ce n'est pas le lieu ici de relater le détail, très bien connu et rapporté par le postulateur de la cause de notre sainte, le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., de la vie de sainte Jeanne d'Arc. Le lecteur se reportera aux indications bibliographiques données à la fin de cette notice.


Sainte Jeanne d'Arc interrogée par le cardinal de Winchester.
P. Delaroche. XIXe.

Rappelons néanmoins que, dans les vues divines, la vie de Jeanne devait être couronnée par l'apothéose du martyre : elle fut trahie à Compiègne, vendue aux Anglais, et après un long emprisonnement, où elle subit tous les outrages, condamnée et brûlée à Rouen, le 30 mai 1431. Son âme s'échappa de son corps sous la forme d'une colombe, et son coeur ne fut pas touché par les flammes.


Sainte Jeanne d'Arc communie avant d'aller au martyre.
Image pieuse du XIXe.

L'Église a réhabilité sa mémoire et l'a élevée au rang des Saintes. Sainte Jeanne d'Arc demeure la gloire de la France, sa Protectrice puissante et bien-aimée. Elle a été déclarée sa Patronne secondaire par un Bref du Pape Pie XI, le 2 mars 1922.


Image pieuse du XXe.

Rq : On lira en matière d'introduction la notice que les Petits Bollandistes consacrent à notre si chère Sainte (T. XV, pp. 389 et suiv.) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30745g

Il est très vivement recommandé, le lecteur l'aura compris, de lire les sources suivantes :

- " L'Université de Paris au temps de Jeanne d'Arc et la cause de sa haine contre la libératrice " par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j. disponible en consultation et téléchargement sur le site suivant :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La vraie Jeanne d'Arc ", en cinq tomes, par le père Jean-Baptiste Ayroles s.j., et dont les quatre premiers tomes sont disponibles en téléchargement, le cinquième l'étant en consultation, sur un site remarquable consacré à notre Sainte et dont nous recommandons la consultation, même si toutes les ressources ne sont pas d'égal intérêt, (http://www.stejeannedarc.net) :
==> T. I à IV :

http://www.stejeannedarc.net/livres/livres.php
==> T. V :
http://www.stejeannedarc.net/ayroles-V/ayroles-V.php
- " Jeanne d'Arc et les héroïnes juives ", par l'abbé Joseph Lémann, sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " La mission posthume de sainte Jeanne d'Arc ", par Mgr Henri Delassus, extraits disponibles sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Panégyrique de sainte Jeanne d'Arc ", par le cardinal Pie, disponible sur le même site :
http://www.a-c-r-f.com/principal.html
- " Jeanne d'Arc et la monarchie ", par l'abbé Marie-Léon Vial, disponible en téléchargement sur l'excellent site de la bibliothèque Saint-Libère :
http://liberius.net/livre.php?id_livre=107
- La croix présentée à sainte Jeanne d'Arc : http://blog.catholicapedia.net/wp-content/uploads/2020/05/La-croix-pr%C3%A9sent%C3%A9e-%C3%A0-Jeanne-d%E2%80%99Arc-sur-son-b%C3%BBcher.pdf


Enfin, sur le Net, un nombre très important de sites, de tous pays, sont en ligne. La passion universelle autour de notre Sainte est à l'image de l'universalité, lorsqu'elle est chrétienne, de son pays la France. Dans cette profusion, beaucoup de sites sont à éviter car n'apportant que très peu d'intérêt quand ils ne sont pas sots, nuisibles ou injurieux.

Dans ce foisonnement, on relèvera et recommandera, pour la recherche iconographique remarquable notamment, et même si sa ligne éditoriale est hasardeuse, un site danois anglophone de grande qualité :

http://www.jeanne-darc.dk
Et une bibliographie francophone considérable rassemblée sur le lien suivant :
http://www.ljcreation.com/jeannedarc/pages_php/jdc_liste_...

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mercredi, 15 mai 2024

15 mai. Saint Jean-Baptiste de La Salle, prêtre, fondateur des Ecoles chrétiennes. 1719.

- Saint Jean-Baptiste de La Salle, prêtre, fondateur des Ecoles chrétiennes. 1719.
 
Pape : Clément XI. Roi de France : Louis XV.
 
" La victime est prête à être immolée ; il faut travailler à la purifier."
Saint jean-Baptiste de La Salle.
 

Au moment où Dieu a été chassé des écoles pour être plus sûrement chassé du coeur des enfants, il est plus opportun que jamais de publier les grands exemples des Saints qui se sont faits les éducateurs dévoués de l'enfance chrétienne. Parmi ces éducateurs, saint Jean-Baptiste de La Salle occupe le premier rang. Outre la fondation si admirable des Frères des Écoles chrétiennes, dont le mérite lui appartient, on peut dire qu'il a été l'inspirateur des fondateurs de l'avenir, et que les institutions plus récentes ont bourgeonné autour du tronc vigoureux qu'il a planté.


Hôtel de la Cloche. Maison natale de saint Jean-Baptiste de La Salle.

Jean-Baptiste, né le 30 avril 1651, appartenait à une noble maison de Reims. Il eût pu aussi bien que personne, grâce à ses talents et à sa situation, briller dans le monde ; mais il préféra se cacher dans le sanctuaire, ignorant que là était pour lui la source d'une gloire infiniment supérieure à celle du monde, la gloire de la sainteté. Il est le fils de Louis de La Salle et de Nicole de Moët de Brouillet. Son père le destine à une carrière juridique, mais Jean-Baptiste se sent la vocation religieuse. Tonsuré à 11 ans, il se destine à la prêtrise. Formé à la Sorbonne et au séminaire Saint Sulpice, dont la spiritualité le marque profondément, il devient dès le 7 janvier 1667 chanoine à Reims, étudie la théologie à Paris à partir de 1670 et est ordonné prêtre le 9 avril 1678. Enfin, en 1680, il est reçu docteur en théologie. Orphelin à dix-huit ans, après l'achèvement de ses études, il veilla si bien à l'éducation de ses frères et de ses soeurs, qu'il eut deux frères prêtres et une soeur religieuse: c'était le commencement de son apostolat.


Le jeune chanoine de La Salle.

Ordonné prêtre à l'âge de vingt-sept ans, il comprit, sous l'inspiration de Dieu, le plus grand besoin de son époque, et songea à combler une lacune regrettable dans les oeuvres si belles et si multiples de la sainte Église. Recruter des jeunes gens, les installer dans sa maison de chanoine de Reims, les former à l'enseignement de l'enfance, tel fut le commencement de son entreprise. Cette entreprise subit dès l'abord des épreuves terribles.
 

Peu de Saints ont eu à souffrir un plus entier crucifiement, que le bienheureux de La Salle ; peu de Saints ont montré plus de désintéressement, plus de joie dans le sacrifice ; il poussait l'amour divin jusqu'à joindre à tant de Croix d'effrayantes mortifications volontaires, soutenues par un esprit de prière tout angélique.


En 1685, il fonde à Reims un séminaire qui constitue une véritable école normale d'instituteurs, innovation qui n'a pas alors d'équivalent, en dehors de la formation assurée à leurs religieux par les Jésuites pour l'enseignement des milieux plus aisés. En 1688, il ouvre les premières écoles à Paris où il vient s'installer.


Statue de saint Jean-Baptiste de La Salle. Saint-Pierre de Rome.

En 1694, il est élu supérieur de la nouvelle congrégation et la dote d'une règle plus élaborée. Il poursuit son œuvre pédagogique et spirituelle, rédigeant notamment un ensemble d'ouvrages à l'intention des maîtres.
 
Appelé à Rouen en 1705 par Mgr Colbert, archevêque de cette ville, il ouvrit un pensionnat à Saint-Yon et y fit venir, en 1714, le noviciat de Paris.
 
Deux innovations : la leçon n'est pas donnée individuellement mais dans une classe et l'on apprend à lire en français et non en latin. Ces nouveautés ont bouleversé la pédagogie en France.
 

Dernière bénédictions de saint Jean-Baptiste de La Salle
sur le point de faire son dernier voyage...

Il a été inhumé à Saint-Sever. En 1734 son corps fut ramené à Saint-Yon dans la chapelle de son pensionnat, puis en 1835 dans celle de l'École normale de Rouen. La ville de Rouen lui éleva une statue, œuvre de Falguière, le 2 juin 1875.

Son procès de béatification commença en 1835 et, le 8 mai 1840, il fut déclaré Vénérable. Il a été proclamé bienheureux le 19 février 1888 et canonisé le 24 mai 1900 par Léon XIII. Sa fête est fixée au 7 avril. En 1937 ses reliques ont été transférées à Rome. Le 15 mai 1950, le pape Pie XII fit de lui le patron des enseignants. Mgr Langénieux fit construire à Reims, dès 1898, l'église placée sous son nom.


Saint Jean-Baptiste de La Salle en ces derniers instants ici-bas.

La bénédiction de Dieu ne pouvait manquer à son oeuvre, et, en peu d'années, l'Institut comptait seize écoles, où plus de quinze cents enfants recevaient les leçons de la vertu et de la science ; mais chaque année les développements devenaient de plus en plus merveilleux, et quand le saint fondateur, affaibli par la maladie, força ses frères à accepter sa démission, en 1717, toute la France était couverte par les légions de son armée pacifique.


Vers la fin de sa vie, il se démet de ses fonctions. Il meurt dans la maison-mère qu'il a fixée à Rouen. Après sa mort, son institut continuera à se développer rapidement en France et dans le monde entier, servant volontiers de référence aux congrégations enseignantes.
 
Saint Jean-Baptiste de La Salle employa les deux dernières années de sa vie à sa propre sanctification.
 

Médaillon-reliquaire de saint Jean Baptiste de La Salle. XIXe.

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lundi, 06 mai 2024

6 mai. Saint Jean Damascène, Docteur de l'Eglise. 780.

- Saint Jean Damascène, Docteur de l'Eglise. 780.

Pape : Adrien Ier. Empereur : Constantin V.

" Le bien n'est pas même bien s'il n'est bien fait."
Saint Jean Damascène.

Icône arabe du XIe.

Saint Jean Damascène, nommé aussi Mansour ou Chrysorroas (Mansour était son nom patronymique et Chrysorroas signifie brillant comme l'or), est le dernier des Pères grecs et l'écrivain le plus remarquable du VIIIe siècle.

Il naquit dans les dernières années du VIIe siècle, en Syrie, à Damas, ce qui lui a fait donner le nom de Damascène. Cette ville était au pouvoir des Sarrasins depuis l'an 633. Le père de notre Saint, quoique zélé chrétien, était très-estimé parmi ces infidèles, à cause de la noblesse de sa naissance, de sa probité et de ses talents. Il plut au chef des Sarrasins, le Kalife, qui en fit son ministre. Dans cette haute position, il employait sa fortune et son influence à protéger les chrétiens opprimés, à racheter ceux qui étaient captifs. Ces bonnes œuvres furent souvent récompensées par la divine Providence.

Un jour, dans une troupe de ces malheureux exposés sur la place publique, on vit ceux qui étaient destinés à la mort se jeter aux pieds de l'un d'entre eux et se recommander humblement à ses prières. C'était un religieux italien, nommé Cosme, pris sur mer avec les autres. Les barbares, ayant remarqué le respect que lui témoignaient ses compagnons de malheur, lui demandèrent de quelle dignité il avait été revêtu parmi les chrétiens. Il répondit qu'il n'en avait point d'autre que celle de prêtre :
" Je suis, ajouta-t-il, un inutile moine qui a étudié non seulement la philosophie chrétienne, mais encore la philosophie étrangère."

En disant ces mots, ses yeux se remplirent de larmes.

Le père de Jean étant survenu, lui demanda la cause de sa tristesse. Cosme lui confessa naïvement qu'il s'affligeait de mourir avant d'avoir pu communiquer à d'autres les sciences qu'il avait acquises. Or, depuis longtemps le père cherchait pour son fils un homme qui pût lui donner une éducation convenable. Ravi de trouver ce trésor dans un captif qu'on allait égorger, il courut le demander au Kalife, qui le lui accorda sans peine.

Cosme non seulement reçut la liberté, il devint l'ami du père, le maître du fils, qui, sous sa direction, apprit avec un succès prodigieux la grammaire, la dialectique, l'arithmétique de Diophante ou l'algèbre, la géométrie, la musique, la poésie, l'astronomie, mais surtout la théologie ou la science de la religion. Ses progrès ne furent pas moindres dans la vertu que dans les sciences. Il avait pour compagnon d'étude un orphelin de Jérusalem, que son père avait adopté. Quand son éducation fut achevée, Cosme se retira en Palestine, dans la laure de saint Sabas, d'où il fut tiré pour être fait évêque de Majume.

Le mérite de Jean fut bientôt connu du prince des Sarrasins, qui le fit chef de son conseil, après la mort de son père. Circonstance bien remarquable ! C'est un pauvre moine d'Italie, captif, voué à la mort, qui introduit les sciences de Grèce et de Rome à la cour des Kalifes de Damas, qui les enseigne au fils du grand vizir ; et ce fils, devenu grand vizir lui-même, puis moine, sous le nom de saint Jean Damascène, parvient à naturaliser, pour un temps, ces sciences étrangères parmi ces mêmes musulmans, parmi ces mêmes Arabes, qui les avaient proscrites et brûlées avec la bibliothèque d'Alexandrie. D'après ces faits, qui viennent d'être constatés par des savants de France, ce ne sont pas les chrétiens qui ont appris ces séances humaines des musulmans, comme certains hommes se plaisent à dire, mais les musulmans qui les ont apprises des chrétiens.

On avait vu plus d'un empereur grec de Constantinople protéger l'hérésie ; il y en eut un qui inventa lui même une hérésie nouvelle : ce fut de condamner et de briser les images des Saints comme une idolâtrie. C'était l'empereur Léon, surnommé l'Isaurien, parce qu'il était natif d'Isaurie, pays et peuple pour le moins aussi barbares que l'étaient alors les Huns et les Vandales (730).

Comme il était d'une ignorance reconnue et invincible à cause d'un caractère sommaire, il se mit en tête qu'en honorant les saintes images, les catholiques honoraient non pas les saints qu'elles représentent, mais la matière et la couleur dont ces images sont faites. Il entreprit de les abolir, les fit ôter des églises et brûler sur les places publiques. Les catholiques qui s'y opposaient furent tourmentés et mis à mort.

Constantin V Copronyme faisant détruire les images.
Manuscrit du XIe.

Son fils, Constantin Copronyme (on ne donnera pas ici la signification exacte de ce délicat surnom qui évoque qu'il n'était pas né dans la pourpre et qu'il n'en était pas la figure) se montra encore plus furieux.

Constantinople devint un théâtre de supplices ; on crevait les yeux, on coupait les narines aux catholiques on les déchirait à coups de fouet, on les jetait dans la mer. L'empereur en voulait surtout aux moines : il n'y avait tourments et outrages qu'il ne leur fit souffrir. On leur brûlait la barbe enduite de poix on leur brisait sur la tête les images des Saints, peintes sur bois. Son plus grand plaisir était de présider à ces supplices.

Les chrétiens, fidèles à leur foi, combattirent l'hérésie, selon la coutûme, par la prière, le jeûne et par le martyre enduré avec une constance héroïque. Quelques-uns défendirent la vérité par d'éloquents écrits ; de ce nombre furent surtout saint Germain, évêque de Constantinople, et saint Jean Damascène, gouverneur de Damas et ministre du kalife.

L'empereur, irrité, put facilement exercer sa vengeance sur saint Germain mais, comment atteindre saint Jean Damascène dans un empire étranger ? S'étant procuré un autographe de Jean, il ordonna à un habile copiste de s'exercer à imiter cette écriture, et il parvint, par ce moyen, à fabriquer une lettre que Jean lui adressait, et dans laquelle il lui offrait de lui livrer Damas par trahison. L'empereur envoya cette fausse lettre au kalife, l'avertissant, en bon voisin, qu'il avait un traître pour ministre. Cette lâche et vile imposture eut un plein succès. Malgré les dénégations les plus énergiques de Jean, le Kalife lui fit couper la main droite et ordonna qu'elle fût attachée à un poteau dans une place publique.

La victime, ayant obtenu qu'on lui rendît sa main coupée, se retira dans son oratoire, et là, ce vaillant défenseur des saintes images, agenouillé devant une image de la vierge Marie, pria ainsi :
" Très pure Vierge, qui avez enfanté mon Dieu, vous savez pourquoi en m'a coupé la main droite vous pouvez, s'il vous plaît, me la rendre et la rejoindre a mon bras ; je vous le demande avec instance, afin que je l'emploie désormais à écrire les louanges de votre Fils et les vôtres."
Ayant dit cela, il s'endormit, et la sainte Vierge lui apparut et lui dit :
" Vous êtes maintenant guéri composez des hymnes, écrivez mes louanges et accomplissez votre promesse."

Le Saint étant réveillé, trouva sa main parfaitement réunie à son bras ; rien n'indiquait qu'elle en ett jamais été séparée, si ce n'est une petite ligne rouge qui l'entourait en forme de bracelet, comme marque de ce miracle. Le prince des Sarrasins, reconnaissant par ce prodige l'innocence de Jean, lui rendit son ancienne fonction.

Saint Jean Damascène se faisant amputer la main.
Notre Dame le guérissant miraculeusement.
Speculum historiale. V. de Beauvais. Bruges. XVe.

Mais Jean ne demeura pas longtemps au service des hommes ; la guérison de sa main lui avait sans doute paru une approbation par le ciel de ses travaux théologiques. Désirant dès lors se livrer uniquement au service dp Dieu, il affranchit ses esclaves, distribua ses biens à ses parents, aux églises et aux pauvres, et se retira, avec son frère adoptif, qui s'appelait Cosme comme son précepteur, près de Jérusalem, dans la laure de Saint-Sabas.

Cet abbé lui donna pour directeur, un ancien moine, fort expérimente dans la conduite des âmes. Notre Saint en reçut les leçons suivantes, qu'il pratiqua comme si Notre Seigneur Jésus-Christ les lui avait données de sa propre bouche :
" Ne faites jamais votre propre volonté ; exercez-vous à mourir à vous-même en toutes choses, afin de bannir tout attachement aux créatures offrez à Dieu vos actions, vos peines, vos prières ; pleurez sans cesse les fautes de votre vie passée ne vous enorgueillissez point de votre savoir ni de quelque avantage que ce soit, mais convainquez-vous fortement que, de votre propre fonds, vous n'êtes qu'ignorance et faiblesse ; renoncez à toute vanité, défiez-vous de vos lumières et ne désirez jamais d'avoir des visions et des faveurs extraordinaires ; éloignez de votre esprit tout ce qui pourrait vous rappeler l'idée du monde, gardez exactement le silence et souvenez-vous que l'on peut pécher, même en disant de bonnes choses, lorsqu'il n'y a point de nécessité ; prenez conseil d'autrui dans les choses difficiles, tournez tous vos désirs vers Dieu, n'écrivez point de lettres sans permission de vos supérieurs, ne contredisez personne, ne murmurez point ; ne craignez pas de vous égarer, hors de la voie de la perfection, en suivant les ordres de vos supérieurs."

Saint Jean suivit ponctuellement ces leçons, et avançait à grands pas dans la voie de la perfection. Son directeur mettait sans cesse l'obéissance de l'illustre et pieux novice à de nouvelles épreuves. Un jour, il lui ordonna d'aller vendre des corbeilles de palmier à Damas, et lui défendit de les donner au-dessous d'un certain prix qu'il marqua et qui était exorbitant. Le Saint obéit sans dire un seul mot. Il se rendit, sous un habit pauvre, dans cette même ville dont il avait été le gouverneur. Quant il eut exposé sa marchandise et dit le prix, il fut traité d'extravagant et accablé d'injures, qu'il souffrit en silence. A la fin, un de ses anciens serviteurs, l'ayant reconnu, eut pitié de lui et acheta toutes ses corbeilles le prix qu'il voulait les vendre.

Mais son humilité lui fit remporter bien d'autres victoires.

Un moine était inconsolable de la mort de son frère. Jean, pour arrêter le cours de ses larmes, lui cita un vers grec, dont le sens était qu'il faut s'attendre à voir périr tout ce qui est terrestre et mortel. Là-dessus, son directeur lui reprocha de faire parade de sa science :
" Vous avez violé la défense que je vous avais faite de parler sans nécessité."

Puis il le condamna à rester enfermé dans sa cellule. Le Saint s'avoua humblement coupable de désobéissance, et, au lieu d'alléguer la pureté de son intention, il pria les autres moines d'intercéder pour lui et de lui obtenir le pardon de la faute qu'il avait commise sa grâce lui fut accordée, mais à condition qu'il ferait une action, qui, chez les anciens, était considérée comme un supplice auquel on condamnait les criminels, et qui, dans les communautés, était ce qu'il y avait de plus humiliant, je veux dire la vidange des fosses d'aisance. L'ancien ministre du kalife s'acquitta de cet emploi avec un empressement et une humilité qui remplirent d'admiration les plus anciens de la communauté, les plus avancés dans l'obéissance.

Une si grande vertu réunie à des talents si remarquables firent juger notre Saint digne d'être élevé au sacerdoce. Cette dignité augmenta sa ferveur. On crut alors qu'il était assez solidement vertueux et assez humble pour écrire en faveur de la foi. Nous donnons ci-dessous la liste de quelques-uns de ses ouvrages (on trouvera les eeuvres complètes de saint Jean Damascène dans la Patrologie grecque de M. l'abbé Migne, tomes XCIV, XCV, XCVI). Il s'y trouve notamment trois discours contre l'hérésie des Iconoclastes, intitulés : Discours sur les images. Il y déclare que le prince doit se contenter du gouvernement de l'Etat, et ne point se mêler de faire des décisions sur la doctrine. Cette autorité-là appartient à l'Eglise ; l'Eglise ne peut errer elle ne peut donc tomber dans l'idolâtrie.

Il démontre très-bien que l'Eglise catholique n'adore que Dieu, quoiqu'elle vénère les Saints. Quant aux images, elles servent à nous instruire, à réveiller notre dévotion, parce que, notre nature étant double, sensible et intellectuelle, il nous faut des choses visibles pour nous rappeler les invisibles. Dieu s'est rendu lui-même visible en s'incarnant. Est-on idolâtre parce qu'on a du respect pour l'Ecriture sainte ? C'est pourtant une chose matérielle comme les images, et les images nous rappellent, comme l'Ecriture sainte, Dieu et les choses invisibles. Jean ne se contenta pas d'écrire contre les Iconoclastes il parcourut la Syrie, la Palestine, pour raffermir les chrétiens persécutés ; il alla même, dans l'espoir du martyre, à Constantinople, dont l'empereur Constantin Copronyme avait fait la capitale de l'erreur et de la persécution. Mais Dieu en avait ordonné autrement. Notre Saint put revenir dans sa laure, où il continua ses savants écrits. Il y mourut vers l'an 780 ; il avait vécu cent quatre ans. Au XIIe siècle, on montrait encore son tombeau, près du portail de l'église de la laure.

Mise au tombeau de saint Jean Damascène. Icône du XIIe.

On représente saint Jean Damascène prosterné aux pieds de la sainte Vierge qui rapproche sa main coupée de son poignet, vendant des corbeilles, etc.

QUELQUES ECRITS DE SAINT JEAN DAMASCENE

1. Le Livre de la Dialectique.

Quoique la philosophie de Platon fût en vogue du temps de saint Jean Damascène, il adopta celle d'Aristote, comme Boèce avait fait parmi les Latins. Il fit disparaitre l'obscurité qui enveloppait la physique de ce philosophe, et en montra les principes dans tout leur jour. Il réduisit sa logique à un corps de règles, sans tomber dans une prolixité fastidieuse ; par ce moyen l'art du raisonnement devint facile à apprendre. On a souvent abusé de la logique, en y traitant des questions inutiles et même ridicules grâce au bon sens, la plupart de ces questions ont été proscrites des écoles. On ne perd plus un temps précieux à étudier tes futilités mais il ne faut pas réfléchir pour mépriser la logique lorsqu'elle se renferme en ses justes bornes. EUe étend l'esprit et lui donne de la précision et de la justesse elle met de l'ordre et de la clarté dans les idées elle apprend à jnger des choses en elles-mêmes et selon les vrais principes enfin, elle dispose à l'étude des autres sciences, dont elle est, en quelque sorte, la clef. Sous le terme général de sciences, nous comprenons aussi la théologie, qui ne peut absolument se passer du secours de la logique.

Ce furent toutes ces considérations qui déterminèrent saint Jean Damascène à donner un abrégé de la logique et de la physique d'Aristote.

2. Le Livre des Hérésies.

Où il en compte cent quatre, est un abrégé de saint Epiphane. Quant aux hérésies qui ne sont venues que depuis ce Père, saint Jean Damascène puise ce qu'il en dit dans les écrits de Théodoret, de Timothée de Constantinople, etc. Il y parle cependant de plusieurs hérétiques dont aucun autre auteur ne fait mention; Il y réfute surtout le mahométisme et l'iconomachie.

3. Les quatre Livres de la Foi orthodoxe, en cent chapitres.

C'est un corps de doctrine qui renferme tout ce que l'on doit croire, ainsi que les principaux articles de la discipline de l'Eglise.

Le saint docteur traite, dans le premier, de Dieu et de ses attributs dans te second, de la création des anges, de l'homme, de la liberté et de la prédestination ; dans le troisième, du mystère de l'Incarnation dans le quatrième, des Sacrements, etc.

Les trois ouvrages ci-dessus peuvent être considérés comme les parties d'un tout ; comme n'en faisant qu'un. C'est, en effet, un ensemble de doctrine qni, sons le nom de Source de la Science, embrasse depuis les premiers éléments du langage et du raisonnement scientifique jusqu'aux plus hautes élévations de la foi chrétienne. Le saint docteur adressa ces trois traités à son ancien précepteur qui l'avait comme obligé à les faire :
" La science, dit-il, est la connaissance vraie de ce qui est. Notre esprit, ne l'ayant pas en lui-même, non plus que l'oeil de la lumière, a besoin d'un maître. Ce maitre est la vérité même, le Christ, qui est la sagesse et la vérité en personne, et en qui sont cachés tous les trésors de la science. On peut tout apprendre par l'application et le travail, mais avant tout et après tout, par la grâce de Dieu. Comme l'Apôtre nous avertit d'éprouver toutes choses et de retenir ce qui est bon, nous consulterons les écrits des sages de la gentilité et peut-être y trouverons-nous quelque chose d'utile à notre âme. Un artisan quelconque, pour faire son ouvrage, a besoin d'instruments ; il convient d'ailleurs que la reine soit servie par quelques suivantes. Les sciences purement humaines sont les servantes de la vérité, des instruments et des armes pour la défendre.

La philosophie est la science naturelle de ce qui est, en tant que cela est ; la science des choses divines et humaines la méditation de la mort ; l'imitation de Dieu l'art des arts, la science des sciences ; enfin l'amour de la sagesse. Or, la vraie sagesse, c'est Dieu ; donc l'amour de Dieu est la vraie philosophie.

La philosophie se divise en spéculative et en pratique ; la spéculative se subdivise en théologie, physiologie et mathématique la pratique, en morale, économie et politique. Le propre de la théologie est de considérer les êtres immatériels, Dieu, les anges et les âmes.
La physiologie est la science des choses matérielles, telles que les animaux, les plantes, les pierres tout ce qu'on appelle aujourd'hui histoire naturelle.

La science mathématique considère les choses qui, quoique sans corps par elles-mêmes, sont néanmoins considérées dans les corps tels que les nombres, les accords, les figures, les mouvements des astres. La théorie des nombres constitue l'arithmétique, la théorie des sons, la musique, la théorie des figures, la géométrie, la théorie des astres, l'astronomie.

La philosophie pratique traite des vertus, règle les moeurs et la conduite ; si elle donne des règles à l'individu, elle s'appelle morale, à une maison tout entière, elle s'appelle économie, à des villes et à des pays, elle s'appelle politique.

Comme la philosophie est la science de ce qui est, nous parlerons de l'être. Nous commencerons par la logique ou l'art de raisonner, qui est moins une partie de la philosophie que l'instrument dont elle se sert pour toutes les démonstrations. Nous traiterons d'abord des mots simples qui expriment des idées simples, et nous viendrons ensuite aux raisonnements. L'être est un nom commun à tout ce qui est et il se divise en substance et en accident. La substance est ce qui existe en soi-même, et non dans un autre, par exemple, un corps l'accident est ce qui ne peut exister en soi-même, mais que l'on considère dans un autre, par exemple, une couleur."

C'est avec cette justesse et cette clarté que saint Jean Damascène précise les mots et les idées qui constituent le langage et la raison scientifiques. Quand on fait attention que les discordances philosophiques parmi les païens, que les grandes hérésies parmi les chrétiens, venaient toutes d'une obscurité et d'une confusion plus ou moins volontaires touchant les mots et les idées d'être, de substance, de nature, de forme, d'hypostase, de personne, on voit que saint Jean Damascène ne pouvait mieux commencer que par les bien déEnir, et que quiconque cherche la vérité en conscience, ou veut la défendre sincèrement, doit faire de même.

Saint Jean Damascène. Couvent Saint-Simplice.
Faculté de théologie. Milan. XVIe.

4. Le Livre de la sainte Doctrine.

Ce n'est, à proprement parler, qu'une profession de foi raisonnée. Le Saint y distingue en Jésus-Christ deux volontés et deux opérations naturelles.

5. Le Livre contre les Monophysites.

c'est-à-dire centre ceux qui n'admettaient qu'une nature en Jésus-Christ après l'union hypostatique. Cet ouvrage est écrit avec beaucoup de force et de solidité.

6. Le Livre ou le Dialogue contre les Manichéens.

Les erreurs de ces hérétiques y sont fort bien réfutées. Le cardinal Maï en a publié un second différent du premier.

7. Les Opuscules sur les dragons et les sorcières.

Nous n'avons plus qu'un fragment de cet ouvrage. Son but, sans nier, bien sûr, la vérité du surnaturel divin et du préternaturel démoniaque, était de montrer le ridicule de certaines histoires fabuleuses qui avaient coure parmi les Sarrasins.

8. Le Livre des huit vices capitaux.

Le saint docteur comptait huit vices capitaux, parce qu'il distinguait la vaine gloire de l'orgueil, avec les anciens auteurs ascétiques. Après avoir montré en quoi ils consistent, il donne le moyen de les combattre et de les détruire, ce qu'il fait avec beaucoup plus de précision que saint Jean Cassien et saint Nil, qui avaient traité te même sujet.

9. Le Traité de la nature composée, contre les Acéphales ou Monophysites ; le Traité des deux volontés, contre les Monothélites et le Livre contre les Nestoriens.
Ce sont des réfutations des erreurs de ces différents hérétiques sur le mystère de l'Incarnation.

10. Plusieurs Proses, odes et hymnes pour Noël, l'Epiphanie, Pâques, la Pentecôte, l'Ascension, la Transfiguration, l'Annonciation.

11. Les Parallèles.

Ce grand ouvrage est une comparaison des sentences des Pères avec celles de l'Ecriture, sur presque toutes les vérités morales. Elles sont rangées par matière et avec beaucoup de soin, suivant l'ordre de l'alphabet grec. Le saint docteur les avait d'abord distribuées en trois livres, dont le premier traitait de Dieu et des choses divines ; le second, de l'état et de la condition des choses humaines ; le troisième, des vertus et des vices, mais il jugea depuis que son ouvrage serait plus commode. aux lecteurs s'il en divisait les titres par ordre alphabétique.

Ce qu'il y a d'avantageux dans ce recueil, c'est que saint Jean Damascène nous y a conservé bien des fragments d'anciens auteurs, dont nous n'avons plus de connaissance que par lui.

Icône de la Mère de Dieu de saint Jean Damascène.

Le cardinal Maï a retrouvé et publié au XIXe des hymnes de notre Saint. Elles sont dédiées à saint Jean Chrysostome, saint Nicolas de Myre, saint Blaise, saint Georges, saint Basile et saint Pierre.

Ce qu'il y a surtout de pieusement remarquable dans ces hymnes, c'est que la dernière strophe de chaque hymne est une louange et une invocation à la maternité divine de la sainte Vierge Marie.

Il lui dit, par exemple, dans les deux dernières hymnes à saint Basile :
" Celui qui n'a point de corps est sorti avec un corps de vos entrailles ; lui qui, par la parole, a formé la nature incorporelle, lui qui a donné l'essence à toute essence créée, raisonnable et irraisonnable, lui la parole de Dieu le Père c'est pourquoi, Mère de la vie, faites mourir en moi les passions du corps, qui font mourir mon esprit. C'est vous, toute sainte Vierge, que je présente, avocate irrécusable et bienveillante médiatrice, à celui qui est né de vous et je vous supplie d'effacer entièrement, par votre maternelle intercession, la multitude de mes fautes."

Dans la première et la seconde a saint Pierre :
" C'est par votre enfantement immaculé qu'a été rouvert l'antique paradis, fermé par notre première mère, et qu'a été rendue au genre humain l'ancienne patrie. C'est vous, auguste Souveraine, puissant refuge, Patronne toujours prête à sauver, que j'implore et supplie ardemment protégez mon âme, quand elle sortira de cette tente et qu'elle s'éloignera de la terre pour un autre monde."

Dans la première, la seconde et la quatrième à saint Georges :
" La langue traînante et à la voix grêle, la bouche au son désagréable, craignent de vous entonner des hymnes, Ô Dame souveraine, car vous êtes chantée par les langues des anges, langues de fen et de flamme, et par la bouche de ceux qui n'ont point de corps. La tempête des péchés, les vagues de l'iniquité, les fréquents écueils de la malice, me poussent ensemble dans le gouffre béant du désespoir donnez-moi la main, Ô Vierge, de peur que les flots ne m'ensevelissent tout vivant. Le lion rugissant tourne autour, cherchant à me dévorer ne m'abandonnez pas en proie à ses dents, Ô vous Immaculée, qui avez enfanté Celui qui, de sa main divinement puissante, a brisé les dents molaires des lions."

Saint Jean Damascène se fit religieux au
monastère de Saint-Sabas. Terre Sainte.

C'est surtout dans ses écrits dogmatiques que saint Jean fait paraître l'étendue de son génie. Son style y est plein de force et de clarté ses raisonnements sont solides et concluants. L'auteur y montre partout une singulière pénétration d'esprit et une sagacité merveilleuse à expliquer les mystères de la foi.

Dans son Livre de la foi orthodoxe, il a tellement lié toutes les vérités, qu'il en résulte un corps complet de théologie. On le regarde comme l'inventeur de la méthode que l'on a depuis adoptée dans les écoles théologiques, et que saint Anselme introduisit depuis parmi les Latins.

Cave refuse le titre d'homme judicieux à quiconque n'admire pas, dans les écrits de saint Jean Damaseene, une érudition extraordinaire, une grande justesse et une grande précision dans les idées, une force non commune dans les raisonnements. Jean IV, patriarche de Jérusalem, loue la profonde connaissance que le saint docteur avait des mathématiques. Selon Baronius, saint Jean Damascène s'est trompé quelquefois par rapport aux faits historiques mais cela ne venait que de l'infidélité, bien rare toutefois, de sa mémoire.

Le Père Le Quien, dominicain, a donné une bonne édition des œuvres de saint Jean Damascène, avec des notes et des dissertations. Paris, 1712, 2 vol. in-fol. Cette édition a reparu à Vérone, en 1748, avec des améliorations. C'est à partir d'elle que l'abbé Migne a publier les deux tomes de " sa " patrologie consacrés à notre Saint.

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6 mai. Saint Jean Porte Latine. Vers 95.

- Saint Jean, martyr devant la Porte Latine. Vers 95.
 
Pape : Saint Anaclet. Empereur : Domitien.
 
" Sic eum volo manere, donem veniam."
" Je veux qu'il survive au martyre afin qu'il meure de sa mort naturelle et que je vienne le chercher."
Johan., XXI, 22.
 

Martyre de saint Jean devant la porte Latine.
Bartolommeo Di Giovanni. XVe.

Par l’ordre de Domitien, il est conduit à Rome, où, après lui avoir coupé tous les cheveux par dérision, on le jette dans une chaudière d'huile bouillante sous laquelle on entretenait un feu ardent : c'était devant la porte de la ville qu'on appelle Latine.

Il n'en ressentit cependant aucune douleur, et en sortit parfaitement sain.
 
En ce lieu donc, les Chrétiens bâtirent une église, et ce jour est solennisé comme le jour du martyre de saint Jean. Or, comme le saint apôtre n'en continuait pas moins à prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ, il fut, par l’ordre de Domitien, relégué dans l'île de Pathmos.

La mère de Jean, apprenant que son fils était détenu à Rome, et poussée par une compassion de mère, s'y rendit pour le visiter. Mais quand elle fut arrivée, elle apprit qu'il avait été relégué en exil. Alors elle se retira dans la ville de Vétulonia eu Campanie, où elle rendit son âme à Dieu. Son corps resta longtemps enseveli dans un endroit inconnu, mais dans la suite, il fut révélé à saint Jacques, son fils. Il répandit alors une grande et suave odeur et opéra de nombreux et éclatants miracles ; il fut transféré avec grand honneur dans la ville qu'on vient de nommer.
 

Bible. Colins Chadewe. Flandres. XIIIe.

Jean, le disciple bien-aimé, que nous avons prévus du berceau de l'enfant de Bethléhem reparaît en ce jour sur le Cycle pour faire sa cour au glorieux triomphateur de la mort et de l'enfer. Couvert de la pourpre du martyre, il marche d'un pas égal avec Philippe et Jacques, dont la double palme a réjoui nos regards au début de ce mois si fécond en héros.

Dans son ambition maternelle, Salomé avait un jour présenté ses deux fils à Jésus, demandant pour eux les deux premières places de son royaume. Le Sauveur avait alors parlé du calice qu'il devait boire, et prédit qu'un jour ces deux disciples le boiraient à leur tour. L'aîné, Jacques le Majeur, a le premier donné à son Maître cette marque de son amour ; nous célébrerons sa victoire sous le signe du Lion ; Jean, le plus jeune, a été appelé aujourd'hui à sceller de sa vie le témoignage qu'il a rendu à la divinité de Jésus.

Mais il fallait au martyre d'un tel Apôtre un théâtre digne de lui. L'Asie-Mineure, évangélisée par ses soins, n'était pas une contrée assez illustre pour porter dignement la gloire d'un tel combat. Rome seule, Rome où Pierre a déjà transféré sa chaire et répandu son sang, où Paul a courbé sous le glaive sa tête vénérable, méritait l'honneur de voir dans ses murs l'auguste vieillard, le disciple que Jésus aima, le dernier survivant du Collège apostolique, s'avancer vers le martyre avec cette majesté et cette douceur qui forment le caractère de ce vétéran de l'Apostolat.


Bible. Maître de Sarum. Salisbury. Angleterre. XIIIe.

Domitien régnait en tyran sur Rome et sur le monde. Soit que Jean ait entrepris librement le voyage de la cité reine pour y saluer l'Eglise principale, soit qu'un édit impérial ait amené chargé de chaînes dans la capitale de l'empire l'auguste fondateur des sept Eglises de l'Asie-Mineure, Jean a comparu en présence des faisceaux de la justice romaine. Il est convaincu d'avoir propagé dans une vaste province de l'empire le culte d'un Juif crucifié sous Ponce-Pilate. Il doit périr ; et la sentence porte qu'un supplice honteux et cruel débarrassera l'Asie d'un vieillard superstitieux et rebelle. S'il a su échapper à Néron, du moins il ne fuira pas la vengeance du césar Domitien.

En face de la Porte Latine, une chaudière remplie d'huile brûlante a été préparée ; un ardent brasier fait bouillonner dans le vase immense la liqueur homicide. L'arrêt porte que le prédicateur du Christ doit être plongé dans ce bain affreux. Le moment est donc arrivé où le fils de Salomé va participer au calice de son Maître. Le cœur de Jean tressaille de bonheur à la pensée que lui, le plus aimé et cependant le seul des Apôtres qui n'ait pas souffert la mort pour ce Maître divin, est enfin appelé à lui donner ce témoignage de son amour.

Départ en exil de saint Jean sur l'île de Pathmos.
Bible. Maître de Sarum. Salisbury. Angleterre. XIIIe.

Après une cruelle flagellation, les bourreaux saisissent le vieillard, ils le plongent avec barbarie dans la chaudière mortelle ; mais, Ô prodige ! L'huile brûlante a perdu tout à coup ses ardeurs ; aucune souffrance ne se fait sentir aux membres épuisés de l'Apôtre ; bien plus, lorsqu'on l'enlève enfin de la chaudière impuissante, il a recouvré toute la vigueur que les années lui avaient enlevée. La cruauté du Prétoire est vaincue, et Jean, martyr de désir, est conservé à l'Eglise pour quelques années encore. Un décret impérial l'exile dans l'île sauvage de Pathmos, où le ciel doit lui manifester les futures destinées du christianisme jusqu'à la fin des temps.

A propos des premières persécutions, relevons que les empereurs romains, qui ne rejetaient aucun Dieu, ne persécutaient pas les Apôtres parce que ceux-ci prêchaient Notre Seigneur Jésus-Christ ; mais parce que les Apôtres proclamaient la divinité de Jésus-Christ sans l’autorisation du Sénat qui avait défendu que cela ne se fît de personne.

Martyre de saint Jean. En bas, à droite, est-ce bien
un " chien qui dort " ? Bible. Flandres. XVe.

C'est pourquoi dans l’Histoire ecclésiastique, on lit que Pilate envoya une fois une lettre à Tibère au sujet de Jésus-Christ (Eusèbe, 1. II, ch. II.). Tibère alors consentit à ce que la foi fût reçue par les Romains, mais le Sénat s’y opposa formellement, parce que Jésus-Christ n'avait pas été appelé Dieu d'après son autorisation.

Une autre raison rapportée par une chronique, c'est que Notre Seigneur Jésus-Christ n'avait pas tout d'abord apparu aux Romains. Un autre motif c'est que Jésus-Christ rejetait le culte de tous les dieux qu'honoraient les Romains. Un nouveau motif encore, c'est que Jésus-Christ enseignait le mépris du monde et que les Romains étaient des avares et des ambitieux.
 
Maître Jean Beleth assigne de son côté une autre cause pour laquelle les empereurs et le Sénat repoussaient Notre Seigneur Jésus-Christ et les apôtres : c'était que Jésus-Christ leur paraissait un Dieu trop orgueilleux et trop jaloux, puisqu'il ne daignait pas avoir d'égal.
 
Voici encore une autre raison donnée par Orose (liv. VII, ch. IV.) :
" Le Sénat vit avec peine que c'était à Tibère et non pas à lui que Pilate avait écrit au sujet des miracles de Jésus-Christ et c'est sur ce prétexte qu'il ne voulut pas le mettre au rang des dieux. Aussi Tibère irrité fit périr un grand nombre de sénateurs, et en condamna d'autres à l’exil."
 

Les bourreaux coupent les cheveux de saint Jean par dérision.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Notons enfin que la fête de saint Jean devant la Porte Latine a longtemps été chômée en plusieurs église. Elle a été d'obligation en Angleterre, au moins depuis le XIIe siècle jusqu'à la prétendue réforme ; mais on la mettait seulement au nombre des fêtes de second rang, auxquelles toute oeuvre servile était défendue, excepté le labour des terres.

Les Saxons, qui s'établirent dans la Grande Bretagne, avaient une dévotion singulière pour saint Pierre et saint Jean l'Evangéliste.
 
En plusieurs lieux, les imprimeurs honorent saint Jean devant la Porte Latine comme leur patron ; en d'autres, ce sont les vignerons et les tonneliers, à cause de la cuve ; ailleurs, ce sont les chandeliers et lampistes, à cause de l'huile bouillante.

En mémoire de son supplice, on l'invoque efficacement contre les brûlures.

L'Eglise Romaine, dont les fastes conservent entre ses plus glorieux souvenirs le séjour et le martyre de Jean, a marqué par une Basilique le lieu où l'Apôtre rendit à la foi chrétienne son noble témoignage. Cette Basilique est située près de la Porte Latine, et un Titre cardinalice y est attaché.
 

Saint Jean est plongé dans la chaudière d'huile bouillante.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

SÉQUENCE

A la gloire du grand Apôtre de la charité nous consacrerons cette Séquence attribuée à Adam de Saint-Victor :



Saint Jean. Simone Martini. XIVe.

" L'heureux séjour de la grâce, dont les habitants contemplent d'un œil ferme le souverain Roi de gloire, voit Jean tout rempli de Dieu, rendu semblable aux Anges, lui qui expliquait aux hommes les plus hauts mystères du ciel.

Ici-bas il reposa sur la poitrine du Seigneur, et se désaltéra à la source des eaux vives et jaillissantes. Il parut entouré de l'éclat des prodiges, et brava les ardeurs du feu et de l'huile embrasée.

Les infidèles sont saisis de stupeur, voyant le témoin de Dieu affronter un si affreux tourment, et n'en pas sentir la rigueur.

Ô martyr ! Ô vierge ! Ô gardien de cette Vierge de laquelle est sortie la gloire du monde, implore pour nous celui qui est le principe de tous les êtres, celui en qui et par qui ils existent.

Ô toi qui fus aimé plus que les autres, supplie en notre faveur le Christ qui t'aima : réconcilie-nous avec lui.

Ruisseau, conduis-nous à la source ; colline, introduis-nous à la montagne ; toi en qui la grâce a opéré la virginité parfaite, fais-nous contempler l'Epoux.

Amen."


Missel à l'usage de l'abbaye Saint-Didier d'Avignon. XIVe.
 
PRIERE
 
" Avec quel bonheur nous vous voyons reparaître, disciple chéri de notre divin Ressuscité ! Autrefois vous nous apparûtes près de la crèche où dormait paisiblement le Désiré des nations, le Sauveur promis. Nous repassions alors tous vos titres de gloire : Apôtre, Evangéliste, Prophète, Aigle au vol sublime, Vierge, Docteur de charité, et, par-dessus toutes ces grandeurs, Disciple bien-aimé de Jésus. Aujourd'hui, c'est comme Martyr que nous vous saluons ; car si l'ardeur de votre amour a vaincu celle du tourment qu'on vous avait préparé, vous n'en aviez pas moins accepté de toute l'énergie de votre dévouement le calice que Jésus vous avait annoncé dans vos jeunes années. En ces jours du Temps pascal qui s'écoulent si rapidement, nous vous voyons sans cesse près de ce divin Sauveur, qui vous comble de ses dernières caresses.

Qui pourrait s'étonner de sa prédilection envers vous ? Ne vous êtes-vous pas trouvé, seul de ses disciples, au pied de la croix ? N'est-ce pas à vous qu'il a remis sa mère, désormais la vôtre ? N'étiez-vous pas présent lorsque son coeur fut ouvert par la lance sur la croix ? Lorsque vous êtes allé au Sépulcre avec Pierre, au matin de la Pâque, n'avez vous pas, par votre foi, avant tous les disciples, rendu hommage à la résurrection de votre Maître que vous n'aviez pas vu encore ? Jouissez donc auprès de ce Maître ineffable des délices dont il est prodigue envers vous ; mais priez-le aussi pour nous, bienheureux Apôtre ! Nous devons l'aimer pour tous les bienfaits qu'il a répandus sur nous ; et nous reconnaissons avec confusion que nous sommes tièdes dans son amour. Vous nous avez fait connaître Jésus enfant, vous nous avez dépeint Jésus crucifié ; montrez-nous Jésus ressuscité, attachez-nous à ses pas dans ces dernières heures de son séjour sur la terre ; et quand il sera monté au ciel, fortifiez notre cœur dans la fidélité, afin qu'à votre exemple nous soyons prêts à boire le calice des épreuves qu'il nous a préparé.
 

Saint Jean à Patmos. Jérôme Bosch. XVe.

Rome a été le théâtre de votre glorieuse confession, Ô saint Apôtre ! Aimez-la toujours ; et à l'heure de sa tribulation, unissez-vous à Pierre et à Paul pour la protéger. Si la palme du martyre brille en votre main à côté de la plume de l'évangéliste, souvenez-vous que c'est devant la Porte Latine que vous l'avez conquise. L'Orient vous a possédé pendant votre vie presque tout entière ; mais l'Occident revendique l'honneur de vous compter au premier rang de ses martyrs. Bénissez nos Eglises, ranimez chez nous la foi, réchauffez la charité, et délivrez-nous de ces antechrists que vous signaliez aux fidèles de votre temps, et qui causent parmi nous tant de ravages. Fils adoptif de Marie, qui contemplez maintenant votre mère dans toute sa gloire, présentez-lui nos vœux durant ce mois que nous lui consacrons, et obtenez pour nous de sa bonté maternelle les grâces que nous osons lui demander."

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