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24 septembre. Notre Dame de la Merci et l'Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de la Merci pour la rédemption des capti
" Redemit eos de manu inimici."
" Elle les a délivré des mains de l'ennemi."
Psalm. CV, 10.
Chapelle Notre Dame de la Merci.
Dans l’expression Notre-Dame de la Merci, le mot Merci traduit l’espagnol merced qui signifie grâce, ou le latin merces qui signifie rançon. A l’origine de l’Ordre des Mercédaires qui s’occupèrent de racheter les chrétiens captifs des musulmans, Notre-Dame apparut à saint Pierre Nolasque (fête le 31 janvier), à saint Raymond de Penyafort (fête le 23 janvier) et au roi Jacques I° d’Aragon.
Au milieu de la nuit du 1er août 1218, alors que l’Eglise célébrait la fête de Saint-Pierre-aux-Liens, la vierge Marie, accompagnée d’anges et de saints, apparut à saint Pierre Nolasque et lui dit :
" Mon fils, je suis la Mère du Fils de Dieu qui, pour le salut et la liberté du genre humain, répandit tout son sang en souffrant la mort cruelle de la Croix ; je viens ici chercher des hommes qui veuillent, à l’exemple de mon Fils, donner leur vie pour le salut et la liberté de leurs frères captifs. C’est un sacrifice qui lui sera très agréable. Je désire donc que l’on fonde en mon honneur un Ordre dont les religieux, avec une foi vive et une vraie charité, rachètent les esclaves chrétiens de la puissance et de la tyrannie des Turcs, se donnant même en gage, s’il est nécessaire, pour ceux qu’ils ne pourront racheter autrement. Telle est, mon fils, ma volonté ; car, lorsque dans l’oraison tu me priais avec des larmes de porter remède à leurs souffrances, je présentais tes vœux à mon Fils qui, pour ta consolation et pour l’établissement de cet Ordre sous mon nom, m’a envoyée du ciel vers toi."
Saint Pierre Nolasque et l'apparition de l'ange.
Saint Pierre Nolasque répondit :
" Je crois d’une foi vive que vous êtes la Mère du Dieu vivant et que vous êtes venue en ce monde pour le soulagement des pauvres chrétiens qui souffrent dans une barbare servitude. Mais que suis-je, moi, pour accomplir une œuvre si difficile au milieu des ennemis de votre divin Fils et pour tirer ses enfants de leurs cruelles mains ?"
Et Notre-Dame de lui répondre :
" Ne crains rien, Pierre, je t’assisterai dans toute cette affaire et, pour que tu aies foi en ma parole, tu verras bientôt l’exécution de ce que je t’ai annoncé et mes fils et mes filles de cet Ordre se glorifieront de porter des habits blancs comme ceux dont tu me vois revêtue."
En disant cela, la Vierge disparut.
Saint Raymond de Penyafort.
Pierre Nolasque passa en prière le reste de la nuit puis rejoignit Raymond de Penyafort qui lui dit :
" J’ai eu cette nuit la même vision que vous : j’ai été aussi favorisé de la visite de la Reine des anges et j’ai entendu de sa bouche l’ordre qu’elle me donnait de travailler de toutes mes forces à l’établissement de cette religion et d’encourager dans mes sermons les catholiques fidèles à venir en aide à une œuvre de charité si parfaite. C’est pour remercier Dieu et la très sainte Vierge que j’étais venu si matin à la cathédrale."
Le roi Jacques Ier d’Aragon entra alors dans la cathédrale et leur dit :
" La glorieuse Reine des anges m’est apparue cette nuit, avec une beauté et une majesté incomparables, m’ordonnant d’instituer, pour la rédemption des captifs, un Ordre qui porterait le nom de Sainte-Marie de la Merci ou de la Miséricorde ; et, comme je connais en toi, Pierre Nolasque, un grand désir de racheter les esclaves, c’est toi que je charge de l’exécution de cette œuvre. Pour toi, Raymond, dont je sais la vertu et la science, tu seras le soutien de l’Ordre par tes prédications."
Le 10 août donc de l'an du Seigneur 1218, le roi Jacques Ier exécuta le dessein précédemment mûri par ces saints personnages ; par un quatrième vœu, les nouveaux religieux s'obligeaient à rester en gage sous puissance des païens, s'il était nécessaire pour la délivrance des chrétiens. Le roi leur accorda de porter sur la poitrine ses propres armes ; il prit soin d'obtenir de Grégoire IX la confirmation d'un institut religieux que recommandait une charité si éminente envers le prochain.
Mais lui aussi Dieu même, par la Vierge Mère, donna tels accroissements à l'œuvre, qu'elle fut bientôt heureusement connue dans le monde entier ; elle compta nombre de sujets remarquables en sainteté, piété, charité, recueillant les aumônes des fidèles du Christ et les employant au rachat du prochain, se livrant eux-mêmes plus d'une fois pour la délivrance d'un grand nombre. Il convenait que pour une telle institution, pour tant de bienfaits, de dignes actions de grâces fussent rendues à Dieu et à la Vierge Mère ; et c'est pourquoi le Siège apostolique, après mille autres privilèges dont il avait comblé cet Ordre, accorda la célébration de cette fête particulière et de son Office.
Statue du roi Jacques Ier d'Aragon. Madrid.
Septembre se termine avec la lecture du livre de Judith et de celui d'Esther en l'Office du Temps. Libératrices glorieuses, qui figurèrent Marie dont la naissance illumine ce mois d'un éclat si pur, dont, sans plus tarder, le secours est acquis au monde.
" Adonaï, Seigneur, Vous êtes grand ; nous Vous admirons, Dieu qui remettez le salut aux mains de la femme " (Ant. ad Magnificat in Iis Vesp. Dom. IV septembr.) : ainsi l'Eglise ou re l'histoire de l'héroïne qui sauva Béthulie par le glaive, tandis que, pour arracher son peuple à la mort, la nièce de Mardochée n'employa qu'attraits et prières. Douceur de l'une, vaillance de l'autre, beauté des deux, la Reine que s'est choisie le Roi des rois éclipse tout dans sa perfection sans rivale ; or, la fête présente est un monument de la puissance qu'elle déploie pour délivrer, elle aussi, les siens.
Le Croissant ne grandissait plus. Refoulé sur la terre des Espagnes, contenu en Orient par le royaume latin de Jérusalem, on le vit, dans le cours du XIIe siècle, demander plus que jamais à la piraterie les esclaves que la conquête avait cessé de lui fournir. Moins inquiétée par les croisés d'alors, l'Afrique sarrasine courut la mer pour alimenter le marché musulman. L'âme frémit à la pensée des innombrables infortunés de toute condition, de tout sexe, de tout âge, enlevés sur les côtes des pays chrétiens ou capturés sur les flots, et subitement distribués entre le harem ou le bagne.
.Il y eut là pourtant, sous l'affreux secret de geôles sans histoire, d'admirables héroïsmes où Dieu ne fut pas moins honoré que dans les luttes des anciens martyrs remplissant à bon droit le monde de leur renommée ; sous l'œil surpris des Anges, après douze siècles, il y eut là pour Marie l'occasion d'ouvrir, dans le domaine de la charité, des horizons nouveaux où les chrétiens restés libres, se dévouant à sauver leurs frères, feraient preuve eux-mêmes d'héroïsmes encore inconnus. Et n'est-ce point là, amplement justifiée, la raison qui permet le mal passager de cette terre ? sans lui, le ciel, qui doit durer toujours, eût été moins beau à jamais.
Lorsque, en 1696, Innocent XII étendit la fête de ce jour à l'Eglise entière, il ne fit qu'offrir à la reconnaissance du monde le moyen de s'exprimer dans un témoignage aussi universel que l'était le bienfait.
A la différence de l'Ordre de la Très Sainte Trinité qui l'avait précédé de vingt ans, celui de la Merci, fondé pour ainsi dire en plein champ de bataille contre les Maures, compta plus de chevaliers que de clercs à son origine. On le nomma l'Ordre royal, militaire et religieux de Notre-Dame de la Merci pour la rédemption des captifs. Ses clercs vaquaient plus spécialement à l'accomplissement de l'Office du chœur dans les commanderies ; les chevaliers surveillaient les côtes, et s'acquittaient de la mission périlleuse du rachat des prisonniers chrétiens. Saint Pierre Nolasque fut le premier Commandeur ou grand Maître de l'Ordre ; on le retrouva, lors de l'invention de ses précieux restes, armé encore de la cuirasse et de l'épée.
En ce monde qui tressaille au souvenir récemment renouvelé de votre bénie naissance, votre sourire a suffi toujours pour dissiper les nuages, pour sécher les pleurs. Que de douleurs encore cependant sur cette terre où, dans les jours de votre mortalité, vous-même voulûtes goûter à si longs traits au calice des souffrances ! Douleurs sanctifiantes pour quelques-uns, douleurs fécondes ; hélas ! aussi, douleurs stériles et pernicieuses d'infortunés qu'aigrit l'injustice sociale, pour qui l'asservissement de l'usine, l'exploitation aux mille formes du faible par le fort, apparaît bientôt pire que n'eût été l'esclavage d'Alger ou de Tunis.
Vous seule, Ô Marie, pouvez dénouer ces inextricables liens dont l'ironie du prince du monde enserre une société qu'il a dévoyée au nom des grands mots d'égalité et de liberté. Daignez intervenir ; montrez que vous êtes Reine. La terre entière, l'humanité vous dit comme Mardochée à celle qu'il avait nourrie : Parler au Roi pour nous, et délivrez-nous de la mort (Ibid. XV, 1-3.).
mardi, 24 septembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)
26 septembre. Saint Cyprien d'Antioche, évêque, et sainte Justine, vierge et abbesse, martyrs à Nicomédie en Bythinie. 3
- Saint Cyprien d'Antioche, évêque, et sainte Justine, vierge et abbesse, martyrs à Nicomédie en Bythinie. 304.
Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule.
" Où est la crainte de Dieu, là est la chasteté. Sans cette crainte de Dieu, la chasteté n'existe pas."
Saint Jean Chrysostome.
Saint Cyprien et sainte Justine. Légende dorée.
Bx J. de Voragine. J. de Vignay. XIVe.
" Qui que vous soyez que séduisent les mystères des démons, nul de vous ne surpassera mon zèle pour ces faux dieux, ni mes recherches à leur sujet, ni la vaine puissance qu'ils m'avaient communiquée, moi, Cyprien, dès l'enfance au service du dragon dans la citadelle Palladique. Apprenez de moi la tromperie de leurs illusions. Une vierge m'a montré que leur pouvoir n'est que fumée. Le roi des démons s'est arrêté à la porte d'une enfant, sans pouvoir la franchir. Celui qui tant promet, n'est que menteur. Une femme se joue de celui qui se vante d'agiter la terre et les deux. Le lion rugissant n'est qu'un, moucheron qui se dérobe, devant Justine la chrétienne et la vierge." (Confessio Cypriani Antiocheni, I, II.).
" Ô Vierge, celui-là même qui tentait de vous perdre est aujourd'hui votre vivant trophée de victoire. Ô Cyprien, la carrière du crime est devenue pour vous l'entrée du salut. Puissiez-vous triompher ensemble à nouveau de Satan, dans ce siècle où les sciences occultes recommencent à séduire tant d'âmes, déséquilibrées par la perte de la foi. Contre un danger si grand, contre tout péril, puissent les chrétiens s'armer comme vous du signe de la Croix ; et l'ennemi sera contraint de redire : " J'ai vu un signe terrible, et j'ai tremblé ; j'ai vu le signe du Crucifié, et ma force a fondu comme la cire "." (Acta Cypriani et Justinae).
Justine est ainsi nommée de justice ; car par sa justice, elle a rendu à chacun ce qui lui appartient à Dieu l’obéissance, à son supérieur le respect, à son égal la concorde, à son inférieur la discipline, à ses ennemis la patience, aux misérables et aux affligés la compassion, à elle-même de saintes oeuvres et au prochain la charité.
Justine, vierge de la ville d'Antioche, était la fille d'un prêtre des idoles*. Tous les jours étant assise à sa fenêtre, elle entendait lire l’évangile par le diacre Proctus, qui enfin la convertit. La mère en informa son père au lit, puis s'étant endormis tous deux, Notre Seigneur Jésus-Christ leur apparut avec des anges et leur dit :
" Venez à moi, et je vous donnerai le royaume des cieux."
Aussitôt éveillés, ils se firent baptiser avec leur fille. C'est cette vierge Justine tant tourmentée par Cyprien qu'elle finit par convertir à la foi.
Baptême de sainte Justine et martyre de saint Cyprien.
Vies de saints. R. de Montbaston. XIVe.
Cyprien s'était adonné à la magie dès son enfance ; car il n'avait que sept ans quand il fut consacré au diable par ses parents. Comme donc il exerçait l’art magique, il paraissait changer les matrones en bête de somme, et faisait une infinité d'autres prestiges. Il s'éprit d'un amour brûlant pour la vierge Justine, et il eut recours à la magie afin de la posséder soit pour lui, soit pour un homme nommé Acladius, qui s'était également épris d'amour pour elle. Il invoque donc le démon afin qu'il vienne à lui et qu'il puisse par son entremise jouir de Justine.
Le diable vient et lui dit :
" Pourquoi m’as-tu appelé ?"
Cyprien lui répondit :
" J'aime une vierge du nombre des Galiléens ; peux-tu faire que je l’aie et accomplisse avec elle ma volonté ?"
Le démon lui dit :
" Moi qui ai pu chasser l’homme du paradis, qui ai amené Caïn à tuer son frère, qui ai fait crucifier Jésus-Christ par les Juifs, et qui ai jeté le trouble parmi les hommes ; je ne pourrais donc pas faire que tu aies une jeune fille, et que tu obtiennes d'elle ce qu'il te plait ? Prends cet onguent et épars-le autour de sa maison en dehors ; puis je surviendrai, j'embraserai son coeur de ton amour, et je la pousserai à se rendre à toi."
La nuit suivante le démon vient auprès de Justine et s'efforce de porter son coeur à un amour illicite. Quand elle s'en aperçut, elle se recommanda dévotement au Seigneur et elle protégea tout son corps. du signe de la croix. Mais au signe de la sainte Croix, le diable effrayé s'enfuit, vint trouver Cyprien et resta debout devant lui.
Cyprien lui dit :
" Pourquoi ne m’as-tu pas amené cette vierge ?"
Le démon lui répondit :
" J'ai vu sur elle un certain signe ; j'ai été pétrifié, et toutes les forces, m’ont manqué."
Alors Cyprien le congédiai et en appela un plus fort. Celui-ci lui dit :
" J'ai entendu ton ordre, et j'en ai saisi l’impossibilité : mais je le rectifierai, et je remplirai ta volonté : je l’attaquerai, et je blesserai son coeur d'un amour de débauche et tu feras d'elle ce que tu désires."
Le diable vint et s'efforça de persuader Justine en enflammant son esprit d'un amour coupable. Mais elle se recommanda dévotement à Dieu et par un signe de croix, elle éloigna entièrement la tentation ; ensuite elle souffla sur le démon qui fut chassé aussitôt. Alors le démon confus s'en alla, s'enfuit se tenir debout devant Cyprien. Cyprien lui dit :
" Et où est la vierge à laquelle je t'ai envoyé ?
- Je m’avoue vaincu, répondit le démon, et je tremble de dire de quelle manière : car j'ai vu un certain signe terrible sur elle, et, aussitôt j'ai perdu toute force."
Alors Cyprien se moqua de lui et le renvoya. Il évoqua ensuite le prince des démons. Quand celui-ci fut arrivé, Cyprien lui dit :
" Quelle est donc votre puissance ? elle est bien chétive pour qu'elle soit annihilée par une jeune fille ?"
Le démon lui dit :
" J'y vais aller et je la tourmenterai par différentes fièvres, ensuite j'enflammerai son esprit avec plus de force ; je répandrai dans tout son corps une ardeur violente, je la rendrai frénétique, je lui présenterai divers fantômes, et à minuit je te l’amènerai."
Martyre de sainte Justine et saint Cyprien. Bréviaire romain. XVe.
Alors le diable prit la figure d'une vierge et il vint dire à Justine :
" Je viens vous prouver, parce que je désire vivre avec vous dans la chasteté : néanmoins, dites-moi, je vous prie, quelle sera la récompense de notre combat ?"
Cette sainte vierge lui répondit :
" La récompense sera grande et le labeur bien petit."
Le démon lui dit :
" Qu'est-ce donc que ce commandement de Dieu " Croissez et multipliez et remplissez la terre ?" Je crains donc, bonne compagne, que si nous restons dans la virginité, nous ne rendions vaine la parole de Dieu et que nous ne soyons exposées à la rigueur d'un jugement sévère comme désobéissantes et comme contemptrices : et ensuite que nous ne soyons pressées gravement, par le moyen sur lequel nous comptons pour obtenir une récompense."
Alors le coeur de Justine commença à être agité de pensées étranges, par les suggestions du démon, et à être enflammé plus fortement de l’ardeur de la concupiscence ; en sorte qu'elle voulait se lever et s'en aller. Mais cette sainte vierge revenue à elle, et connaissant celui qui lui parlait, se munit aussitôt du signe de la croix, puis soufflant sur le diable, elle le fit fondre comme cire : or, elle se sentit délivrée à l’instant de toute tentation.
Peu après, le diable prit la figure d'un très beau jeune homme ; il entra dans la chambre où Justine reposait sur un lit ; il sauta avec impudence sur son lit et voulut se jeter sur elle pour l’embrasser. Justine voyant cela et reconnaissant que c'était l’esprit malin fit de suite le signe de la croix et fit fondre le diable comme de la cire. Alors le diable, par la permission de Dieu, l’abattit par la fièvre, causa la mort de plusieurs personnes, et, en même temps, des troupeaux et des bêtes de trait, et fit annoncer par les démoniaques qu'il régnerait une grande mortalité dans tout Antioche, si Justine ne consentait pas à se marier.
C'est pourquoi tous les citoyens malades se rassemblèrent à la porte des parents de Justine, en leur criant qu'il fallait la marier et qu'ils délivreraient par là toute la Ville d'un si grand péril. Mais comme Justine refusait absolument de consentir et que pour ce prétexte tout le monde la menaçait de mort, la septième année de l’épidémie, Justine pria pour ses concitoyens et elle éloigna toute pestilence.
Le diable voyant qu'il ne gagnait rien, prit la figure de Justine elle-même afin de salir sa réputation ; puis se moquant de Cyprien il se vantait de lui avoir amené Justine. Le diable courut donc trouver Cyprien sous l’apparence de Justine et il voulut l’embrasser comme si elle eût langui d'amour pour lui.
Cyprien en le voyant crut que c'était Justine, et s'écria, rempli de joie :
" Soyez la bienvenue, Justine, vous qui êtes belle entre toutes les femmes."
A l’instant que Cyprien eut prononcé le nom de Justine, le diable ne le put endurer, mais dès que ce mot fut proféré, il s'évanouit aussitôt comme de la fumée. C'est pourquoi Cyprien, qui se voyait joué, resta tout triste. Il en résulta que Cyprien fut encore plus enflammé d'amour pour Justine ; il veilla longtemps à sa porte, et comme à l’aide de la magie il se changeait tantôt en femme, tantôt en oiseau, selon qu'il le voulait, dès qu'il était arrivé à la porte de Justine, ce n'était pas une femme, ni un oiseau, mais bien Cyprien qui paraissait aussitôt. Acladius se changea aussi par art diabolique en passereau et vint voltiger à la fenêtre de Justine. Aussitôt que la vierge l’aperçut, ce ne fut plus un passereau qui parut, mais Acladius lui-même qui fut rempli alors d'angoisses extrêmes et de terreur, parce qu'il ne pouvait ni fuir, ni sauter. Mais Justine, dans la crainte qu'il ne tombât et qu'il ne crevât, le fit descendre avec une échelle en lui conseillant de cesser ses folies, pour qu'il ne fût pas puni par les lois comme magicien. Tout cela se faisait avec une certaine apparence au moyen dès illusions du diable.
Le diable, vaincu en toutes circonstances, revint trouver Cyprien et resta plein de confusion devant lui. Cyprien lui dit :
" N'es-tu pas vaincu aussi, toi ? Quelle est donc votre force, misérable, que vous ne puissiez vaincre une jeune fille, ni l’avoir sous votre puissance ; tandis qu'au contraire elle vous vainc elle-même et vous écrase si pitoyablement ? Dis-moi cependant, je te prie, en quoi consiste la grande force qu'elle possède ?"
Le démon lui répondit :
" Si tu me jures que tu ne m’abandonneras jamais, je te découvrirai la vertu qui la fait vaincre.
- Par quoi jurerai-je, dit Cyprien ?
- Jure-moi par mes grandes puissances, dit le démon, que tu ne m’abandonneras en aucune façon."
Cyprien lui dit :
" Par tes grandes puissances, je te jure de ne jamais t'abandonner."
Alors comme s'il eût été rassuré, le diable lui dit :
" Cette fille a fait le signe du crucifié, et à l’instant j'ai été pétrifié ; j'ai perdu toute force, et j'ai fondu comme la cire devant le feu."
Cyprien lui dit :
"Donc le crucifié est plus grand que toi ?
- Oui, reprit le démon, il est plus grand que tous, et il nous livrera au tourment d'un feu qui ne s'éteindra pas, nous et tous ceux que nous trompons ici."
Et Cyprien reprit :
" Donc et moi aussi, je dois me faire l’ami du crucifié afin que je ne m’expose pas à un pareil châtiment."
Le diable répartit :
" Tu m’as juré, par les puissances de mon armée, que nul ne peut parjurer, de ne jamais me quitter."
Cyprien lui dit :
" Je te méprise toi et toutes tes puissances qui se tournent en fumée : je renonce à toi et à tous tes diables, et je me munis du signe salutaire du crucifié."
Et à l’instant le diable se retira tout confus. Cyprien alla alors trouver l’évêque. En le voyant, celui-ci crut qu'il venait pour induire les chrétiens en erreur et lui dit :
" Contente-toi de ceux qui sont au dehors, car tu ne pourras rien contre l’église de Dieu ; la vertu de Notre Seigneur Jésus-Christ est en effet invincible."
Cyprien reprit :
" Je suis certain que la vertu de Notre Seigneur Jésus-Christ est invincible."
Et il raconta ce qui lui était arrivé et se fit baptiser par l’évêque.
Saint Grégoire de Naziance edifiant les fidèles en
rapportant les actes de sainte Justine. Oraisons de
saint Grégoire de Naziance. Constantinople. XIe.
Dans la suite il fit de grands progrès tant dans la science que dans sa conduite, et quand l’évêque fut mort, il fut ordonné lui-même pour le remplacer. Quant à sainte Justine il la mit dans un monastère et l’y fit abbesse d'un grand nombre de vierges sacrées. Or, saint Cyprien envoyait fréquemment des lettres aux martyrs qu'il fortifiait dans leurs combats.
Le comte de ce pays aux oreilles duquel la réputation de Cyprien et de Justine arriva, les fit amener par devant lui, et leur demanda s'ils voulaient sacrifier. Comme ils restaient fermes dans la foi, il les fit jeter dans une chaudière pleine de cire, de poix et de graisse ; elle ne fut pour eux qu'un admirable rafraîchissement et ne leur fit éprouver aucune douleur. Alors le prêtre des idoles dit au préfet :
" Commandez que je me tienne vis-à-vis de la chaudière et aussitôt je vaincrai toute leur puissance."
Et quand il fut venu auprès de la chaudière, il dit :
" Vous êtes un grand Dieu, Hercule, et vous, Jupiter, le père des dieux !"
Et voilà que tout à coup du feu sorti de la chaudière le consuma entièrement : alors saint Cyprien et sainte Justine sont retirés de la chaudière, et une sentence ayant été portée contre eux, ils furent décapités.
Leurs corps, étant restés l’espace de sept jours exposés aux chiens, furent dans la suite transférés à Rome ; on dit qu'ils sont maintenant à Plaisance. Ils souffrirent le 6 des calendes d'octobre, vers l’an du Seigneur 304, sous Dioclétien.
* Saint Grégoire de Nazianze et l’impératrice Eudoxie ont écrit les actes de saint Cyprien et de sainte Justine, sur lesquels a été compilée cette légende.
jeudi, 26 septembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
18 octobre. Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.
- Saint Luc d'Antioche, Evangéliste. Ier.
Pape : Saint Pierre. Empereur romain : Néron.
" Saint Luc a peint admirablement les images de Jésus et de Marie en deux tableaux, après les avoir parfaitement exprimées dans son Evangile et dans son coeur."
Le père Nouet. Méditations.
Saint Luc. Simone Martini. XIVe.
Luc veut dire s'élevant ou montant, ou bien il vient de Lux, lumière. En effet il s'éleva au-dessus de l’amour du monde, et il a monté jusqu'à l’amour de Dieu. II fut la lumière du monde qu'il éclaira tout entier : " Vous êtes la lumière du monde ", dit Notre Seigneur Jésus-Christ (Matth., V.), or, " la lumière du monde est le soleil lui-même. Cette lumière est située en haut " (Eccl., XXVI) : " Le soleil se lève sur le monde au haut du trône de Dieu " ; elle est agréable à voir (Eccl., XI) : " La lumière est douce, et l’oeil se plait à voir le soleil, elle est rapide dans sa course " (III, Esdras, c. IV, p. 34) : " La terre est grande, le ciel est élevé et la course du soleil est rapide ".
Elle est utile en ses effets , parce que, d'après le Philosophe, l’homme engendre l’homme, et le soleil en fait autant. De même saint Luc eut cette élévation par la contemplation des choses célestes ; par sa douceur dans sa manière de vivre, par sa rapidité dans sa fervente prédication et par l’utilité de la doctrine qu'il a écrite.
Plaque de reliquaire. XIe.
Luc, Syrien de nation, originaire d'Antioche, médecin de profession, fut, selon quelques auteurs, un des soixante-douze disciples du Seigneur. Puisque saint Jérôme dit, avec raison, qu'il fut disciple des apôtres et non du Seigneur, et comme la Glose remarque (sur l’Exode, XXV) qu'il ne s'attacha pas à suivre le Seigneur dans sa prédication, mais qu'il ne vint à la foi qu'après sa résurrection, il vaut mieux dire qu'il ne fut pas un des soixante-douze disciples, malgré l’opinion de certains auteurs.
Sa vie fut si parfaite qu'il remplit exactement ses devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, et conformément à son ministère. En raison de ces quatre qualités, il est peint sous quatre faces, celle de l’homme, du lion, du boeuf et de l’aigle. " Chacun des animaux, dit Ezéchiel, avait quatre faces et quatre ailes."
Et pour mieux comprendre cela, figurons-nous un animal quelconque ayant une tête carrée, comme un carré de bois sur chacun de ses côtés figurons-nous une face, sur le devant celle d'un homme, à droite celle d'un lion, à gauche celle d'un veau, et par derrière la face d'un aigle. Or, comme la face de l’aigle s'élevait au-dessus des autres en raison de la longueur de son cou, c'est pour cela qu'on dit que l’aigle était par dessus.
Chacun de ces animaux avait quatre ailes ; car comme nous nous figurons chaque animal comme un carré et que dans un carré il se trouve quatre angles, à chaque angle se trouvait une aile. Par ces quatre animaux, d'après quelques saints, on entend les quatre Évangélistes dont chacun eut quatre faces dans ses écrits, savoir : celles de l’humanité, de la passion, de la résurrection et de la divinité ; cependant on attribue plus spécialement à chacun d'eux la face d'un seul animal.
Plaque de reliquaire. XIe.
D'après saint Jérôme, saint Mathieu est représenté sous la figure d'un homme, parce qu'il s'appesantit principalement sur l’humanité du Sauveur ; saint Luc sous celle d'un veau, car il traite du sacerdoce du Christ ; saint Marc, sous celle d'un lion, évidemment parce qu'il a décrit la résurrection. Les lionceaux, dit-on, restent morts trois jours en venant au monde, mais ils sont tirés de cet engourdissement le troisième jour ; par les rugissements du lion.
En outre, saisit Marc commence son évangile par la prédication de saint Jean-Baptiste. Saint Jean est représenté sous la figure d'un aigle, parce qu'il s'élève plus haut que les autres, quand il traite de la divinité du Christ. Or, Notre Seigneur Jésus-Christ. dont les évangélistes ont écrit la vie eut aussi les propriétés de ces quatre animaux : il fut homme en tant que né d'une vierge, veau dans sa passion, lion dans sa résurrection, et aigle dans son ascension. Par ces quatre faces sous lesquelles est désigné saint Luc, aussi bien que chacun des évangélistes, on a voulu montrer les quatre qualités qui le distinguent.
En effet par la face d'homme, on montre quelles furent ses qualités envers le prochain qu'il a dû instruire par la raison, attirer par la douceur et encourager par la libéralité ; car l’homme est une créature raisonnable, douce et libérale. Par la face d'aigle on montré ses dispositions par rapport à Dieu ; parce qu'en lui, l'oeil de l’intelligence regarde Dieu par la contemplation, son affection s'aiguise par la méditation, comme le bec de l’aigle par l’usage qu'il en fait, et il se dépouille de sa vieillesse en prenant un nouvel état de vie.
L'aigle en effet a la vue perçante, en sorte qu'il regarde le soleil sans que la réverbération des rayons de cet astre lui fasse fermer les yeux ; et quand il est élevé au plus haut des airs, il voit : les petits poissons dans la mer. Son bec est très recourbé pour qu'il ne soit pas gêné pour saisir sa proie, qu'il écrase sur les pierres de manière qu'elle peut lui servir de nourriture. Brûlé ensuite par l’ardeur du soleil, il se précipité avec grande impétuosité dans une fontaine et se dépouille de sa vieillesse. La chaleur du soleil dissipe les ténèbres qui obscurcissent ses yeux et fait muer son plumage.
Par la face du lion, on voit qu'il fut parfait en soi, car il posséda la générosité dans sa conduite, la sagacité nécessaire pour échapper aux embûches des ennemis, et des habitudes de compassion envers les affligés. Le lion en effet est un animal généreux, puisqu'il est le roi des animaux : il a la sagacité, puisque dans sa fuite, il détruit avec sa queue les vestiges de ses pas afin que personne ne le trouve, il a l’habitude des souffrances, car il souffre de la fièvre quarte.
Saint Luc dessinant la Vierge Marie. Roger van der Weyden. XVIIe.
Par la face de veau ou de boeuf, on voit qu'il remplit avec exactitude les fonctions de son ministère, qui consista à écrire son évangile. Il procéda dans ce livre avec circonspection; en commençant par la naissance du Précurseur, celle du Christ et son enfance, et il décrit ainsi avec enchaînement toutes les actions du Sauveur jusqu'au dernier sacrifice. Son récit est fait avec discernement, parce qu'écrivant après deux évangélistes, il supplée ce qu'ils ont omis et il omet les faits sur lesquels ils ont donné des renseignements suffisants. Il s'appesantit sur ce qui regarde le temple et les sacrifices ; ce qui est évident dans toutes les parties qui composent son livre. Le boeuf est, en effet, un animal lent, aux pieds fendus, ce qui désigne le discernement dans les sacrificateurs.
Figure d'applique d'une reliure. XIIIe.
Au reste, il est aisé de s'assurer d'une manière plus exacte encore que saint Luc eut les quatre qualités dont il vient d'être question, pour peu qu'on examine soigneusement l’ensemble de sa vie. En effet, il eut les qualités qui lui étaient nécessaires par rapport à Dieu. Elles sont au nombre de trois, d'après saint Bernard : l’affection, la pensée et l’intention :
1. L'affection doit être sainte, les pensées pures, et l’intention droite. Or, dans saint Luc, l’affection fut sainte, puisqu'il fut rempli du Saint-Esprit. Saint, Jérôme, dans son prologue de l’évangile de saint Luc, dit de lui qu'il mourut en Béthanie, plein du Saint-Esprit.
2. Ses pensées furent pures ; car il fut vierge de corps et d'esprit, ce qui démontre évidemment la pureté de ses pensées.
3. Son intention fut droite, car, dans tous ses actes, il recherchait l’honneur qui est dû à Dieu. Ces deux dernières vertus font dire dans le prologue sur les Actes des Apôtres : " Il se préserva de toute souillure en restant vierge " ; voici pour la pureté de ses pensées ; " il aima mieux servir le Seigneur ", c'est-à-dire, pour l’honneur du Seigneur, ce qui a trait à la droiture de ses intentions. Venons à ses qualités par rapport au prochain : Nous remplissons nos devoirs à son égard quand nous accomplissons envers lui ce à quoi le devoir nous oblige.
Or, d'après Richard de Saint Victor, nous devons au prochain notre pouvoir, notre savoir et notre vouloir, qui engagent à un quatrième devoir, les bonnes oeuvres. Nous lui devons notre pouvoir en l’aidant, notre savoir en le conseillant, notre vouloir en concevant en sa faveur de bons désirs, et nos actions en lui rendant de bons offices. Or, saint Luc eut ces quatre qualités. Il donna au prochain ce qu'il put pour le soulager : ce qui est évident par sa conduite envers saint Paul auquel il resta constamment attaché dans toutes les tribulations du Docteur des Gentils, qu'il ne quitta jamais, mais auquel il vint en aide dans la prédication. " Luc est seul avec moi ", dit saint Paul à Timothée (I, IV).
Et quand il dit ces mots " avec moi " il veut dire que saint Luc l’aide, le défend, fournit à ses besoins.
Quand il dit : " Luc est seul ", saint Paul montre qu'il lui est constamment attaché. Saint Paul dit encore dans la IIe Ep. aux Corinthiens (VIII), en parlant de saint Luc : " Il a été choisi par les Églises pour nous accompagner dans nos voyages ".
Il donna au prochain son savoir, par les conseils, lorsqu'il écrivit, pour l’utilité du prochain, ce qu'il avait appris de la doctrine des apôtres et de l’Évangile. Il se rend à lui-même ce témoignage, dans son prologue, quand il dit :
" J'ai cru, très excellent Théophile, qu'après avoir été informé exactement de toutes ces choses depuis leur commencement, je devais aussi vous en représenter par écrit toute la suite, afin que vous reconnaissiez la vérité de ce qui vous a été annoncé."
Il servit le prochain de ses conseils, puisque saint Jérôme dit en son prologue, que ses paroles sont des remèdes pour les âmes languissantes. Il fut plein de bons désirs, puisqu'il souhaita aux fidèles le salut éternel (Coloss., IV) :
" Luc, médecin, vous salue."
Il vous salue, c'est-à-dire qu'il souhaite le salut éternel.
4. Ses actions étaient de bons services chose évidente par cela qu'il reçut chez lui Notre-Seigneur qu'il prenait pour un voyageur. Car il était le compagnon de Cléophas qui allait à Emmaüs, au dire de quelques-uns ; ainsi le rapporte saint Grégoire, dans ses Morales, bien que saint Ambroise dise que ce fut un autre, dont il cite même le nom, (Saint Ambroise, in Luc.).
Le boeuf ailé de saint Luc. Plaque de croix reliquaire. XIe.
Troisièmement il posséda les vertus requises pour sa propre sanctification. " Trois vertus disposent l’homme à la sainteté, dit saint Bernard : la sobriété dans la manière de vivre, la justice dans les actes, et la piété du coeur ; chacune de ces qualités se subdivise encore en trois, toujours d'après saint Bernard. C'est vivre sobrement que de vivre avec retenue, politesse et humilité : les actes seront dirigés par la justice s'il existe en eux droiture, discrétion et profit : droiture dans l’intention qui doit être bonne, discrétion s'il y a modération, et profit par l’édification : il y aura piété de coeur, si notre foi nous fait voir Dieu souverainement puissant, souverainement sage, et souverainement bon : en sorte que nous croyons notre faiblesse soutenue par sa puissance, notre ignorance rectifiée par sa sagesse, et, notre iniquité détruite par sa bonté."
Or, saint Luc posséda toutes ces qualités :
1. Il y eut sobriété dans sa manière de vivre, en trois choses :
a) en vivant dans la continence ; car saint Jérôme dit de lui en son prologue sur saint Luc, qu'il ne se maria point, et qu'il n'eut pas d'enfants ;
b) en vivant avec politesse, comme on l’a vu tout à l’heure en parlant de Cléophas, supposé qu'il eût été l’autre disciple : " Deux des disciples de Jésus allaient ce jour-là à Emmaüs ".
Il fut poli, ce qui est indiqué par le mot " deux " ; c'étaient des disciples, donc c'étaient des personnes bien disciplinées et de bonne conduite ;
c) en vivant avec humilité, vertu insinuée en cela qu'il cite Cléophas son compagnon, mais sans se nommer lui-même. D'après l’opinion de quelques auteurs, il ne se nomme pas par humilité.
2. Il y eut justice en ses actes et chacun d'eux procéda d'une intention droite ; vertu indiquée dans l’oraison de son office où il est dit que, " pour la gloire du nom du Seigneur, il a continuellement porté sur son corps la mortification de la Croix " : il y eut discernement dans sa conduite calme ; aussi est-il représenté sous la face du boeuf qui a la corne du pied fendue, c'est le signe de la vertu de discernement. Ses actes produisirent des fruits d'édification ; car il était grandement chéri de tous.
Ce qui le fait appeler très cher par saint Paul en son épître aux Colossiens (IV) : " Luc, notre très cher médecin, vous salue ".
3. Il eut des sentiments pieux, car il eut la foi ; et dans son évangile il proclama la souveraine puissance de Dieu, comme sa souveraine sagesse, et sa souveraine bonté. Les deux premiers attributs de Dieu sont énoncés clairement au chap. IV : " Le peuple était tout étonné de la doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu'il parlait avec autorité ". Le troisième est énoncé dans le ch. XVIII : " Il n'y a que Dieu seul qui soit bon ".
Saint Luc et son Boeuf ailé. Fresque.
Basilique Saint-Pierre. Rome. XVIIe.
4. Enfin, il remplit exactement les fonctions de son ministère qui était d'écrire l’Évangile. Or, son évangile est appuyé sur la vérité, il est rempli de choses utiles, il est orné de beaux passages, et confirmé par de nombreuses autorités.
I. Il est appuyé sur la vérité. Il y en a de trois sortes : la vérité de la vie, de la justice et de la doctrine. La vérité de la vie est l’équation qui s'établit entre la main et la langue; la vérité de la justice est l’équation de la substance à la cause; la vérité de la doctrine est l’équation qui s'établit entre la chose perçue et l’intellect. Or, l’évangile de saint Luc est appuyé sur ces trois sortes de vérités qui y sont enseignées, car cet évangéliste montre que Notre Seigneur Jésus-Christ posséda ces trois sortes de vérités et les enseigna aux autres ; d'abord par le témoignage de ses adversaires : " Maître, est-il dit dans le chap. XX, nous savons que vous ne dites et n'enseignez rien que de juste " : voici la vérité de la doctrine , " et que vous n'avez point d'égard aux personnes " : voilà la vérité de la justice, " mais que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité " : voilà la vérité de la vie. La voie qui est bonne s'appelle la voie de Dieu. Saint Luc montre dans son évangile que Notre Seigneur Jésus-Christ a enseigné cette triple vérité :
1. la vérité de la vie qui consiste dans l’observation des commandements de Dieu. Au chapitre X il est écrit : " Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur... Faites cela et vous vivrez ".
Au chapitre XXIII, " un homme de qualité demanda à Notre Seigneur Jésus-Christ : " Bon maître, que faire pour que j'obtienne " la vie éternelle ?" Il lui est répondu : " Vous savez les commandements : " Vous ne tuerez point, etc... "
2. La vérité de la doctrine. Le Sauveur dit en s'adressant à certaines personnes qui altéraient la vérité de la doctrine : " Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dîme, c'est-à-dire qui enseignez qu'il faut payer la dîme de la menthe, de la rue, et de toutes sortes d'herbes, et qui négligez la justice et l’amour de Dieu "(XI).
Il dit encore au même endroit : " Malheur à vous, docteurs de la loi, qui vous êtes saisis de la clef de la science, et qui n'y étant point entrés vous-mêmes, l’avez encore fermée à ceux qui voulaient y entrer ".
3. La vérité de la justice est énoncée au chapitre XX : " Rendez donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ". Au chapitre XIX : " Quant à mes ennemis, qui n'ont point voulu m’avoir pour roi, qu'on les amène ici, et qu'on les tue en ma présence ". Au chapitre XIII, où il est question du jugement, quand Notre Seigneur Jésus-Christ doit dire aux réprouvés : " Retirez-vous de moi, vous tous qui faites des oeuvres d'iniquité ".
II. Son évangile est d'une grande utilité. Aussi fut-il médecin pour nous montrer qu'il nous prépara une médecine très salutaire. Or, il y a trois sortes de médecine : la curative, la préservative et l’améliorative. Saint Luc montre dans son évangile que cette triple médecine nous a été préparée par le céleste médecin. La médecine curative guérit des
vendredi, 18 octobre 2024 | Lien permanent
17 octobre. Sainte Marguerite-Marie Alacoque, vierge, religieuse de la Visitation. 1690.
- Sainte Marguerite-Marie Alacoque, vierge, religieuse de la Visitation. 1690.
Pape : Innocent XI. Roi de France : Louis XIV.
" Le Sacré Cœur de Jésus est un abîme d’amour où il faur abîmer tout l’amour-propre qui est en nous, et toutes ses mauvaises productions qui sont le respect humain et les désirs de nous satisfaire."
Sainte Marguerite-Marie.
Née dans le Charolais un 22 juillet, Marguerite-Marie était la cinquième des sept enfants de Claude Alacoque, un notaire royal d’une grande réputation de probité, et de Philiberte ; tous deux vrais Chrétiens et estimés comme tels. Son père mourut alors qu'elle n'avait que huit ans.
Prévenue par la grâce divine dès ses premières années, elle conçut de la laideur du péché une idée si vive, que la moindre faute lui était insupportable; pour l'arrêter dans les vivacités de son âge, il suffisait de lui dire : " Tu offenses Dieu !"
Elle fit le voeu de virginité à un âge où elle n'en comprenait pas encore la portée. Elle aimait, tout enfant, à réciter le Rosaire, en baisant la terre à chaque Ave Maria.
Paray-le-Monial.
Elle fut envoyée à l'école des clarisses de Charolles, où elle fit sa première communion. Mais, après deux ans d'école, elle fut obligée de partir en raison de sa mauvaise santé. Entre dix et quinze ans, elle fut clouée au lit par des rhumatismes articulaires. C'est durant ces années que sa dévotion au Saint Sacrement, sa nature contemplative et sa conception spirituelle de la souffrance se développèrent. Après sa Première Communion, elle se sentit complètement dégoûtée du monde ; Dieu, pour la purifier, l'affligea d'une maladie qui l'empêcha de marcher pendant quatre ans, et elle dut sa guérison à la Sainte Vierge, en échange du voeu qu'elle fit d'entrer dans un Ordre qui Lui fût consacré.
Revenue à la santé miraculeusement par l’intercession de Notre Dame, gaie d'humeur, expansive et aimante, elle se livra, certes pas au péché, mais à une dissipation exagérée avec ses compagnes.
Mais bientôt, de nouvelles épreuves vinrent la détacher des vanités mondaines ; les bonnes oeuvres, le soin des pauvres, la communion, faisaient sa consolation. Vers l'âge de vingt ans, elle commença à avoir des visions du Christ.
Marguerite rejeta très vite l'éventualité d'un mariage et entra en 1671 dans l'ordre de la Visitation à Paray-le-Monial. Elle fut pendant un an, avant de devenir religieuse, une novice maladroite mais sympathique. Durant les trois années qui suivirent, elle eut ses plus célèbres visions on raconte que le Christ lui ordonna de promouvoir la dévotion au Sacré Coeur, de consacrer un jour de fête en son honneur et d'instituer la pratique pieuse de " l'Heure Sainte ".
Mais les efforts de Marguerite se heurtèrent à l'incrédulité et au refus de sa supérieure, la mère de Saumaise. Même quand elle eut réussi à convaincre sa communauté, il resta une forte opposition des théologiens et de certaines de ses consoeurs.
Leur manque de compréhension n'était pas sans raisons beaucoup eurent du mal à accepter l'attitude de Marguerite qui les informa que le Christ lui avait demandé, par deux fois, d'être la victime expiatoire de leurs imperfections. Le confesseur jésuite du couvent, le Père Claude La Colombière (qui mourut d'ailleurs à Paray-le-Monial), fit largement connaître et accepter ses visions.
Elle ne bénéficia de l'appui total de la communauté qu'en 1653, quand la mère Melin, devenue supérieure, nomma Marguerite assistante puis, plus tard, maître des novices. En 1686, le couvent commença à célébrer la fête du Sacré Coeur et, deux ans plus tard, une chapelle fut construite en son honneur à Paray-le-Monial. Ce culte se répandit rapidement dans les autres maisons de l'ordre de la Visitation.
Image du Sacré Coeur de Jésus que sainte Marguerite-Marie
donnait à ses novices lorsqu'elle était maître de celles-ci.
Le divin Époux la forma à Son image dans le sacrifice, les rebuts, l'humiliation; Il la soutenait dans ses angoisses, Il lui faisait sentir qu'elle ne pouvait rien sans Lui, mais tout avec Lui.
" Vaincre ou mourir !" tel était le cri de guerre de cette grande âme.
Quand la victime fut complètement pure, Jésus lui apparut à plusieurs reprises, lui montra Son Coeur Sacré dans Sa poitrine ouverte :
" Voilà, lui dit-Il, ce Coeur qui a tant aimé les hommes et qui en est si peu aimé !"
On sait l'immense expansion de dévotion au Sacré Coeur qui est sortie de ces Révélations.
Châsse qui renferme les saintes reliques de
sainte Marguerite-Marie. Paray-le-Monial.
Marguerite mourut au couvent le 17 octobre 1690 et, en 1765, le pape Clément XIII approuva officiellement la dévotion au Sacré Coeur. Elle fut béatifiée en 1864 et canonisée par le pape Benoît XV en 1920.
Sacré Coeur de Jésus. Batini. XVIIIe.
Promesses faites par Notre Seigneur Jésus-Christ à sainte Marguerite-Marie en faveur des personnes qui pratiquent la dévotion à son Sacré-Cœur :
1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires à leur état.
2. Je mettrai la paix dans leur famille.
3. Je les consolerai dans toutes leurs peines.
4. Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.
5. Je répandrai d'abondantes bénédictions sur toutes leurs entreprises.
6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l'océan infini de la miséricorde.
7. Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8. Les âmes ferventes s'élèveront à une grande perfection.
9. Je bénirai moi-même les maisons où l'image de mon Sacré-Cœur sera exposée et honorée.
10. Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis.
11. Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom écrit dans mon Cœur, où il ne sera jamais effacé.
12. Je te promets, dans l'excès de la miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis du mois, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir leurs Sacrements, et que mon divin Cœur se rendra leur asile assuré à cette dernière heure.
Chapelle du Sacré Coeur de Jésus. Eglise du Gesu. Rome.
Les communions réparatrices des neuf premiers vendredis du mois :
En 1688, au cours d'une apparition à sainte Marguerite-Marie, Notre-Seigneur Jésus-Christ daigna lui adresser ces paroles :
" Je te promets, dans l'excessive miséricorde de mon Cœur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis du mois, neuf mois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce ni sans recevoir leurs sacrements, et que mon divin Cœur se rendra leur asile assuré aux derniers moments."
La plus ancienne archiconfrérie
dévouée au Sacré Coeur de Jésus. Rome.
Par l'insertion intégrale de cette promesse dans la Bulle de canonisation de sainte Marguerite-Marie (Acta Apostolicæ Sedis 1920, p. 503), en date du 13 mai 1920, le Pape Benoît XV a encouragé la pratique des communions réparatrices des neuf premiers vendredis du mois, en l'honneur du Sacré-Cœur.
Rq : On lira avec fruit la vie de sainte Marguerite-Marie Alacoque d'après l'autobiographie qu'elle écrivit sur l'ordre de sa supérieure et de son confesseur : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/margueritemarie/...
jeudi, 17 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (4)
19 octobre. Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.
- Saint Pierre d'Alcantara, de l'ordre des frères mineurs, confesseur. 1562.
Pape : Pie IV. Roi de France : Charles IX. Roi d'Espagne : Philippe II.
" Marchant dès son jeune âge dans l'innocence, évitant la sensualité et les plaisirs dangereux,fuyant le commerce des hommes, il s'adonnait à la contemplation des choses divines, et déjà embrasé de l'amour céleste, il croissait en sagesse et en grâce et, par la maturité de sa conduite, devançait le cours des années."
Bulle de sa canonisation.
Saint Pierre d'Alacantara. Luis Tristan.
Palais archi-épiscopal. Toléde. XVIe.
Pierre naquit à Alcantara, en Espagne, de nobles parents. Il fit présager dès ses plus tendres années sa sainteté future. Entré à seize ans dans l'Ordre des Mineurs, il s'y montra un modèle de toutes les vertus. Chargé par l'obéissance de l'office de prédicateur, innombrables furent les pécheurs qu'il amena à sincère pénitence.
Mais son désir était de ramener la vie franciscaine à la rigueur primitive ; soutenu donc par Dieu et l'autorité apostolique, il fonda heureusement le très étroit et très pauvre couvent du Pedroso, premier de la très stricte observance qui se répandit merveilleusement par la suite dans les diverses provinces de l'Espagne et jusqu'aux Indes. Sainte Thérèse, dont il avait approuvé l'esprit, fut aidée par lui dans son œuvre de la réforme du Carmel. Elle avait appris de Dieu que toute demande faite au nom de Pierre était sûre d'être aussitôt exaucée ; aussi prit-elle la coutume de se recommander à ses prières, et de l'appeler Saint de son vivant.
Extase de saint Pierre d'Alcantara.
Melchior Pérez Holguín. Bolivie. XVIIIe.
Les princes le consultaient comme un oracle ; mais sa grande humilité lui faisait décliner leurs hommages, et il refusa d'être le confesseur de l'empereur Charles-Quint. Rigide observateur de la pauvreté, il ne portait qu'une tunique, et la plus mauvaise qui se pût trouver. Tel était son délicat amour de la pureté, qu'il ne souffrit pas même d'être touché légèrement dans sa dernière maladie par le Frère qui le servait. Convenu avec son corps de ne lui accorder aucun repos dans cette vie, il l'avait réduit en servitude, n'ayant pour lui que veilles, jeûnes, flagellations, froid, nudité, duretés de toutes sortes. L'amour de Dieu et du prochain qui remplissait son cœur, y allumait parfois un tel incendie, qu'on le voyait contraint de s'élancer de sa pauvre cellule en plein air, pour tempérer ainsi les ardeurs qui le consumaient.
Son don de contemplation était admirable ; l'esprit sans cesse rassasié du céleste aliment, il lui arrivait de passer plusieurs jours sans boire ni manger. Souvent élevé au-dessus du sol,il rayonnait de merveilleuses splendeurs. Il passa à pied sec des fleuves impétueux. Dans une disette extrême, il nourrit ses Frères d'aliments procurés par le ciel. Enfonçant son bâton en terre, il en fit soudain un figuier verdoyant. Une nuit que, voyageant sous une neige épaisse, il était entré dans une masure où le toit n'existait plus, la neige, suspendue en l'air, fit l'office de toit pour éviter qu'il n'en fût étouffé.
Sainte Thérèse rend témoignage au don de prophétie et de discernement des esprits qui brillait en lui. Enfin, dans sa soixante-troisième année, à l'heure qu'il avait prédite, il passa au Seigneur, conforté par une vision merveilleuse et la présence des Saints. Sainte Thérèse, qui était loin de là, le vit au même moment porté au ciel ; et, dans une apparition qui suivit, elle l'entendit lui dire : " Ô heureuse pénitence, qui m'a valu si grande gloire !" Beaucoup de miracles suivirent sa mort, et Clément IX le mit au nombre des Saints.
Saint Pierre d'Alcantara (détail). D'après Claudio Coello. XVIIe.
" Le voilà donc le terme de cette vie si austère, une éternité de gloire !" (Ste Thérèse, Vie, XXVII.)
Combien furent suaves ces derniers mots de vos lèvres expirantes : " Je me suis réjoui de ce qui m'a été dit : Nous irons-dans la maison du Seigneur "(Psalm. CXXI, 1.). L'heure de la rétribution n'était pas venue pour ce corps auquel vous étiez convenu de ne donner nulle trêve en cette vie, lui réservant l'autre ; mais déjà la lumière et les parfums d'outre-tombe, dont l'âme en le quittant le laissait investi, signifiaient à tous que le contrat, fidèlement tenu dans sa première partie, le serait aussi dans la seconde. Tandis que, vouée pour de fausses délices à d'effroyables tourments, la chair du pécheur rugira sans fin contre l'âme qui l'aura perdue ; vos membres, entrés dans la félicité de l'âme bienheureuse et complétant sa gloire de leur splendeur, rediront dans les siècles éternels à quel point votre apparente dureté d'un moment fut pour eux sagesse et amour.
Et faut-il donc attendre la résurrection pour reconnaître que, dès ce monde, la part de votre choix fut sans conteste la meilleure ? Qui oserait comparer, non seulement les plaisirs illicites, mais les jouissances permises de la terre, aux délices saintes que la divine contemplation tient en réserve dès ce monde pour quiconque se met en mesure de les goûter ? Si elles demeurent au prix de la mortification de la chair, c'est qu'en ce monde la chair et l'esprit sont en lutte pour l'empire (Gal. V, 17.) ; mais la lutte a ses attraits pour une âme généreuse, et la chair même, honorée par elle, échappe aussi par elle à mille dangers.
Saint Pierre d'Alcantara donnant la sainte communion
à sainte Thérèse d'Avila. Livio Mehus. XVIIe.
Vous qu'on ne saurait invoquer en vain, selon la parole du Seigneur, si vous daignez vous-même lui présenter nos prières, obtenez-nous ce rassasiement du ciel qui dégoûte des mets d'ici-bas. C'est la demande qu'en votre nom nous adressons, avec l'Eglise, au Dieu qui rendit admirable votre pénitence et sublime votre contemplation (Collecte de la fête.). La grande famille des Frères Mineurs garde chèrement le trésor de vos exemples et de vos enseignements ; pour l'honneur de votre Père saint François et le bien de l'Eglise, maintenez-la dans l'amour de ses austères traditions. Continuez au Carmel de Thérèse de Jésus votre protection précieuse ; étendez-la, dans les épreuves du temps présent, sur tout l'état religieux. Puissiez-vous enfin ramener l'Espagne, votre patrie, à ces glorieux sommets d'où jadis la sainteté coulait par elle à flots pressés sur le monde ; c'est la condition des peuples ennoblis par une vocation plus élevée, qu'ils ne peuvent déchoir sans s'exposer à descendre au-dessous du niveau même où se maintiennent les nations moins favorisées du Très-Haut.
" Bienheureuse pénitence, qui m'a mérité une telle gloire !" C'était la parole du Saint de ce jour, en abordant les cieux ; tandis que Thérèse de Jésus s'écriait sur la terre : " Ah ! quel parfait imitateur de Jésus-Christ Dieu vient de nous ravir, en appelant à la gloire ce religieux béni, Frère Pierre d'Alcantara !"
Le monde, dit-on, n'est plus capable d'une perfection si haute ; les santés sont plus faibles, et nous ne sommes plus aux temps passés. Ce saint était de ce temps, sa mâle ferveur égalait néanmoins celle des siècles passés, et il avait en souverain mépris toutes les choses de la terre. Mais sans aller nu-pieds comme lui, sans faire une aussi âpre pénitence, il est une foule d'actes par lesquels nous pouvons pratiquer le mépris du monde, et que notre Seigneur nous fait connaître dès qu'il voit en nous du courage. Qu'il dut être grand celui que reçut de Dieu le saint dont je parle, pour soutenir pendant quarante-sept ans cette pénitence si austère que tous connaissent aujourd'hui !
Saint Pierre d'Alcantara. Bernardo Strozzi. XVIIe.
" De toutes ses mortifications, celle qui lui avait le plus coûté dans les commencements, c'était de vaincre le sommeil ; dans ce dessein, il se tenait toujours à genoux ou debout. Le peu de repos qu'il accordait à la nature, il le prenait assis, la tête appuyée contre un morceau de bois fixé dans le mur; eût-il voulu se coucher, il ne l'aurait pu, parce que sa cellule n'avait que quatre pieds et demi de long. Durant le cours de toutes ces années, jamais il ne se couvrit de son capuce, quelque ardent que fût le soleil, quelque forte que fût la pluie. Jamais il ne se servit d'aucune chaussure.
Il ne portait qu'un habit de grosse bure, sans autre chose sur la chair ; j'ai appris toutefois qu'il avait porté pendant vingt années un cilice en lames de fer-blanc, sans jamais le quitter. Son habit était aussi étroit que possible ; par-dessus il mettait un petit manteau de même étoffe ; dans les grands froids il le quittait, et laissait quelque temps ouvertes la porte et la petite fenêtre de sa cellule ; il les fermait ensuite, il reprenait son mantelet, et c'était là, nous disait-il, sa manière de se chauffer et de faire sentir à son corps une meilleure température.
Saint Jean de Capistran apparaissant à
saint Pierre d'Alcantara. Luca Giordano. XVIIe.
Il lui était fort ordinaire de ne manger que de trois en trois jours ; et comme j'en paraissais surprise, il me dit que c'était très facile à quiconque en avait pris la coutume. Sa pauvreté était extrême, et sa mortification telle qu'il m'a avoué qu'en sa jeunesse il avait passé trois ans dans une maison de son Ordre sans connaître aucun des Religieux, si ce n'est au son de la voix, parce qu'il ne levait jamais les yeux, de sorte qu'il n'aurait pu se rendre aux endroits où l'appelait la règle, s'il n'avait suivi les autres. Il gardait cette même modestie par les chemins. Quand je vins a le connaître, son corps était tellement exténué, qu'il semblait n'être formé que de racines d'arbres (Ste Thérèse, Vie, ch. XXVII, XXX, traduction Bouix.)."
On sait que trois familles illustres et méritantes composent aujourd'hui le premier Ordre de saint François ; le peuple chrétien les connaît sous le nom de Conventuels, Observantins et Capucins. Une pieuse émulation de réforme toujours plus étroite avait amené, dans l'Observance même, la distinction des Observants proprement ou primitivement dits, des Réformés, des Déchaussés ou Alcantarins, et des Récollets ; d'ordre plushistorique que constitutionnel, sil'onpeut ainsi parler, cette distinction n'existe plus depuis que, le 4 octobre 1897, en la fête du patriarche d'Assise, le Souverain Pontife Léon XIII a cru l'heure venue de ramener à l'unité la grande famille de l'Observance, sous le seul nom d'Ordre des Frères Mineurs qu'elle devra porter désormais (Constit apost. Felicitate quadam.).
samedi, 19 octobre 2024 | Lien permanent
19 octobre. Le Bienheureux Thomas Hélye de Biville, prêtre, aumônier de saint Louis. 1257.
- Le Bienheureux Thomas Hélye de Biville, prêtre, aumônier de saint Louis. 1257.
Pape : Innocent VI. Roi de France ; Saint Louis.
" Dieu se sert des instrument les plus vils et les plus misérables selon le monde, pour accomplir son oeuvre, afin que nul homme ne se glorifie devant lui."
Bx Thomas Hélye de Biville.
Le bienheureux Thomas Hélie. Détail. Bannière de procession. France. XVIIe.
Si c'est un honneur pour cet excellent prêtre d'avoir été aumônier d'un si grand monarque, nous pouvons dire aussi que c'est un honneur pour saint Louis d'avoir fait choix d'un prêtre si sage et si pieux pour approcher de sa personne et pour prendre soin de la distribution de ses aumônes.
Il vint au monde ers l'an 1187, dans la paroisse de Biville, petit village de la Basse-Normandie, au diocèse de Coutances et Avranches, d eparents plus recommandables par leurs éminentes qualités que par leur naissance. Mathilde, la pieuse mère de cet enfant prédestiné, le plaça, dès le berceau, sous le patronnage de la très sainte Vierge Marie, et, dès qu'il put articuler quelques sons, elle lui apprit à prononcer les doux nom de Jésus et de Marie, ce qu'il faisait avec une docilité charmante.
Ses parents, remarquant en lui des dispositions précoces pour l'étude, le confèrent à des maîtres habiles, sous lesquels il fit de rapides progrès. Il n'apprenait pas pour mériter la réputation de savant, mais uniquement pour répondre aux desseins de ses parents, et remplir la loi rigoureuse et sacrée du travail ; le devoir était pour le jeune élève un de ces mots magiques qui opèrent des merveilles. Le digne fils de la pieuse Mathilde joignait à un maintien grave une expression de physionnomie pleine de candeur et de sérénité. Jamais on n'apercut en lui cette impétuosité de mouvements, cette mobilité d'impressions, cette légèreté de conduite, apanage ordinaire du jeune âge. On eût dit, en le voyant, qu'il appartenait plus au ciel qu'à la terre ; et un sentiment de respect venait se mêler à l'admiration, quand on apercevait ce doux visage au sortir de la prière, comme illuminé d'une clarté surnaturelle.
Eglise Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie.
Cependant, les études du Bienheureux une fois terminées, il songea devant Dieu à la manière d'employer utilement les connaissances qu'il avait acquises. Plusieurs carrières honorables s'ouvraient devant lui, mais elles avaient toutes un but humain : dès lors elles ne pouvaient lui offrir aucun attrait ; d'ailleurs, à l'exemple du Sauveur de monde, Thomas aimait l'enfance, la jeunesse. Il éprouvait une joir sensible à se voir entouré de ces petits, auxquels le Chrétien doit ressembler, pour obtenir le royaume des Cieux. Ce fut donc les humbles, mais utiles fnctions d'instituteur de village, que Thomas choisit de préférence à d'autres plus honorifiques et plus lucratives, afin de ses dévouer corps et âme à l'instruction de la jeunesse.
Le matin, devançant l'aurore, il s'acheminait vers le temple du Seigneur, où il restait à s'entretenir avec l'adorable Solitaire de nos autels, jusqu'au moment de commencer la classe. Le soir, il venait encore Bien-Aimé de son âme, afin de se délasser avec lui de ses fatigues du jour, et se désaltérer à cette source d'eau vive qui découle du coeur de Dieu même. La vie du Bienheureux n'avait alors rien d'austère, mais elle était si réglée et si parfaite, qu'elle excitait, non seulement l'admiration de tous ceux qui en était les heureux témoins, mais provoquait encore chez eux une pieuse émulation pour pratiquer les commandements de Notre Seigneur Jésus-Christ.
En peu d'année, le petit village de Biville fut presque transformé en une chrétienté, rappelant les premiers âges de l'Eglise. Les habitants de Cherbourg, ville située non loin de Biville, entendant parler de toutes les merveilles opérées dans cette obscure localité par le bienheureux Thomas, éprouvèrent le désir d'en être eux-mêmes les objets : en conséquences, une députation des notables de Cherbourg fut envoyée à Biville, afin de décider Thomas Hélye à venir porter le flambeau de ses lumières dans une cité si digne d'en apprécier les bienfaits. Le Bienheureux céda à leurs instances pressantes et se rendit à Cherbourg. Son principal soin fut d'inspirer la piété à ses écoliers et de leur apprendre à craindre Dieu, sans quoi la science ne peut servir qu'à rendre un homme plus inexcusable. Il commençait et finissait toutes ses actions par la prière, et dans son exercice même il avait souvent l'esprit et le coeur élevés vers Dieu, pour recevoir ses lumières et pour concevoir de nouvelles flammes de son amour.
Saint Louis. Bas-relief dans l'église Saint Pierre de Biville.
Cotentin, Normandie.
Après qu'il eut exercé quelques temps cette oeuvre de charité, il tomba très grièvement malade : ce qui lui fit quitter Cherbourg et retourner à la maison de son père. Dieu lui inspira dès lors une vie tout extraordinaire. A peine fut-il en convalescence qu'il se revêtit d'un cilice, commença à jeûner trois fois la semaine au pain d'orge et à l'eau pure, et entreprit trois Carêmes par an avec la même austérité. Il était aussi presque toujours en prières, et, comme le curé lui avait donné une clef de l'église, il y passait souvent la lus grande partie du jour et de la nuit dans ce saint exercice. L'évêque de Coutances et Avranches, son prélat, étant informé d'une conduite si sainte, l'exhorta à embrasser l'état ecclésiastique, afin de pouvoir travailler au salut des âmes, puisque plusieurs périssaient faute de bons pasteurs pour les conduire.
Thomas reçut cette exhortation comme un ordre du Ciel ; mais il pria l'évêque de lui permettre de consulter longuement le Seigneur avant de prendre une décision. L'évêque le releva avec bonté, et lui accorda le délai qu'il sollicitait avec de si touchantes instances, lui faisant toutefois promettre de venir le retrouver pour lui communiquer le parti que l'Esprit de Dieu lui aurait inspiré de prendre. Thomas, après avoir reçu la bénédiction de son évêque, le quitta pour retourner dans sa chère solitude.
Quelque temps après il reprit à pied le chemin de Coutances où le saint évêque l'accueillit avec l'effusion d'un tendre père qui reçoit un fils bien-aimé ; en apprenant de la bouche du Bienheureux tout ce qui s'était passé dans son coeur, Hugues de Morville adora en silence les desseins de Dieu sur cette âme privilégiée ; puis, il donna la tonsure à Thomas, qui reçut successivement de sa main, tout en gardant les inetrvalles prescrit par les saints canons, les Ordres mineurs, le sous-diaconnat et enfin le diaconnat. Le bon prélat ne put le décider à passer plus loin.
Le Bienheureux pria alors son évêque de lui permettre de faire auparavant le voyage de Rome et de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, et de venir ensuite faire son cours de théologie à Paris. L'évêque lui accorda aisément ce qu'il voulut. Il fit donc l'un et l'autre pèlerinage avec une dévotion singulière, et, en étant revenu en pleine santé, il demeura encore quatre ans à Paris, pour y acquérir les lumières qu'il devait ensuite répandre sur les peuples.
Le bienheureux Thomas Hélye donnant la sainte communion
à saint Louis. Imagerie populaire. XIXe.
Au bout de quatre ans il retourna dans son pays et fut promu au sacerdoce. Si jusqu'alors il avait été très austère, on peut dire qu'étant prêtre il devint cruel et impitoyable à lui-même. Il ne se couchait jamais, et, s'il dormait quelques moments, ce n'était que sur le coin d'un banc de l'église. Il prenait tous les jours très rudement la discipline, et quelque faible qu'il fût par la rigueur extrême de ses jeûnes, il ne laissait pas de se mettre le corps en sang, afin de l'assujétir parfaitement aux désirs de l'esprit. Il était presque toute la nuit en oraison mentale, goûtant à loisir les délices inestimables de la conversation avec Dieu. A la pointe du jour il disait ses Matines, avec l'office des morts, le graduel, les sept psaumes de la pénitence, et sept autre psaumes qu'il récitait avec son clerc. Il clébrait ensuite la messe avec une dévotion angélique, et quelquefois avec une telle abondance de larmes, qu'il semblait que ses yeux se dussent fondre à force de pleurer. Il avait aussi ses heures pour dire l'offfice de Notre-Dame, et il s'en acquittait de même avec tant d'attention, que le démon, ne pouvant souffrir une si grande ferveur, faisait quelquefois d'horribles bruits pour l'en distraire. Pour le reste de son temps, ille sacrifiait au secours du prochain, à annoncer la parole de Dieu, à faire le cathéchisme, à entendre les confessions, à consoler les affligés, à visiter les malades, à aider ceux qui étaient à l'agonie et à procurer le soulagement des pauvres ; et, comme si le diocèse de Coutances eût été trop petit pour satisfaire à l'ardeur de son zèle, il l'étendait à ceux d'Avranches, de Bayeux et de Lisieux. Notre Seigneur Jésus-Christ donna toujours une grande bénédiction à ses travaux ; il faisait des conversions sans nombre, et sa parole était si puissante, soit lorsqu'il montrait la malice et l'indignité du péché, soit lorsqu'il menaçait des rigueurs du jugement de Dieu, soit lorsqu'il proposait les récompenses qui sont préparées aux justes dans le Ciel, queles pécheurs les plus opiniâtres et les plus endurcis n'y pouvait nullement résister. On voyait même ses auditeurs, pendant qu'il prêchait, ou ses pénitents, lorsqu'il écoutait leur confession, verser des torrents de larmes, et on les entendait crier miséricorde, dans la crainte du jugement de Dieu, dont ils étaient pénétrés.
Le clocher de l'église Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie. XIIIe.
Le roi saint Louis, étant informé des mérites d'un si grand prédicateur, le voulut voir auprès de sa personne et l'appela à sa cour pour être son aumônier. Thomas Hélye n'osa pas d'abord résiter à un prince si sage et si pieux ; il vint le trouver et exerça quelque temps l'office dont Sa Majesté l'avait honoré ; mais, ne pouvant s'accoutumer à l'air de la cour qui, toute sainte qu'elle était, lui paraissait bien différente de l'aimable secret de sa solitude, il demanda enfin son congé pour retourner à Biville, où, dans la maison même de son père, il s'était fait une sorte d'ermitage. A son retour, son prélat le chargea de la cure de Saint-Maurice, dont il s'acquitta avec toute la vigilance et la sollicitude du bon pasteur. Cependant il ne la garda que peu de temps ; car, voulant être libre pour courir au secours des âmes qui avaient besoin d'être éclairées des lumières de l'Evangile, il s'en déchargea sur un autre ecclésiastique qu'il jugea digne de la remplir.
Peu de temps après, il tomba dans une telle langueur, qu'il ne pouvait pas se lever pour dire sa messe. Il ne cessa point néanmoins de communier tous les jours, et il le faisait avec de si grands sentiments de dévotion, qu'il semblait qu'il jouît déjà des embrasements de son Bien-Aimé dans Sa gloire.
Enfin, après avoir donné beaucoup d'autres témoignages de sa sainteté, il reçut pour la dernière fois ce pain des anges qui le remplit d'une force merveilleuse pour le voyage important de l'éternité. Il se fit lire l'Evangile de saint Jean, la Passion de Notre Seigneur Jésus-Chrit et le psaume In te, Domine, speravi ; et, lorsque son clerc fut à ces mots : " Je remets, Seigneur, monesorit entre vos mains ", il cessa de vivre sur la terre pour aller vivre éternellement dans le Ciel. Cette mort arriva un vendredi 19 octobre 1257, au château de Vauville, où l'avait surpris sa dernière maladie.
Un ancien monument le représente prêchant en présence des deux évêques de Coutances et d'Avranches. On le représente encore, tantôt les mains jointes, les yeux levés vers le Ciel ; tantôt assistant en qualité d'aumônier, à genous auprès de saint Louis, à la messe d'un des chapelains royaux.
CULTE ET RELIQUES
A la nouvelle de la mort du Bienheureux, les peuples accoururent de tous côtés, pour contempler et vénérer sa dépouille mortelle ; on déposa sur son corps des gants, des ceintures, des colliers, des anneaux, pour les conserver comme des reliques. Une foule immense assista à son convoi, qui ressemblait plutôt à une marhce triomphale qu'à une pompe funèbre.
Un incident miraculeux vint encore augmenter le saint enthousiasme dont la foule était animée, tandis que le pieux cortège s'avançait vers Biville. La dame de Vauville, qui avait une main desséchée, l'apliqua avec confiance sur la main du bienheureux Thomas Hélye et fut aussitôt guérie. Le corps de Thomas fut inhumé dans le cimetierre de Biville, ainsi qu'il l'avait demandé.
Dès sa mort, un procès en béatification fut ouvert à l'initiatibe de l'évêque Jean d'Essey.
Tombeau renfermant les saintes reliques du Bx Thomas Hélye.
Eglise Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie.
En 1261, il fut transféré dans une chapelle, construite en 1260, près de l'église paroissiale, dont elle était toutefois encore séparée en 1325. C'est là que l'archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, le visita en 1266. L'église, d'après Arthur Dumoustier, fut reconstruite dans le courant du XVIe siècle, et, alors sans doute, on fit de la chapelle le choeur actuel, au milieu duquel le curé Michel Leverrier éleva, en 1533, le monument en carreaux sculptés et peints, qui a subsisté jusqu'en 1778. Alors, Jacques Dujardin, lieutenant-colonel d'artillerie, seigneur de Biville, aidé des offrandes du curé et des paroissiens, remplaça ce tombeau, que la piété indiscrète des fidèles avait mutilé, par celui que nous voyons encore aujourd'hui et qui, malgré la tablette de marbre sur laquelle repose l'image en relief du Bienheureux, est encore bien peu digne de renfermer de si précieuses reliques.
Le saint corps y a reposé jusqu'au 13 juillet 1794. Ce trésor, si cher aux catholiques, allait être profané et dispersé par quelques terroristes et autres bêtes féroces impies et insensées, quand M. Lemarié d'Yvetot, ancien supérieur de l'hôpital de la Trinité à Paris, puis vivaire général auprès de Mgr de Talaru, évêque de Coutances, alors en exil pour la foi, conçut avecquelques catholiques fidèles et courageux, le projet d'empêcher ce honteux sacrilège.
A l'heure indiquée (22h15), tous se réunirent ; le prêtre intrépide portait sur sa poitrine la sainte Hostie, suivant la permission reçue par son évêque. Ils pénétrèrent dans l'église dévastée ; les administrateurs révolutionnaires avaient placé sur le tombeau, au lieu de la tablette de marbre, une sorte de bureau à leur usage : mais deux larges pierres superposées fermaient encore le monument. Quand elles eurent cédé aux efforts d'un des compagnons de M. Lemarié, ils apercurent avec un mélange de joie et de religieuse frayeur, les ossements du bienheureux Thomas Hélye bien conservés et rangés presque tous dans leur situation naturelle. Le confesseur de la foi les tira respectueusement du cercueil de pierre, et les déposa dans des linges blancs avec la poussière dont ils étaient entouré. Il les plaça ensuite dans un cercueil de chêne qu'il scella de son sceau, après avoir rédigé, dans la forme canonique, un procès verbal qui fut signé par ses coopérateurs, témoins irrécusables de cette édifiante translation. Le corps saint fut placé à Virandeville, sous un autel, autour duquel les catholiques persécutés se réunissaient en secret, pendant tout le temps de la révolution.
Furieux de voir leurs odieux projets ainsi déjoués, les bêtes féroces intentèrent des poursuites judiciaires, afin de connaître les auteurs de ce prétendu crime. Tous leurs efforts furent inutiles, et n'aboutirent qu'à faire emprosonner le curé schismatique comme suspect d'avoir, au moins par sa négligence, favorisé la soustraction des reliques et comme coupable d'un refus obstiné d'en nommer les auteurs.
En 1803, le 14 septembre, M. Closet, vicaire général de Mgr Rousseau, de concert avec M. Bonté, son collègue, autorisa les habitants de Virandeville, en mémoire de leur courageux dévouement, à conserver la tête du bienheureux Thomas dans leur église, conformément au désir exprimé par M. Lemarié. Le reste du corps fut rendu aux habitants de Biville, excepté quelques ossements accordés aux paroisses de Vauville, Saint-Maurice et Yvetot. Le 16 septembre, M. Leverrier, curé de Biville, après avoir assisté à l'ouverture du cercueil à Virandeville, déposait dans leur ancien tombeau les saintes reliques, en présence de plusieurs témoins et selon toutes les formes juridiques.
Par temps clair, on peut voir le phare de la Hague depuis Biville.
Le Bx Thomas de Biville en est un autre, et des plus sûrs.
La tête resta à Virandeville jusqu'en 1811. Alors, le 31 mars, Mgr Dupont, terminant une discussion très longue et très vive entre les deux paroisses, ordonna que cette relique insigne fût réunie aux autres ossement du Bienheureux, ce qui fut exécuté le jeudi 18 avril de la même année, avec toute la publicité et les formes prescrites. Le tonbeau de biville contient donc aujourd'hui les restes précieux du saint prêtre, qui sont demeurés, jusqu'au 18 octobre 1859, dans deux caisses séparées : l'une renfermant le chef, munie du sc
samedi, 19 octobre 2024 | Lien permanent
23 octobre. Saint Pierre Pascal, religieux de l'Ordre Notre-Dame de la Merci, évêque de Jaën en Espagne, martyr. 1300.
- Saint Pierre Pascal, religieux de l'Ordre Notre-Dame de la Merci, évêque de Jaën en Espagne, martyr. 1300.
Pape : Boniface VIII. Roi de Castille : Ferdinand IV, l'Ajourné. Roi d'Aragon : Jacques II. Roi de France : Philippe IV le Bel.
" C'est l'oeuvre propre des âmes justes que de nourrir les pauvres et de racheter les captifs."
Lactance.
Saint Pierre Pascal, religieux de l'Ordre de Notre-Dame de la Merci
pour le rachat des captifs : ici éclairé par un ange dans le cachot
obscur où il attendit son martyr. Zurbaran. XVIIe.
Depuis que les Maures se furent emparés des plus belles provinces d'Espagne, vers l'année 714, Dieu ne manqua jamais de susciter des personnes d'une insigne piété, pour y soutenir généreusement la foi contre leur presécution, et pour assister les captifs qui gémissaient sous leur tyrannie. Les ancêtres de notre saint, originaire de Valence, se signalèrent dans ces actes de piété et de miséricorde, et même cinq d'entre eux donnèrent leur sang pour la religion.
Les parents de saint Pierre Pascal, qui héritèrent d'eux ce zèle pour la foi chrétienne, employaient leurs grands biens à entretenir le couvent du Saint-Sépulcre dans la même ville de Valence, et à racheter les esclaves chrétiens. C'était aussi chez eux que logeait ordinairement saint Pierre Nolasque, lorsqu'il allait traviller en ce lieu au rachat de ces malheureux.
Comme il vit qu'ils n'avaient pas d'enfants, il pria Dieu qu'Il leur en donnât un qui pût imiter leur ferveur et continuer l'exercice de la charité qu'ils pratiquaient avec tant de constance. Sa prière fut exaucée, et notre saint fut cet enfant d'oraison et de bénédiction qu'il avait demandé avec tant d'instance. Notre saint naquit le 6 décembre 1227 et on le nomma Pierre Nicolas en considération de saint Nicolas dont on célébrait la fête ce jour-là et de saint Pierre Nolasque qui l'avait obtenu par sses larmes et ses prières.
Dès son enfance, il donna des marques éclatantes de la sainteté à laquelle il était appelé par la divine providence; Il était ravi de porter lui-même aux pauvres l'aumône que son père avait coutûme de leur donner. Il réservait toujours pour eux la moitié de sa viande et de son pain, et il était impossible aux jours de jeûne, de la faire manger le matin.
Quand il eut appris son cathéchisme, son plaisir était de l'enseigner aux autres enfants des Chrétiens et des Maures. Il sentit dès lors un si grand désir de mourir martyr, qu'un jour il pria les petits Maures de le traiter comme leurs pères traitaient les Chrétioens qu'ils tenaient captifs ; et ces petits barbares l'outragèrent alors si cruellement, qu'il eût été massacré si l'on eût couru à son secours. Une autre fois, pendant une horrible persécution des mêmes infidèles, qui étaient maîtres de Valence, on eut bien de la peine à le retenir dans la maison, tant il souhaitait d'endurer la mort pour la cause de son Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ.
Statue de saint Pierre Pascal.
Lorsqu'il eut appris les premiers principes de la grammaire au couvent du Saint-Sépulcre, il fut mis sous la conduite d'un très vertueux prêtres, natif de Narbonne et docteur de la faculté de Paris, que ses parents avaient racheté avec une somme considérable.
Il devint aussi saint que savant à l'école d'un si bon maître. Le temps qui lui restait après ses études, il l'employait à apprendre le chant et les cérémonies de l'Eglise, à prier, à méditer, à lire les saintes Ecritures et à secourir, par des paroles pleines de ferveur et d'onction, et souvent aussi par des aumônes, les pauvres et les esclaves qu'il voyait dans la misère.
Vers ce temps, le roi d'Aragon défit les Maures et consuit sur eux le royaume et la ville de Valence ; et, comme il fut informé du mérite extraordinaire de Pierre Pascal, il le nomma chanoine de la cathédrale. Cette dignité obligea notre saint de se perfectionner dans la connaissance des saintes Lettres ; ainsi, sachant que l'Université de Paris était la mère de toutes les sciences, il y vint avec son précepteur et y fit son cours de théologie.
Sa vertu et et son bel esprit lui attirèrent bientôt l'estime et l'amour des plus éclairés d'entre les docteurs. L'évêque même le prit en affection, et lui ayant conféré les ordres sacrés, il lui commanda de prêcher l'Evangile. Ses prédications furent applaudies de tout le monde et produisirent de grands fruits parmi ses auditeurs. Il enseigna aussi publiquement dans une chaire de l'Université, et reçut le bonnet de docteur n'ayant encore que vingt-trois ans.
Cependant, la charité de Notre Seigneur Jésus-Christ le pressait toujours, et il brûlait du désir d'assister les esclaves chrétiens, qui, outre les misères du corps, étaient tous les jours en danger de faire naufrage dans la foi. Ainsi il forma le dessein de se faire religieux de l'Ordre de la Merci, d'autant plus que cet Ordre est particulièement appliqué à la dévotion et à la vénération de la très sainte Vierge, pour laquelle il avait une singulière dévotion lui-même.
Il reourna pour cela en Espagne et se présenta à saint Pierre Nolasque qu'il regardait comme son père, puisque c'était par ses prières qu'il avait été obtenu du Ciel. Ce saint instituteur l'obligea encore à faire un an les fonctions de chanoine, pour édifier tout son chapitre par l'exemple de ses vertus ; ensuite, lui ayant fait faire une retraite dans un couvent de son ordre nommé Notre-Dame du Puche, il lui donna l'habit de religieux à Valence, le jour des Rois de l'année 1251.
Comme ce fervent novice avait toujours mené une vie innocente et pénitente dans le monde, il n'eut aucune peine à se former aux exercice de la religion. Après sa profession, il alla à Barcelone, auprès de son bienheureux supérieur, et s'y occupa à prêcher et à enseigner la théologie, jusqu'à ce que le roi d'Aragon le demanda pour précepteur de l'infant Don Sanche, son fils, qui voulait embrasser l'état ecclésiastique. Il se rendit pour cela à Sagragosse, et s'acquitta si dignement de cette importante fonction, que son illustre disciple, à qui il apprit particulièrement la science des Saints, voulut embrasser son institut et se faire, comme lui, religieux de la Merci.
Cette retraite du jeune prince donna liberté à saint Pierre Pascal d'aller racheter des esclaves au pays des Maures. Il en ramena un grand nombre de Tolède, et ceux qu'il ne put pas délivrer, il les confessa, les exhorta à la patience et les laissa parfaitement consolés. A son retour, il trouva un ordre de saint Pierre Nolasque de se rendre au plus tôt auprès de lui. C'est que le saint voulait mourir entre ses bras et le faire héritier de son esprit et de son zèle. Peu d'année après, le prince infant, dont nous venons de perler, fut élu archevêque de Tolède ; et, comme il n'avait pas encore l'âge assignée par les Canons pour gouverner cette Eglise, il demanda au pape Urbain IV saint Pierre Pascal pour son co-adjuteur.
Sa sainteté, qui était informée des mérites de cet excellent religieux, approuva ce choix et le nomma pour cela évêque titulaire de Grenade, qui était encore sous la puissance des Maures. Il fut sacré, en cette qualité, l'an 1262, après quoi il entreprit, avec le zèle d'un véritable pasteur, la conduite de ce grand archevêché, qui lui était confié ; il en visita les villes, les bourgs et les villages, y fit des missions apostoliques et n'épargna rien pour en bannir tous les désordres. La discipline ecclésiastique s'y étant beaucoup relâchée, il fit des règlements admirables pour la rétablir dans sa première vigueur. Comme l'ignorance y régnait parmi les curés, il composa un excellent livre pour leur instruction. Le peuple, vivant dans le vice et le libertinage, il employa toute sa vigilance pastorale pour le réformer ; mais il fut enfin déchargé de ce fardeau par le décès de l'archevêque, qui mourut en 1275, des blessures qu'il avait reçues dans un combat contre les Maures.
Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Jaën. Andalousie. Espagne.
Alors il se retira dans un couvent de son Ordre, afin d'y attendre l'occasion de faire de nouveaux voyages pour la rédemption des captifs. Il demandait souvent à Dieu qu'il lui fût ordonné de passer à Tunis, en Afrique, où il espérait que son zèle contre l'impiété des Mahométans lui procurait la couronne de martyre. Cependant il fit des missions très fructueuses en diverses provinces d'Espagne et de Portugal, et il fonda des monastères de son institut à Tolède, à Baeza, à Xérès, pour avoir des ouvriers qui pussent seconder son zèle ? L'état de l'Eglise de Grenade, affligée et accablée sous la tyrannie des infidèles, le touchait extrêmement ; il se crut donc obligé de s'y rendre pour offrir son secours aux esclaves chrétiens, qui pour être dans les fers, ne laissaient pas d'être les ouailles de son troupeau.
On ne peut exprimer les fruits que sa présence produisit dans cette ville. Il était la lumière et le soutien de ces pauvres persécutés ; il les visitait en prison, les servait dans leurs maladies, les consolait dans leurs angoisses, les soulageait dans leur pauvreté et leur misère, leur administrait les Sacrements et les instruisait des points nécessaires de la doctrine de l'Eglise. Plusieurs, désespérés par le mauvais traitement de leurs patrons, furent affermis par ses ferventes exhortations. Les rénégats rentrèrent, par ses soins, dans le giron de l'Eglise.
Il convertit à la foi quantité de Maures et de Juifs, et procura à un grand nombre de Chrétiens une double liberté, en les retirant en même temps de la servitude du péché et de l'esclavage des hommes. Il fonda à Jaën un couvent de son Ordre, afin que les religieux pussent aller de là secrètement à Grenade, pour l'assistance des captifs.
Les infidèles ne purent s'empêcher d'admirer sa vertu, et il n'y en avait presque point qui ne lui portassent un singulier respect. Un des juges de la ville ayant arrêté prisonniers les Pères Rédempteur de Castille et d'Aragon, et saisi tout l'argent qu'ils apportaient pour le rachat des captifs, bien qu'ils fussent munis de bons passeports, il alla le trouver, et lui parla avec tant de courage et de fermeté, qu'il le contraig^nit enfin de lui rendre les Pères prisonniers avec tout leur argent.
Les nécessités pressantes de son Eglise l'ayant obligé de faire un voyage à Rome, il y fut reçu avec de grands témoignages d'estime et d'amitié par le pape Nicolas IV, qui l'avait bien connu à Tolède, lorsqu'étant général de l'Ordre de Saint-François et à Sainte-Marie-Majeure, par le commandement de Sa Sainteté, et y fit des conversions admirables. Etant aux pieds des tombeaux des Apôtres, il leur demanda avec instance d'avoir part à ce zèle du salut des âmes dont ils avaient été embrasés, et il ne faut point douter que cette demande lui fut accordée.
Le Pape, merveilleusement édifié de son zèle, le jugea fort propre pour prêcher la croisade, et l'envoya pour cela en France et en Espagne, avec l'autorité de Légat. Il prêcha, depuis Rome jusqu'à Paris, dans presque toutes les villes et les bourgs où il entra, et fit en plusieurs lieux de grands miracles pour témoignage que c'était la volonté de Dieu qu'on prît les armes pour le recouvrement de la Terre sainte. A Paris, le roi et toute la cour, l'Université et le peuple l'accueillirent avec les honneurs dus à son mérite et à son carcatère. On vint à ses sermons avec empressement, et le succès fut si grand, que, si l'Espagne eût pu répondre à l'ardeur des Français, qui s'enrôlèrent en foule pour cette bonne oeuvre, on aurait pu venir à bout de cette entreprise. On remarque qu'étant dans la ville, il y soutint avec beaucoup de lumière et de courage le mystère de la conception immaculée de la trsè sainte Vierge, et cette Reine des anges, pour lui témoigner sa reconnaissance, lui apparu la nuit suivante, environnée de séraphins, et lui mit sur la tête une couronne de gloire. Il reçut encore d'autres faveurs extraordinaires en ce voyage, tant de son ange gardien que de Notre Seigneur.
L'an 1269, on l'élut évêque de Jaën. Ce diocèse n'avait point de pasteur depuis cinq ans, et il était en la puissance des Maures ; on peut juger de là combien il avait besoin d'un prélat zélé et vigilant. Il le visita avec grand soin, en reconnut tous les désordres et y appliqua des remèdes si convenables, qu'on y vit, en peu de temps, refleurir la discipline chrétienne. L'année suivante, il retourna à Grenade, où il employa tout son revenu au soulagement des pauvres et au rachat des esclaves.
Il entreprit même de convertir encore des Mahométans, et sa parole eut tant de force, qu'il y en eut beaucoup qui renoncèrent aux rêveries de Mahomet pour embrasser la doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les partisans de l'Alcoran lui en firent un crime d'Etat ; on l'arrêta prisonnier, on le chargea de chaînes et on lui fit subir de très rudes traitements. Dès que l'on apprit ce malheur dans Jaën et dans Baeza, le clergé et le peuple chrétien se cotisèrent et lui envoyèrent une somme considérable d'argent pour payer sa rançon : il la reçut avec beaucoup de reconnaissance ; mais par charité, dont il n'y a presque point d'exemple, au lieu de l'employer pour se mettre lui-même en liberté, il l'employa à la délivrance de quantité de femmes et d'enfants, dont la faiblesse lui faisait craindre qu'ils n'abandonnassent enfin la religion chrétienne.
Il composa dans sa prison plusieurs traités pour servir de préservatifs aux fidèles, et pour désabuser les rénégats qui s'étaient laissé séduire par les contes de Mahomet. Ainsi, comme un autre saint Paul, il engendra plusieurs enfants spirituels dans les chaînes. Il fut consolé dans cet état par plusieurs visions célestes. La plus considérable fut celle où Notre Seigneur Jésus-Christ se présenta à lui sous la figure d'un enfant de quatre à cinq ans, et vêtu en esclaves pour lui servir la messe. Le saint évêque, après son action de grâces, croyant que c'était un enfant comme les autres, lui fit quelques demandes sur le cathéchisme ; il y répondit avec une sagesse et une modestie qui le surprirent. Mais quand il vint à lui demander ce que c'était que Jésus-Christ ; alors l'enfant découvrit qui il était, et lui dit :
" Pierre, c'est Moi qui suis Jésus-Christ ; considère Mes mains et Mon côté, tu y trouveras les marques de mes plaies. Au reste, parce que tu es demeuré prisonnier pour donner la liberté à Mes esclaves, tu M'as fait Moi-même ton prisonnier."
Et ayant dit ce paroles, Il disparut.
Sous les traits d'un petit enfant de 5 ans, Notre Seigneur Jésus-Christ
sert la messe de saint Pierre Pascal. Jerónimo Jacinto de Espinosa. XVIIe.
Les Alfaquis ayant été informés des compositions qu'il faisait dans sa prison contre les erreurs de leur secte, le firent enfermer dans un cachot fort obscur sans permettre à personne de le voir. Mais les anges l'éclairèrent au milieu de ces ténèbres, et l'on dit même qu'il lui fournirent des plumes, de l'encre et du papier pour achever un nouveau traité contre les extravagances de l'Alcoran. L'impossibilité où il se voyait d'assister les Chrétiens esclaves et les Barbares qu'il avait convertis l'affligeait extrêmement.
Mais les anges le portèrent plusieurs fois dans les lieux où ces infortunés, presque au désespoir, réclamaient son secours. Il passait souvent ses les nuits en oraison, et pratiquait de sanglantes mortifications, pour leur obtenir de Dieu la fermeté et la persévérance, et il avait la consolation d'apprendre du Ciel même le bon succès de ses prières. Il n'était presque jamais sans la compagnie de ces esprits bienheureux. Ses gardes virent souvent sa prison toute lumineuse ; et un jour ils en virent sortir un enfant d'une grâce et d'une beauté ravissante. Ces merveilles furent cause que le prince le fit élargir, mais avec défense de rien écrire à l'avenir, contre la foi de Mahomet.
Il se moqua de cette défense, et il ne laissa pas, dans la liberté dont il jouissait, de composer un livre très fort et très pressant contre cette secte abominable. Un jour, pendant qu'il travaillait, les Chrétiens virent sur sa tête un globe de feu qui le couvrait de tous côtés d'une lumière admirable.
Pour las Alfaquis et les Marabouts, dès qu'ils en furent informés, ils lui suscitèrent une furieuse persécution, et demandèrent opiniâtrement qu'il fût arrêter et mis à mort. Il firent tant de vacarme, que le roi, craignant une sédition générale, et même un attentat contre sa personne royale, pâre qu'on savait qu'il avait un exemplaire de cet écrit, l'abandonna à leur fureur.
Il se prépara avec joie à ce sacrifice qu'il avait tant désiré, et dont il devait être la victime. Son ange gardien lui ayant déclér qu'il serait massacré le lendemain matin, il passa toute la nuit en prières, s'offrant à Notre Seigneur Jésus-Christ pour le salut des Chrétiens, ses enfants, et des Maures, ses persécuteurs.
Il senti néanmoins des craintes et des frayeurs, et il souffrit une agonie pareille à celle que Notre Seigneur Jésus-Christ endura au jardin des Oliviers ; mais il se calma bientôt par un parfait abandon aux dispositions de la divine Providence.
Son Sauveur lui apparut alors, comme attaché à la croix, et revêtu des splendeurs de l'éternité, Il lui dit :
" Pierre, J'ai été sensible comme toi, et J'ai partout enduré d'horribles tourments pour ton amour."
Cela répandit un telle onction dans son âme, qu'il ne respira plus depuis que le martyre.
Les geoliers furent témoins de cette clarté extraordinaire qui les fit tomber à la renverse, et ils en informèrent les Chrétiens. Le matin, saint Pierre Pascal célébra la messe
mercredi, 23 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
8 décembre. L'Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie. 1854.
- L'Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie. 1854.
Pape : Pie IX.
" Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te."
" Vous êtes toute belle, Vierge bien-aimée, et l'oeil scrutateur d'un Dieu n'a pu découvrir en vous la moindre tâche."
Cantique des Cantiques. IV, 7.
L'Immaculée Conception. Carlo Crivelli. XVe.
Enfin, l'aurore du Soleil tant désiré brille aux extrémités du ciel, tendre et radieuse. L'heureuse Mère du Messie devait naître avant le Messie lui-même ; et ce jour est celui de la Conception de Marie. La terre possède déjà un premier gage des célestes miséricordes ; le Fils de l'homme est à la porte. Deux vrais Israélites, Joachim et Anne, nobles rejetons de la famille de David, voient enfin, après une longue stérilité, leur union rendue féconde par la toute-puissance divine. Gloire au Seigneur qui s'est souvenu de ses promesses, et qui daigne, du haut du ciel, annoncer la fin du déluge de l'iniquité, en envoyant à la terre la blanche et douce colombe qui porte la nouvelle de paix !
La fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge est la plus solennelle de toutes celles que l'Eglise célèbre au saint temps de l'Avent ; et s'il était nécessaire que la première partie du Cycle présentât la commémoration de quelqu'un des Mystères de Marie, il n'en est aucun dont l'objet pût offrir de plus touchantes harmonies avec les pieuses préoccupations de l'Eglise en cette mystique saison de l'attente. Célébrons donc avec joie cette solennité ; car la Conception de Marie présage la prochaine Naissance de Jésus.
L'intention de l'Eglise, dans cette fête, n'est pas seulement de célébrer l'anniversaire de l'instant fortuné auquel commença, au sein de la pieuse Anne, la vie de la très glorieuse Vierge Marie; mais encore d'honorer le sublime privilège en vertu duquel Marie a été préservée de la tache originelle que, par un décret souverain et universel, tous les enfants d'Adam contractent au moment même où ils sont conçus dans le sein de leurs mères.
Définition du dogme de l'Immaculée Conception par le pape Pie IX,
La foi de l'Eglise catholique que nous avons entendu solennellement reconnaître comme révélée de Dieu même, au jour à jamais mémorable du huit Décembre 1854, cette foi qu'a proclamée l'oracle apostolique, par la bouche de Pie IX, aux acclamations de la chrétienté tout entière, nous enseigne qu'au moment où Dieu a uni l'âme de Marie qu'il venait de créer au corps qu'elle devait animer, cette âme à jamais bénie, non seulement n'a pas contracté la souillure qui envahit à ce moment toute âme humaine, mais qu'elle a été remplie d'une grâce immense qui l'a rendue, dès ce moment, le miroir de la sainteté de Dieu même, autant qu'il est possible à un être créé.
Une telle suspension de la loi portée par la justice divine contre toute la postérité de nos premiers parents était motivée par le respect que Dieu porte à sa propre sainteté. Les rapports que Marie devait avoir avec la divinité même, étant non seulement la Fille du Père céleste, mais appelée à devenir la propre Mère du Fils, et le Sanctuaire ineffable de l'Esprit-Saint, ces rapports exigeaient que rien de souillé ne se rencontrât, même un seul instant, dans la créature prédestinée à de si étroites relations avec l'adorable Trinité ; qu'aucune ombre n'eût jamais obscurci en Marie la pureté parfaite que le Dieu souverainement saint veut trouver même dans les êtres qu'il appelle à jouir au ciel de sa simple vue ; en un mot, comme le dit le grand Docteur saint Anselme :
" Il était juste qu'elle fût ornée d'une pureté au-dessus de laquelle on n'en puisse concevoir de plus grande que celle de Dieu même, cette Vierge à qui Dieu le Père devait donner son Fils d'une manière si particulière que ce Fils deviendrait par nature le Fils commun et unique de Dieu et de la Vierge ; cette Vierge que le Fils devait élire pour en faire substantiellement sa Mère, et au sein de laquelle l'Esprit-Saint voulait opérer la conception et la naissance de Celui dont il procédait lui-même."
(De Conceptu Virginali. Cap. XVIII.).
L'Immaculée Conception. Bartolomé Esteban Murillo. XVIIe.
En même temps, les relations que le Fils de Dieu avait à contracter avec Marie, relations ineffables de tendresse et de déférence filiales, avant été éternellement présentes à sa pensée, elles obligent à conclure que le Verbe divin a ressenti pour cette Mère qu'il devait avoir dans le temps, un amour d'une nature infiniment supérieure à celui qu'il éprouvait pour tous les êtres créés par sa puissance. L'honneur de Marie lui a été cher au-dessus de tout, parce qu'elle devait être sa Mère, qu'elle l'était même déjà dans ses éternels et miséricordieux desseins. L'amour du Fils a du protégé la Mère ; et si celle-ci, dans son humilité sublime, n'a repoussé aucune des conditions auxquelles sont soumises toutes les créatures de Dieu, aucune des exigences même de la loi de Moïse qui n'avait pas été portée pour elle, la main du Fils divin a abaissé pour elle l'humiliante barrière qui arrête tout enfant d'Adam venant en ce monde, et lui ferme le sentier de la lumière et de la grâce jusqu'à ce qu'il ait été régénéré dans une nouvelle naissance.
Le Père céleste ne pouvait pas faire moins pour la nouvelle Eve qu'il n'avait fait pour l'ancienne, qui fut établie tout d'abord, ainsi que le premier homme, dans l'état de sainteté originelle où elle ne sut pas se maintenir. Le Fils de Dieu ne devait pas souffrir que la femme à laquelle il emprunterait sa nature humaine eût à envier quelque chose à celle qui a été la mère de prévarication.
L'Esprit-Saint, qui devait la couvrir de son ombre et la rendre féconde par sa divine opération, ne pouvait pas permettre que sa Bien-Aimée fût un seul instant maculée de la tache honteuse avec laquelle nous sommes conçus. La sentence est universelle ; mais une Mère de Dieu devait en être exempte. Dieu auteur de la loi, Dieu qui a posé librement cette loi, n'était-il pas le maître d'en affranchir celle qu'il avait destinée à lui être unie en tant de manières ? Il le pouvait, Il le devait : Il l'a donc fait.
L'Immaculée Conception. Eglise Saint-Sébastien.
Et n'était-ce pas cette glorieuse exception qu'il annonçait lui-même au moment où comparurent devant sa majesté offensée les deux prévaricateurs dont nous sommes tous issus ? La promesse miséricordieuse descendait sur nous dans l'anathème qui tombait sur le serpent.
" J'établirai moi-même, disait Jéhovah, une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et son fruit ; et elle-même t'écrasera la tête."
Ainsi, le salut était annoncé à la famille humaine sous la forme d'une victoire contre Satan ; et cette victoire, c'est la Femme qui la devait remporter pour nous tous. Et que l'on ne dise pas que ce sera le fils de la femme qui la remportera seul, cette victoire : le Seigneur nous dit que l'inimitié de la femme contre le serpent sera personnelle, et que, de son pied vainqueur, elle brisera la tête de l'odieux reptile ; en un mot, que la nouvelle Eve sera digne du nouvel Adam, triomphante comme lui ; que la race humaine un jour sera vengée, non seulement parle Dieu fait homme, mais aussi par la Femme miraculeusement soustraite à toute atteinte du péché ; en sorte que la création primitive dans la sainteté et la justice (Ephes. IV, 24.) reparaîtra en elle, comme si la faute primitive n'avait pas été commise.
Relevez donc la tête, enfants d'Adam, et secouez vos chaînes. Aujourd'hui, l'humiliation qui pesait sur vous est anéantie. Voici que Marie, qui est votre chair et votre sang, a vu reculer devant elle le torrent du péché qui entraîne toutes les générations : le souffle du dragon infernal s'est détourné pour ne pas la flétrir ; la dignité première de votre origine est rétablie en elle. Saluez donc ce jour fortuné où la pureté première de votre sang est renouvelée : la nouvelle Eve est produite ; et de son sang qui est aussi le vôtre, moins le péché, elle va vous donner, sous peu d'heures, le Dieu-homme qui procède d'elle selon la chair, comme il sort de son Père par une génération éternelle.
L'Immaculée Conception. Eglise Saint-Maurice de Wolshwiller.
Et comment n'admirerions-nous pas la pureté incomparable de Marie dans sa conception immaculée, lorsque nous entendons, dans le divin Cantique, le Dieu même qui l'a ainsi préparée pour être sa Mère, lui dire avec l'accent d'une complaisance toute d'amour :
" Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a en vous aucune tache." (Cant. IV, 7.).
C'est le Dieu de toute sainteté qui parle ; son œil qui pénètre tout ne découvre en Marie aucune trace, aucune cicatrice du péché ; voilà pourquoi il se conjoint avec elle, et la félicite du don qu'il a daigné lui faire. Après cela, nous étonnerons-nous que Gabriel, descendu des cieux pour lui apporter le divin message, soit saisi d'admiration à la vue de cette pureté dont le point de départ a été si glorieux et les accroissements sans limites ; qu'il s'incline profondément devant une telle merveille, et qu'il dise :
" Salut, Ô Marie, pleine de grâce !"
Gabriel mène sa vie immortelle au centre de toutes les magnificences de la création, de toutes les richesses du ciel ; il est le frère des Chérubins et des Séraphins, des Trônes et des Dominations ; son regard parcourt éternellement ces neuf hiérarchies angéliques où la lumière et la sainteté resplendissent souverainement, croissant toujours de degré en degré ; mais voici qu'il a rencontré sur la terre, dans une créature d'un rang inférieur aux Anges, la plénitude de la grâce, de cette grâce qui n'a été donnée qu'avec mesure aux Esprits célestes, et qui repose en Marie depuis le premier instant de sa création. C'est la future Mère de Dieu toujours sainte, toujours pure, toujours immaculée.
L'Immaculée Conception. Eglise de l'Ordination-de-Saint-Martin.
Cette vérité révélée aux Apôtres par le divin Fils de Marie, recueillie dans l'Eglise, enseignée par les saints Docteurs, crue avec une fidélité toujours plus grande par le peuple chrétien, était contenue dans la notion même d'une Mère de Dieu. Croire Marie Mère de Dieu, c'était déjà croire implicitement que celle en qui devait se réaliser ce titre sublime n'avait jamais rien eu de commun avec le péché, et que nulle exception n'avait pu coûter à Dieu pour l'en préserver. Mais désormais l'honneur de Marie est appuyé sur la sentence explicite qu'a dictée l'Esprit-Saint.
Pierre a parlé par la bouche de Pie IX ; et lorsque Pierre a parlé, tout fidèle doit croire ; car le Fils de Dieu a dit :
" J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille jamais " (Luc. XXVII, 32) ; et il a dit aussi : " Je vous enverrai l'Esprit de vérité qui demeurera avec vous à jamais, et vous fera souci venir de tout ce que je vous avais enseigné." (Johan. XIV, 20.).
Le symbole de notre foi a donc acquis, non une vérité nouvelle, mais une nouvelle lumière sur la vérité qui était auparavant l'objet de la croyance universelle. En ce jour, le serpent infernal a senti de nouveau la pression victorieuse du pied de la Vierge-mère, et le Seigneur a daigné nous donner le gage le plus signalé de ses miséricordes. Il aime encore cette terre coupable ; car il a daigné l'éclairer tout entière d'un des plus beaux rayons de la gloire de sa Mère. N'a-t-elle pas tressailli, cette terre ? N'a-t-elle pas ressenti à ce moment un enthousiasme que notre génération n'oubliera jamais ? Quelque chose de grand s'accomplissait à cette moitié du siècle ; et nous attendrons désormais les temps avec plus de confiance, puisque si l'Esprit-Saint nous avertit de craindre pour les jours où les vérités diminuent chez les enfants des hommes, il nous dit assez par là que nous devons regarder comme heureux les jours où les vérités croissent pour nous en lumière et en autorité.
L'Immaculée Conception. Giambattista Tiepolo. XVIe.
En attendant l'heure de la proclamation solennelle du grand dogme, la sainte Eglise le confessait chaque année, en célébrant la fête d'aujourd'hui. Cette fête n'était pas appelée, il est vrai, la Conception immaculée, mais simplement la Conception de Marie. Toutefois, le fait de son institution et de sa célébration exprimait déjà suffisamment la croyance de la chrétienté.
L'Eglise grecque, héritière plus prochaine des pieuses traditions de l'Orient, la célébrait déjà au VIe siècle, comme on le voit par le Type ou cérémonial de saint Sabbas. En Occident nous la trouvons établie dès le VIIIe siècle, dans l'Eglise gothique d'Espagne. Un célèbre calendrier gravé sur le marbre, au IXe siècle, pour l'usage de l'Eglise de Naples, nous la montre déjà instituée à cette époque.
Nous la trouvons en Allemagne sanctionnée dans un concile présidé, en 1049, par saint Léon IX ; dans la Navarre, en 1090, à l'abbaye d'Irach ; en Belgique, à Liège, en 1142. C'est ainsi que toutes les Eglises de l'Occident rendaient tour à tour témoignage au mystère, en acceptant la fête qui l'exprimait.
L'Immaculée Conception. Francisco de Zurbarán. XVIIe.
Enfin, l'Eglise de Rome l'adopta elle-même, et par son concours vint rendre plus imposant encore ce concert de toutes les Eglises. Ce fut Sixte IV qui, en 1476, rendit le décret qui instituait la fête de la Conception de Notre-Dame dans la ville de saint Pierre. Au siècle suivant, en 1568, saint Pie V publiait l'édition universelle du Bréviaire Romain ; on y voyait cette fête inscrite au calendrier, comme l'une des solennités chrétiennes qui doivent chaque année réunir les vœux des fidèles. Rome n'avait pas déterminé le mouvement de la piété catholique envers le mystère ; elle le sanctionnait de son autorité liturgique, comme elle Fa confirmé, dans ces derniers temps, de son autorité doctrinale.
Les trois grands Etats de l'Europe catholique, l'Empire d'Allemagne, la France et l'Espagne, se signalèrent, chacun à sa manière, par les manifestations de leur piété envers Marie immaculée dans sa Conception. La France, par l'entremise de Louis XIV, obtint de Clément IX que la fête serait célébrée avec Octave dans le royaume : faveur qui fut bientôt étendue à l'Eglise universelle par Innocent XII. Déjà, depuis des siècles, la Faculté de théologie de Paris astreignait tous ses Docteurs à prêter serment de soutenir le privilège de Marie, et elle maintint cette pieuse pratique jusqu'à son dernier jour.
L'empereur Ferdinand III, en 1647, fit élever sur la grande place de Vienne une splendide colonne couverte d'emblèmes et de figures qui sont autant de symboles de la victoire que Marie a remportée sur le péché, et surmontée de la statue de notre Reine immaculée, avec cette pompeuse et catholique inscription :
vendredi, 08 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (2)
9 décembre. Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.
- Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.
Pape : Saint Martin Ier. Roi de Domnonée : Saint Judicaël.
Saint Budoc conseillant à saint Magloire de ne point abandonner sa charge d'évêque de Dol.
Saint Budoc. Gourin. Bretagne.
Judual, prince de Bretagne, qui dut à saint Samson de recouvrer l'héritage de ses pères, et qui régna ensuite dans ce pays sous le nom d'Alain Ier, eut de son mariage avec Azénor, fille du comte de Léon, six fils, dont le quatrième se nommait Budoc (ou Deroch, ou encore Beuzec).
Saint Budoc. Reproduction de la statue de saint Budoc du
Son mérite n'échappa pas à saint Magloire, qui, voulant se décharger du fardeau de l'épiscopat, le désigna pour son successeur et le sacra évêque. On vit bientôt le disciple animé du même esprit que les saints maîtres qui l'avaient dirigé dans les voies de la perfection, et l'on reconnu qu'il possédait toutes les vertus d'un véritable pasteur.
Sacre de saint Budoc. Bas-relief en bois doré.
Chapelle Saint-Samson. Posporder. Léon. Bretagne.
L'histoire ne nous a pas conservée le détail des actions de saint Budoc pendant son épiscopat. On sait seulement qu'il entreprit un voyage à Jérusalem et qu'il s'y fit tellement estimé qu'on lui donna un grand nombre de reliques, qui furent dans la suite portées à Orléans et déposées dans l'église de Saint-Samson.
Fontaine Saint-Budoc. Chapelle Saint-Conogan.
Les reliques de saint Budoc étaient conservées à Dol, à l'époque du procès entre cette église et celle de Tours, ainsi que l'atteste une pièce qui servit à cette cause et que dom Morice apubliée dans ses Mémoires. Il paraît qu'elles furent détruites ou perdues, lorsque Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, vint, au commencement du XIIIe siècle, faire le siège de Dol et en brûla la cathédrale. On assure que la paroisse de Plourin, dans le diocèse de Léon, en possède encore une partie.
HYMNE
Tropaire de saint Budoc (tiré de son office à neuf leçons).
" Tu fus miraculeusement préservé de la furie de l'océan
Puis étant nourri par la main de Dieu,
Tu te dévouas entièrement à Son service, Ô saint évêque Budoc.
Étant couvert d'honneurs aussi bien temporels que spirituels à Armagh et Dol,
Tu œuvras pour gagner les âmes au Christ,
C'est pourquoi nous implorons ton aide,
Supplie le Christ notre Dieu afin qu'Il nous sauve."
Statue de saint Budoc. Cimetière de Trévagan. Léon. Bretagne.
Rq : Reproduites par ignorance ou par malveillance sur l'Internet, les légendes nombreuses autour de saint Budoc, celles touchant à sa jeunesse en particulier, sont rien moins que fantaisistes. Dom Lobineau, le grand hagiographe des Saints de Bretagne, mais aussi, avec plus de prudence, le dominicain breton Albert Le Grand, ont rejeté la quasi-totalité de ce que l'on peut trouver de fantastique. Il est tellement hasardeux de démêler ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces récits que l'on s'abstiendra d'y ajouter foi.
samedi, 09 décembre 2023 | Lien permanent
10 décembre. Notre Dame de Lorette. Translation de la maison de la sainte Vierge de Nazareth en Dalmatie et de Dalmatie
- Translation de la maison de la sainte Vierge de Nazareth en Dalmatie et de Dalmatie à Lorette. 1294.
Pape : Innocent IV. Empereur germanique : Frédéric II de Hohenstaufen.
" Oui, nous voudrons tous entrer dans sa maison, nous voudrons baiser amoureusement le sol que foulèrent jadis les pieds sacrés."
Ps. CXXXI.
Cette fête n'est pas inscrite sur le Calendrier universel et obligatoire ; mais elle se célèbre en ce jour, à Rome et dans tout l'Etat Pontifical, dans la Toscane, le Royaume de Naples, l'Espagne, la Belgique, dans de nombreux diocèses de la Chrétienté, et aussi dans la plupart des Ordres religieux. Elle a pour but de remercier Dieu du grand bienfait dont il daigna gratifier la Chrétienté occidentale, lorsque, pour compenser la perte du saint Sépulcre, il fit transporter miraculeusement en terre catholique l'humble et auguste maison dans laquelle la Vierge Marie reçut le message de l'Ange, et où, par le consentement de cette divine Mère de Dieu, le Verbe se fît chair et commença d'habiter avec nous.
Loreto. Marche d'Ancône. Italie.
Tel est le résultat du triste rationalisme auquel la piété française avait été asservie durant plus d'un siècle, qu'il n'est pas rare de rencontrer des personnes sincèrement dévouées à la foi catholique, et pour lesquelles un si grand événement est presque comme s'il n'était pas. Pour venir à leur secours, au cas que ce livre leur tombât entre les mains, nous avons cru devoir placer ici le récit exact et succinct du prodige qui fait l'objet de la Fête d'aujourd'hui ; et afin d'accomplir cette tâche d'une manière qui puisse satisfaire toutes les susceptibilités, nous emprunterons la narration qu'a publiée de cet événement merveilleux le savant et judicieux auteur de la Vie de M. Olier, dans les notes du premier livre de cette excellente biographie :
" Ce fut sous le Pontificat de Célestin V, en 1291, et lorsque les Chrétiens avaient entièrement perdu les Saints-Lieux de la Palestine, que la petite maison où s'est opéré le mystère de l'Incarnation dans le sein de Marie, fut transportée par les Anges, de Nazareth dans la Dalmatie ou l'Esclavonie, sur un petit mont appelé Tersato.
Les miracles qui s'opéraient tous les jours dans cette sainte maison, l'enquête juridique que des députés du pays allèrent faire à Nazareth même, pour constater sa translation en Dalmatie, enfin la persuasion universelle des peuples qui venaient la vénérer de toutes parts, semblaient être des preuves incontestables de la vérité du prodige. Dieu voulut néanmoins en donner une nouvelle, qui eût en quelque sorte l'Italie et la Dalmatie pour témoins.
Après trois ans et sept mois, en 1294, la sainte maison fut transportée à travers la mer Adriatique au territoire de Recanati, dans une forêt appartenant à une Dame appelée Lorette ; et cet événement jeta les peuples de la Dalmatie dans une telle désolation, qu'ils semblaient ne pouvoir y survivre. Pour se consoler, ils bâtirent, sur le même terrain, une église consacrée à la Mère de Dieu, qui fut desservie depuis par des Franciscains, et sur la porte de laquelle on mit cette inscription : " Hic est locus in quo fuit sacra Domus Nazarena quae nunc in Recineti partibus colitur ".
Pièce de la Sainte Maison. Basilique de Lorette.
Il y eut même beaucoup d'habitants de la Dalmatie qui vinrent en Italie fixer leur demeure auprès de la sainte Maison, et qui y établirent la Compagnie du Corpus Domini, appelée pour cela des Esclavons, jusqu'au Pontificat de Paul III.
Cette nouvelle translation fit tant de bruit dans la Chrétienté, qu'il vint de presque toute l'Europe une multitude innombrable de pèlerins à Recanati, afin d'honorer la Maison dite depuis de Lorette. Pour constater de plus en plus la vérité de cet événement, les habitants de la province envoyèrent d'abord en Dalmatie, et ensuite à Nazareth, seize personnes des plus qualifiées, qui firent sur les lieux de nouvelles enquêtes.
Mais Dieu daigna en montrer lui-même la certitude en renouvelant, deux fois coup sur coup, le prodige de la translation dans le territoire même de Recanati. Car, au bout de huit mois, la forêt de Lorette se trouvant infestée d'assassins qui arrêtaient les pèlerins, la Maison fut transportée à un mille plus avant, et se plaça sur une petite hauteur qui appartenait à deux frères de la famille des Antici ; et enfin ceux-ci ayant pris les armes l'un contre l'autre pour partager les offrandes des pèlerins, la Maison fut transférée, en 1295, dans un endroit peu éloigné, et au milieu du chemin public où elle est restée, et où a été bâtie, depuis, la ville appelée Lorette."
Pièce de la Sainte Maison. Basilique de Lorette.
Sous le point de vue de simple critique, ce prodige est attesté non seulement par les annalistes de l'Eglise, et par les historiens particuliers de Lorette, tels que Tursellini et Martorelli, mais par des savants de premier ordre, entre lesquels nous citerons Papebrock, Noël Alexandre, Benoît XIV, Trombelli, etc. Quel homme grave et impartial oserait avouer de vaines répugnances, en présence de ces oracles de la science critique, dont l'autorité est admise comme souveraine en toute autre matière ?
Au point de vue de la piété catholique, on ne peut nier que ceux-là se rendraient coupables d'une insigne témérité, qui ne tiendraient aucun compte des prodiges sans nombre opérés dans la sainte Maison de Lorette ; comme si Dieu pouvait accréditer par des miracles ce qui ne serait que la plus grossière et la plus immorale des supercheries.
Coupole de la basilique de la Sainte Maison. Lorette.
Ils ne mériteraient pas moins cette note, pour le mépris qu'ils feraient de l'autorité du Siège Apostolique qui s'est employé avec tant de zèle, depuis plus de cinq siècles, à reconnaître ce prodige, et à le proposer aux fidèles comme un puissant moyen de rendre gloire au Verbe incarné et à sa très sainte Mère.
Peinture murale représentant l'Ange qui visite saint Joseph.
Nous citerons, comme actes explicités du Saint-Siège sur le miracle de Lorette, les Bulles de Paul II, de Léon X, de Paul III, de Paul IV et de Sixte V ; le Décret d'Urbain VIII, en 1632, pour en établir la Fête dans la Marche d'Ancône ; celui d'Innocent XII, en 1699, pour approuver l'Office ; enfin les induits de Benoît XIII et de ses successeurs, pour étendre cette Fête à un grand nombre de provinces de la catholicité.
Translation de la Sainte Maison de Notre Dame à Lorette.
Gianbattista Tiepolo. XVIIIe.
dimanche, 10 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)