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25 novembre. Sainte Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre. 311.
- Sainte Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre, patronne des écoliers et des philosophes. 311.
Papes : Saint Eusèbe Ier (+310) ; saint Miltiade. Empereur romain : Maxence.
" Nous vous saluons, Ô Catherine, perle des vierges ; nous vous saluons, glorieuse épouse du Roi des rois. Nous vous saluons, hostie vivante du Christ ; ne refusez pas vos suffrages à ceux qui implore votre protection."
Antienne de la liturgie dominicaine.

Sainte Catherine d'Alexandrie. Carlo Crivelli. XIVe.
Catherine vient de catha, qui signifie universel, et de ruina, ruine, comme si on disait ruine universelle : en effet, dans elle, l’édifice du diable fut entièrement ruiné, savoir :
- l’orgueil, par l’humilité qu'elle posséda ;
- la concupiscence de la chair, par la virginité qu'elle conserva ;
- la cupidité mondaine ; par le mépris qu'elle eut pour toutes les vanités du monde.
Ou bien Catherine, vient de chaînette, catena : car par ses bonnes œuvres, elle se fit comme une chaîne au moyen de laquelle elle monta au ciel. Et cette chaîne ou échelle est formée de quatre degrés qui sont l’innocence d'action, la pureté du coeur, le mépris de la vanité, et le langage de la vérité, degrés que le prophète a disposés par ordre quand il dit :
" Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur ?... Ce sera, répond-il, celui dont les mains sont innocentes, et qui a le coeur pur, qui n'a point pris son âme en vain, et qui n'a pas fait de faux serments contre son prochain." (Ps. XXIII.).
Ces quatre degrés ont existé dans sainte Catherine, ainsi qu'on le voit dans sa légende.

Sainte Catherine d'Alexandrie. Lorenzo Lotto. XVe.
Gertrude la Grande avait eu dès l'enfance un attrait spécial pour la glorieuse vierge Catherine ; un jour qu'elle désirait connaître ses mérites, le Seigneur la lui montra sur un trône si haut et si magnifique, que, n'y eût-il pas eu de plus grande reine dans le ciel, la gloire de celle-ci aurait semblé suffire à le remplir ; de sa couronne rejaillissait sur ceux qui l'honoraient une merveilleuse splendeur (Legatus divinae pietatis, IV, LVII.). On sait comment la Pucelle d'Orléans, placée par saint Michel Archange sous la conduite des saintes Catherine et Marguerite, reçut d'elles conseil et assistance durant sept années ; comment Sainte-Catherine-de-Fierbois fournit l'épée de la libératrice de la France
Les croisés d'Occident avaient, dans les XIIe et XIIIe siècles, éprouvé l'aide puissante de la Martyre d'Alexandrie ; ils rapportèrent d'Orient son culte en nos contrées, où lui fut vite acquise une popularité sans pareille. Un Ordre de chevalerie était fondé pour protéger les pèlerins qui allaient vénérer son saint corps au Mont Sinaï. Sa fête, élevée à la dignité de la première classe, comportait l'abstention des œuvres serviles en beaucoup d'églises.

Les philosophes chrétiens, les écoliers, les orateurs et procureurs l'honoraient comme patronne. Le doyen des avocats fut appelé bâtonnier en raison du privilège qui lui appartenait de porter sa bannière. Les jeunes filles, organisées en confréries de Sainte-Catherine, estimaient à grand honneur le soin d'orner l'image de leur Sainte vénérée.
Comptée parmi les saints auxiliateurs à titre de sage conseillère, elle voyait beaucoup d'autres corporations se réclamer d'elle, sans autre motif plausible que l'expérience faite par tous de son crédit universel auprès du Seigneur. Ses fiançailles avec le divin Enfant, d'autres traits de sa Légende, fournirent à l'art chrétien d'admirables inspirations.
Cependant le sage et pieux Baronius regrettait déjà de son temps que, sur quelques points, les Actes de la grande Martyre d'Orient donnassent prise aux doutes dont devait s'emparer la critique outrée des siècles suivants pour amoindrir la con fiance des peuples (Baron. Annal, ad ann. 307.). Au grand honneur de la virginité chrétienne, il n'en reste pas moins qu'acclamée par élèves et maîtres en la personne de Catherine, elle présida dans la vénération et l'amour au développement de l'esprit humain et de la pensée, durant ces siècles où resplendirent comme des soleils les Albert le Grand, les Thomas d'Aquin, les Bonaventure :
" Heureux les purs de cœur ! Car ils verront Dieu." (Matth. V, 8.).
" Il faut, disait Méthodius, l'évêque martyr du IVe siècle, en son Banquet des vierges, il faut que la vierge aime d'amour les saines doctrines, et qu'elle tienne une place honorable parmi ceux que distingue leur sagesse." (Method. Conviv. Oratio I, 1.).

Sainte Catherine d'Alexandrie. Francesco di Cenni. Florence. XIVe.
Sainte Catherine, fille du roi Costus, fut instruite dans l’étude de tous les arts libéraux. L'empereur Maxence avait convoqué à Alexandrie les riches aussi bien que les pauvres, afin de les faire tous immoler aux idoles et pour punir les chrétiens qui ne le voudraient pas. Alors, Catherine, âgée de 18 ans, était restée seule dans un palais plein de richesses et d'esclaves ; elle entendit les mugissements des divers animaux et les accords des chanteurs ; elle envoya donc aussitôt un messager s'informer de ce qui se passait. Quand elle l’eut appris, elle s'adjoignit quelques personnes, et se munissant du signe de la croix, elle quitta le palais et s'approcha.
Alors elle vit beaucoup de chrétiens qui, poussés par la crainte, se laissaient entraîner à offrir des sacrifices. Blessée au coeur d'une profonde douleur, elle s'avança courageusement vers l’empereur, et lui parla ainsi :
" La dignité dont tu es revêtu, aussi bien que la raison exigeraient de moi de te faire la cour, si tu connaissais le créateur du ciel, et si tu renonçais au culte des dieux."
Alors debout devant la porte du temple, elle discuta avec l’empereur, à l’aide des conclusions syllogistiques, sur une infinité de sujets qu'elle considéra au point de vue allégorique, métaphorique, dialectique et mystique. Revenant ensuite à un langage ordinaire, elle ajouta :
" Je me suis attachée à t'exposer ces vérités comme à un savant : or, maintenant pour quel motif as-tu inutilement rassemblé cette multitude afin qu'elle adorât de vaines idoles ? Tu admires ce temple élevé par la main des ouvriers ; tu admires des ornements précieux que le vent envolera comme de la poussière. Admire plutôt le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils renferment, admire les ornements du ciel, comme le soleil, la lune et les étoiles : admire leur obéissance, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin des temps ; la nuit et le jour, ils courent à l’Occident pour revenir à l’Orient, sans se fatiguer jamais : puis quand tu auras remarqué ces merveilles, cherche et apprends quel est leur maître ; lorsque, par un don de sa grâce, tu l’auras compris et que tu n'auras trouvé personne semblable à lui, adore-le, glorifie-le : car il est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs."
Quand elle lui eut exposé avec sagesse beaucoup de considérations touchant l’incarnation du Fils, l’empereur stupéfait ne sut que lui répondre. Enfin revenu à lui :
" Laisse, Ô femme, dit-il, laisse-nous terminer le sacrifice, et ensuite nous te répondrons."

Sainte Catherine confondant l'empereur Maximin par sa science.
Il commanda alors de la mener au palais et de la garder avec soin ; il était plein d'admiration pour sa sagesse et sa beauté. En effet elle était parfaitement bien faite, et son incroyable beauté la rendait aimable et agréable à tous ceux qui la voyaient. Le César vint au palais et dit à Catherine :
" Nous avons pu apprécier ton éloquence et admirer ta prudence, mais occupés à sacrifier aux dieux, nous n'avons pu comprendre exactement tout ce que tu as dit : or, avant de commencer, nous te demandons ton origine."
A cela Catherine répondit :
" Il est écrit : " Ne te loues pas ni ne te déprécies toi-même ", ce que font les sots que tourmente la vaine gloire. Cependant j'avoue mon origine, non par jactance, mais par amour pour l’humilité. Je suis Catherine, fille unique du roi Costus. Bien que née dans la pourpre et instruite assez à fond dans les arts libéraux, j'ai méprisé tout pour me réfugier auprès du Seigneur Jésus-Christ. Quant aux dieux que tu adores, ils ne peuvent être d'aucun secours ni à toi, ni à d'autres. Oh ! Qu'ils sont malheureux les adorateurs de pareilles idoles qui, au moment où on les invoque, n'assistent pas dans les nécessités, ne secourent pas dans la tribulation et ne défendent pas dans le péril !"
Le roi :
" S'il en est ainsi que tu le dis, tout le monde est dans l’erreur, et toi seule dis la vérité : cependant toute affirmation doit être confirmée par deux ou trois témoins. Quand tu serais un ange, quand tu serais une puissance céleste, personne ne devrait encore te croire ; combien moindre encore doit être la confiance en toi, car tu n'es qu'une femme fragile !"
Sainte Catherine :
" Je t'en conjure, César, ne te laisse pas dominer par ta fureur ; l’âme du sage ne doit pas être le jouet d'un funeste trouble, car le poète a dit : " Si l’esprit te gouverne, tu seras roi, si c'est le corps, tu seras esclave."
L'empereur :
" Je m’aperçois que tu te disposes à nous enlacer dans les filets d'une ruse empoisonnée, en appuyant tes paroles sur l’autorité des philosophes."
Alors l’empereur, voyant qu'il ne pouvait lutter contre la sagesse de Catherine, donna des ordres secrets pour adresser des lettres de convocation à tous les grammairiens et les rhéteurs afin qu'ils se rendissent de suite au prétoire d'Alexandrie, leur promettant d'immenses présents, s'ils réussissaient à l’emporter par leurs raisonnements sur cette vierge discoureuse.
On amena donc, de différentes provinces, cinquante orateurs qui surpassaient tous les mortels dans tous les genres de science mondaine. Ils demandèrent à l’empereur, pourquoi ils avaient été convoqués de si loin ; le césar leur répondit :
" Il v a parmi nous une jeune fille incomparable par son bon sens et sa prudence ; elle réfute tous les sages, et affirme que tous les dieux sont des démons. Si vous triomphez d'elle, vous retournerez chez vous comblés d'honneurs."
Alors l’un d'eux plein d'indignation répondit avec colère :
" Oh ! La grande détermination d'un empereur, qui, pour une discussion sans valeur avec une jeune fille, a convoqué les savants des pays les plus éloignés du monde, quand l’un de nos moindres écoliers pouvait la confondre de la façon la plus leste !"
L'empereur dit :
" Je pouvais la contraindre par la force à sacrifier, ou bien l’étouffer dans les supplices ; mais j'ai pensé qu'il valait mieux qu'elle restât tout à fait confondue par vos arguments."
Ils lui dirent alors :
" Qu'on amène devant nous la jeune fille et que, convaincue de sa témérité, elle avoue n'avoir jusqu'ici jamais vu des savants."
Mais la vierge ayant appris la lutte à laquelle elle était réservée, se recommanda toute à Dieu ; et voici qu'un ange du Seigneur se présenta devant elle et l’avertit de se tenir ferme, ajoutant que non seulement elle ne pourra être vaincue par ses adversaires, mais qu'elle les convertira et qu'elle leur frayera le chemin du martyre. Ayant donc été amenée devant les orateurs, elle dit à l’empereur :
" Est-il juste que tu opposes une jeune fille à cinquante orateurs auxquels tu promets des gratifications pour la victoire, tandis que tu me forces à combattre sans m’offrir l’espoir d'une récompense ? Cependant, pour moi, cette récompense sera Notre Seigneur Jésus-Christ : qui est l’espoir et la couronne de ceux qui combattent pour lui."

Sainte Catherine avec la palme du martyre, l'épée et la roue,
Alors les orateurs ayant avancé qu'il était impossible que Dieu se fît homme et souffrît, la vierge montra que cela avait été prédit même par les Gentils. Car Platon établit que Dieu est un cercle, mais qu'il est échancré. La sybille a dit aussi : " Bienheureux est ce Dieu qui est suspendu au haut du bois ".
Or, comme la vierge discutait avec la plus grande sagesse contre les orateurs qu'elle réfutait par des raisons évidentes, ceux-ci, stupéfaits, et ne sachant quoi répondre, furent réduits à un profond silence. Alors l’empereur, rempli contre eux d'une grande fureur, se mit à leur adresser des reproches de ce qu'ils s'étaient laissé vaincre si honteusement par une jeune fille.
L'un d'eux prit la parole et dit :
" Tu sauras, empereur, que jamais personne n'a pu lutter avec nous, sans qu'il n'eût été vaincu aussitôt : mais cette jeune fille, dans laquelle parle l’esprit de Dieu, a tellement excité notre admiration, que nous ne savons, ni n'osons absolument dire un mot contre le Christ. Alors, prince, nous avouons fermement que si tu n'apportes pas de meilleurs arguments en faveur des dieux que nous avons adorés jusqu'à présent, nous voici disposés à nous convertir tous à la foi chrétienne."
Le tyran, entendant cela, fut. outré de colère et ordonna de les faire brûler tous au milieu de la ville. Mais la vierge les fortifia, et leur inspira la constance du martyre ; puis elle les instruisit avec soin dans la foi. Et comme ils regrettaient de mourir sans le baptême, la vierge leur dit :
" Ne craignez rien, car l’effusion de votre sang vous tiendra lieu de baptême et de couronne."
Après qu'ils se furent munis du signe de la croix, on les jeta dans les flammes, et ils rendirent leur âme au Seigneur : ni leurs cheveux, ni leurs vêtements ne furent aucunement atteints par le feu. Quand ils eurent été ensevelis par les chrétiens, le tyran parla à la vierge en ces termes :
" Ô vierge généreuse, ménage ta jeunesse ; après la reine, tu tiendras le second rang dans mon palais ; ta statue sera élevée au milieu de la ville ; et tu seras adorée de tous comme une déesse."
La vierge lui répondit :
" Cesse de parler de choses qu'il est, criminel même de penser, je me suis livrée au Christ comme épouse : il est ma gloire, il est mon amour, il est ma douceur, et l’objet de ma tendresse ; ni les caresses, ni les tourments ne pourront me faire renoncer à son amour."

Sainte Catherine d'Alexandrie. Psautier cistercien. XIIIe.
Alors l’empereur furieux la fit dépouiller et fouetter avec des cordes garnies de fers tranchants (scorpions) ; puis quand elle eut été broyée, il ordonna de la traîner dans une prison obscure où elle devrait, pendant douze jours, souffrir le supplice de la faim.
lundi, 25 novembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
3 décembre. Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.
- Saint François-Xavier, Jésuite, apôtre des Indes. 1552.
Pape : Jules III. Roi d'Espagne : Charles Quint.
" Vas electionis est iste ut portet nomen meum coram gentibus."
" Je l'ai choisi entre mille pour verser sur les nations les flots de lumière de mon Evangile."
Act., IX, 15.

Les Apôtres ayant été les hérauts de l'Avènement du Christ, il convenait que le temps de l'Avent ne fût pas privé de la commémoration de quelqu'un d'entre eux. La divine Providence y a pourvu ; car parler de saint André, dont la fête est souvent déjà passée quand s'ouvre la carrière de l'Avent, saint Thomas se rencontre infailliblement chaque année aux approches de Noël.
Nous dirons plus loin pourquoi il a obtenu ce poste de préférence aux autres Apôtres ; ici nous voulons seulement insister sur la convenance qui semblait exiger que le Collège Apostolique fournit au moins un de ses membres pour annoncer, dans cette partie du Cycle catholique, la venue du Rédempteur. Mais Dieu n'a pas voulu que le premier apostolat fût le seul qui parût en tète du Calendrier liturgique ; grande est aussi, quoique inférieure, la gloire de ce second Apostolat par lequel l'Epouse de Jésus-Christ multiplie ci ses enfants, dans sa vieillesse féconde, comme parle le Psalmiste. (Psalm. XCI, 15.).

Château de Javier. Navarre.
Il est encore présentement des Gentils à évangéliser ; la venue du Messie est loin d'avoir été annoncée à tous les peuples ; mais, entre les vaillants messagers du Verbe divin qui, dans ces derniers siècles, ont l'ait éclater leur voix au milieu des nations infidèles, il n'en est point qui ait brillé d'une plus vive splendeur, qui ait opéré plus de prodiges, qui se suit montré plus semblable aux premiers Apôtres, que le récent Apôtre des Indes, saint François-Xavier. Et certes, la vie et l'apostolat de cet homme merveilleux furent l'objet d'un grand triomphe pour notre Mère la sainte Eglise catholique au temps où ils éclatèrent.
L'hérésie, soutenue en toutes manières par la fausse science, par la politique, par la cupidité et toutes les mauvaises passions du cœur de l'homme, semblait toucher au moment de la victoire. Dans son audacieux langage, elle ne parlait plus qu'avec un profond mépris de cette antique Eglise appuyée sur les promesses de Jésus-Christ ; elle la dénonçait aux nations, et osait l'appeler la prostituée de Babylone, comme si les vices des enfants pouvaient obscurcir la pureté de leur mère.

Envoi de saint François-Xavier par saint Ignace.
Dieu se montra enfin, et soudain le sol de l'Eglise apparut couvert des plus admirables fruits de sainteté. Les héros et les héroïnes se multiplièrent du sein même de cette stérilité qui n'était qu'apparente, et tandis que les prétendus réformateurs se montraient les plus vicieux des hommes, l'Italie et l'Espagne à elles seules brillèrent d'un éclat incomparable par les chefs-d'œuvre de sainteté qui se produisirent dans leur sein.
Aujourd'hui c'est François Xavier ; mais plus d'une fois sur le Cycle nous verrons briller les nobles compagnons, les illustres compagnes, que la grâce divine lui suscita : en sorte que le XVIe siècle n'eut rien à envier aux siècles les plus favorisés des merveilles de la sainteté. Certes, ils ne l'inquiétaient pas beaucoup du salut des infidèles, ces soi-disant réformateurs qui ne songeaient qu'à anéantir le vrai Christianisme sous les ruines de ses temples ; et c'était à ce moment même qu'une société d'apôtres s'offrait au Pontife romain pour aller planter la foi chez les peuples les plus enfoncés dans les ombres de la mort. Mais, de tous ces apôtres, ainsi que nous venons de le dire, nul n'a réalisé le type primitif au même degré que le disciple d'Ignace.

Lemercier. XVIIIe. Hôpital de Baugé. Maine.
Rien ne lui a manqué, ni la vaste étendue des pays sillonnés par son zèle, ni les centaines de milliers d'infidèles qu'il baptisa de son bras infatigable, ni les prodiges de toute sorte qui le montrèrent aux infidèles comme marqué du sceau qu'avaient reçu ceux dont la sainte Liturgie nous dit :
" Ce sont ceux-ci qui, vivant encore dans la chair, ont été les planteurs de l'Eglise."
L'Orient a donc vu, au XVIe siècle, un Apôtre venu de Rome toujours sainte, et dont le caractère et les œuvres rappelaient l'éclat dont brillèrent ceux que Jésus avait envoyés lui-même. Gloire soit donc au divin Epoux qui a vengé l'honneur de son Epouse, en suscitant François-Xavier, et en nous donnant en lui une idée de ce que furent, au sein du monde païen, les hommes qu'il avait chargés de la promulgation de son Evangile.

Prière par l'intercession de saint François-Xavier.
Saint François, né à Xavier au diocèse de Pampelune, de parents nobles, se fit à Paris le compagnon et le disciple de saint Ignace. Sous un tel maître, il en vint bientôt à une contemplation si sublime des choses divines, que plus d'une fois on le vit élevé au-dessus de terre ; ce qui lui arriva à diverses reprises, en présence d'une multitude de peuple, pendant qu'il célébrait le saint Sacrifice.
Il obtenait ces délices de l'âme par de grandes macérations de son corps ; car il s'interdisait non seulement l'usage de la chair et du vin, mais jusqu'au pain de froment, ne vivant que des plus vils aliments, et passant deux ou trois jours sans rien prendre. Il se flagellait si rudement avec des disciplines armées de fer, que souvent le sang coulait avec abondance ; il ne prenait qu'un sommeil très court, et encore sur la terre nue.

Saint François-Xavier bénissant des pestiférés.
L'austérité et la sainteté de sa vie l'avaient rendu mûr pour les travaux apostoliques, quand Jean III, roi de Portugal, ayant demandé à Paul III, pour les Indes, quelques membres de la Société naissante, le Pape, par l'avis de saint Ignace, choisit François pour ce grand emploi, et lui donna les pouvoirs de Nonce Apostolique. A peine fut-il arrivé, qu'il apparut tout d'un coup miraculeusement initié aux langues très difficiles et très variées de ces diverses nations. Il arriva même quelquefois que, prêchant en une seule langue devant des nations différentes, chacune l'entendait parler la sienne. Il parcourut, toujours à pied, et souvent sans chaussure , d'innombrables provinces.
Il introduisit la foi au Japon et dans six autres contrées. Il convertit dans les Indes plusieurs centaines de milliers de personnes. Il purifia dans le saint baptême de grands princes et nombre de rois. Et pendant qu'il faisait pour Dieu de si grandes choses, telle était son humilité, qu'il n'écrivait qu'à genoux à saint Ignace, son Général.

Dieu fortifia cette ardeur qu'il avait de propager l'Evangile, par de grands et nombreux miracles. François rendit la vue à un aveugle. Par un signe de croix il changea en eau douce de l'eau de mer, autant qu'il en fallut pour subvenir longtemps à un équipage de cinq cents hommes qui mouraient de soif. Cette eau, portée depuis en diverses contrées, guérit subitement un grand nombre de malades.
Il ressuscita plusieurs morts, dont un, enterré de la veille, fut tiré de sa fosse; et deux autres qu'il prit par la main pendant qu'on les portait en terre, furent rendus vivants à leurs parents.
Inspiré diverses fois pur l'esprit de prophétie, il révéla plusieurs événements éloignés de temps et de lieu.
Enfin il mourut dans l'île de Sancian, le second jour de décembre, plein de mérites et épuisé de travaux. Son corps, enseveli à deux fois dans de la chaux vive, s'y conserva pendant plusieurs mois sans corruption ; il en sortit même du sang et une odeur suave. Transporté à Malaca, son arrivée arrêta sur-le-champ une peste très violente. Enfin de nouveaux et très grands miracles ayant éclaté dans toutes les parties du monde par l'intercession de François, Grégoire XV le mit au rang des Saints.

PRIERE
" Glorieux apôtre de Jésus-Christ qui avez illuminé de sa lumière les nations assises dans les ombres de la mort, nous nous adressons à vous, nous Chrétiens indignes, afin que par cette charité qui vous porta à tout sacrifier pour évangéli-ser les nations, vous daigniez préparer nos cœurs à recevoir la visite du Sauveur que notre foi attend et que notre amour désire. Vous fûtes le père des nations infidèles ; soyez le protecteur du peuple des croyants, dans les jours où nous sommes. Avant d'avoir encore contemplé de vos yeux le Seigneur Jésus, vous le fîtes connaître à des peuples innombrables ; maintenant que vous le voyez face à face, obtenez que nous le puissions voir, quand il va paraître, avec la foi simple et ardente de ces Mages de l'Orient, prémices glorieuses des nations que vous êtes allé initier à l’admirable lumière. (I Petr. II, 9.).

Saint François-Xavier baptisant et guérissant.
Souvenez-vous aussi, grand apôtre, de ces mêmes nations que vous avez évangélisées, et chez lesquelles la parole de vie, par un terrible jugement de Dieu, a cessé d'être féconde. Priez pour le vaste empire de la Chine que votre regard saluait en mourant, et auquel il ne fut pas donné d'entendre votre parole. Priez pour le Japon, plantation chérie que le sanglier dont parle le Psalmiste a si horriblement dévastée. Obtenez que le sang des Martyrs, qui y fut répandu comme l'eau, fertilise enfin cette terre. Bénissez aussi, ô Xavier, toutes les Missions que notre Mère la sainte Eglise a entreprises, dans les contrées où la Croix ne triomphe pas encore. Que les cœurs des infidèles s'ouvrent à la lumineuse simplicité de la foi ; que la semense fructifie au centuple ; que le nombre des nouveaux apôtres, vos successeurs, aille toujours croissant ; que leur zèle et leur charité ne défaillent jamais : que leurs sueurs deviennent fécondes, que la couronne de leur martyre soit non seulement la récompense, mais le complément et la dernière victoire de leur apostolat.

Sculpture de M. Bursacier, moyen-relief du XVIIIe.
Eglise Saint-Thomas de La Flèche. Maine.
Souvenez-vous, devant le Seigneur, des innombrables membres de celle association par laquelle Jésus-Christ est annoncé dans toute la terre, et qui s'est placée sous voire patronage. Enfin priez d'un cœur filial pour la sainte Compagnie dont vous êtes la gloire et l'espérance. Qu'elle fleurisse de plus en plus sous le vent de la tribulation qui ne lui manqua jamais; qu'elle se multiplie, afin que par elle soient multipliés les enfants de Dieu ; qu'elle ait toujours au service du peuple chrétien de nombreux Apôtres et de vigilants Docteurs ; qu'elle ne porte pas en vain le nom de Jésus.
Considérons l'état misérable du genre humain, au moment où le Christ va paraître. La décroissance des vérités sur la terre est terriblement exprimée par la décadence de la lumière matérielle en ces jours. Les traditions antiques vont de toutes pans s'éteignant ; le Dieu créateur de toutes es est méconnu dans l'œuvre même de ses mains ; tout est devenu Dieu, excepté le Dieu qui a tout fait. Ce hideux Panthéisme dévore la morale publique et privée. Tous les droits, hors celui du plus fort, sont oubliés ; la volupté, la cupidité, le larcin siègent sur les autels et reçoivent l'encens. La famille est anéantie par le divorce et l'infanticide ; l'espèce humaine est dégradée en masse par l'esclavage ; les nations même périssent par les guerres d'extermination. Le genre humain n'en peut plus ; et si la main qui l'a créé ne lui est de nouveau appliquée, il doit infailliblement succomber dans une dissolution honteuse et sanglante.

Eglise du Bom-Jésus. Goa. Indes.
Les justes qu'il contient encore, et qui luttent contre le torrent et la dégradation universelle, ne le sauveront pas ; car ils sont méconnus des hommes, et leurs mérites ne sauraient, aux yeux de Dieu, pallier l'horrible lèpre qui dévore la terre. Plus criminelle encore qu'aux jours du déluge, toute chair a corrompu sa voie ; néanmoins, une seconde extermination ne servirait qu'à manifester la justice de Dieu ; il est temps qu'un déluge miséricordieux s'épanche sur la terre, et que celui qui a fait le genre humain descende pour le guérir. Paraissez donc, Ô Fils éternel de Dieu ! Venez ranimer ce cadavre, guérir tant de plaies, laver tant de souillures, rendre surabondante la Grâce, là où le péché abonde ; et quand vous aurez converti le monde à votre sainte loi, c'est alors que vous aurez montré à tous les futurs que c'est vous-même, Ô Verbe du Père, qui êtes venu : car si un Dieu a pu seul créer le monde, il n'y avait non plus que la toute-puissance d'un Dieu qui pût, en l'arrachant à Satan et au péché, le rendre à la justice et à la sainteté."

Châsse contenant le corps incorrompu de saint François-Xavier.
Eglise du BOM-Jésus de Goa. Indes.
Rq : On lira avec fruit cette vie de saint François-Xavier, composée en 1870 par d'éminents représentants de la Compagnie de Jésus : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/francxavier/inde...
mardi, 03 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
7 décembre. Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.
- Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.
Pape : Saint Sirice. Empereur romain : Théodose Ier (+395). Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.
" On eût dit un lion redoutable, mais généreux, dont la bouche éloquente distillait le miel le plus exquis, tout en confondant d'une voix foufroyante l'impiété des méchants."
Judic., XIV, 8.

Maître de Burgo de Osma. XVe.
Cet illustre Pontife figure dignement sur le Cycle catholique, à côté du grand Evoque de Myre. Celui-ci a confessé, à Nicée, la divinité du Rédempteur des hommes ; celui-là, dans Milan, a été en butte à toute la fureur des Ariens, et par son courage invincible, il a triomphé des ennemis du Christ. Qu'il unisse donc sa voix de Docteur à celle de saint Pierre Chrysologue, et qu'il nous annonce les grandeurs et les abaissements du Messie. Mais telle est en particulier la gloire d'Ambroise, comme Docteur, que si. entre les brillantes lumières de l'Eglise latine, quatre illustres Maîtres de la Doctrine marchent en tête du cortège des divins interprètes de la Foi, le glorieux Pontife de Milan complète, avec Grégoire, Augustin et Jérôme, ce nombre mystique.
Ambroise doit l'honneur d'occuper sur le Cycle une si noble place en ces jours, à l'antique coutume de l'Eglise qui, aux premiers siècles, excluait du Carême les fêtes des Saints. Le jour de sa sortie de ce monde et de son entrée au ciel fut le quatre Avril ; or, l'anniversaire de cet heureux trépas se rencontre, la plupart du temps, dans le cours de la sainte Quarantaine : on fut donc contraint de faire choix d'un autre jour dans l'année, et le sept Décembre, anniversaire de l'Ordination épiscopale d'Ambroise, se recommandait de lui-même pour recevoir la fête annuelle du saint Docteur.
Au reste, le souvenir d'Ambroise est un des plus doux parfums dont pût être embaumée la route qui conduit à Bethléhem. Quelle plus glorieuse, ci en même temps quelle plus charmante mémoire que celle de ce saint et aimable Evêque, en qui la force du lion s'unit à la douceur de la colombe ? En vain les siècles ont passé sur cette mémoire : ils n'ont fait que la rendre plus vive et plus chère.

Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
Comment pourrait-on oublier ce jeune gouverneur de la Ligurie et de l'Emilie, si sage, si lettré, qui fait son entrée à Milan, encore simple catéchumène, et se voit tout à coup élevé, aux acclamations du peuple fidèle, sur le trône épiscopal de celte grande ville ? Et ces beaux présages de son éloquence enchanteresse, dans l'essaim d'abeilles qui, lorsqu'il dormait un jour, encore enfant, sur les gazons du jardin paternel, l'entoura et pénétra jusque dans sa bouche, comme pour annoncer la douceur de sa parole ! et cette gravité prophétique avec laquelle l'aimable adolescent présentait sa main à baiser à sa mère et à sa sœur, parce que, disait-il, cette main serait un jour celle d'un Evêque !
Mais quels combats attendaient le néophyte de Milan, sitôt régénéré dans l'eau baptismale, sitôt consacré prêtre et pontife ! Il lui fallait se livrer sans retard à l'étude assidue des saintes lettres, pour accourir docteur à la défense de l'Eglise attaquée dans son dogme fondamental par la fausse science des Ariens ; et telle fut en peu de temps la plénitude et la sûreté de sa doctrine que, non seulement elle opposa un mur d'airain aux progrès de l'erreur contemporaine, mais encore que les livres écrits par Ambroise mériteront d'être signalés par l'Eglise, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des arsenaux de la vérité.
Mais l'arène de la controverse n'était pas la seule où dût descendre le nouveau docteur ; sa vie devait être menacée plus d'une fois par les sectateurs de l'hérésie qu'il avait confondue. Quel sublime spectacle que celui de cet Evêque bloqua dans son église par les troupes de l'impératrice Justine, et gardé au dedans, nuit et jour, par son peuple ! Quel pasteur ! Quel troupeau ! Une vie dépensée tout entière pour la cité et la province avait valu à Ambroise cette fidélité et cette confiance de la part de son peuple. Par son zèle, son dévouement, son constant oubli de lui-même, il était l'image du Christ qu'il annonçait.

Hexaemeron. Ardennes. XIIe.
Au milieu des périls qui l'environnent, sa grande âme demeure calme et tranquille. C'est ce moment même qu'il choisit pour instituer, dans l'Eglise de Milan, le chant alternatif des Psaumes. Jusqu'alors la voix seule du lecteur faisait entendre du haut d'un ambon le divin Cantique ; il n'a fallu qu'un moment pour organiser en deux chœurs l'assistance, ravie de pouvoir désormais prêter sa voix aux chants inspirés du royal Prophète. Née ainsi au fort de la tempête, au milieu d'un siège héroïque, la psalmodie alternative est désormais acquise aux peuples fidèles de l'Occident.
Rome adoptera l'institution d'Ambroise, et cette institution accompagnera l'Eglise jusqu'à la fin des siècles. Durant ces heures de lutte, le grand Evêque a encore un don à faire à ces fidèles catholiques qui lui ont fait un rempart de leurs corps. Il est poète, et souvent il a chanté dans des vers pleins de douceur et de majesté les grandeurs du Dieu des chrétiens et les mystères du salut de l'homme. Il livre à son peuple dévoué ces nobles hymnes qui n'étaient pas destinées à un usage public, et bientôt les basiliques de Milan retentissent de leur mélodie. Elles s'étendront plus tard à l'Eglise latine tout entière ; à l'honneur du saint Evêque qui ouvrit ainsi une des plus riches sources de la sainte Liturgie, on appellera longtemps un Ambrosien ce que, dans la suite, on a désigné sous le nom d'Hymne, et l'Eglise romaine acceptera dans ses Offices ce nouveau mode de varier la louange divine, et de fournir à l'Epouse du Christ un moyen de plus d'épancher les sentiments qui l'animent.
Ainsi donc, notre chant alternatif des Psaumes, nos Hymnes elles-mêmes sont autant de trophées de la victoire d'Ambroise. Il avait été suscité de Dieu, non seulement pour son temps, mais pour les âges futurs. C'est ainsi que l'Esprit-Saint lui donna le sentiment du droit chrétien avec la mission de le soutenir, dès cette époque où le paganisme abattu respirait encore, où le césarisme en décadence conservait encore trop d'instincts de son passé.
Ambroise veillait appuyé sur l'Evangile. Il n'entendait pas que l'autorité impériale pût à volonté livrer aux Ariens, pour le bien de la paix, une basilique où s'étaient réunis les catholiques. Pour défendre l'héritage de l'Eglise, il était prêt à verser son sang. Des courtisans osèrent l'accuser de tyrannie auprès du prince. Il répondit :
" Non ; les évêques ne sont pas des tyrans, mais c'est de la part des tyrans qu'ils ont eu souvent à souffrir."
L'eunuque Calligone, chambellan de Valentinien II, osa dire à Ambroise :
" Comment, moi vivant, tu oses mépriser Valentinien ! Je te trancherai la tête.
- Que Dieu te le permette ! répondit Ambroise : je souffrirai alors ce que souffrent les évêques ; et toi tu auras a fait ce que savent faire les eunuques."
Cette noble constance dans la défense des droits de l'Eglise avait paru avec plus d'éclat encore, lorsque le Sénat romain, ou plutôt la minorité du Sénat restée païenne, tenta, à l'instigation du Préfet de Rome Symmaque, d'obtenir le rétablissement de l'autel de la Victoire au Capitole, sous le vain prétexte d'opposer un remède aux désastres de l'empire. Ambroise qui disait : " Je déteste la religion des Nérons ", s'opposa comme un lion à cette prétention du polythéisme aux abois. Dans d'éloquents mémoires à Valentinien, il protesta contre une tentative qui avait pour but d'amener un prince chrétien à reconnaître des droits à l'erreur, et de faire reculer les conquêtes du Christ, seul maître des peuples. Valentinien se rendit aux vigoureuses remontrances de l'Evêque qui lui avait appris " qu'un empereur chrétien ne devait savoir respecter que l'autel du Christ ", et ce prince répondit aux sénateurs païens qu'il aimait Rome comme sa mère, mais qu'il devait obéir à Dieu comme à l'auteur de son salut.
On peut croire que si les décrets divins n'eussent irrévocablement condamné l'empire à périr, des influences comme celles d'Ambroise, exercées sur des princes d'un cœur droit, l'auraient préservé de la ruine. Sa maxime était ferme ; mais elle ne devait être appliquée que dans les sociétés nouvelles qui surgirent après la chute de l'empire, et que le Christianisme constitua à son gré. Il disait donc :
" Il n'est pas de titre plus honorable pour un Empereur que celui de Fils de l'Eglise. L'Empereur est dans l'Eglise ; il n'est pas au-dessus d'elle."
Quoi de plus touchant que le patronage exercé avec tant de sollicitude par Ambroise sur le jeune Empereur Gratien, dont le trépas lui fit répandre tant de larmes ! Et Théodose, cette sublime ébauche du prince chrétien, Théodose, en faveur duquel Dieu retarda la chute de l'Empire, accordant constamment la victoire à ses armes, avec quelle tendresse ne fut-il pas aimé de l'évêque de Milan ? Un jour, il est vrai, le César païen sembla reparaître dans ce fils de l'Eglise ; mais Ambroise, par une sévérité aussi inflexible qu'était profond son attachement pour le coupable, rendit son Théodose à lui-même et à Dieu.
" Oui, dit le saint Evêque, dans l'éloge funèbre d'un si grand prince, j’ai aimé cet homme qui préféra à ses flatteurs celui qui le réprimandait. Il jeta à terre tous les insignes de la dignité impériale, il pleura publiquement dans l'Eglise le péché dans lequel on l'avait perfidement entraîné, il en implora le pardon avec larmes et gémissements. De simples particuliers se laissent détourner par la honte, et un Empereur n'a pas rougi d'accomplir la pénitence publique ; et désormais, pas un seul jour ne s'écoula pour lui sans qu'il eût déploré sa faute."
Qu'ils sont beaux dans le même amour de la justice, ce César et cet Evêque ! le César soutient l'Empire prêt à crouler, et l'Evêque soutient le César.

Les abeilles se penchent sur saint Ambroise nouveau né.
Mais que l'on ne croie pas qu'Ambroise n'aspire qu'aux choses élevées et retentissantes. Il sait être le pasteur attentif aux moindres besoins des brebis de son troupeau. Nous avons sa vie intime écrite par son diacre Paulin. Ce témoin nous révèle qu'Ambroise, lorsqu'il recevait la confession des pécheurs, versait tant de larmes qu'il entraînait à pleurer avec lui celui qui était venu découvrir sa faute. " Il semblait, dit le biographe, qu'il fût tombé lui-même avec celui qui avait failli."
On sait avec quel touchant et paternel intérêt il accueillit Augustin captif encore dans les liens de l'erreur et des passions ; et qui voudra connaître Ambroise, peut lire dans les Confessions de l'évêque d'Hippone les épanchements de son admiration et de sa reconnaissance. Déjà Ambroise avait accueilli Monique, la mère affligée d'Augustin ; il l'avait consolée et fortifiée par l'espérance du retour de son fils. Le jour si ardemment désiré arriva; et ce fut la main d'Ambroise qui plongea dans les eaux purifiantes du baptême celui qui devait être le prince des Docteurs.
Un cœur aussi fidèle à ses affections ne pouvait manquer de se répandre sur ceux que les liens du sang lui avaient attachés. On sait l'amitié qui unit Ambroise à son frère Satyre, dont il a raconté les vertus avec l'accent d'une si émouvante tendresse dans le double éloge funèbre qu'il lui consacra. Marcelline sa sœur ne fut pas moins chère à Ambroise. Dès sa première jeunesse, la noble patricienne avait dédaigné le monde et ses pompes. Sous le voile de la virginité qu'elle avait reçu da mains du pape Libère, elle habitait Rome au sein de la famille.
Mais l'affection d'Ambroise ne connaissait pas de distances ; ses lettres allaient chercher la servante de Dieu dans son mystérieux asile. Il n'ignorait pas quel zèle elle nourrissait pour l'Eglise, avec quelle ardeur elle s'associait à toute les œuvres de son frère, et plusieurs des lettre qu'il lui adressait nous ont été conservées. On es ému en lisant seulement la suscription de ces épîtres : " Le frère à la sœur ", ou encore : " A Marcelline ma sœur, plus chère à moi que mes yeux et ma vie ". Le texte de la lettre vient ensuite, rapide, animé, comme les luttes qu'il retrace. Il en est une qui fut écrite dans les heures même où grondait l'orage, pendant que le courageux pontife était assiégé dans sa basilique par les troupes de Justine. Ses discours au peuple de Milan, ses succès comme ses épreuves, les sentiments héroïques de son âme épiscopale, tout se peint dans ces fraternelles dépêches, tout y révèle la force et la sainteté du lien qui unit Ambroise et Marcelline. La basilique Ambrosienne garde encore le tombeau du frère et celui de la sœur ; sur l'un et l'autre chaque jour le divin Sacrifice est offert.
Tel fut Ambroise, dont Théodose disait un jour : " Il n'y a qu'un évêque au monde ". Glorifions l'Esprit-Saint qui a daigné produire un type aussi sublime dans l'Eglise, et demandons au saint Pontife qu'il daigne nous obtenir une part à cette foi vive, à cet amour si ardent qu'il témoigne dans ses suaves et éloquents écrits envers le mystère de la divine Incarnation. En ces jours qui doivent aboutir à celui où le Verbe fait chair va paraître, Ambroise est l'un de nos plus puissants intercesseurs.

Les docteurs de l'Eglise dont saint Ambroise.
Sa piété envers Marie nous apprend aussi quelle admiration et quel amour nous devons avoir pour la Vierge bénie. Avec saint Ephrem, l'évêque de Milan est celui des Pères du siècle qui a le plus vivement exprimé les grandeurs du ministère et de la personne de Marie. II a tout connu, tout ressenti, tout témoigné. Marie exempte par grâce de toute tache de péché, Marie au pied de la Croix s'unissant à son fils pour le salut du genre humain, Jésus ressuscité apparaissant d'abord à sa mère, et tant d'autres points sur lesquels Ambroise est l'écho de la croyance antérieure, lui donnent un des premiers rangs parmi les témoins de la tradition sur les mystères de la Mère de Dieu.
Cette tendre prédilection pour Marie explique l'enthousiasme dont Ambroise est rempli pour la virginité chrétienne, dont il mérite d'être considéré comme le Docteur spécial. Aucun des Pères ne l'a égalé dans le charme et l'éloquence avec lesquels il a proclamé la dignité et la félicité des vierges. Quatre de ses écrits sont consacrés à glorifier cet état sublime, dont le paganisme expirant essayait encore une dernière contrefaçon dans ses vestales, recrutées au nombre de sept, comblées d'honneurs et de richesses, et déclarées libres après un temps. Ambroise leur oppose l'innombrable essaim des vierges chrétiennes, remplissant le monde entier du parfum de leur humilité, de leur constance et de leur désintéressement. Mais sur un tel sujet sa parole était plus attrayante encore que sa plume, et l'on sait, par les récits contemporains, que, dans les villes qu'il visitait et où sa voix devait se faire entendre, les mères retenaient leurs filles à la maison, dans la crainte que les discours d'un si saint et si irrésistible séducteur ne leur eussent persuadé de n'aspirer plus qu'aux noces éternelles.
Extraits de la Légende dorée du Bx Jacques de Voragine, d'après la vie de saint Ambroise par Paulin, son secrétaire :
Ambroise vient de ambre, qui est une substance odoriférante et précieuse. Or, saint Ambroise fut précieux à l’Eglise et il répandit une bonne odeur par ses paroles et ses actions. Ou bien Ambroise vient de ambre et de sios, qui veut dire Dieu, comme l’ambre de Dieu ; car Dieu par Ambroise répand partout une odeur semblable à celle de l’ambre. Il fut et il est la bonne odeur de Notre Seigneur Jésus-Christ en tout lieu. Ambroise peut venir encore de ambor, qui signifie père des lumières et de sior, qui veut dire petit ; parce qu'il fut le père de beaucoup de fils par la génération spirituelle, parce qu'il fut lumineux dans l’exposition de la sainte Ecriture, et parce qu'il fut petit dans ses habitudes humbles.
Le glossaire dit : ambrosius signifie odeur ou saveur de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ambroisie céleste, nourriture des anges ; ambroise, rayon céleste de miel. Car saint Ambroise fut une odeur céleste par une réputation odoriférante; une saveur, par la co
samedi, 07 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
4 décembre. Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne, docteur de l'Eglise. 450.
- Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne, docteur de l'Eglise. 450.
Pape : Saint Léon Ier, le Grand. Empereur romain : Valentinien III.
" Ce bienheureux est véritablement un oiseleur apostolique : il prend au vol les âmes des jeunes gens, dans les filets de la divine parole."
Saint Adelphe de Metz. Eloge du saint.
La même Providence divine qui n'a pas permis que l'Eglise, au saint temps de l'Avent, fût privée de la consolation de fêter quelques-uns des Apôtres qui ont annoncé la venue du Verbe aux Gentils, a voulu aussi qu'à la même époque, les saints Docteurs qui ont défendu la vraie Foi contre les hérétiques, fussent pareillement représentés dans cette importante fraction du Cycle catholique.
Deux d'entre eux, saint Ambroise et saint Pierre Chrysologue, resplendissent au ciel de la sainte Eglise, en cette saison, comme deux astres éclatants. Il est digne de remarque que tous deux ont été les vengeurs du Fils de Dieu que nous attendons. Le premier a vaillamment combattu les Ariens, dont le dogme impie voudrait faire du Christ, objet de nos espérances, une créature et non un Dieu ; le second s'est opposé à Eutychés, dont le système sacrilège détruit toute la gloire de l'Incarnation du Fils de Dieu, osant enseigner que, dans ce mystère, la nature humaine a été absorbée par la divinité.

Imagerie populaire. D'après une enluminure italienne du XIIIe.
C'est ce second Docteur, le pieux Pontife de Ravenne, que nous honorons aujourd'hui. Son éloquence pastorale lui acquit une haute réputation, et il nous est resté un grand nombre de ses Sermons. On y recueille une foule de traits de la plus exquise beauté, bien qu'on y sente quelquefois la décadence de la littérature au Ve siècle.
Le mystère de l'Incarnation y est souvent traité, et toujours avec une précision et un enthousiasme qui révèlent la science et la piété du saint évêque. Son admiration et son amour envers Marie Mère de Dieu qui avait, en ce siècle, triomphé de ses ennemis par le décret du concile d'Éphèse, lui inspirent les plus beaux mouvements et les plus heureuses pensées. Nous citerons quelques lignes sur l'Annonciation :

Illustration dans un manuscrit du XIIe.
" A la Vierge Dieu envoie un messager ailé. C'est lui qui sera le porteur de la grâce ; il présentera les arrhes et en recevra le retour. C'est a lui qui rapportera la foi donnée, et qui, après avoir conféré la récompense à une si haute vertu, remontera en hâte porteur de la promesse virginale. L'ardent messager s'élance d'un vol rapide vers la Vierge ; il vient suspendre les droits de l'union humaine ; sans enlever la Vierge à Joseph, il la restitue au Christ à qui elle fut fiancée dès l'instant même où elle était créée. C'est donc son épouse que le Christ reprend, et non celle d'un autre ; ce n'est pas une séparation qu'il opère, c'est lui qui se donne à sa créature en s'incarnant en elle."
[On voit que saint Pierre Chrysologue proclame ici le mystère de la Conception immaculée. Si Marie était engagée au Fils de Dieu dès le moment même de sa création, comment le péché originel eût-il eu action sur elle ?]
Mais écoutons ce que le récit nous raconte de l'Ange. Etant entré près d'elle, il lui dit : " Salut, Ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous. De telles paroles annoncent déjà le don céleste ; elles n'expriment pas un salut ordinaire. Salut ! C'est-à-dire : recevez la grâce, ne tremblez pas, ne songez pas à la nature. Pleine de grâce, c'est-à-dire : en d'autres réside la grâce, mais en vous résidera la plénitude de la grâce. Le Seigneur est avec vous : qu'est-ce à dire ? Sinon que le Seigneur n'entend pas seulement vous visiter, mais qu'il descend en vous, pour naître de vous par un mystère tout nouveau ". L'Ange ajoute : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes " : pourquoi ? parce que celles dont Eve la maudite déchirait les entrailles, ont maintenant Marie la bénie qui se réjouit en elles, qui les honore, qui devient leur type. Eve, par la nature, n'était plus que la mère des mourants ; Marie devient, par la grâce, la mère des vivants (Sermon CXI.).
Dans le discours suivant, le saint Docteur nous enseigne " avec quelle profonde vénération nous devons contempler Marie en ces jours où Dieu réside encore en elle. Quand il s'agit, dit-il, de l'appartement intime du roi, de quel mystère, de quelle révérence, de quels profonds égards ce lieu n'est-il pas entouré ? L'accès en est interdit à tout étranger, à tout immonde, à tout infidèle. Les usages des cours disent assez combien doivent être dignes et fidèles les services que l'on y rend ; l'homme vil, l'homme indigne seraient-ils soufferts à se rencontrer seulement aux portes du palais ? Lors donc qu'il s'agit du sanctuaire secret de l'Epoux divin, qui pourrait être admis, s'il n'est intime, si sa conscience n'est pure, si sa renommée n'est honorable, si sa vie n'est vertueuse ? Dans cet asile sacré, où un Dieu possède la Vierge, la virginité sans tache a seule le droit de pénétrer. Vois donc, Ô homme, ce que tu as, ce que tu peux valoir, et demande-toi si tu pourrais sonder le mystère de l'Incarnation du Seigneur, si tu as mérité d'approcher de l'auguste asile où repose encore en ce moment la majesté tout entière du Roi suprême, de la Divinité en personne ".
Pierre, surnommé Chrysologue, pour l'or de son éloquence, naquit à Forum Cornelii, dans l'Emilie, de parents honnêtes. Dès l'enfance, tournant son esprit vers la religion,il s'attacha à l'Evêque de cette ville,Cornelius, romain, qui le forma rapidement à la science et à la sainteté de la vie, et l'ordonna Diacre. Peu après, l'Archevêque de Ravenne étant mort, comme les habitants de cette ville envoyèrent, selon l'usage, à Rome, le successeur qu'ils avaient élu solliciter du saint Pape Sixte III la confirmation de cette élection, Cornélius se joignit aux députés de Ravenne, et emmena avec lui son diacre.

Basilique Saint-Vitale, IVe au VIe. Ravenne, Emilie-Romagne.
Cependant l'Apôtre saint Pierre et le Martyr saint Apollinaire apparurent en songe au Pontife romain, ayant au milieu d'eux un jeune lévite, et lui ordonnant de ne pas placer un autre que lui sur le siège archiépiscopal de Ravenne.
Le Pontife n'eut pas plus tôt vu Pierre, qu'il reconnut en lui l'élu du Seigneur. Rejetant donc celui qu'on lui présentait, il promut, l'an de Jésus-Christ 433, le jeune lévite au gouvernement de cette Eglise métropolitaine. Les députés de Ravenne, offensés d'abord, ayant appris la vision, se soumirent sans peine à la volonté divine et acceptèrent avec le plus grand respect le nouvel archevêque.
Ainsi consacré Archevêque contre son gré, Pierre fut conduit à Ravenne. où l'empereur Valentinien, Galla Placidia sa mère, et tout le peuple, l'accueillirent avec les plus grandes réjouissances. Pour lui, il déclara qu'ayant consenti à porter un si lourd fardeau pour leur salut, il n'exigeait d'eux, en compensation, qu'une seule chose, qui était de les voir obéir à ses avis avec zèle, et ne pas résister aux préceptes du Seigneur.
Il ensevelit, après les avoir embaumés des parfums les plus excellents, les corps de deux saints morts en cette ville, le prêtre Barbatien, et aussi Germain, évêque d'Auxerre, dont il retint comme héritage la cuculle et le cilice. Il ordonna Evoques Projectus et Marcellin. Il fit creuser à Classe une fontaine d'une merveilleuse grandeur, et il bâtit quelques églises magnifiques au bienheureux Apôtre André et à d'autres saints.

Mosaïque de la basilique Saint-Vitale. Ravenne. Emilie-Romagne.
On célébrait, aux calendes de janvier, des jeux, accompagna de représentations théâtrales et de danses ; il les abolit par la force de ses exhortations. Il dit alors entre autres choses remarquables :
" Qui veut rire avec le diable, ne se réjouira pas avec le Christ."
Par l'ordre de saint Léon le Grand, il écrivit au Concile de Chalcédoine contre l'hérésie d'Eutychès, et adressa à l'hérésiarque lui-même une autre lettre qu'on a jointe aux Actes du Concile dans les dernières éditions, et qui est consignée dans les Annales Ecclésiastiques.
Dans ses homélies à son peuple, son éloquence était si véhémente, que parfois la parole lui manquait dans l'ardeur de sa prédication, comme il arriva à son sermon sur l'Hémorrhoïsse ; et il y eut dans l'assemblée émue tant de larmes, d'acclamations et de ferventes prières, que, depuis, le Saint rendait grâces à Dieu de ce que l'interruption de son discours eût tourné au profit de la charité.
Il gouvernait très saintement cette Eglise, depuis environ dix-huit ans, lorsqu'ayant connu, par une lumière divine, que la fin de ses travaux approchait, il passa dans sa ville natale, se rendit à l'église de Saint-Cassien, et déposa sur le grand autel, en offrande, un grand diadème d'or enrichi de pierres précieuses, une coupe également d'or, et une patène d'argent qui donne à l'eau qu'on y répand, comme on l'a souvent éprouvé, la vertu de guérir les morsures de la rage et de calmer la fièvre.

Mosaïque de la basilique Saint-Vitale. Au centre,
Cependant il renvoya à Ravenne ceux qui l'avaient suivi, en leur recommandant de veiller attentivement au choix d'un excellent pasteur. Puis, adressant d'humbles prières à Dieu, priant saint Cassien, son protecteur, de recevoir avec bonté son âme, il trépassa doucement, vers l'an 450, le trois des nones de décembre. Son corps, qui fut enseveli avec pompe, au milieu des larmes et des prières de toute la ville, auprès de celui du même saint Cassien, y est encore de nos jours religieusement vénéré.
L'un de ses bras, enchâssé dans l'or et les pierreries, a été transporté à Ravenne, où on l'honore dans la basilique Ursicane.
PRIERE
" Saint Pontife, dont la bouche d'or s'est ouverte dans l'assemblée des fidèles, pour faire connaître Jésus-Christ, daignez considérer d'un œil paternel le peuple chrétien qui veille dans l'attente de cet Homme-Dieu dont vous avez si hautement confessé la double nature.

Basilique Saint-Apolinaire in Classe. Ravenne. Emilie-Romagne.
Obtenez-nous la grâce de le recevoir avec le souverain respect dû à un Dieu qui descend vers sa créature, et avec la tendre confiance que l'on doit à un frère qui vient s'offrir en sacrifice pour ses frères indignes. Fortifiez notre foi, Ô très saint Docteur ! Car l'amour qu'il nous faut procède de la foi.
Détruisez les hérésies qui dévastent le champ du Père de famille ; confondez surtout l'odieux Panthéisme, dont l'erreur d'Eutychès est une des plus funestes semences. Eteignez-le enfin dans ces nombreuses chrétientés d'Orient qui ne connaissent l'ineffable mystère de l'Incarnation que pour le blasphémer, et poursuivez aussi parmi nous ce système monstrueux qui, sous une forme plus repoussante encore, menace de tout dévorer. Inspirez aux fidèles enfants de l'Eglise cette parfaite obéissance aux jugements du Siège Apostolique, dont vous donniez à l'hérésiarque Eutychès, dans votre immortelle Epître, une si belle et si utile leçon, quand vous lui disiez :
" Sur toutes choses, nous vous exhortons, honorable frère, de recevoir avec obéissance les choses qui ont été écrites par le bienheureux Pape de la ville de Rome ; car saint Pierre, qui vit et préside toujours sur son propre Siège, y manifeste la vérité de la foi à tous ceux qui la lui demandent."
Rq : On lira avec fruits un certain nombre de textes de saint Pierre Chrysologue : http://www.jesusmarie.com/pierre_chrysologue.html
mercredi, 04 décembre 2024 | Lien permanent
6 décembre. Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.
- Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.
Pape : Saint Sylvestre. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier. Empereur romain d'Orient : Licinius.
" Au moment du danger, invoquons avec confiance le grand saint Nicolas."
Saint Bernard, Sermons.
Pour faire honneur au Messie Pontife, la souveraine Sagesse a multiplié les Pontifes sur la route qui conduit à lui. Deux Papes, saint Melchiade et saint Damase ; deux Docteurs, saint Pierre Chrysologue et saint Ambroise ; deux Evêques, l'amour de leur troupeau, saint Nicolas et saint Eusèbe : tels sont les glorieux Pontifes qui ont reçu la charge de préparer, par leurs suffrages, la voie du peuple fidèle vers Celui qui est le souverain Prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Nous développerons successivement leurs titres à faire partie de cette noble cour.
Aujourd'hui, l'Eglise célèbre avec joie la mémoire de l'insigne thaumaturge Nicolas, aussi fameux dans l'Orient que le grand saint Martin l'est dans l'Occident, et honoré depuis près de mille ans par l'Eglise latine. Rendons hommage au souverain pouvoir que Dieu lui avait donné sur la nature ; mais félicitons-le sur tout d'avoir été du nombre des trois cent dix-huit Evoques qui proclamèrent, à Nicée, le Verbe consubstantiel au Père. Il ne fut point scandalisé des abaissements du Fils de Dieu ; ni la bassesse de la chair que le souverain Seigneur de toutes choses revêtit au sein de la Vierge, ni l'humilité de la crèche, ne l'empêchèrent de proclamer Fils de Dieu, égal à Dieu, le fils de Marie ; c'est pourquoi il a été élevé en gloire et a reçu la charge d'obtenir, chaque année, pour le peuple chrétien, la grâce d'aller au-devant du Verbe de vie, avec une foi simple et un ardent amour.
Nicolas vient de nikos, qui signifie victoire et de laos, qui veut dire peuple. Nicolas, c'est victoire du peuple, c'est-à-dire, des vices qui sont populaires et vils. Ou bien simplement victoire, parce qu'il a appris aux peuples, par sa vie et son enseignement, à vaincre les vices et les péchés. Nicolas peut venir encore de nikos, victoire et de laus, louange, comme si on disait louange victorieuse. Ou bien encore de nitor, blancheur et de laos, peuple, blancheur du peuple. Il eut en effet, dans sa personne, ce qui constitue la blancheur et la pureté ; selon saint Ambroise, la parole divine purifie, la bonne confession purifie, une bonne pensée purifie, une bonne action purifie. Les docteurs d'Argos ont écrit sa légende. D'après saint Isidore de Séville, Argos est une ville de la Grèce, d'où est venu aux Grecs le nom d'Argolides. On trouve ailleurs que le patriarche saint Méthode l’a écrite en grec. Jean la traduisit en latin et y fit des augmentations.

Naissance de saint Nicolas. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.
Saint Nicolas, citoyen de Patras, dut le jour à de riches et saints parents. Son père Epiphane et sa mère Jeanne l’engendrèrent en la première fleur de leur âge et passèrent le reste de leur vie dans la continence. Le jour de sa naissance, il se tint debout dans le bain ; de plus (Honorius d'Autan) il prenait le sein une fois seulement la quatrième (mercredi) et la sixième férie (vendredi). Devenu grand, il évitait les divertissements, et préférait fréquenter les églises ; il retenait dans sa mémoire tout ce qu'il y pouvait apprendre de l’Écriture sainte.

Naissance de saint Nicolas. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.
Après la mort de ses parents, il commença à penser quel emploi il ferait de ses grandes richesses, pour procurer la gloire de Dieu, sans avoir en vue la louange qu'il en retirerait de la part des hommes. Un de ses voisins avait trois filles vierges, et que son indigence, malgré sa noblesse, força à prostituer, afin que ce commerce infâme lui procurât de quoi vivre. Dès que le saint eut découvert ce crime, il l’eut en horreur, mit dans un linge une somme d'or qu'il jeta, en cachette, la nuit par une fenêtre dans la maison du voisin et se retira. Cet homme à son lever trouva cet or, remercia Dieu et maria son aînée. Quelque temps après, ce serviteur de Dieu en fit encore autant. Le voisin, qui trouvait toujours de l’or, était extasié du fait ; alors il prit le parti de veiller pour découvrir quel était celui qui venait ainsi à son aide. Peu de jours après, Nicolas doubla la somme d'or et la jeta chez son voisin. Le bruit fait lever celui-ci, et poursuivre Nicolas qui s'enfuyait ; alors il lui cria :
" Arrêtez, ne vous dérobez pas à mes regards."
Et en courant le plus vite possible, il reconnut Nicolas ; de suite il se jette à terre, veut embrasser ses pieds. Nicolas l’en empêche et exige de lui qu'il taira son action tant qu'il vivrait.
L'évêque de Myre vint à mourir sur ces entrefaites ; les évêques s'assemblèrent pour pourvoir à cette église. Parmi eux se trouvait un évêque de grande autorité, et l’élection dépendait de lui. Les ayant avertis tous de se livrer au jeûne et à la prière, cette nuit-là même il entendit une voix qui lui disait de rester le matin en observation à la porte; celui qu'il verrait entrer le premier, dans l’église, et qui s'appellerait Nicolas, serait l’évêque qu'il devait sacrer. Il communiqua cette révélation à ses autres collègues, et leur recommanda de prier, tandis que lui veillerait à la porte. Ô prodige ! A l’heure de matines, comme s'il était conduit par la main de Dieu, le premier qui se présente à l’église, c'est Nicolas.
L'évêque l’arrêtant :
" Comment t'appelles-tu, lui dit-il ?"
Et lui ; qui avait la simplicité d'une colombe, le salue et lui dit :
" Nicolas, le serviteur de votre sainteté."
On le conduit dans l’église, et malgré toutes ses résistances, on le place sur le siège épiscopal. Pour lui, il pratique, comme auparavant, l’humilité et la gravité de moeurs en toutes ses oeuvres ; il passait ses veilles dans la prière, mortifiait sa chair, fuyait la compagnie des femmes; il accueillait tout le monde avec bonté ; sa parole avait de la force, ses exhortations étaient animées, et ses réprimandes sévères. On dit aussi, sur la foi d'une chronique, que Nicolas assista au concile de Nicée.

Saint Nicolas et le prieur sévère. Speculum historiale.
Un jour que des matelots étaient en péril, et, que, les yeux pleins de larmes, ils disaient :
" Nicolas, serviteur de Dieu, si ce que nous avons appris de vous est vrai, faites que nous en ressentions l’effet."
Aussitôt, leur apparut quelqu'un qui ressemblait au saint :
" Me voici, dit-il ; car vous m’avez appelé."
Et il se mit à les aider dans la manoeuvre du bâtiment, soit aux antennes, soit aux cordages, et la tempête cessa aussitôt. Les matelots vinrent à l’église de Nicolas, où, sans qu'on le leur indiquât, ils le reconnurent, quoique jamais ils ne l’eussent vu. Alors ils rendirent grâces à Dieu et à lui de leur délivrance : mais le saint l’attribua à la divine miséricorde et à leur foi, et non à ses mérites.
Toute la province où habitait saint Nicolas eut à subir une si cruelle famine, que personne ne pouvait se procurer aucun aliment. Or l’homme de Dieu apprit que des navires chargés de froment étaient mouillés dans le port. Il y va tout aussitôt prier les matelots de venir au secours du peuple qui mourait de faim, en donnant, pour le moins, cent muids de blé par chaque vaisseau.
" Nous n'oserions, père, répondirent-ils, car il a été mesuré à Alexandrie, et nous avons ordre de le transporter dans les greniers de l’empereur."
Le saint reprit :
" Faites pourtant ce que je vous dis, et je vous promets que, par la puissance de Dieu, vous n'aurez aucun déchet devant le commissaire du roi."
Ils le firent et la quantité qu'ils avaient reçue à Alexandrie, ils la rendirent aux employés de l’empereur; alors ils publièrent le miracle, et ils louèrent Dieu qui' avait été glorifié ainsi dans son serviteur. Quant au froment, l’homme de Dieu le distribua selon les besoins de chacun, de telle sorte que, par l’effet d'un miracle, il y en eut assez pendant deux ans, non seulement pour la nourriture, mais encore pour les semailles. Or, ce pays était idolâtre, et honorait particulièrement l’image de l’infâme Diane : jusqu'au temps de l’homme de Dieu, quelques hommes grossiers suivaient des pratiques exécrables et accomplissaient certains rites païens sous 'un arbre consacré à la Déesse ; mais Nicolas abolit ces pratiques dans tout le pays et fit couper l’arbre lui-même.

Antiphonaire à l'usage de Santa Annunziata d'Orbatello de Florence.
L'antique ennemi, irrité pour cela contre lui, composa une huile dont la propriété contre nature était de brûler dans l’eau et sur les pierres ; le démon, prenant la figure d'une religieuse, se présenta à des pèlerins qui voyageaient par eau pour aller trouver saint Nicolas et leur dit :
" J'aurais préféré aller avec vous chez le saint de Dieu, mais je ne le puis. Aussi vous priai-je d'offrir cette huile à son église, et, en mémoire de moi, d'en oindre toutes les murailles de sa demeure."
Aussitôt il disparut. Et voici que les pèlerins aperçoivent une mitre nacelle chargée de personnes respectables, au milieu desquelles se trouvait un homme tout à fait ressemblant à saint Nicolas, qui leur dit :
" Hélas ! que vous a dit cette femme, et qu'a-t-elle apporté ?"
On lui raconta tout de point en point.
" C'est l’impudique Diane, leur dit-il ; et pour vous prouver la vérité de mes paroles, jetez cette huile dans la mer." A peine l’eurent-ils jetée, qu'un grand feu s'alluma sur l’eau, et, contre nature, ils le virent longtemps brûler. Quand ils furent arrivés auprès du serviteur de Dieu, ils lui dirent :
" C'est vraiment vous qui nous avez apparu sur la mer, et qui nous avez délivrés des embûches du diable."
Dans le même temps, une nation se révolta contre l’empire romain ; l’empereur envoya contre elle trois princes, Népotien, Ursus et Apilion. Un vent défavorable les fit aborder au port adriatique, et le bienheureux Nicolas les invita à sa table, voulant par là préserver son pays des rapines qu'ils exerçaient dans les marchés.
Or un jour, pendant l’absence du saint évêque, le consul corrompu par argent avait condamné trois soldats innocents à être décapités. Dès que l’homme de Dieu en fut informé, il pria ces princes de se rendre en toute hâte avec lui sur le lieu de l’exécution: à leur arrivée, ils trouvèrent les condamnés le genou fléchi, la figure couverte d'un voile et le bourreau brandissant déjà son épée sur leurs têtes.

Heures de Marguerite d'Orléans. Anonyme. XVe.
Mais Nicolas, enflammé de zèle, se jeta avec audace sur le licteur, fit sauter au loin son épée de ses mains, délia ces innocents et les emmena avec lui sains et saufs ; de là, il court au prétoire du consul et en brise les portes fermées. Bientôt le consul arrive et le salue. Le saint n'en tient compte et lui dit :
" Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi, quelle est ta présomption d'oser lever les yeux sur nous, alors que tu es coupable d'un si grand crime." Quand il l’eut repris durement, à la prière des chefs, il l’admit cependant a la pénitence. Après donc avoir reçu sa bénédiction, les envoyés de l’empereur continuent leur route et soumettent les révoltés sans répandre de sang.
A leur retour, ils furent reçus par l’empereur avec magnificence. Or quelques-uns, jaloux de leurs succès, suggérèrent par prière, et par argent, au préfet de l’empereur, de les accuser auprès de lui du crime de lèse-majesté. L'empereur circonvenu, et enflammé de colère, les fit emprisonner et sans aucun interrogatoire, il ordonna qu'on les tuât cette nuit-là même. Informés de leur condamnation par le geôlier, ils déchirèrent leurs vêtements et se mirent à gémir avec amertume. Alors l’un deux, c'était Népotien, se rappelant que le bienheureux Nicolas avait délivré trois innocents, exhorta les autres à réclamer sa protection.
Par la vertu de ces prières, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin et lui dit :
" Pourquoi avoir fait saisir ces princes si injustement et avoir condamné à mort des innocents ? Levez-vous de suite, et faites-les relâcher tout aussitôt ; ou bien je prie Dieu qu'il vous suscite une guerre dans laquelle vous succomberez et deviendrez la pâture des bêtes.
- Qui es-tu, s'écria l’empereur, pour pénétrer la nuit dans mon palais et m’oser parler ainsi ?
- Je suis, répliqua-t-il, Nicolas, évêque de la ville de Myre."
Il effraya aussi de la même manière le préfet dans une vision.
" Insensé, lui dit-il, pourquoi as-tu consenti à la mort de ces innocents ? Va vite et tâche de les délivrer, sinon ton corps fourmillera de vers et ta maison va être détruite.
- Qui es-tu, répondit-il, pour nous menacer de si grands malheurs ?
- Sache, lui répondit-il, que je suis Nicolas, évêque de Myre."
Et ils s'éveillent l’un et l’autre, se racontent mutuellement leur songe, et envoient de suite vers les prisonniers. L'empereur leur dit donc :
" Quels arts magiques connaissez-vous, pour nous avoir soumis à de pareilles illusions en songes ?"
Ils répondirent qu'ils n'étaient pas magiciens, et qu'ils n'avaient pas mérité d'être condamnés à mort.
" Connaissez-vous, leur dit l’empereur, un homme qui s'appelle Nicolas ?"
En entendant ce nom, ils levèrent les mains au ciel, en priant Dieu de les délivrer, par les mérites de saint Nicolas, du péril qui les menaçait. Et après que l’empereur leur eut entendu raconter toute sa vie et ses miracles :
" Allez, dit-il, et remerciez Dieu qui vous a délivrés par ses prières ; mais portez-lui quelques-uns de nos joyaux, de notre part, eu le conjurant de ne plus m’adresser de menaces, mais de prier le Seigneur' pour moi et pour mon royaume."
Peu de jours après, ces hommes se prosternèrent aux pieds du serviteur de Dieu, et lui dirent : " Vraiment vous êtes le serviteur, le véritable adorateur et l’ami du Christ ". Quand ils lui eurent raconté en détail ce qui venait de se passer, il leva les yeux au ciel, rendit de très grandes actions de grâces à Dieu. Or après avoir bien instruit ces princes, il les renvoya en leur pays.

Miracle des trois enfants. Grandes heures d'Anne de Bretagne.
Quand le Seigneur voulut enlever le saint de dessus la terre, Nicolas le pria de lui envoyer, des anges; et en inclinant la tète, il eu vit venir vers lui : et après avoir dit le Psaume In te, Domine, speravi, jusqu'à ces mots : In manus tuas, etc., il rendit l’esprit, l’an de Notre Seigneur Jésus-Christ 343. Au même moment, on entendit la mélodie des esprits célestes. On l’ensevelit dans' un tombeau de marbré ; de son chef jaillit une fontaine d'huile et de ses pieds une source d'eau ; et jusqu'aujourd'hui, de tous ses membres, il sort une huile sainte qui guérit beaucoup de personnes.
Il eut pour successeur un homme de bien qui cependant fut chassé de son siège par des envieux. Pendant son exil, l’huile cessa de couler; mais quand il fut rappelé elle reprit son cours. Longtemps après les Turcs détruisirent la ville de Myre ; or, quarante-sept soldats de Bari y étant venus, et quatre moines leur ayant montré le tombeau de saint Nicolas, ils l’ouvrirent, et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile ; ils les emportèrent avec respect dans la ville de Bari, l’an du Seigneur 1087.
Un homme avait emprunté à un juif une somme d'argent, et avait juré sur l’autel de saint Nicolas, car il ne pouvait avoir d'autre caution, qu'il rendrait cet argent le plus tôt qu'il pourrait. Comme il le gardait longtemps,
vendredi, 06 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
5 décembre. Saint Sabas de Mutalasque, abbé en Palestine. 531.
- Saint Sabas de Mutalasque, abbé en Palestine. 531.
Pape : Boniface II. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier, le Grand.
" Discite a me quia mitis sum et humilis corde."
" Apprenez de Moi que je suis doux et humble de coeur."
Matth., XI, 29.

Saint Sabas. Horologium du XVe siècle.
L’Eglise Romaine se borne aujourd'hui à l'Office de la Férié ; mais elle y joint la commémoration de saint Sabbas, Abbé de la fameuse laure de Palestine, qui subsiste encore aujourd'hui sous son nom. Ce Saint, qui mourut en 533, est le seul personnage de l'Ordre monastique dont l'Eglise fasse mention en ses Offices dans tout le cours de l'Avent ; on pourrait même dire que parmi les simples Confesseurs, saint Sabbas est le seul dont on lise le nom au Calendrier liturgique en cette partie de l'année, puisque le glorieux titre d'Apôtre des Indes semble mettre saint François-Xavier dans une classe à part. Nous devons voir en ceci l'intention de la divine Providence qui, pour produire une plus salutaire impression sur le peuple chrétien, s'est appliquée à choisir, d'une manière caractéristique, les Saints qui devaient être proposés à notre imitation dans ces jours de préparation à la venue du Sauveur.
Nous y trouvons des Apôtres, des Pontifes, des Docteurs, des Vierges, glorieux cortège du Christ Dieu, Roi et Epoux ; la simple Confession n'y est représentée que par un seul homme, par l'Anachorète et Cénobite Sabbas, personnage qui, du moins, par sa profession monastique, se rattache à Elie et aux autres solitaires de l'ancienne Alliance, dont la chaîne mystique vient aboutir à Jean le Précurseur.
Saint Sabas, né près de Césarée, en Cappadoce, de parents nobles et pieux, fut mis, à l'âge de cinq ans, sous la tutelle d'un oncle fort méchant ; il s'enfuit et se réfugia dans un couvent. C'était la Providence qui avait conduit ses pas ; il embrassa généreusement toutes les saintes rigueurs de la vie monastique. Dix ans plus tard, le désir de visiter les Lieux sanctifiés par la vie mortelle du Sauveur le conduisit à Jérusalem. Ayant fait son pèlerinage, il résolut de se fixer au milieu des célèbres anachorètes de la Palestine et vécut jusqu'à l'âge de trente ans sous la direction du saint solitaire Théoctiste. Mais il lui semblait que Dieu demandait de lui davantage, et, croyant n'avoir encore rien fait, il s'enfonça dans la solitude voisine pour y vivre avec Dieu seul.
Renfermé dans une petite grotte, il y passait cinq jours de la semaine sans prendre aucune nourriture, uniquement appliqué à la prière, au chant des psaumes et au travail manuel. Chaque samedi, il apportait au monastère qu'il avait habité tous les paniers qu'il avait tressés, passait le dimanche avec ses frères et revenait à son ermitage. Plus tard, il se retira sur les bords du Jourdain, où le démon le tourmenta par des spectres horribles, des hurlements affreux, des menaces, des coups, et surtout des apparitions séduisantes. Le Saint, armé de la prière, remporta autant de victoires qu'il eut à livrer de combats, jusqu'à décourager son redoutable ennemi.
Sabas, toujours poussé par le désir d'une solitude de plus en plus profonde, se retira sur des rochers abrupts ; il y établit, pour monter et pour descendre, un gros câble à noeuds qui lui servait de rampe. Il lui fallait aller chercher de l'eau à deux lieues de là et la monter sur ses épaules. Sa nourriture consistait uniquement en racines sauvages; mais, en revanche Dieu nourrissait son âme de l'abondance de Ses consolations.
Sabas fut découvert par la vue de la corde qui pendait du rocher, et dès lors sa solitude se changea en affluence énorme de pèlerins qui venaient lui demander communication des biens célestes dont il était rempli. Beaucoup demeuraient ses disciples, et il groupa dans la vallée un grand nombre de petites cellules pour les recevoir. De grands Saints, attirés par la renommée de ses vertus, vinrent eux-mêmes le visiter. Il s'arrachait parfois à sa solitude, quand la gloire de Dieu le demandait, et plusieurs fois la cour de Constantinople fut édifiée de ses vertus.

Laure de Saint-Sabas ou monastère Mar Saba,
ORAISON
Honorons donc ce grand Abbé, pour lequel l'Eglise grecque professe une vénération filiale, et sous l'invocation duquel Rome a placé une de ses Eglises ; et appuyons-nous de son suffrage auprès de Dieu, en disant avec la sainte Liturgie :
" Que l'intercession, Seigneur, du bienheureux Sabbas nous recommande, s'il vous plaît, auprès de vous ; afin que nous obtenions, par son patronage, ce que nous ne pouvons prétendre par nos mérites. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen."
" Glorieux Sabbas, nomme de désirs, qui, dans l'attente de Celui qui a dit à ses serviteurs de veiller jusqu'à sa venue, vous êtes retiré au désert, de peur que les bruits du monde ne vinssent vous distraire de vos espérances, ayez pitié de nous qui, au milieu du siècle et livrés à toutes ses préoccupations, avons cependant reçu, comme vous, l'avertissement de nous tenir prêts pour l'arrivée de Celui que vous aimiez comme Sauveur, et que vous craigniez comme Juge. Priez, afin que soyons dignes d'aller au-devant de lui, quand il va paraître. Souvenez-vous aussi de l'Etat monastique, dont vous êtes l'un des principaux ornements ; relevez ses ruines au milieu de nous suscitez des hommes de prière et de foi comme aux anciens jours ; que votre esprit se repose sur eux, et qu'ainsi l'Eglise, veuve d'une partie de sa gloire, la recouvre par votre intercession."
Considérons encore la Prophétie du Patriarche Jacob, qui n'annonce pas seulement que le Messie doit être l’attente des nations, mais exprime aussi que le sceptre sera ôté de Juda, à l'époque où paraîtra le Libérateur promis. L'oracle est maintenant accompli. Les étendards de César Auguste flottent sur les remparts de Jérusalem ; et si le Temple a été réservé jusqu'à ce jour, si l'abomination de la désolation n'a pas encore été établie dans le lieu saint, si le sacrifice n'a pas encore été interrompu, c'est que le véritable Temple de Dieu, le Verbe incarné, n'a pas non plus été inauguré ; la Synagogue n'a pas renié Celui qu'elle attendait ; l'Hostie qui doit remplacer toutes les autres n'a pas encore été immolée. Mais Juda n'a plus de chef de sa race, la monnaie de César circule dans toute la Palestine ; et le jour est proche où les chefs du peuple juif confesseront, devant un gouverneur romain, qu'il ne leur est pas permis de faire mourir qui que ce soit. Il n'y a donc plus de Roi sur le trône de David et de Salomon, sur ce trône qui devait durer à jamais.
" Ô Christ ! Fils de David, Roi Pacifique, il est temps que vous paraissiez et veniez prendre ce sceptre arraché par la victoire aux mains de Juda, et déposé pour quelques jours en celles d'un Empereur. Venez ; car vous être Roi, et le Psalmiste, votre aïeul, a chanté de vous :
" Ceignez votre épée sur votre cuisse, Ô très vaillant ! Montrez votre beauté et votre gloire ; avancez-vous, et régnez ; car la vérité, la douceur, la justice sont en vous, et la puissance de votre bras vous produira. Lancées par ce bras vainqueur, vos flèches perceront le cœur des ennemis de votre Royauté, et feront tomber à vos pieds tous les peuples. Votre trône sera éternel ; le sceptre de votre Empire sera un sceptre d'équité ; Dieu vous a sacré. Dieu vous-même, d'une huile de joie qui coule plus abondamment sur vous, Ô Christ ! Qui en tirez votre nom, que sur tous ceux qui jamais s'honorèrent du nom de Roi." (Psalm. XLIV.).
Ô Messie ! Quand vous serez venu, les hommes ne seront plus errants comme des brebis sans pasteur ; il n'y aura qu'un seul bercail où vous régnerez par l'amour et la justice ; car toute puissance vous sera donnée au ciel et sur la terre ; et quand, aux jours de votre Passion, vos ennemis vous demanderont : Es-tu Roi ? Vous répondrez suivant la vérité :
" Oui, je suis Roi."
Ô Roi ! Venez régner sur nos cœurs ; venez régner sur ce monde qui est à vous parce que vous l'avez fait, et qui bientôt sera une fois de plus à vous, parce que vous l'aurez racheté. Ô ! Régnez donc sur ce monde, et n'attendez pas, pour y déployer voire royauté, le jour dont il est écrit :
" Vous brisera contre la terre la tête des Rois." (Psalm. CIX.).
Régnez dès à présent, et faites que tous les peuples soient à vos pieds dans un hommage universel d'amour et de soumission."
SÉQUENCE POUR LE TEMPS DE L’AVENT
Composée au XIe siècle, et tirée des anciens Missels Romains-Français :
" Vous qui seul, dans la force de votre bras, régnez sur tous les sceptres,
Réveillez votre puissance et faites-la éclater sous les yeux de votre peuple ;
Accordez-lui les dons du salut.
Celui qu'ont annoncé les oracles prophétiques,
Envoyez-le du radieux palais d'en haut ;
Seigneur, envoyez Jésus sur notre Terre.
Amen."
jeudi, 05 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (9)
IIe dimanche de l'Avent.
- IIe dimanche de l'Avent.
L'arbre de Jessé. Enluminure de Wittert. Hainaut. XIIIe.
L'Office de ce Dimanche est rempli tout entier des sentiments d'espérance et de joie que donne à l'âme fidèle l'heureuse nouvelle de la prochaine arrivée de celui qui est son Sauveur et son Epoux. L'Avènement intérieur, celui qui s'opère dans les âmes, est l'objet presque exclusif des prières de l'Eglise en ce jour : ouvrons donc nos cœurs, préparons nos lampes, et attendons dans l'allégresse ce cri qui se fera entendre au milieu de la nuit : Gloire à Dieu ! Paix aux hommes !
L'Eglise Romaine fait en ce jour la Station en la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem. C'est dans cette vénérable Eglise que Constantin déposa une portion considérable de la vraie Croix, avec le Titre qui y fut attaché par ordre de Pilate, et qui proclamait la Royauté du Sauveur des hommes. On y garde encore ces précieuses reliques ; et, enrichie d'un si glorieux dépôt, la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem est considérée, dans la Liturgie Romaine, comme Jérusalem elle-même ; ainsi qu'on peut le voir aux allusions que présentent les diverses Messes des Stations qu'on y célèbre. Dans le langage des saintes Ecritures et de l'Eglise, Jérusalem est le type de l'âme fidèle ; telle est aussi la pensée fondamentale qui a présidé à la composition de l'Office et de la Messe de ce Dimanche. Nous regrettons de ne pouvoir développer ici tout ce magnifique ensemble, et nous nous hâtons d'ouvrir le Prophète Isaïe. et d'y lire, avec l'Eglise, le passage où elle puise aujourd'hui le motif de ses espérances dans le règne doux et pacifique du Messie. Mais adorons d'abord ce divin Messie.
" Regem venturum Dominum, venite, adoremus."
" Le Roi qui doit venir, le Seigneur, venez, adorons-le."
(Isaïe. Chap. XI.).
L'arbre de Jessé. Bible des capucins. XIIe.
Et il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de ses racines. Et l'Esprit du Seigneur se reposera sur lui, l'Esprit de sagesse et d'intelligence, l'Esprit de conseil et de force, l'Esprit de science et de piété : et l'Esprit de la crainte du Seigneur le remplira. Il ne jugera point sur le rapport des yeux, et il ne condamnera point sur un ouï-dire : mais il jugera les pauvres dans la justice, et se déclarera le juste vengeur des humbles de la terre.
Il frappera la terre par la verge de sa bouche, et il tuera l'impie par le souffle de ses lèvres. Et la justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité son baudrier. Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera auprès du chevreau : le veau, le lion et la brebis demeureront ensemble ; et un petit enfant les mènera. La génisse et l'ours paîtront de compagnie ; leurs petits dormiront ensemble; et le lion mangera la paille comme le bœuf. L'enfant à la mamelle se jouera sur le trou de l'aspic, et l'enfant nouvellement sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. Ces bêtes ne nuiront point, elles ne tueront point sur toute ma montagne sainte : car la terre est remplie de la connaissance du Seigneur, comme les eaux couvrent la mer. En ce jour-là, le rejeton de Jessé sera arboré devant les peuples comme un étendard : les nations lui offriront leurs prières, et son sépulcre sera glorieux.
Que de choses dans ces magnifiques paroles du Prophète ! La Branche ; la Fleur qui en sort ; l'Esprit qui se repose sur cette fleur ; les sept dons de cet Esprit ; la paix et la sécurité rétablies sur la terre ; une fraternité universelle dans l'empire du Messie. Saint Jérôme, dont l'Eglise emprunte aujourd'hui les paroles dans les Leçons du second Nocturne, nous dit " que cette Branche sans aucun nœud qui sort de la tige de Jessé, est la Vierge Marie, et que la Fleur est le Sauveur a lui-même, qui a dit dans le Cantique : Je suis la fleur des champs et le lis des vallons ".
L'arbre de Jessé. Ivoire. Bamberg. Bavière. XIIe.
Tous les siècles chrétiens ont célébré avec transport et la Branche merveilleuse, et sa divine Fleur. Au moyen âge, l'Arbre de Jessé couvrait de ses prophétiques rameaux le portail des Cathédrales, étincelait sur leurs vitraux, s'épandait en broderie sur les tapisseries du sanctuaire ; et la voix mélodieuse des prêtres chantait le doux Répons composé par Fulbert de Chartres et mis en chant grégorien par le pieux roi Robert :
R/. La tige de Jessé a produit une branche, et la branche une fleur ; Et sur cette fleur l'Esprit divin s'est reposé.
V/. La Vierge Mère de Dieu est la branche, et son fils est la fleur ; Et sur cette fleur l'Esprit divin s'est reposé.
Et le dévot saint Bernard, commentant ce Répons dans sa deuxième Homélie sur l'Avent, disait :
" Le Fils de la Vierge est la fleur, fleur blanche et pourprée, choisie entre mille ; fleur dont la vue réjouit les Anges, et dont l'odeur rend la vie aux morts ; Fleur des champs, comme elle le dit elle-même, et non fleur des jardins; car la fleur des champs pousse d'elle-même sans le secours de l'homme, sans les procédés de l'agriculture. Ainsi le chaste sein de la Vierge, comme un champ d'une verdure éternelle, a produit cette divine fleur dont la beauté ne se corrompt pas, dont l'éclat ne se fanera jamais. Ô Vierge ! Branche sublime, à quelle hauteur ne montez-vous pas ? Vous arrivez jusqu'à celui qui est assis sur le Trône, jusqu'au Seigneur de majesté. Et je ne m'en étonne pas ; car vous jetez profondément en terre les racines de l'humilité. Ô plante céleste, la plus précieuse de toutes et la plus sainte ! Ô vrai arbre de vie, qui seule avez été digne de porter le fruit du salut !"
Parlerons-nous de l'Esprit-Saint et de ses dons, qui ne se répandent sur le Messie qu'afin de descendre ensuite sur nous, qui seuls avons besoin de Sagesse et d'Intelligence, de Conseil et de Force, de Science, de Piété et de Crainte de Dieu ? Implorons avec instances ce divin Esprit par l'opération duquel Jésus a été conçu et formé au sein de Marie, et demandons-lui de le former aussi dans notre cœur. Mais réjouissons-nous encore sur les admirables récits que nous fait le Prophète, de la félicité, de la concorde, de la douceur qui règnent sur la Montagne sainte. Depuis tant de siècles le monde attendait la paix : elle vient enfin.
Le péché avait tout divisé ; la grâce va tout réunir. Un tendre enfant sera le gage de l'alliance universelle. Les Prophètes l'ont annoncé, la Sibylle l'a déclaré, et dans Rome même encore ensevelie sous les ombres du Paganisme, le prince des poètes latins, écho des traditions antiques, a entonné le chant fameux dans lequel il dit :
" Le dernier âge, l'âge prédit par la Sibylle de Cumes va s'ouvrir; une nouvelle race d'hommes descend du ciel. Les troupeaux n'auront plus à craindre la fureur des lions. Le serpent périra ; et l'herbe trompeuse qui donne le poison sera anéantie."
(Ultima Cumœi venit jam carminis aetas... Jam nova progenies cœlo demittitur alto... Nec magnos metuent armenta leones... Occidet et serpens, et fallax herba veneni Occidet...).
L'arbre de Jessé. Lectionnaire du cardinal Charles de Bourbon(*. XVe.
Venez donc, Ô Messie, rétablir l'harmonie primitive ; mais daignez vous souvenir que c'est surtout dans le cœur de l'homme que cette harmonie a été brisée ; venez guérir ce cœur, posséder cette Jérusalem, indigne objet de votre prédilection. Assez longtemps elle a été captive en Babylone ; ramenez-la de la terre étrangère. Rebâtissez son temple ; et que la gloire de ce second temple soit plus grande que celle du premier, par l'honneur que vous lui ferez de l'habiter, non plus en figure, mais en personne. L'Ange l'a dit à Marie : " Le Seigneur Dieu donnera à votre fils le trône de David son père ; et il régnera dans la maison de Jacob à jamais, et son règne n'aura point de fin ". Que pouvons-nous faire, Ô Jésus ! Si ce n'est de dire, comme Jean le bien-aimé, à la fin de sa Prophétie : Amen ! Ainsi soit-il ! Venez, Seigneur Jésus !
A LA MESSE
La solennité du Sacrifice s'ouvre par un chant de triomphe qui s'adresse à Jérusalem, Ce chant exprime la joie qui saisira le cœur de l'homme, quand il aura entendu la voix de son Dieu. Il célèbre la bonté de ce divin Pasteur, pour lequel chacune de nos âmes est une brebis chérie, qu'il est prêt à nourrir de sa propre chair.
EPITRE
Lecture de l'Epître de saint Paul, Apôtre, aux Romains. Chap. XV.
L'arbre de Jessé. Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.
" Mes Frères, tout ce qui a été écrit, est écrit pour notre instruction, afin que nous concevions une espérance ferme par la patience et la consolation que les Ecritures nous donnent. Que le Dieu de patience et de consolation vous fasse la grâce d'être toujours unis de sentiment et d'affection les uns avec les autres, selon l'esprit de Jésus-Christ. C'est pourquoi unissez-vous les uns avec les autres, pour vous soutenir mutuellement, comme Jésus-Christ vous a unis avec lui pour la gloire de Dieu. Car je vous déclare que Jésus-Christ a été le dispensateur et le ministre de l'Evangile à l'égard des Juifs circoncis ; afin que Dieu fût reconnu pour véritable, par l'accomplissement des promesses qu'il avait faites à leurs pères.
Et quant aux Gentils, ils n'ont qu'à glorifier Dieu de sa miséricorde, selon qu'il est écrit : C'est pour cette raison, Seigneur, que je publierai vos louanges parmi les Gentils, et que je chanterai des cantiques à la gloire de votre Nom. Il est encore écrit : " Réjouissez-vous, Gentils, avec son peuple ". Et ailleurs : " Gentils, louez tous le Seigneur : peuples, glorifiez-le tous. Isaïe a dit aussi : " Il sortira de la tige de Jessé un rejeton qui s'élèvera pour commander aux Gentils ; et les Gentils espéreront en lui ". Que le Dieu d'espérance vous comble de paix et de joie dans votre loi, afin que votre espérance croisse toujours de plus en plus par la vertu et la puissance du Saint-Esprit."
Ayez donc patience, Chrétiens ; croissez dans l'espérance ; et vous goûterez le Dieu de paix qui va venir en vous. Mais soyez unis de cœur les uns aux autres ; car c'est la marque des enfants de Dieu. Le Prophète nous annonce que le Messie fera habiter ensemble le loup et l'agneau ; et voici que l'Apôtre nous le montre réunissant dans une même famille le Poldève et le Gentil. Gloire à ce souverain Roi, puissant rejeton de la tige de Jessé, et qui nous commande d'espérer en lui ! Voici que l'Eglise nous avertit encore qu'il va paraître en Jérusalem.
EVANGILE
Suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. XI.
L'arbre de Jessé. Miniature au sermon de saint Fulbert de Chartres
pour la nativité de la Vierge Marie. Vitae sanctorum.
Abbaye Notre-Dame de Citeaux. Bourgogne. XIIe.
" En ce temps-là, Jean, ayant appris dans la prison les œuvres merveilleuses de Jésus-Christ, lui fit dire par deux de ses disciples, qu'il lui envoya : Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Jésus leur répondit : Allez dire à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres ; et heureux celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale !
Comme ils s'en retournaient, Jésus se mit à parler de Jean, et dit au peuple : Qu'êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? Mais encore qu'êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mollement ? Vous savez que ceux qui sont vêtus mollement sont dans les maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir ? Un Prophète. Je vous le dis, et plus qu'un Prophète. Car c'est de lui qu'il a été écrit : J'envoie devant vous mon Ange, qui vous préparera la voie."
C'est bien vous, Seigneur, qui deviez venir, et nous ne devons pas en attendre un autre. Nous étions aveugles, vous nous avez éclairés ; notre marche était chancelante, vous l'avez raffermie; la lèpre du péché nous couvrait, vous nous avez guéris ; nous étions sourds à votre voix, vous nous avez rendu l'ouïe ; nous étions morts par nos iniquités, vous nous avez tirés du tombeau ; enfin, nous étions pauvres et délaissés, vous êtes venu nous consoler. Tels ont été, tels seront les fruits de votre visite dans nos âmes, Ô Jésus ! Visite silencieuse, mais puissante ; dont la chair et le sang n'ont point le secret, mais qui s'accomplit dans un cœur touché. Venez ainsi en moi, Ô Sauveur ! Votre abaissement, votre familiarité ne me scandaliseront pas ; car vos œuvres dans les âmes disent assez que vous êtes un Dieu. C'est parce que vous les avez créées que vous pouvez les guérir.
L'arbre de Jessé. Bas-relief anonyme. Flandre. XVIe.
(*) Rappelons que le cardinal Charles de Bourbon, grand prélat et soutien ferme et incorruptible de siège de saint Pierre et des Ligues catholiques françaises, séquestré par Henri III au grand scandale des catholiques de tout le royaume de France et du souverain pontife, fut, après le tyranicide opéré sur le dernier Valois, maintenu en détention par Henri de Navarre, son cousin, puis, pour finir, littéralement assassiné. Le cardinal de Bourbon arrivait en effet bien avant ce prétendu converti dans l'ordre de succession à la couronne de France...
dimanche, 08 décembre 2024 | Lien permanent
8 décembre. L'Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie. 1854.
- L'Immaculée Conception de la très sainte Vierge Marie. 1854.
Pape : Pie IX.
" Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te."
" Vous êtes toute belle, Vierge bien-aimée, et l'oeil scrutateur d'un Dieu n'a pu découvrir en vous la moindre tâche."
Cantique des Cantiques. IV, 7.

L'Immaculée Conception. Carlo Crivelli. XVe.
Enfin, l'aurore du Soleil tant désiré brille aux extrémités du ciel, tendre et radieuse. L'heureuse Mère du Messie devait naître avant le Messie lui-même ; et ce jour est celui de la Conception de Marie. La terre possède déjà un premier gage des célestes miséricordes ; le Fils de l'homme est à la porte. Deux vrais Israélites, Joachim et Anne, nobles rejetons de la famille de David, voient enfin, après une longue stérilité, leur union rendue féconde par la toute-puissance divine. Gloire au Seigneur qui s'est souvenu de ses promesses, et qui daigne, du haut du ciel, annoncer la fin du déluge de l'iniquité, en envoyant à la terre la blanche et douce colombe qui porte la nouvelle de paix !
La fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge est la plus solennelle de toutes celles que l'Eglise célèbre au saint temps de l'Avent ; et s'il était nécessaire que la première partie du Cycle présentât la commémoration de quelqu'un des Mystères de Marie, il n'en est aucun dont l'objet pût offrir de plus touchantes harmonies avec les pieuses préoccupations de l'Eglise en cette mystique saison de l'attente. Célébrons donc avec joie cette solennité ; car la Conception de Marie présage la prochaine Naissance de Jésus.
L'intention de l'Eglise, dans cette fête, n'est pas seulement de célébrer l'anniversaire de l'instant fortuné auquel commença, au sein de la pieuse Anne, la vie de la très glorieuse Vierge Marie; mais encore d'honorer le sublime privilège en vertu duquel Marie a été préservée de la tache originelle que, par un décret souverain et universel, tous les enfants d'Adam contractent au moment même où ils sont conçus dans le sein de leurs mères.

Définition du dogme de l'Immaculée Conception par le pape Pie IX,
La foi de l'Eglise catholique que nous avons entendu solennellement reconnaître comme révélée de Dieu même, au jour à jamais mémorable du huit Décembre 1854, cette foi qu'a proclamée l'oracle apostolique, par la bouche de Pie IX, aux acclamations de la chrétienté tout entière, nous enseigne qu'au moment où Dieu a uni l'âme de Marie qu'il venait de créer au corps qu'elle devait animer, cette âme à jamais bénie, non seulement n'a pas contracté la souillure qui envahit à ce moment toute âme humaine, mais qu'elle a été remplie d'une grâce immense qui l'a rendue, dès ce moment, le miroir de la sainteté de Dieu même, autant qu'il est possible à un être créé.
Une telle suspension de la loi portée par la justice divine contre toute la postérité de nos premiers parents était motivée par le respect que Dieu porte à sa propre sainteté. Les rapports que Marie devait avoir avec la divinité même, étant non seulement la Fille du Père céleste, mais appelée à devenir la propre Mère du Fils, et le Sanctuaire ineffable de l'Esprit-Saint, ces rapports exigeaient que rien de souillé ne se rencontrât, même un seul instant, dans la créature prédestinée à de si étroites relations avec l'adorable Trinité ; qu'aucune ombre n'eût jamais obscurci en Marie la pureté parfaite que le Dieu souverainement saint veut trouver même dans les êtres qu'il appelle à jouir au ciel de sa simple vue ; en un mot, comme le dit le grand Docteur saint Anselme :
" Il était juste qu'elle fût ornée d'une pureté au-dessus de laquelle on n'en puisse concevoir de plus grande que celle de Dieu même, cette Vierge à qui Dieu le Père devait donner son Fils d'une manière si particulière que ce Fils deviendrait par nature le Fils commun et unique de Dieu et de la Vierge ; cette Vierge que le Fils devait élire pour en faire substantiellement sa Mère, et au sein de laquelle l'Esprit-Saint voulait opérer la conception et la naissance de Celui dont il procédait lui-même."
(De Conceptu Virginali. Cap. XVIII.).

L'Immaculée Conception. Bartolomé Esteban Murillo. XVIIe.
En même temps, les relations que le Fils de Dieu avait à contracter avec Marie, relations ineffables de tendresse et de déférence filiales, avant été éternellement présentes à sa pensée, elles obligent à conclure que le Verbe divin a ressenti pour cette Mère qu'il devait avoir dans le temps, un amour d'une nature infiniment supérieure à celui qu'il éprouvait pour tous les êtres créés par sa puissance. L'honneur de Marie lui a été cher au-dessus de tout, parce qu'elle devait être sa Mère, qu'elle l'était même déjà dans ses éternels et miséricordieux desseins. L'amour du Fils a du protégé la Mère ; et si celle-ci, dans son humilité sublime, n'a repoussé aucune des conditions auxquelles sont soumises toutes les créatures de Dieu, aucune des exigences même de la loi de Moïse qui n'avait pas été portée pour elle, la main du Fils divin a abaissé pour elle l'humiliante barrière qui arrête tout enfant d'Adam venant en ce monde, et lui ferme le sentier de la lumière et de la grâce jusqu'à ce qu'il ait été régénéré dans une nouvelle naissance.
Le Père céleste ne pouvait pas faire moins pour la nouvelle Eve qu'il n'avait fait pour l'ancienne, qui fut établie tout d'abord, ainsi que le premier homme, dans l'état de sainteté originelle où elle ne sut pas se maintenir. Le Fils de Dieu ne devait pas souffrir que la femme à laquelle il emprunterait sa nature humaine eût à envier quelque chose à celle qui a été la mère de prévarication.
L'Esprit-Saint, qui devait la couvrir de son ombre et la rendre féconde par sa divine opération, ne pouvait pas permettre que sa Bien-Aimée fût un seul instant maculée de la tache honteuse avec laquelle nous sommes conçus. La sentence est universelle ; mais une Mère de Dieu devait en être exempte. Dieu auteur de la loi, Dieu qui a posé librement cette loi, n'était-il pas le maître d'en affranchir celle qu'il avait destinée à lui être unie en tant de manières ? Il le pouvait, Il le devait : Il l'a donc fait.

L'Immaculée Conception. Eglise Saint-Sébastien.
Et n'était-ce pas cette glorieuse exception qu'il annonçait lui-même au moment où comparurent devant sa majesté offensée les deux prévaricateurs dont nous sommes tous issus ? La promesse miséricordieuse descendait sur nous dans l'anathème qui tombait sur le serpent.
" J'établirai moi-même, disait Jéhovah, une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et son fruit ; et elle-même t'écrasera la tête."
Ainsi, le salut était annoncé à la famille humaine sous la forme d'une victoire contre Satan ; et cette victoire, c'est la Femme qui la devait remporter pour nous tous. Et que l'on ne dise pas que ce sera le fils de la femme qui la remportera seul, cette victoire : le Seigneur nous dit que l'inimitié de la femme contre le serpent sera personnelle, et que, de son pied vainqueur, elle brisera la tête de l'odieux reptile ; en un mot, que la nouvelle Eve sera digne du nouvel Adam, triomphante comme lui ; que la race humaine un jour sera vengée, non seulement parle Dieu fait homme, mais aussi par la Femme miraculeusement soustraite à toute atteinte du péché ; en sorte que la création primitive dans la sainteté et la justice (Ephes. IV, 24.) reparaîtra en elle, comme si la faute primitive n'avait pas été commise.
Relevez donc la tête, enfants d'Adam, et secouez vos chaînes. Aujourd'hui, l'humiliation qui pesait sur vous est anéantie. Voici que Marie, qui est votre chair et votre sang, a vu reculer devant elle le torrent du péché qui entraîne toutes les générations : le souffle du dragon infernal s'est détourné pour ne pas la flétrir ; la dignité première de votre origine est rétablie en elle. Saluez donc ce jour fortuné où la pureté première de votre sang est renouvelée : la nouvelle Eve est produite ; et de son sang qui est aussi le vôtre, moins le péché, elle va vous donner, sous peu d'heures, le Dieu-homme qui procède d'elle selon la chair, comme il sort de son Père par une génération éternelle.

L'Immaculée Conception. Eglise Saint-Maurice de Wolshwiller.
Et comment n'admirerions-nous pas la pureté incomparable de Marie dans sa conception immaculée, lorsque nous entendons, dans le divin Cantique, le Dieu même qui l'a ainsi préparée pour être sa Mère, lui dire avec l'accent d'une complaisance toute d'amour :
" Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a en vous aucune tache." (Cant. IV, 7.).
C'est le Dieu de toute sainteté qui parle ; son œil qui pénètre tout ne découvre en Marie aucune trace, aucune cicatrice du péché ; voilà pourquoi il se conjoint avec elle, et la félicite du don qu'il a daigné lui faire. Après cela, nous étonnerons-nous que Gabriel, descendu des cieux pour lui apporter le divin message, soit saisi d'admiration à la vue de cette pureté dont le point de départ a été si glorieux et les accroissements sans limites ; qu'il s'incline profondément devant une telle merveille, et qu'il dise :
" Salut, Ô Marie, pleine de grâce !"
Gabriel mène sa vie immortelle au centre de toutes les magnificences de la création, de toutes les richesses du ciel ; il est le frère des Chérubins et des Séraphins, des Trônes et des Dominations ; son regard parcourt éternellement ces neuf hiérarchies angéliques où la lumière et la sainteté resplendissent souverainement, croissant toujours de degré en degré ; mais voici qu'il a rencontré sur la terre, dans une créature d'un rang inférieur aux Anges, la plénitude de la grâce, de cette grâce qui n'a été donnée qu'avec mesure aux Esprits célestes, et qui repose en Marie depuis le premier instant de sa création. C'est la future Mère de Dieu toujours sainte, toujours pure, toujours immaculée.

L'Immaculée Conception. Eglise de l'Ordination-de-Saint-Martin.
Cette vérité révélée aux Apôtres par le divin Fils de Marie, recueillie dans l'Eglise, enseignée par les saints Docteurs, crue avec une fidélité toujours plus grande par le peuple chrétien, était contenue dans la notion même d'une Mère de Dieu. Croire Marie Mère de Dieu, c'était déjà croire implicitement que celle en qui devait se réaliser ce titre sublime n'avait jamais rien eu de commun avec le péché, et que nulle exception n'avait pu coûter à Dieu pour l'en préserver. Mais désormais l'honneur de Marie est appuyé sur la sentence explicite qu'a dictée l'Esprit-Saint.
Pierre a parlé par la bouche de Pie IX ; et lorsque Pierre a parlé, tout fidèle doit croire ; car le Fils de Dieu a dit :
" J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille jamais " (Luc. XXVII, 32) ; et il a dit aussi : " Je vous enverrai l'Esprit de vérité qui demeurera avec vous à jamais, et vous fera souci venir de tout ce que je vous avais enseigné." (Johan. XIV, 20.).
Le symbole de notre foi a donc acquis, non une vérité nouvelle, mais une nouvelle lumière sur la vérité qui était auparavant l'objet de la croyance universelle. En ce jour, le serpent infernal a senti de nouveau la pression victorieuse du pied de la Vierge-mère, et le Seigneur a daigné nous donner le gage le plus signalé de ses miséricordes. Il aime encore cette terre coupable ; car il a daigné l'éclairer tout entière d'un des plus beaux rayons de la gloire de sa Mère. N'a-t-elle pas tressailli, cette terre ? N'a-t-elle pas ressenti à ce moment un enthousiasme que notre génération n'oubliera jamais ? Quelque chose de grand s'accomplissait à cette moitié du siècle ; et nous attendrons désormais les temps avec plus de confiance, puisque si l'Esprit-Saint nous avertit de craindre pour les jours où les vérités diminuent chez les enfants des hommes, il nous dit assez par là que nous devons regarder comme heureux les jours où les vérités croissent pour nous en lumière et en autorité.

L'Immaculée Conception. Giambattista Tiepolo. XVIe.
En attendant l'heure de la proclamation solennelle du grand dogme, la sainte Eglise le confessait chaque année, en célébrant la fête d'aujourd'hui. Cette fête n'était pas appelée, il est vrai, la Conception immaculée, mais simplement la Conception de Marie. Toutefois, le fait de son institution et de sa célébration exprimait déjà suffisamment la croyance de la chrétienté.
L'Eglise grecque, héritière plus prochaine des pieuses traditions de l'Orient, la célébrait déjà au VIe siècle, comme on le voit par le Type ou cérémonial de saint Sabbas. En Occident nous la trouvons établie dès le VIIIe siècle, dans l'Eglise gothique d'Espagne. Un célèbre calendrier gravé sur le marbre, au IXe siècle, pour l'usage de l'Eglise de Naples, nous la montre déjà instituée à cette époque.
Nous la trouvons en Allemagne sanctionnée dans un concile présidé, en 1049, par saint Léon IX ; dans la Navarre, en 1090, à l'abbaye d'Irach ; en Belgique, à Liège, en 1142. C'est ainsi que toutes les Eglises de l'Occident rendaient tour à tour témoignage au mystère, en acceptant la fête qui l'exprimait.

L'Immaculée Conception. Francisco de Zurbarán. XVIIe.
Enfin, l'Eglise de Rome l'adopta elle-même, et par son concours vint rendre plus imposant encore ce concert de toutes les Eglises. Ce fut Sixte IV qui, en 1476, rendit le décret qui instituait la fête de la Conception de Notre-Dame dans la ville de saint Pierre. Au siècle suivant, en 1568, saint Pie V publiait l'édition universelle du Bréviaire Romain ; on y voyait cette fête inscrite au calendrier, comme l'une des solennités chrétiennes qui doivent chaque année réunir les vœux des fidèles. Rome n'avait pas déterminé le mouvement de la piété catholique envers le mystère ; elle le sanctionnait de son autorité liturgique, comme elle Fa confirmé, dans ces derniers temps, de son autorité doctrinale.
Les trois grands Etats de l'Europe catholique, l'Empire d'Allemagne, la France et l'Espagne, se signalèrent, chacun à sa manière, par les manifestations de leur piété envers Marie immaculée dans sa Conception. La France, par l'entremise de Louis XIV, obtint de Clément IX que la fête serait célébrée avec Octave dans le royaume : faveur qui fut bientôt étendue à l'Eglise universelle par Innocent XII. Déjà, depuis des siècles, la Faculté de théologie de Paris astreignait tous ses Docteurs à prêter serment de soutenir le privilège de Marie, et elle maintint cette pieuse pratique jusqu'à son dernier jour.
L'empereur Ferdinand III, en 1647, fit élever sur la grande place de Vienne une splendide colonne couverte d'emblèmes et de figures qui sont autant de symboles de la victoire que Marie a remportée sur le péché, et surmontée de la statue de notre Reine immaculée, avec cette pompeuse et catholique inscription :
dimanche, 08 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
9 décembre. Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.
- Saint Budoc, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. VIe/VIIe.
Pape : Saint Martin Ier. Roi de Domnonée : Saint Judicaël.
Saint Budoc conseillant à saint Magloire de ne point abandonner sa charge d'évêque de Dol.

Saint Budoc. Gourin. Bretagne.
Judual, prince de Bretagne, qui dut à saint Samson de recouvrer l'héritage de ses pères, et qui régna ensuite dans ce pays sous le nom d'Alain Ier, eut de son mariage avec Azénor, fille du comte de Léon, six fils, dont le quatrième se nommait Budoc (ou Deroch, ou encore Beuzec).

Saint Budoc. Reproduction de la statue de saint Budoc du
Son mérite n'échappa pas à saint Magloire, qui, voulant se décharger du fardeau de l'épiscopat, le désigna pour son successeur et le sacra évêque. On vit bientôt le disciple animé du même esprit que les saints maîtres qui l'avaient dirigé dans les voies de la perfection, et l'on reconnu qu'il possédait toutes les vertus d'un véritable pasteur.

Sacre de saint Budoc. Bas-relief en bois doré.
Chapelle Saint-Samson. Posporder. Léon. Bretagne.
L'histoire ne nous a pas conservée le détail des actions de saint Budoc pendant son épiscopat. On sait seulement qu'il entreprit un voyage à Jérusalem et qu'il s'y fit tellement estimé qu'on lui donna un grand nombre de reliques, qui furent dans la suite portées à Orléans et déposées dans l'église de Saint-Samson.

Fontaine Saint-Budoc. Chapelle Saint-Conogan.
Les reliques de saint Budoc étaient conservées à Dol, à l'époque du procès entre cette église et celle de Tours, ainsi que l'atteste une pièce qui servit à cette cause et que dom Morice apubliée dans ses Mémoires. Il paraît qu'elles furent détruites ou perdues, lorsque Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, vint, au commencement du XIIIe siècle, faire le siège de Dol et en brûla la cathédrale. On assure que la paroisse de Plourin, dans le diocèse de Léon, en possède encore une partie.
HYMNE
Tropaire de saint Budoc (tiré de son office à neuf leçons).
" Tu fus miraculeusement préservé de la furie de l'océan
Puis étant nourri par la main de Dieu,
Tu te dévouas entièrement à Son service, Ô saint évêque Budoc.
Étant couvert d'honneurs aussi bien temporels que spirituels à Armagh et Dol,
Tu œuvras pour gagner les âmes au Christ,
C'est pourquoi nous implorons ton aide,
Supplie le Christ notre Dieu afin qu'Il nous sauve."

Statue de saint Budoc. Cimetière de Trévagan. Léon. Bretagne.
Rq : Reproduites par ignorance ou par malveillance sur l'Internet, les légendes nombreuses autour de saint Budoc, celles touchant à sa jeunesse en particulier, sont rien moins que fantaisistes. Dom Lobineau, le grand hagiographe des Saints de Bretagne, mais aussi, avec plus de prudence, le dominicain breton Albert Le Grand, ont rejeté la quasi-totalité de ce que l'on peut trouver de fantastique. Il est tellement hasardeux de démêler ce qu'il peut y avoir de vrai dans ces récits que l'on s'abstiendra d'y ajouter foi.
lundi, 09 décembre 2024 | Lien permanent
14 décembre. Saint Nicaise, archevêque de Reims, martyr. 407.
- Saint Nicaise, archevêque de Reims, martyr. 407.
Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius. Roi des Francs : Théodomir.
" Un pasteur véritable doit travailler jusqu'à l'effusion de son sang plutôt que d'abandonner le troupeau de Jésus-Christ."
Saint Athanase.
Les Eglises du nord de la Gaule, quoique parvenues assez tard à une existence officielle, s'étaient bien vite dédommagées.
Chaque jour qui s'écoulait, dit M. Kurth, marquait un progrès pour les chrétientés de la Gaule du nord. Bientôt elle fut à même de payer sa dette aux Eglises du midi. C'est un enfant de Toul, saint Honorat, qui alla fonder, en 405, cet illustre monastère de Lérins, foyer de la vie monastique en Gaule et pépinière de l'épiscopat gaulois. C'est un fils de Trèves, Salvien, qui brilla au premier rang des écrivains ecclésiastiques du cinquième siècle, et dont la pathétique éloquence n'a pas vieilli pour l'histoire. C'est à Trèves encore, dans la société du saint prêtre Banosus, que se développa la vocation religieuse de saint Jérôme ; et si on se rappelle que cette ville a eu pour professeur Lattante et pour élève Ambroise, on trouvera que l'Eglise de Belgique n'a pas été inutile à l'Eglise universelle.
On ne comprendrait pas bien le grand rôle réservé à cette Eglise dans l'histoire de la jeunesse du monde moderne, si à l'étude de sa vie intime on n'ajoutait celle de ses organismes essentiels. Comme l'Eglise universelle elle-même, l'Eglise des Gaules alors était une fédération de diocèses reliés entre eux par la communion, par les assemblées conciliaires et par l'obéissance à l'autorité du Souverain Pontife. En dehors de ce triple et puissant élément d'unité, toute son activité et toute sa vie résidaient dans les groupes diocésains.
Chaque diocèse était comme une monarchie locale dont l'évêque était le chef religieux et tendait à devenir le chef temporel. Chef religieux, il était la source de l'autorité, le gardien de la discipline, le dispensateur des sacrements, l'administrateur de la charité, le protecteur-né de tout ce qui était pauvre, faible, souffrant ou abandonné. Chacune de ces attributions concentrait dans ses mains une somme proportionnée d'autorité et d'influence. L'Etat lui-même avait reconnu et affermi cette influence en accordant à l'épiscopat les deux grands privilèges qui lui garantissaient l'indépendance : je veux dire l'exemption des charges publiques et la juridiction autonome. Les constitutions lui accordaient même une part d'intervention dans la juridiction séculière, chaque fois qu'une cause touchait particulièrement à la morale ou au domaine religieux.

Saint Nicaise. Petites heures de Jean de Berry. XIVe.
La confiance du peuple allait plus loin. N'ayant plus foi dans les institutions civiles, ils s'habituèrent à confier la défense de tous leurs intérêts aux autorités ecclésiastiques. Ils ne se préoccupèrent pas de faire le départ du spirituel et du temporel : ils donnèrent tous les pouvoirs à qui rendait tous les services. Sans l'avoir cherché, en vertu de sa seule mission religieuse et grâce à l'affaiblissement de l'Etat, les évêques se trouvèrent chargés du gouvernement de leur côté, c'est-à-dire de leurs diocèses Gouverneurs sans mandat officiel, il est vrai, mais d'autant plus obéis que tout ce qui avait un caractère officiel inspirait plus de défiance et d'aversion, ils furent, en Gaule surtout, les bons génies du monde agonisant. Ils fermèrent les plaies que l'Etat ouvrait ; ils firent des prodiges de dévouement et de charité. Les évêques, dit un historien protestant parlant de la Gaule pratiquèrent alors la bienfaisance dans des proportions que le monde n'a peut-être jamais revues.
Telle était la situation lorsque éclata la catastrophe de 406. Ce fut un coup terrible pour les chrétientés de la Gaule septentrionale. Nous ne savons que peu de chose de ces jours pleins de troubles et de terreurs, où l'histoire même se taisait, comme écrasée par l'immensité des souffrances qu'il eût fallu enregistrer. Même les quelques souvenirs qu'en ont gardés les peuples ont été brouillés et, confondus avec celui de l'invasion hunnique, arrivée un demi-siècle plus tard. Un seul des épisodes consignés par l'hagiographie peut être rapporté avec certitude aux désastres de 406 ; il s'agit de la mort du vénérable pontife de Reims, saint Nicaise, égorgé par les Vandales au milieu de son troupeau qu'il n'avait pas voulu abandonner.
Que les combats fameux du bienheureux Nicaise, évêque de Reims et martyr du Christ, dont nous célébrons le triomphe, et de sa sainte soeur Entropie, dont nous admirons l'intrépidité et la pudeur, nous soient propices en ce jour où nous attendons joyeux les consolations que leurs prières et leurs mérites nous obtiendront. Tandis qu'ils luttaient encore sur cette terre au service du Christ, ils la remplirent des heureux exemples de leur sainteté.

Missel à l'usage de l'abbaye Saint-Nicaise de Reims.
Elevés maintenant sur les sièges célestes, le souvenir de ce qu'ils furent nous instruit encore, et ils protègent certainement par leurs prières continuelles ceux qui s'efforcent attentivement d'atteindre la perfection, les sauvegardant des dangers présents, passés et futurs. La bienheureuse vierge Entropie suivait infatigable et sans faiblir son très saint frère qu'elle imitait et aidait, afin d'en recevoir la protection pour sa chasteté, et afin que, débarrassée des souillures de l'esprit, elle servît Dieu en toute la pureté et intégrité d'un corps défendu contre les plaisirs de la chair. Tous deux rendaient les hommages assidus de leur piété jusqu'au moment où éclatèrent les jours menaçants des persécutions.
Nicaise, le véritable serviteur de Dieu, cultivait avec vigueur le champ qui lui avait été confié et, se conformant au précepte de l'Apôtre, il prodiguait à temps et à contre-temps, par l'effusion de la parole de Dieu, les semailles qu'il avait le devoir de répandre.
Mais, comme le dit la parole divine, telle partie tombe sur la route, telle autre sur les pierres et les terrains arides, telle dans les épines, telle enfin dans une terre préparée, et celle-ci rend une moisson abondante. Ainsi parmi les hommes il y a un grand nombre d'appelés, mais peu d'élus ; il s'en trouva plusieurs qui suivirent le Christ en sa compagnie et, remplis du Saint-Esprit, se préparèrent au martyre. Qu'est-ce donc qui a provoqué la colère divine à cet écrasement des Gaules qu'une révélation lui avait fait connaître avant qu'elle arrivât ? C'est alors qu il condamnait une richesse d'origine infâme, proclamant dans son angoisse la future destruction de la province amenée par l'excès du plaisir et la paresse de l'impuissance, lamentable maladie de l'âme, ou par la convoitise de l'avarice, passions qui enchaînent misérablement le coeur humain. L'évêque exhortait donc ses ouailles dont la conscience coupable l'inquiétait, prêt à mourir pour tous afin de détourner de tous la colère de Dieu ; il suppliait, l'esprit contrit et le coeur humilié, l'invincible clémence céleste afin que le glaive des hommes ne pénétrât pas jusqu'aux âmes, mais pour que, sauvés par la pénitence et la prière continuelle et la conscience renouvelée, ils reçussent le plein pardon, grâce à l'ineffable grandeur de la miséricorde divine.

Portail de saint Sixte ou portail des Saints. Saint Nicaise portant sa tête,
Sous le règne des Césars païens qui persécutèrent les chrétiens depuis le temps des apôtres jusqu'à l'époque de Constantin, l'esprit malin s'efforça par les mille ruses de l'hérésie d'atteindre le dogme de la sainte Trinité et la foi chrétienne ; il ne cessera pas d'agir de même jusqu'à la fin des temps, trompant les fidèles par d'apparents rapprochements soucieux de tout perdre, de faire souffrir, de rompre et de réduire à néant l'unité de l'Eglise qui est dans le Christ. Après le baptême de Constantin et la fin de la persécution atroce commencée par son prédécesseur Dioclétien, la sainte Eglise de Dieu commença à retrouver peu à peu la paix ; à la faveur d'un repos bien désiré, elle s'étendit, s'enrichit et s'accrut de disciples et d'honneurs. Malheureusement l'Eglise de Gaule se laissa abuser par ces biens et, à l'instigation du démon, se livra au plaisir et à la bonne chère ; bientôt on ne rougit plus de délaisser la religion, de mettre en oubli les préceptes divins, de provoquer des scandales, des scissions, et d'offenser Dieu.
Et voilà que soudain, parmi tant de dissipations, s'émut la fureur de nations intraitables. La cohue des Vandales, vengeresse de l'offense faite à Dieu, se lance sur plusieurs provinces. Ces bandes, détruisant les villes de fond en comble, tuant tout le monde sans distinction, ne semblaient rechercher autre chose que de répandre le sang humain. Dans cette bourrasque, la Gaule se trouvait avoir de très illustres serviteurs de Dieu, saint Nicaise de Reims et saint Aignan d'Orléans, que leurs miracles et les dons qui les ornaient avaient fait connaître à tous. Ils avaient lutté longtemps par leurs prodiges et leurs prières à écarter la colère de Dieu, s'efforçant à éteindre les hérésies et l'immoralité et à ramener les peuples au Roi-Dieu par la pénitence, et de détourner de leurs peuples une pareille persécution. Ils poussaient leurs fidèles par leurs prédications et par tout ce qu'ils tentaient à revenir à la pénitence, à la patience et au martyre, afin que ceux qu'une funeste prospérité avait conduits au péché trouvassent dans l'adversité non le jugement de condamnation, mais la grâce du pardon et l'occasion du salut. L'armée des Vandales vint donc camper sous les murs de Reims ; presque tout le monde s'était enfui ; ils ne songeaient cependant qu'à tuer ceux qui ne partageaient pas leur croyance.
Le dernier jour de ce pillage, comme les Vandales cherchaient de tous côtés et menaçaient gravement la ville, les citoyens terrifiés vinrent trouver Nicaise, qui priait à genoux, le suppliant de les consoler et de dire ce qu'ils avaient à faire de mieux, ou se livrer en esclavage aux barbares, ou combattre jusqu'à la mort pour sauver la ville. Entendant cela, Nicaise, à qui une révélation avait faut connaître le sort réservé à la ville, répondit :
" Il faut combattre pour le salut, non par les armes, niais par les mœurs, non avec la confiance de la force, mais avec le soutien de ses vertus, non pas tant avec le corps qu'avec l'esprit. Nous savons que cette indignation a été amenée par le juste jugement de Dieu, aussi le seul conseil de salut que l'on puisse donner serait de s'humilier sous le châtiment divin, sans violence, comme des enfants de péché, mais avec patience, comme des enfants de prière, afin que nous puissions être appelés à bon droit et que nous soyons réellement enfants de Dieu. Acceptons ce péril en esprit d'expiation, offrons-nous pour obtenir le pardon et ne pas tomber pour nos péchés dans la peine éternelle, ainsi les misères présentes seront moins un tourment qu'un remède. En ce qui me concerne, je suis prêt, comme doit l'être le pasteur, à donner ma vie pour mes brebis, à mépriser la vie présente afin que vous receviez la vie éternelle qui a été promise. Prions donc instamment pour nos ennemis, sollicitons leur salut, demandons qu'ils se repentent de leurs crimes, afin que nous les voyions aimer et servir la vérité avec la même passion qu'ils ont apportée dans l'impiété."
Nicaise et sa soeur Entropie excitaient ainsi le peuple à affronter le martyre, et ils s'offraient eux-mêmes vaillamment, remettant à Dieu le soin de leur victoire. Ce fut sur ces entrefaites que l'invasion des barbares commença. Nicaise, rempli de la force de l'Esprit-Saint, accompagné d'Entropie, accourut sur le portail de la basilique de la Sainte-Vierge — qu'il avait bâtie lui-même pour son église cathédrale, car jadis la chaire épiscopale se trouvait dans l'église des Saints-Apôtres —, et ils entonnèrent des psaumes et des cantiques.

Martyre de saint Nicaise. Livre d'images de Madame Marie. XIIIe.
Dès qu'il vit les gens armés qui approchaient, il commanda le silence d'un geste de la main et dit :
" Ô armes victorieuses, et plût à Dieu que ce fût pour le Christ, Ô force exécutive des volontés divines, pourquoi, contrairement à la nature de la condition humaine, changez-vous votre victoire en rage ? Le droit des vainqueurs était jadis ainsi résumé : Epargner les humbles, combattre les puissants. Voici donc une foule de chrétiens humbles et pieux, prosternés devant son Dieu en votre présence, qui attend, obéissante jusqu'à la mort, la rémission de ses péchés dans le lieu même où elle fut régénérée. Tandis que le temps est favorable et que durent encore les jours de salut, faites vous-mêmes pénitence pour vos péchés, reconnaissant le vrai Dieu dont vous satisfaites à l'indignation en corrigeant les fils de sa miséricorde, qui chaque jour perdent la vie à cause de vous, de peur que sa colère qui vaut à ses fils la correction pour le salut, ne soit pour vous le paiement dans la damnation éternelle. Si vous rejetez la vérité, et que vous tuez mes brebis, prenez-moi à leur place, offrez à la majesté divine le sacrifice de mon corps, afin que le pasteur mérite d'être trouvé digne de la récompense céleste, ainsi que ses brebis."
Là-dessus Nicaise se prosterna avec sa soeur et chanta d'une voix forte :
" Mon âme a été comme attachée à la terre."
Un violent coup d'épée trancha dans son gosier le verset commencé, mais ses lèvres achevèrent de murmurer :
" Seigneur, vivifie-moi selon ta parole."
Sainte Eutropie, voyant autour d'elle la fureur s'adoucir et redoutant que sa beauté ne la destinât aux plaisirs des païens, sauta sur l'assassin en criant :
" Hélas ! Méchant tyran, tu as fait mourir de tes mains indignes un grand serviteur de Dieu et tu me réserves pour abuser de moi. Le jugement de Dieu te damnera pour t'en punir."
Et pour le provoquer, elle bondit, lui arracha les paupières et les yeux, et à l'instant même elle fut percée par des épées, qu'elle préférait aux attouchements des païens. Son sang se répandit et elle recueillit avec son frère la palme du martyre.
Les païens, furieux de l'audace et de la constance de la vierge et confondus du châtiment soudain de l'assassin de Nicaise, changeant l'indulgence qui les avait poussés à l'épargner, lui firent subir d'odieux outrages.
Le meurtre fini, les habitants massacrés, une terreur subite envahit les persécuteurs. Comme si les armées célestes étaient venues venger un crime si atroce, on entendit un bruit insolite et énorme dans l'église ; l'ennemi affolé perdit son arrogance ; ce fut un sauve-qui-peut général dans les montagnes, sur les routes ; il abandonna son butin et on ne le revit plus.
La ville demeura longtemps déserte, les chrétiens ayant fui dans la montagne par crainte des barbares ; mais les corps des martyrs étaient gardés par les anges ; la nuit, on voyait de très loin leur céleste lueur et beaucoup de gens les entendirent chanter. Cependant les habitants, réconfortés par des révélations divines, revinrent dans la ville ensevelir les corps des saints martyrs dont l'odeur exquise les guidait. Mêlant la joie aux larmes et chantant des hymnes lugubres, ils enterrèrent les martyrs avec respect dans des lieux consacrés à cet effet autour de la ville. Et tout ceci arriva afin que la force sacerdotale invincible, éprouvée durement, fût glorifiée et la négligence criminelle du peuple reçût son juste traitement, et expiée par l'effusion du sang, fût effacée.
Les corps de Nicaise et d'Eutropie furent inhumés dans le cimetière de Saint-Agricola, sur la route qui est à l'est de la ville, dans le temple fameux construit jadis par le préfet Jovinus, afin que l'on vît le dessein providentiel qui avait voulu que ce temple tirât son lustre non de sa destination première, mais de la sainteté de ses hôtes. Ces corps s'y trouvent et ils sont glorifiés par de nombreux miracles.
Les gens de Reims possèdent là deux gages perpétuels d'intercession en leur faveur... Assurés par ces prières, souhaitons donc d'arriver aux joies désirables dont les bienheureux jouissent sans fin dans le Christ.
samedi, 14 décembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)