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6 mai. Saint Jean Porte Latine. Vers 95.

- Saint Jean, martyr devant la Porte Latine. Vers 95.
 
Pape : Saint Anaclet. Empereur : Domitien.
 
" Sic eum volo manere, donem veniam."
" Je veux qu'il survive au martyre afin qu'il meure de sa mort naturelle et que je vienne le chercher."
Johan., XXI, 22.
 

Martyre de saint Jean devant la porte Latine.
Bartolommeo Di Giovanni. XVe.

Par l’ordre de Domitien, il est conduit à Rome, où, après lui avoir coupé tous les cheveux par dérision, on le jette dans une chaudière d'huile bouillante sous laquelle on entretenait un feu ardent : c'était devant la porte de la ville qu'on appelle Latine.

Il n'en ressentit cependant aucune douleur, et en sortit parfaitement sain.
 
En ce lieu donc, les Chrétiens bâtirent une église, et ce jour est solennisé comme le jour du martyre de saint Jean. Or, comme le saint apôtre n'en continuait pas moins à prêcher Notre Seigneur Jésus-Christ, il fut, par l’ordre de Domitien, relégué dans l'île de Pathmos.

La mère de Jean, apprenant que son fils était détenu à Rome, et poussée par une compassion de mère, s'y rendit pour le visiter. Mais quand elle fut arrivée, elle apprit qu'il avait été relégué en exil. Alors elle se retira dans la ville de Vétulonia eu Campanie, où elle rendit son âme à Dieu. Son corps resta longtemps enseveli dans un endroit inconnu, mais dans la suite, il fut révélé à saint Jacques, son fils. Il répandit alors une grande et suave odeur et opéra de nombreux et éclatants miracles ; il fut transféré avec grand honneur dans la ville qu'on vient de nommer.
 

Bible. Colins Chadewe. Flandres. XIIIe.

Jean, le disciple bien-aimé, que nous avons prévus du berceau de l'enfant de Bethléhem reparaît en ce jour sur le Cycle pour faire sa cour au glorieux triomphateur de la mort et de l'enfer. Couvert de la pourpre du martyre, il marche d'un pas égal avec Philippe et Jacques, dont la double palme a réjoui nos regards au début de ce mois si fécond en héros.

Dans son ambition maternelle, Salomé avait un jour présenté ses deux fils à Jésus, demandant pour eux les deux premières places de son royaume. Le Sauveur avait alors parlé du calice qu'il devait boire, et prédit qu'un jour ces deux disciples le boiraient à leur tour. L'aîné, Jacques le Majeur, a le premier donné à son Maître cette marque de son amour ; nous célébrerons sa victoire sous le signe du Lion ; Jean, le plus jeune, a été appelé aujourd'hui à sceller de sa vie le témoignage qu'il a rendu à la divinité de Jésus.

Mais il fallait au martyre d'un tel Apôtre un théâtre digne de lui. L'Asie-Mineure, évangélisée par ses soins, n'était pas une contrée assez illustre pour porter dignement la gloire d'un tel combat. Rome seule, Rome où Pierre a déjà transféré sa chaire et répandu son sang, où Paul a courbé sous le glaive sa tête vénérable, méritait l'honneur de voir dans ses murs l'auguste vieillard, le disciple que Jésus aima, le dernier survivant du Collège apostolique, s'avancer vers le martyre avec cette majesté et cette douceur qui forment le caractère de ce vétéran de l'Apostolat.


Bible. Maître de Sarum. Salisbury. Angleterre. XIIIe.

Domitien régnait en tyran sur Rome et sur le monde. Soit que Jean ait entrepris librement le voyage de la cité reine pour y saluer l'Eglise principale, soit qu'un édit impérial ait amené chargé de chaînes dans la capitale de l'empire l'auguste fondateur des sept Eglises de l'Asie-Mineure, Jean a comparu en présence des faisceaux de la justice romaine. Il est convaincu d'avoir propagé dans une vaste province de l'empire le culte d'un Juif crucifié sous Ponce-Pilate. Il doit périr ; et la sentence porte qu'un supplice honteux et cruel débarrassera l'Asie d'un vieillard superstitieux et rebelle. S'il a su échapper à Néron, du moins il ne fuira pas la vengeance du césar Domitien.

En face de la Porte Latine, une chaudière remplie d'huile brûlante a été préparée ; un ardent brasier fait bouillonner dans le vase immense la liqueur homicide. L'arrêt porte que le prédicateur du Christ doit être plongé dans ce bain affreux. Le moment est donc arrivé où le fils de Salomé va participer au calice de son Maître. Le cœur de Jean tressaille de bonheur à la pensée que lui, le plus aimé et cependant le seul des Apôtres qui n'ait pas souffert la mort pour ce Maître divin, est enfin appelé à lui donner ce témoignage de son amour.

Départ en exil de saint Jean sur l'île de Pathmos.
Bible. Maître de Sarum. Salisbury. Angleterre. XIIIe.

Après une cruelle flagellation, les bourreaux saisissent le vieillard, ils le plongent avec barbarie dans la chaudière mortelle ; mais, Ô prodige ! L'huile brûlante a perdu tout à coup ses ardeurs ; aucune souffrance ne se fait sentir aux membres épuisés de l'Apôtre ; bien plus, lorsqu'on l'enlève enfin de la chaudière impuissante, il a recouvré toute la vigueur que les années lui avaient enlevée. La cruauté du Prétoire est vaincue, et Jean, martyr de désir, est conservé à l'Eglise pour quelques années encore. Un décret impérial l'exile dans l'île sauvage de Pathmos, où le ciel doit lui manifester les futures destinées du christianisme jusqu'à la fin des temps.

A propos des premières persécutions, relevons que les empereurs romains, qui ne rejetaient aucun Dieu, ne persécutaient pas les Apôtres parce que ceux-ci prêchaient Notre Seigneur Jésus-Christ ; mais parce que les Apôtres proclamaient la divinité de Jésus-Christ sans l’autorisation du Sénat qui avait défendu que cela ne se fît de personne.

Martyre de saint Jean. En bas, à droite, est-ce bien
un " chien qui dort " ? Bible. Flandres. XVe.

C'est pourquoi dans l’Histoire ecclésiastique, on lit que Pilate envoya une fois une lettre à Tibère au sujet de Jésus-Christ (Eusèbe, 1. II, ch. II.). Tibère alors consentit à ce que la foi fût reçue par les Romains, mais le Sénat s’y opposa formellement, parce que Jésus-Christ n'avait pas été appelé Dieu d'après son autorisation.

Une autre raison rapportée par une chronique, c'est que Notre Seigneur Jésus-Christ n'avait pas tout d'abord apparu aux Romains. Un autre motif c'est que Jésus-Christ rejetait le culte de tous les dieux qu'honoraient les Romains. Un nouveau motif encore, c'est que Jésus-Christ enseignait le mépris du monde et que les Romains étaient des avares et des ambitieux.
 
Maître Jean Beleth assigne de son côté une autre cause pour laquelle les empereurs et le Sénat repoussaient Notre Seigneur Jésus-Christ et les apôtres : c'était que Jésus-Christ leur paraissait un Dieu trop orgueilleux et trop jaloux, puisqu'il ne daignait pas avoir d'égal.
 
Voici encore une autre raison donnée par Orose (liv. VII, ch. IV.) :
" Le Sénat vit avec peine que c'était à Tibère et non pas à lui que Pilate avait écrit au sujet des miracles de Jésus-Christ et c'est sur ce prétexte qu'il ne voulut pas le mettre au rang des dieux. Aussi Tibère irrité fit périr un grand nombre de sénateurs, et en condamna d'autres à l’exil."
 

Les bourreaux coupent les cheveux de saint Jean par dérision.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

Notons enfin que la fête de saint Jean devant la Porte Latine a longtemps été chômée en plusieurs église. Elle a été d'obligation en Angleterre, au moins depuis le XIIe siècle jusqu'à la prétendue réforme ; mais on la mettait seulement au nombre des fêtes de second rang, auxquelles toute oeuvre servile était défendue, excepté le labour des terres.

Les Saxons, qui s'établirent dans la Grande Bretagne, avaient une dévotion singulière pour saint Pierre et saint Jean l'Evangéliste.
 
En plusieurs lieux, les imprimeurs honorent saint Jean devant la Porte Latine comme leur patron ; en d'autres, ce sont les vignerons et les tonneliers, à cause de la cuve ; ailleurs, ce sont les chandeliers et lampistes, à cause de l'huile bouillante.

En mémoire de son supplice, on l'invoque efficacement contre les brûlures.

L'Eglise Romaine, dont les fastes conservent entre ses plus glorieux souvenirs le séjour et le martyre de Jean, a marqué par une Basilique le lieu où l'Apôtre rendit à la foi chrétienne son noble témoignage. Cette Basilique est située près de la Porte Latine, et un Titre cardinalice y est attaché.
 

Saint Jean est plongé dans la chaudière d'huile bouillante.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Besançon. XVe.

SÉQUENCE

A la gloire du grand Apôtre de la charité nous consacrerons cette Séquence attribuée à Adam de Saint-Victor :



Saint Jean. Simone Martini. XIVe.

" L'heureux séjour de la grâce, dont les habitants contemplent d'un œil ferme le souverain Roi de gloire, voit Jean tout rempli de Dieu, rendu semblable aux Anges, lui qui expliquait aux hommes les plus hauts mystères du ciel.

Ici-bas il reposa sur la poitrine du Seigneur, et se désaltéra à la source des eaux vives et jaillissantes. Il parut entouré de l'éclat des prodiges, et brava les ardeurs du feu et de l'huile embrasée.

Les infidèles sont saisis de stupeur, voyant le témoin de Dieu affronter un si affreux tourment, et n'en pas sentir la rigueur.

Ô martyr ! Ô vierge ! Ô gardien de cette Vierge de laquelle est sortie la gloire du monde, implore pour nous celui qui est le principe de tous les êtres, celui en qui et par qui ils existent.

Ô toi qui fus aimé plus que les autres, supplie en notre faveur le Christ qui t'aima : réconcilie-nous avec lui.

Ruisseau, conduis-nous à la source ; colline, introduis-nous à la montagne ; toi en qui la grâce a opéré la virginité parfaite, fais-nous contempler l'Epoux.

Amen."


Missel à l'usage de l'abbaye Saint-Didier d'Avignon. XIVe.
 
PRIERE
 
" Avec quel bonheur nous vous voyons reparaître, disciple chéri de notre divin Ressuscité ! Autrefois vous nous apparûtes près de la crèche où dormait paisiblement le Désiré des nations, le Sauveur promis. Nous repassions alors tous vos titres de gloire : Apôtre, Evangéliste, Prophète, Aigle au vol sublime, Vierge, Docteur de charité, et, par-dessus toutes ces grandeurs, Disciple bien-aimé de Jésus. Aujourd'hui, c'est comme Martyr que nous vous saluons ; car si l'ardeur de votre amour a vaincu celle du tourment qu'on vous avait préparé, vous n'en aviez pas moins accepté de toute l'énergie de votre dévouement le calice que Jésus vous avait annoncé dans vos jeunes années. En ces jours du Temps pascal qui s'écoulent si rapidement, nous vous voyons sans cesse près de ce divin Sauveur, qui vous comble de ses dernières caresses.

Qui pourrait s'étonner de sa prédilection envers vous ? Ne vous êtes-vous pas trouvé, seul de ses disciples, au pied de la croix ? N'est-ce pas à vous qu'il a remis sa mère, désormais la vôtre ? N'étiez-vous pas présent lorsque son coeur fut ouvert par la lance sur la croix ? Lorsque vous êtes allé au Sépulcre avec Pierre, au matin de la Pâque, n'avez vous pas, par votre foi, avant tous les disciples, rendu hommage à la résurrection de votre Maître que vous n'aviez pas vu encore ? Jouissez donc auprès de ce Maître ineffable des délices dont il est prodigue envers vous ; mais priez-le aussi pour nous, bienheureux Apôtre ! Nous devons l'aimer pour tous les bienfaits qu'il a répandus sur nous ; et nous reconnaissons avec confusion que nous sommes tièdes dans son amour. Vous nous avez fait connaître Jésus enfant, vous nous avez dépeint Jésus crucifié ; montrez-nous Jésus ressuscité, attachez-nous à ses pas dans ces dernières heures de son séjour sur la terre ; et quand il sera monté au ciel, fortifiez notre cœur dans la fidélité, afin qu'à votre exemple nous soyons prêts à boire le calice des épreuves qu'il nous a préparé.
 

Saint Jean à Patmos. Jérôme Bosch. XVe.

Rome a été le théâtre de votre glorieuse confession, Ô saint Apôtre ! Aimez-la toujours ; et à l'heure de sa tribulation, unissez-vous à Pierre et à Paul pour la protéger. Si la palme du martyre brille en votre main à côté de la plume de l'évangéliste, souvenez-vous que c'est devant la Porte Latine que vous l'avez conquise. L'Orient vous a possédé pendant votre vie presque tout entière ; mais l'Occident revendique l'honneur de vous compter au premier rang de ses martyrs. Bénissez nos Eglises, ranimez chez nous la foi, réchauffez la charité, et délivrez-nous de ces antechrists que vous signaliez aux fidèles de votre temps, et qui causent parmi nous tant de ravages. Fils adoptif de Marie, qui contemplez maintenant votre mère dans toute sa gloire, présentez-lui nos vœux durant ce mois que nous lui consacrons, et obtenez pour nous de sa bonté maternelle les grâces que nous osons lui demander."

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mardi, 06 mai 2025 | Lien permanent

7 mai. Saint Stanislas, évêque de Cracovie, martyr. 1079.

- Saint Stanislas, évêque de Cracovie, martyr. 1079.

Papes : Jean XIX ; Grégoire VII. Souverains de Pologne : Miecillas II ; Boleslas II, le Farouche. Rois de France : Robert II, le Pieux ; Philippe Ier.

" Si je dis au pécheur : " Tu périras ! Et si tu n'ouvres pas la bouche pour l'avertir et le faire revenir de son égarement, le pécheur périra à cause de son péché, mais je te redemanderai son sang à toi-même. Si, au contraire, tu as averti le pécheur pour le faire revenir de son égarements et s'il n'a pas voulu t'écouter, alors il sera seul cause de sa perte et ton âme sera sauvée "."
Ezéchiel, XXXIII, 8 & 9.

Le XIe siècle, siècle de luttes pour le Sacerdoce contre la barbarie, envoie aujourd'hui un nouveau martyr à Jésus ressuscité. C'est Stanislas, que la noble Pologne place aux premiers rangs de ses défenseurs. Un prince chrétien dont il reprenait les vices l'a immolé à l'autel ; le sang du courageux Pontife s'est mêlé à celui du Rédempteur dans un même Sacrifice. Quelle invincible force dans ces agneaux que Jésus a envoyés au milieu des loups (Matth. X, 16.) ! Tout à coup le lion se révèle en eux, comme il s'est montré dans notre divin Ressuscité. Pas de siècle qui n'ait eu ses martyrs, les uns pour la foi, les autres pour l'unité de l'Eglise, d'autres pour sa liberté, d'autres pour la justice, d'autres pour la charité, d'autres pour le maintien de la sainteté des moeurs, comme notre grand Stanislas.

Le XIXe siècle [le XXe n'est naturellement pas à exclure de l'assertion de dom Prosper Guéranger qui écrit ici] a vu aussi ses martyrs ; il les voit chaque année dans l'Extrême Orient ; est-il appelé, avant de finir son cours, à en voir dans l'Europe ? Dieu le sait. Le siècle dernier, à son début, ne semblait pas destiné à fournir l'abondante moisson que produisit le champ de la France catholique. Quoi qu'il advienne, soyons assurés que l'Esprit de force ne ferait pas défaut aux athlètes de la vérité. Le martyre est un des caractères de l'Eglise, et il ne lui a manqué à aucune époque. Les Apôtres qui entourent en ce moment Jésus ressuscité ont bu tour à tour le calice après lui ; et nous admirions hier comment le disciple de prédilection est lui-même entré dans la voie préparée à tous.

Saint Stanislas naquit le 26 juillet 1030, de parents fort avancés en âge, mariés depuis trente ans et encore sans postérité. Ses parents étaient de haute condition, ce qui ne les empêchait pas d'avoir une aussi haute réputation de piété. Dieu, qui avait des vues élevées sur cet enfant, lui inspira dès son bas âge de grandes vertus, surtout la charité pour les pauvres, et une mortification qui le portait à jeûner souvent et à coucher sur la terre nue, même par les plus grands froids.

Après de brillantes études, il n'aspirait qu'au cloître ; à la mort de ses parents, il vendit leurs vastes propriétés et en donna le prix aux pauvres. Stanislas dut se soumettre à son évêque, qui l'ordonna prêtre et le fit chanoine de Cracovie.

Il fallut avoir recours au Pape pour lui faire accepter le siège de Cracovie, devenu vacant. Il fut sacré en 1072. Ses vertus ne firent que grandir avec sa dignité et ses obligations; il se revêtit d'un cilice, qu'il porta jusqu'à sa mort ; il se fit remettre une liste exacte de tous les pauvres de la ville et donna l'ordre à ses gens de ne jamais rien refuser à personne.

La plus belle partie de la vie de Stanislas est celle où il fut en butte à la persécution du roi de Pologne, Boleslas II. Ce prince menait une conduite publiquement scandaleuse. Seul l'évêque osa comparaître devant ce monstre d'iniquité, et d'une voix douce et ferme, condamner sa conduite et l'exhorter à la pénitence. Au début, Boleslas le Cruel, parut rentrer en lui-même, mais ses résolutions ne tinrent pas et il reprit sa conduite scandaleuse.


Boleslaw II. D'après une monnaie du XIe.

Un des combles de sa conduite arriva lorsqu'il fit enlever Christine, l'épouse du seigneur Miécislas, réputée tant pour sa beauté que pour sa piété. Toute la noblesse polonaise en fut scandalisée et elle encouragea le primat de Pologne, archevêque de Gnesne, et la plupart des évêques à intervenir hautement auprès de ce roi tyrannique. Ces grand prélats préférèrent se taire...

La noblesse se vengea de ces piteux personnages en publiant partout qu'ils avaient des âmes mercenaires, plus attachées à leurs privilèges et à leur fortune qu'à la cause de Dieu.

Saint Stanislas résolut alors de parler pour la seconde fois à Boleslas. Escorté de plusieurs grands seigneurs et de quelques écclésiastiques, il remontra au roi sa conduite impie et l'avertit qu'il encourait les censures de l'Eglise s'il ne réglait pas sa conduite et ne réparait pas ses fautes. Le roi dit à notre saint :
" Quand on sait parler si peu convenablement à un roi, on devrait être porcher et non évêque."
Notre saint lui répondit sans se troubler :
" N'établissez aucune comparaison entre la dignité royale et la dignité épiscopale ; car en ce cas je vous dirai que la première est à la seconde ce que la lune est au soleil, ou le plomb à l'or."


Saint Stanislas. Panneau du maître-autel de la cathédrale de Breslau.

Pour se venger, et comme saint Stanislas était irréprochable, Boleslas eut recours à la calomnie pour se venger.
Le pontife avait acheté pour son évêché, devant témoins, et il avait payé une terre dont le vendeur était mort peu après. Le roi, ayant appris qu'il n'y avait pas d'acte écrit et signé, gagna les témoins par promesses et par menaces, et accusa Stanislas d'avoir usurpé ce terrain. L'évêque lui dit :
" Au bout de ces trois jours, je vous amènerai comme témoin le vendeur lui-même, bien qu'il soit mort depuis trois ans."
Le jour venu, le saint se rendit au tombeau du défunt ; en présence d'un nombreux cortège, il fit ouvrir la tombe, où on ne trouva que des ossements. Stanislas, devant cette tombe ouverte, se met en prière, puis touche de la main le cadavre :
" Pierre, dit-il, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, viens rendre témoignage à la vérité outragée."

A ces mots, Pierre se lève, prend la main de l'évêque devant le peuple épouvanté, et l'accompagne au tribunal du roi. Le ressuscité convainc de calomnie le roi et les témoins, et de nouveau accompagne l'évêque jusqu'au tombeau, qu'on referme sur son corps, redevenu cadavre.

Une fois encore, Boleslas fut impressionné par cet impressionnant miracle au point qu'il sembla se ranger de ses vices pendant quelques temps. Il retomba pourtant hélas bientôt dans ses excès à la faveur d'une expédition victorieuse contre les Russes lors de laquelle il se rendit maître de leur capitale, Kiev.


Remontrances de saint Stanislas à Boleslaw II.

Saint Stanislas résolut alors de tout faire pour faire cesser les débordements permanents du roi. Après l'avoir plusieurs fois admonesté, il finit par l'excommunier et par lui interdire d'assister à l'office divin. Comme Boleslas continuait de s'y rendre, il déclara que l'office serait suspendu si le roi s'y présentait et qu'il ne reprendrait qu'une fois son départ ou sa conversion serait dûment constatée.
Toutefois, un jour, saint Stanislas partit discrètement dire l'office divin dans l'église Saint-Michel. Le roi le fit suivre par ses créatures en leur enjoignant d'entrer dans l'église et de l'assassiner. Par trois fois, une lumière intense apparut à l'autel et épouvanta les soldats au moment où il s'apprêtait à exécuter leurs ordres. C'était le 8 mai 1079.

Boleslas vint alors lui-même exécuter saint Stanislas. Non content d'avoir commis ce crime atroce, le roi déchira de ses mains les lèvres et le nez de notre saint, le fit traîner par toute l'église et disperser son corps dans des champs alentours afin qu'il servît de pâture aux animaux. Dieu envoya alors quatre aigles qui gardèrent les précieuses reliques de saint Stanislas pendant deux jours.
De pieux écclésiastiques vinrent pendant la nuit retirer le saint corps duquel émanait une brillante lumière et qui exhalait des parfums d'une suavité miraculeuse.

Le pape, Grégoire VII, ne pouvait laisser impuni ce crime monstrueux. Il jeta l'interdit sur le royaume, anathématisa Boleslas et le déchut de sa royauté. Poursuivit par la vindicte de son peuple, il s'enfuit en Hongrie où le roi Ladislas l'accueillit avec bonté. Là, enfin, son âme fut profondément touchée par le repentir et il rentra sincèrement en lui-même, se décidant à entreprendre le pélerinage de Rome pour implorer l'absolution du souverain pontife.


La cathédrale Saint-Stanislas et Saint-Wenceslas de Cracovie.

Il partit avec un habit très simple et un seul serviteur. Bientôt, dissimulant sa condition, il fit une halte en Carinthie et demanda l'aumône aux Bénédictins du couvent d'Ossiach. Eclairé par Dieu, il résolut d'y passer le restant de ses jours. Il entra dans un silence perpétuel et ne s'occupa que de tâches très humbles. Comme il était maladroit, il endura longtemps les rudesses de bien des moines.

" C'est ainsi qu'il était devant Dieu plus grand dans la cuisine qu'il n'avait été sur le trône."
Dit un chroniqueur contemporain.

Il vécut ainsi sept ans et, quelques heures avant de rejoindre le divin Juge, il rompit le silence, fit venir l'abbé du monastère, et lui fit une confession générale pleine de profond repentir, lui remettant en gage l'anneau royal qu'il avait toujours conservé en le dissimulant.
Les moines avaient remarqué que Boleslas priait des heures entières une image de la Très Sainte Vierge Marie. C'est elle qui lui obtint la grâce de sa conversion et celle de faire une bonne mort. Le corps de Boleslas est toujours enterré dans le monastère d'Ossiach.

Saint Stanislas fut enterré à la porte de l'église Saint-Michel. Dix ans plus tard, il fut transféré dans l'église de la forteresse de Cracovie puis dans la cathédrale de cette ville.

PRIERE

" Vous fûtes puissant en œuvres et en paroles, Ô Stanislas ! Et le Seigneur vous a donné pour récompense la couronne de ses martyrs. Du sein de la gloire dont vous jouissez, jetez un regard sur nous, et demandez au Seigneur le don de force qui brilla en vous, et dont nous avons tant besoin pour vaincre les obstacles qui entravent notre marche. Notre divin Ressuscité ne veut à sa suite que des soldats vaillants. Le royaume dont Il est le souverain Maître, Il l’a pris d'assaut ; et Il nous avertit que si nous prétendons l'y suivre, nous devons nous préparer à la violence.

Fortifiez-nous, soldat du Dieu vivant, soit qu'il nous faille à force ouverte soutenir la lutte pour la foi ou l'unité de l'Eglise, soit que le combat doive se passer contre les ennemis invisibles de notre salut. Bon pasteur, qui n'avez ni reculé, ni tremblé devant le loup, obtenez-nous des pasteurs semblables à vous. Soutenez la sainte Eglise, qui est en butte à ses ennemis par toute la terre. Convertissez ses persécuteurs, comme vous avez converti Boleslas votre meurtrier, qui a trouvé le salut dans votre sang.

Souvenez-vous de votre chère Pologne
, qui vous honore d'un culte si fervent. Brisez enfin, Ô Stanislas, le joug de fer qui l'accable. N'est-il pas temps qu'elle reprenne son rang parmi les nations ? Dans les épreuves que ses fautes avaient méritées, elle a conservé le lien sacré de la foi et de l'unité catholique, elle a été patiente et fidèle ; suppliez le divin Ressuscité d'avoir pitié d'elle, de récompenser sa patience et sa fidélité. Qu'il daigne lui donner part à sa résurrection ; et ce jour sera un jour de joie pour toutes les Eglises qui sont sous le ciel ; car elle est leur sœur chérie ; et si elle revit, nous chanterons partout au Seigneur un cantique nouveau."

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mercredi, 07 mai 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)

30 juillet. St Abdon et st Sennen, seigneurs persans, martyrs à Rome. 254.

- Saint Abdon et saint Sennen, seigneurs persans, martyrs à Rome. 254.

Papes : Saint Lucius Ier ; saint Etienne Ier. Empereurs romains : Trajan Dèce ; Valérien ; Gallien (Trente Tyrans).

" Pour les serviteurs de Dieu, le coeur des hommes est féroce, et celui des bêtes se montre humain."
St Grégoire le Grand.


Martyre de saint Abdon. Legenda aurea.
Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. du XIVe.

Saint Abdon et saint Sennen, nobles persans, avaient été comblés de biens et d'honneurs par les rois de Perse, qui les avaient investis des premières dignités de l'Etat. Cependant, leur piété et leur zèle pour la foi catholique surpassaient leurs immenses richesses et la noblesse de leur sang.

L'empereur Dèce, grand ennemi du christianisme, remporta une victoire décisive contre les rois persans, devenant par le fait même, maître absolu de plusieurs pays. Ce prince inique résolut d'exterminer les chrétiens dans tout son empire. Abdon et Sennen ressentirent une profonde affliction en voyant les cruelles injustices dont l'indigne empereur accablait les fidèles qui étaient chaque jour victimes d'odieux procédés. D'un commun accord, ils s'appliquèrent de tout leur pouvoir à fortifier et encourager leurs frères chrétiens. Ils ensevelissaient les martyrs, sous peine d'encourir eux-mêmes la terrible colère de leur nouveau souverain.

Dèce, instruit de leurs actions, commanda de les arrêter et de les conduire devant son tribunal. Usant d'abord de douceur à leur égard, il essaya de leur persuader qu'il était redevable de sa vitoire aux dieux de l'empire, et qu'il était de toute justice qu'ils les adorassent.

Les deux frères répondirent à Dèce que les vaincus avaient adoré les mêmes faux dieux que lui, et n'en avaient cependant pas moins perdu la bataille. Que pour eux, ils n'adoreraient jamais que le seul vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et Son Fils Jésus-Christ qui donnait la victoire aux uns et permettait que les autres fussent vaincus à cause des desseins cachés de Sa Providence.

Dèce leur déclara qu'il tenait à tout prix et sous peine de mort, qu'ils adorassent les mêmes dieux que lui. Mais Abdon déclara :
" La seule raison nous démontre, grand Prince, qu'il ne peut pas y avoir plusieurs dieux : deux maîtres souverains ne sauraient subsister dans l'empire. Ce que vous appelez des dieux ne sont que des démons, les singes de la Divinité dont les hommes sont dupes. Il n'y a qu'un seul Dieu, et c'est ce seul Dieu, notre souverain Maître et le vôtre, que nous adorons.
- Je saurai bien venger nos dieux de vos blasphèmes, et vous faire repentir de votre impiété !"
répliqua l'empereur.

Ne pouvant supporter plus longtemps les propos que saint Abdon et saint Sennen lui tenaient, Dèce ordonna de charger de chaînes les martyrs et de les enfermer dans une obscure prison ; et quand il s'en retourna pour triompher, il les amena avec lui afin qu'ils servissent d'ornements à son triomphe. Il les fit ensuite comparaître devant les membres du sénat leur disant qu'il ne tenait qu'à eux de recouvrer leurs richesses et leurs dignités, et d'arriver aux premières charges de l'empire ; que pour cela, il leur fallait seulement sacrifier aux dieux. Abdon et Sennen répondirent à l'empereur qu'ils ne reconnaissaient qu'un Dieu, Jésus-Christ, et n'adoreraient jamais des idoles qui n'étaient que des démons.

Ils furent renvoyés en prison, et le lendemain, traînés dans l'amphithéâtre où l'on devait, par force, leur faire fléchir le genou devant la statue du soleil. Les martyrs, ayant insulté cette statue, furent fouettés cruellement, et on lâcha contre eux deux lions et quatre ours. Ces animaux se couchèrent à leurs pieds et devinrent leurs gardiens de telle façon, que personne n'osait s'approcher d'eux ; enfin, des gladiateurs vinrent mettre fin aux jours des martyrs.


Tombeau de saint Abdon et saint Sennen.
Eglise abbatiale d'Arles-sur-Tech. Pyrénées-Orientales.

Une fois décapités, les bourreaux attachèrent les pieds des martyrs et traînèrent leurs corps en présence de l'idole du soleil. On les laissa là pendant trois jours, sans sépulture, dans l'intention d'inspirer de la frayeur aux chrétiens. Au bout de ce temps, le sous-diacre Quirin enleva les précieuses dépouilles et les ensevelit dans sa maison.

CULTE ET RELIQUES

Une partie notable des corps de saint Abdon et de saint Sennen reposent depuis au moins le IXe siècle dans l'église abbatiale d'Arles (dans les actuelles Pyrénées-Orientales. Chaque année, depuis le Xe siècle, cette tombe surélevée et protégée par une grille se remplit d'eau qui aurait quelques vertus curatives, et qui reste un véritable mystère. Aucune explication scientifique n'a résolu cette énigme, mais depuis longtemps les habitants du village et de la région environnante lui vouent une dévotion particulière.

Le monastère de la Visitation d'Autun possède aussi des reliques de nos saints. Ils échappèrent à la fureur des bêtes féroces révolutionnaires en 1793.

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mardi, 30 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

2 août. Saint Alphonse-Marie de Liguori, Docteur de l'Eglise. 1787.

- Saint Alphonse-Marie de Liguori, Docteur de l'Eglise, évêque de Sainte-Agathe-des-Goths, fondateur des rédemptoristes. 1787.

Pape : Pie VI. Roi des Deux-Siciles : Ferdinand Ier ( Ferdinand III de Sicile et Ferdinand IV de Naples). Rois de France : Louis XV ; Louis XVI.

" Dieu veut que nous nous sauvions, mais en vainqueurs. La vie est une guerre continuelle, tant que nous y sommes il faut combattre, et pour vaincre il faut prier."
Saint Alphonse-Marie de Liguori.

Saint Alphonse de Liguori naquit près de Naples. Quelques jours après sa naissance, saint François de Girolamo était venu le bénir à la demande de ses parents. Après de fort brillantes études, docteur en droit civil et canonique à seize ans, il embrassa la carrière d'avocat.

Pendant les dix années qu'il remplit cette charge, il fut le modèle du parfait chrétien. Il commençait à se relâcher, quand il échoua dans un plaidoyer superbe où il avait déployé tous ses talents :
" Ô monde ! s'écria-t-il, désormais je te connais ; tu ne m'auras plus."
Peu après, il entendit une voix lui dire :
" Laisse le monde de côté, livre-toi à Moi tout entier... "
Aussitôt il répondit, fondant en larmes :
" Ô Dieu ! Me voici, faites de moi ce qu'il Vous plaira."

Aussitôt Alphonse va déposer à l'église de la Sainte Vierge son épée de gentilhomme, prend bientôt l'habit ecclésiastique, fait ses études de théologie, et au bout de trois ans reçoit le sacerdoce. Désormais le voilà embrasé du zèle des âmes ; il se mêle au peuple des campagnes et s'éprend d'un amour spécial pour lui.

C'est alors que l'idée lui vint de fonder, pour exercer l'apostolat parmi cette classe si intéressante de la société, la Congrégation des Rédemptoristes. Traité d'insensé par son père, ses proches et ses amis, persécuté et abandonné bientôt par plusieurs de ses premiers collaborateurs, délaissé et méprisé par son directeur lui-même, saint Alphonse endura toutes les souffrances morales qui peuvent tomber sur un homme : rien ne put l'abattre ni le décourager.

C'est en 1729 qu'Alphonse quitta la résidence familiale pour se joindre au Collège Chinois de Naples. C'est là que débuta son expérience missionnaire dans le milieu rural du Royaume de Naples. Il y trouva des gens qui étaient beaucoup plus pauvres et plus abandonnés que tout ce qu'il avait rencontré sur les rues de Naples.

Saint Alphonse-Marie de Liguori.
Eglise Saint-Maimboeuf. Montbéliard. Franche-Comté.

Un jour, son pauvre accoutrement le fit prendre pour le cocher des autres missionnaires, et, à son premier sermon, son éloquence fit dire au peuple : " Si le cocher prêche si bien, que sera-t-il des autres !"

C'est le 9 novembre 1732 qu'Alphonse fonda la Congrégation du Très Saint Rédempteur, connue aussi sous le nom de Rédemptoristes. Il lui donna le but suivant : pour imiter l'exemple de Jésus Christ, annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres et aux plus abandonnés. A partir de ce moment, il se donna entièrement à cette nouvelle mission.

Saint Alphonse-Marie de Liguori.
Verrière de l'église Notre-Dame de Combourg. Bretagne.

Saint Alphonse était un amant de la beauté : musicien, poète et auteur. Il mit sa créativité artistique et littéraire au service de la mission et exigeait la même chose de tous ceux qui se joignaient à la Congrégation. Il écrivit 111 ouvrages de spiritualité et de théologie. Les 21,500 éditions de ses ouvrages ainsi que leur traduction en 72 langues démontrent bien qu'il fut l'un des auteurs les plus lus. Parmi ses ouvrages les plus connus, citons : Les gloires de Marie et Les Visites au Très Saint Sacrement. La prière, l'amour, sa relation au Christ et son expérience personnelle des besoins pastoraux des fidèles ont fait de saint Alphonse-Marie un des grands maîtres de la vie intérieure.

La publication de sa Théologie morale, fut la plus importante contribution qu'il apporta à l'Église dans le domaine de la recherche en théologie morale. Cet ouvrage prit sa source dans l'expérience pastorale de saint Alphonse, dans sa facilité à répondre aux questions pratiques que lui posaient les fidèles et dans son contact journalier avec leurs problèmes concrets. Il s'opposa à un certain légalisme, issu de certaines élites, qui risquait d'étouffer la théologie de son temps et en rejeta le rigorisme étroit. Notre saint y trouvait des voies fermées à l'Évangile parce que " une telle rigueur ne fut jamais le fait de l'Église ". Il savait mettre sa réflexion théologique au service de la grandeur et de la dignité de la personne, de la conscience morale, de la miséricorde évangélique, toujours en vue du salut des âmes.

Saint Alphonse-Marie de Liguori fut consacré évêque de Sainte-Agathe-des-Goths en 1762. Il était âgé de 66 ans. Il voulut refuser cette charge ; il se pensait trop vieux et trop malade pour prendre bien soin d'un diocèse. On lui permit de se retirer en 1775. Il alla vivre alors à la communauté rédemptoriste de Pagani où il mourut le 1er août 1787. Il fut canonisé en 1831, proclamé Docteur de l'Église en 1871 et Patron des confesseurs et moralistes en 1950.

Il eut plusieurs visions de la très Sainte Vierge ; une fois, pendant un sermon sur les gloires de Marie, il fut ravi, et environné d'une éblouissante lumière.

Le monastère rédemptoriste Santa Maria Della Purita où se
retira saint Alphonse-Marie de Liguori et d'où il rejoignit
Notre Père des Cieux. Pagani, près de Naples.

PRIERE

" Je n'ai point caché votre justice dans mon cœur : j’ai publié de vous la vérité et le salut (Verset du Graduel de la Messe, ex Psalm. XXXIX.). Ainsi en votre nom l’Église chante-t-elle aujourd'hui, reconnaissante pour le service insigne que vous lui avez rendu dans ces jours des pécheurs où la piété semblait perdue (Verset alléluiatique, ex Eccli. XLIX.). En butte aux assauts d'un pharisaïsme outré, sous le regard sceptique de la philosophie railleuse, les bons eux-mêmes hésitaient sur la direction des sentiers du Seigneur. Tandis que les moralistes du temps ne savaient plus que forger pour les consciences d'absurdes entraves (Eccli. XXI, 22.), l'ennemi avait beau jeu de crier : Brisons leurs chaînes, et rejetons loin leur joug (Psalm. II, 3.). Compromise par ces docteurs insensés, l'antique sagesse révérée des aïeux n'était plus, pour les peuples  avides d'émancipation, qu'un édifice en ruines (Eccli. XXI, 21.). Dans cette extrémité sans précédents, vous fûtes, Ô Alphonse, l'homme prudent désiré de l’Église, et dont la bouche énonce les paroles qui raffermissent les cœurs (Ibid. 20.).

Longtemps avant votre naissance, un grand Pape avait dit que le propre des Docteurs est " d'éclairer l'Eglise, de l'orner des vertus, de former ses mœurs ; par eux, ajoutait-il, elle brille au milieu des ténèbres comme l'astre du matin ; leur parole fécondée d'en haut résout les énigmes des Ecritures, dénoue les difficultés, éclaircit les obscurités, interprète ce qui est douteux ; leurs œuvres profondes, et relevées par  l'éloquence du discours, sont autant de perles précieuses ennoblissant la maison de Dieu non moins qu'elles la font resplendir ".

 
Ainsi s'exprimait au XIIIe siècle Boniface VIII, lorsqu'il élevait à la solennité du rit double les fêtes des Apôtres, des  Évangélistes, et des  quatre  Docteurs reconnus alors,  Grégoire  Pape, Augustin, Ambroise et Jérôme (Sexti Décret. Lib. III, tit. XXII, De reliqu. et veneratione Sanctorum.). Mais n'est-ce pas là, frappante comme une prophétie, fidèle autant qu'un portrait, la description surtout de ce qu'il vous fut donné d'être ?

Gloire  donc à vous qui, dans  nos  temps de déclin, renouvelez la jeunesse de l’Église, à vous par qui s'embrassent derechef ici-bas la justice et la paix dans la rencontre de la miséricorde et de la vérité (Psalm. LXXXIV, II.). C'est bien à la lettre que vous avez donné sans réserve pour un tel résultat votre temps et vos forces.

 
" L'amour de Dieu n'est jamais oisif, disait saint  Grégoire : s'il  existe, il  fait  de grandes choses ; s'il refuse d'agir, ce n'est point l'amour." ( Greg. in Ev. hom. XXX.).

Or quelle fidélité ne fut pas la vôtre dans l'accomplissement du vœu redoutable  par lequel vous vous étiez enlevé la possibilité même d'un instant de relâche ! Lorsque d'intolérables douleurs eussent paru pour tout autre justifier, sinon commander le repos, on vous voyait soutenant d'une main à votre front le marbre qui semblait tempérer quelque peu la souffrance,  et de la droite écrivant vos précieux ouvrages.

Mais plus grand encore fut l'exemple que Dieu voulut donner au monde, lorsqu'il permit qu'accablé d'années, la trahison d'un de vos fils amenât sur vous la disgrâce de ce Siège apostolique pour lequel s'était consumée votre vie, et qui en retour vous retranchait,  comme  indigne, de  l'institut que vous aviez fondé ! L'enfer alors eut licence de joindre ses coups à ceux du ciel ; et vous, le Docteur de la paix, connûtes d'épouvantables assauts contre la foi et la sainte espérance. Ainsi votre œuvre s'achevait-elle dans l'infirmité plus puissante que tout (II Cor. XII, 9-10.) ; ainsi méritiez-vous aux âmes troublées l'appui de la vertu du Christ. Cependant, redevenu enfant par l'obéissance aveugle nécessaire dans ces pénibles épreuves, vous étiez plus près à la fois et du royaume des cieux (Matth. XVIII, 3.) et de la crèche chantée par vous dans des accents si doux (Le Temps de Noël, T I, p. 353.) ; et la vertu que l'Homme-Dieu sentait sortir de lui durant sa vie mortelle s'échappait de vous avec une telle abondance sur les petits enfants malades, présentés par leurs mères à votre bénédiction, qu'elle les guérissait tous (Luc. VI, 19.) !

Maintenant qu'ont pris fin les larmes et le labeur, veillez pourtant sur nous toujours. Conservez les fruits de vos œuvres dans l'Eglise. La famille religieuse qui vous doit l'existence n'a point dégénéré; plus d'une fois, dans les persécutions de ce siècle, l'ennemi l'a honorée des spéciales manifestations de sa haine ; déjà aussi l'auréole des bienheureux a été vue passant du père à ses fils : puissent-ils garder chèrement toujours ces nobles traditions ! Puisse le Père souverain qui, au baptême, nous a tous également faits dignes d'avoir part au sort des saints dans la lumière (Col. I, 12.), nous conduire heureusement par vos exemples et vos enseignements (Collecta diei.), à la suite du très saint Rédempteur, dans le royaume de ce Fils de son amour (Col. I, 13.).

Rq : On lira avec fruits et avec passion cette Vie de saint Alphonse-Marie de Liguori composée par M. l'abbé Bernard et éditée en 1862 : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/alphonsedeliguor...

On trouvera l’œuvre intégrale, et en particulier Les Gloires de Marie, de saint Alphonse-Marie de Liguori en consultation et téléchargement gratuits sur le site :
http://www.jesusmarie.com/alphonse.html

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vendredi, 02 août 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

27 septembre. Saint Côme et saint Damien, frères, martyrs à Ege en Cilicie. Vers 284.

- Saint Côme et saint Damien, frères, martyrs à Ege en Cilicie. Vers 284.

Pape : Saint Caïus. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule.

" L'homme ne peut mieux se donner à Dieu qu'en se livrant à la mort pour l'honorer."
Saint Anselme.


Saint Côme et saint Damien.
Gravure de confrérie de médecin de la ville de Toulouse. XVe.

" Honorez le médecin ; car sa mission n'est pas superflue. Le Très-Haut l'a créé ; il a créé les médicaments : les repousser n'est pas d'un sage.
Les plantes ont leurs vertus ; l'homme à qui la science en est donnée glorifie Dieu, admirable en ce qu'il fait. La douleur est par elles adoucie ; l'art en fait des compositions sans nombre, où réside la santé.
Malade, ô mon fils, ne te néglige pas. Prie le Seigneur qu'il te guérisse ; éloigne-toi du péché, purifie ton cœur ; offre tes dons à l'autel ; puis, au médecin d'agir. Son intervention s'impose ; à une heure ou à l'autre, ne compte pas l'éviter.
Mais lui aussi doit prier le Seigneur de diriger ses soins pour apaiser la souffrance, écarter le mal, rendre les forces à celui qui l'appelle."
(Eccli. XXXVIII, 1- 15.).


Saint Côme et saint Damien exercant leur art. Fra Angelico. XIVe.

Paroles de la Sagesse, qu'il était bon de citer en cette fête. Fidèle la première au précepte divin, l'Eglise honore aujourd'hui dans Côme et Damien cette carrière médicale où beaucoup d'autres acquirent la sainteté, où nul cependant ne personnifia comme eux la grandeur du rôle qui s'offre au médecin dans la société baptisée.

Chrétiens dès l'enfance, l'étude d'Hippocrate et de Galien développa en eux l'amour du Dieu qui révèle ses perfections invisibles dans les magnificences de la création (Rom. I, 20.), dans ce palais surtout, dans ce temple du corps de l'homme (I Cor. VI, 19-20.) qu'il se propose d'habiter à jamais. Leur science fut un hymne à la gloire du Créateur, leur art un ministère sacré : service de Dieu dans leurs frères souffrants; rôle du gardien veillant sur le sanctuaire pour éloigner tout désordre de ses abords, pour au besoin en réparer les ruines. Vie de religion comme de charité, que ces deux reines des vertus amenèrent dans nos Saints jusqu'au martyre, sommet privilégié de l'une et de l'autre, consommation du sacrifice et de l'amour.

L'Orient et l'Occident rivalisèrent d'hommages envers les Anargyres (qui ne reçoit pas d'argent) ; appellation que leur avait value la gratuité de leurs soins. Partout des églises s'élevèrent sous leurs noms. Dans sa vénération pour eux, l'empereur Justinien embellissait et fortifiait l'obscure ville de Cyre, qui renfermait leurs reliques sacrées.

En plein forum romain, dans le même temps, le Souverain Pontife Félix IV substituait la mémoire sainte des Martyrs jumeaux au souvenir moins heureusement fraternel que rappelait l'ancien temple de Romulus et de Rémus. Peu d'années s'étaient écoulées depuis le jour où Benoît, inaugurant sa mission de patriarche des moines, dédiait aux saints Côme et Damien le premier des monastères qu'il fondait à l'entour de sa grotte bénie de Sublac, celui-là même qui, sous le nom de sainte Scholastique, a subsisté jusqu'à nous.

Mais, une fois de plus véritablement Maîtresse et Mère universelle, combien l'Eglise Romaine n'a-t-elle pas dépassé ces honneurs en inscrivant les deux saints frères arabes, de préférence à tant de milliers de ses propres héros, dans ses Litanies solennelles et au diptyque sacré des Mystères !

On sait comment, au moyen âge, médecins et chirurgiens s'organisèrent en confréries chargées de promouvoir la sanctification de leurs membres par la prière commune, la charité envers les délaissés, l'accomplissement de tous les devoirs de leur importante vocation pour la plus grande gloire de Dieu et le plus grand bien de l'humanité souffrante. Aux applaudissements de la société chrétienne, après un siècle d'interruption, la Société de Saint-Luc (Lucas medicus carissimus. Col. IV, 14.), Saint-Côme et Saint-Damien a pris chez nous à tâche de rattacher le présent aux traditions du passé.


Sépulture de saint Côme, de saint Damien et de
leurs compagnons martyrs. Fra Angelico. XIVe.

Voici les lignes consacrées par l'Eglise aux deux frères.

Côme et Damien étaient frères. Arabes d'origine, et de noble extraction, ils naquirent dans la ville d'Eges. Médecins de profession, ils guérissaient les maladies même incurables, autant par la puissance de Jésus-Christ que grâce à leur science. Or, sous les empereurs Dioclétien et Maximien, le préfet Lysias ayant eu connaissance de leur religion, se les fit amener pour les interroger sur leur foi et leur genre de vie. Comme ils s'avouaient hautement chrétiens et proclamaient que la foi chrétienne était nécessaire au salut, Lysias leur ordonne d'adorer les dieux ; sinon des supplices et une mort cruelle les attendent.

Mais, comprenant bientôt l'inutilité de ses menaces : " Pieds et poings liés, s'écrie-t-il, qu'on les torture par les plus raffinés tourments !".

L'ordre s'exécute, et Côme et Damien cependant restent fermes. Toujours enchaînés, on les précipite au fond de la mer ; ils en sortent sains et saufs et déliés. Ce qu'attribuant à la magie, le préfet ordonne de les conduire en prison, d'où, tirés le lendemain, il les fait jeter sur un bûcher en feu ; mais la flamme s'écarte des Saints. Après donc divers autres essais cruels, il commande qu'on les frappe de la hache. Ainsi leur fut acquise, dans la confession de Jésus-Christ, la palme du martyre.

PRIERE

" Illustres frères, voici donc accomplie en vous la divine parole : " La science du médecin relèvera en gloire, et il sera loué en présence des grands " (Eccli. XXXVIII, 3.). Les grands sont les princes des célestes hiérarchies, témoins en ce jour des hommages reconnaissants de l'Eglise de la terre ; la gloire composant l'auréole de vos têtes fortunées est celle de Dieu même, de ce roi magnifique dont parle au même lieu l'Ecriture (Eccli. XXXVIII, 2.), et qui rémunère votre désintéressement d'autrefois par le don de sa propre vie bienheureuse.

Au foyer de l'amour éternel, votre charité ne saurait s'être amoindrie : secourez-nous toujours. Justifiez la confiance des malades qui recourent à vous. Maintenez la santé des enfants de Dieu ; qu'ils puissent faire honneur à leurs obligations de ce monde, et porter vaillamment le joug léger des préceptes de notre Mère l'Eglise. Bénissez les médecins fidèles à leur baptême, et qui se recommandent de votre patronage ; augmentez leur nombre.

Voyez les études médicales s'égarer dans nos temps sur les pentes du matérialisme et du fatalisme, au grand détriment de la science et de l'humanité. Il est faux que la nature soit pour l'homme toute l'explication de la souffrance et de la mort (Ibid. 15. ; I Cor. XI, 3.) ; malheur à ceux dont le médecin ne voit en ses clients que le sang et la chair ! C'était plus haut, qu'elle-même l'école païenne cherchait le dernier mot de toute chose ; c'est de plus haut que s'inspirait le respect religieux qui transformait votre art.

Par la vertu de votre mort glorieuse, ô témoins du Seigneur, obtenez dans notre société si malade le retour de la foi, de la pensée de Dieu, de cette piété utile à tout et à tous, qui a les promesses de la vie présente comme de l'éternité (I Tim. IV, 8.)."

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vendredi, 27 septembre 2024 | Lien permanent

28 juillet. Saint Samson (1/2), évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. vers 565.

- Saint Samson, évêque de Dol-de-Bretagne, confesseur. Vers 565.

Pape : Jean III. Roi de Domnonée : Judwal. Roi de Cornouailles : Alain Ier.

" Apostolos magnos praecipue effecit verus ac non simulatus gloriae atque pecuniae contemptus."
" Ce qui fait la grandeur des Apôtres, c'est leur mépris véritable et sincère de la gloire et de la richesse."

Saint Jean Chrysostome.


Statue de bronze de saint Samson.
Alain-Marie, sculpteur mainiot. 1994.

Ammon et Anne, deux époux également illustres par leur naissance et par leurs vertus, dans la Grande-Bretagne, vivaient depuis plusieurs années sans avoir d'enfant, malgré leurs prières, leurs aumônes et leurs bonnes œuvres ; Dieu leur fit enfin connaître que leur voeu allait s'accomplir. L'an 480, il leur naquit un fils, qui fut nommé Samson aux fonts sacrés du Baptême. Samson naquit dans cette partie du South-Pays de Galles, aujourd'hui connue sous le nom de Glamorganshire. Cette contrée faisait partie du pays des Démètes, et était sur les frontières des Wénètes, qui habitaient la province appelée Guent (ou Gwent ou encore Gwend) par les Bretons, et présentement connue sous le nom de Moumouthshire. Ses parents n'oublièrent rien pour l'élever dans la crainte de Dieu et dans l'observance fidèle de ses commandements.

A l'âge de 5 ans, ayant déjà l'esprit ouvert, il leur fit paraître une inclination toute particulière pour les sciences, et demanda d'étudier. Son père y répugna d'abord, dans la crainte que son fils, devenu savant, ne se fît clerc ou religieux. Mais Dieu, qui avait inspiré de si bonnes inclinations à ce jeune homme, avertit Ammon, par un Ange, de le seconder. Cet excellent père obéit, et, quelque tendresse qu'il eût pour un fils si cher, il résolut d'en faire le sacrifice. Il le mena à saint Iltut, abbé d'un célèbre monastère de ce pays, qui, ayant connu d'abord les belles qualités de l'âme de cet enfant, le reçut avec joie.

Samson fut 10 ans sous la discipline d'un si bon maître, et bien qu'au bout de ce terme il n'eût encore que 15 ans, il avait fait des progrès si extraordinaires dans les sciences, qu'il égalait en doctrine les plus habiles de son temps. Il ne faut pas s'en étonner, puisque l'exercice de l'oraison était inséparable de ses études, et qu'il apprenait plus au pied du crucifix que dans tous les livres de philosophie. Un jour, qu'il était tombé sur une grande difficulté sans en pouvoir tirer la vraie solution, ni de son maître ni de ses livres, il eut recours à son refuge ordinaire, joignant à ses prières un jeûne rigoureux et d'autres austérités humiliantes. La troisième nuit, comme il était en oraison, toute sa chambre fut remplie d'une lumière extraordinaire, et, en même temps, il entendit une voix qui lui disait que " Dieu avait exaucé ses voeux, que, non-seulement il avait obtenu l'éclaircissement qu'il souhaitait, mais que, dans la suite, quelque grâce qu'il demandât du Ciel, elle lui serait accordée ". Cette promesse fut réalisée par de nombreux miracles.


Amon et Anne priant Dieu de leur accorder un enfant.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Un jour, saint Samson, encore écolier, alla avec ses compagnons par l'ordre de saint Iltut, pour arracher les mauvaises herbes d'une pièce de blé ; comme ils étaient occupés à ce travail, une vipère se glissa sous la robe d'un de ces jeunes écoliers, le mordit à la jambe, et l'infecta de son venin : la mort de cet enfant était imminente. Samson, se ressouvenant de la promesse qu'il avait reçue du Ciel, se mit en prières, puis, faisant couler de l'huile sainte et de l'eau bénite sur la plaie, il en fit sortir le venin goutte à goutte et rendit la santé au malade. Une autre fois, il chassa par sa parole, d'un champ nouvellement ensemencé, une nuée de corneilles qui s'y étaient arrêtées et qui mangeaient le grain qu'on y avait jeté, bien que saint Gildas, depuis abbé de Saint-Ruyer, et saint Paul, depuis évêque de Léon, avec tous leurs efforts, n'eussent pu les disperser. Et lorsqu'il fut évêque, il purgea encore les marais voisins de Dol d'une infinité d'oies sauvages qui, par leurs cris, troublaient extrêmement les religieux des monastères d'alentour, quand ils étaient en oraison, ou chantaient les divins offices.

Lorsque le jeune Samson eut achevé ses études, son père voulut le faire revenir, pour l'élever auprès de lui et en faire son appui dans le monde ; mais le saint jeune homme lui demanda avec tant d'instance la permission de se faire religieux, qu'Ammon, se souvenant des anciennes remontrances de l'Ange, n'osa lui refuser sa demande, dans la crainte de s'opposer aux desseins de Dieu. Samson vit donc l'accomplissement de son désir : il demanda l'habit monastique au saint abbé Iltut, qui le lui donna avec une joie incroyable, à la grande satisfaction de tous les religieux du monastère. Il ne fut pas plus tôt revêtu de ces précieuses livrées de Jésus-Christ, que, se dépouillant tout à fait du vieil Adam, il renonça à toutes les inclinations de la chair, pour ne plus suivre que celles de l'Esprit. Comme il redoubla sa première ferveur, il se rendit presque inimitable à ses frères dans la pratique des plus rares vertus. Sa vie était une oraison continuelle il y passait les nuits entières, et, s'il s'en dérobait quelques moments dans la journée, c'était pour s'appliquer à l'étude des saintes Ecritures ou à quelque autre chose pour l'utilité du monastère.

Son abstinence était surprenante. Depuis sa profession religieuse, il ne mangea jamais de chair ni de poisson, ni quoi que ce soit qui eût la vie sensitive : son jeûne était si extraordinaire, qu'il passait quelquefois une semaine entière sans rien manger, et, dans tout le Carême, il ne faisait ordinairement que 3 ou 4 repas, plutôt pour s'empêcher de mourir que pour tâcher de vivre. Il n'avait point d'autre lit que la terre; encore le plus souvent il dormait debout, appuyé seulement contre la muraille. Il faisait tant de cas de la chasteté, que cette rare vertu fut toute sa vie le plus bel ornement de son esprit et de son corps ; et, pour éviter ce qui aurait pu donner la moindre, atteinte à sa pudeur, il fuyait toute sorte de relations avec les femmes, et si la nécessité ou la charité l'obligeait de leur parler, il voulait qu'il y eût toujours quelqu'un qui l'accompagnât.


Saint Samson étudiant. Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Dieu rehaussa les vertus de son serviteur par des signes miraculeux. Saint Dubrice, évêque de Caërlon, étant venu conférer les ordres dans le monastère, Samson reçut l'ordre du diaconat. Pendant cette cérémonie, on vit sur sa tête une blanche colombe qui fit connaître visiblement à tout le monde les profusions de grâce que le Saint-Esprit répandait dans son coeur au moment où le saint prélat imposait les mains sur son front. Ce prodige se renouvela plus tard, lorsqu'il reçut la prêtrise.

Des vertus si éminentes servaient beaucoup à augmenter le zèle de ses frères, qui avaient de bonnes inclinations et qui recherchaient leur perfection : elles ne furent, au contraire, qu'un sujet d'envie et de haine pour les deux neveux de l'abbé Iltut, dont l'âme était pervertie et les moeurs corrompues. Ils donnaient au Saint, dans toutes les rencontres, des marques de leur aversion, et l'excès de leur passion ne leur permettait pas de pouvoir la dissimuler. Le Saint, qui s'en aperçut aisément, eu fut extrêmement affligé, non qu'il craignît le mal qu'ils lui pouvaient faire, mais il était inconsolable du danger où il les voyait de se perdre. Il se regardait comme coupable de leur péché, parce qu'il en était l'objet et l'occasion, et cette vue pénétrait son coeur d'une douleur continuelle, qui le portait à faire des pénitences incroyables et des prières continuelles, pour obtenir la conversion de ces 2 malheureux. Mais plus il se sanctifiait à leur occasion, plus aussi croissaient leur rage et leur jalousie.

Celui des deux qui n'était pas prêtre avait la charge d'apothicaire de la maison. Cet emploi leur fit naître la pensée d'empoisonner le Saint, et ils s'imaginèrent qu'ils en viendraient à bout en lui présentant quelque breuvage. On avait la pratique, dans cette maison, de donner aux religieux, à certains temps, du jus de quelques herbes médicinales, pour la conservation de leur santé, et il n'était permis à personne de s'en abstenir. Ces deux malheureux, firent une potion empoisonnée, composée du suc de quelques plantes mortelles, dont ils essayèrent la force sur un animal à qui ils en donnèrent quelques gouttes dans du lait, et l'animal en mourut sur-le-champ.


Saint Samson recevant le diaconat de saint Dubrice.
Verrière de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne.

Lorsque Samson se présenta pour boire, ils lui donnèrent une tasse pleine de cette boisson pernicieuse. Le Saint s'aperçut bien que le breuvage qu'on lui présentait était très différent des autres ; mais pour ne point donner sujet à ses ennemis de se plaindre qu'il les eût soupçonnés légèrement, et plein de confiance en Celui qui a dit dans l'Evangile que ceux qui auraient une foi vive boiraient les breuvages les plus mortels sans qu'ils leur puissent nuire, il avala tout ce qu'on lui avait donné, sans en ressentir aucun mal, au grand étonnement de ceux qui lui avaient préparé cette coupe empoisonnée. Samson, sachant bien que c'était à Dieu seul qu'il était redevable de la conservation de sa vie, en consacra de nouveau tous les moments à son service pour lui témoigner sa reconnaissance, et il remercia l'apothicaire d'une manière si douce et si honnête, qu'il gagna ce religieux, beaucoup moins méchant que le prêtre son frère, et le toucha tellement qu'il se repentit de son crime, et fit tous ses efforts pour réduire son frère à la raison, à quoi néanmoins il ne put réussir, tant l'envie possédait celui-ci.

Le dimanche suivant, Samson, faisant l'office de diacre au saint autel, présenta, selon la coutume, le calice à ce méchant prêtre. Mais ce sacrilège n'eut pas plus tôt communié, que le démon s'empara de lui dans le moment, et le tourmenta d'une manière horrible et honteuse ; ce qui causa tant de frayeur à son frère, qu'il confessa publiquement leur crime commun. Il promit d'en faire pénitence le reste de ses jours, et offrit même de les employer entièrement au service du Saint, pour réparer le mal qu'il avait voulu lui faire. Toute la communauté, extrêmement surprise et affligée, et Iltut à leur tête, supplièrent Samson de ne pas leur imputer le crime des deux frères.

Mais Samson, bien loin d'avoir le moindre mouvement d'indignation contre personne, était le plus désolé de tous, et se plaignait affectueusement à Dieu de ce qu'à son occasion il avait puni si sévèrement son confrère, et lui demandait pardon avec une contrition incroyable, comme s'il avait été coupable de tout le mal qu'on avait fait. Une si grande bonté donna la hardiesse aux religieux de le supplier de s'employer auprès de Dieu pour la délivrance du possédé, et d'avoir la charité de l'aller voir. Il le fit avec toute la tendresse possible, et le démon, ne pouvant souffrir les soins charitables d'un homme qui rendait si héroïquement le bien pour le mal, quitta le religieux, et le laissa sain et sauf à Samson, comme un trophée de l'amour des ennemis, d'autant plus glorieux que, pénitent de sa faute, ce religieux ne voulut plus depuis abandonner le saint.


Ordination de saint Samson par saint Dubrice, évêque de Caërlon.
Speculum historiale. V. de Beauvais.

Après que Samson eut exercé 2 ans son office de diacre, le même saint Dubrice lui conféra l'ordre de prêtrise, et il y eut encore dans cette circonstance une apparition de colombe pareille à la première. Cette sainte dignité fut pour Samson un nouveau motif d'augmenter les rigueurs de sa vie pénitente ; et ce fut alors qu'il lui sembla que la règle commune du monastère n'était pas assez austère pour lui.

Cependant, dans le désir de mener une vie plus cachée, car l'éclat de ses vertus et de ses miracles l'avait déjà rendu trop célèbre dans le pays où il était, notre saint religieux demanda à saint Iltut la permission de se retirer dans un autre monastère, gouverné par l'abbé Pyron, situé dans une île assez écartée dans la mer. Celui-ci la lui accorda ; mais il n'y demeura pas longtemps, car, peu de jours après son arrivée, il lui vint un courrier de la part de son père pour lui annoncer qu'il était à l'extrémité et qu'il désirait, qu'il avait même besoin de voir ce cher fils avant de mourir. L'abbé Pyron commanda à notre Bienheureux d'aller rendre ses derniers devoirs à ce bon vieillard. Il obéit, et, recevant cet ordre comme venu du Ciel, il partit aussitôt avec un autre religieux du même monastère qui lui fut donné pour compagnon.

Comme ils passaient par une forêt qui se rencontra sur leur chemin, le démon leur apparut sous la figure d'une femme qui n'oublia rien pour ébranler leur chasteté. Mais voyant que tous ses efforts étaient inutiles, il déchargea sa colère sur le compagnon de notre Saint ; il le jeta contre terre, le traîna dans le bois parmi les ronces et les épines et enfin l'accabla de mille coups. Samson, ne pouvant voir sans horreur cette insulte de Satan, fit d'une seule action un double miracle ; car, ayant recours à ses armes ordinaires, l'oraison et le signe de la croix, il mit en fuite le démon et guérit son compagnon de ses plaies ; et même, en lui rendant ses premières forces, il lui redonna aussi le courage de poursuivre leur route. Ils arrivèrent donc enfin au logis d'Ammon. Dès que cet illustre vieillard aperçut son fils, il en eut une si grande joie et prit tant de confiance en sa vertu et en ses mérites qu'il mit toute sa conscience entre ses mains et lui fit sa confession comme pour mourir.

 
Songe de saint Samson. Ordination de saint Samson.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XIVe.

Samson n'eut pas une moindre consolation, de son côté, de voir les bons sentiments de son père ; et par les ferventes prières qu'il fit à Dieu en sa faveur, il lui obtint la rémission de tous ses péchés et la guérison parfaite de sa maladie. Le vieillard fut si reconnaissant de ce double bienfait que, voulant consacrer au service de Dieu cette vie qu'il ne tenait plus que par un miracle du Ciel, il résolut de se faire religieux avec cinq de ses fils, frères de Samson, qui s'estimèrent heureux de prendre le parti de leur père. Son épouse, qui avait consenti à cette pieuse vocation, suivit la même route ; elle se fit aussi religieuse dans un monastère de filles, où elle passa saintement le reste de ses jours.

Ainsi, toute cette noble famille se sépara généreusement du monde pour aller chercher avec plus d'assurance, dans la solitude, l'unique objet de leur amour et de leurs désirs. Ils avaient encore une fille ; elle trouva cet état trop rigoureux pour elle et refusa de l'embrasser. Notre Saint, ne pouvant faire autre chose, se contenta de la recommander à ses proches pour en prendre soin et la conserver dans la pudeur et l'innocence. Il convertit de même Umbrafel, son oncle, et sa tante Asfrelle, qui suivirent en tout l'exemple d'Ammon et d'Anne.

Saint Samson, après avoir rendu grâces à Dieu d'une si belle conquête, s'en retourna dans son île avec une satisfaction qui ne peut s'exprimer. Mais sa joie fut bientôt changée en tristesse par la mort de l'abbé Pyron, qui arriva peu de temps après son retour. Cette douleur devint encore plus sensible lorsqu'il apprit que tous les religieux avaient jeté les yeux sur lui pour le faire leur abbé à la place de celui qu'ils venaient de perdre. Il fit tout ce qu'il put pour s'en défendre ; mais, enfin, il fut contraint de baisser la tête et de soumettre ses épaules à ce joug. Il se comporta, dans cette charge, avec tout le zèle, toute la prudence et toute la charité qu'on peut désirer dans un digne supérieur. Il eut aussi toujours un amour admirable pour les pauvres ; il défendit expressément d'en jamais rebuter aucun. Un jour, il avait ordonné qu'on donnât tout le miel des ruches, n'y ayant rien autre chose dans la maison ; le lendemain elles se trouvèrent plus pleines qu'auparavant, tant cette charité était agréable à Dieu. Cependant, comme son coeur aspirait toujours à la solitude, après avoir gouverné son abbaye environ 18 mois, il songea aux moyens de l'abandonner.


Intronisation de saint Sams

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dimanche, 28 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

4 octobre. Saint François d'Assise, confesseur, fondateurs de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.

- Saint François d'Assise, confesseur, fondateur de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.

Pape : Honorius III. Roi de France : Louis VIII le Lion (+ 8 nov. 1226) ; saint Louis. Empereur romain germanique : Frédéric II.

" Qui n'admirerait la folie sublime et céleste de saint François d'Assise, qui lui fait établir ses richesses dans la pauvreté, ses délices dans les souffrances, sa gloire dans la bassesse !"
Bossuet. Panégyriques.


Saint François d'Assise. Francesco Albani, XVIIe.

François, né à Assise en Ombrie, s'adonna dès le jeune âge au négoce, à l'exemple de son père. Un jour que, contre sa coutume, il avait repoussé un pauvre qui sollicitait de lui quelque argent pour l'amour de Jésus-Christ, il fut aussitôt pris de repentir et exerça largement la miséricorde envers ce mendiant, promettant à Dieu que, de ce jour, il ne rebuterait quiconque lui demanderait l'aumône. Une grave maladie qu'il eut ensuite fut pour lui, dès sa convalescence, le point de départ d'une ardeur nouvelle dans la pratique de la charité. Ses progrès y furent tels, que, désireux d'atteindre la perfection évangélique, il donnait aux pauvres tout ce qu'il avait. Ce que son père ne pouvant souffrir, il traduisit François devant l'évêque d'Assise à l'effet d'exiger de lui une renonciation aux biens paternels ; le saint lui donna satisfaction jusqu'à dépouiller les habits dont il était revêtu, ajoutant qu'il lui serait désormais plus facile de dire : " Notre Père, qui êtes aux cieux ".


Saint françois d'Assise. Le Greco. XVIe.

Un jour qu'il avait entendu lire ces paroles de l'Evangile : " N'ayez or, argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux vêtements, ni chaussures " ; il résolut d'en faire la règle de sa vie, et, quittant les chaussures qu'il avait aux pieds, ne garda plus qu'une tunique. Avec douze compagnons qui s'adjoignirent à lui, il fonda l'Ordre des Mineurs.

L'an du salut 1209 le vit venir à Rome, pour obtenir du Siège apostolique qu'il confirmât la règle dudit Ordre. Le Souverain Pontife Innocent III l'ayant d'abord éconduit, vit ensuite en songe cet homme qu'il avait repoussé et qui soutenait de ses épaules la basilique de Latran menaçant ruine ; il le fit aussitôt chercher et mander, l'accueillit avec bienveillance et approuva tout ce qui lui fut exposé.


Saint François d'Assise. Vittorio Crivelli. XVe.

Saint François donc envoya ses Frères dans toutes les parties du monde, afin d'y prêcher l'Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ ; pour lui, ambitionnant de rencontrer quelque occasion du martyre, il fit voile vers la Syrie ; mais si le Sultan qui régnait là n'eut pour lui que des honneurs, il n'avançait à rien de significatif quant à sa conversion et se résolut à revenir en Italie.

Ayant donc construit un grand nombre de couvents, il se retira dans la solitude du mont Alverne, pour y commencer un jeûne de quarante jours en l'honneur de saint Michel Archange ; c'est alors que, le jour de l'Exaltation de la sainte Croix, un Séraphin lui apparut portant entre ses ailes l'image du Crucifié, et imprima à ses mains, à ses pieds, à son côté les plaies sacrées. Saint Bonaventure témoigne en ses écrits qu'assistant à une prédication du Souverain Pontife Alexandre IV, il entendit le Pontife raconter avoir vu de ses yeux ces stigmates augustes. Signes du très grand amour que portait au Saint le Seigneur, et qui excitaient au plus haut point l'admiration universelle (se reporter à notre notice du 17 septembre).

Notre Dame et Notre Seigneur Jésus-Christ entourés de
saint Côme, saint Damien, sainte Marie-Madeleine, saint
François d'Assise, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine
d'Alexandrie. Sandro Boticcelli. XVe.

Deux ans après, gravement malade, saint François voulut être transporté à l'église de Sainte-Marie-des-Anges, afin de rendre à Dieu son esprit là même où il avait reçu l'esprit de grâce. Ayant donc exhorté les Frères à aimer la pauvreté, la patience, à garder la foi de la sainte Eglise Romaine, il entonna le Psaume : " J'ai élevé ma voix pour crier vers le Seigneur " ; et au verset " Les justes attendent que vous me donniez ma récompense ", il rendit l'âme. C'était le quatre des nones d'octobre. Les miracles continuèrent d'étendre sa renommée, et le Souverain Pontife Grégoire IX l'inscrivit au nombre des saints.


Saint Michel archange et saint François d'Assise.
Jean de Flandres. XVIe.

PRIERE

" Soyez béni de toute âme vivante, Ô vous que le Sauveur du monde associa si pleinement à son œuvre de salut. Le monde, qui n'est que pour Dieu, ne subsiste que par les Saints ; car c'est en eux que Dieu trouve sa gloire. Quand vous naquîtes, les Saints se faisaient rares ; l'ennemi de Dieu et du monde étendait chaque jour son empire de glaciales ténèbres ; or, quand le corps social aura perdu foi et charité, lumière et chaleur, c'en sera fait de l'humanité. Venu à temps pour rechauffer encore une société que l'hiver semblait avoir déjà stérilisée, vous sûtes au souffle de vos séraphiques ardeurs donner à ce treizième siècle, si riche en fleurs exquises, l'apparence d'un printemps qu'hélas ! l'été ne devait pas suivre.

Par vous, la Croix força de nouveau le regard des peuples ; mais ce fut moins pour être exaltée dans un triomphe permanent comme jadis, qu'arin de rallier les prédestinés en face de l'ennemi ; bientôt, en effet, celui-ci reprendra ses avantages. L'Eglise dépouille la parure de gloire qui lui seyait au temps de la royauté incontestée du Seigneur ; avec vous, elle aborde nu-pieds la carrière où ses propres épreuves vont désormais l'assimiler à l'Epoux souffrant et mourant pour l'honneur de son Père. Par vous et par les vôtres, tenez toujours haut devant elle l'étendard sacré.


Saint Francois d'Assise. Eglise Saint-Pierre de Thauvenay.
Sancerrois, Berry.

C'est en s'identifiant au Christ sur la Croix, qu'on le retrouve dans les splendeurs de sa divinité ; car l'homme et Dieu en lui ne se séparent pas, et toute âme, disiez-vous, doit contempler les deux ; mais c'est chimère de chercher ailleurs que dans la compassion effective à notre Chef souffrant le chemin de l'union divine et les très doux fruits de l'amour (Francisci Opusc. T. III, Collatio XXIV.). Si l'âme se laisse conduire au bon plaisir de l'Esprit-Saint, ajoutiez-vous, ce Maître des maîtres n'aura pas avec elle d'autre direction que celle que le Seigneur a consignée dans les livres de son humilité, patience et passion (Ibid.)."


Le pape Nicolas V fait ouvrir le caveau de saint François en 1449.
Laurent de la Hyre. XVIIe.

François, marqué du sceau divin, chantait dans un langage des cieux le duel sublime qu'avait été sa vie (In foco l’amor mi mise. Francisci Opusc. T. III, Cant. II) :

" L'amour m'a mis dans la fournaise, l'amour m'a mis dans la fournaise ; il m'a mis dans une fournaise d'amour.

Mon nouvel époux, l'amoureux Agneau, m'a remis l'anneau nuptial ; puis, m'ayant jeté en prison, il m'a fendu tout le cœur, et mon corps est tombé à terre. Ces flèches que décoche l'amour m'ont frappé en m'embrasant. De la paix il a fait la guerre ; je me meurs de douceur.

Les traits pleuraient si serrés que j'en étais tout agonisant. Alors je pris un bouclier ; mais les coups se pressèrent si bien, qu'il ne me protégea plus ; ils me brisèrent tout le corps, si fort était le bras qui les dardait.

Il les dardait si fortement, que je désespérai de les parer ; et pour échapper à la mort je criai de toute ma force : " Tu forfais aux lois du champ clos ". Mais lui, dressa une machine de guerre qui m'accabla de nouveaux coups.

Jamais il ne m'eût manqué, tant il savait tirer juste. J'étais couché à terre, sans pouvoir m'aider de mes membres. J'avais le corps tout rompu, et sans plus de sentiment qu'un homme trépassé.

Trépassé, non par mort véritable, mais par excès de joie. Puis, reprenant possession de mon corps, je me sentis si fort, que je pus suivre les guides qui me conduisaient à la cour du ciel.

Après être revenu à moi, aussitôt je m'armai ; je fis la guerre au Christ ; je chevauchai sur son terrain, et l'ayant rencontré, j'en vins aux mains sans retard, et je me vengeai de lui.

Quand je fus vengé, je fis avec lui un pacte ; car dès le commencement le Christ m'avait aimé d'un amour véritable. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ."

Rq : On lira avec fruits un superbe résumé de la vie de saint François d'Assise dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine sur cette page : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/150.htm

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vendredi, 04 octobre 2024 | Lien permanent

3 octobre. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.

- Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.

Pape : Léon XIII. Président de la République révolutionnaire et donc anti-catholique en France : Félix Faure.

" Je comprends si bien qu’il n’y a que l’amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j’ambitionne. Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père."
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face.

Sainte Thérèse de Lisieux est de ces saints qui ont excité une admiration et un enthousiasme immédiat dès après leur mort ; acquérant une étonnante popularité dans le monde entier.

Thérèse Martin naquit à Alençon, en Normandie, de parents très chrétiens, qui regardaient leurs neuf enfants comme des présents du Ciel et les offraient au Seigneur avant leur naissance au point que chacun de leur neuf enfants (dont quatre moururent en bas âge) recurent comme premier prénom celui de Marie. Elle fut la dernière fleur de cette tige bénie qui donna quatre religieuses au Carmel de Lisieux, et elle montra, dès sa plus petite enfance, des dispositions à la piété qui faisaient présager les grandes vues de la Providence sur elle.


Monsieur Louis Martin, père de notre sainte.

Atteinte, à l'âge de neuf ans, d'une très grave maladie, elle fut guérie par la Vierge Marie, dont elle vit la statue s'animer et lui sourire auprès de son lit de douleur, avec une tendresse ineffable.

Thérèse eût voulu, dès l'âge de quinze ans, rejoindre ses trois soeurs au Carmel, mais il lui fallut attendre une année encore (1888). Sa vie devint alors une ascension continuelle vers Dieu, mais ce fut au prix des plus douloureux sacrifices toujours acceptés avec joie et amour ; car c'est à ce prix que Jésus forme les âmes qu'Il appelle à une haute sainteté.

Madame Louis Martin, née Zélie Guérin, mère de notre sainte.

Elle s'est révélée ingénument tout entière elle-même dans son Histoire d'une âme qu'elle a laissés par ordre de sa supérieure : " Jésus, comme elle l'a écrit, dormait toujours dans Sa petite nacelle ". Elle pouvait dire : " Je n'ai plus aucun désir, si ce n'est d'aimer Jésus à la folie ". C'est, en effet, sous l'aspect de l'amour infini que Dieu Se révélait en elle.

La voie de l'Amour, telle fut, en résumé, la voie de la " petite " Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face ; mais c'était en même temps la voie de l'humilité parfaite, et par là, de toutes les vertus. C'est en pratiquant les " petites vertus ", en suivant ce qu'elle appelle sa " petite Voie ", Voie d'enfance, de simplicité dans l'amour, qu'elle est parvenue en peu de temps à cette haute perfection qui a fait d'elle une digne émule de sa Mère, la grande Thérèse d'Avila.

Sa vie au Carmel pendant neuf ans seulement fut une vie cachée, toute d'amour et de sacrifice. Elle quitta la terre le 30 septembre 1897. Comme elle l'a prédit, " elle passe son Ciel à faire du bien sur la terre ".

Son procés de béatification et de cannonisation débuta en 1910 sous saint Pie X. Elle fut béatifiée le 29 avril 1923 par le Pape Pie XI qui la cannonisa le 17 mai 1925, puis la proclama Patronne des Missions le 14 décembre 1927. Le 30 septembre 1929 est posée la premiere pierre de la Basilique de Lisieux. Le 3 Mai 1944, Pie XII la proclama Patronne secondaire de la France.

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face ne fut pas et n'est pas une âme légère dont les écrits sont niais ou doucereux. Hélas, depuis quelques dizaines d'années, c'est parfois ainsi qu'elle peut être ressentie à cause des commentateurs modernes - clercs ou laïcs - qui professent (de bonne ou de mauvaise foi peu importe) une religion abrutie et anti-catholique : une fausse religion à la portée, au mieux, des caniches ou des cochons d'Inde !

Sainte Thérèse fut une âme d'élite, une âme de combattante pour la cité du Bien. C'est avec une foi de soldat du Christ qu'il faut lire notre grande Sainte.


" Comment réaliser les désirs de ma pauvre petite âme ?... Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs, j’ai la vocation d’être Apôtre... Je voudrais parcourir la terre, prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle ta Croix glorieuse, mais, Ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Evangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées... (Is. LXVI, 19.). Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles... Mais je voudrais par-dessus tout, Ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang pour Toi jusqu’à la dernière goutte... Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloîtres du Carmel... Mais là encore, je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre... Pour me satisfaire, il me les faudrait tous... Comme toi, mon Epoux Adoré, je voudrais être flagellée et crucifiée... Je voudrais mourir dépouillée comme Saint Barthélémy... Comme Saint Jean, je voudrais être plongée dans l’huile bouillante, je voudrais subir tous les supplices infligés aux martyrs... Avec Sainte Agnès et Sainte Cécile, je voudrais présenter mon cou au glaive et comme Jeanne d’Arc, ma soeur chérie, je voudrais sur le bûcher murmurer Ton nom, Ô Jésus... En songeant aux tourments qui seront le partage des chrétiens au temps de l’Antéchrist, je sens mon coeur tressaillir et je voudrais que ces tourments me soient réservés... Jésus, Jésus, si je voulais écrire tous mes désirs, il me faudrait emprunter Ton livre de vie, (Ap. XX, 12.) là sont rapportées les actions de tous les Saints et ces actions, je voudrais les avoir accomplies pour Toi... Ô mon Jésus !"


Basilique Sainte-Thérère-de-l'Enfant-Jésus-et-de-la-Sainte-Face.
Lisieux.

Prière inspirée par une image représentant sainte Jeanne d'Arc :

" Seigneur, Dieu des armées qui nous avez dit dans Votre Évangile : " Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ". Armez-moi pour la lutte, je brûle de combattre pour Votre gloire, mais je Vous en supplie, fortifiez mon courage.... Alors avec le Saint roi David je pourrai m'écrier : " C'est Vous seul qui êtes mon bouclier, c'est Vous, Seigneur, qui dressez mes mains à la guerre... "
Ô mon Bien-Aimé ! Je comprends à quel combat Vous me destinez, ce n'est point sur les champs de bataille que je lutterai........
Je suis prisonnière de Votre Amour, j'ai librement rivé la chaîne qui m'unit à Vous et me sépare à jamais du monde que Vous avez maudit.... Mon glaive n'est autre que l'Amour, avec lui je chasserai l'étranger du royaume. Je Vous ferai proclamer Roi dans les âmes qui refusent de se soumettre à Votre Divine Puissance.
Sans doute, Seigneur, un aussi faible instrument que moi ne vous est pas nécessaire, mais Jeanne votre virginale et valeureuse épouse l'a dit : " Il faut batailler pour que Dieu donne victoire ".
Ô mon Jésus, je bataillerai donc pour Votre Amour jusqu'au soir de ma vie. Puisque Vous n'avez pas voulu goûter de repos sur la terre, je veux suivre Votre exemple et j'espère ainsi que cette promesse sortie de Vos lèvres Divines se réalisera pour moi : " Si quelqu'un Me suit, en quelque lieu que Je sois il y sera aussi, et Mon Père l'élèvera en honneur ".
Être avec Vous, être en Vous, voilà mon unique désir.... Cette assurance que Vous me donnez de sa réalisation me fait supporter l'exil en attendant le radieux jour du Face à Face éternel !"

On trouvera et lira avec fruit les oeuvres complètes de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face sur le site suivant : http://www.jesusmarie.com/therese_de_lisieux.html

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jeudi, 03 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (3)

22 octobre. Saint Philippe, évêque d'Héraclée, et ses compagnons, martyrs à Andrinople en Roumélie. 304.

- Saint Philippe, évêque d'Héraclée, et ses compagnons, martyrs à Andrinople (ou Adrianople) en Roumélie. 304.

Pape : Saint Marcellin. Empereur romain d'Orient : Dioclétien. Empereur romain d'Occident : Maximien-Hercule.

" Celui qui brûle d'arriver dans léternelle patrie doit être d'autant plus froid pour l'amour des biens du siècle, qu'il s'élève plus ardemment à l'amour de Dieu."
Saint Grégoire le Grand.

Martyre de saint Philippe d'Héraclée et de ses compagnons.
Vies de saints. J. de Vignay. XVe.

Philippe fut éprouvé d'abord en qualité de diacre, ensuite avec celle de prêtre dans les travaux que l'Église impose à ses ministres.

Son application à ses devoirs lui avait valu la louange des hommes, et ses vertus, les joies de la conscience ; l'honnêteté de ses moeurs l'avait en même temps mis à l'abri de tout reproche. Ce fut donc du consentement des frères qu'il fut enfin élevé à la dignité épiscopale. Confirmant alors dans la foi ses disciples, le prêtre Sévère et le diacre Hermès, par de fréquents entretiens, il eut le bonheur de les voir partager non seulement ses pensées, mais encore la gloire de sa passion ; en sorte qu'après les avoir eus pour ministres dans l'offrande du glorieux mystère, il les eut pour compagnons dans son martyre.

Malgré la menace de la persécution, son coeur ne se. laissa point troubler. Un grand nombre lui conseillaient de quitter la ville ; il s'y refusa, nous apprenant par son exemple à ambitionner de tels supplices et non à les craindre. Il dit : " Que la volonté de Dieu s'accomplisse !" et demeura dans son église, où il exhortait chacun à la patience :
" Frères, vous dont la foi est sincère, les temps annoncés par les prophéties sont proches. Le siècle penche vers sa ruine ; il semble rouler le cercle de ses derniers jours. Le diable dans sa rage obstinée nous menace ; le pouvoir lui a été donné pour un peu de temps ; il vient, non point, il est vrai, pour perdre les serviteurs du Christ, mais pour les éprouver. Le jour de l'Épiphanie approche ; c'est un avertissement de nous préparer à la gloire. Que ni les menaces des impies, ni leurs tourments ne vous épouvantent ; car le Christ donne à ses soldats la patience de souffrir et la récompense de tous les supplices qu'ils endurent. J'ai la confiance que tous les efforts de nos ennemis sont inutiles."

Andrinople, Adrianople ou Adrianopolis (ville fondée par
l'empereur Hadrien) et aujourd'hui Edirne en Turquie,
en Roumélie, est située à l'Ouest du Bosphore. Héraclée-Sintique,
ou Périnthe et aujourd'hui Erékli en Turquie était non loin de
cette ville, vers la Mer Noire.

Le bienheureux Philippe parlait encore, quand l'homme de police de la cité, Aristomaque, arriva pour fermer l'église des chrétiens, en y apposant les scellés de la part du gouverneur.
Philippe dit :
" Homme crédule, qui t'imagines que le Dieu tout-puissant habite plutôt dans des murs de pierre que dans les coeurs des hommes. Tu ignores cette parole d'Isaïe : Le ciel est mon trône, et la terre est l'escabeau de mes pieds. Quelle maison espérez-vous donc me construire ?"

Le lendemain, l'homme de police vint faire l'inventaire de tout le mobilier de l'église et y apposa le sceau de l'empereur.

Tous étaient tristes ; Philippe avec Sévère, Hermès et les autres, s'interrogeait, plein d'anxiété, sur son propre devoir. Appuyé contre la porte, il ne permettait pas que personne s'éloignât du siège qui lui avait été confié. Il parlait de l'avenir. A quelque temps de là, les frères étant réunis à Héraclée pour célébrer le jour du Seigneur, le président Basse trouva Philippe, environné de tous les fidèles, debout à la porte de l'église.

Basse voulut les juger séance tenante ; il s'assit et les fit approcher ; puis, s'adressant à Philippe et à la foule :
" Qui de vous est le maître des chrétiens, le docteur de leur Eglise ?"
Philippe répondit :
" C'est moi que tu cherches."
Basse continua :
" Tu connais la loi de l'empereur qui défend aux chrétiens de tenir des réunions ; il veut que dans tout l'univers les hommes de cette secte se convertissent aux idoles ou soient mis à mort. Ainsi donc tous les vases que vous avez, qu'ils soient d'or ou d'argent ou de toute autre matière, quel que soit d'ailleurs le prix du travail, de même aussi les Ecritures que vous lisez et que vous enseignez, seront soumis à l'examen de notre puissance. Que si vous ne le faites pas de bon gré, vous y serez réduits par les tourments."
Philippe répondit :
" S'il te plaît de nous faire souffrir, notre âme est prête.
Prends donc ce corps infirme, déchire-le comme tu voudras, mais ne t'attribue pas un pouvoir quelconque sur mon âme. Quant aux vases que tu demandes, prends-les, nous n'y sommes pas attachés. Ce n'est pas avec un métal précieux, c'est par la crainte de Dieu que nous honorons le Seigneur ; c'est la beauté du coeur, et non l'ornement d'une église, qui plaît au Christ. Quant à nos Ecritures, tu ne peux les recevoir, et il serait indigne à moi de te les livrer."


Le président fit approcher les bourreaux. Mucapor entra : c'était une sorte de monstre bestial. Le président appela le prêtre Sévère ; on ne le trouva pas, il fit alors torturer Philippe.

Le supplice se prolongeait sans mesure, lorsque Hermès s'écria :
" Juge, avec tes impitoyables recherches quand même on te livrerait tous nos saints Livres, et qu'il ne resterait plus aucune trace écrite de cette vénérable tradition dans tout l'univers, nos fils, fidèles à la mémoire de leurs pères, et animés par le zèle de leur propre salut, auraient bientôt refait des volumes en plus grand nombre, et ils enseigneraient avec d'autant plus d'ardeur la crainte respectueuse que nous devons au Christ."
On le fouetta longtemps ; ensuite il entra dans le lieu où l'on conservait cachés tous les vases sacrés ainsi que les Écritures. Il y fut suivi par Publius, l'assesseur du président, homme avide et voleur. Il se mit aussitôt à détourner avec adresse quelques-uns des vases dont on avait fait l'inventaire.
Hermès voulut blâmer son audace et l'arrêter ; l'autre lui meurtrit le visage au point que le sang jaillit en abondance. Basse, l'ayant appris, fit venir Hermès ; la vue de son visage tout sanglant l'irrita contre Publius, et il fit soigner la victime. Les vases, ainsi que toutes les Écritures, furent, par ordre du président, remis aux mains d'un officier. Il fit ensuite conduire au forum Philippe et tous les autres, entourés de gardes.

Pendant que la foule roulait vers le forum, le président chargea les soldats d'y porter toutes les Écritures, et il se rendit au palais. Le toit de l'église des chrétiens fut dépouillé de ses ornements. On activait à coups de fouet la répugnance de ceux qui étaient chargés de cet office, de peur qu'ils ne fussent trop lents à détruire. Pendant ce temps on alluma des feux sur le forum dans lesquels on jeta toutes les Écritures divines. Les flammes s'élancèrent vers le ciel si impétueuses et si menaçantes que les spectateurs pris de peur s'enfuirent. Quelques-uns cependant, au milieu de cette exécution, étaient demeurés sur le forum qui sert de marché à la ville, et entouraient le bienheureux Philippe.

Quand la nouvelle de ce malheur arriva, le saint prit la parole :
" Habitants d'Héraclée, juifs et païens, à quelque secte, à quelque religion que vous apparteniez, sachez que l'heure des derniers temps n'est pas éloignée, cette heure que l'Apôtre nous apprenait à craindre, lorsqu'il disait : Voilà que du haut du ciel la colère de Dieu va se révéler pour punir l'impiété et l'injustice des hommes.
Sur Sodome autrefois a pesé la juste colère de Dieu, à cause des crimes de. ses habitants. Si donc les habitants d'Héraclée redoutent le jugement de Sodome, qu'ils fuient ses injustices, et recherchent enfin le Dieu qui s'est réservé le jugement ; qu'ils abandonnent le vain culte des pierres et assurent leur salut. Ceux qui dans l'Orient ont vu les feux de Sodome ont eu là un signe du jugement, un exemple de la colère de Dieu. Mais ces feux ne devaient pas être seulement manifestés en Orient ; la Sicile et même l'Italie ont eu aussi leur merveilleux enseignement. Le saint homme Lot avec ses filles fut arraché par les Anges à la ville de Sodome, parce qu'il était exempt de péché et plein d'horreur pour les crimes de ses concitoyens. De même autrefois, en Sicile, une immense quantité d'eau s'élança de la bouche du cratère divin, en même temps qu'une flamme vengeresse descendait du ciel pour punir les pécheurs.
Tout fut consumé, à l'exception de deux jeunes vierges qui échappèrent au danger. Même au milieu de la frayeur universelle, la prudence ne les avait point abandonnées : leur père était accablé par la vieillesse et les infirmités, elles l'emportèrent pieusement dans leurs bras.
Mais en cherchant à échapper à l'incendie, le doux fardeau qu'elles portaient les arrêta dans leur fuite ; un cercle de flammes pétillantes les environnait, et elles se virent contraintes d'essayer un moyen de salut désespéré.
Le Christ tout-puissant ne voulut pas laisser succomber tant de piété filiale et de dévouement. Par le secours sensible de sa majesté souveraine, il rendit le père à ses enfants et les enfants à leur père, en sorte que l'on put comprendre que ce n'était pas Dieu qui avait manqué, mais bien plutôt le mérite et la vertu à tous ceux qui furent les victimes de l'incendie.
Aussitôt donc s'ouvrit pour les vierges une voie libre et sûre, et partout où elles dirigeaient leurs pas, vous eussiez vu la flamme tracer, comme en se jouant, la route devant elles. Le feu suspendait son souffle embrasé ; doux et caressant comme le zéphir, il embellissait même tous les lieux sur leur passage ; on eût dit qu'à la volonté de ces vierges tout s'animait d'une nouvelle vie."


" Telle était donc la sainteté de leurs mérites et la puissance de leur piété filiale, que le feu respectait non seulement leurs personnes, mais encore les endroits par où elles passaient. Ce lieu que la flamme n'avait pas osé toucher s'appela depuis la Piété, il a conservé jusqu'aujourd'hui ce nom glorieux qui devra, mieux que tous nos écrits, transmettre à nos descendants le souvenir du miracle. Quant à ce feu intelligent, c'était sans aucun doute le feu divin qui, juge et vengeur de toutes nos actions, descend souvent du ciel sur la terre, et brûle tout ce qu'il y trouve d'inutile. Autrefois la pensée de ce feu inspira je ne sais quel amour de la mort à Hercule, en lui persuadant que les hommes dévorés par les flammes deviennent des dieux ; et l'infortuné héros se brûla sur le mont Igie. Il est vrai que le médecin Esculape, frappé de la foudre sur le mont Cynosyris, trouva dans ce feu comme une consécration divine aux yeux des gentils insensés, qui se prirent à honorer en lui ce qui n'était, certes, pas une puissance quelconque, mais le juste châtiment de ses crimes et sa triste fin.
Assurément ils n'auraient pas imaginé en lui tant de puissance s'il eût continué à vivre. C'est ce même feu qui a brûlé ce que les Éphésiens appellent leur dieu, brûlé le Capitole et le temple de la ville de Rome, brûlé l'empereur Héliogabale ; ce même feu qui n'a point épargné dans Alexandrie l'asile de Sérapis, dévorant à la fois le temple et son Dieu."


" Qui donc, dites-le-moi, pourrait espérer encore du secours de ces vaines idoles, qui non seulement ne peuvent se donner l'être, mais ne sauraient même se le conserver ? Un tel dieu est créé par celui qui l'adore ; et si par hasard le matin il devient la proie des flammes, le soir l'activité vigilante de l'ouvrier l'a remis en état.
Tant qu'on pourra trouver des pierres et du bois, les dieux ne manqueront point parmi les hommes. Dans Athènes, le dieu Bacchus a volontiers laissé brûler son temple, sachant que la foudre consacrerait sa divinité. Minerve avec sa lance a brûlé de même ; ni la tête de la Gorgone qui défend sa poitrine, ni l'éclat de son armure aux mille couleurs n'ont pu la défendre ; plus heureuse, si elle eût continué à tourner ses fuseaux ! De même à Delphes, le temple d'Apollon, que la tempête avait déjà renversé, fut aussi consumé par un feu mystérieux.
Mais celui qui punit respecte partout sa grâce ; s'il éprouve l'homme juste, ce n'est plus une flamme qui châtie, c'est une lumière qui fait éclater la vertu."


Pendant ce long discours, Hermès aperçoit le prêtre Cataphrons et ses ministres, qui portaient aux idoles des mets impies, de sacrilèges offrandes.
Aussitôt il dit aux fidèles qui l'environnaient :
" Ce festin que vous voyez, c'est l'invocation du diable ; on l'apporte pour nous souiller."
Philippe lui dit :
" Que la volonté du Seigneur s'accomplisse !"
En même temps le président Basse arriva, escorté de la foule dans laquelle les uns s'apitoyaient, tandis que la colère, chez les autres, s'emportait aux plus grands excès ; les Juifs surtout étaient les plus violents ; car le jugement de l'Écriture contre eux est toujours vrai ; c'est d'eux que l'Esprit-Saint a dit par son Prophète : Ils ont sacrifié au démon, et non à Dieu.

Le président commença l'interrogatoire ; il dit à Philippe :
" Immole des victimes aux dieux."
Philippe répondit :
" Comment puis-je, moi chrétien, honorer des pierres ?
- Tu ne peux refuser à nos maîtres le tribut d'un sacrifice.
- Nous avons appris à obéir aux princes, à offrir aux empereurs nos hommages : le culte, jamais.
- Mais à la fortune de la ville tu ne refuseras pas un sacrifice. Vois comme sa statue est belle et riante, avec quelle bienveillance elle admet à l'honneur de son service tout ce peuple nombreux.
- Je vois bien qu'elle vous plaît, puisque vous l'honorez ; pour moi je professe hautement que l'oeuvre d'un homme, quel que soit son talent, ne pourra jamais m'arracher au culte du Maître du ciel.
- Laisse-toi toucher par cette statue d'Hercule si belle.
- Ah ! les malheureux, dignes de toutes nos larmes ! ignorer à ce point la sainteté trois fois adorable de la Divinité ! Infortunés que vous êtes, vous abaissez le ciel aux proportions de la terre ; et, dans votre ignorance de la vérité, vous inventez et vous fabriquez l'objet de votre culte ! Qu'est-ce donc que l'or, l'argent, l'airain, le fer ou le plomb ? N'est-ce pas de la terre, cette terre qui dans son sein les nourrit et les forme ?
Vous ignorez la divinité du Christ, qu'aucune intelligence humaine ne peut ni mesurer ni comprendre; et vous osez reconnaître quelque ombre de puissance dans ces dieux que la main d'un ouvrier, peut-être appesanti par le sommeil ou par le vin, vous a façonnés ?
Si, par hasard, de son travail sort une image plus parfaite, aussitôt à cette image vous attribuez la puissance, vous la revêtez de la divinité. Convenez que vos maisons et vos palais sont des ateliers de sacrilèges, où l'impiété se renouvelle sans cesse ; car enfin, lorsque, pour les usages domestiques, vous brûlez quelque morceau de bois, c'est la matière de votre dieu que vous brûlez.
Quelle excuse donnerez-vous d'un pareil crime ? Vous dites, il est vrai : Ce bois n'était pas un dieu ; mais je vous répondrai : Il pouvait le devenir, si l'ouvrier l'avait voulu. Et vous ne comprenez pas dans quelles ténèbres vous êtes plongés ! Parce que le marbre de Paros est beau, le Neptune qu'on y taillera en sera-t-il meilleur ? Et parce que vous avez un bel ivoire, votre Jupiter en retirera-t-il quelque attrait de plus, si vous l'y entaillez ?
Avouez que vos ouvriers ont trouvé un excellent moyen d'accroître la valeur du métal qu'ils emploient ; mais ce n'est pas au profit du dieu ; c'est au leur. Concluons donc que tout cela n'est que de la terre, qu'il faut fouler aux pieds et non pas adorer. Dieu, à notre sentiment, a fait la terre afin que nous en jouissions ; pour vous, il paraîtrait qu'il ne l'a faite que comme une matière destinée à vous fournir des dieux."


Basse se tourna vers Hermès :
" Toi, du moins, sacrifie aux dieux.
- Non ; je suis chrétien.
- Quel est ton rang dans la cité ?
- Je suis décurion ; mais voici mon maître à qui j'obéis en tout.
- Si j'amène Philippe à sacrifier, tu le suivras comme ton maître.
- Non, ni moi je suivrai son apostasie, ni toi tu ne triompheras de sa vertu. Un même esprit, une même force nous animent.
- Tu seras livré au feu, si tu t'obstines dans cette fureur de la résistance.
- Les flammes dont tu me menaces sont impuissantes ; tu ignores le feu éternel qui consume, dans d'interminables souffrances, les disciples du diable.
- Sacrifie au moins à nos maîtres, à nos empereurs ; en disant : Vie et puissance à nos princes !
- Nous aussi, nous aspirons à la vie.
- Sacrifiez donc ; dérobez-vous à ces chaînes, à ces tourments.
- Juge impie, jamais tu ne nous amèneras à ton impiété ; tes menaces, loin de nous amollir, donnent à notre foi plus de courage."


Basse furieux, forçant la voix, commanda qu'on les re-conduisît en prison. Pendant le trajet, des hommes osaient pousser Philippe avec violence ; souvent le saint évêque roulait à terre. Mais il se relevait le visage joyeux, ne témoignant ni indignation ni douleur. La stupeur avait envahi les âmes ; tous étaient en admiration devant un vieillard qui souffrait avec joie tant de cruelles insultes. Cependant les saints martyrs arrivèrent en chantant des psaumes. Après quelques jours de prison, on leur offrit la maison d'un certain Pancrace, où, sous la surveillance des soldats du gouverneur, ils devaient être traités avec tous les égards de l'hospitalité.

Or, comme ils demeuraient dans cette maison, les frères accouraient en foule de toutes parts auprès de ces saints confesseurs, qui les accueillaient avec bonté et leur enseignaient les sacrés mystères. Le diable, témoin de cette affluence, devint furieux de se voir enlever tous ses sujets ; c'est pourquoi, par la trahison et les calomnies, il obtint un nouvel ordre de les re-mettre en prison. Mais la prison était adossée au théâtre, en sorte qu'on avait pu y ménager une communication secrète. Par cette voie, les prisonniers, pénétrant dans l'enceinte réservée aux spectacles, pouvaient y recevoir la foule qui accourait pour les visiter. Cette pieuse avidité était si grande et si universelle, que la nuit même ne suspendait

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mardi, 22 octobre 2024 | Lien permanent

6 avril. Saint Marcellin de Carthage, homme d'Etat, martyr. 413.

- Saint Marcellin de Carthage, homme d'Etat, martyr. 413.

Pape : saint Innocent Ier. Empereur : Honorius.

" Quand le juste est enlevé par la mort, il entre dans le lieu de son rafraîchissement et de son repos."
Sapient., IV.

Saint Augustin, avec saint Marcellin, contre les Donatistes.
Charles van Loo. XVIIIe.

Une lettre de saint Augustin fait en ces termes l'éloge de saint Marcellin :
" Il a vécu dans une grande piété, dans une conduite sainte, dans des sentiments vraiment chrétiens. Quelle probité dans ses mœurs ! Quelle fidélité dans sa piété Chaste dans le mariage, intègre dans l'administration de la justice, patient envers ses amis, charitable envers tous, en toute occasion prêt à faire plaisir, réservé à demander pour lui quelque grâce, les bonnes œuvres lui donnaient la joie, et les mauvaises de la douleur ; compatissant et secourable, son cœur était toujours ouvert pour pardonner à ses ennemis, et même pour les aimer Il était plein de confiance en Dieu et appliqué à la prière. Jamais il ne parlait des vérités du salut, dont il était bien instruit, qu'avec respect et modestie. II aurait renoncé à tous les emplois du siècle, s'il n'eût été engagé dans le mariage ; mais au milieu de ses biens, il était indissolublement attaché à Jésus-Christ."

Dieu devait couronner tant de vertus par un glorieux martyre.

La cause de sa mort fut le zèle qu'il déploya contre des schismatiques nommés donatistes, espèce de jansénistes africains qui refusaient d'admettre au pardon et à la communion catholique, ceux qui ayant eu la faiblesse de livrer les saintes Ecritures dans la persécution, demandaient avec repentir l'absolution de leur faute.

Une conférence fut convoquée en 410, à Carthage, non pas pour décider la question de droit, car il a toujours été vrai qu'à tout péché miséricorde, mais pour savoir à quel évêque le peuple devait obéir " au catholique ou au donatiste ", dans les villes où chaque communion avait le sien.

Marcellin, secrétaire d'Etat d'Honorius, fut nommé pour présider cette conférence, et assurer l'exécution des mesures qui seraient arrêtées en commun. Les éveques catholiques dffrirent à leurs adversaires de partager avec eux leurs sièges, et au besoin, de les leur céder.

L'esprit de discorde, qui est celui des disciples de Satan, ne permit pas aux donatistes de se réunir à la communion des fidèles, et leur fit rejeter toute espèce d'arrangement. Des lors, la cause des catholiques était gagnée conformément à son mandat, Marcellin appliqua les lois sévères portées contre ces dissidents, qui, dans leur turbulence, ne respectaient ni les personnes, ni les propriétés. De ce moment, tout fut mis en œuvre pour perdre l'intègre Marcellin.

Si les catholiques avaient pour eux l'intègre Marcellin, les donatistes avaient dans leur parti le comte Marin. Or, Marin était précisément, à cette époque, en Afrique, occupé à réprimer la rébellion d'un certain Héraclien, qui avait tenté de se rendre indépendant dans son gouvernement. Abusant de ses pleins pouvoirs militaires, le généralissime d'Hono-rius impliqua Marcellin dans la révolte d'Héraclien, et quoique l'accusation
fût dénuée de tout fondement, Marcellin fut mis avec son frère dans une affreuse prison qui ne recevait aucune lumière.

Dans ce lieu triste, son frère lui dit un jour :
" Si ce sont mes péchés qui m'ont attiré cette disgrâce, par où avez-vous mérité d'y tomber, vous dont la vie a été toujours chrétienne ?
- Quand ce que vous dites serait véritable, répondit Marcellin, et quand néanmoins j'en devrais perdre la vie, n'en dois-je pas rendre grâces à Dieu, qui me punit en ce monde pour m'épargner en l'autre ?"


Saint Augustin, qui aimait le tribun à cause de ses belles qualités, et qu'il estimait pour ses vertus, vint exprès à Carthage pour le justifier auprès de Marin, et lui fit promettre qu'il lui laisserait la vie ; mais le comte, foulant aux pieds sa promesse, le condamna à perdre la tête.

L'évêque d'Hippone alla visiter MarceUin dans sa prison, et il rend le compte le plus touchant des dispositions où il le trouva. Lui ayant demandé s'il n'avait jamais commis quelqu'un de ces péchés qui s'expient par la pénitence canonique, il lui répondit en lui serrant la main droite :
" Je vous jure par cette main qui m'a administré les sacrements que je viens de recevoir, que je ne me suis jamais rendu coupable de pareils péchés."
La cour, persuadée de l'innocence des deux frères, avait envoyé dire au comte Marin de les élargir ; mais pour satisfaire sa vengeance, il s'était hâté de les faire exécuter.

Honorius disgracia Marin pour cette barbare exécution, et donna à Marcellin le titre d'homme de glorieuse mémoire. Cet illustre ami de saint Augustin, à qui celui-ci avait dédié ses premiers écrits contre les Pélagiens et son grand ouvrage de la Cité de Dieu, fut mis à mort à Carthage, l'an 413, et il est honoré comme martyr le 6 avril.

Saint Jérôme et saint Augustin ont fait l'oraison funèbre de cette illustre victime des discordes religieuses.

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dimanche, 06 avril 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

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