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20 juin. Saint Silvère, pape et martyr. 538.
- Saint Silvère, pape et martyr. 537.
Papes : Saint Agapet (prédécesseur) ; Vigile (successeur). Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.
" De même que les étoiles semblent disparaître pendant le jour pour ne briller que pendandt la nuit ; ainsi la véritable vertu, que l'on ne distingue pas toujours dans la prospérité, se montre à découvert dans l'adversité."
Saint Bernard.
Martyre de saint Sylvère. Bréviaire romain. XVe.
Saint Silvère fut pape de juin 536 au 11 novembre 537. En 536, Agapet Ier avait reçu du roi des Ostrogoths, qui occupaient alors une bonne partie de l'Italie, la mission de se rendre à Constantinople pour essayer de sonder Justinien. Le Basileus, qui tenait l'Afrique, semblait préparer un débarquement dans la péninsule.
Agapet mourut à Constantinople le 22 avril, après une victoire remportée sur le patriarche Anthime, un protégé de l'impérieuse et hérétique impératrice Théodora. Le pape avait su persuader à Justinien que la présence d'Anthime au principal siège ecclésiastique de l'Orient était un scandale dangereux pour l'Église, et Justinien avait chassé le prélat au début de mars.
A Rome, le roi Goth s'occupa de faire élire un successeur au pape défunt. Son candidat fut un fils du pape Hormisdas, mort en 523, nommé Silvère ; c'était un sous-diacre de la Curie. D'ordinaire, on élisait un diacre ou un prêtre. D'après le " Liber pontificalis ", le clergé romain fit opposition à Silvère. Puis finalement le favori des Goths passa.
A ce moment, Bélisaire, à la tête du corps expéditionnaire envoyé par Justinien, débarquait dans le sud de l'Italie. Les Goths reculèrent vers le Nord, laissant à Rome une petite garnison. Silvère négocia avec le général byzantin et, dans la nuit du 9 au 10 décembre, il lui fit ouvrir une porte de Rome. Les Goths filèrent par une autre porte. Mais ils revinrent en force à la fin de février 537 et bloquèrent Rome.
Silvère, candidat des Goths, était quelque peu suspect à Bélisaire. Le diacre Vigile, jadis volontaire pour occuper le siège de Rome, puis nonce à Constantinople, se chargea de noircir Silvère, son rival. Il était recommandé à la femme de Bélisaire, Antonine, une intrigante, par Théodora qui voulait que Rome soutînt le monophysisme.
Bélisaire pressentit Silvère : ne pourrait-il pas faire ce qu'on escomptait de Vigile ? Silvère refusa. On fit courir alors une fausse lettre du pape de Rome où le pontife promettait aux Goths l'entrée libre par la porte Asinaria, proche du Latran, la résidence apostolique. Silvère, pour écarter les suspicions, se retira sur l'Aventin, à Sainte-Sabine. Mais il fut convoqué au Pincio, où Bélisaire avait son quartier général. Le général et Antonine l'accusèrent de haute trahison ; deux clercs entrèrent, enlevèrent au pontife son pallium et lui firent endosser un habit de moine. On l'expédia en Asie, à Patare de Lycie. Les Romains apprirent que Silvère était devenu moine, ils ne devaient plus le revoir. Bélisaire fit proclamer Vigile pape.
Mais l'évêque de Patare, ayant su de Silvère comment les choses s'étaient passées, prit sa défense courageusement. Il alla jusqu'au Basileus. " Il y a ici-bas beaucoup de rois, mais pas un comme ce pape préposé à l'Eglise de Rome. Et ils l'ont expulsé !"
Ainsi protestait l'énergique prélat. Justinien se décida à renvoyer Silvère à Rome. Si après enquête sa lettre aux Goths était trouvée fausse, on lui rendrait son Église ; sinon, on le laisserait vivre, en lui conservant le titre d'évêque, mais hors de Rome. Malgré Théodora, Silvère fut rapatrié.
Cependant Vigile veillait. L'enquête par ses soins tourna contre Silvère. On interna son rival à Palmaria, petite île au large du golfe de Gaëte. Nourri au pain de tribulation et à l'eau d'angoisse ", comme dit le Liber ponlificalis dans une formule empruntée au troisième livre des Rois (XXII, 27.), Silvère trépassa probablement le 2 décembre 538, victime, estime la sainte Église, de sa fidélité à l'orthodoxie chalcédonienne.
C'est Adon qui a choisi la date du 20 juin pour inscrire Silvère dans son martyrologe.
PRIERE
" Les eaux de la tribulation ont traversé votre âme (Psalm. LXV, III, 2.), saint Pontife. Ce ne sont point les césars idolâtres qui furent vos persécuteurs. Ce ne fut pas même, comme pour Jean Ier votre prédécesseur presque immédiat sur le siège pontifical et dans l'arène du martyre, un prince hérétique qui déchargea sur vous sa haine de sectaire. Mais la rancune d'une femme indigne, servie par des trahisons parties du sanctuaire, s'acharna contre vous. Avant même que la mort eût fait en vous son œuvre, il se serait trouvé quelqu'un parmi vos fils pour convoiter le lourd fardeau de votre héritage.
Mais quel homme donc eût pu dénouer l'indissoluble lien qui vous attachait à l'Eglise ? L'usurpateur n'eût été qu'un intrus ; jusqu'à ce que les mérites tout-puissants de votre mort glorieuse eussent obtenu le changement du mercenaire en légitime pasteur, et fait de Vigile lui-même l'héritier de votre courage*. Ainsi l'invisible chef de l'Eglise aurait-il permis, pour la honte de l'enfer, que l'ambition portât ses scandales dans le Saint des Saints même. L'inébranlable foi des peuples, en ce siècle qui fut le vôtre, n'en devait point souffrir ; et la lumière résultant de ces faits lamentables apprendrait mieux aux âges suivants que le caractère personnel d'un pape, et ses fautes mêmes, n'affectent point les célestes prérogatives assurées par Dieu au vicaire de son Christ. Gardez en nous, Ô Silvère, le fruit de ces tristes enseignements. Bien pénétré des vrais principes, le peuple chrétien ne verra jamais s'affaiblir en lui le respect dû à Dieu dans ses représentants, quels qu'ils soient ; et le scandale, d'où qu'il vienne, sera impuissant à entamer sa foi."
* Notre rôle ici n'est point de devancer l’Église dans la défense de quelques-uns de ses Pontifes. Toutefois, l'apologétique a d'autres devoirs ; le nôtre est de rappeler que la mémoire du successeur de saint Silvère a trouvé de savants défenseurs. Vigile n'est point, il est vrai, l'objet d'un culte public, et dès lors l’Église n'a pas à répondre de sa sainteté ; il en est autrement pour Silvère ; mais toute apologie du premier qui ne va pas à diminuer la grandeur morale de ce dernier, garantie par l’Église, est licite et louable. [Dom Prosper Guéranger in L’Année liturgique].
jeudi, 20 juin 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
21 juillet. Sainte Praxède, vierge romaine. 164.
Saint Ambroise. Lib. VII sup Luc.
Pie Ier et sainte Praxède. Anonyme italien. XVIIe.
Enfin l'angélique sœur de Pudentienne obtient de l'Epoux que ses liens soient brisés. L'exil était lourd à ce dernier rejeton d'une souche illustre pour la terre et pour Dieu. Des races nouvelles que ses pères n'avaient point connues, quand ils soumettaient le monde à la Ville éternelle, gouvernaient maintenant Rome et l'univers ; plus que Néron et Domitien, qui du moins ne s'inspiraient dans leurs errements que de l'instinct de la tyrannie, les césars philosophes du moment faisaient preuve de la méconnaissance la plus absolue des destinées de la cité reine. Le salut de Rome était aux mains d'une autre dynastie ; un siècle déjà s'était passé depuis que l'aïeul de Praxède, plus authentique héritier des traditions du Capitole que tous les empereurs présents ou futurs, avait incliné devant cette principauté venue d'en haut la majesté des grands souvenirs des sept collines, et salué dans Simon fils de Jean le dominateur de l'avenir.
Hôte du Prince des Apôtres, Pudens transmit à sa descendance l'estime d'un titre plus glorieux que tous ceux qu'il tenait des ancêtres ; au temps de Pie Ier comme à celui de Pierre, sa maison continuait d'abriter le Vicaire de Dieu. Restée seule avec de tels souvenirs, Praxède, après la mort de sa sœur bien-aimée, avait achevé de transformer ses palais en églises où nuit et jour retentissait la divine louange, où les païens accouraient en foule au baptême ; la police impériale respectait la demeure d'une descendante des Cornelii. Délivré de la tutelle d'Antonin son père adoptif, Marc Aurèle ne devait pas connaître longtemps cette barrière : une descente eut lieu au Titre de Praxède ; nombre de chrétiens furent pris, dont le glaive abattit les têtes. La vierge connut le tourment de voir tout frapper autour d'elle, sans elle-même être atteinte.-Brisée, elle se tourna vers Dieu et demanda de mourir. Son corps fut réuni à ceux des siens dans le cimetière de son aïeule Priscille.
Mosaïque. Sainte Praxède à Rome. VIIe.
Praxède, vierge de Rome, était sœur de la vierge sainte Pudentienne. Au temps où l'Empereur Marc Antonin persécutait les chrétiens, elle leur consacra son temps et ses richesses, les soulageant par toutes les industries de sa charité, cachant chez elle les uns, exhortant les autres à la constance dans la foi , ensevelissant leurs corps ou pourvoyant à ce que rien de ce qu'elle pouvait ne leur fît défaut dans les prisons et les bagnes.
Mais le massacre des chrétiens prit de telles proportions, qu'elle se sentit impuissante à en supporter la vue davantage : elle pria Dieu que, s'il était expédient de mourir, il l'enlevât à tant de maux. Le douze des calendes d'août, elle fut donc appelée pour recevoir au ciel la récompense de sa piété. Le prêtre Pastor ensevelit son corps dans le tombeau de son père et de sa sœur Pudentienne, au cimetière de Priscille sur la voie Salaria.
Fresque. Basilique Sainte-Praxède à Rome. VIe - VIIe.
" L'Eglise Mère vous est restée reconnaissante, Ô Praxède! Depuis si longtemps déjà près de l'Epoux, vous continuez d'exercer sur la terre en faveur des Saints les traditions de votre noble famille. Quand, aux huitième et neuvième siècles, les Martyrs, exposés aux profanations lombardes, se levèrent de leurs tombeaux pour rentrer dans les murs de la Ville éternelle, on vit Pierre, dans la personne de Pascal Ier, chercher pour eux l'hospitalité là où lui-même l'avait trouvée au premier âge. Ce fut un grand jour que ce 20 Juillet 817 où, quittant les catacombes, deux mille trois cents de ces héros du Christ vinrent retrouver au Titre de Praxède un repos que troublaient les barbares. Quelles fleurs Rome en ce jour vous offrait, Ô vierge ! Que pourrions-nous qu'associer notre hommage à celui de l'auguste phalange venant, au jour de votre fête bénie, reconnaître ainsi vos bienfaits ? Fille de Pudens et de Priscille, communiquez-nous votre amour de Pierre, votre dévouement à l'Eglise, votre zèle pour les Saints de Dieu militant encore ou déjà dans la gloire."
dimanche, 21 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)
2 octobre. Saints Anges gardiens. 1608.
- Fête des saints Anges gardiens. 1608.
" Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibusviis tuis."
Ps. CV, II.
" Dieu vous a mis sous la garde de ses anges. Cette parole doit vous inspirer pour eux du respect, de la reconnaissance et de la confiance."
Saint Bernard.
Notre Dame, reine des Anges.
Bien que la solennité du 29 septembre ait pour but d'honorer tous les bienheureux esprits des neuf chœurs, la piété des fidèles s'est portée dans les derniers siècles à désirer qu'un jour spécial fût consacré par la terre à célébrer les Anges gardiens. Différentes Eglises ayant pris l'initiative de cette fête, qu'elles plaçaient sous divers rites à diverses dates de l'année, Paul V (à la prière de Ferdinand d'Autriche en 1608), tout en l'autorisant, crut devoir la laisser facultative ; Clément X (1670) mit fin à cette variété au sujet de la fête nouvelle, en la fixant obligatoirement du rite double (double majeur depuis 1883) au 2 octobre, premier jour libre après la Saint-Michel, dont elle demeure ainsi comme une dépendance.
Le pape Paul V.
Il est de foi qu'en cet exil, Dieu confie aux Anges la garde des hommes appelés à le contempler ainsi qu'eux-mêmes dans la commune patrie ; c'est le témoignage des Ecritures, l'affirmation unanime de la Tradition. Les conclusions les plus assurées de la théologie catholique étendent le bénéfice de cette protection précieuse à tous les membres de la race humaine, sans distinction de justes ou de pécheurs, d'infidèles ou de baptisés. Ecarter les dangers, soutenir l'homme dans sa lutte contre le démon, faire naître en lui de saintes pensées, le détourner du mal et parfois le châtier, prier pour lui et présenter à Dieu ses propres prières : tel est le rôle de l'Ange gardien. Mission à ce point spéciale, que le même Ange ne cumule pas la garde simultanée de plusieurs ; à ce point assidue, qu'il suit son protégé du premier jour au dernier de sa mortelle existence, recueillant l'âme au sortir de cette vie pour la conduire, des pieds du juge suprême, à la place méritée par elle dans les cieux ou au séjour temporaire de purification et d'expiation.
C'est dans le voisinage plus immédiat de notre nature, parmi les rangs pressés du dernier des neuf chœurs, que se recrute surtout la milice sainte des Anges gardiens. Dieu, en effet, réserve les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, à l'honneur de former son auguste cour. Les Dominations président des abords de son trône au gouvernement de l'univers ; les Vertus veillent à la fixité des lois de la nature, à la conservation des espèces, aux mouvements des cieux ; les Puissances retiennent enchaîné l'enfer. La race humaine, dans son ensemble et ses grands corps sociaux, les nations, les églises, est confiée aux Principautés ; tandis que le rôle des Archanges, préposés aux communautés moindres, semble être aussi de transmettre aux Anges les ordres du ciel, avec l'amour et la lumière descendant pour nous de la première et suprême hiérarchie. Profondeurs de la Sagesse de Dieu (Rom. XI, 33.) ! Ainsi donc l'admirable ensemble de ministères ordonné entre les différents chœurs des esprits célestes aboutit, comme fin, à cette garde immédiatement remise aux plus humbles, la garde de l'homme, pour qui subsiste l'univers. C'est l'affirmation de l'Ecole (Suarez. De Angelis, Lib. VI, c. XVIII, 5.) ; c'est le mot de l'Apôtre : " Tout esprit n'a-t-il pas pour mission de servir les futurs héritiers du salut ?" (Heb. I, 14.).
Mais Dieu, tout magnifique qu'il daigne se montrer pour l'humanité entière, ne sait pas moins que les gouvernements de ce monde honorer d'une garde spéciale les princes de son peuple, privilégiés de sa grâce, ou régissant pour lui la terre ; au témoignage des Saints, une perfection suréminente, une mission plus haute dans l'Etat ou l'Eglise, assurent à qui en est revêtu l'assistance d'un esprit également supérieur, sans que l'Ange de la première heure, si l'on peut ainsi parler, soit nécessairement pour cela relevé de sa propre garde.
Il s'en faut d'ailleurs que, sur le terrain des opérations du salut, le titulaire céleste du poste à lui confié dès l'aube puisse redouter jamais de se voir isolé ; à sa demande, à l'ordre d'en haut, les troupes de ses bienheureux compagnons, qui remplissent la terre et les cieux, sont toujours prêtes à lui prêter main forte. Il est pour ces nobles esprits, sous l'œil du Dieu dont ils aspirent par tous moyens à seconder l'amour, de secrètes alliances amenant parfois sur terre entre leurs clients mêmes des rapprochements dont le mystère se révélera au jour de l'éternité.
" Mystère profond que le partage des âmes entre les Anges destinés à leur garde ; divin secret, relevant de l'économie universelle qui repose sur l'Homme-Dieu ! Ce n'est point non plus sans d'ineffables dispositions que se répartissent entre les Vertus des cieux les services de la terre, les départements multiples de la nature : fontaines et fleuves, vents et forêts, plantes, êtres animés des continents ou des mers, dont les rôles s'harmonisent par le fait des Anges dirigeant au but commun leurs offices variés." (Origen. in Josue, Hom. XXIII.).
" Telle subsiste, en sa puissante unité, l'œuvre du Créateur. Et sur ces mots de Jérémie : Jusques à quand pleurera la terre ?" (Jerem. XII, 4.).
Origène reprend, soutenu de l'autorité de saint Jérôme, son traducteur en la circonstance (Origen. in Jerem. Hom. X, juxta Hieron VIII.) : " C'est par chacun de nous que la terre se réjouit ou qu'elle pleure ; et non seulement la terre, mais l'eau, le feu, l'air, tous les éléments, qu'il ne faut point entendre ici de la matière insensible, mais des Anges préposés à toutes choses sur terre. Il y a un Ange de la terre, et c'est lui, avec ses compagnons, qui pleure de nos crimes. Il y a un Ange des eaux, à qui s'applique le Psaume : " Les eaux vous ont vu, et elles ont été dans la crainte ; le trouble a saisi les abîmes ; voix des grandes eaux, voix de l'orage : l'éclair comme la flèche a sillonné la nue (Psalm. LXXVI, 17-18.)."
Ainsi considérée, la nature est grande. Moins dépourvue que nos générations sans vérité comme sans poésie, l'antiquité ne voyait pas autrement l'univers. Son erreur fut d'adorer ces puissances mystérieuses, au détriment du seul Dieu sous lequel fléchissent ceux qui portent le monde (Job. IX, 13.).
" Air, terre, océan, tout est plein d'Anges, dit saint Ambroise à son tour (Ambr. in Psalm. CXVIII, Sermo I, 9, 11, 12.). Assiégé par une armée, Elisée demeurait sans crainte ; car il voyait d'invisibles cohortes qui l'assistaient. Puisse le Prophète ouvrir aussi tes yeux ; et que l'ennemi, fût-il légion, ne t'effraie pas : tu te crois investi, et tu es libre ; il y en a moins contre nous que pour nous (IV Reg. VI, 16.)."
Revenons à l'Ange particulièrement détaché près de nous tous, et méditons cet autre témoignage :
" Il ne dort pas, on ne le trompe pas, le noble gardien de chacun d'entre nous. Ferme ta porte, et fais la nuit ; mais souviens-toi que tu n'es jamais seul : lui, pour voir tes actions, n'a pas besoin de lumière."
Qui parle ainsi ? non quelque Père de l'Eglise, mais un païen, l'esclave philosophe Epictète (Ap. Arrian. Diss. I, 14.).
De préférence toutefois et pour finir, écoutons aujourd'hui comme fait l'Eglise l'Abbé de Clairvaux, dont l'éloquence se donne ici carrière :
" En tous lieux, sois respectueux de ton Ange. Que la reconnaissance pour ses bienfaits excite ton culte pour sa grandeur. Aime ce futur cohéritier, tuteur présentement désigné par le Père à ton enfance. Car bien que fils de Dieu, nous ne sommes pour l'heure que des enfants, et longue et périlleuse est la route. Mais Dieu a commandé à ses Anges de te garder en toutes tes voies ; ils te porteront dans leurs mains, dans la crainte que tu ne heurtes ton pied contre la pierre ; tu marcheras sur l'aspic et le basilic, et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon (Psalm. XC, 11 -13.). Oui donc ; là où la route est praticable pour un enfant, ils borneront leur concours à te guider, à te soutenir comme on fait les enfants. L'épreuve menacera-t-elle de dépasser tes forces ? ils te porteront dans leurs mains. Ces mains des Anges ! combien d'impasses redoutées, franchies grâce à elles comme sans y penser, et ne laissant à l'homme par delà que l'impression d'un cauchemar soudainement évanoui (Bernard, in Psalm. XC, Sermo XII.) !"
Mais où l'Ange triomphe, c'est dans la rencontre chantée au Cantique sacré.
" Lui, l'un des compagnons de l'Epoux, dit saint Bernard, envoyé pour cela des cieux à l'élue, négociateur, témoin du mystère accompli, comme il tressaille, et dit : Je vous rends grâces, Dieu de majesté, qui avez exaucé le désir de son cœur ! Or, c'était lui qui, sur la route, ami persévérant, ne cessait de murmurer à l'oreille de l'âme : " Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'exaucera " (Psalm. XXXVI, 4.) ; et de nouveau : " Attends le Seigneur, et garde ses sentiers " (Ibid 34.) ; puis, encore : " S'il tarde, attends toujours, car il viendra sûrement et bientôt " (Habac. II, 3.). Cependant qu'il remontrait au Seigneur : " Comme le cerf aspire à l'eau des fontaines, ainsi cette âme aspire après vous, Ô Dieu (Psalm. XLI, 2.) ! soyez-lui pitoyable, écoutez ses cris, visitez sa désolation. Et maintenant, paranymphe fidèle, confident d'ineffables secrets, il n'est point jaloux. Il va du bien-aimé à la bien-aimée, offrant les vœux, rapportant les dons ; il excite l'une, il apaise l'autre ; dès ce monde parfois il les met en présence, soit qu'il ravisse l'Epouse , soit qu'il amène l'Epoux : car il est de la maison et connu dans le palais ; il ne redoute point de rebut, lui qui voit tous les jours la face du Père (Bernard, in Cantic. Sermo XXXI.)."
Unissons-nous à l'Eglise offrant aux Anges gardiens cette Hymne des Vêpres du jour :
" Nous célébrons les Anges qui gardent les humains. Le Père céleste les donnés pour compagnons à notre faible nature , de crainte qu'elle ne succombât dans les embûches ennemies. Car, depuis que l'ange mauvais fut justement précipité de ses honneurs, l’envie le ronge et il s'efforce de perdre ceux que le Seigneur appelle aux cieux.
Vous donc volez vers nous, gardien qui jamais ne dormez ; écartez de la terre à vous confiée les maladies de l'âme et toute menace pour la paix de ses habitants. Soit toujours louange et amour à la Trinité sainte, dont la puissance éternelle gouverne ce triple monde des cieux, de la terre et de l'abîme, dont la gloire domine les siècles. Amen."
Avant rétablissement de la fête spéciale des saints Anges gardiens, il se chantait cette Séquence à la Messe du 29 septembre en quelques églises :
" Appelons de nos vœux les paranymphes du Roi suprême, les défenseurs du troupeau du Christ ; ce sont les monts dont il est dit qu'ils entourent le trône, privilège qu'ils possèdent entre tous. C'est la triple hiérarchie des cieux, sous la Sagesse unique développant ses rameaux, s'épanouissant à la trine lumière ; nous purifiant, nous éclairant, elle nous parfait : ainsi notre âme se dégage du péché.
Leur contemplation les rapproche, leur mission ne les éloigne pas : c'est au dedans de Dieu qu'ils courent, contenant l'ennemi, guidant les justes ; ils gardent leurs dévots clients, les protégeant, les consolant dans leurs peines.
Leur béatitude déjà consommée n'empêche pas que, députés vers nous cependant, ils ne rapportent à Dieu nos prières ; ils n'abandonnent pas les saints de ce monde, désirant voir par eux se combler leurs vides et s'accroître leur société fortunée.
Bienheureux citoyens qui, remplissant leur rôle sur terre, ne perdent rien des joies de la vraie patrie ! Supplions-les avec confiance de nous aider près de Dieu toujours.
Amen."
" Saints Anges, soyez bénis de ce que les crimes des hommes ne lassent point votre charité ; parmi tant d'autres bienfaits, nous vous rendons grâces pour celui de maintenir la terre habitable, en daignant y rester toujours.
La solitude, souvent, menace de se faire lourde au cœur des fils de Dieu, dans ces grandes villes et sur ces routes du monde où ne se coudoient qu'inconnus ou ennemis ; mais si le nombre des justes a baissé, le vôtre ne diminue pas. Au sein de la multitude enfiévrée comme au désert, il n'est pas d'être humain qui n'ait près de lui son Ange, représentant de la Providence universelle sur les méchants comme sur les bons.
Bienheureux esprits, nous n'avons avec vous qu'une patrie, qu'une pensée, qu'un amour : pourquoi les bruits confus d'une foule frivole agiteraient-ils la vie des deux que nous pouvons mener dès maintenant avec vous ? Le tumulte des places publiques vous empêche-t-il d'y former vos chœurs, ou le Très-Haut d'en percevoir les harmonies ?
Vivant nous aussi par la foi dans le secret de cette face du Père (Psalm. XXX, 21 : Col. III, 3.), dont l'incessante contemplation vous ravit (Matth. XVIII, 10.), nous voulons de même chanter en tous lieux au Seigneur, unir aux vôtres en tout temps nos adorations. Ainsi pénétrés des mœurs angéliques, la vie présente n'aura pour nous nul trouble, l'éternité nulle surprise."
PRIERES
" Ange de Dieu, qui êtes mon gardien,
A qui la Bonté Divine m'a confié,
éclairez-moi, gardez-moi, dirigez-moi et gouvernez-moi.
Amen."
Pie VI (20 septembre 1796).
" Ô saint Ange de Dieu à qui j’ai été donné en garde par une miséricordieuse providence, je vous remercie pour tant de secours dont vous avez environné ma vie temporelle, et la vie bien plus précieuse de mon âme. Je vous rends grâces de ce que vous m’assistez si fidèlement, me protégez si constamment, me défendez si puissamment contre les attaques de l’ange des ténèbres. Bénie soit l’heure depuis laquelle vous travaillez à mon salut ; que le Cœur de Jésus rempli d’amour pour ses enfants, vous en récompense.
Ô mon ange tutélaire, que j’ai de regret de mes résistances à vos inspirations, de mon peu de respect pour votre sainte présence, de tant de fautes par lesquelles je vous ai contristé, vous mon meilleur, mon plus fidèle ami. Pardonnez-moi ; ne cessez pas de m’éclairer, de me guider, de me reprendre. Ne m’abandonnez pas un seul instant, jusqu’à celui qui sera le dernier de ma vie ; et qu’alors mon âme, portée sur vos ailes, trouve miséricorde auprès de son juge, et la paix éternelle parmi les élus. Amen."
Sainte Gertrude.
" Ô saint Anges Gardiens de mes bons parents, de mes chers amis, de mes bienfaiteurs et de mes serviteurs affectionnés et fidèles, je vous conjure de les toujours entourer de votre protection céleste en les abritant avec vigilance sous vos chastes ailes, afin qu’ils y soient bien préservés de tout péché et de toute affliction. Obtenez pour eux la santé de l’âme et du corps, je vous en supplie, secourables anges. Amen."
Saint François de Sales.
mercredi, 02 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (4)
24 juillet. Sainte Christine, vierge et martyre. 300.
Saint Pierre Damien.
Gravure. Deckherr frères imprimeurs. Montbéliard. XIXe.
Christine, dont le nom seul embaume l'Eglise des parfums de l'Epoux, prélude dans sa grâce à la fête de l'aîné des fils du tonnerre. L'antique Vulsinies, assise près de son lac aux rives de basalte, aux calmes et claires eaux, la vit à dix ans mépriser les idoles des nations. Elle triompha du paganisme étrusque là même où Constantin signale en ses édits (Orelli-Henze. n. 5580.) le lieu de la solennelle réunion qui se faisait chaque année des faux prêtres ombriens et toscans. La découverte du tombeau de Christine est venue confirmer dans nos temps jusqu'à cette particularité de l'âge de la martyre donné par ses Actes, auxquels la science des derniers âges avait voulu dénier toute valeur. Nouvelle leçon, reçue après bien d'autres, et qui devrait amener une critique trop infatuée à reporter quelque peu sur elle-même les défiances dont elle se fait un honneur.
Lorsque du rivage qui reçut après ses combats la dépouille de l'héroïque enfant, on contemple l'île où périt tragiquement deux siècles plus tard la noble fille de Théodoric le Grand, Amalasonte, le néant des grandeurs qui n'ont que cette terre pour piédestal saisit l'âme plus éloquemment que ne ferait tout discours. Au XIIIe siècle, l'Epoux, continuant d'exalter la martyre au-dessus des plus illustres reines (Cant. VI, 7.), voulut l'associer à son triomphe au Sacrement d'amour : ce fut l'église de Christine qu'il choisit pour théâtre du miracle fameux de Bolsena, qui précéda de quelques mois seulement l'institution de la solennité du Corps du Seigneur.
Sainte Christine dans la tour avec Notre Seigneur Jésus-Christ
C'est Alphanus, archevêque de Salerne, en 1085, qui a donné les actes de cette sainte, dont nous donnons ici un abrégé.
Christine, ointe du chrême ; elle eut en effet le baume de bonne odeur dans son genre de vie, l’huile de dévotion dans le cœur, et la bénédiction à la bouche.
Sainte Christine naquit de parents très nobles, à Tyr (une ancienne ville de Toscane engloutie depuis dans le lac Bolsène), en Italie.
Sainte Christine était une enfant de dix ans ; cependant il ne fallut pas moins de trois tyrans successifs pour la faire mourir, car les deux premiers furent victimes de leur cruauté. Elle avait pour père un gouverneur romain, nommé Urbain, très attaché au culte des faux dieux. Christine, inspirée d'en haut, après avoir ouvert les yeux à la vraie foi, enleva toutes les idoles d'or et d'argent que son père adorait dans sa maison, les mit en pièces et les donna en aumône à de pauvres chrétiens.
Sainte Julienne et sainte Christine.
Son père la mit dans une tour avec douze suivantes ; elle y avait des dieux d'argent et d'or. Comme elle était fort belle et que plusieurs la recherchaient en mariage, ses parents ne voulurent l’accorder à personne afin qu'elle restât consacrée au culte des dieux. Mais, instruite par le Saint-Esprit à avoir en horreur les sacrifices des idoles, elle cachait dans une fenêtre les encens avec lesquels on devait sacrifier. Son père étant venu, les suivantes lui dirent :
" Ta fille, notre maîtresse, méprise nos divinités et refuse de leur sacrifier ; elle dit au reste qu'elle est chrétienne."
Le père, par ses caresses, l’exhortait à honorer les dieux, et elle lui dit :
" Ne m’appelles pas ta fille, mais bien celle de celui auquel on doit le sacrifice de louanges ; car ce n'est pas à des dieux mortels, mais au Dieu du ciel que j'offre des sacrifices."
Son père lui répliqua :
" Ma fille, ne sacrifie pas seulement a un Dieu, de peur d'encourir la haine des autres."
Christine lui répondit :
" Tu as bien parlé, tout en ne connaissant pas la vérité ; j'offre en effet des sacrifices au Père, au Fils, et au Saint-Esprit."
Son père lui dit :
" Si tu adores trois dieux, pourquoi n'adores-tu pas aussi les autres ?"
Elle répondit :
" Ces trois ne font qu'une seule divinité."
Episodes du martyre de sainte Christine.
Après cela Christine brisa les dieux. de son père et en donna aux pauvres l’or et l’argent. Quand le père revint pour adorer ses dieux, et qu'il ne les trouva plus, en apprenant des suivantes ce que Christine en avait fait, il devint furieux et commanda qu'on la dépouillât et qu'elle fût fouettée par douze hommes jusqu'à ce qu'ils fussent épuisés eux-mêmes. Alors Christine dit à son père :
" Homme sans honneur et sans honte, abominable aux yeux de Dieu ! ceux qui me fouettent s'épuisent ; demande pour eux à tes dieux de la vigueur, si tu en as le courage !"
Et son père la fit charger de chaînes et jeter en prison. Quand la mère apprit cela, elle déchira ses vêtements, alla trouver sa fille et se prosternant à ses pieds, elle dit :
" Ma fille Christine, lumière de mes veux, aie pitié de moi."
Christine lui, répondit :
" Que m’appelez-vous votre fille ? Ne savez-vous pas que je porte le nom de mon Dieu ?"
Or, la mère, n'ayant pu faire changer sa fille de résolution, revint trouver son mari. auquel elle déclara les réponses de Christine.
Martyre de sainte Christine. Legenda aurea.
Alors le père la fit amener devant son tribunal et lui dit :
" Sacrifie aux dieux, sinon tu seras accablée dans les supplices ; tu ne seras plus appelée ma fille."
Elle lui répondit :
" Vous m’avez fait grande grâce de ne plus m’appeler maintenant fille du diable. Celui qui naît de Satan est démon ; tu es le père de ce même Satan."
" Tiens, tyran, mange la chair que tu as engendrée."
" Je te baptise en Dieu, mon Père, et en moi Jésus-Christ Son Fils, et dans le Saint-Esprit."
Et il la confia à saint Michel archange qui l’amena sur la terre.
Sainte Christine baptisée par Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le père, qui apprit cela, se frappa le front en disant :
" Par quels maléfices fais-tu cela, de pouvoir ainsi exercer ta magie dans la mer ?"
Christine lui répondit :
" Malheureux insensé ! C'est de Notre Seigneur Jésus-Christ que j'ai reçu jette grâce."
Alors il la renvoya dans la prison avec ordre de la décapiter le lendemain.
Or, cette nuit-là même, son père Urbain fut trouvé mort. Il eut pour successeur un juge inique, appelé Elius (Alphanus le nomme Idion), qui fit préparer une chaudière dans laquelle on mit bouillir de l’huile, de la résine et de la poix pour jeter Christine. Quatre hommes agitaient la cuve afin que la sainte fût consumée plus vite. Alors elle loua Dieu de ce qu'après avoir reçu une seconde naissance, il voulait qu'elle fût bercée comme un petit enfant. Le juge irrité ordonna qu'on lui rasât la tête et qu'on la menât nue à travers la ville jusqu'au temple d'Apollon. Quand, elle y fut arrivée ; elle commanda à l’idole de tomber, ce qui la réduisit en poudre. A cette nouvelle le juge s'épouvanta et rendit l’esprit.
Martyre de sainte Christine. Dessin. François Verdier. XVIIe.
Julien lui succéda : il fit chauffer une fournaise et y jeter Christine ; et elle resta intacte pendant trois heures (d'après Alphanus), qu'elle passa à chanter et à se promener avec des anges. Julien, qui apprit cela et qui l’attribua à la magie, fit jeter sur elle deux aspics, deux vipères et deux couleuvres. Les serpents lui léchèrent les pieds, les aspics ne lui firent aucun mal et s'attachèrent à ses mamelles, et les couleuvres en se roulant autour de son cou léchaient sa sueur.
Alors Julien dit à un enchanteur :
" Est-ce que tu es aussi magicien ? Irrite ces bêtes."
Et comme il le faisait, lés serpents se jetèrent sur lui et le tuèrent en un instant. Christine commanda ensuite aux serpents, les envoya dans un désert et elle, ressuscita le mort.
Bois peint. Anonyme. Eglise Saint-Symphorien.
Julien alors ordonna de lui enlever les mamelles, d'où il coula du lait au lieu de sang. Ensuite il lui fit couper la langue ; Christine n'en perdit pas l’usage de la parole ; elle ramassa sa langue et la jeta à la figure de Julien, qui, atteint à l’oeil, se trouva aveuglé. Julien irrité lui envoya deux flèches au coeur et une autre à son côté. En recevant ces coups elle rendit son esprit a Dieu, vers l’an du Seigneur 287, sous Dioclétien.
Son corps repose dans un château qu'on appelle Bolsene situé entre la Ville vieille et Viterbe. La tour qui était vis-à-vis de ce château a été renversée de fond en comble.
Martyre de sainte Christine. Legenda aurea.
ANTIENNE
Unissons nos louanges et nos prières à celles de l'Eglise, pour honorer la glorieuse Vierge Martyre :
" Venez, Epouse du Christ ; recevez la couronne que le Seigneur vous a préparée pour l'éternité.
V/. Dans votre éclat et votre beauté,
R/. Avancez, marchez à la victoire, et régnez."
ORAISON
" Faites, Seigneur, que nous obtenions votre miséricorde par l'intercession de la bienheureuse Christine, Vierge et Martyre, qui vous a toujours été agréable par le mérite de la chasteté, et par la profession qu'elle a faite de la vertu dont vous êtes la source.
Par Jésus-Christ..."
Martyre de sainte Christine. Vies de saints. J. de Montbaston. XIVe.
mercredi, 24 juillet 2024 | Lien permanent | Commentaires (5)
Dimanche de L'Epiphanie. Sainte Famille.
- Dimanche de l'Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ ; Sainte Famille.
Extraits de L'année liturgique de dom Prosper Guéranger :
L'adoration des mages. Rogier van der Weyden. XVe.
A LA MESSE
C’est encore la Royauté du divin Enfant que l'Eglise proclame en tête des Cantiques qui doivent accompagner la célébration du saint Sacrifice, en ce Dimanche dans l'Octave de l'Epiphanie. Elle chante le Trône de l'Emmanuel, et s'unit aux concerts des Anges qui célèbrent son empire éternel. Adorons aussi avec les Esprits bienheureux le Roi des siècles, dans son Epiphanie.
INTROÏT
" Sur un trône élevé, j'ai vu assis un homme ; la multitude des Anges l'adorent, répétant en chœur : C'est lui dont l'Empire est éternel.
Ps. Jubilez à Dieu, habitants de la terre ; servez le Seigneur dans l'allégresse. Gloire au Père. Sur un trône élevé."
COLLECTE
Les vœux que la sainte Eglise exprime au Père céleste dans la Collecte, sont d'avoir part à la lumière de notre divin Soleil, qui seul peut nous révéler la voie où nous devons marcher, et par sa chaleur vivifiante nous donner les forces pour arriver jusqu'à lui.
" Recevez, Seigneur, dans votre céleste bonté, les vœux et les supplications de votre peuple ; et faites que vos fidèles connaissent ce qu'ils doivent faire, et deviennent forts pour accomplir ce qu'ils auront connu. Par notre Seigneur Jésus-Christ."
Mémoire de l'Epiphanie
" Ô Dieu, qui avez manifesté aujourd'hui, par une étoile, votre Fils unique aux Gentils ; faites, dans votre bonté, que nous qui vous connaissons déjà par la foi, nous arrivions un jour à contempler l'éclat de votre gloire. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur."
EPÎTRE
Epître du bienheureux Apôtre Paul aux Romains. CHAP. XII.
Joos van Wassenhove. Flandres. XVe.
" Mes Frères, je vous conjure, parla miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, capable d'un culte spirituel. Ne vous conformez point au siècle présent ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre esprit, pour reconnaître la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable à ses yeux et parfait. Je vous exhorte donc vous tous, par la grâce qui m'a été donnée, de ne point être sages plus qu'il ne faut être sage ; mais d'être sages avec sobriété, chacun selon la mesure du don de la foi que Dieu vous a départie. Car, comme dans un seul corps nous avons plusieurs membres, et que tous ces membres n'ont pas la même fonction : ainsi, quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes néanmoins qu'un seul corps en Jésus-Christ, étant réciproquement les membres les uns des autres, en Jésus-Christ notre Seigneur."
L'Apôtre nous invite à faire notre offrande au Dieu nouveau-né, à l'exemple des Mages ; mais l'offrande que désire ce Seigneur de toutes choses n'est pas une offrande inerte et sans vie. Il se donne tout entier, lui qui est la Vie ; en retour, présentons-lui, dans notre cœur, une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, dont l’obéissance à la grâce divine soit raisonnable, c'est-à-dire fondée sur l'intention formelle de s'offrir. Comme les Mages encore qui revinrent dans leur patrie par un autre chemin, évitons tout rapport avec les idées de ce siècle, c'est-à-dire du monde, ennemi secret de notre aimable Roi. Réformons notre vaine prudence sur la divine sagesse de Celui qui, étant la Sagesse éternelle du Père, peut bien, sans doute, être aussi la nôtre. Comprenons que nul ne fut jamais sage sans la foi, qui nous révèle que l'amour doit nous unir tous pour ne former qu'un même corps en Jésus-Christ, participant de sa vie, de sa sagesse, de sa lumière et de sa royauté.
GRADUEL
Dans les chants qui suivent, l'Eglise continue d'exalter l'ineffable merveille du Dieu avec nous, la paix et la justice descendues du ciel sur nos humbles collines.
" Béni notre Seigneur, le Dieu d'Israël, qui seul opère de telles merveilles à jamais.
V/. Que les montagnes de votre peuple soient visitées par la paix ; que les collines reçoivent la justice."
ALLELUIA
" Alleluia, alleluia.
V/. Jubilez à Dieu, habitants de la terre ; servez le Seigneur dans l'allégresse. Alleluia."
EVANGILE
Suite du saint Evangile selon saint Luc. CHAP. II.
Adoration des rois mages. Gérard David. Flandres. XVIe.
" Jésus étant âgé de douze ans, Marie et Joseph montèrent à Jérusalem, selon qu'ils avaient accoutumé à cette fête. Comme ils s'en retournaient, les jours de la fête étant passés, l'Enfant Jésus demeura dans Jérusalem ; et ses parents ne s'en aperçurent pas. Mais, pensant qu'il serait avec ceux de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour, et ils le cherchaient parmi leurs parents et ceux de leur connaissance. Et ne l'ayant pas trouvé, ils retournèrent a Jérusalem pour l'y chercher. Et il arriva que, après trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Or, ceux qui l'entendaient étaient dans la surprise de sa sagesse et de ses réponses. Lors donc qu'ils le virent, ils furent dans l'étonnement, et sa mère lui dit : Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi envers nous ? Voilà votre père et moi qui vous cherchions tout affligés. Et il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois vaquer à ce qui regarde le service de mon Père ? Et ils ne comprirent pas cette parole qu'il leur disait. Et il descendit avec eux et vint à Nazareth; et il leur était soumis. Et sa mère conservait dans son cœur toutes ces paroles. Et Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce, devant Dieu et devant les hommes."
C'est ainsi, Ô Jésus, que pour nous enseigner vous êtes venu du ciel La faiblesse de l'enfance, sous les traits de laquelle vous vous montrez à nous, n'arrête point votre ardeur à nous faire connaître le seul Dieu qui a fait toutes choses, et vous, son Fils, qu'il a envoyé. Etendu dans la crèche, d'un seul regard vous avez instruit les bergers ; sous vos humbles langes, dans votre silence volontaire, vous avez révélé aux Mages la lumière qu'ils cherchaient en suivant l'étoile.
A douze ans, vous expliquez aux docteurs d'Israël les Ecritures qui rendent témoignage de vous ; peu à peu vous dissipez les ombres de la Loi par votre présence et par vos paroles. Pour accomplir les ordres de votre Père céleste, vous ne craignez pas d'inquiéter le cœur de votre Mère, en cherchant ainsi des âmes à éclairer. Votre amour pour les hommes transpercera bien plus durement encore ce tendre cœur, au jour où, pour le salut de ces mêmes hommes, Marie vous verra suspendu au bois de la croix, expirant dans toutes les douleurs. Soyez béni, ô Emmanuel, dans ces premiers mystères de votre enfance, où vous apparaissez déjà uniquement occupé de nous, et préférant à la société même de votre Mère ces hommes pécheurs qui doivent un jour conspirer votre mort.
OFFERTOIRE
Pendant l'Offrande, l'Eglise continue de faire entendre les cantiques de joie que lui inspire la présence de l'Enfant divin.
" Jubilez à Dieu, habitants de la terre : servez le Seigneur dans l'allégresse : entrez en sa présence avec des transports de joie ; car ce Seigneur Enfant c'est Dieu lui-même."
SECRETE
" Faites, Seigneur, que le Sacrifice qui vous est offert nous vivifie et nous fortifie à jamais. Par notre Seigneur Jésus-Christ."
Mémoire de l'Epiphanie
" Regardez, s’il vous plaît, d'un œil favorable, Seigneur, les dons de votre Eglise, qui ne vous offre pas de l'or, de l'encens et de la myrrhe, mais Celui-là même qui est figuré par ces présents, et qui maintenant est immolé et donné en nourriture, Jésus-Christ votre Fils, Notre Seigneur, qui vit et règne avec vous.
En distribuant le Pain de vie descendu du ciel, l'Eglise répète les paroles de Marie à son divin Fils : qu’avez-vous fait ? Votre père et moi, nous vous cherchions. Le bon Pasteur, qui nourrit ses brebis de sa propre chair, répond qu'il se doit aux ordres de son Père céleste. Il est venu pour être notre Vie, notre lumière, notre nourriture : voilà pourquoi il quitte tout pour se donner à nous. Mais les docteurs du Temple ne firent que le voir et l'entendre, et nous, dans ce Pain vivant, nous le possédons, et nous goûtons sa douceur."
COMMUNION
" Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi envers nous ? Voici votre père et moi qui vous cherchions, tout affligés. — Pourquoi me cherchiez-vous ? ne saviez-vous pas que je dois vaquer à ce qui regarde le service de mon Père ?"
POSTCOMMUNION
La sainte Eglise, qui vient de voir ses enfants ranimés par cette nourriture d'un si haut prix, demande pour eux la grâce de devenir agréables à Celui qui leur donne la preuve d'un si grand amour.
"Nous vous supplions humblement, Dieu tout-puissant, de faire que ceux que vous nourrissez par vos Sacrements, vous puissent servir par une vie et des actes qui vous soient agréables. Par Jésus-Christ notre Seigneur."
Mémoire de l'Epiphanie
" Faites, s'il vous plaît, Dieu tout-puissant, que, par l'intelligence d'un esprit purifié, nous puissions goûter le Mystère que nous célébrons parce solennel service. Par Jésus-Christ notre Seigneur."
dimanche, 12 janvier 2025 | Lien permanent
11 janvier. Saint Hygin, pape et martyr. 142.
" Que celui qui ne reçoit pas les conciles oecuméniques comme les Evangiles soit excommunié."
Saint Théodore le Cénobiarque.
Saint Hygin. Rationnal des divins offices.
L’Eglise fait aujourd'hui la mémoire de saint Hygin, Pape et Martyr. Ce saint Pontife occupa la Chaire Apostolique sous le règne d'Antonin, et termina par le martyre un Pontificat de quatre années. Nous vénérons en lui un des anneaux de cette sublime succession de Pontifes qui nous rattache, par saint Pierre, à Notre Seigneur Jésus-Christ. Plein de fidélité et de force, il porta tout le poids de l'Eglise, à cet âge des persécutions durant lequel le Pontife suprême fut constamment une victime vouée à la mort. Il obtint de bonne heure la palme immortelle, et alla rejoindre, aux pieds de l'Emmanuel, les trois Mages qui avaient annoncé le salut à la Grèce, sa patrie. Prions-le d'accompagner de ses vœux l'offrande que nous faisons au divin Enfant, dans ces jours où il ne nous demande pas notre sang par le martyre, mais nos cœurs par la charité.
Sept jours après le martyre du pape saint Télesphore, dont nous solennisons la mémoire au 5e jour de janvier, saint Hygin, dont le père faisait profession d'enseigner la philosophie dans la ville d'Athènes, et qui l'avait cultivée lui-même; fut mis sur la chaire de Pierre au temps de l'empereur Antonin, surnommé le Pieux.
Durant quatre ans, trois mois et huit jours, ce très saint Pontife gouverna l'Eglise ; laquelle fut battue par deux horribles tempêtes. Premièrement, de la part des Gentils qui tenaient les Chrétiens pour des sacrilèges et des magiciens et s'imaginaient que toutes les disgrâces du monde venaient en punition du mépris des idoles ; aussi ne laissaient-ils échapper aucune occasion de leur faire du mal quand ils en avaient le pouvoir. Secondement, de la part des hérétiques qui faisaient une guerre intestine à l'Eglise ; car, dans ce temps-là, Valentin, après avoir publié ses rêveries en Egypte - la pluralité des dieux, jusqu'au nombre de trente, " d'où descendait Jésus-Christ " -, vint à Rome pour y semer la zizanie. Et quoiqu'il feignît d'être catholique et n'osât publier ouvertement ses blasphèmes, il les faisait néanmoins secrètement glisser en des conférences particulières.
Authentica. Etienne Bodart. Abbaye Saint-Aubin. Angers. XIIIe.
D'ailleurs, Cerdo, arrivé depuis peu des pays orientaux, où il avait prêché publiquement qu' " il y avait plusieurs premiers principes ", et nié la " réalité du corps de Jésus-Christ ", ne laissait pas de répandre son venin en cachette. Il admettait " l'existence de deux dieux, rejetait la plus grande partie des Ecriture et soutenait que Notre Seigneur Jésus-Christ n'était pas réellement né de la vierge Marie et ne s'était revêtu de la chair qu'en apparence ". Le saint pape Hygin, l'ayant découvert, le chassa de l'Eglise. Cerdon feignit d'être repentant de ses fautes, rétracta ses impiétés et fut reçu dans la communion des fidèles. Mais, comme sa pénitence n'avait point été sincère, il continua de dogmatiser en secret et fut excommunié une nouvelle fois.
Pour remédier plus efficacement à cette pernicieuse peste, Hygin écrivit sur ce même sujet quelques épîtres dont deux ont été conservées ; il y explique admirablement bien le mystère de l'incarnation, que les hérétiques entendaient si mal.
On y voit aussi qu'il établit un ordre parmi le clergé, le distribuant en de certain degrés : ce n'est pas que cet ordre ne fût déjà en l'Eglise dès le temps des Apôtres, mais il ajouta quelque chose et mit quelque nouvel ornement dans les cérémonies de leur ministère. Il déclara, de plus, de quelle manière le saint chrême devait être consacré et ordonna qu'il n'y eût qu'un parrain et une marr&aine au baptême. Il fit encore plusieurs autres réglements touchant la discipline ecclésiastique.
Enfin, après avoir consommé sa course, il reçut la couronne du martyre en l'an 142, le 11 janvier, comme il est remarqué dans tous les Martyrologes, et comme l'Eglise en fait la mémoire dans l'office. Il fut enterré au Vatican.
Decretum. Bartholomaeus Brixiensis. XIIIe.
ORAISON
Célébrons ce saint Pape, en disant avec l'Eglise :
Ant. " Ce saint a combattu jusqu'à la mort pour la loi de son Dieu, et n'a point craint les menaces des impies ; car il était fondé sur la pierre ferme."
" Dieu tout-puissant, regardez notre infirmité, et parce que nous sommes accablés sous le poids de nos péchés, faites que nous soyons fortifiés par la glorieuse intercession du bienheureux Hygin, votre Martyr et Pontife. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen."
samedi, 11 janvier 2025 | Lien permanent
10 janvier. Saint Guillaume, archevêque de Bourges.
" Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes comme les hypocrites ; ils montrent un visage exténués afin que leurs jeûnes paraissent devant les hommes."
Math., VI, 16.
Saint Guillaume. Heures à l'usage de Rome. Paris. XVe.
Guillaume de Donjeon (ou Berruyer), issu de l'antique maison des comtes de Nevers, vint au monde vers le milieu du XIIe siècle au bourg d'Arthel. Il fut élevé avec soin dans la crainte de Dieu sous la conduite de son oncle, Guillaume, archidiacre de Soissons et surnommé l'Ermite à cause de ses vertus, auquel sa mère Maëncia l'avait confié. Le Seigneur lui avait donné toutes les dispositions de la nature et de la grâce nécessaires à l'accomplissement des grands desseins qu'Il avait sur lui ; aussi fit-il des progrès rapides et acquit-il en peu de temps des connaissances au-dessus de son âge et un trésor croissant de sainteté.
Le monde lui souriait, avec sa gloire et ses plaisirs ; il renonça à tout, il s'éloigna même des honneurs ecclésiastiques qui semblaient le poursuivre, tant comme chanoine à Soissons qu'ensuite à Paris. Il résigna ses bénéfices et parti au monastère de Grand-Mont d'abord, au diocèse de Limoges, puis à l'abbaye de Pontigny, deuxième fondation de Cîteaux à Chablis, car il avait fuit Grand-Mont à cause des querelles qui opposaient les moines autour de la place des affaires spirituelles soutenues par les moines de choeur par rapport aux affaires temporelles, soutenues par les frères converts.
Après avoir édifié Pontigny par ses vertus où il fut amené à en devenir l'abbé, il alla implanter deux fondations de Pontigny, l'abbaye de Fontaine-Jean au diocèse de Sens, où saint Guillaume fit tant l'admiration de ses frères qu'ils en firent leur prieur claustral. Il fut ensuite élu abbé de Fontaine-Saint-Jean, au diocèse de Sens. Et plus tard abbé de Chalis en 1136, qu'il fonda aussi. Ces monastères durent leur naissance, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, à la générosité du grand et trop méconnu roi Louis VI.
Tous les frères conservèrent de lui le souvenir d'un moine doux et gai, encore que constamment préoccupé de la mortification des sens et des passions. Au demeurant, il exerçait avec talent ses fonctions de gouvernement et enseignait bien. Il vécut dans cette sainte retraite de Chalis jusqu'en 1099.
Non content d'avoir quitté le monde, il en perdit jusqu'au souvenir, et vécut dans la présence continuelle de Dieu ; sa modestie, sa dévotion, sa régularité, ranimaient la ferveur de ses frères ; il suffisait de le regarder au choeur ou à l'autel pour être embrasé du saint désir de marcher sur ses traces. Il avait surtout un grand amour pour le Saint-Sacrement, près duquel il trouvait ses délices, et ses larmes ne tarissaient pas durant le saint sacrifice de la Messe.
Saint Guillaume. Chapelle Saint-Jean-Baptiste.
Or, il advint que mourut Henry de Sully, l'archevêque de Bourges, dont la succession s'avérait si difficile que le chapitre s'en remit à Eudes de Sully, évêque de Paris, pour choisir le nouvel archevêque entre les trois abbés de l'Ordre de Cîteaux.
Eudes de Sully se retira dans la prière puis s'en vint à Notre-Dame-de-Sales où, après écrit le nom de chaque abbé sur un papier différent, les déposa sur l'autel avant que de célébrer la messe. A la fin de la messe, il tira au sort et Guillaume fut désigné comme le nouvel archevêque de Bourges ; Eudes de Sully se rendit à Saint-Etienne de Bourges où l'attendait le chapitre qui proclama son nouvel archevêque le 23 novembre 1200.
Effrayé par le poids de sa nouvelle charge, il ne l'accepta, à la demande du légat pontifical, qu'en obéissance à l'abbé de Cîteaux. Il fut sacré en présence des évêques dont il devenait le primat pour la part de l'Aquitaine qui lui revenait. Notre saint dut donc bientôt se résigner à s'élever et répondre à l'appel du Ciel clairement manifesté. Sacré archevêque de Bourges, Guillaume montra, dès les premiers jours, toutes les vertus des plus illustres Pontifes. Il demeura moine dans son palais, moine par l'habit et plus encore par les austérités. Il sut concilier les exercices de sa piété avec les immenses occupations de sa charge ; il parcourait son diocèse, prêchait, instruisait les petits et les humbles, administrait les sacrements, visitait les hôpitaux, délivrait les captifs, et multipliait les prodiges. Quand on lui demandait un miracle, il disait : " Je ne suis qu'un pauvre pécheur " ; mais il cédait aux larmes des malades et les guérissait par sa bénédiction.
Saint Guillaume agenouillé devant l'évêque de Soissons.
Archevêque, il continuait de vivre comme un moine, dans une grande austérité, touchant les cœurs par sa grande humilité, sa douceur et sa joie, autant que par ses mortifications et sa grande charité.
Dans l'exercice de sa charge pastorale, il se montrait toujours si ferme sur les principes qu'il s'attira la colère de Philippe II Auguste quand le roi était interdit par Innocent III pour avoir répudié Ingelburge et épousé Agnès de Méranie et que l'archevêque suspendit le culte dans son diocèse. Il connut aussi la haine d'une large partie de son clergé qui ne voulait pas se plier à la discipline. Philippe Auguste rentra enfin en lui-même et fit pénitence, recouvra par là la pleine amitié de saint Guillaume, et bien des clercs depuis firent pénitence publique.
Saint Guillaume gouverna l'archidiocèse de Bourges pendant dix ans où il fut remarquable dans les missions qu'il prêchait contre des hérétiques de l'espèce manichéenne, et c'est en se préparant à partir pour une nouvelle tournée pastorale qu'il fut saisi par la maladie et dut s'aliter pour la première fois de sa vie, le 9 janvier 1209. Il dicta son testament, reçut les derniers sacrements et entra en agonie ; il eut encore la force de se lever pour recevoir la Sainte Communion à genoux sur le pavé ; il fit jurer à son chapitre de remettre son cadavre aux cisterciens, puis, au moment d'expirer, exigea qu'on le couchât par terre, sur la cendre, et mourut le 10 janvier 1209.
Saint Guillaume. Faïence de Nevers. Bourgogne. XVIIIe.
On a conservé de lui quelques belles paroles :
" Tel pasteur, telles brebis."
" J'ai à expier et mes propres péchés et ceux de mon peuple."
Sa mort fut digne de sa vie ; il expira revêtu du cilice qu'il avait toujours porté, et couché sur la cendre. Il avait commencé par ses écrits à mener le combat contre les ignobles cathares. Au moment de sa mort, il vit distinctement les anges battant des ailes au-dessus de sa tête, et il rendit l'âme en leur tendant les bras. Pendant ses obsèques, la foule aperçut au-dessus de l'église un globe de feu planant dans les airs.
Retable de saint Guillaume. Bas-relief en bois polychrome.
La population prit le deuil et refusa de rendre la dépouille du saint aux moines de Chalis qui s'inclinèrent à partir du moment où le pape Honorius III l'inscrivit au livre des saints, en 1218, et que son corps fut déposé dans une chasse magnifique derrière le maître-autel de sa cathédrale. Les moines de Chalis eurent un os du bras, et le collège de Navarre, puisque l'université de Paris avait choisi saint Guillaume comme patron et protecteur, eut une côte. Pendant les guerres de religion, les bêtes féroces calvinistes détruisirent la chasse, mais les reliques furent recueillies et exposées en l'église Saint-Léger-d'Auvergne, au diocèse du Puy, où elles opérèrent de nombreux miracles avant que d'être profanées et détruites par les non moins féroces bêtes de la révolution.
vendredi, 10 janvier 2025 | Lien permanent
5 janvier. Saint Télesphore, pape et martyr. 138.
- Saint Télesphore, pape et martyr. 138.
Papes : Saint Sixte Ier (prédécesseur) ; saint Hygin (successeur). Empereurs romains : Hadrien (+138) ; Antonin le Pieux (dit).
" Frère bien-aimés, nous avons la confiance que vous gardez intacte la foi des Apôtres."
Epître de saint Télesphore aux évêque de la catholicité. (Patrol. grecque, T. V.).
Saint Télesphore. Frise des papes.
Saint Télesphore était Grec de nation et anachorète. C'est une tradition, dans l'ordre des Carmes, que le lieu où il exerça sa vie solitaire, avant d'entreprendre la prédication de l'Evangile, était le mont Carmel célèbre par le séjour des saints prophètes Elie et Elisée.
Etant venu à Rome pour travailler à l'établissement de la religion chrétienne, il donna des marques si visibles d'une sagesse et d'une sainteté consommées, qu'après le martyre de saint Sixte, premier de ce nom, il fut mis en sa place, et créé souverain Pontife, sous l'empire d'Adrien.
Entre plusieurs beaux réglements qu'il fit pour l'avancement de l'Eglise, l'un des principaux fut celui du jeûne de quarante jours avant Pâques, que nous appelons le Carême. Ce n'est pas qu'il soit le premier auteur de cette observance ; car saint Ignace, martyr, qui vivait avant lui, en fait mention dans son Epître aux Philippiens ; et c'est le sentiment commun des Pères de de l'Eglise, qu'elle est de tradition apostolique : plusieurs même en parlent comme d'une institution divine, en tant que Notre Seigneur Jésus-Christ nous l'a apprise par son exemple. Mais ce que fit ce saint pape, fut d'établir par un décret ce qui n'était gardé que par l'autorité de la tradition, de réveiller la ferveur des Chrétiens qui commençait à se relâcher dans cette sainte pratique : on peut voir à ce sujet un traité fort curieux touchant les jeûnes, que la père Thomassin, si connu par sa pénétration dans l'antiquité ecclésiastique, a donné au public.
On dit aussi que notre Saint ordonna qu'à la sollennité de Noël, on célèbrerait la messe au milieu de la nuit, au lieu qu'aux autres temps, on ne la célébrait qu'à l'heure de tierce c'est-à-dire sur les neuf heures du matin : ce qui se doit entendre de la messe solennelle, et de ce qui se faisait le plus ordinairement dans les églises.
Vierge de la Très Sainte Trinité. Cimabue. Italie.. XIIIe.
On lui attribue encore le commandement de chanter l'hymne des anges, Gloria in excelcis, avant l'action du sacrifice. On sait, à ce sujet, que les premières paroles de ce cantique ont été chantées par les anges, lorsqu'ils annoncèrent la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, Notre Divin Sauveur. De là lui est venu le nom d'hymne angélique. L'origine des paroles qui suivent n'est pas tout à fait certaine : on les attribuent aux Apôtres, à saint Télesphore, au pape Symnaque à saint Hilaire, évêque de Poitiers. Il est facile de voir l'analogie qu'il y a entre notre Gloria in excelcis et celui des Constitutions apostoliques, tel que le transcrit le docteur Grancolas :
" Gloria in excelcis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis."
Toutes ces ordonnances sont rapportées dans le Liber pontificalis.
Il s'éleva, du temps de ce bienheureux pontife, trois hérétiques très permicieux, savoir : Valentin, Marcion et Appelès, dont les dogmes gnostiques, impies et sacrilèges sont rapportés par saint Epiphane et par les auteurs ecclésiastiques qui ont écrit sur les hérésies.
Cet homme apostolique ne manqua pas de les combattre avec toute la vigueur que l'on pouvait attendre d'un chef de l'Eglise aussi savant et aussi pieux qu'il l'était, et il fut aider dans ce combat par le grand saint Justin, philosophe chrétien, qui présenta aussi, depuis, aux empereurs, deux excellentes apologies, pour justifier notre sainte religion des crimes que les païens lui imputaient, poussés qu'ils étaient par leur propre malice, et par la doctrine diabolique et les moeurs corrompues de ces hérétiques qui se donnaient pour chrétiens.
Couronnement de la sainte Vierge.
Enfin, saint Télesphore, après avoir gouverné l'Eglise onze ans, trois mois et vingt-deux jours, fut couronné d'un très glorieux martyre, comme le dit expressément saint Irénée. Il avait fait trois fois les ordres au mois de décembre, et créé douze prêtres, huit diacres et treize évêques. Son corps fut enterré au Vatican, proche de celui du Prince des Apôtres, et sa mémoire est célébrée dans l'Eglise au jour même de son martyre, selon l'ordre du bréviaire réformé par Clément VIII.
On représente saint Télesphore avec un calice surmonté de trois hosties, pour rappeler qu'il institua la pratique de dire trois messes le jour de Noël.
MEMOIRE DE SAINT TELESPHORE
" Ô Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, accordez à nous qui célébrons sa Naissance, de jouir de sa protection."
" Sanctifiez, Seigneur, ces dons qui vous sont offerts ; et, par l'intercession du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, qu'ils vous apaisent et attirent sur nous vos regards."
" Rassasiés par la participation du don sacré, nous vous prions, Seigneur notre Dieu, par l'intercession du bienheureux Télesphore, votre Martyr et Pontife, de nous faire ressentir l'effet du Mystère que nous célébrons."
dimanche, 05 janvier 2025 | Lien permanent
15 janvier. Saint Paul, premier ermite. 342.
" Le mien et le tien ; cette froide parole est la source de tous les maux de cette vie."
Saint Jean Chrysostome. Oratione de S. Philogonio.
L’Eglise honore aujourd'hui la mémoire d'un des hommes le plus spécialement choisis pour représenter la pensée de ce détachement sublime que l'exemple du Fils de Dieu, né dans une grotte, à Bethléhem. révéla au monde. L'ermite Paul a tant estimé la pauvreté de Jésus-Christ, qu'il s'est enfui au désert, loin de toute possession humaine et de toute convoitise. Une caverne pour habitation, un palmier pour sa nourriture et son vêtement, une fontaine pour y désaltérer sa soif, un pain journellement apporté du ciel par un corbeau pour prolonger cette vie merveilleuse : c'est ainsi que Paul servit, pendant soixante ans, étranger aux hommes, Celui qui n'avait pas trouvé de place dans la demeure des hommes, et qui fut contraint d'aller naître dans une étable abandonnée.
Mais Paul habitait avec Dieu dans sa grotte ; et en lui commence la race sublime des Anachorètes, qui, pour converser avec le Seigneur, ont renoncé à la société et même à la vue des hommes : anges terrestres dans lesquels a éclaté, pour l'instruction des siècles suivants, la puissance et la richesse du Dieu qui suffit lui seul aux besoins de sa créature. Admirons un tel prodige ; et considérons, avec reconnaissance, à quelle hauteur le mystère d'un Dieu incarné a pu élever la nature humaine tombée dans la servitude des sens, et tout enivrée de l'amour des biens terrestres.
Saint Paul et saint Antoine.
N'allons pas croire cependant que cette vie de soixante ans passée au désert, cette contemplation surhumaine de l'objet de la béatitude éternelle, eussent désintéressé Paul de l'Eglise et de ses luttes glorieuses. Nul n'est assuré d'être dans la voie qui conduit à la vision et à la possession de Dieu, qu'autant qu'il se tient uni à l'Epouse que le Christ s'est choisie, et qu'il a établie pour être la colonne et le soutien de la vérité. (II Tim. III, 15.).
Or, parmi les enfants de l'Eglise, ceux qui doivent le plus étroitement se presser contre son sein maternel, sont les contemplatifs ; car ils parcourent des voies sublimes et ardues, où plusieurs ont rencontré le péril.
Saint Paul et saint Antoine s'entretenant au désert.
Du fond de sa grotte, Paul, éclairé d'une lumière supérieure, suivait les luttes de l'Eglise contre l'arianisine ; il se tenait uni aux défenseurs du Verbe consubstantiel au Père : et afin de montrer sa sympathie pour saint Athanase, le vaillant athlète de la foi, il pria saint Antoine, à qui il laissait sa tunique de feuilles de palmier, de l'ensevelir dans un manteau dont l'illustre patriarche d’Alexandrie, qui aimait tendrement le saint abbé, lui avait fait présent.
Le nom de Paul, père des Anachorètes, est donc enchaîné à celui d'Antoine, père des Cénobites ; les races fondées par ces deux apôtres de la solitude sont sœurs ; toutes deux émanent de Bethléhem comme d'une source commune. La même période du Cycle réunit, à un jour d'intervalle, les deux fidèles disciples de la crèche du Sauveur.
Saint Antoine cherchant saint Paul ermite et rencontrant le satyre.
Paul, premier ermite, au témoignage de saint Jérôme qui a écrit sa vie, se retira, pendant la persécution violente de Dèce, dans un vaste désert où il demeura 60 ans, au fond d'une caverne, tout à fait inconnue des hommes. Ce Dèce, qui eut, deux noms, pourrait bien être Gallien qui commença à régner l’an du Seigneur 256.
Saint Paul voyant donc les chrétiens en butte à toutes sortes de supplices, s'enfuit au désert. A la même époque, en effet, deux jeunes chrétiens sont pris, l’un d'eux a tout le corps enduit de miel et est exposé sous l’ardeur du soleil aux piqûres des mouches, des insectes et des guêpes ; l’autre est mis sur un lit des plus mollets, placé dans un jardin charmant, où une douce température, le murmure des ruisseaux, le chant des oiseaux, l’odeur des fleurs étaient enivrants. Le jeune homme est attaché avec des cordes tissées de la couleur des fleurs, de sorte qu'il ne pouvait s'aider ni des mains, ni des pieds.
Antoine se croyait alors le premier des moines qui vécût en ermite ; mais averti en songe qu'il y en a un meilleur que lui de beaucoup, lequel vivait dans un ermitage, il se mit à le chercher à travers les forêts ; il rencontra un hippocentaure cet être moitié homme, moitié cheval, lui indiqua qu'il fallait prendre à droite. Bientôt après, il rencontra un animal portant des fruits de palmier, dont la partie supérieure du corps avait la figure d'un homme et la partie inférieure, la forme d'une chèvre. Antoine le conjura de la part de Dieu de lui dire qui il était ; l’animal répondit qu'il était un satyre, le dieu des bois, d'après la croyance erronée des gentils. Enfin il rencontra un loup qui le conduisit à la cellule de saint Paul. Mais celui-ci ayant deviné que c'était Antoine qui venait, ferma sa porte. Alors Antoine le prie de lui ouvrir, l’assurant qu'il ire s'en ira pas de là, mais qu'il y mourra plutôt. Paul cède et lui ouvre, et aussitôt ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre en s'embrassant.
Quand l’heure du repas fut arrivée, un corbeau apporta une double ration de pain : or, comme Antoine était dans l’admiration, Paul répondit que Dieu le servait tous les jours de la sorte, mais qu'il avait doublé la pitance en faveur de son hôte. Il y eut un pieux débat entre eux pour savoir qui était le plus digne de rompre ce pain : saint Paul voulait déférer cet honneur à son hôte et saint Antoine à son ancien. Enfin ils tiennent le pain chacun d'une main et le partagent égaleraient en deux. Saint Antoine, à son retour, était déjà près de sa cellule, quand il vit des anges portant l’âme de Paul, il s'empressa de revenir, et trouva le corps de Paul droit sur ses genoux fléchis, comme s'il priait ; en sorte qu'il le pensait vivant ; mais s'étant assuré qu'il était mort, il dit :
" Ô sainte âme, tu as montré par ta mort ce que tu étais dans ta vie."
Or, comme Antoine était dépourvu de ce qui était nécessaire pour creuser une fosse, voici venir deux lions qui en creusèrent une, puis s'en retournèrent à la forêt, après l’inhumation. Antoine prit à Paul sa tunique tissue avec da palmier, et il s'en revêtit dans la suite aux jours de solennité. Il mourut environ l’an 287.
XV DIE JANUARII
Nous donnons ici les trois strophes suivantes, consacrées par l'Eglise Grecque, dans ses Menées, à la louange du premier des Ermites :
" Quand, par l'inspiration divine, tu as abandonné avec sagesse, Ô Père, les sollicitudes de la vie pour embrasser les travaux de l'ascèse ; alors, enflammé de l'amour du Seigneur, plein de joie, tu t'es emparé du désert, laissant derrière toi les passions de l'homme, et poursuivant avec persévérance ce qu'il y a de meilleur, semblable à un Ange, tu as accompli ta vie.
Séparé volontairement de toute société humaine, dès ton adolescence, Ô Paul, notre père, tu as, le premier de tous, embrassé la complète solitude, dépassant tous les autres solitaires, et tu as été inconnu pendant toute ta vie : c'est pourquoi Antoine, par un mouvement divin, t'a découvert, toi qui étais comme caché, et il t'a manifesté à l'univers.
Livré, Ô Paul, à un genre de vie inaccoutumé sur la terre, tu as habité avec les bêtes, assisté du ministère d'un oiseau, par la volonté divine ; à cette vue, le grand Antoine stupéfait, au jour où il te découvrit, te célébra sans relâche, comme le Prophète et le Maître de tous comme un être divin."
Dans votre isolement sublime, vous imitiez le silence du Fils de Dieu en Bethléhem ; maintenant, votre langue est déliée, et la louange s'échappe à jamais de votre bouche avec le cri de la félicité. Souvenez-vous cependant de cette terre dont vous n'avez connu que les déserts ; rappelez à l'Emmanuel qu'il ne l'a visitée que dans son amour, et faites descendre sur nous ses bénédictions. Obtenez-nous la grâce d'un parfait détachement des choses périssables, l'estime de la pauvreté, l'amour de la prière, et une continuelle aspiration vers la patrie céleste."
mercredi, 15 janvier 2025 | Lien permanent
21 janvier. Sainte Agnès, vierge et martyre. 304.
" Sainte Agnès, la bien-aimée des Romains."
Mgr Gaume, Les trois Rome, T. II.
Saint Ambroise, Livre des vierges. I.
Liturgie dominicaine.
Lorenzo di Niccolo di Martino. XVe.
Nous n'avons pas épuisé encore la splendide constellation de Martyrs qui se rencontre en ces jours sur le Cycle. Apparaît aujourd'hui, tressée de lis et de roses, la gracieuse couronne d'Agnès. C'est à une enfant de treize ans que l'Emmanuel a donné ce mâle courage du martyre, qui l'a fait marcher dans l'arène d'un pas aussi ferme que le vaillant chef de la cohorte prétorienne, saint Sébastien, et que l'intrépide Diacre de Sarragosse, saint Vincent. S'ils sont les soldats du Christ, elle en est la chaste amante. Tels sont les triomphes du Fils de Marie. A peine s'est-il manifesté au monde, que tous les nobles cœurs volent vers lui, selon la parole qu'il a dite : " Où sera le corps, les aigles se rassembleront ". (Matth. XXIV, 28.).
Fruit admirable de la virginité de sa Mère, qui a mis en honneur la fécondité de l'âme, bien au-dessus de la fécondité des corps, et ouvert une voie ineffable par laquelle les âmes choisies s'élancent rapidement jusqu'au divin Soleil, dont leur regard épuré contemple, sans nuage, les rayons; car il a dit aussi : " Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu ". (Matth. V, 8.).
Gloire immortelle de l'Eglise catholique, qui, seule, possède en son sein le don de la virginité, principe de tous les dévouements, parce que la virginité procède uniquement de l'amour ! Honneur sublime pour Rome chrétienne d'avoir produit Agnès, cet ange de la terre, devant laquelle pâlissent ces anciennes Vestales, dont la virginité comblée de faveurs et de richesses ne fut jamais éprouvée par le fer ni le feu !
Quelle gloire est comparable à celle de cette enfant de treize ans, dont le nom retentira jusqu'à la fin des siècles dans le Canon sacré du Sacrifice universel ! La trace de ses pas innocents, après tant de siècles, est empreinte encore dans la ville sainte. Ici, sur l'ancien Cirque Agonal, un temple somptueux s'élève avec sa riche coupole, et donne entrée sous ces voûtes jadis souillées par la prostitution, maintenant tout embaumées des parfums de la virginité d'Agnès. Plus loin, sur la voie Nomentane, hors des remparts de Rome, une élégante Basilique, bâtie par Constantin, garde, sous un autel revêtu de pierres précieuses, le chaste corps de la vierge. Sous terre, autour de la Basilique, commencent et s'étendent de vastes cryptes, au centre desquelles Agnès reposa jusqu'au jour de la paix, et où dormirent, comme sa garde d'honneur, des milliers de Martyrs.
Psautier cistercien. XIIIe.
Nous ne devons pas taire non plus le plus gracieux hommage que rend, chaque année, la sainte Eglise Romaine à notre illustre Vierge, au jour de sa fête. Deux agneaux sont placés sur l'autel de la Basilique Nomentane, rappelant à la fois la mansuétude du divin Agneau et la douceur d'Agnès. Après qu'ils ont été bénis par l'Abbé des Chanoines réguliers qui desservent cette église, ils sont conduits ensuite dans un monastère de vierges consacrées au Seigneur, qui les élèvent avec soin ; et leur laine sert à tisser les Pallium que le Pontife suprême doit envoyer, comme signe essentiel de leur juridiction, à tous les Patriarches et Métropolitains du monde catholique. Ainsi le simple ornement de laine que ces Prélats doivent porter sur leurs épaules comme symbole de la brebis du bon Pasteur, et que le Pontife Romain prend sur le tombeau même de saint Pierre pour le leur adresser, va porter jusqu'aux extrémités de l'Eglise, dans une union sublime, le double sentiment de la vigueur du Prince des Apôtres et de la douceur virginale d'Agnès.
Nous donnerons maintenant les admirables pages que saint Ambroise, dans son livre des Vierges, a consacrées à la louange de sainte Agnès. L'Eglise en lit la plus grande partie dans l'Office d'aujourd'hui ; et la vierge du Christ ne pouvait désirer un plus aimable panégyriste que le grand évêque de Milan, le plus éloquent des Pères sur la virginité, et le plus persuasif ; car l'histoire nous apprend que, dans les villes où il prêchait, les mères renfermaient leurs filles, dans la crainte que les attrayantes paroles du prélat n'allumassent en elles un si ardent amour du Christ, qu'on les vît renoncer à tout hymen terrestre.
" Ayant à écrire un livre de la Virginité, dit le grand évêque, je m'estime heureux de l'ouvrir par l'éloge de la vierge dont la solennité nous réunit. C'est aujourd'hui la fête d'une Vierge : recherchons la pureté. C'est aujourd'hui la fête d'une Martyre : immolons des victimes. C'est aujourd'hui la fête de sainte Agnès : que les hommes soient dans l'admiration, que les enfants ne perdent pas courage, que les épouses considèrent avec étonnement, que les vierges imitent. Mais comment pourrons-nous parler dignement de celle dont le nom même renferme l'éloge ? Son zèle a été au-dessus de son âge, sa vertu au-dessus de la nature; en sorte que son nom ne semble pas un nom humain, mais plutôt un oracle qui présageait son martyre."
Le saint Docteur fait ici allusion au mot agneau, dont on peut dériver le nom d'Agnès. Il le considère ensuite comme formé du mot grec agnos, qui signifie pur, et continue ainsi son discours :
" Le nom de cette vierge est aussi un titre de pureté : j'ai donc à la célébrer et comme Martyre et comme Vierge. C'est une louange abondante que celle que l'on n'a pas besoin de chercher, et qui existe déjà par elle-même. Que le rhéteur se retire, que l'éloquence se taise ; un seul mot, son nom seul, loue Agnès. Que les vieillards, que les jeunes gens, que les enfants la chantent. Tous les hommes célèbrent cette Martyre ; car ils ne peuvent dire son nom sans la louer.
On rapporte qu'elle avait treize ans quand elle souffrit le martyre. Cruauté détestable du tyran, qui n'épargne pas un âge si tendre ; mais, plus encore, merveilleuse puissance de la foi, qui trouve des témoins de cet âge ! Y avait-il place en un si petit corps pour les blessures ? A peine le glaive trouvait-il sur cette enfant un lieu où frapper ; et cependant Agnès avait en elle de quoi vaincre le glaive.
A cet âge, la jeune fille tremble au regard irrité de sa mère ; une piqûre d'aiguille lui arrache des larmes, comme ferait une blessure. Intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, Agnès se tient immobile sous le fracas des lourdes chaînes qui l'écrasent ; ignorante encore de la mort, mais prête à mourir, elle présente tout son corps à la pointe du glaive d'un soldat furieux. La traîne-t-on, malgré elle, aux autels : elle tend les bras au Christ, à travers les feux du sacrifice ; et sa main forme, jusque sur les flammes sacrilèges, ce signe qui est le trophée du Seigneur victorieux. Son cou, ses deux mains, elle les passe dans les fers qu'on lui présente ; mais on n'en trouve pas qui puissent serrer des membres si petits.
Verrière de l'église des Saints-François. Montpellier. Languedoc.
Nouveau genre de martyre ! La Vierge n'a pas encore l'âge du supplice, et déjà elle est mûre pour la victoire ; elle n'est pas mûre pour le combat, et déjà elle est capable de la couronne ; elle avait contre elle le préjugé de son âge, et déjà elle est maîtresse en fait de vertu. L'épouse ne marche pas vers le lit nuptial avec autant de vitesse que cette Vierge qui s'avance, pleine de joie, d'un pas dégagé, vers le lieu de son supplice ; parée, non d'une chevelure artificieusement disposée, mais du Christ ; couronnée, non de fleurs, mais de pureté.
Tous étaient en larmes ; elle seule ne pleure pas ; on s'étonne qu'elle prodigue si facilement une vie qu'elle n'a pas encore goûtée ; qu'elle la sacrifie , comme si elle l'eût épuisée. Tous admirent qu'elle soit déjà le témoin de la divinité, à un âge où elle ne pourrait encore disposer d'elle-même. Sa parole n'aurait pas valeur dans la cause d'un mortel : on la croit aujourd'hui dans le témoignage qu'elle rend à Dieu. En effet, une force qui est au-dessus de la nature ne saurait venir que de l'auteur delà nature. Quelles terreurs n'employa pas le juge pour l'intimider ! que de caresses pour la gagner ! Combien d'hommes la demandèrent pour épouse ! Elle s'écrie : " La fiancée fait injure à l'époux, si elle se fait attendre. Celui-là m'aura seul, qui, le premier, m'a choisie. Que tardes-tu, bourreau ? Périsse ce corps que peuvent aimer des yeux que je n'agrée pas ".
Elle se présente, elle prie, elle courbe la tête. Vous eussiez vu trembler le bourreau, comme si lui-même eût été condamné. Sa main était agitée, son visage était pâle sur le danger d'un a autre, pendant que la jeune fille voyait, sans crainte, son propre péril. Voici donc, dans une seule victime, un double martyre : l'un de chasteté, l'autre de religion. Agnès demeura vierge, et elle obtint le martyre."
Agnès, nous l'avons vu, vient d'agneau, parce qu'elle fut douce et humble comme un agneau. Agnos en grec veut aussi dire pieux, et Agnès fut remplie de piété et de miséricorde. Agnès viendrait encore de agnoscendo, connaître, parce qu'elle connut la voie de la vérité. Or, la vérité, d'après saint Augustin, est opposée à la vanité, à la fausseté et à l’irrésolution, trois vices dont Agnès sut se préserver par son courage.
Agnès ; vierge d'une très haute prudence, au témoignage de saint Ambroise qui a écrit son martyre, à l’âge de treize ans souffrit la mort et gagna la vie. A ne compter que ses années elle était une enfant, mais par son esprit, elle était d'une vieillesse avancée : jeune de corps, mais vieille de coeur, belle de visage, mais plus belle encore par sa foi. Un jour qu'elle revenait des écoles, elle rencontra le fils du préfet, qui en fut épris d'amour. Il lui promit des pierreries, des richesses immenses, si elle consentait à devenir sa femme. Agnès lui répondit :
" Eloigne-toi de moi, foyer de péché, aliment de crime, pâture de mort ; déjà un autre amant s'est assuré de mon coeur."
Et elle commença à faire l’éloge de cet amant, de cet époux par cinq qualités exigées principalement par les épouses de leurs époux, savoir : noblesse de race, beauté éclatante, abondance de richesses, courage et puissance réelle, enfin amour éminent.
" J'en aime un, dit-elle, qui est bien plus noble et de meilleure lignée que toi : sa mère est vierge, son père l’a engendré sans femme ; il a des anges pour serviteurs ; sa beauté fait l’admiration du soleil et de la lune ; ses richesses sont intarissables ; elles ne diminuent jamais. Les émanations de sa personne ressuscitent les morts, son toucher raffermit les infirmes ; quand je l’aime, je suis chaste, quand je m’approche de lui, je suis pure ; quand je l’embrasse, je suis vierge."
" Sa noblesse est plus éminente, sa puissance plus forte, son aspect plus beau, son amour phis suave et plus délicat que toute grâce."
Ensuite elle exposa cinq avantages que son époux avait accordés à elle et à ses autres épouses. Il leur donne des arrhes avec l’anneau de foi ; il les revêt et les orne d'une variété infinie de vertus ; il les marque du sang de sa passion ; il se les attache par le lien de l’amour, et les enrichit des trésors de la gloire céleste.
" Celui, ajouta-t-elle, qui s'est engagé à moi par l’anneau qu'il a mis à ma main droite, et qui a entouré mon cou de pierres précieuses, m’a revêtue d'un manteau tissu d'or, et m’a parée d'une prodigieuse quantité de bijoux : il a imprimé un signe sur mon visage, afin que je ne prisse aucun autre amant que lui ; et le sang de ses joues s'est imprimé sur les miennes. Ses chastes embrassements m’ont déjà étreinte ; déjà son corps s'est uni au mien ; il m’a montré des trésors incomparables qu'il m’a promis de me donner, si je lui suis fidèle à toujours."
Quelqu'un assura que l’époux dont elle parlait était Notre Seigneur Jésus-Christ, et alors le préfet voulut l’ébranler d'abord par de douces paroles et enfin par la crainte.
Agnès lui dit :
" Quoi que tu veuilles, fais-le ; tu ne pourras pas obtenir ce que tu réclames."
Et elle se riait aussi bien de ses flatteries que de ses menaces.
Le préfet lui dit :
" Choisis de deux choses l’une : ou bien sacrifie à la déesse Vesta avec les vierges, si ta virginité t'est chère, ou bien tu seras exposée dans un lieu de prostitution."
Or, comme elle était noble, il ne pouvait la condamner ainsi ; il allégua donc contre elle sa qualité de chrétienne.
Mais Agnès répondit :
" Je ne sacrifierai pas plus à tes dieux que je ne serai souillée par les actions infâmes de qui que ce soit, car j'ai pour gardien de mon corps un ange du Seigneur."
Le préfet ordonna alors de la dépouiller et de la mener toute nue au lupanar ; Mais le Seigneur rendit sa chevelure si épaisse qu'elle était mieux couverte par ses cheveux que par ses vêtements. Et quand elle entra dans le lieu infâme, elle trouva un ange du Seigneur qui l’attendait et qui remplit l’appartement d'une clarté extraordinaire, en même temps qu'il lui préparait une robe resplendissante de blancheur. Ainsi le lieu de, prostitution devint un lieu d'oraison ; et l’on en sortait plus pur que l’on y était entré, tant cette lumière immense vous revêtait d'honneur.
Or, le fils du préfet vint au lupanar avec d'autres jeunes gens et il les engagea à entrer les premiers. Mais ils n'y eurent pas plutôt mis les pieds que, effrayés du miracle, ils sortirent pleins de componction. Il les traita de misérables, et entra comme un furieux : mais comme il voulait arriver jusqu'à elle, la lumière se rua sur lui, et parce qu'il n'avait pas rendu honneur à Dieu, il fut étranglé par le diable et expira. A cette nouvelle, le préfet vient tout en pleurs trouver Agnès et prendre des renseignements précis, sur la cause de la mort de son fils.
Agnès lui dit :
" Celui dont il voulait exécuter les volontés, s'est emparé de lui et l’a tué ; car ses compagnons, après avoir été témoins du miracle qui les avait effrayés, sont sortis sans éprouver aucun malaise."
Le préfet dit :
" On verra que tu n'as pas usé d'arts magiques en cela, si tu peux obtenir qu'il ressuscite."
Agnès se met en prière, le jeune homme ressuscite et prêche publiquement la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. Là-dessus, les prêtres des temples excitent une sédition parmi le peuple et crient hautement :
" Enlevez cette magicienne, enlevez cette malfaitrice, qui change les esprits et égare les coeurs."
Le préfet, à la vue d'un pareil miracle, voulut la délivrer, mais craignant la proscription ; il la confia à son suppléant ; et il se retira tout triste de ne pouvoir pas la sauver. Le suppléant, qui se nommait Aspasius, la fit jeter dans un grand feu, mais la flamme, se partageant en deux, brûla le peuple séditieux qui était à l’entour, sans atteindre, Agnès. Aspasius lui fit alors plonger une épée dans la gorge. Ce fut ainsi que le Christ, son époux éclatant de blancheur et de rougeur, la sacra son épouse ; et, sa martyre. On croit qu'elle souffrit du temps de Constantin le Grand qui monta sur le trône l’an 309 de Notre Seigneur Jésus-Christ Quand les chrétiens et ses parents lui rendirent les derniers devoirs avec joie, c'est à peine s'ils purent échapper aux païens qui les accablèrent de pierres.
Emérentienne, sa soeur de lait, vierge remplie de sainteté, mais qui n'était encore que catéchumène, se tenait debout auprès du sépulcre d'Agnès et argumentait avec force contre les gentils qui la lapidèrent mais il se fit des éclairs et un tonnerre si violent que plusieurs d'entre eux périrent, et dorénavant, on n'assaillit plus ceux qui venaient au tombeau de la sainte. Le corps d'Emérentienne fut inhumé à côté de celui de sainte Agnès. Huit jours après, comme ses parents veillaient auprès du tombeau, ils virent un choeur de vierges tout brillant d'habits d'or ; au milieu d'elles ils reconnurent Agnès vêtue aussi richement et à sa droite se trouvait un agneau plus éclatant encore. Elle leur dit :
" Gardez-vous de pleurer ma mort, réjouissez-vous au contraire avec moi et me félicitez de ce que j'occupe un trône de lumière avec toutes celles qui sont ici."
mardi, 21 janvier 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)