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17 juillet. Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.

- Saint Alexis de Rome, confesseur et mendiant. 404.

Pape : Saint Innocent Ier. Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.

" La croix sur laquelle le monde est crucifié, c'est la pauvreté d'esprit, elle a quatre bras, savoir : le mépris de la gloire, des richesses, de la patrie et de la famille."
Saint Bonaventure.

Saint Alexis de Rome.

Saint Alexis fut un rare modèle de mépris du monde. Fils unique d'un des plus illustres sénateurs de Rome nommé Euphémien, il reçut une éducation brillante et soignée.

L'exemple de ses parents apprit au jeune Alexis que le meilleur usage des richesses consistait à les partager avec les pauvres. Cédant aux désirs de sa famille, le jeune Alexis dut choisir une épouse. Mais le jour même de ses noces, se sentant pénétré du désir d'être uniquement à Dieu et de L'aimer sans partage, il résolut de s'enfuir secrètement, s'embarqua sur un vaisseau qui se dirigeait vers Laodicée, et gagna la ville d'Edesse.

Saint Alexis sous son escalier. Legenda aurea.
J. de Voragine. R. de Monbaston. XIVe.

Là, distribuant aux indigents tout ce qui lui restait d'argent, il se mit à mendier son pain. Il passait la plus grande partie de son temps à prier sous le portail du sanctuaire de Notre-Dame d'Edesse, devant une image de la Vierge. Après dix-sept années passées dans l'abjection et l'oubli le plus total, il plut à Marie de glorifier son serviteur par un éclatant miracle. Un jour, comme le trésorier de l'église passait sous le porche, l'image de Notre-Dame s'illumina d'une clarté soudaine. Frappé de ce merveilleux spectacle, le trésorier se prosterna devant la Madone. La Très Sainte Vierge lui montra Alexis et lui dit :
" Allez préparer à ce pauvre un logement convenable. Je ne puis souffrir qu'un de mes serviteurs aussi dévoué soit délaissé de la sorte."

La nouvelle de cette révélation se répandit aussitôt dans la ville. L'humilité du Saint s'alarma devant les témoignages de vénération dont il était devenu subitement l'objet. Il quitta donc la ville d'Edesse pour se rendre à Tarse, mais une tempête poussa l'embarquation sur les rivages d'Italie. L'Esprit-Saint lui inspira l'idée de retourner à Rome, sa ville natale, et de mendier une petite place dans la maison paternelle. A la requête de l'humble pèlerin, le sénateur Euphémien consentit à le laisser habiter sous l'escalier d'entrée de son palais, lui demandant, en reconnaissance de ce bienfait, de prier pour le retour de son fils disparu.

Saint Alexis vécut inconnu, pauvre et méprisé, à l'endroit même où il avait été entouré de tant d'estime et d'honneurs. Tous les jours, il voyait couler les larmes du vieux patricien, il entendait les soupirs d'une mère inconsolable et entrevoyait cette noble fiancée dont la beauté s'était empreinte d'une indicible tristesse. Malgré ce déchirant spectacle, saint Alexis eut le courage surhumain de garder son secret et de renouveler perpétuellement son sacrifice à Dieu.

Ce Saint, plus qu'admirable, demeura dix-sept nouvelles années dans le plus complet oubli, vivant caché sous les marches de cet escalier que tous gravissaient pour entrer dans une maison qui était la sienne, en sorte qu'il semblait foulé aux pieds de tous. Avec une humilité consommée, il subit sans jamais se plaindre, les odieux procédés et les persécutions des valets qui l'avaient servi autrefois avec tant de respect et d'égards. Saint Alexis passa donc trente-quatre ans dans une âpre et héroïque lutte contre lui-même. Ce temps écoulé, Dieu ordonna à Son serviteur d'écrire son nom et de rédiger l'histoire de sa vie. Alexis comprit qu'il allait mourir bientôt, et obéit promptement.


Saint Alexis mort chez ses parents.
Vie de saints. Maître de Fauvel. XIVe.

Le dimanche suivant, au moment où le pape Innocent Ier célébrait la messe dans la basilique St-Pierre de Rome, en présence de l'empereur Honorius, tout le peuple entendit une voix mystérieuse qui partait du sanctuaire :
" Cherchez l'homme de Dieu, dit la voix, il priera pour Rome, et le Seigneur lui sera propice. Du reste, il doit mourir vendredi prochain."

Durant cinq jours, tous les habitants de la ville s'épuisèrent en vaines recherches. Le vendredi suivant, dans la même basilique, la même voix se fit entendre de nouveau au peuple assemblé :
" Le Saint est dans la maison du sénateur Euphémien."
On y courut, et on trouva le pauvre pèlerin, qui venait de mourir. Quand le Pape eu fait donner lecture du parchemin que le mort tenait en sa main, ce ne fut de toutes parts, dans Rome, qu'un cri d'admiration. Innocent Ier ordonna d'exposer le corps de saint Alexis à la basilique St-Pierre, pendant sept jours. Ses funérailles eurent lieu au milieu d'un immense concours de peuple.


Funérailles de st Alexis. Vie de saints.
V. de Beauvais. J. de Vignay. XVe.

Son corps repose toujours dans l'église Saint-Boniface à Rome. La maison du sénateur Euphémien son père, sur le mont Aventin, fut transformée en église dédiée à saint Alexis. On y montre encore quelques degrés de l'escalier sous lequel notre saint passa les dernières années de sa vie.

PRIERE
 
" Homme de Dieu, c'est le nom que vous donna le ciel, Ô Alexis, celui sous lequel l'Orient vous distingue, et que Rome même a consacré par le choix de l'Epître accompagnant aujourd'hui  l'oblation du grand  Sacrifice (I Tim, VI, 11.) ; nous y voyons en effet l'Apôtre appliquer ce beau titre à son disciple Timothée, en lui recommandant les vertus que vous avez si éminemment pratiquées. Titre sublime, qui nous montre la noblesse des cieux à la portée des habitants de la terre ! Vous l'avez préféré aux plus beaux que le monde puisse offrir. Il vous les présentait avec le cortège de tous les bonheurs permis par Dieu à ceux qui se contentent de ne pas  l'offenser. Mais votre âme, plus grande que le  monde, dédaigna ses présents d'un jour. Au milieu de l'éclat des fêtes nuptiales, vous entendîtes ces harmonies qui dégoûtent de la terre, que, deux siècles plus tôt, la noble Cécile écoutait elle aussi dans un autre palais de la cité reine. Celui qui voilant sa divinité quitta les joies de la céleste Jérusalem et n'eut pas même où reposer sa tête (Matth. VIII, 20.) se révélait à votre cœur si pur (Ibid. V, 8.) ; et, en même temps que son amour, entraient en vous les sentiments qu'avait Jésus-Christ (Philip. II, 5.). Usant de la liberté qui vous restait encore d'opter entre la vie, parfaite et la consommation d'une union de ce monde, vous résolûtes de n'être plus qu'étranger et pèlerin sur la terre (Heb. XI, 13.), pour mériter de posséder dans la patrie l'éternelle Sagesse (Prov. IV, 7.).

Ô voies admirables ! Ô mystérieuse direction de cette Sagesse du Père pour tous ceux qu'a conquis son amour (Rom. XI, 33.) ! On vit la Reine des Anges applaudir à ce spectacle digne d'eux (I Cor. IV, 9.), et révéler aux hommes sous le ciel d'Orient le nom illustre que leur cachaient en vous les livrées de la sainte pauvreté. Ramené par une fuite nouvelle après dix-sept ans dans la patrie de votre naissance, vous sûtes y demeurer par la vaillance de votre foi comme dans une terre étrangère (Heb. XI. 9.). Sous cet escalier de la maison paternelle aujourd'hui l'objet d'une vénération attendrie, en butte aux avanies de vos propres esclaves, mendiant inconnu pour le père, la mère, l'épouse qui vous pleuraient toujours, vous attendîtes dix-sept autres années, sans vous trahir jamais, votre passage à la céleste et seule vraie patrie (Ibid. 16.). Aussi Dieu s'honora-t-il lui-même d'être appelé votre Dieu (Ibid.), lorsque, au moment de votre mort précieuse, une voix puissante retentit dans Rome, ordonnant à tous de chercher l'Homme de Dieu.
 

Escalier de saint Alexis. Eglise Saint-Alexis. Rome.
 
Souvenez-vous, Alexis, que la voix ajouta au sujet de cet Homme de Dieu qui était vous-même :
" Il priera pour Rome, et sera exaucé."
Priez donc pour l'illustre cité qui vous donna le jour, qui vous dut son salut sous le choc des barbares, et vous entoure maintenant de plus d'honneurs a coup sûr qu'elle n'eût fait, si vous vous étiez borné à continuer dans ses murs les traditions de vos nobles aïeux ; l'enfer se vante de l'avoir arrachée pour jamais à la puissance des successeurs de Pierre et d'Innocent : priez, et que le ciel vous exauce à nouveau contre les modernes successeurs d'Alaric. Puisse le peuple chrétien, à la lumière de vos actes sublimes, s'élever toujours plus au-dessus de la terre ; conduisez-nous sûrement par l'étroit sentier (Matth. VII, 14.) à la maison du Père qui est aux cieux."

Rq : Publiée en 1889 par Arthur Amiot, universitaire à l'Ecole pratique des hautes études, on peut consulter sur le lien suivant la légende syriaque de saint Alexis, l'homme de Dieu. Le manuscrit date du début du VIe siècle et est conservé à Londres et à Paris :
http://www.moinillon.net/public/PDF/Alexis-ss_syriaque.pdf

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mercredi, 17 juillet 2024 | Lien permanent

6 août. La Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ. 32.

- La Transfiguration de Notre Seigneur Jésus-Christ. 32.
 
" Que puis-je voir dans la Transfiguration, sinon un symbole de la gloire de la résurrection future ?"
Saint Grégoire le Grand.
 

La Transfiguration. Fra Angelico. Florence. XVe.

Le mont Thabor, où s'accomplit la Transfiguration du Sauveur, est la plus haute montagne de la Galilée ; on y jouit d'un magnifique panorama sur toute cette partie de la Terre Sainte. C'est là que Jésus manifesta Sa gloire aux trois disciples qui devaient être témoins de Sa douloureuse agonie au jardin des Oliviers, Pierre, Jacques et Jean. Son visage devint éclatant comme le soleil, Ses habits blancs comme la neige : la gloire de Sa divinité rejaillit sur tout Son corps. Moïse et Élie parurent à Ses côtés et s'entretenaient avec Lui de la mort qu'Il devait souffrir à Jérusalem.


La Transfiguration. David Gérard. XVIe.

Les Apôtres furent ravis d'un si merveilleux spectacle, et Pierre s'écria :
" Seigneur, nous sommes bien ici ; faisons-y trois tentes, une pour Vous, une pour Moïse et une pour Élie."
Il parlait encore, quand une nuée lumineuse les couvrir, et une voix se fit entendre :
" Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, en qui J'ai mis toutes Mes complaisances ; écoutez-Le."
Les trois Apôtres furent saisis de frayeur et tombèrent par terre ; mais Jésus, S'approchant d'eux, les toucha et leur dit de se lever ; ils le firent et n'aperçurent plus que le Sauveur dans Son état ordinaire. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne pas divulguer ce qu'il avaient vu, jusqu'à ce qu'Il fût ressuscité.


La Transfiguration. Pietro Perugini. XVe.

Les trois témoins gardèrent le secret, mais plus tard ce fait extraordinaire servit admirablement à tous les Apôtres pour prouver la divinité du Sauveur ; il leur servit aussi pour supporter avec courage les épreuves de leur apostolat.


Basilique de la Transfiguration. Mont Thabor. Terre Sainte.

Ce mystère confirme plusieurs articles de notre foi. La Trinité nous apparaît dans les trois personnes divines qui interviennent : le Père, qui rend témoignage à Son Fils ; le Fils, qui montre Sa gloire ; le Saint-Esprit, qui couvre tout ce tableau sous la forme d'une nuée resplendissante. L'Incarnation brille avec éclat dans la Transfiguration, puisque Jésus nous apparaît en même temps comme Homme et comme Dieu, vrai Fils de Dieu : " Celui-ci est Mon Fils bien-aimé ".


Nef et choeur de la basilique de la Transfiguration.
Mont Thabor. Terre Sainte.

Enfin nous y voyons une image de la résurrection du Sauveur et de la résurrection de tous les justes à la vie glorieuse ; et c'est ce qui fait dire à l'Église cette belle prière :
" Ô Dieu, qui, dans la glorieuse Transfiguration de Jésus Votre Fils unique, avez confirmé les mystères de notre foi et avez marqué l'adoption parfaite de Vos enfants par la voix céleste qui est partie de la nue, rendez-nous cohéritiers de ce Roi de gloire, et donnez-nous part aux splendeurs de Son règne."


Fresque de la Transfiguration. Basilique de la Transfiguration.
Mont Thabor. Terre Sainte.

Le mont Thabor a toujours été en vénération dans l'Église ; les pèlerins de Terre Sainte ne manquent jamais de le visiter. Une nouvelle basilique y a été construite au début du siècle dernier.


Vue de la vallée depuis le Mont Thabor. Terre Sainte.

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mardi, 06 août 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

3 septembre. Saint Pie X, pape, confesseur. 1914.

- Saint Pie X, pape, confesseur. 1914.


Giuseppe Sarto, plus connu sous le nom de Pape Pie X, naquit le 2 juin 1835 à Riese, une bourgade de 4 500 habitants, dont ses parents, Jean Baptiste Sarto et Marguerite Sanson, contractèrent mariage le 13 février 1833 à l'église paroissiale st. Mathieu. C'est justement là que fut baptisé le petit Joseph, le lendemain de sa venue au monde.

Issu d'une famille modeste, Jean Baptiste exerçait l'emploi d'huissier municipal ; quant à Marguerite, elle était couturière de campagne. De leur union naquirent dix enfants : Joseph, Giuseppe (Joseph), Ange, Thérèse, Rose, Antonia, Marie, Lucie, Anne, et Pierre ; mais le premier et le dernier des garçons (Joseph et Pierre), à peine nés s'envolèrent au Paradis. Voilà pourquoi le second enfant fut baptisé Giuseppe (Joseph). Pourtant, qui pouvait dire de ce dernier, qu'un jour il serait le successeur de saint Pierre !...

Comme dans toutes les modestes familles nombreuses, la famille Sarto devait faire attention, car les revenus étaient faibles, mais tous se résignaient à la volonté du Seigneur, contents de la table qu'il leur servait chaque jour.

Epouse et mère exemplaire, Marguerite s'efforçait d'inculquer à ses enfants les vertus chrétiennes qu'elle avait elle même hérité de ses parents.

C'est dans cet esprit que le petit Joseph grandissait. Souvent, il allait prier au sanctuaire de Cendrole, à un kilomètre de Riese, car déjà très jeune il avait une dévotion toute spéciale pour la Sainte Vierge. Jamais il ne manquait le catéchisme ni manquait à la Messe. C'était pour lui une joie d'assister aux offices et servir à l'autel comme enfant de chœur. À la maison, il se plaisait à construire avec ses frères de petits autels, où, avec une simplicité enfantine, il s'exerçait aux cérémonies de l'église. Ces actes de piété naïve déposaient en son cœur les premiers germes de cette vocation qui un jour devait faire de lui le saint Pape que nous connaissons.

Ce goût prononcé pour le catéchisme et la Messe ne manqua pas d'attirer l'attention de Don Fusarini, le curé qui l'avait baptisé. Quand il eut terminé, avec succès, ses études élémentaires, il apprit le latin et fréquenta comme externe, de 1846 à 1850, le collège de Castelfranco (à 7 km de Riese) pour des études secondaires. Sur ces entrefaites, Joseph Sarto reçut la Confirmation le 1er décembre 1845 dans la cathédrale d'Asolo, et la première Communion le 6 avril 1847.

Été comme hiver, il parcourait à pied deux fois par jour la route qui le conduisait de chez lui au collège, avec un morceau de pain dans la poche pour son repas. Excellent élève, il était toujours le premier. Après un brillant succès aux examens, le jeune garçon voulait entrer au Séminaire car il se sentait appelé par le sacerdoce. Ses parents n'étaient pas en état de faire des frais pour payer les études de leur fils. Les maigres revenus de ses parents suffisaient à peine à faire vivre la nombreuse famille, et il était impossible de s'engager dans des frais supplémentaires.
 
Les prières et la confiance en la Divine providence apporta consolation à la famille : Le patriarche de Venise disposait de plusieurs bourses d'études pour le séminaire de Padoue, en faveur des jeunes gens qui souhaitaient aspirer au sacerdoce. Le cardinal Jacopo Monico, originaire de Riese, fut informé par un curé du cas difficile de la famille Sarto, et très volontiers on lui attribua l'une de ces bourses.

AU SEMINAIRE DE PADOUE
 

Le jeune Joseph entra au séminaire à l'automne de 1850 où il y resta pendant huit ans. Ses supérieurs avaient gardé de lui un très bon souvenir. Il devint bien vite pour ses condisciples un modèle d'humilité et de simplicité ; vertus qu'il sut toujours allier à une grande fermeté de caractère. Maîtres et élèves appréciaient son intelligence, mais lui n'en tirait point vanité, ni ne cherchait point à paraître.

A Riese, tout le monde connaissait la situation très modeste de la famille Sarto. Bien que reçu gratuitement au Séminaire pour ce qui regarde la pension, les parents devaient faire face aux frais d'habillement, aux achats de livres et tout ce qu'il faut à un élève de Grand Séminaire. Quelques familles, qui estimaient et aimaient le jeune Sarto lui fournissaient un peu d'argent pour ces dépenses.

Le 4 mai 1852 un grand malheur vint troubler la joie de Joseph Sarto : la mort de son père, qui du coup plongea la famille dans une situation économique plus que dramatique. En cette douloureuse circonstance, Don Fusarini, archiprêtre, fut vraiment son ange consolateur : il assura à son père mourant qu'il continuerait à aider son fils Joseph dans ses études et ne cesserait de soulager les misères de la famille. Ainsi, le jeune séminariste se remit entre les mains de Dieu et se résigna à Sa volonté divine en esprit de sacrifice.

Son attention était aussi tourné à la musique et au chant d'église, si bien que ses supérieurs firent de lui le maître de chapelle du Séminaire. À la fin de l'année scolaire 1857-58, Joseph Sarto termina ses brillantes études.

PREMIÈRE MESSE

Le 18 septembre 1858 il fut ordonné prêtre. L'ordination se fit à la cathédrale de Castelfranco, et le lendemain, assisté par le curé de Riese, il put chanter avec une grande dévotion se première Messe là même où il fut baptisé. Peu après il fut nommé vicaire à Tombolo.

CURÉ À SALZANO

Au mois de mai 1867, alors âgé de 32 ans, il fut nommé archiprêtre de Salzano où il restera pendant neuf ans. Ses revenus étaient un peu plus important ici, mais ils servaient aux pauvres et aux malades. Il pensait à tous, excepté à lui-même, heureux seulement quand il pouvait faire du bien au prochain.
En neuf ans, il avait gagné les cœurs des paroissiens par sa parole, par ses actes et l'exemple d'une vie sainte.

CHANOINE À TRÉVISE

Trévise est situé à trente kilomètres de Venise. En 1875, trois stalles de chanoines se trouvèrent vacantes à la cathédrale de Trévise. L’Évêque songea donc à l'archiprêtre Sarto, dont il appréciait les éminentes qualités d'esprit et de cœur. En apprenant que l'Évêque voulait le nommer chanoine, il demanda à être ; dispensé de cette charge, mais en vain. C'est donc le 21 juillet 1875 qu'il se rendit à la cathédrale de Trévise pour prendre possession de son canonicat.
 
Joseph Sarto au séminaire de Trévise, entre les supérieurs et
les professeurs (3e, 2de rangée). Assis au centre,
Mgr Zinelli, qui l'avait appelé à Trévise.
 
Quand il entra en fonction comme Directeur spirituel, le Séminaire comptait deux cent trente élèves, dont soixante-dix clercs. A Trévise aussi Mgr. Sarto distribuait en aumônes une bonne partie des ses revenus. Il voulait que personne ne le sût, selon le mot de l'Èvangile : " Que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite " (Matt. VI, 3) ; mais il avait beau agir dans le secret, on sut bientôt qu'il venait en aide aux séminaristes pauvres, qu'il payait aux uns la soutane, aux autres le chapeau, à beaucoup les livres...

Autant il était charitable pour les autres, autant par contre il était sévère pour lui-même : il se souciait peu de ses vêtements ou de ses chaussures. Quel bel exemple de charité pour son prochain... !

VICAIRE CAPITULAIRE

Après la mort de Mgr. Zinelli, survenu le 24 novembre 1879, il eut la charge de gouverner le diocèse de Trévise du 27 novembre 1879 au 23 juin 1880. Ce peu de temps lui suffit pour faire beaucoup : Il prêchait plus qu'à l'ordinaire, redressait les mauvaises habitudes, introduisait les réformes que les constitutions Apostoliques permettent aux vicaires capitulaires ; mais son plus grand souci était que le peuple fût instruit de la religion, les enfants catéchisés et préparés avec soin à la première Communion.

LE SIÈGE ÉPISCOPAL DE MANTOUE


Les multiples mérites de cet homme de Dieu, ses vertus remarquables, sa sainteté de vie, son zèle pour le salut des âmes, sa compétence à gouverner le diocèse de Trévise étaient choses bien connues du Pape Léon XIII, qui, voulant lui témoigner sa confiance, le nomma dans le Consistoire du 10 novembre 1884, à l'évêché de Mantoue.
 
Mgr Sarto, évêque de Mantoue.
 
L'humble Joseph Sarto, loin de s'en réjouir, regarda cette nomination comme un malheur et écrivit même au Vatican pour la faire révoquer, se déclarant indigne d'un tel honneur et incapable de porter ce fardeau ; mais sa demande fut rejetée. Il partit donc pour Rome, où, le dimanche 16 novembre 1884, jour dédié au patronage de Marie la Vierge Immaculée protectrice de Mantoue, il fut sacré évêque dans l’Église de Saint-Apollinaire.

Le 25 février 1885, Mgr. Sarto obtint l'exequatur à la Bulle pontificale qui le nommait à l'évêché de Mantoue ; et c'est le 18 avril 1885 qu'il fit son entrée solennelle dans cette ville sous les applaudissements de la foule joyeuse et au son des cloches de la citée.

Pour les hommes destiné à de grandes choses, les voies de la Providence sont souvent mystérieuses. Mgr Sarto dut faire face à beaucoup de difficultés ; sa nouvelle fonction se présentant toute hérissée d'épines : nombreuses étaient les réformes à faire ; mais avec une inaltérable confiance en Dieu, il se mit au travail.

Il s'occupa d'abord du clergé : afin de relancer les vocations, il demanda que chacun selon son pouvoir vînt en aide aux séminaristes, de qui dépendait tout espoir d'un avenir meilleur pour le diocèse. Le résultat fut positif car le nombre des clercs s'éleva à 147.

Mgr Sarto eut particulièrement à cœur de former les séminaristes à l'esprit sacerdotal, au zèle pour le salut des âmes jusqu'au sacrifice de soi-même. Pour chaque jeune homme qui souhaitait entrer au séminaire, il voulait savoir si celui-ci avait la vocation, s'il était pieux, s'il fréquentait les sacrements, s'il priait... Bref, il souhaitait de vrais futurs prêtres pour l’Église.

Face au laissé aller qu'il y avait déjà à cette époque là dans certaines paroisses, il décida la tenue d'un Synode diocésain au terme duquel on y édita certaines prescriptions relatives à l'instruction religieuse du peuple :
- Explication, chaque dimanche, de l’Évangile ;
- Meilleure préparation des enfants à la première Communion ;
- Création de cercles et associations catholiques de jeunes gens, pour les tenir éloignés des dangers du monde ;
- Réorganisation des confréries.

On peut considérer ce Synode comme le point de départ de la restauration morale et religieuse de tout le diocèse de Mantoue.

CARDINAL ET PATRIARCHE
 
Cardinal et Patriarche de Venise.
 
Suite au décès, à, du Cardinal Patriarche Dominique Agostini, le Pape Léon XIII nommait, le 12 juin 1892, Joseph Sarto pour lui succéder. Une fois de plus, il demanda à être dispensé de ces fonctions, mais en vain, et se soumit à la volonté de Dieu.

En octobre de cette année là, il alla revoir sa mère bien-aimée et sa ville natale. Il baptisa un grand nombre d'enfants. Ce fut la dernière fois qu'il embrassa sa chère maman : celle-ci rendit sa belle âme à Dieu en février de l'année suivante. On grava sur sa tombe cette inscription composée par son fils :
 
Madame Jean-Baptiste Sarto, née Marguerite Sanson.
 
MARGUERITE SANSON
FEMME EXEMPLAIRE, ÉPOUSE VERTUEUSE
MÈRE INCOMPARABLE
LE 4 MAI 1852
PERDIT SON MARI BIEN-AIME
JEAN-BAPTISTE SARTO
RÉSIGNÉE ET CALME
DANS LES PEINES COMME DANS LES JOIES
AVEC UN COURAGE VIRIL
ELLE ÉLEVA CHRÉTIENNEMENT SES NEUF ENFANTS
LE 2 FÉVRIER 1894
DANS SA QUATRE-VINGT UNIÈME ANNÉE
ELLE COURONNA
PAR LA MORT DU JUSTE
UNE VIE DE TRAVAIL ET DE SACRIFICE.
POUR LEURS CHERS PARENTS
LE CARDINAL JOSEPH SARTO
SON FRÈRE ET SES SŒURS
DEMANDENT
L'ÉTERNELLE PAIX.

La perte de sa mère lui causa une grande douleur.

Le 25 novembre 1894, il officia pontificalement pour la première fois dans la Basilique Saint-Marc, à Venise. Le nouveau Patriarche recevait chaque jour quiconque avait besoin de lui et administrait le sacrement de Confirmation. Né pauvre lui-même, il vécut toujours pauvre d'esprit, plein de pitié pour les souffrances des malheureux ; aussi était-il toujours prêt à secourir ceux d'entre eux qui s'adressaient à lui. On peut dire que personne ne frappa vainement à sa porte sans avoir été secouru.

Souvent, il visitait les hôpitaux, les hospices d'aliénés et les prisons. Le zèle et l'activité du Cardinal Sarto n'avaient pas de bornes quand il s'agissait de soulager les misères humaines de toutes sortes.

Pour ses armoiries, Mgr Sarto choisit : " d'azur à l'ancre tridentée d'argent au naturel au dessus d'une mer agitée, illuminée d'une étoile d'or ".

Les 3 branches de l'ancre symbolisent la foi, la charité et l'espérance ; " que nous retenons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme " (Hebr. VI-19) ; l'étoile rappelait Marie, Étoile de la mer. Devenu patriarche de Venise, il ajouta à ses armoiries le lion ailé tenant l’Évangile, qui représente l'évangéliste saint Marc, patron principal de l'auguste cité, avec ces mots : " Pax tibi Marce evangelista meus !" ; devenu Pape, Sa Sainteté Pie X a conservé le lion dans ses armes, y ajoutant seulement les insignes du Souverain Pontificat.

UN PAPE REMARQUABLE

Le 20 juillet 1903, Léon XIII rendit son âme à Dieu. Quelques jours plus tard, le 26, il quittait Venise pour se rendre au Conclave. Après les neuf jours de prières prescrites pour le Pontife défunt, le soir du 31 juillet, les Cardinaux entrèrent en Conclave ; ils étaient au nombre de 62.

 
Les premiers scrutins s'étaient orientés vers le cardinal Rampolla, collaborateur direct de Léon XIII, et fort intelligent ; " Rampolla avait pour lui tous ceux qui voulaient voir se poursuivre la politique libérale du Pape défunt ".

Le 1er août, le veto de l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier fut apporté par l'évêque de Cracovie, contre le cardinal Rampolla. Ce veto, qui fut tant critiqué, sauva l’Église ; car, après sa mort, Mgr Jouin découvrit des documents prouvant qu'il était Franc-maçon.

 
Très régulièrement - et pendant une époque chaque samedi -, le cardinal Rampolla allait en Suisse y chercher les instructions du pouvoir occulte qu'il avait mission d'appliquer dans le gouvernement de la Sainte Église. D'après ces documents, il avait reçu l'ordre, pour la France, de faire rallier les catholiques à la république (c'est sous son influence que Léon XIII exécuta cette malheureuse disposition) ; et pour l'église, de fonder au Vatican même une loge dont les membres seraient destinés à occuper les plus hauts postes dans la hiérarchie ecclésiastique.

Suite à ce veto, le choix du Conclave se porta en faveur du Cardinal Sarto. A chaque tour de scrutin les voix allaient croissant, et il supplia très humblement ses collègues de ne plus voter pour lui. Il s'efforçait, après chaque tour, d'énumérer avec preuves à l'appui, les titres qui lui manquaient, d'après lui, pour pouvoir être Pape ; mais Dieu avait décidé autrement : Au septième tour le Cardinal Sarto fut élu Successeur de saint Pierre, le 4 août 1903, par 50 voix en sa faveur.

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mardi, 03 septembre 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

4 septembre. Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

- Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis. Empereur germanique : Conrad IV.  Rois de Castille et de Léon : Saint Ferdinand III ; Alphonse X le Sage. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant.

" Omnia possum in eo qui me confortat."
" Je peux tout en celui qui me fortifie."
Philipp. IV, 13.

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Sainte Rose de Viterbe triomphant de l'hérésie gibeline.

A l'époque où Frédéric II d'Allemagne persécutait l'Eglise et s'emparait des Etats pontificaux, Dieu suscitait sainte Rose pour la défense de Viterbe, capitale du patrimoine de saint Pierre et du territoire qui appartenait au souverain pontife et pour défendre la sujétion légitime du pouvoir temporel au pouvoir spirituel.

Les noms de Jésus et Marie furent les premiers mots qui sortirent de la bouche de cette candide créature. Elle avait trois ans lorsque Dieu manifesta Sa toute-puissance en ressuscitant par son intermédiaire une de ses tantes qu'on portait au cimetière. Lorsqu'elle fut capable de marcher, elle ne sortait que pour aller à l'église ou pour distribuer aux pauvres le pain qu'on lui donnait. Un jour son père la rencontra en chemin et lui demanda d'ouvrir son tablier pour voir ce qu'elle portait. O prodige ! Des roses vermeilles apparurent à la place du pain.

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Au lieu de s'amuser comme toutes les fillettes de son âge, Rose de Viterbe passait la plus grande partie de son temps en prière devant de saintes images, les mains jointes, immobile et recueillie. A l'âge de sept ans, elle sollicita instamment la permission de vivre seule avec Dieu dans une petite chambre de la maison. La petite recluse s'y livra à une oraison ininterrompue et à des austérités effrayantes qu'elle s'imposait, disait-elle, pour apaiser la colère de Dieu. Entre autres mortifications, sainte Rose marchait toujours les pieds nus et dormait sur la terre.

Dieu lui révéla les châtiments éternels réservés aux pécheurs impénitents. Rose en fut toute bouleversée. La Très Sainte Vierge Marie lui apparut, la consola, la bénit et lui annonça que le Seigneur l'avait choisie pour convertir les pauvres pécheurs :
" Il faudra t'armer de courage, continua la Mère de Dieu, tu parcourras des villes pour exhorter les égarés et les ramener dans le chemin du salut."

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Sainte Rose de Viterbe. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Une autre vision la fit participer au drame du Calvaire ; dès lors, la soif de sauver les âmes ne la quitta plus. Sa pénitence aussi austère que précoce, réduisit le frêle corps de Rose à un tel état de faiblesse qu'on désespérait de sauver sa vie. La Très Sainte Vierge la visita de nouveau, la guérit miraculeusement et lui dit d'aller visiter l'église de St-Jean-Baptiste le lendemain, puis celle de Saint-François où elle prendrait l'habit du Tiers Ordre.

Obéissante à la voix du ciel, elle commença à parcourir les places publiques de la ville de Viterbe vêtue de l'habit de pénitence, pieds nus, un crucifix à la main, exhortant la foule à la pénitence et à la soumission au Saint-Siège. Des miracles éclatants vinrent confirmer l'autorité de sa parole.

Instruit de ce qui se passait, le gouverneur impérial de la ville de Viterbe craignit que cette enfant extraordinaire ne détruisit complètement le prestige de l'empereur Frédéric et que l'autorité du pape s'affirmât à nouveau. Il fit comparaître sainte Rose à son tribunal et menaça de la jeter en prison si elle continuait à prêcher. La servante de Dieu lui répondit :
" Je parle sur l'ordre d'un Maître plus puissant que vous, je mourrai plutôt que de Lui désobéir."

Sur les instances d'hérétiques obstinés, sainte Rose est finalement chassée de Viterbe avec toute sa famille, en plein coeur de l'hiver.

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Peu après, sainte Rose de Viterbe annonça le trépas de l'ennemi de Dieu, Frédéric II d'Allemagne. En effet, il ne tarda pas à expirer étouffé dans son lit. A cette nouvelle, les habitants de Viterbe s'empressèrent de rappeller leur petite Sainte, absente depuis dix-huit mois. Celle que tous regardaient comme la libératrice de la patrie, la consolatrice des affligés et le secours des pauvres fut reçue en triomphe dans sa ville natale, tandis que le pape Innocent IV, ramené à Rome, rentrait en possession de Viterbe.

Sa mission apostolique terminée, sainte Rose songea à réaliser son voeu le plus cher. Elle se présenta au couvent de Sainte-Marie-des-Roses, mais n'y fut pas acceptée, probablement à cause du genre de vie extraordinaire qu'elle avait menée auparavant. Rose vécut donc en recluse dans la maison paternelle, se vouant à la contemplation et aux plus rigoureuses pénitences. Plusieurs jeunes filles dont elle s'était déjà occupée la supplièrent de les prendre sous sa conduite. La demeure de la Sainte devint un véritable couvent où des âmes généreuses se livrèrent à l'exercice des plus sublimes vertus.

L'élue de Dieu avait dix-sept ans et six mois lorsque le divin jardinier vint cueillir Sa rose toute épanouie pour le ciel, le 6 mars 1252. A l'heure de son glorieux trépas, les cloches sonnèrent d'elles-mêmes. Sainte Rose de Viterbe apparut au souverain pontife pour lui demander de transporter son corps au monastère de Sainte-Marie-des-Roses, translation qui eut lieu six mois après sa mort. A cette occasion, son corps fut trouvé intact.

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Eglise Sainte-Rose-de-Viterbe. Viterbe.

Il se conserve encore, au même endroit, dans toute sa fraîcheur et sa flexibilité. D'innombrables miracles ont illustré son tombeau.

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Le corps incorrompu de sainte Rose, conservé dans l'église
Sainte-Rose-de-Viterbe à Viterbe. Sa fête donne lieu à une
grande procession chaque 4 septembre dans cette ville
dont elle est une des patronnes majeures.

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mercredi, 04 septembre 2024 | Lien permanent

10 septembre. Saint Nicolas de Tolentino, de l'ordre des Ermites de Saint-Augustin, confesseur. 1310.

- Saint Nicolas de Tolentino, de l'ordre des Ermites de Saint-Augustin, confesseur. 1310.

Pape : Clément V. Roi de France : Philippe IV le Bel. Empereur germanique : Henri VIII (Henri VII de Luxembourg). Roi d'Angleterre : Edouard II.

" La chair a soif de Dieu quand le jeûne l'épuise et la dessèche."
Saint Bernard de Clairvaux.


Saint Nicolas de Tolentino (Détail). Il Garofalo. XVIe.

Admis dans la famille religieuse des Ermites de Saint-Augustin au moment où elle se groupait et se constituait sous la direction du Vicaire du Christ, saint Nicolas de Tolentino (du nom de cette vile où il séjourna le plus longtemps) mérita d'en être le thaumaturge. Quand il mourut, en 1310, l'exil d'Avignon commençait pour les Pontifes romains ; sa canonisation, retardée près d'un siècle et demi parles troubles de ces temps, marqua la fin des lamentables dissensions qui suivirent l'exil.

La paix perdue depuis tant d'années, la paix dont désespéraient les plus sages : c'était l'ardente prière, la solennelle adjuration d'Eugène IV, lorsque, au soir d'un laborieux pontificat, il confiait la cause de l'Eglise à l'humble serviteur de Dieu placé par lui sur les autels. Ce fut, au témoignage de Sixte Quint (1), le plus grand des miracles de saint Nicolas ; miracle qui porta ce dernier Pontife à ordonner la célébration de sa fête sous le rit double, en un temps où pareil honneur était plus rare qu'aujourd'hui.

La Sainte Famille avec saint Nicolas de Tolentino.
Ludovico Mazzolino. XVIe.

Nicolas de Tolentino était né de parents pieux au bourg de Saint-Ange dans la Marche d'Ancône. Le désir d'avoir des enfants ayant conduit par suite d'un vœu à Bari son père et sa mère, ils y reçurent de saint Nicolas de Myre l'assurance qu'ils étaient exaucés : d'où le nom qu'ils donnèrent ensuite à leur fils.

Parmi les nombreuses vertus dont dès l'enfance il fut le modèle, brilla surtout l'abstinence ; âgé de sept ans à peine, à l'exemple de son bienheureux patron, il commença de jeûner plusieurs jours de la semaine, coutume qu'il garda depuis, se contentant de pain et d'eau.


Saint Nicolas de Tolentino. Ambroise Fredeau. XVIIe.

Déjà inscrit dans la milice cléricale et chanoine, il était jeune encore, lorsque entendant un prédicateur de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin parler sur le mépris du monde, il fut tellement embrasé de son discours qu'il entra aussitôt dans cet Ordre. On l'y vit observer une forme si parfaite de vie religieuse, qu'il était la lumière de tous en charité, humilité, patience et toutes vertus, ne portant qu'un habit grossier, matant son corps par les disciplines et les chaînes de fer, s'abstenant de chair et de presque tous mets.

On rapporte plusieurs visions d'âmes du Purgatoire qui lui devaient leur délivrance. Après avoir édifié successivement plusieurs couvents, le fervent religieux est envoyé à Tolentino, où il passe les trente dernières années de sa vie. Là il s'occupe à catéchiser les ignorants, à prêcher la parole de Dieu, à confesser les pécheurs ; les coeurs les plus rebelles se rendent à ses exhortations, il embrase les plus indifférents du feu de l'amour divin, il ébranle les plus obstinés, sa douceur ramène les plus désespérés dans la voie du salut. Le salut des autres ne lui fait pas négliger le sien. On ne saurait dire quand il terminait son oraison ; on le trouvait toujours absorbé en Dieu ; il aimait surtout à méditer les souffrances de Jésus-Christ.


Saint Nicolas de Tolentino rescussitant un petit garçon.
Il Garofalo. XVIe.

Nicolas était la terreur du démon, qui venait souvent troubler son oraison en imitant devant lui le cri de tous les animaux, en ébranlant la charpente de la maison, et faisant trembler sa cellule. Un jour l'esprit de ténèbres entra près de lui sous la forme d'un oiseau énorme, qui éteignit, renversa et brisa la lampe par un mouvement de ses ailes ; Nicolas ramassa les morceaux et les rejoignit si merveilleusement, qu'il ne parut pas trace de l'accident. Le démon alla jusqu'à le frapper et à le laisser pour mort ; notre saint demeura boiteux toute sa vie des coups qu'il avait reçus. Il partageait avec les pauvres le pain qu'on lui donnait à ses repas, et, un jour, son supérieur lui demandant ce qu'il portait : " Ce sont des fleurs " dit-il, et il montra le pain changé en roses. De ce jour, son supérieur lui permit de faire ses aumônes sans craindre pour l'approvisionnement du monastère.


Saint Nicolas de Tolentino rescussitant des oiseaux. Il Garofalo. XVIe.

Malgré les embûches de Satan qui cherchait à le troubler en diverses manières, il ne relâchait rien de son zèle pour l'oraison. Enfin, durant les six mois qui précédèrent sa mort, il entendit chaque nuit les concerts des Anges ; c'était l'avant-goût des joies du paradis, et pénétré de leur douceur, il redisait souvent le mot de l'Apôtre : " Je désire de mourir et d'être avec le Christ."


Basilique Saint-Nicolas-de-Tolentino. On y conserve
les saintes reliques de notre saint. Tolentino.

Son désir s'accomplit le 10 de septembre 1310, ainsi qu'il l'avait annoncé à ses frères.
Récitant le psaume In te Domine speravi (Seigneur j'ai espéré en vous), il rendit son âme à Notre Père des Cieux en disant le verset : " In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum ".

Il fut, après comme avant son trépas, illustré beaucoup de miracles : un grand nombre ayant été reconnus canoniquement, le Pape Eugène IV, comme on l'a vu, le mit au nombre des Saints.

(1). Sixti V, Const. Sancta Romana umversalis Ecclesia.

ACTIONS DE GRACE DES ÂMES DU PURGATOIRE ENVERS LEUR LIBERATEUR

" Salvasti nos de affigentibus nos, et odientes nos confudisti."
" Vous nous avez délivrés de nos persécuteurs, et vous avez confondu ceux qui nous haissaient."

Ps. XIII, 8.

Des âmes que l'illustre saint Nicolas de Tolentino avait délivrée par ses prières lui adressèrent les paroles du psaume que je viens de prendre pour épigraphe. Une des plus grandes vertus de cet admirable serviteur de Dieu fut sa charité son dévouement pour l'Eglise souffrante. Pour elle il jeûnait souvent au pain et à l'eau, il se donnait des disciplines cruelles, il se mettait autour des reins une chaîne de fer étroitement serrée.
Ce fut surtout lorsque l'obéissance l'eut forcé à se laisser ordonner prêtre qu'il témoigna cet empressement et ce zèle en offrant l'auguste sacrifice.

Aussi les âmes qu'il soulageait par tant de suffrages lui apparurent-elles plusieurs fois pour en réclamer de lui la continuation.


Saint Nicolas de Tolentino devant la Très Sainte Trinité.
Jean Latour. XVIIIe. Eglise Saint-Jean. Liège.

Il demeurait à Vallimanèse près de Pise tout occupé de ses excercices spirituels lorsqu'un samedi pendant la nuit comme il s'était retiré pour prendre un peu de repos, il vit en songe une personne toute dolente qui le supplia de monter pour elle au saint autel la matinée suivante et aussi pour quelques autres âmes qui souffraient d'une manière affreuse dans le Purgatoire.
Nicolas reconnaissait la voix mais ne pouvait se rappeler distinctement celui qui l'interpellait. Il lui demanda donc qui il était :
" Je suis, répondit l'apparition, l'âme de votre défunt ami le frère Pellegrino d'Osima, qui ai pu éviter, par la divine miséricorde, les châtiments éternels dus à mes fautes, mais non pas l'expiation douloureuse qui leur est réservée pour un temps. Je viens, au nom de beaucoup d'âmes aussi malheureuses que moi, vous supplier de dire pour nous demain la sainte Messe, et nous espérons de là ou notre délivrance
entière ou du moins un grand soulagement."

Le saint lui répondit avec sa bonté accoutumée :
" Que le Seigneur daigne vous secourir par les mérites de son sang, par lequel il vous a rachetées ! Mais pour cette messe de Requiem, je ne puis la dire demain : c'est moi qui dois chanter au coeur la messe du couvent, et le dimanche il ne nous est pas permis de faire l'office des morts."
Alors l'âme soupirant et gémissant ajouta :
" Ah ! Venez avec moi, je vous en conjure pour l'amour de Dieu ; venez contempler nos souffrances, et vous ne me refuserez plus : vous êtes trop bon pour nous laisser dans de pareilles angoisses."
Il lui sembla qu'il était transporté dans une plaine immense ou il aperçut une grande multitude d'âmes de tout état de tout âge et de toute condition livrées à des tortures diverses et épouvantables du geste et de la voix elles imploraient tristement son assistance.
" Voilà, lui dit le frère Pellegrino, la malheureuse situation de ceux qui m'ont député auprès de vous. Nous avons la confiance que le Seigneur ne refuserait rien à vos sacrifices, et que sa divine miséricorde nous délivrerait."


Saint Nicolas de Tolentino conversant avec son ange gardien. XVe.
Basilique de Saint-Nicolas-de-Tolentino. Tolentino.

Le serviteur de Dieu à ce spectacle trois fois lamentable ne pouvait contenir son émotion. Il se mit aussitôt à genoux et pria avec grande ferveur pour tant d'infortunés. Il eût voulu que ses larmes éteignissent le feu qui les consumait.

Le matin venu, dès qu'il fut réveillé, il courut chez le prieur lui raconter en détail toute sa vision et lui exposer la demande que le frère Pellegrino lui avait faite d'une messe de Requiem ce jour-là même. Le père ne put l'entendre sans partager sa vive émotion et, cédant à ce sentiment, il le dispensa non-seulement pour ce jour-là mais pour toute la semaine suivante de la messe conventuelle afin qu'il pût vaquer au soulagement des âmes qui paraissaient l'avoir imploré.

Heureux de cette permission Nicolas se rendit incontinent à la sacristie et célébra avec une extraordinaire ardeur. De plus, il passa le jour et même la nuit à toutes sortes de bonnes oeuvres dans la même intention.
Macérations, jeûnes, disciplines, oraisons prolongées, l'auteur de sa vie assure que le démon le troubla plusieurs fois visiblement dans ce saint exercice, mais en vain. Il continua ainsi toute la semaine alors il revit l'âme du frère Pellegrino, mais non plus dans son état de douleur, dans ses flammes, dans sa tristesse.

Une robe blanche le recouvrait il était environné d'une splendeur toute céleste dans laquelle se jouaient une quantité d'autres âmes aussi heureuses toutes ensemble lui rendaient grâce et l'appelaient leur libérateur puis elles s'élevèrent au Ciel en chantant : " Salvasti nos de affligentibus nos, et odientes nos confudisti !"

V. Surius, Vita S. Nicol. Tol., 10 sept ; Jourdain de Saxe, Vies des frères ermites de Saint-Augustin.

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mardi, 10 septembre 2024 | Lien permanent

5 octobre. Saint Placide et ses compagnons, martyrs à Messine en Sicile. 541.

- Saint Placide de Rome et ses compagnons, martyrs à Messine en Sicile. 541.

Pape : Vigile. Empereur romain d'Orient : Justinien Ier.

" Combattons énergiquement, afin que Dieu nous couronne pour l'éternité."
Saint Bonaventure. Serm. XII Pentec.
 

Saint Benoît ordonne saint Placide. Miracle de saint Maur marchant
sur les eaux pour sauver saint Placide. Fra Lippo Lippi. XVe.

Placide, né à Rome, eut pour père Tertullus, de la très noble famille des Anicii. Il fut, encore enfant, offert à Dieu et confié à saint Benoît. D'une admirable innocence, tels furent ses progrès dans la vie monastique, qu'il compta parmi les principaux disciples du maître. Il était présent, lorsqu'une source miraculeuse jaillit, à la prière de celui-ci, au désert de Sublac. Un autre prodige est celui dont il fut l'objet lorsque, tout jeune encore, étant allé puiser au lac il y tomba et fut sauvé, au commandement du bienheureux père, par le moine Maur courant à pied sec sur les eaux.

Il accompagna Benoît lors de sa retraite en Campanie et, dans sa vingt-deuxième année, fut envoyé en Sicile pour y défendre contre d'injustes déprédations les possessions et droits assurés par son père au monastère du Mont-Cassin. De grands et nombreux prodiges marquèrent sa route, et ce fut précédé de la renommée de sa sainteté qu'il parvint à Messine. Il lut le premier qui introduisit dans l'île la discipline monastique, en construisant non loin du port, sur le domaine paternel, un monastère où trente moines furent rassemblés.


Martyre de saint Placide et de ses compagnons. Correggio. XVIIe.

Rien qui l'emportât sur lui en placidité douce, en humilité ; en prudence, gravité, miséricorde, perpétuelle tranquillité d'âme, il surpassait tout le monde. La contemplation des choses célestes absorbait le plus souvent ses nuits, ne s'asseyant un peu que lorsque s'imposait la nécessité du sommeil. Combien grand n'était pas son amour du silence ! Fallait-il parler, tout son discours était du mépris du monde et de l'imitation de Jésus-Christ. Son zèle pour le jeûne était tel, qu'il s'abstenait toute l'année de chair et de laitage ; pendant le Carême, les mardi, jeudi et Dimanche, il se contentait de pain et d'eau fraîche, se passant les autres jours de toute nourriture. Il ne but jamais de vin, porta perpétuellement le cilice. Cependant si grands, si nombreux étaient les miracles de Placide, que leur éclat lui amenait en foule, implorant guérison, les malades non seulement du voisinage, mais encore de l'Etrurie et de l'Afrique ; toutefois il avait pris, dans son insigne humilité, l'habitude d'opérer au nom de saint Benoît ces divers miracles et de lui en attribuer le mérite.

Sa sainteté, ses prodiges favorisaient grandement les progrès de la religion chrétienne, quand, la cinquième année depuis sa venue en Sicile, eut lieu une irruption subite de Sarrasins. Or, il se trouva que dans ces mêmes jours Eutychius et Victorinus, frères de Placide, avec sa sœur la vierge Flavia, étaient arrivés de Rome pour lui faire visite ; les barbares, surprenant l'église du monastère pendant l'office de nuit, s'emparèrent d'eux, ainsi que de Donat, de Fauste, du diacre Firmat et des trente moines.


Eglise Saint-Placide. Messine, Sicile.

Donat eut aussitôt la tête tranchée. Les autres, amenés devant Manucha le chef des pirates, furent sommés d'adorer ses idoles ; ce qu'ayant sans faiblir refusé de faire, on les jeta pieds et poings liés en prison sans aucune nourriture, après les avoir frappés de verges, et avec ordre de les frapper tous les jours. Mais Dieu les soutint ; lorsque après beaucoup de jours on les ramena au tyran, leur constance dans la foi fut la même ; de nouveau flagellés à plusieurs reprises, on les suspendit nus la tête en bas au-dessus d'une fumée épaisse, pour les étouffer. Chacun les croyait morts ; le lendemain, ils reparaissaient pleins de vie, miraculeusement guéris, sans aucune blessure.

Alors le tyran s'en prit séparément à la vierge Flavia, et ne pouvant rien sur elle par menaces, il la fit suspendre nue par les pieds à une haute poutre Mais comme il lui imputait à infamie cette épreuve :
" L'homme et la femme, dit la vierge, ont un seul Dieu pour créateur et auteur ; c'est pourquoi mon sexe ne me sera pas imputé près de lui à démérite, ni davantage cette nudité que je supporte pour son amour à lui qui, pour moi, ne voulut pas être seulement dépouillé de ses vêtements, mais encore attaché aune croix."


La crucifixion, dite de Saint-Placide, fut réalisée par Velasquez
à son retour d'Italie pour le couvent Saint-Placide de Madrid. XVIIe.

Sur cette réponse Manucha furieux, après avoir repris contre elle le supplice des verges et de la fumée, ordonne qu'on la livre à la prostitution. Mais la vierge priait ; Dieu paralysa ceux qui voulurent l'approcher, et les punit de douleurs subites en tous leurs membres. Après la vierge, ce fut au frère de soutenir l'assaut. Comme il dénonçait la vanité des idoles, Manucha lui fit briser à coups de pierres la bouche et les dents, puis commanda qu'on lui coupât la langue jusqu'à la racine ; mais le martyr n'en parlait pas avec moins de netteté et d'aisance. La colère du barbare s'accrut à ce prodige ; sur Placide, sa sœur et ses frères, renversés à terre, il ordonne qu'on entasse en poids énorme des ancres et des meules, sans pourtant arriver davantage a leur nuire. Enfin, de la seule famille de Placide trente-six martyrs eurent la tête tranchée avec leur chef, sur le rivage du port de Messine ; ils remportèrent la palme avec beaucoup d'autres, le trois des nones d'octobre, l'an du salut 539 ou 541. Quelques jours plus tard, Gordien, moine de ce même monastère échappé par la fuite, retrouva tous les corps intacts et les ensevelit avec larmes. Quant aux barbares, ils furent peu après engloutis par les ondes vengeresses de la mer en punition de leur cruauté.

En 1588. la découverte à Messine des reliques du martyr et de ses compagnons de victoire est venue confirmer la véracité des Actes de leur glorieuse Passion. Ce fut à cette occasion que le Pape Sixte-Quint étendit la célébration de leur fête à toute l'Eglise sous le rit simple.

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samedi, 05 octobre 2024 | Lien permanent

14 octobre. Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

- Saint Calixte Ier, pape et martyr. 222.

Papes : Saint Zéphirin ; saint Urbain Ier. Empereur romain : Alexandre Sévère.

" Corona aurea super mitram ejus expressa signo sanctitatis."
" Vous verrez au-dessus de sa mitre une couronne d'or ; ce sera pour vous une preuve de sa sainteté."

Eccli., XXXIX, 14.

Saint Calixte. Missel Romain. Avignon. XIVe.

Celui-là fut un signe de contradiction dans Israël (Luc. II, 34.). Autour de lui ou contre lui se groupèrent de son temps les baptisés ; or, l'émoi qu'excitait son nom il y a seize cents ans n'apparut pas moindre, lorsqu'au milieu du siècle qui finit, la découverte d'un livre fameux offrit aux sectaires de nos jours l'occasion de se compter comme ceux d'autrefois contre Calixte et l'Eglise. Philosophumena ou réfutation des hérésies : c'était le titre du livre, qui remontait par sa date décomposition au troisième siècle de notre ère ; Calixte, dont on présentait le caractère et la vie sousles plus sombres couleurs, y était rangé parmi les pires corrupteurs de la doctrine.

Au IIIe siècle cependant, l'auteur des Philosophumena s'attaquant au Pontife qu'il eût voulu supplanter, dressant dans Rome, comme il l'avoue, chaire contre chaire, ne fit qu'afficher devant l'Eglise sa propre honte, en prenant place lui-même parmi les dissidents dont son ouvrage se donnait comme la réfutation et l'histoire. Le nom de ce premier des antipapes ne devait pas arriver jusqu'à nous ; mais, suprême châtiment ! dédaignée des contemporains, l'oeuvre de sa plume envieuse viendrait à l'heure voulue réveiller l'attention endormie de la lointaine postérité ; l'impartiale critique des derniers âges, écartant les insinuations, mais retenant les faits apportés par l'accusateur, les apprécierait à la lumière des multiples données de la science, et dégagerait de ses perfidies les éléments de la glorification la plus inattendue pour son rival détesté. Ainsi, une fois de plus, l'iniquité se serait menti à elle-même (Psalm. XXVI, 12.) ; ainsi se vérifierait la parole de l'Evangile du jour : Il n'y a rien de caché qui ne se découvre enfin, rien de secret qui ne doive être connu (Matth. X, 26.).

Saint Calixte. Gravure. Rome. XVIe.

Ecoutons le plus grand des archéologues chrétiens ; l'enthousiasme s'empare de son intelligence si sûre, si réservée, à tant de lumière jaillissant d'une telle source :

" Tout cela, s'écrie le Commandeur de Rossi dans l'étude de l'odieux document, tout cela me fait clairement voir pourquoi l'accusateur dit de Calixte avec ironie qu'il fut réputé le très admirable ; pourquoi, lorsque toute connaissance des actes de celui-ci était perdue, son nom pourtant est venu jusqu'à nous si grand et si vénéré ; pourquoi dans les siècles troisième et quatrième, où la mémoire de son gouvernement était fraîche encore, il fut plus honoré qu'aucun de ses prédécesseurs ou successeurs de l'âge des persécutions. Calixte régit l'Eglise quand elle était à l'apogée du premier stade de sa course divine, et s'acheminait à de nouveaux et plus grands triomphes. La foi chrétienne, embrassée d'abord par chaque croyant en son nom propre, était devenue la foi des familles, et les pères en faisaient profession pour eux et pour leurs enfants.

Ces familles formaient la presque majorité déjà dans chaque ville ; la religion du Christ était à la veille de devenir la religion publique du peuple et de l'empire. Que de problèmes nouveaux de droit social chrétien, de droit ecclésiastique, de discipline morale, ne surgissaient pas tous les jours dans le champ de l'Eglise, étant donnée sa grande situation de l'heure présente, étant donné l'avenir encore plus grand qui s'ouvrait devant elle !

Calixte résolut ces doutes ; il régla les jugements relatifs à la déposition des clercs, prit les mesures qui s'imposaient pour ne pas détourner les catéchumènes du baptême, les pécheurs de la pénitence ; il définit la notion de l'Eglise que le génie d'Augustin devait développer plus tard (Quo referendum aiebat Apostoli verbum : Tu quis es qui judices servum alienum ? Atque etiam lolii parabolam, Sinite zizania crescere cum tritico, id est, sinite peccatores in Ecclesia manere. Dicebat etiam Ecclesiae instar arcam Noe fuisse, qua canes, lupi, corvi, aliaque omnia pura et impura animantia comprehendebantur ; oportere autem item esse de Ecclesia. Philosophumena, Lib IX, de Callisto.). En face des lois civiles, il affirma le droit de la conscience chrétienne et celui de l'Eglise touchant le mariage de ses fidèles. Il ne connut esclaves ni libres, grands ou petits, nobles ou plébéiens dans la fraternité évangélique qui minait les bases de la société romaine et adoucissait l'inhumanité des mœurs. Et c'est pourquoi son nom est grand jusqu'à nos jours ; et c'est pourquoi la voix des jaloux ou de ceux qui mesuraient les temps à l'étroitesse de leur esprit superbe, fut étouffée sous le cri de l'admiration et méprisée." (De Rossi, Bullettino, 1866, N. 1, 2, 5, 6.).

Saint Calixte instituant les jeûnes.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. J. de Montbaston. XIVe.

L'espace nous manque pour faire suivre des développements qu'il comporterait cet exposé magistral. On sait comment, à l'heure où Cécile vierge et martyre céda aux Pontifes le lieu primitif de son repos dans la mort, Calixte, alors diacre de Zéphyrin, disposa l'hypogée des Cœcilii pour ses destinées nouvelles. Auguste crypte en laquelle, pour la  première fois, l'Etat reconnut à l'Eglise son droit de posséder sur terre ; sanctuaire autant que nécropole, où jusqu'au triomphe de la Croix Rome chrétienne accumula pour le lourde la résurrection ses  trésors. Jugé le plus digne de rappeler tant de gloires, le nom donné à ce Cimetière par excellence fut celui de notre grand Pontife martyr, bien que la Providence eût arrêté que lui-même n'y reposerait jamais. Sous le règne bienveillant d'Alexandre Sévère, il perdit la vie au quartier du Transtévère, dans une sédition des païens contre lui.

La cause en fut sans doute l'acquisition qu'il avait faite de la  fameuse Taberna meritoria du sol de laquelle, au temps d'Auguste, une fontaine d'huile avait jailli  et coulé tout un jour. Le Pontife érigea ce lieu en église, et le dédia à la Mère du Sauveur ; c'est la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre. La propriété en fut disputée à Calixte, et la cause déférée à l'empereur, qui décida pour les chrétiens (Lamprid. in Alex. Severo, C  XIX.), La mort violente de Calixte semble une vengeance des adversaires, et elle eut lieu tout près de l'édifice que sa fermeté avait conservé à l'Eglise. Les séditieux le précipitèrent dans un puits, que l'on  voit encore dans l'église de Saint-Calixte, à quelques pas seulement de la basilique Transtibérine. La sédition ne permit pas de transporter le corps du martyr sur la voie  Appienne; on le déposa dans un cimetière déjà ouvert  sur la voie Aurélia, où sa sépulture donna origine à un nouveau centre historique de Rome souterraine (Histoire de sainte Cécile, 1849, p. 5 ; Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles, 1874, p. 424.).

Saint Calixte baptisant Palmatius et sa famille. Le consul Palmatius
sacrifiait aux idoles, il les brûla désormais. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Calixte, né à Rome, gouverna l'Eglise au temps de l'empereur Antonin Héliogabale. Il établit les Quatre-Temps, ordonnant que le jeûne dont la tradition venait des Apôtres y serait observé par tous. Il construisit la basilique de Sainte-Marie au delà du Tibre, et agrandit sur la voie Appienne un ancien cimetière où grand nombre de saints Pontifes et de Martyrs furent ensevelis ; on l'appela de lui le cimetière de Calliste.

De son temps, la partie la plus élevée de la ville de Rome fut détruite par un incendie, et la main gauche de la statue d'or de Jupiter fut fondue. Tous les prêtres vinrent alors demander à Alexandre qu'on apaisât la colère des dieux par des sacrifices. Or, pendant la cérémonie, tout à coup, par un ciel calme, le matin du jour de Jupiter (jeudi), quatre prêtres des idoles furent écrasés par la foudre, l’autel de Jupiter fut brûlé et le soleil s'obscurcit, au point que le peuple de Rome s'enfuit hors des murs de la ville.

Sous le prétexte de la purifier, le consul Palmatius, informé que Calixte avec ses clercs était caché au delà du Tibre, sollicita la destruction totale des chrétiens, auxquels on attribuait ces malheurs. Palmatius ayant pris le pouvoir s'y rendit en toute hâte, accompagné de soldats ; mais ceux-ci furent aussitôt frappés d'aveuglement ; alors, le consul effrayé eu apporta de suite la nouvelle à Alexandre.

L'empereur ordonna donc que le jour dédié à Mercure (mercredi), tout le peuple se rassemble pour sacrifier à ce dieu, afin d'obtenir de lui une réponse au sujet de ces accidents. Sur ces entrefaites, une vierge du temple, nommée Julienne, fut saisie par le démon, et s'écria :
" Le Dieu de Calixte est le Dieu vivant et véritable ; il est indigné de notre corruption."
Quand Palmatius eut entendu ces paroles, il alla, au delà du Tibre, trouver à Ravenne saint Calixte et se fit baptiser par lui, avec sa femme et sa famille.

Saint Calixte instituant les jeûnes. Vies de Saints. XIVe.

L'empereur, à cette nouvelle, manda le consul et l’adressa au sénateur Simplicius, afin qu'il le gagnât par des avis insinuants, car ce personnage était fort utile à l’Etat. Or, comme Palmatius persévérait dans les jeûnes et dans la prière, un soldat vint lui promettre que, s'il guérissait sa femme paralytique, il croirait aussitôt. Palmatius ayant prié, la femme fut guérie et accourut lui dire :
" Baptisez-moi an nom du Christ, qui m’a pris par la main et m’a fait lever."
Alors Calixte vint la baptiser avec son mari, Simplicius et beaucoup d'autres.
Quand l’empereur l’apprit, il ordonna de couper la tête de tous les baptisés. Privatus venait à peine d'embrasser la foi, qu'il mourait lui aussi pour elle sous les coups de fouets armés de plomb.

Pour Calixte, il le fit rester cinq jours sans manger ni boire. Mais lorsqu'il vit que le Saint était loin de perdre ses forces, il ordonna de le fouetter chaque jour ; ensuite, il le fit jeter du haut d'une fenêtre dans un puits, avec une pierre attachée au cou.

Le prêtre Astérius retira le corps du saint pape hors du puits, et l’ensevelit dans le cimetière de Calépodius, au troisième mille sur la voie Aurélia. C'était la veille des ides d'octobre. Son corps fut par la suite ramené dans la basilique de Sainte-Marie-Au-Delà-Du-Tibre, qu'il avait bâtie, et placé sous l'autel majeur où on l'entoure d'une grande vénération.
Quelques temps auparavant en effet, le corps du bienheureux Calépodius (ou Callopodius), prêtre et Martyr, ayant été jeté au Tibre, saint Calixte dans sa piété l'avait fait rechercher avec grand soin, et, l'ayant trouvé, ensevelit avec honneur.

Calliste avait siégé cinq ans, un mois et douze jours. Il avait notamment institué et fixé l'essentiel des jeûnes annuels. En cinq ordinations au mois de décembre, il avait créé seize prêtres, quatre diacres, huit évêques.

Abside de la basilique Sainte-Marie-Au-Delà-Tibre, construite par
saint Calixte ; on y vénère toujours ses saintes reliques. Rome IIIe-Ve.

PRIERE

" L'Esprit-Saint, qui garde l'Eglise, vous prépara comme un auxiliaire d'élite dans la souffrance et l'humiliation. Vous naquîtes esclave ; la fourberie judaïque sema de bonne heure les embûches sous vos pas ; jeune encore, les mines de Sardaigne comptaient en vous un forçat déplus, mais c'était pour le Seigneur. Serf de la peine, comme disait l'ancienne Rome, vous ne l'étiez plus de votre ancien maître ; et délivré des mines à l'heure marquée par Celui qui conduit les événements au gré de sa providence, le titre de Confesseur, en vous ennoblissant pour jamais, vous recommandait à l'attention maternelle de l'Eglise.

Tels apparurent dès lors votre mérite et vos vertus, qu'inaugurant le plus long pontificat de l'époque des martyrs, Zéphyrin vous choisit pour le conseiller, l'appui, le suppléant de sa vieillesse ; en attendant que l'Eglise, suffisamment instruite par l'expérience de ces dix-huit années, vous élût à son tour comme pasteur suprême.

Saint Calixte. Missel Romain. Berry. XIVe.

Combien grande vous la laissez aujourd'hui, cette noble Epouse du Fils de Dieu ! Toute la noblesse des anciens âges, toute la valeur morale, tout l'essor intellectuel de l'humanité apparaissent concentrés en elle à cette heure. Où sont les mépris de jadis, les calomnies d'antant ? Le monde n'ignore plus qu'il a devant lui la reine de l'avenir ; l'atrocité des persécutions que l'Etat païen lui réserve encore viendra de cette conviction qu'il s'agit pour lui de la lutte, et d'une lutte désespérée, pour la vie. Aussi hésite-t-il, et semble-t-il plutôt vouloir aujourd'hui transiger avec les chrétiens.

Vous fûtes l'initiateur des voies nouvelles, pleines de péril comme de grandeur, où entrait l'Eglise. De l'absolu et brutal Non licet esse vos (Il ne vous est pas permis d'être) des jurisconsultes bourreaux, vous sûtes le premier amener l'empire à reconnaître en quelque chose officiellement les droits de la communauté chrétienne : Cécile assurait par vous à celle-ci la propriété de la tombe, la faculté de se réunir, de se cotiser, pour honorer ses morts ; à Marie, Fons olei, et ce fut l'occasion de votre martyre, il vous était donné de consacrer le premier sanctuaire légalement acquis dans Rome aux chrétiens. Or, loin de céder, quoi que ce fût des droits de Dieu, en pactisant avec César, vous affirmiez dans le même temps à l'encontre de celui-ci, comme nul ne l'avait fait encore, l'indépendance absolue de l'Eglise concernant cette question du mariage soustraite de par le Christ-roi à la juridiction des pouvoirs civils. D'ores et déjà, " ne dirait-on pas une nation dans la nation ?" oui ; jusqu'à ce que la nation elle-même ait  passé tout entière  dans les rangs de ce peuple nouveau ". (Le Temps pascal, t. II ; Jeudi de la troisième semaine après Pâques).

Crypte des papes. Catacombes Saint-Calixte. IIIe.

Au sein de l'Eglise, autres soucis, l'ardeur des luttes doctrinales est à son comble et s'est portée sur le premier de nos mystères : Sabellius, condamné pour son audace à déclarer incompatible avec l'unité de Dieu la réelle distinction de la Trinité sainte, laisse le champ libre à l'école qui sépare les augustes personnes au risque de multiplier Dieu même. Puis c'est Montan, dont les disciples, ennemis des théories sabelliennes antérieurement à Sabellius même, escomptent la faveur du premier Siège pour leur système de fausse mystique et de réforme outrée. Mais comme le pilote expérimenté déjoue les écueils, entre les subtilités des dogmatisants, les prétentions des rigoristes, les utopies des politiques, vous dirigiez d'une main dont la sûreté était celle de l'Esprit-Saint lui-même la barque de Pierre à ses immortelles destinées. En la mesure où Satan vous déteste et vous poursuit jusqu'à nos jours, soyez glorifié à jamais ; bénissez en nous vos disciples et vos fils."

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lundi, 14 octobre 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

22 février. Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

- Chaire de saint Pierre à Antioche. 59.

" Pierre est l'organe du collège des Apôtres, l'axe et la clef de voute de la société."
Saint Jean Chrysostome, hom. LV in cap XVI Matth.


Pour la seconde fois, Pierre reparaît avec sa Chaire sur le Cycle de la sainte Eglise ; mais aujourd'hui ce n'est plus son Pontificat dans Rome, c'est son épiscopat à Antioche que nous sommes appelés à vénérer. Le séjour que le Prince des Apôtres fit dans cette dernière ville fut pour elle la plus grande gloire qu'elle eût connue depuis sa fondation ; et cette période occupe une place assez notable dans la vie de saint Pierre pour mériter d'être célébrée par les chrétiens, Cornélius avait reçu le baptême à Césarée des mains de Pierre, et l'entrée de ce Romain dans l'Eglise annonçait que le moment était venu où le Christianisme allait s'étendre en dehors de la race juive.

Quelques disciples, dont saint Luc n'a pas conservé les noms, tentèrent un essai de prédication à Antioche, et le succès qu'ils obtinrent porta les Apôtres à diriger Barnabé de Jérusalem vers cette ville. Celui-ci étant arrivé ne tarda pas à s'adjoindre un autre Juif converti depuis peu d'années, et connu encore sous le nom de Saül, qu'il devait plus tard échanger en celui de Paul, et rendre si glorieux dans toute l'Eglise. La parole de ces deux hommes apostoliques dans Antioche suscita au sein de la gentilité de nouvelles recrues, et il fut aisé de prévoir que bientôt le centre de la religion du Christ ne serait plus Jérusalem, mais Antioche ; l'Evangile passant ainsi aux Gentils, et délaissant la ville ingrate qui n'avait pas connu le temps de sa visite.

La voix de la tradition tout entière nous apprend que Pierre transporta sa résidence dans cette troisième ville de l'Empire romain, lorsque la foi du Christ y eut pris le sérieux accroissement dont nous venons de raconter le principe. Ce changement de lieu, le déplacement de la Chaire de primauté montraient l'Eglise avançant dans ses destinées, et quittant l'étroite enceinte de Sion, pour se diriger vers l'humanité tout entière.


Nous apprenons du pape saint Innocent Ier qu'une réunion des Apôtres eut lieu à Antioche. C'était désormais vers la Gentilité que le vent de l'Esprit-Saint poussait ces nuées rapides et fécondes, sous l'emblème desquelles Isaïe nous montre les saints Apôtres. Saint Innocent, au témoignage duquel se joint celui de Vigile, évêque de Thapsus, enseigne que l'on doit rapporter au temps de la réunion de saint Pierre et des Apôtres à Antioche ce que dit saint Luc dans les Actes, qu'à la suite de ces nombreuses conversions de gentils, les disciples du Christ furent désormais appelés Chrétiens.

Antioche est donc devenue le siège de Pierre. C'est là qu'il réside désormais ; c'est de là qu'il part pour évangéliser diverses provinces de l'Asie ; c'est là qu'il revient pour achever la fondation de cette noble Eglise. Alexandrie, la seconde ville de L'empire, semblerait à son tour réclamer l'honneur de posséder le siège de primauté, lorsqu'elle aura abaissé sa tête sous le joug du Christ ; mais Rome, préparée de longue main parla divine Providence à l'empire du monde, a plus de droits encore. Pierre se mettra en marche, portant avec lui les destinées de l'Eglise ; là où il s'arrêtera, là où il mourra, il laissera sa succession. Au moment marqué, il se séparera d'Antioche, où il établira pour évêque Evodius son disciple.

Evodius sera le successeur de Pierre en tant qu'Evêque d'Antioche ; mais son Eglise n'héritera pas de la principauté que Pierre emporte avec lui. Ce prince des Apôtres envoie Marc son disciple prendre possession d'Alexandrie en son nom ; et cette Eglise sera la seconde de l'univers, élevée d'un degré au-dessus d'Antioche, par la volonté de Pierre, qui cependant n'y aura pas siégé en personne. C'est à Rome qu'il se rendra, et qu'il fixera enfin cette Chaire sur laquelle il vivra, il enseignera, il régira, dans ses successeurs.


Chaire de saint Pierre. Cathédrale Sainte-Pierre. Poitiers.

Telle est l'origine des trois grands Sièges Patriarcaux si vénérés dans l'antiquité : le premier, Rome, investi de la plénitude des droits du prince des Apôtres, qui les lui a transmis en mourant ; le deuxième, Alexandrie, qui doit sa prééminence à la distinction que Pierre en a daigné faire en l'adoptant pour le second ; le troisième, Antioche, sur lequel il s'est assis en personne, lorsque, renonçant à Jérusalem, il apportait à la Gentilité les grâces de l'adoption. Si donc Antioche le cède pour le rang à Alexandrie, cette dernière lui est inférieure, quant à l'honneur d'avoir possédé la personne de celui que le Christ avait investi de la charge de Pasteur suprême. Il était donc juste que l'Eglise honorât Antioche pour la gloire qu'elle a eue d'être momentanément le centre de la chrétienté : et telle est l'intention de la fête que nous célébrons aujourd'hui.

Les solennités qui se rapportent à saint Pierre ont droit d'intéresser particulièrement les enfants de l'Eglise. La fête du père est toujours celle de la famille tout entière ; car c'est de lui qu'elle emprunte et sa vie et son être. S'il n'y a qu'un seul troupeau, c'est parce qu'il n'y a qu'un seul Pasteur ; honorons donc la divine prérogative de Pierre, à laquelle le Christianisme doit sa conservation, et aimons à reconnaître les obligations que nous avons au Siège Apostolique. Au jour où nous célébrions la Chaire Romaine, nous avons reconnu comment la Foi s'enseigne, se conserve, se propage par l'Eglise-Mère, en laquelle résident les promesses faites à Pierre. Honorons aujourd'hui le Siège Apostolique, comme source unique du pouvoir légitime par lequel les peuples sont régis et gouvernés dans l'ordre du salut éternel.


Saint Pierre et les clefs du Royaume.
" Cathédrale " Saint-Isaac de Saint-Petersbourg. Russie.

Le Sauveur a dit à Pierre :
" Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux."
C'est-à-dire de l'Eglise.
Il lui a dit encore :
" Pais mes agneaux, pais mes brebis."
Pierre est donc prince : car les Clefs, dans l'Ecriture, signifient la principauté ; il est donc Pasteur, et Pasteur universel : car, dans le troupeau, il n'y a rien en dehors des brebis et des agneaux. Mais voici que, par la bonté divine, nous rencontrons de toutes parts d'autres Pasteurs : les Evêques, " que l'Esprit-Saint a posés pour régir l'Eglise de Dieu ", gouvernent en son nom les chrétientés, et sont aussi Pasteurs. Comment ces Clefs, qui sont le partage de Pierre, se trouvent-elles en d'autres mains que dans les siennes ? L'Eglise catholique nous explique ce mystère dans les monuments de sa Tradition. Elle nous dit par Tertullien que le Seigneur a " donné les Clefs à Pierre, et par lui à l'Eglise " ; par saint Optât de Milève, que, " pour le bien de l'unité, Pierre a été préféré aux autres Apôtres, et a reçu seul les Clefs du Royaume des cieux, pour les communiquer aux autres " ; par saint Grégoire de Nysse, que " le Christ a donné par Pierre aux Evêques les Clefs de leur céleste prérogative " ; par saint Léon le Grand, que " le Sauveur a donné par Pierre aux autres prince ces des Eglises tout ce qu'il n'a pas jugé à propos de leur refuser ".

L'Episcopat est donc à jamais sacré ; car il se rattache à Jésus-Christ par Pierre et ses successeurs ; et c'est ce que la Tradition catholique nous atteste de la manière la plus imposante, applaudissant au langage des Pontifes Romains qui n'ont cessé de déclarer, depuis les premiers siècles, que la dignité des Evêques était d'être appelés à partager leur propre sollicitude, in partem sollicitudinis vocatos.


Eglise Saint-Pierre creusée dans une grotte. Antioche.

C'est pourquoi saint Cyprien ne fait pas difficulté de dire que " le Seigneur, voulant établir la dignité épiscopale et constituer son Eglise, dit à Pierre : " Je te donnerai les Clefs du Royaume des cieux " ; et c'est de là que découle l'institution des Evêques et la disposition de l'Eglise ". C'est ce que répète, après le saint Evêque de Carthage, saint Césaire d'Arles, dans les Gaules, au Ve siècle, quand il écrit au saint pape Symmaque :
" Attendu que l'Episcopat prend sa source dans la personne du bienheureux Apôtre Pierre, il suit de là, par une conséquence nécessaire, que c'est à Votre Sainteté de prescrire aux diverses Eglises les règles auxquelles elles doivent se conformer."
 
Cette doctrine fondamentale, que saint Léon le Grand a formulée avec tant d'autorité et d'éloquence, et qui est en d'autres termes la même que nous venons de montrer tout à l'heure par la Tradition, se trouve intimée aux Eglises, avant saint Léon, dans les magnifiques Epîtres de saint Innocent Ier qui sont venues jusqu'à nous.

C'est ainsi qu'il écrit au concile de Carthage que " l'Episcopat et toute son autorité émanent du Siège Apostolique " ; au concile de Milève, que " les Evêques doivent considérer Pierre comme la source de leur nom et de leur dignité " ; à saint Victrice, Evêque de Rouen, que " l'Apostolat et l'Episcopat prennent en Pierre leur origine ".

Nous n'avons point ici à composer un traité polémique ; notre but, en alléguant ces titres magnifiques de la Chaire de Pierre, n'est autre que de réchauffer dans le cœur des fidèles la vénération et le dévouement dont ils doivent être animés envers elle. Mais il est nécessaire qu'ils connaissent la source de l'autorité spirituelle qui, dans ses divers degrés, les régit et les sanctifie. Tout découle de Pierre, tout émane du Pontife Romain dans lequel Pierre se continuera jusqu'à la consommation des siècles. Notre Seigenur Jésus-Christ est le principe de l'Episcopat, l'Esprit-Saint établit les Evêques ; mais la mission, l'institution, qui assigne au Pasteur son troupeau et au troupeau son Pasteur, Jésus-Christ et l'Esprit-Saint les donnent par le ministère de Pierre et de ses successeurs.


Maître-autel de l'église Saint-Pierre. Antioche. Actuelle Turquie.

Qu'elle est divine et sacrée, cette autorité des Clefs, qui, descendant du ciel dans le Pontife Romain, dérive de lui par les Prélats des Eglises sur toute la société chrétienne qu'elle doit régir et sanctifier ! Le mode de sa transmission par le Siège Apostolique a pu varier selon les siècles ; mais tout pouvoir n'en émanait pas moins de la Chaire de Pierre.

Au commencement, il y eut trois Chaires : Rome, Alexandrie et Antioche ; toutes trois, sources de l'institution canonique pour les Evêques de leur ressort ; mais toutes trois regardées comme autant de Chaires de Pierre, fondées par lui pour présider, comme l'enseignent saint Léon, saint Gélase et saint Grégoire le Grand. Mais, entre ces trois Chaires, le Pontife qui siégeait sur la première ne recevait que du Ciel son institution, tandis que les deux autres Patriarches n'exerçaient leurs droits qu'après avoir été reconnus et confirmés par celui qui occupait à Rome la place de Pierre.

Plus tard, on voulut adjoindre deux nouveaux Sièges aux trois premiers ; mais Constantinople et Jérusalem n'arrivèrent à un tel honneur qu'avec l'agrément du Pontife Romain. Puis, afin que les hommes ne fussent pas tentés de confondre les distinctions accidentelles dont avaient été décorées ces diverses Eglises, avec la divine prérogative de l'Eglise de Rome, Dieu permit que les Sièges d'Alexandrie, d'Antioche, de Constantinople et de Jérusalem fussent souillés par l'hérésie ; et que, devenues autant de Chaires d'erreur, elles cessassent de transmettre la mission légitime, à partir du moment où elles avaient altéré la foi que Rome leur avait transmise avec la vie.

Nos pères les ont vues tomber successivement, ces colonnes antiques que la main paternelle de Pierre avait élevées ; mais leur ruine lamentable n'atteste que plus haut combien est solide l'édifice que la main du Christ a bâti sur Pierre. Le mystère de l'unité s'est alors révélé avec plus d'éclat ; et Rome, retirant à elle les faveurs qu'elle avait versées sur des Eglises qui ont trahi cette Mère commune, n'en a paru qu'avec plus d'évidence le principe unique du pouvoir pastoral.


Eglise Chaire-de-saint-Pierre-à-Antioche.
Tourmignies. Boulonnais. France. XIe.

C'est donc à nous, prêtres et fidèles, à nous enquérir de la source où nos pasteurs ont puisé leur pouvoir, de la main qui leur a transmis les Clefs. Leur mission émane-t-elle du Siège Apostolique ? S'il en est ainsi, ils viennent de la part de Notre Seigneur Jésus-Christ qui leur a confié, par Pierre, son autorité ; honorons-les, soyons-leur soumis. S'ils se présentent sans être envoyés par le Pontife Romain, ne nous joignons point à eux ; car le Christ ne les connaît pas. Fussent-ils revêtus du caractère sacré que confère l'onction épiscopale, ils ne sont rien dans l'Ordre Pastoral ; les brebis fidèles doivent s'éloigner d'eux.

C'est ainsi que le divin Fondateur de l'Eglise ne s'est pas contenté de lui assigner la visibilité comme caractère essentiel, afin qu'elle fût cette Cité bâtie sur la montagne, et qui frappe tous les regards ; il a voulu encore que le pouvoir céleste qu'exercent les Pasteurs dérivât d'une source visible, afin que chaque fidèle fût à même de vérifier les titres de ceux qui se présentent à lui pour réclamer son âme au nom du Christ. Le Seigneur ne devait pas moins faire pour nous, puisque d'autre part il exigera au dernier jour que nous ayons été membres de son Eglise, et que nous ayons vécu en rapport avec lui par le ministère des pasteurs légitimes. Honneur donc et soumission au Christ en son Vicaire ; honneur et soumission au Vicaire du Christ dans les pasteurs qu'il envoie !


Le pape saint Libère - qui ne tomba jamais dans l'hérésie,
car un pape ne le peut pas -, successeur de saint Pierre, traça
dans la neige le périmètre de la basilique Sainte-Marie-Majeure.
Chapelle Borghese. Basilique Sainte-Marie-Majeure. Rome.

Rq : La basilique Sainte-Marie-Majeure fut le siège du patriarche latin d'Antioche à Rome. Mgr Roberto Vicentini fut le dernier prélat à porter le titre de patriarche latin d'Antioche entre 1925 et 1953. Ensuite le titre resta vacant jusqu'à sa " suppression " (!?) en 1964.

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samedi, 22 février 2025 | Lien permanent

21 février. Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.

- Saint Pépin de Landen, duc de Brabant. 640.

Pape : Saint Séverin (+640) ; Jean IV. Roi d'Austrasie : Sigebert III. Roi de Neustrie et de Bourgogne : Clovis II.

" Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache et ne s'est point attaché à l'or."

Eccli., XXXI, 8.


Saint Pépin de Landen administrant.
Illustration d'un manuscrit du IXe.

Ce saint duc était le fils du prince Carloman et de la princesse Emegarde. Il fut maire du palais sous Clotaire II, Dagobert Ier et Sigebert II, rois de France, et exerça cette grande charge, qui était peu différente de l'autorité royale, avec une rare prudence.

Il ne pouvait rien ajouter à sa fidélité pour son roin ni à son amour pour son peuple. Il embrassait, avec une constance invincible, les justes intérêts de l'un et de l'autre, sans souffrir que, pour favoriser le peuple, on fît tort au rdroits du roi ; ni que, sous prétexte des droits du roi, l'on opprimât et accablât le peuple, parce qu'il préférait les volontés de Dieu à celles des hommes, et savait qu'il défend de favoriser les puissants au préjudice des faibles. Ainsi, il rendait au peuple ce que la justice voulait qu'on lui rendît, et à César ce qui appartenait légitimement à César.


Clotaire II recevant l'hommage des Lombards.
Saint Pépin de Landen est déjà présent au côté du roi.
Illustration d'un manuscrit du XIIIe.

Il n'en faut point de meilleure preuve que son désir d'avoir pour associé, dans sa conduite, saint Arnoul, évêque de Metz ; il ne faisait rien sans son conseil, connaissant son éminente vertu et sa grande capacité dans le gouvernement de l'Etat. Après la mort de saint Arnoul, il prit pour collègue, dans l'administration des affaires, un autre grand saint, Cunibert, archevêque de Cologne. On peut assez juger avec quelle ardeur il embrassait les choses justes, puisqu'il choisissait des hommes si excellents et si incorruptibles pour être les directeurs de ses conseils et les fidèles témoins de ses actions.


Clotaire II, Dagobert son fils, saint Arnoul de Metz et
saint Pépin de Landen. Grandes chroniques de France. XVe.

Le roi Clotaire II ne se contenta pas de mettre entre les mains de cet excellent prince la première charge de son Etat, en le faisant maire du palais : il l'honora aussi de toute sa confiance, et lui donna tout le pouvoir qu'un grand ministre peut espérer. Ayant résolu d'associer son fils Dagobert à une partie de sa puissance et de partager avec lui ses Etats, en le mettant, dès son vivant, en possession du royaume d'Austrasie, il choisit, parmi tous les grands de la cour, cet homme admirable pour lui confier entièrement la conduite de ce jeune prince, qui devait n'agir que d'après ce conseiller (622).


Statue de Dagobert Ier. XIXe. Versailles.

Pépin s'acquitta si dignement de cette charge, qu'il n'oublia rien de ce qui pouvait imprimer dans l'esprit de Dagobert la crainte de Dieu et l'amour de la justice : il lui mettait souvent devant les yeux cette belle parole de l'Evangile :
" Le trône d'un roi qui rend justice aux pauvres ne sera jamais ébranlé."

Ainsi, ce fut par sa prudence que Dagobert gouverna si bien et si heureusement, non seulement l'Austrasie, mais aussi tous les Etats que son père lui laissa en mourant. Son frère Caribert, et plusieurs grands les lui ayant disputés, cette faction fut bientôt dissipée par la valeur de Pépin, qui n'était pas moins généreux dans la guerre que juste et sage dans la paix ; et Dagobert, après s'être maintenu dans le droit qui lui appartenait, gagna de telle sorte le coeur de tous ses sujets par sa libéralité, sa justice, sa douceur et toutes les autres qualités dignes d'un grand roi, qu'il égala et surpassa même la réputation de ses plus illustres prédécesseurs ; son règne eût été des plus beaux, s'il eût toujours suivi les avis d'un si saint et si habile maître.


Dagobert chassant saint Amand malgré la protestation
de saint Pépin de Landen. Vie de saint Amand. XIIe.

Mais, comme rien n'est plus difficile que de conserver son esprit pur au milieu de la corruption du siècle, et son corps chaste au milieu des plaisirs qui accompagnent la prospérité et la souveraine puissance, ce roi se plongea dans la volupté, et il eut recours à des moyens injustes pour satisfaire à ses dépenses folles et désordonnées. Saint Pépin, qui en eut le coeur tout percé de douleur, l'en reprit sévèrement, et lui reprocha son ingratitude envers Dieu. Ce prince reçut d'abord si mal les avis de notre saint, qu'il pensa même à le faire mourir, étant poussé en cela par quelques grands de sa cour qui haïssaient Pépin et portaient envi à sa vertu.


Dagobert implorant le pardon de saint Amand qu'il avait chassé
en présence de saint Pépin de Landen. Vie de saint Amand. XIIe.

Mais Dieu, qui est le protecteur des justes, délivra Pépin de ce péril. Le roi comprit enfin la justesse de ses remontrances et eut plus de vénération que jamais pour le mérite et la vertu d'un si grand ministre. Pour lui en donner une preuve non équivoque, il mit entre ses mains son fils Sigisbert, qu'il envoya régner en Austrasie sous sa conduite (633). Ainsi Sigisbert étant roi de nom et saint Pépin gouvernant en effet le royaume, l'Austrasie se trouva délivrée des grandes incursions des Barbares qu'elles souffrait auparavant. Il les réprima, les resserra dans leurs pays ; et, après la mort de Dagobert, il eût mis Sigebert en possession de tous ses Etats, si son père ne l'eût obligé, dès son vivant, de se contenter de l'Austrasie et de laisser le royaume de France à Clovis, son puîné.


Baptême de saint Sigebert par saint Amand de Troyes en présence
de Dagobert et de saint Pépin de Landen.
Chroniques françaises. Guillaume Crétin. XVIe.

Notre saint duc mourut le 21 février 640 au château de Landen, en Brabant ; l'affliction que toute l'Austrasie en conçut fut si extraordinaire, qu'elle ne le pleura pas moins que l'un de ses meilleurs rois : car sa vie était toute sainte, sa réputation sans tache, sa sagesse et sa conduite admirables ; et on pouvait le nommer, avec vérité, le protecteur des lois, le soutien des faibles, l'ennemi de la division, l'ornement de la cour, l'exemple des grands, le conducteur des rois et le père de la patrie.


Statue de saint Pépin de Landen. Louvain. Belgique.

Son corps fut d'abord déposé au lieu où il mourut, puis fut transféré au monastère de Nivelle. Au reste, il faut prendre garde de ne le point confondre avec deux autres Pépin dont le nom est célèbre dans notre histoire :
- le premier, Pépin d'Héristal, aussi maire du palais et père de Charles Martel ;
- le second, Pépin le Bref, fils du même Charles Martel, et le premier de nos rois de la seconde race.


Abbatiale Sainte-Gertrude vue du cloître. Nivelles. Brabant.

Saint Pépin de Landen, dont nous parlons, est le plus ancien des trois, et fut l'aïeul de Pépin d'Héristal par sa fille sainte Begghe, qui, ayant épousé Ansegise, fils de saint Arnoul, lui donna ce fils pour le bien de la France et le soutien de cette grande et illustre monarchie qui vécut aussi longtemps qu'elle fut le soutien fidèle de notre sainte mère l'Eglise.


Saint Amand bénissant donnant le voile à
Ideburge veuve de saint Pépin. Vie de saint Amand. XIIe.

Il reste à remarquer que la maison de saint Pépin n'était qu'une compagnie de Saints et de Saintes : car sa femme, nommée Itte, ou Ideburge, soeur de saint Modoald, archevêque de Trèves, après avoir vécu saintement dans le mariage, à l'exemple de son mari, ne s'occupa, quand elle fut veuve, qu'à pratiquer toutes sortes de bonnes oeuvres ; et elle reçut enfin, des mains de saint Amand, le voile sacré de religieuse dans le célèbre monastère de Nivelle, qu'elle avait elle-même fait bâtir. Elle y passa le reste de ses jours dans une si grande perfection, qu'elle offrait à toutes les religieuses qui y demeuraient un rare exemple de vertu.


Sainte Wautrude et sainte Gertrude.
Livre d'images de Madame Marie. Hainaut. XIIIe.

L'aînée des filles de saint Pépin et d'Ideburge, la grand et illustre sainte Gertrude, abbesse du même monastère de Nivelle, fut si éminente en sainteté, qu'on peut la considérer comme une des plus belles lumières de la religion.


Sainte Gertrude de Nivelle, fille de saint Pépin. Gravure du XVIIIe.

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vendredi, 21 février 2025 | Lien permanent | Commentaires (2)

20 février. Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.

- Saint Eleuthère, évêque de Tournai et martyr. 531.

Pape : Boniface II. Roi des Francs : Thierry Ier.
 
" Qui suis-je pour aller enseigner les fils d'Israël ? Le Seigneur lui répondit : Je serai toujours avec toi !"
Exod., III, 11.
 

Saint Eleuthère. Portail de la cathédrale de Tournai.

Eleuthère, ou Lehire, selon l’ancienne appellation, vit le jour à Tournai en 454 ou 456. Serenus, son père, et Blanda, sa mère, étaient d’une noble origine et jouissaient d’une grande aisance. Serenus comptait parmi ses ancêtres Hirénée, qui fut un des premiers habitants de Tournai qui embrassa le christianisme à la voix de saint Piat, et qui donna le terrain sur lequel s’éleva dans la suite l’église de Notre-Dame.

Eleuthère avait reçu de Dieu un si heureux naturel, qu’il fit autant de progrès dans les lettres que dans la piété. Il fut élevé avec saint Médard, depuis évêque de Noyon, qui lui prédit qu’il serait un jour évêque de Tournai. La prédiction se vérifia en 486, lorsque Eleuthère, âgé de trente ans environ, fut élu pour succéder à l’évêque Théodore.

Déjà avant la mort de Théodore, la violence des païens avait obligé les principaux chrétiens de Tournai de se réfugier à Blandain, village situé à une lieue de Tournai, où les parents d’Eleuthère avaient des propriétés. Les Tournaisiens avaient beaucoup dégénéré depuis la mort de leur apôtre saint Piat. Leur foi s’éteignait de jour en jour, soit par le commerce et la violence des païens, soit par les désordres des rois francs, qui étaient encore idolâtres et qui faisaient leur résidence à Tournai.

Tel était l’état de l’église de cette ville, lorsque saint Eleuthère en fut fait évêque. Les premières années de son épiscopat furent pour lui un temps de troubles et de rudes épreuves. Son troupeau se trouvait mêlé, d’une part avec les Francs maîtres du pays et encore païens, et d’autre part avec divers hérétiques qui répandaient parmi le peuple des doctrines contraires au dogme de l’Incarnation de Jésus-Christ. Ce fut pour Eleuthère un sujet de redoubler sa vigilance pastorale et ses travaux. Il arracha un grand nombre de Francs aux superstitions du paganisme, et défendit de vive voix et par écrit le mystère de l’Incarnation contre les hérétiques.


Saint Eleuthère.

Son zèle pour gagner des âmes à Jésus-Christ le porta plus d’une fois à pénétrer secrètement dans Tournai, où il prêchait l'Evangile à des familles délaissées et à des hommes qui avaient reconnu la vanité des idoles. Telles étaient ses occupations ordinaires, quand un événement singulier, mais que Dieu fit servir au salut d’un grand nombre, vint lui rouvrir, ainsi qu’aux autres exilés, les portes de sa ville natale.

La fille du gouverneur de Tournai, païenne comme son père, avait conçu une secrète affection pour le jeune et vertueux Eleuthère, avant qu'il eût été banni avec sa famille. Jamais elle n’avait communiqué ce sentiment à personne; mais un jour elle se transporta à Blandain pour en faire l’aveu à saint Eleuthère lui-même.
 
L’Esprit de Dieu avertit son serviteur de ce danger qu’il ignorait et auquel il allait être exposé. Aussitôt donc que cette fille païenne fut en sa présence :
" Malheureuse, lui dit-il, n’avez-vous point entendu dire que Satan osa tenter le Seigneur, et que celui-ci répondit : Retire-toi ; oses-tu bien tenter ton Seigneur et ton Dieu ? A l’exemple de mon Sauveur et au nom de la sainte et indivisible Trinité, je vous commande de vous retirer et de ne plus revenir en ce lieu."
 
En entendant ces mots, la jeune tille tomba comme frappée de la foudre et expira sur-le-champ. Le gouverneur, désespéré d’une mort si imprévue, mais reconnaissant la puissance du Dieu d’Eleuthère, promit de se faire chrétien, s’il rendait la vie à sa fille. L’évêque consentit à prier pour elle, et demanda humblement à Jésus-Christ qu’il lui plût de faire ce miracle pur la conversion de tant de malheureux idolâtres. Après plusieurs jours passés dans le jeûne et la prière, il se rendit au lieu où le cadavre avait été enterré, ordonna de soulever la pierre ; puis il appela trois fois la jeune fille, lui commandant de se lever au nom de Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts.
 
Châsse de saint Eleuthère à Tournai.

Dans le même instant elle sortit du tombeau sous les yeux d’une multitude de spectateurs et demanda à recevoir le baptême. Malgré un prodige si éclatant, le père résistait encore, sans doute par la crainte qu’il avait des autres païens : c’était le motif ordinaire de ces sortes de résistances à la grâce. Une contagion subite éclata alors parmi eux et fit d’épouvantables ravages. Dans leur aveuglement, les idolâtres attribuèrent ce châtiment du ciel aux artifices de saint Eleuthère, qu’ils traitaient de magicien ; et ayant tenu conseil entre eux, ils résolurent de le faire périr.
 
La nuit venue, une troupe armée alla s’emparer de l’évêque et l’amena devant le gouverneur, qui ordonna de le battre de verges, puis de le jeter en prison. Mais l’ange de Dieu vint l’y visiter, fit tomber ses chaînes, et ouvrant la porte devant lui, le ramena à Blandain. La patience admirable et les prières du saint confesseur de la Foi apaisèrent enfin le Seigneur et attirèrent ses miséricordes sur ce peuple si longtemps rebelle. Changé subitement par un effet de la grâce, le gouverneur alla lui-même trouver saint Eleuthère et le pria de revenir à Tournai. Le Saint accueillit cette demande avec joie, et rentrant dans la ville, il en prit possession an nom de Jésus-Christ, et la régénéra presque aussitôt par le baptême de onze mille païens. Ce beau jour fut consacré par une fête solennelle qui se célèbre encore chaque année (26 décembre 496). La conversion de Clovis coïncida avec cet événement. Peu de temps après, un nouveau miracle augmenta encore l’allégresse et occasionna de nouvelles conversions : ce fut la guérison de l’aveugle Mantilius, opérée le jour de Noël.

La conversion de Clovis, en 496, ayant rendu le temps plus calme, Eleuthère en profita pour rétablir à Tournai le siège épiscopal, fixé depuis quelques années au village de Blandain. II fit trois fois le voyage de Rome pour s’éclaircir sur les moyens propres à remédier aux maux de son église. La dernière fois qu’il en revint, il rapporta les reliques de saint Etienne, premier martyr, et de sainte Marie l’Egyptienne.
 

Châsse de saint Eleuthère à Tournai.

Le retour du Saint au milieu de son troupeau excita partout la joie la plus vive. Le clergé et le peuple, sortis de la ville par la porte Nervienne, étaient allés à sa rencontre, et déjà le cortège descendait la colline du mont Sacré, aujourd’hui le mont Saint-André, lorsque, du haut de cette éminence, le vénérable évêque apparut, tenant élevées dans ses mains les précieuses reliques qu’il portait. Deux cercles de lumière se formèrent au même instant autour de lui sous les yeux du peuple, qui poussait des cris d’admiration ; puis tous se mirent en marche vers la basilique de Notre-Dame en chantant des hymnes et des cantiques. Sur la route, un grand nombre de malades ou d’estropiés furent guéris, et un muet, bien connu des habitants, recouvra l’usage de la parole.

Clovis se distingua par le succès de ses armes et par la protection qu’il accorda à la religion ; mais il souilla sa mémoire par des actes de perfidie et de violence. La légende de saint Eleuthère nous offre une protestation publique de la part du clergé contre les moyens barbares par lesquels le vainqueur de Tolbiac tacha d’étendre et de consolider sa domination. Clovis vint un jour à Tournai ; à peine arrivé, il se rendit à l’église pour remercier Dieu de ses victoires.

Eleuthère l’attendait sur le seuil :
" Seigneur roi, lui dit-il, je sais pourquoi vous venez à moi."
Etonné de ces paroles, Clovis protesta qu’il n’avait rien de particulier à dire à l’évêque.
" Ne parlez pas ainsi, Ô roi, reprit saint Eleuthère, vous avez péché et vous n’osez l’avouer."
Alors le vainqueur s’émut, ses yeux se mouillèrent de larmes, il avoua qu’il se sentait coupable et pria le pieux évêque de célébrer la messe pour lui et d’implorer du ciel le pardon de ses crimes. Eleuthère se mit en prières et y resta toute la nuit, arrosant le sol de ses pleurs.

Le lendemain, pendant qu’il célébrait la messe, et au moment où il se préparait à recevoir l’hostie sainte, une lumière éclatante se répandit dans l’église, et un ange lui apparut :
" Eleuthère, lui dit-il, serviteur de Dieu, tes prières sont exaucées."
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En même temps il lui remit un écrit où était tracé le pardon accordé aux fautes royales qu’il n’est pas permis de divulguer. Absous par la clémence divine, Clovis rendit grâces à Dieu et au saint évêque, et fit des dons considérables à l’église de Tournai. Les courageuses remontrances d’Eleuthère, le repentir public du prince, l’ange apportant du ciel le pardon des crimes politiques, sont au moins, si l’on tient à contester la certitude de ces faits, une admirable peinture des sentiments populaires de cette époque.


Baptême de Clovis. Chroniques de Burgos.
Gundisalvus de Hinojosa. XIVe.

Pour extirper les dernières racines des doctrines hérétiques qui désolaient son diocèse, Eleuthère réunit vers l’an 520 un synode, dans lequel il parait avoir prononcé un discours sur le mystère de l’Incarnation. Son zèle à maintenir le dépôt de la foi dans sa pureté lui coûta la vie. Un jour, en sortant de l’église, il fut assailli par une bande d’hérétiques qui se jetèrent sur lui et l’accablèrent de coups. Le Saint survécut peu de jours à ses blessures; sa mort arriva en 531, le 20 février, jour auquel l’Eglise honore sa mémoire.

L’illustre ami d’Eleuthère, saint Médard, évêque de Noyon, s’était empressé de venir à Tournai à la nouvelle des violences auxquelles on s’était porté contre lui. Après avoir répandu des larmes abondantes sur son corps inanimé, il se mit en devoir de lui rendre les honneurs de la sépulture.
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" Lui-même célébra les sacrés mystères, pour remercier Dieu de ce qu’il avait daigné admettre saint Eleuthère dans le séjour de la gloire."

Les cérémonies achevées, on transporta le corps dans l’église de Blandain, où il resta jusqu’à la fin du IXe siècle. A cette époque, une pieuse dame, qui habitait le lieu appelé Roubaix, eut une révélation, dans laquelle saint Eleuthère lui commanda d’aller de sa part auprès d'Heidilon, évêque de Tournai et de Noyon, pour lui dire de lever de terre son corps et de le transporter à Tournai. Cette sainte femme remplit la mission qui lui était confiée et l'évêque, avec son clergé, se hâta d’accomplir cette volonté de Ciel qui lui était manifestée.

En 1247 ces reliques furent mises dans une nouvelle châsse : la même que la cathédrale possède encore aujourd’hui. Cette châsse, ouvrage d’orfèvrerie de la plus grande délicatesse, a été faussement attribuée à saint Eloi, argentier de Dagobert.


Cathédrale Notre-Dame de Tournai.

Pendant les guerres de religion du XVIe siècle, le Chapitre de Tournai préserva de la profanation les reliques de saint Eleuthère en les enroyant à Douai (1566). Menacées à nouveau pendant la Révolution française, elles furent mises à l'abri dans une maison particulière de Tournai; elle. y restèrent jusqu’en 1801, époque à laquelle Mgr Hirn en fit la translation solennelle à la cathédrale.

On représente saint Eleuthère :
1. recevant la confession de Clovis ;
2. avec une église sur la main pour rappeler qu’il fut, sinon le fondateur, au moins le restaurateur du siège épiscopal de Tournai. II est figuré avec cet attribut par une statuette qui se voit encore aujourd'hui sur l'élégante châsse du Saint, dans la belle église romane de Notre-Dame de Tournai ;
3. avec une verge ou un fouet, symbole des fléaux que la dureté de cœur des Tournaisiens, avant leur conversion, leur attira.


Grande procession annuelle de Tournai.
Chasse contenant les reliques de saint Eleuthère.

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jeudi, 20 février 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)

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