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4 août. Saint Dominique de Guzman, confesseur, fondateur de l'Ordre des frères prêcheurs. 1221.

- Saint Dominique de Guzman, confesseur, fondateur de l'Ordre des frères prêcheurs. 1221.

Pape : Honorius III. Roi de Castille et de Tolède : Saint Ferdinand III. Roi de Léon et de Galice : Alphonse IX. Roi de France : Philippe II Auguste.

" Dominique et François d'Assise : voilà les deux astres les plus brillants de l'Eglise. Les lèvres si pures de saint Dominique ont distillé pour elle un miel précieux."
Lobbetius. De San Domenico.

Apparition de saint Pierre à saint Dominique. F. de Zurbaran. XVIIe.

À l'origine des Frères Prêcheurs, il y a Dominique de Guzman, l'homme évangélique, ainsi que le qualifie Jourdain de Saxe dans son Petit livre sur les origines de l'Ordre. Qui était-il? Pourquoi a-t-il fondé cette communauté à laquelle il a lui-même donné le nom de Frères Prêcheurs et qui, par la suite, sera désignée couramment à partir de son nom: les Dominicains ?

Saint Dominique ne nous a laissé aucun écrit où nous pourrions trouver une réponse à ces questions. Il nous faut donc questionner les chroniques qui nous parlent de lui et ce que l'histoire nous dit de son époque, le Moyen Âge. Alors se dessinent sous nos yeux les traits d'un homme qui n'aspire qu'à une seule chose: imiter Jésus Christ. Un homme, nous disent les témoins, qui ne parlait qu'avec Dieu ou de Dieu. En même temps, Dominique se révèle comme un homme solidaire d'un monde en plein bouleversement; un monde qu'il aime et veut embraser du feu de l'Évangile qui le consume lui-même. C'est au terme d'une longue recherche du dessein de Dieu, tel qu'il l'a lu dans les événements qui ont jalonné sa vie, que Dominique fonde l'Ordre des Prêcheurs.

Un monde bouleversé

Saint Dominique naît vers 1170 dans le bourg de Caleruega, en Espagne. La société médiévale dans laquelle il va vivre et oeuvrer pour l'Évangile est alors en pleine transition. Celle-ci est d'abord causée par l'une des plus importantes explosions démographiques de l'histoire, accompagnée d'un vaste mouvement d'urbanisation. Dans le système féodal les activités telles le commerce et la politique se déroulaient autour des châteaux des seigneurs ou des abbayes. Maintenant, tout cela se déplace vers les villes qui deviennent les pôles de l'activité politique et économique, alors qu'auparavant elles n'étaient que des lieux de peuplement.

Cette urbanisation fait naître, à côté de la noblesse et des clercs, une nouvelle classe sociale: la bourgeoisie. Importante par l'argent qu'elle acquiert du commerce, cette bourgeoisie marchande dirige la ville. Seigneurs locaux, souverains et gens d'Église doivent maintenant compter avec elle, parce que c'est elle qui peut fournir l'argent nécessaire au maintien des armées ou au financement des constructions.

Mais cet accroissement de la population et cette urbanisation n'apportent pas la prospérité à tous ; la pauvreté est le lot commun. La majorité des gens ne dispose que du minimum pour vivre, leur situation contrastant scandaleusement avec celle de la noblesse féodale et de la bourgeoise. De plus, les épidémies et surtout les famines frappent durement les populations; des hommes libres redeviennent des serfs pour assurer leur subsistance.

En même temps, on assiste à l'émergence d'une conscience nationale chez les Anglais, les Français, les Espagnols et les Allemands. Leurs souverains respectifs sont en train de constituer leur royaume sur cette base nationaliste.

L'Église n'échappe pas à ce mouvement de transformation. Jusque là, sa vie gravitait autour des abbayes. C'étaient presque les seuls lieux où l'on pouvait recevoir une formation intellectuelle poussée, et où l'on pouvait recruter des clercs assez instruits pour en faire des évêques.

Résurrection de Napoleone Orsini par l'intercession de
saint Dominique. Anonyme. XVIIe.

Désormais, les écoles passent des abbayes aux cathédrales, donc au centre des villes. Au début, les écoles cathédrales ne dispensent qu'un enseignement théologique pour les clercs des diocèses. Mais rapidement, elles prennent de l'expansion et s'ouvrent à un plus grand nombre pour offrir un enseignement couvrant toutes les sciences de l'époque (grammaire, rhétorique, mathématiques, philosophie) et donner naissance aux universités.

Au temps de saint Dominique, les plus célèbres sont celles de Bologne et Paris. À l'image des commerçants bourgeois qui s'organisent en corporations, relevant de l'autorité royale, les universités s'organisent en corporation relevant de l'autorité du pape.

Malgré cela, le bas clergé, curés de paroisses et chapelains, reste majoritairement sous-instruit. Généralement, ces prêtres ne savent ni lire, ni écrire car, issus de milieux pauvres, ils n'ont pu étudier. Ayant appris par coeur les textes d'une messe et l'évangile correspondant, ils les répètent inlassablement Quand ils prêchent, ce n'est pas sur l'Évangile, mais sur un sujet de morale. Paradoxalement, I'Europe est chrétienne, mais non évangélisée.

Ceux qui peuvent corriger cette situation, ce sont les évêques. Mais ils sont le plus souvent accaparés par l'administration des fiefs qui leur sont confiés par les rois. À l'origine, ces domaines leur avaient été donnés pour assurer des revenus aux diocèses. Avec le temps, ces domaines devenant parfois très importants, les évêques se voient considérés par les souverains comme des seigneurs, au même titre qu'un comte ou un baron, et ils se mettent à agir comme tels. L'Église, en fait la papauté, appuyée par quelques évêques et parfois quelques souverains, tente de corriger cette situation.

Son arme principale est la constitution de chapitres de chanoines dans les cathédrales. II s'agit de prêtres vivant en communauté autour de l'évêque dans la pauvreté. On donne à ces chapitres la Règle de saint Augustin, qui insiste beaucoup sur la vie communautaire et la pauvreté en proposant l'exemple de la vie de l'Église primitive, telle que décrite dans les Actes des Apôtres. A long terme, on espère que ces chapitres deviendront des pépinières d'évêques qui se conduiront davantage selon l'idéal évangélique que selon celui de la noblesse féodale.

Mais ce travail de correction est lent et de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer de l'Église qu'elle abandonne ses richesses et retourne à la pauvreté évangélique. Ces prédicateurs vont trouver une oreille sympathique au sein d'une population pauvre, à laquelle se joint le bas-clergé. De là vont naître les grands mouvements de retour à l'Évangile, dont le mot d'ordre est : « suivre nu le Christ nu », qui vont animer tout le XIIIe siècle. Des milliers de personnes s'attacheront à ces prédicateurs et les suivront dans leurs déplacements. Dans ces mouvements, l'orthodoxie se mêle à l'hérésie. Celle-ci n'est souvent qu'une réaction excessive devant une situation perçue comme une trahison de l'Évangile. Le plus souvent, les prédicateurs sont des laïcs ayant reçu un enseignement rudimentaire de l'Évangile. De ces mouvements de pauvreté naîtront les Ordres mendiants, tels que les Prémontrés, les Franciscains et les Dominicains.

Des écoles de Palencia au Chapitre d'Osma

C'est à cette époque de bouleversements et de renouveau qu'a vécu Dominique. Après avoir reçu un début d'instruction de l'un de ses oncles archiprêtre, il est envoyé à l'université de Palencia, la première d'Espagne, pour apprendre les arts libéraux. Mais rapidement, Dominique opte pour l'étude de la théologie. Pendant ses études, il se fait remarquer par son application, passant des nuits entières à approfondir sa connaissance de la Bible. Mais ce zèle à scruter la Parole de Dieu ne le coupe pas du monde dans lequel il vit.

Au cours d'une famine qui frappe toute l'Espagne, Dominique décide de vendre ses manuscrits et tout ce qu'il a afin de venir en aide aux pauvres. Il disait : " Je ne veux pas étudier sur des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim !" Son geste pousse de nombreux maîtres de théologie à l'imiter. La réputation de Dominique parvient bientôt à son évêque, Diègue d'Osma. Le chapitre des chanoines de sa cathédrale vient tout juste d'être réformé selon la Règle de saint Augustin. Voyant l'avantage de s'associer un tel homme pour consolider la réforme entreprise, il demande à Dominique de se faire chanoine. Celui-ci accepte, attiré par la vie de pauvreté et de prière.

Les chanoines se rendent vite compte de la valeur du nouveau venu et le choisissent comme sous-prieur, ce qui en fait le bras droit de l'évêque. On remarque son humilité, sa douceur, son attention aux autres. Il ne quitte presque jamais le cloître afin de mieux s'adonner à la prière, à la méditation de l'écriture ou de textes des Pères de l'Église. Mais, alors qu'on pourrait croire que Dominique s'est coupé des femmes et des hommes de son temps, il les porte toujours dans son coeur. Il n'a plus rien à vendre pour secourir les malheureux, mais c'est à eux qu'il pense durant les nuits où une prière intense a remplacé l'étude. Durant cette prière, il ne cesse alors de demander à Dieu une charité efficace pour travailler au salut du monde. Très souvent, ces prières s'accompagnent de larmes et de gémissements : " Seigneur, ayez pitié de votre peuple ! Que vont devenir les pécheurs ?"

La mission au Danemark

Cette sollicitude pour le salut du monde trouve bientôt à s'exercer dans des circonstances fortuites. Diègue d'Osma est chargé par le roi de Castille d'aller négocier le mariage de son fils avec une princesse du Danemark. L'évêque se met donc en route avec sa suite, dont fait partie Dominique. lls traversent le Sud de la France où sévit l'hérésie cathare. Celle-ci, profitant des mouvements de pauvreté et de retour à l'Évangile, véhicule sous un extérieur chrétien, une doctrine dualiste opposant un Dieu bon, créateur des réalités spirituelles, et un Dieu mauvais, créateur du monde matériel. Dans ce contexte, le détachement des biens de ce monde camoufle un mépris pour tout ce qui est matériel.

Passant la nuit dans une auberge, Dominique apprend que son propriétaire est un cathare. Il discute alors avec lui une partie de la nuit, si bien que l'homme se convertit. L'évêque et son sous-prieur poursuivent leur route et arrivent au Danemark. Les négociations ayant favorablement abouties, ils reviennent en Espagne en faire rapport au roi qui les renvoie chercher la fiancée. Celle-ci étant morte entre temps, Diègue fait parvenir la nouvelle au roi et va à Rome avec Dominique pour rencontrer le pape.

La prédication en Languedoc

Au Danemark, l'évêque a entendu parler des Cumans, peuple païen aux moeurs barbares. Aussi, demande-t-il au pape de le relever de la charge de son diocèse afin de pouvoir aller les évangéliser avec son sous-prieur. Le pape refuse et les renvoie chez eux.

Saint Dominique prêchant pendant la croisade
contre les Albigeois. Anonyme. XVIIe.

Sur le chemin du retour, dans le Midi de la France, Diègue et Dominique rencontrent les légats du pape chargés de prêcher l'Évangile et la foi contre les erreurs cathares. Les légats se plaignent à Diègue du peu de succès de leur mission. Celui-ci comprend vite que le succès des cathares leur vient de la rigueur et la pauvreté de la vie de leurs prédicateurs.

Aussi, il conseille aux légats de se défaire de leurs escortes et de leurs chevaux et d'aller prêcher l'Évangile à pied, n'emportant que les livres nécessaires. Diègue joint aussitôt le geste à la parole, et part prêcher avec Dominique, accompagné par les légats. Nous sommes alors en 1206. Pendant deux ans, ils vont prêcher ainsi : à pied et sans escorte, à travers tout le Languedoc. Leur prédication connaît alors un certain succès. Un groupe de femmes cathares converties, se trouvant de ce fait sans aucun moyen de subsistance, sera rassemblé par Dominique et son évêque pour former un monastère à Prouille. Ce monastère, embryon de ce qui deviendra l'Ordre des Moniales dominicaines, sert à Dominique de quartier général après la mort de Diègue. Celui-ci disparu, les légats missionnaires se dispersent.

Le début de l'Ordre des Prêcheurs

De 1208 à 1213, Dominique poursuit donc seul l'oeuvre de prédication, tout en continuant de prendre soin du monastère de Prouille. Il gagne le respect des cathares par la rigueur de sa vie, sa bonne humeur, sa pauvreté, son zèle. Sur la route, entre les villages, il marche pieds nus. Il mendie son pain et, quand on lui offre le gîte, il couche sur le sol. Lorsqu'il ne prêche pas ou n'est pas en train d'exhorter quelqu'un à la conversion, il prie et, dès qu'il est près d'une chapelle ou d'une église, il s'y rend pour célébrer l'Eucharistie ou participer à la prière liturgique.

Avec le temps, quelques hommes se joignent à lui pour travailler à l'évangélisation. La petite communauté s'installe d'abord dans une église de Fanjeaux. Puis, comme deux hommes de Toulouse se donnent à lui avec leurs biens, elle se déplace à Toulouse. Foulques, évêque de la ville, reconnaît officiellement la communauté avec son projet de prédication en 1215, et lui concède comme revenu une partie de la dîme des pauvres. Dans le même temps, Dominique confie les six frères qui vivent avec lui à un maître en théologie pour qu'il les instruise.

Foulques de Toulouse se rend à Rome pour participer au IVe Concile de Latran et Dominique l'accompagne, voulant obtenir l'approbation du pape pour un ordre qui s'appellera l'Ordre des Prêcheurs. Le pape promet l'acceptation, à la condition que Dominique et ses frères se choisissent une règle déjà existante. Revenu auprès d'eux, ils adoptent à l'unanimité la Règle de saint Augustin. Dominique repart pour Rome chercher l'approbation qui lui est alors accordée.

En 1217, Dominique disperse sa petite communauté. Il envoie fonder à Paris et à Bologne, les centres universitaires du temps, de même qu'en Espagne et à Rome. À partir de ce moment, les choses se précipitent. Au début, les frères de Dominique suscitent le scepticisme. Mais assez rapidement, leur pauvreté, leur attachement à la prière, leur prédication et leur vie évangélique, leur valent un accueil enthousiaste partout où ils sont. Par exemple, le couvent de Paris, fondé par deux ou trois frères, en compte près de cinquante à la mort de Dominique, quatre ans plus tard, sans compter ceux qui ont quitté Paris pour fonder ailleurs.

Le premier Chapitre de l'Ordre

Quant à Dominique, il va de couvent en couvent pour exhorter les frères à tenir bon. Toujours il va à pied et quête son pain. Dans les couvents il n'a ni cellule ni lit et, malgré les fatigues du voyage, il passe toujours ses nuits en prière dans l'église. En 1220, il convoque le premier chapitre général de l'Ordre à Bologne en Italie, chaque couvent devant y envoyer un certain nombre de frères. Une fois qu'ils sont réunis, Dominique leur demande de se choisir un autre supérieur, lui-même s'estimant indigne de cette charge.

Les frères refusent. Puis, ils adoptent les premières Constitutions de l'Ordre, qui règlent la vie des frères en incarnant dans des dispositions concrètes la Règle de saint Augustin. lls prennent à ce moment des décisions importantes : l'Ordre doit abandonner ses revenus et chaque couvent doit quêter sa subsistance au jour le jour. Enfin, pour mieux répondre aux besoins de l'évangélisation, l'Ordre est divisé en provinces.

La Très sainte Vierge Marie et son Divin Fils avec à ses pieds
saint François d'Assise et saint Dominique. Cimabue. XIIIe.

La mort de saint Dominique

Le chapitre terminé, Dominique reprend sa tournée des divers couvents. Il est aussi chargé par le pape d'une mission d'évangélisation dans le Nord de l'ltalie. Puis, à l'été 1221, usé par ses marches interminables et par ses veilles incessantes, il tombe malade à Bologne. Constatant la gravité de son état, il demande à se confesser et à recevoir la communion. Il se recommande ensuite aux frères présents, et leur affirme qu'il leur sera plus utile au ciel que sur terre. Puis il s'éteint pendant que les frères recommandent son âme à Dieu. Mort dans la cellule d'un autre, puisqu'il n'en avait dans aucun couvent, on l'enterre dans l'église, au pied de l'autel, revêtu de la tunique d'un autre. La sienne, estiment les frères, est en trop mauvais état: usée, épuisée... comme le pauvre qu'elle habillait.

Rq : On peut consulter le Libellus, c'est-à-dire la vie de saint Dominique racontée par son premier successeur, le bienheureux Jourdain de Saxe :
http://www.tradere.org/spiritualite/dominic/libellus/inde...

 

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vendredi, 04 août 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

4 septembre. Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

- Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis. Empereur germanique : Conrad IV.  Rois de Castille et de Léon : Saint Ferdinand III ; Alphonse X le Sage. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant.

" Omnia possum in eo qui me confortat."
" Je peux tout en celui qui me fortifie."
Philipp. IV, 13.

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Sainte Rose de Viterbe triomphant de l'hérésie gibeline.

A l'époque où Frédéric II d'Allemagne persécutait l'Eglise et s'emparait des Etats pontificaux, Dieu suscitait sainte Rose pour la défense de Viterbe, capitale du patrimoine de saint Pierre et du territoire qui appartenait au souverain pontife et pour défendre la sujétion légitime du pouvoir temporel au pouvoir spirituel.

Les noms de Jésus et Marie furent les premiers mots qui sortirent de la bouche de cette candide créature. Elle avait trois ans lorsque Dieu manifesta Sa toute-puissance en ressuscitant par son intermédiaire une de ses tantes qu'on portait au cimetière. Lorsqu'elle fut capable de marcher, elle ne sortait que pour aller à l'église ou pour distribuer aux pauvres le pain qu'on lui donnait. Un jour son père la rencontra en chemin et lui demanda d'ouvrir son tablier pour voir ce qu'elle portait. O prodige ! Des roses vermeilles apparurent à la place du pain.

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Au lieu de s'amuser comme toutes les fillettes de son âge, Rose de Viterbe passait la plus grande partie de son temps en prière devant de saintes images, les mains jointes, immobile et recueillie. A l'âge de sept ans, elle sollicita instamment la permission de vivre seule avec Dieu dans une petite chambre de la maison. La petite recluse s'y livra à une oraison ininterrompue et à des austérités effrayantes qu'elle s'imposait, disait-elle, pour apaiser la colère de Dieu. Entre autres mortifications, sainte Rose marchait toujours les pieds nus et dormait sur la terre.

Dieu lui révéla les châtiments éternels réservés aux pécheurs impénitents. Rose en fut toute bouleversée. La Très Sainte Vierge Marie lui apparut, la consola, la bénit et lui annonça que le Seigneur l'avait choisie pour convertir les pauvres pécheurs :
" Il faudra t'armer de courage, continua la Mère de Dieu, tu parcourras des villes pour exhorter les égarés et les ramener dans le chemin du salut."

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Sainte Rose de Viterbe. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Une autre vision la fit participer au drame du Calvaire ; dès lors, la soif de sauver les âmes ne la quitta plus. Sa pénitence aussi austère que précoce, réduisit le frêle corps de Rose à un tel état de faiblesse qu'on désespérait de sauver sa vie. La Très Sainte Vierge la visita de nouveau, la guérit miraculeusement et lui dit d'aller visiter l'église de St-Jean-Baptiste le lendemain, puis celle de Saint-François où elle prendrait l'habit du Tiers Ordre.

Obéissante à la voix du ciel, elle commença à parcourir les places publiques de la ville de Viterbe vêtue de l'habit de pénitence, pieds nus, un crucifix à la main, exhortant la foule à la pénitence et à la soumission au Saint-Siège. Des miracles éclatants vinrent confirmer l'autorité de sa parole.

Instruit de ce qui se passait, le gouverneur impérial de la ville de Viterbe craignit que cette enfant extraordinaire ne détruisit complètement le prestige de l'empereur Frédéric et que l'autorité du pape s'affirmât à nouveau. Il fit comparaître sainte Rose à son tribunal et menaça de la jeter en prison si elle continuait à prêcher. La servante de Dieu lui répondit :
" Je parle sur l'ordre d'un Maître plus puissant que vous, je mourrai plutôt que de Lui désobéir."

Sur les instances d'hérétiques obstinés, sainte Rose est finalement chassée de Viterbe avec toute sa famille, en plein coeur de l'hiver.

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Peu après, sainte Rose de Viterbe annonça le trépas de l'ennemi de Dieu, Frédéric II d'Allemagne. En effet, il ne tarda pas à expirer étouffé dans son lit. A cette nouvelle, les habitants de Viterbe s'empressèrent de rappeller leur petite Sainte, absente depuis dix-huit mois. Celle que tous regardaient comme la libératrice de la patrie, la consolatrice des affligés et le secours des pauvres fut reçue en triomphe dans sa ville natale, tandis que le pape Innocent IV, ramené à Rome, rentrait en possession de Viterbe.

Sa mission apostolique terminée, sainte Rose songea à réaliser son voeu le plus cher. Elle se présenta au couvent de Sainte-Marie-des-Roses, mais n'y fut pas acceptée, probablement à cause du genre de vie extraordinaire qu'elle avait menée auparavant. Rose vécut donc en recluse dans la maison paternelle, se vouant à la contemplation et aux plus rigoureuses pénitences. Plusieurs jeunes filles dont elle s'était déjà occupée la supplièrent de les prendre sous sa conduite. La demeure de la Sainte devint un véritable couvent où des âmes généreuses se livrèrent à l'exercice des plus sublimes vertus.

L'élue de Dieu avait dix-sept ans et six mois lorsque le divin jardinier vint cueillir Sa rose toute épanouie pour le ciel, le 6 mars 1252. A l'heure de son glorieux trépas, les cloches sonnèrent d'elles-mêmes. Sainte Rose de Viterbe apparut au souverain pontife pour lui demander de transporter son corps au monastère de Sainte-Marie-des-Roses, translation qui eut lieu six mois après sa mort. A cette occasion, son corps fut trouvé intact.

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Eglise Sainte-Rose-de-Viterbe. Viterbe.

Il se conserve encore, au même endroit, dans toute sa fraîcheur et sa flexibilité. D'innombrables miracles ont illustré son tombeau.

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Le corps incorrompu de sainte Rose, conservé dans l'église
Sainte-Rose-de-Viterbe à Viterbe. Sa fête donne lieu à une
grande procession chaque 4 septembre dans cette ville
dont elle est une des patronnes majeures.

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lundi, 04 septembre 2023 | Lien permanent

19 octobre. Le Bienheureux Thomas Hélye de Biville, prêtre, aumônier de saint Louis. 1257.

- Le Bienheureux Thomas Hélye de Biville, prêtre, aumônier de saint Louis. 1257.

Pape : Innocent VI. Roi de France ; Saint Louis.

" Dieu se sert des instrument les plus vils et les plus misérables selon le monde, pour accomplir son oeuvre, afin que nul homme ne se glorifie devant lui."
Bx Thomas Hélye de Biville.

Le bienheureux Thomas Hélie. Détail. Bannière de procession. France. XVIIe.

Si c'est un honneur pour cet excellent prêtre d'avoir été aumônier d'un si grand monarque, nous pouvons dire aussi que c'est un honneur pour saint Louis d'avoir fait choix d'un prêtre si sage et si pieux pour approcher de sa personne et pour prendre soin de la distribution de ses aumônes.

Il vint au monde ers l'an 1187, dans la paroisse de Biville, petit village de la Basse-Normandie, au diocèse de Coutances et Avranches, d eparents plus recommandables par leurs éminentes qualités que par leur naissance. Mathilde, la pieuse mère de cet enfant prédestiné, le plaça, dès le berceau, sous le patronnage de la très sainte Vierge Marie, et, dès qu'il put articuler quelques sons, elle lui apprit à prononcer les doux nom de Jésus et de Marie, ce qu'il faisait avec une docilité charmante.

Ses parents, remarquant en lui des dispositions précoces pour l'étude, le confèrent à des maîtres habiles, sous lesquels il fit de rapides progrès. Il n'apprenait pas pour mériter la réputation de savant, mais uniquement pour répondre aux desseins de ses parents, et remplir la loi rigoureuse et sacrée du travail ; le devoir était pour le jeune élève un de ces mots magiques qui opèrent des merveilles. Le digne fils de la pieuse Mathilde joignait à un maintien grave une expression de physionnomie pleine de candeur et de sérénité. Jamais on n'apercut en lui cette impétuosité de mouvements, cette mobilité d'impressions, cette légèreté de conduite, apanage ordinaire du jeune âge. On eût dit, en le voyant, qu'il appartenait plus au ciel qu'à la terre ; et un sentiment de respect venait se mêler à l'admiration, quand on apercevait ce doux visage au sortir de la prière, comme illuminé d'une clarté surnaturelle.

Eglise Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie.

Cependant, les études du Bienheureux une fois terminées, il songea devant Dieu à la manière d'employer utilement les connaissances qu'il avait acquises. Plusieurs carrières honorables s'ouvraient devant lui, mais elles avaient toutes un but humain : dès lors elles ne pouvaient lui offrir aucun attrait ; d'ailleurs, à l'exemple du Sauveur de monde, Thomas aimait l'enfance, la jeunesse. Il éprouvait une joir sensible à se voir entouré de ces petits, auxquels le Chrétien doit ressembler, pour obtenir le royaume des Cieux. Ce fut donc les humbles, mais utiles fnctions d'instituteur de village, que Thomas choisit de préférence à d'autres plus honorifiques et plus lucratives, afin de ses dévouer corps et âme à l'instruction de la jeunesse.

Le matin, devançant l'aurore, il s'acheminait vers le temple du Seigneur, où il restait à s'entretenir avec l'adorable Solitaire de nos autels, jusqu'au moment de commencer la classe. Le soir, il venait encore Bien-Aimé de son âme, afin de se délasser avec lui de ses fatigues du jour, et se désaltérer à cette source d'eau vive qui découle du coeur de Dieu même. La vie du Bienheureux n'avait alors rien d'austère, mais elle était si réglée et si parfaite, qu'elle excitait, non seulement l'admiration de tous ceux qui en était les heureux témoins, mais provoquait encore chez eux une pieuse émulation pour pratiquer les commandements de Notre Seigneur Jésus-Christ.

En peu d'année, le petit village de Biville fut presque transformé en une chrétienté, rappelant les premiers âges de l'Eglise. Les habitants de Cherbourg, ville située non loin de Biville, entendant parler de toutes les merveilles opérées dans cette obscure localité par le bienheureux Thomas, éprouvèrent le désir d'en être eux-mêmes les objets : en conséquences, une députation des notables de Cherbourg fut envoyée à Biville, afin de décider Thomas Hélye à venir porter le flambeau de ses lumières dans une cité si digne d'en apprécier les bienfaits. Le Bienheureux céda à leurs instances pressantes et se rendit à Cherbourg. Son principal soin fut d'inspirer la piété à ses écoliers et de leur apprendre à craindre Dieu, sans quoi la science ne peut servir qu'à rendre un homme plus inexcusable. Il commençait et finissait toutes ses actions par la prière, et dans son exercice même il avait souvent l'esprit et le coeur élevés vers Dieu, pour recevoir ses lumières et pour concevoir de nouvelles flammes de son amour.

Saint Louis. Bas-relief dans l'église Saint Pierre de Biville.
Cotentin, Normandie.

Après qu'il eut exercé quelques temps cette oeuvre de charité, il tomba très grièvement malade : ce qui lui fit quitter Cherbourg et retourner à la maison de son père. Dieu lui inspira dès lors une vie tout extraordinaire. A peine fut-il en convalescence qu'il se revêtit d'un cilice, commença à jeûner trois fois la semaine au pain d'orge et à l'eau pure, et entreprit trois Carêmes par an avec la même austérité. Il était aussi presque toujours en prières, et, comme le curé lui avait donné une clef de l'église, il y passait souvent la lus grande partie du jour et de la nuit dans ce saint exercice. L'évêque de Coutances et Avranches, son prélat, étant informé d'une conduite si sainte, l'exhorta à embrasser l'état ecclésiastique, afin de pouvoir travailler au salut des âmes, puisque plusieurs périssaient faute de bons pasteurs pour les conduire.

Thomas reçut cette exhortation comme un ordre du Ciel ; mais il pria l'évêque de lui permettre de consulter longuement le Seigneur avant de prendre une décision. L'évêque le releva avec bonté, et lui accorda le délai qu'il sollicitait avec de si touchantes instances, lui faisant toutefois promettre de venir le retrouver pour lui communiquer le parti que l'Esprit de Dieu lui aurait inspiré de prendre. Thomas, après avoir reçu la bénédiction de son évêque, le quitta pour retourner dans sa chère solitude.

Quelque temps après il reprit à pied le chemin de Coutances où le saint évêque l'accueillit avec l'effusion d'un tendre père qui reçoit un fils bien-aimé ; en apprenant de la bouche du Bienheureux tout ce qui s'était passé dans son coeur, Hugues de Morville adora en silence les desseins de Dieu sur cette âme privilégiée ; puis, il donna la tonsure à Thomas, qui reçut successivement de sa main, tout en gardant les inetrvalles prescrit par les saints canons, les Ordres mineurs, le sous-diaconnat et enfin le diaconnat. Le bon prélat ne put le décider à passer plus loin.

Le Bienheureux pria alors son évêque de lui permettre de faire auparavant le voyage de Rome et de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, et de venir ensuite faire son cours de théologie à Paris. L'évêque lui accorda aisément ce qu'il voulut. Il fit donc l'un et l'autre pèlerinage avec une dévotion singulière, et, en étant revenu en pleine santé, il demeura encore quatre ans à Paris, pour y acquérir les lumières qu'il devait ensuite répandre sur les peuples.

Le bienheureux Thomas Hélye donnant la sainte communion
à saint Louis. Imagerie populaire. XIXe.

Au bout de quatre ans il retourna dans son pays et fut promu au sacerdoce. Si jusqu'alors il avait été très austère, on peut dire qu'étant prêtre il devint cruel et impitoyable à lui-même. Il ne se couchait jamais, et, s'il dormait quelques moments, ce n'était que sur le coin d'un banc de l'église. Il prenait tous les jours très rudement la discipline, et quelque faible qu'il fût par la rigueur extrême de ses jeûnes, il ne laissait pas de se mettre le corps en sang, afin de l'assujétir parfaitement aux désirs de l'esprit. Il était presque toute la nuit en oraison mentale, goûtant à loisir les délices inestimables de la conversation avec Dieu. A la pointe du jour il disait ses Matines, avec l'office des morts, le graduel, les sept psaumes de la pénitence, et sept autre psaumes qu'il récitait avec son clerc. Il clébrait ensuite la messe avec une dévotion angélique, et quelquefois avec une telle abondance de larmes, qu'il semblait que ses yeux se dussent fondre à force de pleurer. Il avait aussi ses heures pour dire l'offfice de Notre-Dame, et il s'en acquittait de même avec tant d'attention, que le démon, ne pouvant souffrir une si grande ferveur, faisait quelquefois d'horribles bruits pour l'en distraire. Pour le reste de son temps, ille sacrifiait au secours du prochain, à annoncer la parole de Dieu, à faire le cathéchisme, à entendre les confessions, à consoler les affligés, à visiter les malades, à aider ceux qui étaient à l'agonie et à procurer le soulagement des pauvres ; et, comme si le diocèse de Coutances eût été trop petit pour satisfaire à l'ardeur de son zèle, il l'étendait à ceux d'Avranches, de Bayeux et de Lisieux. Notre Seigneur Jésus-Christ donna toujours une grande bénédiction à ses travaux ; il faisait des conversions sans nombre, et sa parole était si puissante, soit lorsqu'il montrait la malice et l'indignité du péché, soit lorsqu'il menaçait des rigueurs du jugement de Dieu, soit lorsqu'il proposait les récompenses qui sont préparées aux justes dans le Ciel, queles pécheurs les plus opiniâtres et les plus endurcis n'y pouvait nullement résister. On voyait même ses auditeurs, pendant qu'il prêchait, ou ses pénitents, lorsqu'il écoutait leur confession, verser des torrents de larmes, et on les entendait crier miséricorde, dans la crainte du jugement de Dieu, dont ils étaient pénétrés.

Le clocher de l'église Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie. XIIIe.

Le roi saint Louis, étant informé des mérites d'un si grand prédicateur, le voulut voir auprès de sa personne et l'appela à sa cour pour être son aumônier. Thomas Hélye n'osa pas d'abord résiter à un prince si sage et si pieux ; il vint le trouver et exerça quelque temps l'office dont Sa Majesté l'avait honoré ; mais, ne pouvant s'accoutumer à l'air de la cour qui, toute sainte qu'elle était, lui paraissait bien différente de l'aimable secret de sa solitude, il demanda enfin son congé pour retourner à Biville, où, dans la maison même de son père, il s'était fait une sorte d'ermitage. A son retour, son prélat le chargea de la cure de Saint-Maurice, dont il s'acquitta avec toute la vigilance et la sollicitude du bon pasteur. Cependant il ne la garda que peu de temps ; car, voulant être libre pour courir au secours des âmes qui avaient besoin d'être éclairées des lumières de l'Evangile, il s'en déchargea sur un autre ecclésiastique qu'il jugea digne de la remplir.

Peu de temps après, il tomba dans une telle langueur, qu'il ne pouvait pas se lever pour dire sa messe. Il ne cessa point néanmoins de communier tous les jours, et il le faisait avec de si grands sentiments de dévotion, qu'il semblait qu'il jouît déjà des embrasements de son Bien-Aimé dans Sa gloire.

Enfin, après avoir donné beaucoup d'autres témoignages de sa sainteté, il reçut pour la dernière fois ce pain des anges qui le remplit d'une force merveilleuse pour le voyage important de l'éternité. Il se fit lire l'Evangile de saint Jean, la Passion de Notre Seigneur Jésus-Chrit et le psaume In te, Domine, speravi ; et, lorsque son clerc fut à ces mots : " Je remets, Seigneur, monesorit entre vos mains ", il cessa de vivre sur la terre pour aller vivre éternellement dans le Ciel. Cette mort arriva un vendredi 19 octobre 1257, au château de Vauville, où l'avait surpris sa dernière maladie.

Un ancien monument le représente prêchant en présence des deux évêques de Coutances et d'Avranches. On le représente encore, tantôt les mains jointes, les yeux levés vers le Ciel ; tantôt assistant en qualité d'aumônier, à genous auprès de saint Louis, à la messe d'un des chapelains royaux.

CULTE ET RELIQUES


A la nouvelle de la mort du Bienheureux, les peuples accoururent de tous côtés, pour contempler et vénérer sa dépouille mortelle ; on déposa sur son corps des gants, des ceintures, des colliers, des anneaux, pour les conserver comme des reliques. Une foule immense assista à son convoi, qui ressemblait plutôt à une marhce triomphale qu'à une pompe funèbre.

Un incident miraculeux vint encore augmenter le saint enthousiasme dont la foule était animée, tandis que le pieux cortège s'avançait vers Biville. La dame de Vauville, qui avait une main desséchée, l'apliqua avec confiance sur la main du bienheureux Thomas Hélye et fut aussitôt guérie. Le corps de Thomas fut inhumé dans le cimetierre de Biville, ainsi qu'il l'avait demandé.

Dès sa mort, un procès en béatification fut ouvert à l'initiatibe de l'évêque Jean d'Essey.

Tombeau renfermant les saintes reliques du Bx Thomas Hélye.
Eglise Saint-Pierre de Biville. Cotentin, Normandie.

En 1261, il fut transféré dans une chapelle, construite en 1260, près de l'église paroissiale, dont elle était toutefois encore séparée en 1325. C'est là que l'archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, le visita en 1266. L'église, d'après Arthur Dumoustier, fut reconstruite dans le courant du XVIe siècle, et, alors sans doute, on fit de la chapelle le choeur actuel, au milieu duquel le curé Michel Leverrier éleva, en 1533, le monument en carreaux sculptés et peints, qui a subsisté jusqu'en 1778. Alors, Jacques Dujardin, lieutenant-colonel d'artillerie, seigneur de Biville, aidé des offrandes du curé et des paroissiens, remplaça ce tombeau, que la piété indiscrète des fidèles avait mutilé, par celui que nous voyons encore aujourd'hui et qui, malgré la tablette de marbre sur laquelle repose l'image en relief du Bienheureux, est encore bien peu digne de renfermer de si précieuses reliques.

Le saint corps y a reposé jusqu'au 13 juillet 1794. Ce trésor, si cher aux catholiques, allait être profané et dispersé par quelques terroristes et autres bêtes féroces impies et insensées, quand M. Lemarié d'Yvetot, ancien supérieur de l'hôpital de la Trinité à Paris, puis vivaire général auprès de Mgr de Talaru, évêque de Coutances, alors en exil pour la foi, conçut avecquelques catholiques fidèles et courageux, le projet d'empêcher ce honteux sacrilège.

A l'heure indiquée (22h15), tous se réunirent ; le prêtre intrépide portait sur sa poitrine la sainte Hostie, suivant la permission reçue par son évêque. Ils pénétrèrent dans l'église dévastée ; les administrateurs révolutionnaires avaient placé sur le tombeau, au lieu de la tablette de marbre, une sorte de bureau à leur usage : mais deux larges pierres superposées fermaient encore le monument. Quand elles eurent cédé aux efforts d'un des compagnons de M. Lemarié, ils apercurent avec un mélange de joie et de religieuse frayeur, les ossements du bienheureux Thomas Hélye bien conservés et rangés presque tous dans leur situation naturelle. Le confesseur de la foi les tira respectueusement du cercueil de pierre, et les déposa dans des linges blancs avec la poussière dont ils étaient entouré. Il les plaça ensuite dans un cercueil de chêne qu'il scella de son sceau, après avoir rédigé, dans la forme canonique, un procès verbal qui fut signé par ses coopérateurs, témoins irrécusables de cette édifiante translation. Le corps saint fut placé à Virandeville, sous un autel, autour duquel les catholiques persécutés se réunissaient en secret, pendant tout le temps de la révolution.

Furieux de voir leurs odieux projets ainsi déjoués, les bêtes féroces intentèrent des poursuites judiciaires, afin de connaître les auteurs de ce prétendu crime. Tous leurs efforts furent inutiles, et n'aboutirent qu'à faire emprosonner le curé schismatique comme suspect d'avoir, au moins par sa négligence, favorisé la soustraction des reliques et comme coupable d'un refus obstiné d'en nommer les auteurs.

En 1803, le 14 septembre, M. Closet, vicaire général de Mgr Rousseau, de concert avec M. Bonté, son collègue, autorisa les habitants de Virandeville, en mémoire de leur courageux dévouement, à conserver la tête du bienheureux Thomas dans leur église, conformément au désir exprimé par M. Lemarié. Le reste du corps fut rendu aux habitants de Biville, excepté quelques ossements accordés aux paroisses de Vauville, Saint-Maurice et Yvetot. Le 16 septembre, M. Leverrier, curé de Biville, après avoir assisté à l'ouverture du cercueil à Virandeville, déposait dans leur ancien tombeau les saintes reliques, en présence de plusieurs témoins et selon toutes les formes juridiques.

Par temps clair, on peut voir le phare de la Hague depuis Biville.
Le Bx Thomas de Biville en est un autre, et des plus sûrs.

La tête resta à Virandeville jusqu'en 1811. Alors, le 31 mars, Mgr Dupont, terminant une discussion très longue et très vive entre les deux paroisses, ordonna que cette relique insigne fût réunie aux autres ossement du Bienheureux, ce qui fut exécuté le jeudi 18 avril de la même année, avec toute la publicité et les formes prescrites. Le tonbeau de biville contient donc aujourd'hui les restes précieux du saint prêtre, qui sont demeurés, jusqu'au 18 octobre 1859, dans deux caisses séparées : l'une renfermant le chef, munie du sc

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jeudi, 19 octobre 2023 | Lien permanent

3 octobre. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.

- Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, vierge, carmélite. 1897.

Pape : Léon XIII. Président de la République révolutionnaire et donc anti-catholique en France : Félix Faure.

" Je comprends si bien qu’il n’y a que l’amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j’ambitionne. Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père."
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face.

Sainte Thérèse de Lisieux est de ces saints qui ont excité une admiration et un enthousiasme immédiat dès après leur mort ; acquérant une étonnante popularité dans le monde entier.

Thérèse Martin naquit à Alençon, en Normandie, de parents très chrétiens, qui regardaient leurs neuf enfants comme des présents du Ciel et les offraient au Seigneur avant leur naissance au point que chacun de leur neuf enfants (dont quatre moururent en bas âge) recurent comme premier prénom celui de Marie. Elle fut la dernière fleur de cette tige bénie qui donna quatre religieuses au Carmel de Lisieux, et elle montra, dès sa plus petite enfance, des dispositions à la piété qui faisaient présager les grandes vues de la Providence sur elle.


Monsieur Louis Martin, père de notre sainte.

Atteinte, à l'âge de neuf ans, d'une très grave maladie, elle fut guérie par la Vierge Marie, dont elle vit la statue s'animer et lui sourire auprès de son lit de douleur, avec une tendresse ineffable.

Thérèse eût voulu, dès l'âge de quinze ans, rejoindre ses trois soeurs au Carmel, mais il lui fallut attendre une année encore (1888). Sa vie devint alors une ascension continuelle vers Dieu, mais ce fut au prix des plus douloureux sacrifices toujours acceptés avec joie et amour ; car c'est à ce prix que Jésus forme les âmes qu'Il appelle à une haute sainteté.

Madame Louis Martin, née Zélie Guérin, mère de notre sainte.

Elle s'est révélée ingénument tout entière elle-même dans son Histoire d'une âme qu'elle a laissés par ordre de sa supérieure : " Jésus, comme elle l'a écrit, dormait toujours dans Sa petite nacelle ". Elle pouvait dire : " Je n'ai plus aucun désir, si ce n'est d'aimer Jésus à la folie ". C'est, en effet, sous l'aspect de l'amour infini que Dieu Se révélait en elle.

La voie de l'Amour, telle fut, en résumé, la voie de la " petite " Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face ; mais c'était en même temps la voie de l'humilité parfaite, et par là, de toutes les vertus. C'est en pratiquant les " petites vertus ", en suivant ce qu'elle appelle sa " petite Voie ", Voie d'enfance, de simplicité dans l'amour, qu'elle est parvenue en peu de temps à cette haute perfection qui a fait d'elle une digne émule de sa Mère, la grande Thérèse d'Avila.

Sa vie au Carmel pendant neuf ans seulement fut une vie cachée, toute d'amour et de sacrifice. Elle quitta la terre le 30 septembre 1897. Comme elle l'a prédit, " elle passe son Ciel à faire du bien sur la terre ".

Son procés de béatification et de cannonisation débuta en 1910 sous saint Pie X. Elle fut béatifiée le 29 avril 1923 par le Pape Pie XI qui la cannonisa le 17 mai 1925, puis la proclama Patronne des Missions le 14 décembre 1927. Le 30 septembre 1929 est posée la premiere pierre de la Basilique de Lisieux. Le 3 Mai 1944, Pie XII la proclama Patronne secondaire de la France.

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face ne fut pas et n'est pas une âme légère dont les écrits sont niais ou doucereux. Hélas, depuis quelques dizaines d'années, c'est parfois ainsi qu'elle peut être ressentie à cause des commentateurs modernes - clercs ou laïcs - qui professent (de bonne ou de mauvaise foi peu importe) une religion abrutie et anti-catholique : une fausse religion à la portée, au mieux, des caniches ou des cochons d'Inde !

Sainte Thérèse fut une âme d'élite, une âme de combattante pour la cité du Bien. C'est avec une foi de soldat du Christ qu'il faut lire notre grande Sainte.


" Comment réaliser les désirs de ma pauvre petite âme ?... Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs, j’ai la vocation d’être Apôtre... Je voudrais parcourir la terre, prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle ta Croix glorieuse, mais, Ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Evangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées... (Is. LXVI, 19.). Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles... Mais je voudrais par-dessus tout, Ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang pour Toi jusqu’à la dernière goutte... Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloîtres du Carmel... Mais là encore, je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre... Pour me satisfaire, il me les faudrait tous... Comme toi, mon Epoux Adoré, je voudrais être flagellée et crucifiée... Je voudrais mourir dépouillée comme Saint Barthélémy... Comme Saint Jean, je voudrais être plongée dans l’huile bouillante, je voudrais subir tous les supplices infligés aux martyrs... Avec Sainte Agnès et Sainte Cécile, je voudrais présenter mon cou au glaive et comme Jeanne d’Arc, ma soeur chérie, je voudrais sur le bûcher murmurer Ton nom, Ô Jésus... En songeant aux tourments qui seront le partage des chrétiens au temps de l’Antéchrist, je sens mon coeur tressaillir et je voudrais que ces tourments me soient réservés... Jésus, Jésus, si je voulais écrire tous mes désirs, il me faudrait emprunter Ton livre de vie, (Ap. XX, 12.) là sont rapportées les actions de tous les Saints et ces actions, je voudrais les avoir accomplies pour Toi... Ô mon Jésus !"


Basilique Sainte-Thérère-de-l'Enfant-Jésus-et-de-la-Sainte-Face.
Lisieux.

Prière inspirée par une image représentant sainte Jeanne d'Arc :

" Seigneur, Dieu des armées qui nous avez dit dans Votre Évangile : " Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ". Armez-moi pour la lutte, je brûle de combattre pour Votre gloire, mais je Vous en supplie, fortifiez mon courage.... Alors avec le Saint roi David je pourrai m'écrier : " C'est Vous seul qui êtes mon bouclier, c'est Vous, Seigneur, qui dressez mes mains à la guerre... "
Ô mon Bien-Aimé ! Je comprends à quel combat Vous me destinez, ce n'est point sur les champs de bataille que je lutterai........
Je suis prisonnière de Votre Amour, j'ai librement rivé la chaîne qui m'unit à Vous et me sépare à jamais du monde que Vous avez maudit.... Mon glaive n'est autre que l'Amour, avec lui je chasserai l'étranger du royaume. Je Vous ferai proclamer Roi dans les âmes qui refusent de se soumettre à Votre Divine Puissance.
Sans doute, Seigneur, un aussi faible instrument que moi ne vous est pas nécessaire, mais Jeanne votre virginale et valeureuse épouse l'a dit : " Il faut batailler pour que Dieu donne victoire ".
Ô mon Jésus, je bataillerai donc pour Votre Amour jusqu'au soir de ma vie. Puisque Vous n'avez pas voulu goûter de repos sur la terre, je veux suivre Votre exemple et j'espère ainsi que cette promesse sortie de Vos lèvres Divines se réalisera pour moi : " Si quelqu'un Me suit, en quelque lieu que Je sois il y sera aussi, et Mon Père l'élèvera en honneur ".
Être avec Vous, être en Vous, voilà mon unique désir.... Cette assurance que Vous me donnez de sa réalisation me fait supporter l'exil en attendant le radieux jour du Face à Face éternel !"

On trouvera et lira avec fruit les oeuvres complètes de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face sur le site suivant : http://www.jesusmarie.com/therese_de_lisieux.html

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vendredi, 03 novembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

4 janvier. Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

- Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.

" Il faut qu'un évêque soit sans tache, comme il convient à un dispensateur des dons de Dieu."
Ep. ad Tit.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Un saint Evêque de l'âge apostolique, un disciple du grand Paul, s'offre aujourd'hui à notre vénération. Ses actions nous sont peu connues ; mais en lui adressant une de ses Lettres inspirées, le Docteur des Gentils l'a rendu immortel. Partout où la foi du Christ a été et sera portée, Tite, ainsi que Timothée, sera connu des fidèles ; jusqu'à la fin des temps, la sainte Eglise consultera, avec un souverain respect, cette Epître adressée à un simple évêque de l'île de Crète, mais dictée par l'Esprit-Saint, et par là même destinée à faire partie du corps des Ecritures sacrées qui contiennent la pure Parole de Dieu. Les conseils et les directions que renferme cette admirable lettre, furent la règle souveraine du saint Evêque à qui Paul avait voué une si affectueuse tendresse. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans cette île fameuse où le paganisme avait un de ses principaux centres. Il survécut à son maître immolé dans Rome par le glaive de Néron ; et comme saint Jean, à Ephèse, il s'endormit paisiblement dans une heureuse vieillesse, entouré des respects de la chrétienté qu'il avait fondée. Sa vie a laissé peu de traces ; mais les quelques traits qui nous restent à son sujet donnent l'idée d'un de ces hommes de vertu supérieure que Dieu choisit au commencement, pour en faire les premières assises de son Eglise.

Tite, évêque de Crète, fut initié par les enseignements de l'Apôtre saint Paul aux mystères de la foi chrétienne ; et, préparé par les sacrements, il répandit une telle lumière de sainteté sur l'Eglise encore au berceau, qu'il mérita de prendre place entre les disciples du Docteur des Gentils. Appelé à partager le fardeau de la prédication, son ardeur à répandre l'Evangile et sa fidélité le rendirent si cher à saint Paul, que celui-ci étant venu à Troade, pour prêcher la foi dans cette ville, atteste lui-même qu'il n'y trouva pas le repos de son esprit, parce qu'il n'y rencontra pas Tite son frère. L'Apôtre, s'étant rendu peu après en Macédoine, exprime son affection pour ce disciple par ces paroles :
" Dieu qui console les humbles nous a consolés par l'arrivée de Tite."


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Envoyé à Corinthe par l'Apôtre, il sut s'acquitter de cette mission qui consistait principalement à recueillir les aumônes offertes par la piété des fidèles pour soulager la pauvreté de l'Eglise des Hébreux, avec tant de sagesse et de douceur, que non seulement il maintint les Corinthiens dans la foi du Christ, mais qu'il excita en eux des regrets accompagnés de larmes, et l'empressement le plus vif pour revoir Paul qui leur avait donné la première instruction. Après de nombreux voyages sur terre et sur mer, pour répandre la semence de la divine parole chez les nations les plus dissemblables par le langage et par la situation géographique ; après avoir supporté avec la plus grande fermeté d'âme mille soucis et mille travaux pour établir ainsi l'étendard de la Croix, il aborda à l'île de Crète avec Paul son maître. L'Apôtre le choisit pour remplir la charge d'Evêque dans l'Eglise qu'il fonda en cette île ; et il est certain que Tite y remplit ses fonctions de manière à devenir le modèle des fidèles dans les bonnes œuvres, et que, selon les conseils de son maître Paul, il brilla par la doctrine, par son intégrité et la gravité de ses mœurs.

Semblable à un flambeau, il répandit les rayons du christianisme sur ceux qui étaient assis sous les ombres de la mort, dans les ténèbres de l'idolâtrie et du mensonge. Une tradition prétend qu'il serait ensuite passé chez les Dalmates, et qu'il aurait essuyé les plus rudes fatigues pour planter la foi chez ces peuples.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Enfin, plein de jours et de mérites, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, il s'endormit dans le Seigneur, de la mort précieuse des justes, la veille des nones de janvier ; et il fut enseveli dans l'église où l'Apôtre l'avait établi ministre de la parole. Son nom couvert déloges par saint Jean Chrysostome et par saint Jérôme se lit en ce même jour au Martyrologe romain ; mais, en établissant sa fête pour être célébrée avec l'Office et la Messe dans tout le monde catholique par le clergé séculier et régulier, le souverain Pontife Pie IX l'a fixée au premier jour libre qui suit l'anniversaire de la mort du saint. Mais cette fête est plus ou moins différée, selon les lieux, par la liberté qu'a laissée le Saint-Siège de la placer au premier jour qui ne se trouve pas occupé par une autre fête. Dans la plupart des Eglises, elle n'est célébrée qu'en février.

PRIERE

" Heureux disciple du grand Paul, la sainte Eglise a voulu qu'un jour dans l'année fût employé à célébrer vos vertus et à implorer votre suffrage ; soyez propice aux fidèles qui glorifient le divin Esprit pour les dons qu'il a répandus en vous. Vous avez rempli avec zèle et constance la charge pastorale ; tous les traits que Paul énumère dans l'Epître qu'il vous a adressée comme devant former le caractère de l'Evêque, se sont trouvés réunis en votre personne ; et vous brillez sur la couronne du Christ, le Prince des Pasteurs, comme l'un de ses plus riches diamants. Souvenez-vous de l'Eglise de la terre dont vous avez soutenu les premiers pas. Depuis le jour où vous lui fûtes ravi, dix-huit siècles ont achevé leur cours. Souvent ses jours ont été mauvais ; mais elle a triomphé de tous les obstacles, et elle chemine dans la voie, recueillant les âmes et les dirigeant vers son céleste Epoux, jusqu'à l'heure où il viendra arrêter le temps, et ouvrir les portes de l'éternité.


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Tant que cette heure n'a pas sonné, nous comptons , Ô Tite , sur votre puissant suffrage ; du haut du ciel, sauvez les âmes par votre intercession, comme vous les sauviez ici-bas au moyen de vos saintes fatigues. Demandez pour nous à Jésus des Pasteurs qui vous soient semblables. Relevez la Croix dans cette île que vous aviez conquise à la vraie foi, et sur laquelle s'étendent aujourd'hui les ombres de l'infidélité et les ravages du schisme ; que par vous la chrétienté d'Orient se ranime, et qu'elle aspire enfin à l'unité, qui, seule, peut la préserver d'une dissolution complète. Exaucez, Ô Tite, les vœux du Pontife qui a voulu que votre culte s'étendît à l'univers entier, afin d'accélérer par votre suffrage les jours de paix et de miséricorde que le monde attend."

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jeudi, 04 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

14 novembre. Saint Josaphat Kuncewicz de Wladimir, archevêque de Polotsk et martyr. 1623.

- Saint Josaphat Kuncewicz de Wladimir, archevêque de Polotsk et martyr. 1623.

Papes : Grégoire XV (+ 8 juillet 1623) ; Urbain VIII. Roi de Pologne : Sigismond III.

" Plût à Dieu que je pusses être le ravisseur de toutes les âmes !"
Saint Josaphat Kuncewicz.


Josaphat Kuncewicz naquit de parents catholiques et nobles d'origine à Wladimir en Volhinie. Un jour de son enfance que sa mère lui parlait de la passion du Seigneur, il fut blessé au cœur d'un trait parti du côté de l'image de Jésus crucifié. Embrasé de l'amour divin, il se livra dès lors de telle sorte à la prière et autres œuvres pieuses, qu'il était l'exemple et l'admiration de ses compagnons plus âgés.

A vingt ans il embrassa la règle monastique dans le cloître basilien, et fit dans la perfection évangélique des progrès merveilleux. Il marchait nu-pieds dans les plus grands froids des rigoureux hivers de ces régions. L'usage de la viande lui était inconnu ; et pareillement celui du vin, sauf quand l'y contraignait l'obéissance. Il garda jusqu'à la mort sur sa chair un rude cilice. Inviolable demeura la fleur de pureté que dès l'adolescence il avait vouée à la Vierge Mère de Dieu.

Ordonné prêtre, le saint basilien se fit l'apôtre de la contrée, s'appliqua au ministère de la prédication et de la confession tout en pratiquant une exacte observance de ses Règles. Dieu avait doté saint Josaphat d'un talent particulier pour assister les condamnés à mort. Il visitait aussi les malades pauvres, lavait leurs pieds couverts d'ulcères et tâchait de procurer des remèdes et de la nourriture à ces miséreux.

La renommée de sa vertu et de sa science devint telle en peu de temps, qu'on le mit malgré sa jeunesse à la tête du monastère de Byten, et que bientôt archimandrite du couvent de la Trinité de Vilna, qui se composait surtout de jeunes religieux, et qu'il forma à la vie monastique avec une vigilance toute paternelle.

Il fut enfin, à l'âge de trente-huit ans et contre son gré, mais à la grande joie des catholiques, sacré archevêque de Polotsk à Vilna.

Cette dignité nouvelle ne changea rien à son genre de vie ; le culte divin, le salut des brebis à lui confiées eurent tout son cœur. Champion infatigable de l'unité catholique et de la vérité, il consacra ses forces à ramener schismatiques et hérétiques à la communion du Siège de saint Pierre.

Des erreurs impies, d'impudentes calomnies étaient répandues contre le Souverain Pontife et la plénitude de sa puissance ; il ne faillit jamais à la tâche de les défendre, soit par ses discours, soit en des écrits pleins de piété et de doctrine. Il revendiqua les droits épiscopaux et les biens d'Eglise que des laïques avaient usurpés.

Incroyable fut le nombre des hérétiques ramenés par lui au sein de la Mère commune. Que surtout Josaphat ait été le promoteur incomparable de l'union de l'Eglise grecque avec l'Eglise latine, c'est ce qu'attestent expressément les déclarations du pontificat suprême. En outre, c'était à restaurer la splendeur du temple de Dieu, à construire des asiles pour les vierges sacrées, à mille œuvres pies, qu'allaient comme d'eux-mêmes tous les revenus de son évêché.

Sa charité envers les malheureux était si grande qu'un jour, ne trouvant rien pour soulager la misère d'une pauvre veuve, il fit mettre en gage son omophorion ou pallium épiscopal.

Tels furent les progrès de la foi catholique, que des hommes pervers en vinrent dans leur haine contre l'athlète du Christ à conspirer sa mort ; lui-même, dans un discours à son peuple, l'avait annoncée.
Vitebsk en fut le lieu.

Pendant que le saint archevêque se trouvait à la diète de Varsovie où plusieurs évêques avaient été convoqués, un évêque schismatique s'empara de son siège à l'improviste. Saint Josaphat s'empressa de revenir vers son troupeau pour rappeler les brebis rebelles à l'obéissance. Au moment où il voulut prendre la parole, la foule excitée par les schismatiques se rua impétueusement sur lui. Il aurait été impitoyablement massacré si la force armée n'était intervenue pour le dégager des mains des insoumis.

Au matin du 12 novembre 1623, alors qu'il priait dans la chapelle du palais épiscopal de Vitebsk, la foule en furie envahit la sainte demeure.
Lui très doux cependant vint de lui-même au-devant de ceux qui le cherchaient, et leur parlant avec amour :
" Mes petits enfants, dit-il, pourquoi frappez-vous mes gens ; si vous avez quelque chose contre moi, me voici."

Deux hommes s'avancèrent alors vers lui. L'un d'eux le frappa au front avec une perche et l'autre lui asséna un coup de hallebarde qui lui fendit la tête. Enfin, deux coups de fusil lui percèrent le crâne ; il finirent par emporter son corps pour le jeter dans le fleuve. Saint Josaphat avait quarante-quatre ans lorsqu'il fut victime de ce crime sacrilège.

C'était donc le douzième jour de novembre, et l'an 1623 ; Josaphat était dans sa 44e année. Son corps, enveloppé d'une lumière miraculeuse, fut retiré du fond des eaux. Ce fut aux parricides mêmes que profita tout d'abord le sang du Martyr ; condamnés à mort, presque tous abjurèrent le schisme, en détestant leur crime.

La mort du grand évêque fut suivie d'éclatants et nombreux miracles, qui portèrent le Souverain Pontife Urbain VIII à lui décerner les honneurs des Bienheureux.

Le trois des calendes de juillet de l'an mil huit cent soixante-sept, en la solennité centenaire des Princes des Apôtres, étant présent le collège des Cardinaux avec près de cinq cents Patriarches, Métropolitains ou Evêques de tous rites assemblés de toutes les parties du monde en la basilique vaticane, Pie IX inscrivit solennellement parmi les Saints ce défenseur de l'unité de l'Eglise.

Il fut le premier des Orientaux glorifiés en cette sorte. Léon XIII, Souverain Pontife, étendit son Office et sa Messe à l'Eglise entière.

Contemporain de saint François de Sales et de saint Vincent de Paul, saint Josaphat Kuncewiez a l'allure d'un moine grec du XIe siècle, pénitent à la façon d'un ascète de la Thébaîde. Etranger à la culture intellectuelle de l'Occident, il ne connaît que les livres liturgiques et les textes sacrés à l'usage de son église; prêtre, archimandrite, réformateur de son Ordre basilien, et enfin archevêque, il combat toute sa vie contre les conséquences du schisme de Photius; et martyr, il cueille enfin dans cette lutte la palme de la victoire. Cependant la scène se passe en pleine Europe, dans des contrées soumises alors à la Pologne catholique, sous le règne du plus pieux de ses rois. Comment expliquer ce mystère ?

" Au lendemain des invasions mongoles, la Pologne reçut dans ses bras bien plus qu'elle ne conquit la nation ruthène, c'est-à-dire les Slaves du rit grec du Dnieper et delà Dwina, qui avaient formé autour de Kiew, leur métropole religieuse et leur capitale, le noyau primitif de cette puissance, appelée aujourd'hui la Russie. En faisant participer à sa vie nationale ces frères séparés, mais non pas ennemis de l'unité romaine, qui venaient à elle pleins de confiance dans sa force et dans son équité, la Pologne aurait assuré le triomphe de la cause catholique et sa propre hégémonie dans le monde slave tout entier. L'union au Pontife romain des nouveaux arrivants, qui avec plus d'esprit politique et de zèle religieux, aurait dû être conclue dès le XIVe siècle, ne fut proclamée qu'en 1595.

Ce fut l'Union de Brzesc. Par le pacte signé dans cette petite ville de Lithuanie, le métropolite de Kiew et les autres évêques grecs, sujets de la Pologne, déclaraient rentrer dans la communion du Saint-Siège apostolique. Chefs spirituels de la moitié de la nation, ils achevaient ainsi la fusion des trois peuples ruthène, lithuanien et polonais, réunis alors sous le sceptre de Sigismond III. Or une réforme religieuse, fût-elle décrétée dans un concile, ne devient une réalité que si des hommes de Dieu, de vrais apôtres et , au besoin, des martyrs apparaissent pour la consommer. Tel fut le rôle de saint Josaphat, l'apôtre et le martyr de l'Union de Brzesc. Ce qu'il ne fit pas lui-même, ses disciples l'achevèrent. Un siècle de gloire était assuré à la nation, et sa ruine politique en fut de deux cents ans retardée.

Mais la Pologne laissa dans un état d'infériorité humiliante ce clergé et ce peuple du rit gréco slave, qui s'abritaient dans son sein ; ses politiques n'admirent jamais dans la pratique que des chrétiens du rit grec pussent être de véritables catholiques, égaux à leurs frères latins. Bientôt cependant un duel à mort allait s'engager entre la Moscovie, personnifiant l'influence gréco-slave, et la Pologne latine. On sait comment cette dernière fut vaincue. Les historiens signalent les causes de sa défaite ; mais ils oublient d'ordinaire la principale, celle qui l'a rendue irrémédiable : la destruction presque totale de l'Union de Brzesc, le retour forcé au schisme de l'immense majorité des Ruthènes ramenés autrefois à l'Eglise catholique par saint Josaphat. La consommation de cette œuvre néfaste, bien plus que les circonstances politiques et les triomphes militaires, a rendu définitive la victoire de la Russie. La Pologne, réduite à ses neuf ou dix millions de Latins, ne peut plus lutter contre sa rivale d'autrefois, devenue sa rude dominatrice d'aujourd'hui.

La puissance des Slaves séparés de l'unité catholique grandit chaque jour. De jeunes nations, émancipées du joug musulman, se sont formées dans la presqu'île des Balkans ; la fidélité au rite gréco-slave, dans lequel s'identifiaient pour eux leur nationalité et le christianisme, a été la force unique qui a. empêché ces peuples d'être broyés sous les pieds des escadrons turcs ; victorieux de l'ennemi séculaire, ils ne peuvent oublier d'où leur est venu le salut : la direction morale et religieuse de ces nations ressuscitées appartient à la Russie. Profitant de ces avantages avec une habileté constante et une énergie souveraine, elle développe sans cesse son influence en Orient. Du côté de l'Asie, ses progrès sont plus prodigieux encore. Le tzar qui, à la fin du XVIIIe siècle, commandait seulement à trente millions d'hommes, en gouverne aujourd'hui cent vingt-cinq ; et par la seule progression normale d'une population exceptionnellement féconde, avant un demi-siècle, l'Empire comptera plus de deux cents millions de sujets.

Pour le malheur de la Russie et de l'Eglise, cette force est dirigée présentement par d'aveugles préjugés. Non seulement la Russie est séparée de l'unité catholique, mais l'intérêt politique et le souvenir des luttes anciennes lui font croire que sa grandeur est identifiée avec le triomphe de ce qu'elle appelle l'orthodoxie et qui est simplement le schisme photien. Pourtant, toujours dévouée et généreuse, l'Eglise romaine ouvre les bras pour recevoir sa fille égarée ; et, oubliant les affronts qu'elle en a reçus, elle réclame seulement qu'on la salue du nom de mère. Que ce mot soit prononcé, et tout un douloureux passé sera effacé.

La Russie catholique, c'est la fin de l'Islam et le triomphe définitif de la Croix sur le Bosphore, sans péril aucun pour l'Europe ; c'est l'empire chrétien d'Orient relevé avec un éclat et une puissance qu'il n'eut jamais ; c'est l'Asie évangélisée, non plus seulement par quelques prêtres pauvres et isolés, mais avec le concours d'une autorité plus forte que celle de Charlemagne. C'est enfin la grande famille slave réconciliée dans l'unité de foi et d'aspirations pour sa propre grandeur. Cette transformation sera le plus grand événement du siècle qui la verra s'accomplir et changera la face du monde.

De pareilles espérances ont-elles quelque fondement ? Quoi qu'il arrive , saint Josaphat sera toujours le patron et le modèle des futurs apôtres de l'Union en Russie et dans tout le monde gréco-slave. Par sa naissance, son éducation, ses études, toutes les allures de sa piété et toutes les habitudes de sa vie, il ressemblait plus aux moines russes d'aujourd'hui qu'aux prélats latins de son temps.

Il voulut toujours la conservation intégrale de l'antique liturgie de son Eglise, et, jusqu'à son dernier soupir, il la pratiqua avec amour sans altération, sans diminution aucune, telle que les premiers apôtres de la foi chrétienne l'avaient apportée à Kiew de Constantinople.

Puissent s'effacer les préjugés, fils de l'ignorance ; et si décrié que soit aujourd'hui son nom en Russie, saint Josaphat sera, aussitôt que connu, aimé et invoqué par les Russes eux-mêmes.

Nos frères gréco-slaves ne peuvent fermer plus longtemps l'oreille aux appels du Pontife suprême. Espérons donc qu'un jour viendra et qu'il n'est pas éloigné, dans lequel la muraille de division s'écroulera pour jamais, et le même chant d'action de grâces retentira à la fois sous le dôme de Saint-Pierre et les coupoles de Kiew et de Saint-Pétersbourg."
(Rme D. A. Guépin, Un apôtre de l'union des Egl. au XVIIe siècle, saint Josaphat ; en l'Avant-propos, passim.).

" Daignez, Seigneur, nous écouter et susciter en votre Eglise l'Esprit dont fut rempli le bienheureux Josaphat, votre Martyr et Pontife (Collecte de la fête)."

Ainsi prie aujourd'hui la Mère commune ; et l'Evangile achève de montrer son désir d'obtenir des chefs qui vous ressemblent (Johan. X, 11-16.).

Le texte sacré nous parle du faux pasteur qui fuit dès qu'il voit le loup venir ; mais l'Homélie qui l'explique dans l'Office de la nuit flétrit non moins du titre de mercenaire le gardien qui, sans fuir, laisse en silence l'ennemi faire son oeuvre à son gré dans la bergerie (Chrys. in Johan. Homil. LIX.).

PRIERE

" Ô Josaphat, préservez-nous de ces hommes, fléau du troupeau, qui ne songent qu'à se paître eux-mêmes (Ibid.). Puisse le Pasteur divin, votre modèle jusqu'à la fin (Johan. XIII, I.), jusqu'à la mort pour les brebis (Ibid. X, II.), revivre dans tous ceux qu'il daigne appeler comme Pierre en part d'un plus grand amour (Ibid. XXI, 15-17.).

Apôtre de l'unité, secondez les vues du Pontife suprême rappelant au bercail unique ses brebis dispersées (Ibid. X, 16.). Les Anges qui veillent sur la famille Slave ont applaudi à vos combats : de votre sang devaient germer d'autres héros ; les grâces méritées par son effusion soutiennent toujours l'admirable population des humbles et des pauvres de la Ruthénie, faisant échec au schisme tout-puissant ; tandis que, sur les confins de cette terre des martyrs, renaît l'espérance avec le renouvellement de l'antique Ordre basilien dont vous fûtes la gloire. Puissent-elles ces grâces déborder sur les fils des persécuteurs ; puisse l'apaisement présent préluder au plein épanouissement de la lumière, et les ramener à leur tour vers cette Rome qui a pour eux les promesses du temps comme de l'éternité !"

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mardi, 14 novembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

17 décembre. Saint Lazare de Béthanie, Ier évêque de Marseille et martyr. Ier siècle.

- Saint Lazare de Béthanie, Ier évêque de Marseille et martyr. Ier siècle.

Pape : Saint Clément Ier. Empereur romain : Domitien.

" Fortis ligatum mors tenet,
Sed fortior dilectio.
Amore victa mors fugit,
Vitamque vita contulit."

" Dans les formidables étreintes de la mort,
Lazare gémissait captif ;
Plus fort que la mort, l'amour a vaincu sa rivale,
Et une vie nouvelle, puisée à la source même de la vie est venue ranimer cette victime de la mort."
Propre de Marseille.


La résurrection de saint Lazare. Sebastiano Luciani del Piombo. XVIe.

L'Evangile renferme un grand nombre de récit pleins de grandeur et de simplicité : nous ne sachions pas qu'il en soit de plus calme et de plus puissant, de plus familier et de plus divin, que celui de la résurrection de Lazare, l'ami de Jésus.

" Il y avait un malade appelé Lazare, qui était du bourg de Béthanie, où demeuraient Marie (Marie-Madeleine) et sa soeur Marthe. C'était cette Marie qui avait répandu des parfums sur le Seigneur et qui lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux. Lazare, le malade était son frère.

Les deux soeurs envoyèrent donc vers Jésus :
" Seigneur, lui mandèrent-elles, celui que vous aimez est malade."
"Cette maladie ne va point à la mort, répondit Jésus à cette nouvelle ; mais elle advient pour la gloire de Dieu, c'est-à-dire afin que le fils de Dieu soit glorifié par son moyen."


Résurrection de saint Lazare. Fleur des histoires. Jean Mansel. XVe.

Or Jésus aimait Marthe, et Marie sa soeur, et Lazare. Et pourtant, lorsqu'il eut appris qu'il était malade, il demeura, malgré cela, encore deux jours dans le lieu où il était. Après avoir laissé écouler ce laps de temps :
" Retournons en Judée, dit-il à ses disciples.
- Maître, lui répondirent-ils, les Juifs vous cherchaient pour vous lapider, et vous voulez de nouveau aller vous mettre entre leurs mains ?"
" N'y a-t-il pas douze heures au jour ? Luer répartit Jésus. Si quelqu'un marche durant le jour, il ne trébuche point parce qu'il voit la lumière de ce monde ; mais s'il marche pendant la nuit, il trébuche, parce que la lumière n'est pas en lui."


Grandes heures d'Anne de Bretagne. Jean Bourdichon. XVe.

Puis il ajouta :
" Notre ami Lazare dort ; mais je vais pour le secouer de son sommeil."
"Seigneur, lui dirent alors les disciples, s'il dort, il sera sauvé."
Mas Jésu avait parlé de sa mort ; et ils crurent qu'il parlait du sommeil ordinaire.
Alors Jésus expliqua ouvertement :
" Lazare est mort, et je me félicite à cause de vous, de ne m'être point trouvé là-bas, afin que vous croyiez. Maintenant, allons vers lui."
Sur ce mot, Thomas, surnommé Didyme, s'adressant aux autres disciples :
" Et nous aussi allons ! Et nous aussi allons ! Afin de mourir avec lui !"

" Jésus étant arrivé, il trouva Lazare enseveli depuis quatre jours dans le tombeau. Et, comme Béthanie n'était éloignée de Jérusalem que d'environ quinze stades, beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie pour les consoler au sujet de la perte de leur frère. Marthe, dès qu'elle eût apprit que Jésus arrivait, courut au-devant de lui, cependant que Marie demeurait à la maison.
" Seigneur, dit Marthe Jésus, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait point mort ; mais je sais que, même en ce moment, tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous l'accordera."
Jésus lui répondit :
" Votre frère ressuscitera.
- Oui, je sais qu'il ressuscitera à la résurrection du dernier jour.
- Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra. Et pour toujours ne mourra point, quiconque vit et croit en moi. Croyez-vous en cela ?
- Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant qui est venu en ce monde."


La résurrection de saint Lazare. Petrus Christus. XVe.

Ayant dit ces paroles, elle s'éloigne et va appeler sa soeur :
" Le Maître est là, et il te demande, lui dit-elle tout bas."
A ces mots, Marie se lève précipitemment et va vers Jésus ; car il n'était pas encore entré dans la bourgade, et se trouvait toujours en ce même endroit où Marthe l'avait rencontré.

" Cependant, les Juifs qui étaient avec Marie dans la même maison et la consolaient, l'ayant vue se lever si vite et partir, la suivirent.
" Elle va sans doute pleurer au tombeau, dirent-ils."
A peine arrivée à l'endroit où était Jésus, Marie, l'apercevant, se précipita à ses pieds.
" Seigneur, dit-elle, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait point mort."
Jésus, la voyant pleurer, et les Juifs venus avec elle pleurer aussi, fut saisit par le frémissement de l'Esprit et se troubla lui-même.
" Où l'avez-vous déposé ?
- Venez et voyez."
Et Jésus pleura.
Les Juifs dirent alors :
" Voyez combien il l'aimait !"
" Eh quoi ! Reprenaient cependant quelques-uns d'entre eux, ne pouvait-il donc pas empêcher qu'il mourût, lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle-né ?"


La résurrection de saint Lazare. Maître de Coetivy. XVe.

" Jésus donc, frémissant à nouveau en lui-même, vint au sépulcre. C'était une caverne dont l'entrée était fermée par une pierre tumulaire. Jésus dit alors :
" Otez la pierre !
" Seigneur, lui dit Marthe, il sent déjà mauvais, car il est mort depuis quatre jours.
- Ne vous ai-je pas assuré que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ?"
Et ils otèrent la pierre.

Alors Jésus, élevant les yeux vers le ciel :
" Mon Père, je vous rends grâce de ce que vous m'avez écouté. Pour moi, je savais bien que vous m'écoutez toujours ; mais je parle ainsi à cause de ce peuple qui m'environne, afin que l'on ait foi que c'est vous qui m'avez envoyé."
Et, ayant dit ces paroles, il cria à pleine voix :
" Lazare, sors du tombeau !"
Et soudain le mort se leva et apparut. Ses pieds et ses mains étaient liés par des bandelettes, et son visage enveloppé du suaire.
" Déliez-le et laissez-le aller, dit Jésus."
Alors, plusieurs des Juifs qui étaient venus voir Marthe et Marie, et qui se trouvait témoin de ce que Jésus avait fait, crurent en lui."


La résurrection de saint Lazare. Pseudo-Monvearni. XVe.

En rappelant Lazare à la vie, Jésus voulait bien moins conserver un ami que se ménager un propagateur zélé de ses sublimes enseignements. La vocation du nouvel élu était miraculeuse, et il ne devait point y faiblir ; aussi bien la persécution est l'épreuve ordinaire des vocations élevées : elle ne manqua point à l'ami de Jésus. Dix ans environ après l'Ascension de Notre Seigneur Jésu-Christ, Lazare fut jeté par les Juifs sur un vaisseau sans voiles et sans rames, avec ses soeurs Marthe et Marie-Madeleine, avec sainte Marcelle, saint Maximin et d'autres Chrétiens.

Exposée ainsi sans ressources à la merci des flots, cette frêle embarcation devait, dans l'esprit des Juifs, sombrer à quelques pas du rivage et engloutir avec elle toutes les espérances de la troupe naissante des fidèles.

Mais les méchants furent déçus et le vaisseau qu'ils avaient voués au naufrage, conduit par la main de Celui qui avait dirigé l'Arche de Noé, aborda heureusement sur la terre hospitalière de Provence. Marseille lui ouvrit son port, et acclama Lazare son évêque.


Saint Lazare arrivant en Provence avec ses soeurs sainte Marthe
et sainte Marie-Madeleine, sainte Marcelle et saint Maximin.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Le nouvel apôtre planta sur cette terre le drapeau de la foi, et autour de cet étendard du Christ, il travailla pendant trente années entières à réunir une foule compacte de néophytes. Le paganisme s'effraya des progrès de l'Evangile, et les infidèles s'étant emparés de la personne de Lazare, le conduisirent devant le juge de la ville. Celui-ci le somma de sacrifier sur-le-champ aux idoles : s'il refusait, il lui faudrait mourir. Le vénérable vieillard répondit qu'il était serviteur de Jésus-Christ, par lequel il avait déjà été ressuscité une fois, et qu'il ne reconnaitrait jamais d'autre Dieu que lui, avec son Père, Créateur de toutes choses. Cette confession si généreuse mérita au bienheureux apôtre la palme du martyre.

On lui déchira le corps avec des peignes de fer, on jeta sur ses épaules une cuirasse de fer embrasée, on le coucha violemment, pour être rôti, sur un gril rouge de feu, sur sa poitrine on décocha plusieurs flèches qui néanmoins furent impuissantes à pénétrer les chairs ; enfin, sa tête roula sous le glaive du bourreau.


La résurrection de saint Lazare. Pierre-Paul Rubens. XVIIe.

On représente saint Lazare :
1. sortant du tombeau à la voix de Notre Seigneur Jésus-Christ ;
2. en costume épiscopal, tenant sur la main une petite bière qui rappelle sa résurrection ;
3. en groupe avec ses deux soeurs Marthe et Marie-Madeleine ;
4. abandonné sur la mer dans un vaisseau désempara.

Saint Lazare est le patron, notamment, de Marseille, d'Autun, d'Avallon et de Carcassonne.

Rq : On lira avec fruit et passion la notice consacrée à saint Lazare par Mgr Gaume dans le tome Ier  (pp 392 et suiv.) de ses " Biographies évangéliques " en téléchargeant ce monument d'érudition sur le site de la bibliothèque Saint-Libère : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=182

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dimanche, 17 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

23 décembre. Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.

- Sainte Victoire de Rome ou de Tivoli, vierge et martyre. 253.

Pape : Saint Lucius Ier. Empereurs romains (période de l'anarchie militaire) : Trébonien Galle (+353) ; Hostilien (+351) ; Volusien (+353) ; Emilien (+353). Empereurs romains (période des trente tyrans) : Valérien ; Galien.

" Il est plus beau d'imiter dans sa chair la vie des anges que d'augmenter de sa chair le nombre des mortels."
Saint Augustin.


Sainte Victoire. Eglise Sainte-Victoire. Ficcule. Italie. XIVe.

Sainte Victoire était de Tivoli, ville proche de Rome. Elle naquit de parents illustres selon le monde et encore plus par la religion chrétienne dont ils faisaient profession. Lorsqu'elle fut nubile, ils la promirent en mariage, de son consentement, à un gentilhomme nommé Eugène, qui avait de très bonnes qualités, mais était encore engagé dans les superstitions de l'idolâtrie ; car alors, la différence du culte n'était pas un empêchement au mariage. Une autre fillen nommée Anatolie, que quelques auteurs font sa soeur selon la chair, et d'autres seulement selon l'esprit, fut en même temps accordée à Tite Aurèle, seigneur romain, mais païen. Celle-ci avait fait voeu de virginité et ne voulait aucunement consentir à cette alliance qui, en la ravissant à Notre Seigneur Jésus-Christ, devaitla faire épouse d'un profane, d'un sacrilège et d'un esclave du démon.

Le seigneur Aurèle, qui avait une extrême passion pour elle, employa divers moyens pour la résoudre ; mais voyant qu'il n'en pouvait venir à bout, il pria Victoire, comme accordée à son ami Eugène, d'entreprendre cette affaire et de persuader à Anatolie de ne point différer davantage ses noces. Victoire ne put lui refuser ce service ; elle alla voir Anatolie et lui tint ce discours :
" Vous savez, ma soeur, que je suis chrétienne comme vous, et qu'en cette qualité je suis bien éloignée de vouloir vous donner uin mauvais conseil ; cependant, si vous voulez me croire, vous consentirez au plus tôt à votre mariage. Dieu n'a point condamné les noces ; nous voyons au contraire dans l'Ecriture que les Patriarches et les Prophètes, ses amis et fidèles serviteurs, ont eu des femmes et que Dieu a béni leur postérité? D'ailleurs, celui que vos parents vous ont destiné est un homme d'honneur, il ne vous accusera point comme chrétienne, il n'empêchera point que vous fassiez tous les exercices de votre religion ; il y a même espérance que, par l'amour conjugal qu'il aura pour vous, il embrassera le culte du vrai Dieu dont vous faites profession."



Sainte Victoire. Imagerie populaire. Lemercier & Basset. XIXe.

Anatolie écouta patiemment ce discours, mais Victoire s'étant tue, elle repit la parole et dit :
" Ô ma chère Victoire, triomphez de la malice du démon et soyez Victoire d'effet comme vous l'êtes de nom ! Quand il fallut peupler le monde, Dieu dit aux hommes : " Croissez, multipliez-vous et remplissez la terre " ; mais maintenant que l'univers ne manque point d'habitants, le Fils de Dieu, descendu du ciel sur la terre pour nous donner une doctrine céleste, ne cesse point de crier : " Croissez dans la foi, augmentez dans la charité et remplissez le ciel, car le royaume des cieux approche ".
Elle lui dit encore d'autres choses très pressantes, et, pour la persuader davantage, elle ajouta :
" Ma chère soeur, le jour que je distribuai aux pauvres le prix de mes joyaux, j'eus une vision dans laquelle un jeune homme m'apparut avec un diadème d'or sur la tête, vêtu de pourpre et couvert de pierres précieuses, et me dit d'un air agréable et d'un visage plein de gaieté :
" Ô virginité qui êtes toujours dans la lumière et jamais dans les ténèbres !"
A ces paroles, je m'éveillai fort triste de n'avoir pas entendu le reste et je me jetai à terre, les larmes aux yeux, priant Notre Seigneur Jésus-Christ que celui qui m'avait dit ce peu de mot continuât de m'instruire. Comme j'étais ainsi prosternée, le même jeune homme ajouta :
" La virginité est une pourpre royale qui relève celles qui en sont revêtues au-dessus de toutes les autres. La virginité est une pierre d'un prix inestimable ; la virginité est le trésor immense du Roi des rois. Les voleurs tâchent de la ravir à qui la possèdent ; conservez-là avec toute la diligence possible, et soyez d'autant plus sur vos gardes pour la conserver, que vous la possédez dans un degré plus éminent."


Fresque-mosaïque des saintes vierges et martyres, dont sainte Victoire
et sainte Anatolie. Basilique Saint-Apollinaire-la-Neuve. Ravenne. VIe.

Un discours si puissant et si pathétique toucha vivement sainte Victoire ; elle fut heureusement vaincue par celle qu'elle avait entrepris de vaincre, et, ayant pris la résolution de demeurer vierge, elle vendit, comme Anatolie, ce qu'elle avait de bagues et d'autres vains ornements et en donna tout l'argent aux pauvres.

Dès que les seigneurs Eugène et Aurèle surent la résolution de ces deux généreuses filles, ils n'épargnèrent rien pour les obliger à en venir au mariage? Ils s'adressèrent pour cela à l'empereur même : ils obtinrent la permission de les enlever et de les mener dans leur maison de campagne, pour tâcher de les gagner, ou par la douceur, ou par les menaces et même par les mauvais traitements.

Sainte Anatolie se distingua par sa constance et subit le martyre, comme nous le voyons au 9 juillet.


Sainte Victoire. Imagerie populaire. Picard imprimeur. XIXe.

Pour sainte Victoire, elle fut à l'épreuve de toutes les sollicitations et de tous les outrages d'Eugène. Il la garda quelques années dans son château, pendant lesquelles il ne lui faisait donner pour nourriture qu'un morceau de pain bis le soir. Il lui fit aussi endurer beaucoup d'autres mauvais traitements indignes de sa naissance et de sa vertu, pour la réduire à l'épouser ou à adorer les idoles, mais inutilement. Sainte Victoire demeura invincible au milieu de tant de supplices. Elle eut même l'adresse, dans le peu de liberté qu'elle avait, de gagner plusieurs épouses à Notre Seigneur Jésus-Christ, en persuadant à de jeunes demoiselles qui venaient la voir de lui consacrer leur pureté virginale.

Adelme, évêque des Saxons occidentaux, qui a composé son histoire en vers héroïques, rapportés par Surirus en ce jour, dit qu'elle en assembla jusqu'à 60 qui menaient une vie angélique et qui chantaient jours et nuits des hymnes et des psaumes à l'honneur du vrai Dieu. Il ajoute qu'elle fit plusieurs miracles, et que, entre autres, elle chassa un horrible dragon qui infectait tout ce pays, après avoir fait promettre au peuple qu'il embrasserait la religion chrétienne.


Martyre de sainte Victoire. Anonyme. Collegiale Sainte-Victoire.
Santa-Vittoria-in-Matenano. Acoli. Italie. XVIIIe.

Enfin, Eugène, lassé de sa persévérance, obtint de Julien, pontife du Capitole et comte des temples, un bourreau nommé Tiliarque pour la faire mourir. Celui-ci donna un coup d'épée dans le coeur de sainte Victoire, et en fit une glorieuse martyre de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce fut sous la persécution de Dèce, le 23 décembre 253.
Le malheureux qui lui avait donné le coup de la mort devint aussitôt lépreux, et au bout de six jours, il mourut rongé par les vers.

Le corps de sainte Victoire fut enterré où elle avait été exécutée. Sa mémoire est marquée dans les quatre martyrologes, et principalement dans celui d'Adon. Des reliques de notre Sainte sont conservées dans une magnifique châsse dans l'église Notre-Dame-des-Victoires de Rome.


Châsse et reliquaire de sainte Victoire.
Basilique Notre-Dame-des-Victoires. Rome.

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samedi, 23 décembre 2023 | Lien permanent

6 décembre. Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.

- Saint Nicolas de Patare, archevêque de Myre, en Lycie, patron des écoliers. 324.

Pape : Saint Sylvestre. Empereur romain d'Occident : Constantin Ier. Empereur romain d'Orient : Licinius.

" Au moment du danger, invoquons avec confiance le grand saint Nicolas."
Saint Bernard, Sermons.


Saint Nicolas. Icône roumaine.

Pour faire honneur au Messie Pontife, la souveraine Sagesse a multiplié les Pontifes sur la route qui conduit à lui. Deux Papes, saint Melchiade et saint Damase ; deux Docteurs, saint Pierre Chrysologue et saint Ambroise ; deux Evêques, l'amour de leur troupeau, saint Nicolas et saint Eusèbe : tels sont les glorieux Pontifes qui ont reçu la charge de préparer, par leurs suffrages, la voie du peuple fidèle vers Celui qui est le souverain Prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Nous développerons successivement leurs titres à faire partie de cette noble cour.

Aujourd'hui, l'Eglise célèbre avec joie la mémoire de l'insigne thaumaturge Nicolas, aussi fameux dans l'Orient que le grand saint Martin l'est dans l'Occident, et honoré depuis près de mille ans par l'Eglise latine. Rendons hommage au souverain pouvoir que Dieu lui avait donné sur la nature ; mais félicitons-le sur tout d'avoir été du nombre des trois cent dix-huit Evoques qui proclamèrent, à Nicée, le Verbe consubstantiel au Père. Il ne fut point scandalisé des abaissements du Fils de Dieu ; ni la bassesse de la chair que le souverain Seigneur de toutes choses revêtit au sein de la Vierge, ni l'humilité de la crèche, ne l'empêchèrent de proclamer Fils de Dieu, égal à Dieu, le fils de Marie ; c'est pourquoi il a été élevé en gloire et a reçu la charge d'obtenir, chaque année, pour le peuple chrétien, la grâce d'aller au-devant du Verbe de vie, avec une foi simple et un ardent amour.


Patras, ville natale de saint Nicolas.
Le siège de l'évêché de Myre en Lycie.

Nicolas vient de nikos, qui signifie victoire et de laos, qui veut dire peuple. Nicolas, c'est victoire du peuple, c'est-à-dire, des vices qui sont populaires et vils. Ou bien simplement victoire, parce qu'il a appris aux peuples, par sa vie et son enseignement, à vaincre les vices et les péchés. Nicolas peut venir encore de nikos, victoire et de laus, louange, comme si on disait louange victorieuse. Ou bien encore de nitor, blancheur et de laos, peuple, blancheur du peuple. Il eut en effet, dans sa personne, ce qui constitue la blancheur et la pureté ; selon saint Ambroise, la parole divine purifie, la bonne confession purifie, une bonne pensée purifie, une bonne action purifie. Les docteurs d'Argos ont écrit sa légende. D'après saint Isidore de Séville, Argos est une ville de la Grèce, d'où est venu aux Grecs le nom d'Argolides. On trouve ailleurs que le patriarche saint Méthode l’a écrite en grec. Jean la traduisit en latin et y fit des augmentations.


Naissance de saint Nicolas. Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Saint Nicolas, citoyen de Patras, dut le jour à de riches et saints parents. Son père Epiphane et sa mère Jeanne l’engendrèrent en la première fleur de leur âge et passèrent le reste de leur vie dans la continence. Le jour de sa naissance, il se tint debout dans le bain ; de plus (Honorius d'Autan) il prenait le sein une fois seulement la quatrième (mercredi) et la sixième férie (vendredi). Devenu grand, il évitait les divertissements, et préférait fréquenter les églises ; il retenait dans sa mémoire tout ce qu'il y pouvait apprendre de l’Écriture sainte.


Naissance de saint Nicolas. Legenda aurea. Bx J. de Voragine. XVe.

Après la mort de ses parents, il commença à penser quel emploi il ferait de ses grandes richesses, pour procurer la gloire de Dieu, sans avoir en vue la louange qu'il en retirerait de la part des hommes. Un de ses voisins avait trois filles vierges, et que son indigence, malgré sa noblesse, força à prostituer, afin que ce commerce infâme lui procurât de quoi vivre. Dès que le saint eut découvert ce crime, il l’eut en horreur, mit dans un linge une somme d'or qu'il jeta, en cachette, la nuit par une fenêtre dans la maison du voisin et se retira. Cet homme à son lever trouva cet or, remercia Dieu et maria son aînée. Quelque temps après, ce serviteur de Dieu en fit encore autant. Le voisin, qui trouvait toujours de l’or, était extasié du fait ; alors il prit le parti de veiller pour découvrir quel était celui qui venait ainsi à son aide. Peu de jours après, Nicolas doubla la somme d'or et la jeta chez son voisin. Le bruit fait lever celui-ci, et poursuivre Nicolas qui s'enfuyait ; alors il lui cria :
" Arrêtez, ne vous dérobez pas à mes regards."
Et en courant le plus vite possible, il reconnut Nicolas ; de suite il se jette à terre, veut embrasser ses pieds. Nicolas l’en empêche et exige de lui qu'il taira son action tant qu'il vivrait.

L'évêque de Myre vint à mourir sur ces entrefaites ; les évêques s'assemblèrent pour pourvoir à cette église. Parmi eux se trouvait un évêque de grande autorité, et l’élection dépendait de lui. Les ayant avertis tous de se livrer au jeûne et à la prière, cette nuit-là même il entendit une voix qui lui disait de rester le matin en observation à la porte; celui qu'il verrait entrer le premier, dans l’église, et qui s'appellerait Nicolas, serait l’évêque qu'il devait sacrer. Il communiqua cette révélation à ses autres collègues, et leur recommanda de prier, tandis que lui veillerait à la porte. Ô prodige ! A l’heure de matines, comme s'il était conduit par la main de Dieu, le premier qui se présente à l’église, c'est Nicolas.
L'évêque l’arrêtant :
" Comment t'appelles-tu, lui dit-il ?"
Et lui ; qui avait la simplicité d'une colombe, le salue et lui dit :
" Nicolas, le serviteur de votre sainteté."
On le conduit dans l’église, et malgré toutes ses résistances, on le place sur le siège épiscopal. Pour lui, il pratique, comme auparavant, l’humilité et la gravité de moeurs en toutes ses oeuvres ; il passait ses veilles dans la prière, mortifiait sa chair, fuyait la compagnie des femmes; il accueillait tout le monde avec bonté ; sa parole avait de la force, ses exhortations étaient animées, et ses réprimandes sévères. On dit aussi, sur la foi d'une chronique, que Nicolas assista au concile de Nicée.


Saint Nicolas et le prieur sévère. Speculum historiale.
V. de Beauvais. XVe.

Un jour que des matelots étaient en péril, et, que, les yeux pleins de larmes, ils disaient :
" Nicolas, serviteur de Dieu, si ce que nous avons appris de vous est vrai, faites que nous en ressentions l’effet."
Aussitôt, leur apparut quelqu'un qui ressemblait au saint :
" Me voici, dit-il ; car vous m’avez appelé."
Et il se mit à les aider dans la manoeuvre du bâtiment, soit aux antennes, soit aux cordages, et la tempête cessa aussitôt. Les matelots vinrent à l’église de Nicolas, où, sans qu'on le leur indiquât, ils le reconnurent, quoique jamais ils ne l’eussent vu. Alors ils rendirent grâces à Dieu et à lui de leur délivrance : mais le saint l’attribua à la divine miséricorde et à leur foi, et non à ses mérites.

Toute la province où habitait saint Nicolas eut à subir une si cruelle famine, que personne ne pouvait se procurer aucun aliment. Or l’homme de Dieu apprit que des navires chargés de froment étaient mouillés dans le port. Il y va tout aussitôt prier les matelots de venir au secours du peuple qui mourait de faim, en donnant, pour le moins, cent muids de blé par chaque vaisseau.
" Nous n'oserions, père, répondirent-ils, car il a été mesuré à Alexandrie, et nous avons ordre de le transporter dans les greniers de l’empereur."
Le saint reprit :
" Faites pourtant ce que je vous dis, et je vous promets que, par la puissance de Dieu, vous n'aurez aucun déchet devant le commissaire du roi."

Ils le firent et la quantité qu'ils avaient reçue à Alexandrie, ils la rendirent aux employés de l’empereur; alors ils publièrent le miracle, et ils louèrent Dieu qui' avait été glorifié ainsi dans son serviteur. Quant au froment, l’homme de Dieu le distribua selon les besoins de chacun, de telle sorte que, par l’effet d'un miracle, il y en eut assez pendant deux ans, non seulement pour la nourriture, mais encore pour les semailles. Or, ce pays était idolâtre, et honorait particulièrement l’image de l’infâme Diane : jusqu'au temps de l’homme de Dieu, quelques hommes grossiers suivaient des pratiques exécrables et accomplissaient certains rites païens sous 'un arbre consacré à la Déesse ; mais Nicolas abolit ces pratiques dans tout le pays et fit couper l’arbre lui-même.


Antiphonaire à l'usage de Santa Annunziata d'Orbatello de Florence.
XIVe.

L'antique ennemi, irrité pour cela contre lui, composa une huile dont la propriété contre nature était de brûler dans l’eau et sur les pierres ; le démon, prenant la figure d'une religieuse, se présenta à des pèlerins qui voyageaient par eau pour aller trouver saint Nicolas et leur dit :
" J'aurais préféré aller avec vous chez le saint de Dieu, mais je ne le puis. Aussi vous priai-je d'offrir cette huile à son église, et, en mémoire de moi, d'en oindre toutes les murailles de sa demeure."
Aussitôt il disparut. Et voici que les pèlerins aperçoivent une mitre nacelle chargée de personnes respectables, au milieu desquelles se trouvait un homme tout à fait ressemblant à saint Nicolas, qui leur dit :
" Hélas ! que vous a dit cette femme, et qu'a-t-elle apporté ?"
On lui raconta tout de point en point.
" C'est l’impudique Diane, leur dit-il ; et pour vous prouver la vérité de mes paroles, jetez cette huile dans la mer." A peine l’eurent-ils jetée, qu'un grand feu s'alluma sur l’eau, et, contre nature, ils le virent longtemps brûler. Quand ils furent arrivés auprès du serviteur de Dieu, ils lui dirent :
" C'est vraiment vous qui nous avez apparu sur la mer, et qui nous avez délivrés des embûches du diable."

Dans le même temps, une nation se révolta contre l’empire romain ; l’empereur envoya contre elle trois princes, Népotien, Ursus et Apilion. Un vent défavorable les fit aborder au port adriatique, et le bienheureux Nicolas les invita à sa table, voulant par là préserver son pays des rapines qu'ils exerçaient dans les marchés.
Or un jour, pendant l’absence du saint évêque, le consul corrompu par argent avait condamné trois soldats innocents à être décapités. Dès que l’homme de Dieu en fut informé, il pria ces princes de se rendre en toute hâte avec lui sur le lieu de l’exécution: à leur arrivée, ils trouvèrent les condamnés le genou fléchi, la figure couverte d'un voile et le bourreau brandissant déjà son épée sur leurs têtes.


Heures de Marguerite d'Orléans. Anonyme. XVe.

Mais Nicolas, enflammé de zèle, se jeta avec audace sur le licteur, fit sauter au loin son épée de ses mains, délia ces innocents et les emmena avec lui sains et saufs ; de là, il court au prétoire du consul et en brise les portes fermées. Bientôt le consul arrive et le salue. Le saint n'en tient compte et lui dit :
" Ennemi de Dieu, prévaricateur de la loi, quelle est ta présomption d'oser lever les yeux sur nous, alors que tu es coupable d'un si grand crime." Quand il l’eut repris durement, à la prière des chefs, il l’admit cependant a la pénitence. Après donc avoir reçu sa bénédiction, les envoyés de l’empereur continuent leur route et soumettent les révoltés sans répandre de sang.

A leur retour, ils furent reçus par l’empereur avec magnificence. Or quelques-uns, jaloux de leurs succès, suggérèrent par prière, et par argent, au préfet de l’empereur, de les accuser auprès de lui du crime de lèse-majesté. L'empereur circonvenu, et enflammé de colère, les fit emprisonner et sans aucun interrogatoire, il ordonna qu'on les tuât cette nuit-là même. Informés de leur condamnation par le geôlier, ils déchirèrent leurs vêtements et se mirent à gémir avec amertume. Alors l’un deux, c'était Népotien, se rappelant que le bienheureux Nicolas avait délivré trois innocents, exhorta les autres à réclamer sa protection.

Par la vertu de ces prières, saint Nicolas apparut cette nuit-là à l’empereur Constantin et lui dit :
" Pourquoi avoir fait saisir ces princes si injustement et avoir condamné à mort des innocents ? Levez-vous de suite, et faites-les relâcher tout aussitôt ; ou bien je prie Dieu qu'il vous suscite une guerre dans laquelle vous succomberez et deviendrez la pâture des bêtes.
- Qui es-tu, s'écria l’empereur, pour pénétrer la nuit dans mon palais et m’oser parler ainsi ?
- Je suis, répliqua-t-il, Nicolas, évêque de la ville de Myre."
Il effraya aussi de la même manière le préfet dans une vision.
" Insensé, lui dit-il, pourquoi as-tu consenti à la mort de ces innocents ? Va vite et tâche de les délivrer, sinon ton corps fourmillera de vers et ta maison va être détruite.
- Qui es-tu, répondit-il, pour nous menacer de si grands malheurs ?
- Sache, lui répondit-il, que je suis Nicolas, évêque de Myre."
Et ils s'éveillent l’un et l’autre, se racontent mutuellement leur songe, et envoient de suite vers les prisonniers. L'empereur leur dit donc :
" Quels arts magiques connaissez-vous, pour nous avoir soumis à de pareilles illusions en songes ?"
Ils répondirent qu'ils n'étaient pas magiciens, et qu'ils n'avaient pas mérité d'être condamnés à mort.
" Connaissez-vous, leur dit l’empereur, un homme qui s'appelle Nicolas ?"
En entendant ce nom, ils levèrent les mains au ciel, en priant Dieu de les délivrer, par les mérites de saint Nicolas, du péril qui les menaçait. Et après que l’empereur leur eut entendu raconter toute sa vie et ses miracles :
" Allez, dit-il, et remerciez Dieu qui vous a délivrés par ses prières ; mais portez-lui quelques-uns de nos joyaux, de notre part, eu le conjurant de ne plus m’adresser de menaces, mais de prier le Seigneur' pour moi et pour mon royaume."
Peu de jours après, ces hommes se prosternèrent aux pieds du serviteur de Dieu, et lui dirent : " Vraiment vous êtes le serviteur, le véritable adorateur et l’ami du Christ ". Quand ils lui eurent raconté en détail ce qui venait de se passer, il leva les yeux au ciel, rendit de très grandes actions de grâces à Dieu. Or après avoir bien instruit ces princes, il les renvoya en leur pays.


Miracle des trois enfants. Grandes heures d'Anne de Bretagne.
Jean Bourdichon. XVIe.

Quand le Seigneur voulut enlever le saint de dessus la terre, Nicolas le pria de lui envoyer, des anges; et en inclinant la tète, il eu vit venir vers lui : et après avoir dit le Psaume In te, Domine, speravi, jusqu'à ces mots : In manus tuas, etc., il rendit l’esprit, l’an de Notre Seigneur Jésus-Christ 343. Au même moment, on entendit la mélodie des esprits célestes. On l’ensevelit dans' un tombeau de marbré ; de son chef jaillit une fontaine d'huile et de ses pieds une source d'eau ; et jusqu'aujourd'hui, de tous ses membres, il sort une huile sainte qui guérit beaucoup de personnes.

Il eut pour successeur un homme de bien qui cependant fut chassé de son siège par des envieux. Pendant son exil, l’huile cessa de couler; mais quand il fut rappelé elle reprit son cours. Longtemps après les Turcs détruisirent la ville de Myre ; or, quarante-sept soldats de Bari y étant venus, et quatre moines leur ayant montré le tombeau de saint Nicolas, ils l’ouvrirent, et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile ; ils les emportèrent avec respect dans la ville de Bari, l’an du Seigneur 1087.

Un homme avait emprunté à un juif une somme d'argent, et avait juré sur l’autel de saint Nicolas, car il ne pouvait avoir d'autre caution, qu'il rendrait cet argent le plus tôt qu'il pourrait. Comme il le gardait longtemps,

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mercredi, 06 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

7 décembre. Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.

- Saint Ambroise, archevêque de Milan, docteur de l'Eglise. 397.

Pape : Saint Sirice. Empereur romain : Théodose Ier (+395). Empereur romain d'Occident : Flavius Honorius. Empereur romain d'Orient : Flavius Arcadius.

" Ecce examen apum in ore leonis erat, ac favus mellis."
" On eût dit un lion redoutable, mais généreux, dont la bouche éloquente distillait le miel le plus exquis, tout en confondant d'une voix foufroyante l'impiété des méchants."
Judic., XIV, 8.


Maître de Burgo de Osma. XVe.

Cet illustre Pontife figure dignement sur le Cycle catholique, à côté du grand Evoque de Myre. Celui-ci a confessé, à Nicée, la divinité du Rédempteur des hommes ; celui-là, dans Milan, a été en butte à toute la fureur des Ariens, et par son courage invincible, il a triomphé des ennemis du Christ. Qu'il unisse donc sa voix de Docteur à celle de saint Pierre Chrysologue, et qu'il nous annonce les grandeurs et les abaissements du Messie. Mais telle est en particulier la gloire d'Ambroise, comme Docteur, que si. entre les brillantes lumières de l'Eglise latine, quatre illustres Maîtres de la Doctrine marchent en tête du cortège des divins interprètes de la Foi, le glorieux Pontife de Milan complète, avec Grégoire, Augustin et Jérôme, ce nombre mystique.

Ambroise doit l'honneur d'occuper sur le Cycle une si noble place en ces jours, à l'antique coutume de l'Eglise qui, aux premiers siècles, excluait du Carême les fêtes des Saints. Le jour de sa sortie de ce monde et de son entrée au ciel fut le quatre Avril ; or, l'anniversaire de cet heureux trépas se rencontre, la plupart du temps, dans le cours de la sainte Quarantaine : on fut donc contraint de faire choix d'un autre jour dans l'année, et le sept Décembre, anniversaire de l'Ordination épiscopale d'Ambroise, se recommandait de lui-même pour recevoir la fête annuelle du saint Docteur.

Au reste, le souvenir d'Ambroise est un des plus doux parfums dont pût être embaumée la route qui conduit à Bethléhem. Quelle plus glorieuse, ci en même temps quelle plus charmante mémoire que celle de ce saint et aimable Evêque, en qui la force du lion s'unit à la douceur de la colombe ? En vain les siècles ont passé sur cette mémoire : ils n'ont fait que la rendre plus vive et plus chère.


Bréviaire à l'usage de Besançon. XVe.

Comment pourrait-on oublier ce jeune gouverneur de la Ligurie et de l'Emilie, si sage, si lettré, qui fait son entrée à Milan, encore simple catéchumène, et se voit tout à coup élevé, aux acclamations du peuple fidèle, sur le trône épiscopal de celte grande ville ? Et ces beaux présages de son éloquence enchanteresse, dans l'essaim d'abeilles qui, lorsqu'il dormait un jour, encore enfant, sur les gazons du jardin paternel, l'entoura et pénétra jusque dans sa bouche, comme pour annoncer la douceur de sa parole ! et cette gravité prophétique avec laquelle l'aimable adolescent présentait sa main à baiser à sa mère et à sa sœur, parce que, disait-il, cette main serait un jour celle d'un Evêque !

Mais quels combats attendaient le néophyte de Milan, sitôt régénéré dans l'eau baptismale, sitôt consacré prêtre et pontife ! Il lui fallait se livrer sans retard à l'étude assidue des saintes lettres, pour accourir docteur à la défense de l'Eglise attaquée dans son dogme fondamental par la fausse science des Ariens ; et telle fut en peu de temps la plénitude et la sûreté de sa doctrine que, non seulement elle opposa un mur d'airain aux progrès de l'erreur contemporaine, mais encore que les livres écrits par Ambroise mériteront d'être signalés par l'Eglise, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des arsenaux de la vérité.

Mais l'arène de la controverse n'était pas la seule où dût descendre le nouveau docteur ; sa vie devait être menacée plus d'une fois par les sectateurs de l'hérésie qu'il avait confondue. Quel sublime spectacle que celui de cet Evêque bloqua dans son église par les troupes de l'impératrice Justine, et gardé au dedans, nuit et jour, par son peuple ! Quel pasteur ! Quel troupeau ! Une vie dépensée tout entière pour la cité et la province avait valu à Ambroise cette fidélité et cette confiance de la part de son peuple. Par son zèle, son dévouement, son constant oubli de lui-même, il était l'image du Christ qu'il annonçait.


Hexaemeron. Ardennes. XIIe.

Au milieu des périls qui l'environnent, sa grande âme demeure calme et tranquille. C'est ce moment même qu'il choisit pour instituer, dans l'Eglise de Milan, le chant alternatif des Psaumes. Jusqu'alors la voix seule du lecteur faisait entendre du haut d'un ambon le divin Cantique ; il n'a fallu qu'un moment pour organiser en deux chœurs l'assistance, ravie de pouvoir désormais prêter sa voix aux chants inspirés du royal Prophète. Née ainsi au fort de la tempête, au milieu d'un siège héroïque, la psalmodie alternative est désormais acquise aux peuples fidèles de l'Occident.

Rome adoptera l'institution d'Ambroise, et cette institution accompagnera l'Eglise jusqu'à la fin des siècles. Durant ces heures de lutte, le grand Evêque a encore un don à faire à ces fidèles catholiques qui lui ont fait un rempart de leurs corps. Il est poète, et souvent il a chanté dans des vers pleins de douceur et de majesté les grandeurs du Dieu des chrétiens et les mystères du salut de l'homme. Il livre à son peuple dévoué ces nobles hymnes qui n'étaient pas destinées à un usage public, et bientôt les basiliques de Milan retentissent de leur mélodie. Elles s'étendront plus tard à l'Eglise latine tout entière ; à l'honneur du saint Evêque qui ouvrit ainsi une des plus riches sources de la sainte Liturgie, on appellera longtemps un Ambrosien ce que, dans la suite, on a désigné sous le nom d'Hymne, et l'Eglise romaine acceptera dans ses Offices ce nouveau mode de varier la louange divine, et de fournir à l'Epouse du Christ un moyen de plus d'épancher les sentiments qui l'animent.

Ainsi donc, notre chant alternatif des Psaumes, nos Hymnes elles-mêmes sont autant de trophées de la victoire d'Ambroise. Il avait été suscité de Dieu, non seulement pour son temps, mais pour les âges futurs. C'est ainsi que l'Esprit-Saint lui donna le sentiment du droit chrétien avec la mission de le soutenir, dès cette époque où le paganisme abattu respirait encore, où le césarisme en décadence conservait encore trop d'instincts de son passé.
Ambroise veillait appuyé sur l'Evangile. Il n'entendait pas que l'autorité impériale pût à volonté livrer aux Ariens, pour le bien de la paix, une basilique où s'étaient réunis les catholiques. Pour défendre l'héritage de l'Eglise, il était prêt à verser son sang. Des courtisans osèrent l'accuser de tyrannie auprès du prince. Il répondit :
" Non ; les évêques ne sont pas des tyrans, mais c'est de la part des tyrans qu'ils ont eu souvent à souffrir."
L'eunuque Calligone, chambellan de Valentinien II, osa dire à Ambroise :
" Comment, moi vivant, tu oses mépriser Valentinien ! Je te trancherai la tête.
- Que Dieu te le permette ! répondit Ambroise : je souffrirai alors ce que souffrent les évêques ; et toi tu auras a fait ce que savent faire les eunuques."


Saint Augustin, saint Grégoire, saint Jérôme et
saint Ambroise. Pier Francesco Sacchi. XVIe.

Cette noble constance dans la défense des droits de l'Eglise avait paru avec plus d'éclat encore, lorsque le Sénat romain, ou plutôt la minorité du Sénat restée païenne, tenta, à l'instigation du Préfet de Rome Symmaque, d'obtenir le rétablissement de l'autel de la Victoire au Capitole, sous le vain prétexte d'opposer un remède aux désastres de l'empire. Ambroise qui disait : " Je déteste la religion des Nérons ", s'opposa comme un lion à cette prétention du polythéisme aux abois. Dans d'éloquents mémoires à Valentinien, il protesta contre une tentative qui avait pour but d'amener un prince chrétien à reconnaître des droits à l'erreur, et de faire reculer les conquêtes du Christ, seul maître des peuples. Valentinien se rendit aux vigoureuses remontrances de l'Evêque qui lui avait appris " qu'un empereur chrétien ne devait savoir respecter que l'autel du Christ ", et ce prince répondit aux sénateurs païens qu'il aimait Rome comme sa mère, mais qu'il devait obéir à Dieu comme à l'auteur de son salut.

On peut croire que si les décrets divins n'eussent irrévocablement condamné l'empire à périr, des influences comme celles d'Ambroise, exercées sur des princes d'un cœur droit, l'auraient préservé de la ruine. Sa maxime était ferme ; mais elle ne devait être appliquée que dans les sociétés nouvelles qui surgirent après la chute de l'empire, et que le Christianisme constitua à son gré. Il disait donc :
" Il n'est pas de titre plus honorable pour un Empereur que celui de Fils de l'Eglise. L'Empereur est dans l'Eglise ; il n'est pas au-dessus d'elle."

Quoi de plus touchant que le patronage exercé avec tant de sollicitude par Ambroise sur le jeune Empereur Gratien, dont le trépas lui fit répandre tant de larmes ! Et Théodose, cette sublime ébauche du prince chrétien, Théodose, en faveur duquel Dieu retarda la chute de l'Empire, accordant constamment la victoire à ses armes, avec quelle tendresse ne fut-il pas aimé de l'évêque de Milan ? Un jour, il est vrai, le César païen sembla reparaître dans ce fils de l'Eglise ; mais Ambroise, par une sévérité aussi inflexible qu'était profond son attachement pour le coupable, rendit son Théodose à lui-même et à Dieu.
" Oui, dit le saint Evêque, dans l'éloge funèbre d'un si grand prince, j’ai aimé cet homme qui préféra à ses flatteurs celui qui le réprimandait. Il jeta à terre tous les insignes de la dignité impériale, il pleura publiquement dans l'Eglise le péché dans lequel on l'avait perfidement entraîné, il en implora le pardon avec larmes et gémissements. De simples particuliers se laissent détourner par la honte, et un Empereur n'a pas rougi d'accomplir la pénitence publique ; et désormais, pas un seul jour ne s'écoula pour lui sans qu'il eût déploré sa faute."
Qu'ils sont beaux dans le même amour de la justice, ce César et cet Evêque ! le César soutient l'Empire prêt à crouler, et l'Evêque soutient le César.


Les abeilles se penchent sur saint Ambroise nouveau né.
Legenda aura. Bx J. de Voragine. Richard de Montbaston. XIVe.

Mais que l'on ne croie pas qu'Ambroise n'aspire qu'aux choses élevées et retentissantes. Il sait être le pasteur attentif aux moindres besoins des brebis de son troupeau. Nous avons sa vie intime écrite par son diacre Paulin. Ce témoin nous révèle qu'Ambroise, lorsqu'il recevait la confession des pécheurs, versait tant de larmes qu'il entraînait à pleurer avec lui celui qui était venu découvrir sa faute. " Il semblait, dit le biographe, qu'il fût tombé lui-même avec celui qui avait failli."
On sait avec quel touchant et paternel intérêt il accueillit Augustin captif encore dans les liens de l'erreur et des passions ; et qui voudra connaître Ambroise, peut lire dans les Confessions de l'évêque d'Hippone les épanchements de son admiration et de sa reconnaissance. Déjà Ambroise avait accueilli Monique, la mère affligée d'Augustin ; il l'avait consolée et fortifiée par l'espérance du retour de son fils. Le jour si ardemment désiré arriva; et ce fut la main d'Ambroise qui plongea dans les eaux purifiantes du baptême celui qui devait être le prince des Docteurs.

Un cœur aussi fidèle à ses affections ne pouvait manquer de se répandre sur ceux que les liens du sang lui avaient attachés. On sait l'amitié qui unit Ambroise à son frère Satyre, dont il a raconté les vertus avec l'accent d'une si émouvante tendresse dans le double éloge funèbre qu'il lui consacra. Marcelline sa sœur ne fut pas moins chère à Ambroise. Dès sa première jeunesse, la noble patricienne avait dédaigné le monde et ses pompes. Sous le voile de la virginité qu'elle avait reçu da mains du pape Libère, elle habitait Rome au sein de la famille.


Ecclésiastiques dont saint Ambroise s'opposant à des hérésiarques.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

Mais l'affection d'Ambroise ne connaissait pas de distances ; ses lettres allaient chercher la servante de Dieu dans son mystérieux asile. Il n'ignorait pas quel zèle elle nourrissait pour l'Eglise, avec quelle ardeur elle s'associait à toute les œuvres de son frère, et plusieurs des lettre qu'il lui adressait nous ont été conservées. On es ému en lisant seulement la suscription de ces épîtres : " Le frère à la sœur ", ou encore : " A Marcelline ma sœur, plus chère à moi que mes yeux et ma vie ". Le texte de la lettre vient ensuite, rapide, animé, comme les luttes qu'il retrace. Il en est une qui fut écrite dans les heures même où grondait l'orage, pendant que le courageux pontife était assiégé dans sa basilique par les troupes de Justine. Ses discours au peuple de Milan, ses succès comme ses épreuves, les sentiments héroïques de son âme épiscopale, tout se peint dans ces fraternelles dépêches, tout y révèle la force et la sainteté du lien qui unit Ambroise et Marcelline. La basilique Ambrosienne garde encore le tombeau du frère et celui de la sœur ; sur l'un et l'autre chaque jour le divin Sacrifice est offert.

Tel fut Ambroise, dont Théodose disait un jour : " Il n'y a qu'un évêque au monde ". Glorifions l'Esprit-Saint qui a daigné produire un type aussi sublime dans l'Eglise, et demandons au saint Pontife qu'il daigne nous obtenir une part à cette foi vive, à cet amour si ardent qu'il témoigne dans ses suaves et éloquents écrits envers le mystère de la divine Incarnation. En ces jours qui doivent aboutir à celui où le Verbe fait chair va paraître, Ambroise est l'un de nos plus puissants intercesseurs.


Les docteurs de l'Eglise dont saint Ambroise.
Illustration de présentation de La Cité de Dieu de saint Augustin. XVe.

Sa piété envers Marie nous apprend aussi quelle admiration et quel amour nous devons avoir pour la Vierge bénie. Avec saint Ephrem, l'évêque de Milan est celui des Pères du siècle qui a le plus vivement exprimé les grandeurs du ministère et de la personne de Marie. II a tout connu, tout ressenti, tout témoigné. Marie exempte par grâce de toute tache de péché, Marie au pied de la Croix s'unissant à son fils pour le salut du genre humain, Jésus ressuscité apparaissant d'abord à sa mère, et tant d'autres points sur lesquels Ambroise est l'écho de la croyance antérieure, lui donnent un des premiers rangs parmi les témoins de la tradition sur les mystères de la Mère de Dieu.

Cette tendre prédilection pour Marie explique l'enthousiasme dont Ambroise est rempli pour la virginité chrétienne, dont il mérite d'être considéré comme le Docteur spécial. Aucun des Pères ne l'a égalé dans le charme et l'éloquence avec lesquels il a proclamé la dignité et la félicité des vierges. Quatre de ses écrits sont consacrés à glorifier cet état sublime, dont le paganisme expirant essayait encore une dernière contrefaçon dans ses vestales, recrutées au nombre de sept, comblées d'honneurs et de richesses, et déclarées libres après un temps. Ambroise leur oppose l'innombrable essaim des vierges chrétiennes, remplissant le monde entier du parfum de leur humilité, de leur constance et de leur désintéressement. Mais sur un tel sujet sa parole était plus attrayante encore que sa plume, et l'on sait, par les récits contemporains, que, dans les villes qu'il visitait et où sa voix devait se faire entendre, les mères retenaient leurs filles à la maison, dans la crainte que les discours d'un si saint et si irrésistible séducteur ne leur eussent persuadé de n'aspirer plus qu'aux noces éternelles.

Extraits de la Légende dorée du Bx Jacques de Voragine, d'après la vie de saint Ambroise par Paulin, son secrétaire :

Ambroise vient de ambre, qui est une substance odoriférante et précieuse. Or, saint Ambroise fut précieux à l’Eglise et il répandit une bonne odeur par ses paroles et ses actions. Ou bien Ambroise vient de ambre et de sios, qui veut dire Dieu, comme l’ambre de Dieu ; car Dieu par Ambroise répand partout une odeur semblable à celle de l’ambre. Il fut et il est la bonne odeur de Notre Seigneur Jésus-Christ en tout lieu. Ambroise peut venir encore de ambor, qui signifie père des lumières et de sior, qui veut dire petit ; parce qu'il fut le père de beaucoup de fils par la génération spirituelle, parce qu'il fut lumineux dans l’exposition de la sainte Ecriture, et parce qu'il fut petit dans ses habitudes humbles.
Le glossaire dit : ambrosius signifie odeur ou saveur de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ambroisie céleste, nourriture des anges ; ambroise, rayon céleste de miel. Car saint Ambroise fut une odeur céleste par une réputation odoriférante; une saveur, par la co

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jeudi, 07 décembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

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