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26 juin. Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

- Saint Jean et saint Paul, frères, martyrs. 362.

Pape : Saint Libère*. Empereur romain : Julien l'Apostat.

" Ils étaient frères déjà et par le sang et par la naissance ; une même foi, une même mort, voilà ce qui a mis le dernier sceau à cette fraternité."
M. l'abbé C. Martin.


Bréviaire franciscain. XVe.

Parmi les sanctuaires nombreux qui décorent la capitale de l'univers chrétien, l'Eglise des Saints-Jean-et-Paul est restée, depuis sa lointaine origine, un des centres principaux de la piété romaine. Du sommet du Cœlius elle domine le Colisée. On a retrouvé dans ses substructions les restes primitifs de la maison même qu'habitaient nos deux saints. Derniers des martyrs, ils achevèrent la couronne glorieuse offerte au Christ par cette Rome qu'il avait choisie pour siège de sa puissance. La lutte où leur sang fut versé consomma le triomphe dont l'heure avait sonné sous Constantin, mais qu'un retour offensif de l'enfer semblait compromettre.

Aucune attaque ne fut plus odieuse à l'Eglise, que celle du César apostat qu'elle avait nourri. Néron et Dioclétien, violemment et dans toute la franchise de leur haine, avaient déclaré au Dieu fait homme la guerre du glaive et des supplices ; et, sans récrimination, les chrétiens étaient morts par milliers, sachant que le témoignage ainsi réclamé d'eux était dans l'ordre, non moins que ne l'avait été, devant Ponce Pilate et sur la croix, celui de leur Chef (I Tim. VI, 13.).

Avec l'astucieuse habileté des traîtres et le dédain affecté du faux philosophe, Julien se promit d'étouffer le christianisme dans les réseaux d'une oppression savamment progressive, et respectueuse du sang humain : écarter les chrétiens des charges publiques, les renvoyer des chaires où ils enseignaient la jeunesse, c'était tout ce que prétendait l'apostat. Mais le sang qu'il eût voulu éviter de répandre, devait couler quand même sur ses mains hypocrites ; car l'effusion du sang peut seule, selon le plan divin, dénouer les situations extrêmes, et jamais plus grand péril n'avait menacé l'Eglise : elle qu'on avait vue garder sa royale liberté devant les bourreaux, on la voulait esclave, en attendant qu'elle disparût d'elle-même dans l'impuissance et l'avilissement.

Aussi les évêques d'alors trouvèrent-ils à l'adresse de l'apostat, dans leur âme indignée, des accents que leurs prédécesseurs avaient épargnés aux princes dont la violence avait inondé de sang chrétien tout l'empire. On rendit au tyran mépris pour mépris ; et le dédain, dont les témoignages arrivaient de toutes parts au fat couronné, finit par lui arracher son masque de fausse modération : Julien n'était plus qu'un vulgaire persécuteur, le sang coulait, l'Eglise était sauvée.

Ainsi nous est expliquée la reconnaissance que cette noble Epouse du Fils de Dieu n'a point cessé de manifester, depuis lors, aux glorieux martyrs que nous célébrons : parmi les chrétiens généreux dont l'indignation amena le dénouement de la terrible crise, il n'en est point de plus illustres. Julien eût été fier de les compter parmi ses familiers ; il les sollicitait dans ce sens, nous dit la Légende, et on ne voit pas qu'il y mît pour condition de renoncer à Jésus-Christ. N'auraient-ils donc pu, dira-t-on, se rendre au désir impérial, sans blesser leur conscience ? Trop de raideur devait fatalement indisposer le prince ; tandis que l'écouter, c'était l'adoucir, l'amener, peut-être, à relâcher quelque chose de ces malheureuses entraves administratives que son gouvernement prévenu imposait à l'Eglise. Et, qui sait ? la conversion possible de cette âme, le retour de tant d'égarés qui l'avaient suivie dans sa chute, tout cela ne méritait-il pas, tout cela n'imposait-il. pas quelque ménagement ?


Saint Jean et saint Paul avec Constance, fille de Constantin.
Legenda aurea. Bx J. de Voragine. R. de Montbaston. XIVe.

Eh ! oui : ce raisonnement eût paru à plusieurs d'une sage politique ; cette préoccupation du salut de l'apostat n'eût rien eu, sans doute, que d'inspiré par le zèle de l'Eglise et des âmes ; et, véritablement, le casuiste le plus outré n'aurait pu faire un crime à Jean et à Paul, d'habiter une cour où l'on ne leur demandait rien de contraire aux préceptes divins. Telle ne fut point pourtant la résolution des deux frères ; à la voie des ménagements, ils préférèrent celle de la franche expression de leurs sentiments qui mit en fureur le tyran et causa leur mort. L'Eglise jugea qu'ils n'avaient point tort; et il est, en conséquence, peu probable que la première de ces voies les eût conduits au même degré de sainteté devant Dieu.

Les noms de Jean et de Paul, inscrits au diptyque sacré, montrent bien leur crédit près de la grande Victime, qui ne s'offre jamais au Dieu trois fois Saint sans associer leur souvenir à celui de son immolation. L'enthousiasme excité par la noble attitude des deux vaillants témoins du Seigneur, a prolongé jusqu'à nous ses échos dans les Antiennes et Répons propres à la fête.

Autrefois précédée d'une Vigile avec jeûne, cette fête remonte au lendemain même du martyre des deux frères, ainsi que le sanctuaire qui s'éleva sur leur tombe. Par un privilège unique, exalté au Sacramentaire Léonien, tandis que les autres martyrs dormaient leur sommeil en dehors des murs de la ville sainte, Jean et Paul reposaient dans Rome même, dont la conquête définitive était acquise au Dieu des armées grâce à leurs combats. Un an jour pour jour après leur trépas victorieux (26 juin 363), Julien mourait, lançant au ciel son cri de rage :
" Tu as vaincu, Galiléen !"

De la cité reine de l'univers, leur renommée, passant les monts, brilla aussitôt d'un éclat presque égal en notre terre des Gaules. Au retour des luttes que lui aussi avait soutenues pour la divinité du Fils de Dieu, Hilaire de Poitiers propagea leur culte. A peine cinq années s'étaient écoulées depuis leur martyre, que le grand évêque s'en allait au Seigneur ; mais il avait eu le temps de consacrer sous leur nom l'église où ses mains pieuses avaient déposé la douce Abra et celle qu'elle avait eue pour mère, en attendant que lui-même vînt, entre elles deux, attendre la résurrection.

C'est de cette Eglise des Saints-Jean-et-Paul, devenue bientôt après Saint-Hilaire-le-Grand, que Clovis, à la veille de la bataille de Vouillé, vit sortir et se diriger vers lui la mystérieuse lumière, présage du triomphe qui devait chasser l'arianisme des Gaules et fonder l'unité monarchique. Les saints martyrs continuèrent de montrer, dans la suite, l'intérêt qu'ils prenaient à l'avancement du royaume de Dieu par les Francs ; lorsque l'issue de la seconde croisade abreuvait d'amertume saint Bernard qui l'avait prêchée, ils apparurent ici-bas pour relever son courage, et lui manifester par quels secrets le Roi des cieux avait tiré sa gloire d'événements où les hommes ne voyaient que désastres et fautes (Bern. Ep. 386, al. 333, Joannis Casae-Marii ad Bern.).


Missel romain. XIVe.

Jean et Paul étaient deux frères de haute famille ; ils demeuraient à Rome et remplissaient des emplois fort honorables dans la maison princière de Constance, fille de Constantin. Ils se faisaient remarquer par leurs oeuvres de piété et par une grande charité envers les pauvres.

Quand Julien l'Apostat fut monté sur le trône, ils renoncèrent à toutes leurs charges et se retirèrent dans leur maison du mont Coelius, dont on a retrouvé récemment des parties fort intéressantes et bien conservées, sous l'antique église construite en leur honneur et administrée encore aujourd'hui par les pseudo-Passionistes.

Julien n'était pas moins altéré de l'or que du sang des chrétiens, il résolut de s'emparer des biens des deux frères, qui avaient méprisé de le servir. Il leur fit demander de venir à sa cour, comme du temps de Constantin et de ses fils ; mais ils refusèrent de communiquer avec un apostat. Dix jours de réflexion leur sont accordés ; ils en profitent pour se préparer au martyre par les oeuvres de charité.

Ils vendent tout ce qu'ils peuvent de leurs propriétés, et distribuent aux pauvres argent, vêtements, meubles précieux, plutôt que de voir tous ces biens tomber entre les mains d'un homme aussi cupide qu'impie ; ils passent ensuite le reste de leur temps à prier et à fortifier les fidèles dans la résolution de mourir pour Jésus-Christ plutôt que d'abandonner la religion.

Le dixième jour, l'envoyé de l'empereur les trouve en prière et disposés à tout souffrir pour leur foi :
" Adorez Jupiter !", leur dit-il en leur présentant une petite idole de cette divinité.
" A Dieu ne plaise, répondent-ils, que nous adorions un démon ! Que Julien nous commande des choses utiles au bien de l'État et de sa personne : c'est son droit ; mais qu'il nous commande d'adorer les simulacres d'hommes vicieux et impurs, cela dépasse son pouvoir. Nous le reconnaissons pour notre empereur, mais nous n'avons point d'autre Dieu que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont un seul Dieu en trois personnes."

Le messager, voyant qu'il ne pourrait ébranler leur courage invincible, ordonna de creuser une fosse dans leur jardin ; il les fit décapiter pendant la nuit dans leur propre maison, et ensuite enterrer secrètement.


Décollation de saint Jean et saint Paul par Julien l'Apostat.
Livre d'Images de Madame Marie. Hainuat. XIIIe.

L'empereur, craignant que cette exécution ne soulevât la réprobation de Rome, répandit le bruit qu'il les avait envoyés en exil ; mais les démons publièrent leur mort et leur triomphe, et l'exécuteur des ordres de Julien, après avoir vu son fils délivré du démon par l'intercession des martyrs, se convertit avec sa famille.

ANTIENNES ET RÉPONS

Nous donnons à la suites Antiennes et Répons propres dont il est pairlé plus haut, et qui se trouvent quant à l'ensemble, avec quelques variantes, dans les plus anciens Responsoriaux et An-tiphonaires parvenus jusqu'à nous. Le personnage mentionné dans l'une de ces Antiennes,sous le nom de Gallicanus , est un consulaire qui fut amené par les deux frères à la foi et à la sainteté ; sa mémoire était célébrée hier même au Martyrologe :

" Paul et Jean dirent à Julien : Nous adorons un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre.

Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est votre maître, ayez la paix avec lui ; pour nous, il n'en est point d'autre que le Seigneur Jésus-Christ.

Jean et Paul, connaissant bien la tyrannie de Julien, se mirent à distribuer leurs richesses aux pauvres.

Esprits célestes et âmes des justes, chantez un hymne à Dieu. Alléluia.

Jean et Paul dirent à Gallicanus : " Faites un vœu au Dieu du ciel, et vous serez vainqueur mieux que vous ne l'avez été."


Eglise Saints-Jean-et-Paul. Mont Coelius. Rome.

Ant. de Magnificat aux premières Vêpres :

" Les justes se sont tenus devant le Seigneur, et n'ont point été séparés l'un de l'autre ; ils ont bu le calice du Seigneur, et on les a appelés amis de Dieu."

Ant. de Magnificat aux deuxièmes Vêpres :

" Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés qui sont devant le Seigneur ; ils ont la puissance d'empêcher le ciel de pleuvoir, et d'ouvrir ses portes ; car leurs langues sont devenues les clefs du ciel."

A Benedictus :

" Ce sont là les saints qui, pour l'amour du Christ, ont méprisé les menaces des hommes ; saints martyrs, ils tressaillent avec les anges dans le royaume des cieux ; oh ! qu'elle est précieuse la mort des saints, qui toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point sépares l'un de l'autre !"

R/. Ce sont là les deux hommes de miséricorde, qui se tiennent devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".
V/. Ce sont là les deux oliviers et les deux chandeliers allumés, présents devant le Seigneur " Souverain de toute la terre ".

R/. J'ai vu, près l'un de l'autre, des hommes couverts de vêtements resplendissants ; et un ange du Seigneur m'a dit :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."

V/. J'ai vu un ange de Dieu, plein de force, volant par le milieu du ciel, criant d'une voix retentissante et disant :
" Ce sont là les hommes pleins de sainteté, devenus les amis de Dieu."


Bréviaire à l'usage de Paris. XVe.

PRIERE

" Un double triomphe éclate au ciel et renvoie une double joie à la terre, en ce jour où votre sang répandu proclama la victoire du Fils de Dieu. C'est par le martyre de ses fidèles, en effet, que le Christ triomphe. L'effusion de son propre sang marqua la défaite du prince du monde ; le sang de ses membres mystiques garde toujours, et possède seul, la vertu d'établir son règne. La lutte ne fut jamais un mal pour l'Eglise militante ; la noble Epouse du Dieu des armées se complaît dans les combats ; car elle sait que l'Epoux est venu apporter sur terre, non la paix, mais le glaive (Matth. X, 34.). Aussi, jusqu'à la fin des siècles, proposera-t-elle en exemple à ses fils votre chevaleresque courage, et la franchise qui ne vous permit pas de dissimuler votre mépris au tyran apostat, de songer même aux considérations par lesquelles peut-être, en l'écoutant d'abord, votre conscience se fût tenue sauve.

Malheur aux temps où le mirage décevant d'une paix trompeuse égare les intelligences ; où, parce que le péché proprement dit ne se dresse pas devant elle, l'âme chrétienne abaisse la noblesse de son baptême à des compromis que répudierait l'honneur même d'un monde redevenu païen ! Illustres frères, écartez des enfants de l'Eglise l'erreur fatale qui les porterait à méconnaître ainsi les traditions dont ils ont reçu l'héritage ; maintenez la race des fils de Dieu à la hauteur de sentiments que réclament leur céleste origine, le trône qui les attend, le sang divin dont ils s'abreuvent chaque jour ; loin d'eux toute bassesse, et cette vulgarité qui attirerait, contre leur Père qui est aux cieux, le blasphème des habitants de la cité maudite ! Nos temps ont vu s'élever une persécution qui rappelle en tout celle où vous avez remporté la couronne : le programme de Julien est remis en honneur ; si les émules de l'apostat ne l'égalent point en intelligence, ils le dépassent dans sa haine et son hypocrisie. Mais Dieu ne fait pas plus défaut à l'Eglise maintenant qu'autrefois ; obtenez que de notre part la résistance soit la même qu'en vos jours, et le triomphe aussi sera le même.

Jean et Paul, vous nous rappelez par vos noms et l'Ami de l'Epoux dont l'Octave poursuit son cours, et ce Paul de la Croix qui fit revivre au dernier siècle l'héroïsme de la sainteté dans votre maison du Coelius. Unissez votre protection puissante à celle que le Précurseur étend sur l'Eglise mère et maîtresse, devenue, en raison de sa primauté, le but premier des attaques de l'ennemi ; soutenez la milice nouvelle que les besoins des derniers temps ont suscitée près de votre tombe, et qui garde dans une commune vénération vos restes sacrés et le corps de son glorieux fondateur. Vous souvenant enfin du pouvoir que vous reconnaît l'Eglise d'ouvrir et de fermer les portes du ciel, pour répandre ou arrêter la pluie sur les biens de la terre: bénissez les moissons prêtes à mûrir; soyez propices aux moissonneurs, allégez leurs pénibles travaux ; gardez du feu du ciel l'homme et ses possessions, la demeure qui l'abrite, les animaux qui le servent. Ingrate, oublieuse, trop souvent criminelle, l'humanité n'aurait droit qu'à votre colère ; montrez-vous les fils de Celui dont le soleil se lève pour les méchants comme pour les bons, et qui fait pleuvoir également sur les justes et les pécheurs (Matth. V, 45.)."

* Rappelons toujours et encore que le pape saint Libère - ainsi de saint Marcelin et d'Honorius d'ailleurs - ne fut jamais hérétiques car un pape ne peut pas l'être, ne l'a jamais été et ne le sera jamais.

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lundi, 26 juin 2023 | Lien permanent

4 janvier. Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

- Saint Tite, disciple de saint Paul, évêque de Crète. Ier siècle.

Pape : Saint Anaclet. Empereur romain : Domitien.

" Il faut qu'un évêque soit sans tache, comme il convient à un dispensateur des dons de Dieu."
Ep. ad Tit.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Un saint Evêque de l'âge apostolique, un disciple du grand Paul, s'offre aujourd'hui à notre vénération. Ses actions nous sont peu connues ; mais en lui adressant une de ses Lettres inspirées, le Docteur des Gentils l'a rendu immortel. Partout où la foi du Christ a été et sera portée, Tite, ainsi que Timothée, sera connu des fidèles ; jusqu'à la fin des temps, la sainte Eglise consultera, avec un souverain respect, cette Epître adressée à un simple évêque de l'île de Crète, mais dictée par l'Esprit-Saint, et par là même destinée à faire partie du corps des Ecritures sacrées qui contiennent la pure Parole de Dieu. Les conseils et les directions que renferme cette admirable lettre, furent la règle souveraine du saint Evêque à qui Paul avait voué une si affectueuse tendresse. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans cette île fameuse où le paganisme avait un de ses principaux centres. Il survécut à son maître immolé dans Rome par le glaive de Néron ; et comme saint Jean, à Ephèse, il s'endormit paisiblement dans une heureuse vieillesse, entouré des respects de la chrétienté qu'il avait fondée. Sa vie a laissé peu de traces ; mais les quelques traits qui nous restent à son sujet donnent l'idée d'un de ces hommes de vertu supérieure que Dieu choisit au commencement, pour en faire les premières assises de son Eglise.

Tite, évêque de Crète, fut initié par les enseignements de l'Apôtre saint Paul aux mystères de la foi chrétienne ; et, préparé par les sacrements, il répandit une telle lumière de sainteté sur l'Eglise encore au berceau, qu'il mérita de prendre place entre les disciples du Docteur des Gentils. Appelé à partager le fardeau de la prédication, son ardeur à répandre l'Evangile et sa fidélité le rendirent si cher à saint Paul, que celui-ci étant venu à Troade, pour prêcher la foi dans cette ville, atteste lui-même qu'il n'y trouva pas le repos de son esprit, parce qu'il n'y rencontra pas Tite son frère. L'Apôtre, s'étant rendu peu après en Macédoine, exprime son affection pour ce disciple par ces paroles :
" Dieu qui console les humbles nous a consolés par l'arrivée de Tite."


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.

Envoyé à Corinthe par l'Apôtre, il sut s'acquitter de cette mission qui consistait principalement à recueillir les aumônes offertes par la piété des fidèles pour soulager la pauvreté de l'Eglise des Hébreux, avec tant de sagesse et de douceur, que non seulement il maintint les Corinthiens dans la foi du Christ, mais qu'il excita en eux des regrets accompagnés de larmes, et l'empressement le plus vif pour revoir Paul qui leur avait donné la première instruction. Après de nombreux voyages sur terre et sur mer, pour répandre la semence de la divine parole chez les nations les plus dissemblables par le langage et par la situation géographique ; après avoir supporté avec la plus grande fermeté d'âme mille soucis et mille travaux pour établir ainsi l'étendard de la Croix, il aborda à l'île de Crète avec Paul son maître. L'Apôtre le choisit pour remplir la charge d'Evêque dans l'Eglise qu'il fonda en cette île ; et il est certain que Tite y remplit ses fonctions de manière à devenir le modèle des fidèles dans les bonnes œuvres, et que, selon les conseils de son maître Paul, il brilla par la doctrine, par son intégrité et la gravité de ses mœurs.

Semblable à un flambeau, il répandit les rayons du christianisme sur ceux qui étaient assis sous les ombres de la mort, dans les ténèbres de l'idolâtrie et du mensonge. Une tradition prétend qu'il serait ensuite passé chez les Dalmates, et qu'il aurait essuyé les plus rudes fatigues pour planter la foi chez ces peuples.


Saint Paul et saint Tite. Bible historiale. Guiard des Moulins.
Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Enfin, plein de jours et de mérites, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, il s'endormit dans le Seigneur, de la mort précieuse des justes, la veille des nones de janvier ; et il fut enseveli dans l'église où l'Apôtre l'avait établi ministre de la parole. Son nom couvert déloges par saint Jean Chrysostome et par saint Jérôme se lit en ce même jour au Martyrologe romain ; mais, en établissant sa fête pour être célébrée avec l'Office et la Messe dans tout le monde catholique par le clergé séculier et régulier, le souverain Pontife Pie IX l'a fixée au premier jour libre qui suit l'anniversaire de la mort du saint. Mais cette fête est plus ou moins différée, selon les lieux, par la liberté qu'a laissée le Saint-Siège de la placer au premier jour qui ne se trouve pas occupé par une autre fête. Dans la plupart des Eglises, elle n'est célébrée qu'en février.

PRIERE

" Heureux disciple du grand Paul, la sainte Eglise a voulu qu'un jour dans l'année fût employé à célébrer vos vertus et à implorer votre suffrage ; soyez propice aux fidèles qui glorifient le divin Esprit pour les dons qu'il a répandus en vous. Vous avez rempli avec zèle et constance la charge pastorale ; tous les traits que Paul énumère dans l'Epître qu'il vous a adressée comme devant former le caractère de l'Evêque, se sont trouvés réunis en votre personne ; et vous brillez sur la couronne du Christ, le Prince des Pasteurs, comme l'un de ses plus riches diamants. Souvenez-vous de l'Eglise de la terre dont vous avez soutenu les premiers pas. Depuis le jour où vous lui fûtes ravi, dix-huit siècles ont achevé leur cours. Souvent ses jours ont été mauvais ; mais elle a triomphé de tous les obstacles, et elle chemine dans la voie, recueillant les âmes et les dirigeant vers son céleste Epoux, jusqu'à l'heure où il viendra arrêter le temps, et ouvrir les portes de l'éternité.


Un messager apporte le lettre que saint Paul adressa à saint Tite.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Tant que cette heure n'a pas sonné, nous comptons , Ô Tite , sur votre puissant suffrage ; du haut du ciel, sauvez les âmes par votre intercession, comme vous les sauviez ici-bas au moyen de vos saintes fatigues. Demandez pour nous à Jésus des Pasteurs qui vous soient semblables. Relevez la Croix dans cette île que vous aviez conquise à la vraie foi, et sur laquelle s'étendent aujourd'hui les ombres de l'infidélité et les ravages du schisme ; que par vous la chrétienté d'Orient se ranime, et qu'elle aspire enfin à l'unité, qui, seule, peut la préserver d'une dissolution complète. Exaucez, Ô Tite, les vœux du Pontife qui a voulu que votre culte s'étendît à l'univers entier, afin d'accélérer par votre suffrage les jours de paix et de miséricorde que le monde attend."

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jeudi, 04 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)

16 février. Saint Onésime, disciple de saint Paul, évêque d'Ephèse et martyr. 95.

- Saint Onésime, disciple de saint Paul, évêque d'Ephèse et martyr. 95.
 
Pape : Saint Clément. Empereur romain : Domitien.
 
" Nous avons vécu en ce monde avec la simplicité du coeur et la sincérité de Dieu ; non selon la sagesse de la chair, mais selon la grâce de Dieu."
IIe aux Cor., I, 12.
 

Saint Philémon accueillant saint Onésime.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XIVe.
 
Onésime eut le bonheur de saluer à Smyrne, saint Ignace d'Antioche qui se rendait à Rome pour y être exposé aux bêtes. Dans sa lettre aux Éphésiens, le martyr loue la charité de l'évêque d'Éphèse.

Le procureur d'Asie, voyant qu'Onésime, malgré la persécution, prêchait avec courage, le fit arrêter et l'envoya à Tertulle, gouverneur de Rome, ennemi personnel d'Onésime. Comme saint Onésime refusait de sacrifier aux idoles, le gouverneur le fit étendre sur le dos, lui fit rompre les jambes et les cuisses avec des leviers et le fit lapider.


Eglise Saint-Onésime. Donchéry près de Sedan. Ardennes françaises.

Saint Onésime est le patron des serviteurs et des domestiques. Son attribut est le bâton avec lequel on lui rompit les jambes, ou bien la lapidation.

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vendredi, 16 février 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

24 janvier. Saint Timothée, disciple de saint Paul, premier évêque d'Ephèse et martyr. 97.

- Saint Timothée, disciple de saint Paul, premier évêque d’Éphèse et martyr. 97.
 
Pape : Saint Clément Ier (+97) ; saint Évariste. Empereur romain : Nerva.

" Buvez un peu de vin à cause de la faiblesse de votre estomac."
Ière épître de saint Paul à Timothée, V, 23.

" Les ivrognes... n'entreront pas dans le royaume des cieux."
Ière épître de saint Paul au Corinthiens, VI, 10.

" En vérité je vous le dis, le choléra est une maladie moins dangereuse que l'ivrognerie."
A. Stolz.


Saint Timothée. Vitrail. Thermes de Cluny. Paris. XIIe.

La veille du jour où nous allons rendre grâces à Dieu pour la miraculeuse Conversion de l'Apôtre des Gentils, la marche du Cycle nous ramène la fête du plus cher disciple de cet homme sublime. Timothée, l'infatigable compagnon de Paul, cet ami à qui le grand Apôtre écrivit sa dernière lettre, peu de jours avant de verser son sang pour Jésus-Christ, vient attendre son maître au berceau de l'Emmanuel. Il y trouve déjà Jean le Bien-Aimé, avec lequel il a porté les sollicitudes de l’Église d’Éphèse ; il y salue Étienne et les autres Martyrs qui l'y ont devancé, et leur présente la palme qu'il a lui-même conquise. Enfin, il vient apporter à l'auguste Marie les hommages de la chrétienté d’Éphèse, chrétienté qu'elle a sanctifiée de sa présence, et qui partage, avec celle de Jérusalem, la gloire d'avoir possédé dans son sein celle qui n'était pas seulement, comme les Apôtres, le témoin, mais, en sa qualité de Mère de Dieu, l'ineffable instrument du salut des hommes.

Saint Timothée, né d'un père idolâtre et d'une mère Poldève, nommée Eunice, était de Lycaonie, dans l'Asie mineure, et probablement de la ville de Lystres. Eunice, qu'on croit avoir été parente de saint Paul, avait embrassé la religion chrétienne, aussi bien que Loïde, grand-mère de notre saint ; et le grand Apôtre fait l'éloge de la foi de toutes les deux. Elles élevèrent Timothée dans la piété, et lui firent étudier de bonne heure les saintes Écritures : de sorte que saint Paul, arrivant en Lycaonie dans le cours de sa mission apostolique, le trouva déjà tout formé à la vertu ; et, le voyant estimé de tous les fidèles de Lystres et d'Icone, il le choisit pour être le compagnon de ses voyages et de ses travaux dans la prédication de l’Évangile.


Saint Timothée enfant et sa grand-mère Loïde. Rembrandt. XVIe.

Il commença par le circoncire : les cérémonies de l'ancienne loi ne l'obligeait plus depuis la loi nouvelle publiée par Notre Seigneur Jésus-Christ, mais il était pourtant permis de les observer comme une chose indifférente jusqu'à la ruine de Jérusalem et du Temple. Par là, disent les anciens Pères, on enterrait la synagogue avec honneur. Le dessein de saint Paul était de concilier à son disciple l'estime des Juifs et de leur montrer que lui-même n'était pas l'ennemi de leur foi : beau trait de prudence que nous devons admirer après saint Jean Chrysostome (Praef. in prima ad Tim.).

Il faut louer aussi, non seulement la docilité de saint Timothée qui se soumet à une cérémonie douloureuse et non obligatoire, mais encore, comme le fait remarquer saint Augustin, ce zèle, ce désintéressement qui lui fait quitter son pays, sa maison, son père, sa mère, pour suivre un Apôtre, dans la pauvreté et les souffrances. Saint Paul lui confia dès lors tout le ministère évangélique, par l'imposition des mains, et le regarda désormais, tout jeune qu'il était, comme son frère, son coadjuteur, son compagnon d'apostolat, sans cesser d'aimer en lui tendrement un disciple et un fils. Saint Jean Chrysostome dit à la louange de saint Timothée, que Paul recouvra ce qu'il venait de perdre par l'éloignement de saint Barnabé. L'Apôtre semble tenir le même langage, lorsqu'il appelle Timothée homme de Dieu (I Tim., VI, 11.), et dit aux Philippiens que personne ne lui est aussi uni de cœur et d'esprit que Timothée (Phil. II, 20.). Ce grand amour de saint Paul pour Timothée nous indique combien ce disciple était aimé de Dieu : car un tel maître ne pouvait aimer dans son disciple que les dons éminents de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, et l'accomplissement de toutes les prédictions avantageuses qui avaient été faites sur lui, pendant sa jeunesse, lorsqu'il était encore sous la conduite de sa mère et de son aïeule (I Tim., I, 18.).


Ordination de saint Timothée. Legenda aurea.
Bx. J. de Voragine. XVe.

Saint Paul, étant sorti de Lystres, parcourut avec son disciple le reste de l'Asie, puis s'embarqua pour la Macédoine, l'an 52 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et prêcha l’Évangile à Philippes, à Thessalonique et à Béré. La fureur des Juifs l'ayant obligé de quitter cette ville, il y laissa Timothée avec Silas, comme étant moins exposés à leur haine, et très propres d'ailleurs à fortifier les fidèles. Pour lui, il prit le chemin de l'Achaïe. Lorsqu'il fut arrivé à Athènes, il manda Timothée de l'y venir trouver ; mais ayant apprit que les Chrétiens de Thessalonique soufraient une cruelle persécution, il l'envoya vers eux. Notre saint trouva cette église en bon état. Il affermit les fidèles dans la foi, les fortifia contre les persécutions, et revint ensuite trouver saint Paul à Corinthe.

Ce fut dans ce temps là que saint Paul écrivit aux Thessaloniciens sa première épître, qui commence ainsi : " Paul, Silas et Timothée, à l'église de Thessalonique..." Saint Paul ayant fait un long voyage, de Corinthe à Jérusalem, revint prêcher à Éphèse, où il resta deux ans. Lorsqu'il voulut retourner dans la Grèce, il chargea Timothée et Éraste de le devancer en Macédoine, et d'y préparer les aumônes qu'on devait envoyer aux fidèles de Jérusalem. Il donna ordre à Timothée, en particulier, d'aller ensuite à Corinthe, pour y corriger quelques abus et rappeler aux Chrétiens la doctrine qu'il leur vait prêchée. Dans la lettre qu'il écrivit aux Corinthiens, peu de temps après, il leur recommande ainsi son cher disciple :
" Si Timothée va vous voir, ayez soin qu'il n'ait rien à craindre chez vous, puisqu'il travaille comme moi à l’œuvre du Seigneur. Que personne donc ne le méprise, mais conduisez-le en paix, afin qu'il vienne me trouver, car je l'attends lui et nos frères." (I Cor., XVI, 10.).


Saint Paul envoie sa première épître à Timothée.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

Timothée alla en effet retrouver son maître en Asie, l'accompagna en Macédoine, en Achaïe, le laissa à Philippes, puis le rejoignit à Troade. Saint Paul, étant retourné en Palestine, fut mis en prison à Césarée ; il y resta deux ans, après quoi il fut envoyé à Rome. On croit que Timothée était avec lui en ce temps-là, puisque son nom se trouve à côté de celui du grand Apôtre, en tête des épîtres à Philémon, aux Philippiens et aux Colossiens, qui furent écrites dans les années 61 et 62 ; il avait déjà eu part à la seconde aux Corinthiens, et aux deux qui étaient adressées aux Thessaloniciens. Saint Paul, en joignant le nom de Timothée au sien, à la tête de ces six lettres, marquait qu'il se l'était associé, d'une manière inséparable, dans l'instruction des Églises et dans tous les travaux du ministère évangélique. Notre saint eut, lui aussi, l'avantage d'être arrêté prisonnier on ne sait où, pour la cause de Notre Seigneur Jésus-Christ, et de confesser glorieusement la vérité devant ce grand nombre de témoins dont saint Paul le fit souvenir quelques temps après.


Saint Timothée reçoit de Saint Paul la première épître.
Bible historiale. Guiard des Moulins. Paris. XIVe.

Mais saint Paul eut bientôt le bonheur d'écrire aux Hébreux, qui aimaient beaucoup Timothée :
" Sachez que notre frère Timothée est en liberté. S'il arrive bientôt, j'irai vous voir avec lui." (Heb., XIII, 23.).
 
Il est probable que l'Apôtre acquitta sa promesse. Ce qui est certain, c'est qu'il retourna de Rome en Orient, dans l'année 64 de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'à son retour, sur le point de passer en Macédoine, il donna une charge plus particulière à son disciple, déjà ordonné évêque, en conséquence d'une prophétie et d'un ordre particulier du Saint-Esprit (I Tim., IV, 14), et qui avait reçu, par l'imposition des mains, avec la grâce du sacrement et d'autres dons extérieurs du Saint-Esprit, le pouvoir de gouverner l'église d’Éphèse, pour s'opposer à ceux qui semaient une fausse doctrine, et ordonner des prêtres, des diacres et même des évêques ; car on le chargea aussi, selon saint Jean Chrysostome, de veiller sur toutes les Églises d'Asie.

Il a toujours été regardé comme le premier évêque d’Éphèse. Il l'était avant l'arrivée de saint Jean dans cette ville, qui y résida non comme simple évêque, mais comme Apôtre, exerçant une inspection générale supérieure à celle de Timothée sur toutes les églises d'Asie.


Saint Paul et saint Timothée.
Codex barberinianus latinus. Bibl. vat. VIIe.

Saint Paul était encore en Macédoine quand il écrivit à Timothée sa première épître, que l’Église a toujours regardé comme une loi apostolique qui doit régler la vie et la conduite de ses pasteurs. Elle nous apprend que Timothée ne buvait que de l'eau. Comme ses grandes austérités avaient altéré sa santé et affaibli son estomac, saint Paul lui ordonna de boire un peu de vin. Il dit un peu, parce qu'il est bon que la chair soit assez forte pour servir l'esprit, mais assez faible pour que l'esprit la domine.
 
Quelles leçons admirables !

Saint Paul étant retourné à Rome, et renfermé dans la prison d'où il ne devait plus sortir que pour aller à la mort, sentit redoubler sa tendresse pour son cher Timothée. Il lui écrivit, chargé de fers, sa seconde lettre, si pleine d'instructions vives et touchantes, et qui est regardée comme le testament de ce saint Apôtre. Ce sont, en effet, les dernières paroles d'un père qui, se voyant proche de la mort, déclarait à son très cher fils ses dernières volontés, qui n'étaient autres que celles de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour Lequel il allait bientôt mourir? Il le conjura de le venir trouver à Rome avant l'hiver, non seulement pour qu'ils eussent la consolation de se voir une dernière fois, mais aussi pour qu'il lui confiât diverses choses qui regardaient l'intérêt de l’Église ; il l'exhorte à ranimer cet esprit de courage, ce feu du Saint-Esprit, dont il fut rempli le jour de son ordination. Il lui donne des avis sur la conduite qu'il doit tenir à l'égard des hérétiques de ce temps-là, et lui trace le caractère de ceux qui doivent s'élever dans la suite.
 

Saint Paul et saint Timothée. Bible historiale.
Guiard des Moulins. Abbaye de Saint-Omer. XIVe.

Il est probable que notre saint se rendit à l'invitation de son maître et fit le voyage de Rome pour conférer avec lui. Il reçut d'un autre côté des leçons et même des remontrances non moins utiles. Car on croit qu'il est cet ange ou évêque d’Éphèse à qui s'adresse saint Jean dans son Apocalypse (écrit dans l'île de Pathmos en 95) : " Celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, qui marche au milieu de sept chandeliers d'or ", le loue d'abord de ses œuvres, de son travail, de sa patience ; de ne point pouvoir souffrir les méchants, de savoir faire le discernement des faux apôtres, d'avoir les hérétiques en horreur, de souffrir beaucoup et avec patience pour le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais il lui reproche d'être déchu de sa première charité ; il l'exhorte à en faire pénitence, et à remonter d'où il est tombé.

Ces plaintes regardent-elles plutôt l’Église que l'évêque d’Éphèse ? S'il s'agit de l'évêque, avait-il fait quelque chute notable, ou bien s'était-il seulement ralenti dans la voie de la perfection et le service de Dieu ? Il n'est pas aisé de le décider. Du reste, il ne faut pas s'étonner si le zèle et la charité des saints se relâchent quelquefois : Dieu leur fait par là sentir le besoin continuel de sa grâce, ils deviennent plus humbles ; quand ils se relèvent, c'est pour se lancer avec une nouvelle ardeur dans le chemin de la pénitence et de la vertu.


Saint Timothée. Bible grecque. XIe.

Saint Timothée eut bientôt l'occasion de montrer qu'il était prêt, comme jadis, à tout sacrifier à son Dieu. Sous l'empire de Nerva, le 22 janvier de l'an 97, les Gentils célébraient une certaine fête appelée Catagogie ( du Grec qui signifie porter en procession), parce qu'on y portait leurs idoles en procession ; et il s'y commettait mille insolences, mille brutalités, parce qu'ils étaient masqués et armés de grosses massues. Saint Timothée, touché de ces désordres et s'efforçant de les arrêter, se jeta au milieu de la foule : loin de se rendre à ses exhortations, ils l'assommèrent à coup de pierres et de massues. Ses disciples le retirèrent à demi mort et le portèrent sur une hauteur voisine , où il expira quelque temps après, victime de son zèle, martyr de Notre Seigneur Jésus-Christ.
 
Son corps fut enseveli en un lieu appelé Pion, près de la ville d’Éphèse, où on lui bâtit une église. Saint Jean l'évangéliste sacra Jean Ier pour succéder à saint saint Timothée (Constit. apost.). C'est Onésime qui fut le troisième évêque d’Éphèse.

  L’Églisecélèbre en ce jour la fête de saint Timothée avec office double, depuis l'ordre de sa sainteté Pie IX. Le même décret embrassa saint Polycarpe et saint Ignace d'Antioche :
" C'est pour rendre plus d'honneur à ces saints qui, établis sur le fondement même des Apôtres, ont organisé, fortifié et éclairé l’Église naissante par leurs saintes leçons, les règlements qu'ils lui ont laissés et le sacrifice même de leur vie." (Décret du 18 mai 1854).


Saint Paul et saint Timothée.
Bible historiale. Guiard des Moulins. XVe.

On représente saint Timothée avec des attributs indiquant les instruments ou la cause de son martyre :
1. avec une idole de Diane renversée à ses pieds ;
2. avec une pierre dans le plis de sa robe ;
3. avec un bâton ou une massue dans un coin quelconque du tableau.

DIE XXII JANUARII


Ordination et martyre de saint Timothée.
Speculum historiale. V. de Beauvais. XVe.

" Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, tu es entré dans le torrent des délices, et tu t'es désaltéré dans la gnose divine; tu as imité les fervents amis du Christ, et tu es entré plein de joie dans sa gloire, où tu contemples la très splendide Trinité et tu jouis de la paix la plus sereine.

Plein de la sagesse de Dieu, Ô Timothée, les fréquentes faiblesses et infirmités de ton corps fortifiaient ton âme ; gardé par la puissance du Christ, tu as dissous avec facilité la puissance de l'erreur, et tu nous as prêché, d'une manière sublime, le très divin Évangile de la paix.

Le monde entier célèbre aujourd'hui tes prodiges, thaumaturge immortel ; car le Christ t'a récompensé par le don des miracles, toi qui as souffert pour lui les tourments ; pour la mort que tu as endurée, il t'a gratifié d'une gloire et d'une béatitude éternelles.

Homme de toute sainteté, la grâce a débordé avec abondance de tes lèvres ; elle en a fait couler des fleuves de doctrine, qui ont arrosé l’Église du Christ et porté des fruits au centuple, Ô Timothée, prédicateur du Christ, Apôtre divin !

En mortifiant les membres de ta chair, tu les as soumis au Verbe ; en a

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mercredi, 24 janvier 2024 | Lien permanent

18 novembre. Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul. 1626.

- Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul. 1626.

Pape : Urbain VIII.

" Quod duce te mundus surrexit in astra triumphans, hanc constantinus victor tibi condidit aulam."
" Parce que le monde sous ta conduite s'est élevé triomphant jusqu'aux cieux, Constantin vainqueur construisit ce temple à ta gloire."
Inscription qui, dans l'ancienne basilique vaticane, se détachait en lettres d'or au sommet de l'arc triomphal.


Basilique Saint-Pierre. Rome.

Jamais en moins de mots le génie romain ne s'exprima si magnifiquement ; jamais n'apparut mieux la grandeur de Simon fils de Jean sur les sept collines. En 15o6, la sublime dédicace tombant de vétusté périt avec l'arc sous lequel, à la suite du premier empereur chrétien, peuples et rois, le front dans la poussière, s'étaient pressés durant douze siècles en présence de la Confession immortelle, centre et rendez-vous du monde entier. Mais la coupole lancée dans les airs par le génie de Michel-Ange, désigne toujours à la Ville et au monde le lieu où dort le pêcheur galiléen, successeur des Césars, résumant dans le Christ dont il est le Vicaire les destinées de la ville éternelle.


Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome.

La seconde gloire de Rome est la tombe de Paul sur la voie d'Ostie. Cette tombe, à la différence de celle de Pierre qui continue de plonger dans les profondeurs de la crypte vaticane, est portée jusqu'à fleur de terre par un massif de maçonnerie, sur lequel pose le vaste sarcophage. On fut à même de constater cette particularité en 1841, lorsque l'on reconstruisit l'autel papal. Il parut évident que l'intention de soustraire le tombeau de l'apôtre aux inconvénients qu'amènent les débordements du Tibre, avait obligé de soulever ainsi le sarcophage de la place où d'abord Lucine l'avait établi (Voir XVI Septembre, en la Légende de saint Corneille.).


Baldaquin du maître-autel. Basilique Saint-Pierre. Rome.

Le pèlerin n'a garde de s'en plaindre, lorsque par le soupirail qui s'ouvre au centre de l'autel, son œil respectueux peut s'arrêter sur le marbre qui ferme la tombe, et y lire ces imposantes paroles, tracées en vastes caractères de l'époque constantinienne :
" PAULO APOSTOLO ET MARTYRI."
" A Paul Apôtre et Martyr."
(Dom Guéranger, Sainte Cécile et la Société romaine aux deux premiers siècles, ch. VI.).


Reliquaire contenant une part importante des reliques de saint Pierre. Basilique Saint-Pierre.

Ainsi Rome chrétienne est protégée au nord et au midi par ces deux citadelles. Associons-nous aux sentiments de nos pères, lorsqu'ils disaient de la cité privilégiée :
" Janitorante fores fixit sacraria Petrus :
Quis neget has arces instar esse poli ?
Parte alia Pauli circumdant atria muros :
Hos inter Roma est: hic sedet ergo Deus."

" Pierre, le portier, fixe ! à l'entrée sa demeure sainte ;
Qui niera que cette ville soit pareille aux cieux ?
A l'autre extrémité, Paul, de son temple, en garde les murs ;
Rome est assise entre les deux : là donc est Dieu."


Tombe de saint Paul. Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome.

Donc aussi la présente fête méritait d'être plus qu'une solennité locale; l'Eglise mère, en l'étendant à toute Eglise dans ces derniers siècles, a mérité la reconnaissance du monde. Grâce à elle, nous pouvons tous ensemble aujourd'hui faire en esprit ce pèlerinage ad limina (Ad limina Apostolorum, aux seuils des basiliques des Apôtres, où l'on se prosternait avant d'entrer dans les basiliques mêmes) que nos aïeux accomplissaient au prix de tant de fatigues, ne croyant jamais en acheter trop cher les saintes joies et les bénédictions.

" Célestes monts, sommets brillants de la Sion nouvelle ! Là sont les portes de la patrie, les deux lumières du monde en sa vaste étendue ! Là, Paul comme un tonnerre fait entendre sa voix ; là, Pierre retient ou lance la foudre. Par celui-là les cœurs des hommes sont ouverts, par celui-ci les cieux. Celui-ci est la pierre de fondement, celui-là l'ouvrier du temple où s'élève l'autel qui apaise Dieu. Tous deux, fontaine unique, épanchent les eaux qui guérissent et désaltèrent." (Venant. Fortunat. Miscellanea, III, 7.).


Plaque de la tombe de saint Paul. Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome.

L'Eglise romaine a consigné, dans les Leçons qui suivent, ses traditions concernant les basiliques dont la dédicace fait l'objet de la fête de ce jour.

Parmi les lieux sacrés qui attirèrent autrefois la vénération des chrétiens, les plus célèbres et les plus fréquentés furent ceux où l'on gardait les corps des saints, ou quelque reste ou mémoire des Martyrs. Au nombre et en tête de ces saints lieux fut toujours cette partie glorieuse du Vatican qu'on appelait la Confession de saint Pierre. Là, en effet, de toutes les parties du monde affluaient les chrétiens ; là était pour eux la pierre de la foi, le fondement de l'Eglise ; leur vénération pour le lieu consacré parle tombeau du Prince des Apôtres se traduisait par les plus religieuses et les plus pieuses démonstrations.

Là, l'empereur Constantin le Grand vint le huitième jour après son baptême, et déposant le diadème et se prosternant, répandit une grande abondance de larmes ; puis s'armant de la pioche et du hoyau, il creusa le sol et en retira douze charges de terre en l'honneur des douze Apôtres, désignant ainsi l'emplacement de la basilique qu'il voulait construire à leur Prince. Elle fut dédiée par le Pape saint Silvestre le quatorze des calendes de décembre, en la manière que, le cinq des ides de novembre, il avait consacré l'église du Latran, mais en y élevant un autel de pierre qu'il oignit du chrême, et prescrivant que désormais tout autel devrait être de pierre. Le bienheureux Silvestre dédia pareillement sur la voie d'Ostie la basilique de saint Paul Apôtre, que l'empereur Constantin avait de même construite avec magnificence  l'enrichissant ainsi que la première de biens-fonds, d'ornements, et de présents considérables.


Fresque-mosaïque. Basilique Saint-Paul-Hors-Les-Murs. Rome. Ve.

Or, comme la basilique vaticane tombait de vétusté, elle fut par la piété de nombreux Pontifes réédifiée depuis les fondations plus magnifique et plus grande ; l'an 1626, en ce même jour, Urbain VIII la consacrait solennellement. L'an 1823, un violent incendie consumait entièrement la basilique de la voie d'Ostie ; relevée plus belle qu'auparavant par le zèle persévérant de quatre Pontifes et comme reconquise sur la destruction, Pie IX mit à profit pour sa consécration la très heureuse circonstance de la définition de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie qu'il venait de proclamer, et qui des contrées les plus éloignées de l'univers catholique avait attiré à Rome nombre d'évêques et de cardinaux ; ce fut le dixième jour de décembre de l'année mil huit cent cinquante-quatre, qu'entouré d'une si brillante couronne de prélats et de princes de l'Eglise il accomplit la solennelle dédicace, en en fixant la mémoire annuelle au présent jour.

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samedi, 18 novembre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

29 janvier. Saint François de Sales, évêque et prince de Genève, Docteur de l'Eglise. 1622.

- Saint François de Sales, évêque et prince de Genève, Docteur de l'Eglise. 1622.

Pape : Grégoire XV. Duc de Savoie, prince de Piémont : Charles-Emmanuel Ier. Roi de France : Louis XIII. Empereur du Saint Empire : Ferdinand II.

" Monsieur de Genève est vraiment le phénix des prélats. Il y a presque toujours chez les autres quelque côté faible : dans l'un c'est la science, dans un autre la piété, dans d'autres la naissance, au lieu que Monsieur de Genève réunit tout au plus haut degré, et naissance illustre, et science rare, et piété éminente."
Jugement de l'usurpateur Henri de Navarre, plus connu sous le nom d'Henri IV, roi de France.

" Si vous avez des hérétiques à convaincre, vous pouvez me les envoyer ; si vous en avez à convertir, adressez-les à M. de Genève."
Cardinal du Perron.


Eglise Saint-Thomas. La Flèche. Maine. XVIIe.

Voici venir au berceau du doux Fils de Marie l'angélique évêque François de Sales, digne d'y occuper une place distinguée pour la suavité de sa vertu, l'aimable enfance de son cœur, l'humilité et la tendresse de son amour. Il arrive escorté de ses brillantes conquêtes : soixante-douze mille hérétiques soumis à l'Eglise par l'ascendant de sa charité ; un Ordre entier de servantes du Seigneur, conçu dans son amour, réalisé par son génie céleste ; tant de milliers d'âmes conquises à la piété par ses enseignements aussi sûrs que miséricordieux, qui lui ont mérité le titre de Docteur.

Dieu le donna à son Eglise pour la consoler des blasphèmes de l'hérésie qui allait prêchant que la foi romaine était stérile pour la charité ; il plaça ce vrai ministre évangélique en face des âpres sectateurs de Calvin ; et l'ardeur de la charité de François de Sales fondit la glace de ces cœurs obstinés.


Saint Francois de Sales enfant se consacrant à Marie.

François de Sales parut donc, au milieu de son siècle, comme une vivante image du Christ ouvrant ses bras et convoquant les pécheurs à la pénitence, les errants à la vérité, les justes au progrès vers Dieu, tous à la confiance et à l'amour. L'Esprit divin s'était reposé sur lui dans sa force et dans sa douceur : c'est pourquoi, en ces jours où nous avons célébré la descente de cet Esprit sur le Verbe incarné au milieu des eaux du Jourdain, nous ne saurions oublier une relation touchante de notre admirable Pontife avec son divin Chef.

Un jour de la Pentecôte, à Annecy, François était debout à l'autel, offrant l'auguste Sacrifice ; tout à coup une colombe qu'on avait introduite dans la Cathédrale, effrayée des chants et de la multitude du peuple, après avoir voltigé longtemps, vint, à la grande émotion des fidèles, se reposer sur la tête du saint évêque : symbole touchant de la douceur de l'amour de François, comme le globe de feu qui parut, au milieu des Mystères sacrés, au-dessus de la tête du grand saint Martin, désignait l'ardeur du feu qui dévorait le cœur de l'Apôtre des Gaules.


Eglise Saint-Pierre de La Croisille-sur-Briance. Limousin. XIXe.

Une autre fois, en la Fête de la Nativité de Notre-Dame, François officiait aux Vêpres, dans la Collégiale d'Annecy. Il était assis sur un trône dont les sculptures représentaient cet Arbre prophétique de Jessé, qui a produit, selon l'oracle d'Isaïe, la branche virginale, d'où est sortie la fleur divine sur laquelle s'est reposé l’Esprit d'amour. On était occupé au chant des Psaumes, lorsque, par une fente du vitrail du chœur, du côté de l'Epître, une colombe pénètre dans l'Eglise. Après avoir voleté quelque temps, de l'historien, elle vint se poser sur l'épaule du saint Evêque, et de là sur ses genoux, d'où les ministres assistants la prirent. Après les Vêpres, François, jaloux d'écarter de lui l'application favorable que ce symbole inspirait naturellement à son peuple, monta en chaire, et s'empressa d'éloigner toute idée d'une faveur céleste qui lui eût été personnelle, en célébrant Marie qui, pleine de la grâce de l'Esprit-Saint, a mérité d'être appelée la colombe toute belle, en laquelle il n'y a pas une tache.

Quand on cherche parmi les disciples du Sauveur le type de sainteté qui fut départi à notre admirable Prélat, l'esprit et le coeur ont tout aussitôt nommé Jean, le disciple bien-aimé. François de Sales est comme lui l'Apôtre de la charité; et la simplesse du grand Evangéliste pressant un innocent oiseau dans ses mains vénérables, est la mère de cette gracieuse innocence qui reposait au cœur de l'Evêque de Genève. Jean, par sa seule vue, par le seul accent de sa voix, faisait aimer Jésus ; et les contemporains de François disaient :
" Ô Dieu ! Si telle est la bonté de l’évêque de Genève, quelle ne doit pas être la vôtre !"


Saint François de Sales écrivant. Gravure du XVIIIe.

Ce rapport merveilleux entre l'ami du Christ et François de Sales se révéla encore au moment suprême, lorsque le jour même de saint Jean, après avoir célébré la sainte Messe et communié de sa main ses chères filles de la Visitation, il sentit cette défaillance qui devait amener pour son âme la délivrance des liens du corps. On s'empressa autour de lui ; mais déjà sa conversation n'était plus que dans le ciel. Ce fut le lendemain qu'il s'envola vers sa patrie, en la fête des saints Innocents, au milieu desquels il avait droit de reposer éternellement, pour la candeur et la simplicité de son âme.

La place de François de Sales, sur le Cycle, était donc marquée en la compagnie de l'Ami du Sauveur, et de ces tendres victimes que l'Eglise compare à un gracieux bouquet d'innocentes roses ; et s'il a été impossible de placer sa mémoire à l'anniversaire de sa sortie de ce monde, parce que ces deux jours sont occupés par la solennité de saint Jean et celle des Enfants de Bethléhem, du moins la sainte Eglise a-t-elle pu encore placer sa fête dans l'intervalle des quarante jours consacrés à honorer la Naissance de l'Emmanuel.


C'est donc à cet amant du Roi nouveau-né qu'il appartient de nous révéler les charmes de l'Enfant de la crèche. Nous chercherons la pensée de son cœur, pour en nourrir le nôtre, dans son admirable correspondance, où il rend avec tant de suavité les sentiments pieux qui débordaient de son cœur, en présence des mystères que nous célébrons.

Vers la fin de l'Avent 1619, il écrivait à une religieuse de la Visitation, pour l'engager à préparer son cœur à la venue de l'Epoux céleste :

" Ma très chère fille, voilà le tant petit aimable Jésus qui va naître en notre commémoration, ces fêtes-ci prochaines ; et puisqu'il naît pour nous visiter de la part de son Père éternel, et que les pasteurs et les rois le viendront réciproquement visiter au berceau, je crois, qu'il est le Père et l'Enfant tout ensemble de cette Sainte Marie de la Visitation.


Saint François de Sales visitant des religieuses de la Visitation.
Emile Hirsch. Verrière de l'église Saint-Séverin. Paris. XIXe.

Or sus, caressez-le bien ; faites-lui bien l'hospitalité avec toutes nos sœurs, chantez-lui bien de beaux cantiques, et surtout adorez-le bien fortement et doucement, et en lui sa pauvreté, son humilité, son obéissance et sa douceur, à l'imitation de sa très sainte Mère et de saint Joseph ; et prenez-lui une de ses chères larmes, douce rosée du ciel, et la mettez sur votre cœur, afin qu'il n'ait jamais de tristesse que celle qui réjouit ce doux Enfant ; et quand vous lui recommanderez votre âme, recommandez-lui quant et quant la mienne, qui est certes toute vôtre.

Je salue chèrement la chère troupe de nos sœurs, que je regarde comme de simples bergères veillant sur leurs troupeaux, c'est-à-dire sur leurs affections ; qui, averties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur éternelle servitude, lui offrent le plus beau de leurs agneaux, qui est leur amour, sans réserve ni exception."


Saint François de Sales recevant les bulles du pape
Clément VIII confirmant son élévation à l'épiscopat. XVIIe.

La veille de la Naissance du Sauveur, saisi par avance des joies de la nuit qui va donner son Rédempteur à la terre, François s'épanche déjà avec sa fille de prédilection, Jeanne-Françoise de Chantal, et la convie à goûter avec lui les charmes de l'Enfant divin et à profiter de sa visite :

" Le grand petit Enfant de Bethléhem soit à jamais les délices et les amours de notre cœur, ma très chère mère, ma fille ! Hélas ! comme il est beau, ce pauvre petit poupon ! Il me semble que je vois Salomon sur son grand trône d'ivoire, doré et ouvragé, qui n'eut point d'égal es royaumes, comme dit l'Ecriture : et ce roi n'eut point de pair en gloire ni en magnificence. Mais j'aime cent fois mieux voir le cher enfançon en la crèche, que de voir tous les rois en leurs trônes.


Armoiries épiscopale de saint François de Sales.
Sa devise complète : " Nunquam excidet " que l'on peut traduire,
se raportant à la foi, à l'espérance et à la charité, par :
" Il ne tomde jamais ".

Mais si je le vois sur les genoux de sa sacrée Mère ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un petit bouton de rose, attachée au lis de ses saintes mamelles, Ô Dieu ! Je le trouve plus magnifique en ce trône, non seulement que Salomon dans le sien d'ivoire, mais que jamais même ce Fils éternel du Père ne le fut au ciel ; car si bien le ciel a plus d'être visible, la Sainte Vierge a plus de perfections invisibles ; et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les affluences des cieux. Le grand saint Joseph nous fasse part de sa consolation, la souveraine Mère de son amour : et l'Enfant veuille à jamais répandre dans nos cœurs ses mérites !

Je vous prie, reposez le plus doucement que vous pourrez auprès du petit céleste enfant : il ne laissera pas d'aimer votre cœur bien-aimé tel que vous l'avez, sans tendreté et sans sentiment. Voyez-vous pas qu'il reçoit l'haleine de ce gros bœuf et de cet âne qui n'ont sentiment ni mouvement quelconque ? Comment ne recevra-t-il pas les aspirations de notre pauvre coeur, lequel, quoique non tendrement pour le présent, solidement néanmoins et fermement, se sacrifie à ses pieds pour être à jamais serviteur inviolable du sien, et de celui de sa sainte Mère, et du grand gouverneur du petit Roi ?"


Anonyme. Bavière. XVIIe.

La nuit sacrée s'est écoulée, apportant avec elle la Paix aux hommes de bonne volonté ; François cherche encore le cœur de la fille que Jésus lui a confiée, pour y verser toutes les douceurs qu'il a goûtées dans la contemplation du mystère d'amour :

" Hé, vrai Jésus ! Que cette nuit est douce, ma très chère fille ! Les cieux, chante l'Eglise, distillent de toutes parts le miel ; et moi, je pense que ces divins Anges, qui résonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lis où il se trouve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J'ai peur, ma chère fille, que ces divins Esprits ne se méprennent entre le lait qui sort des mamelles virginales, et le miel du ciel qui est abouché sur ces mamelles. Quelle douceur de voir le miel sucer le lait !


Portrait en tête d'une édition des oeuvres complètes
de saint François de Sales. Paris. 1866.

Mais je vous prie, ma chère fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges, de vous et de moi, se trouvèrent en la chère troupe de musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? Ô Dieu ! S'il leur plaisait d'entonner derechef, aux oreilles de notre cœur, cette même céleste chanson, quelle joie ! Quelle jubilation ! Je les en supplie, afin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté.

Revenant donc d'entre les sacrés Mystères, je donne ainsi le bonjour à ma chère fille : car je crois que les pasteurs encore, après avoir adoré le céleste poupon que le ciel même leur avait annoncé, se reposèrent un peu. Mais, Ô Dieu ! Que de suavité, comme je pense, à leur sommeil ! Il leur était avis qu'ils oyaient toujours la sacrée mélodie des Anges qui les avaient salués si excellemment de leur cantique, et qu'ils voyaient toujours le cher Enfant et la Mère qu'ils avaient visités.


Saint François Sales remet les règles aux
sœurs de la Visitation. Anonyme. XVIIe.

Que donnerions-nous à notre petit Roi, que nous n'ayons reçu de lui et de sa divine libérait lité ? Or sus, je lui donnerai donc, à la sainte Grand'Messe, la très uniquement fille bien-aimée qu'il m'a donnée. Hé ! Sauveur de nos âmes, rendez-la toute d'or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en oraison ; et puis recevez-la entre les bras de votre sainte protection ; et que votre cœur dise au sien : " Je suis ton salut aux siècles des siècles "."

Parlant ailleurs à une autre épouse du Christ, il l'exhorte, en ces termes, à se nourrir de la douceur du nouveau-né :

" Que jamais votre âme, comme une abeille mystique, n'abandonne ce cher petit Roi, et qu'elle fasse son miel autour de lui, en lui, et pour lui ; et qu'elle le prenne sur lui, duquel les lèvres sont toutes détrempées de grâce, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l'on ne vit sur celles de saint Ambroise, les saintes avettes, amassées en essaim, font leurs doux et gracieux ouvrages."

Saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal
priant le Sacré Coeur de Jésus.
Hospice des Ursulines de Baugé. Baugé. Maine. XVIIe.

Mais il faut bien s'arrêter ; écoutons cependant encore une dernière fois notre séraphique Pontife nous raconter les charmes du très saint Nom de Jésus, imposé au Sauveur dans les douleurs de la Circoncision ; il écrit encore à sa sainte coopératrice :

" Ô Jésus, remplissez notre cœur du baume sacré de votre Nom divin, afin que la suavité de son odeur se dilate en tous nos sens, et se répande en toutes nos actions. Mais pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisez-le, et retranchez d'icelui tout ce qui peut être désagréable à vos saints yeux. Ô Nom glorieux ! Que la bouche du Père céleste a nommé éternellement, soyez à jamais la superscription de notre âme, afin que, comme vous êtes Sauveur, elle soit éternellement sauvée ! Ô Vierge sainte, qui, la première de toute la nature humaine, avez prononcé ce Nom de salut, inspirez-nous la façon de le prononcer ainsi qu'il est convenable, afin que tout respire en nous le salut que votre ventre nous a porté.

Ma très chère fille, il fallait écrire la première lettre de cette année à Notre-Seigneur et à Notre-Dame ; et voici la seconde par laquelle, Ô ma fille, je vous donne le bon an, et dédie notre cœur à la divine bonté. Que puissions-nous tellement vivre cette année, qu'elle nous serve de fondement pour l'année éternelle ! Du moins ce matin, sur le réveil, j'ai crié à vos oreilles : vive Jésus ! Et eusse bien voulu épandre cette huile sacrée sur toute la face de la terre."


Saint François de Sales écrivant.

Quand un baume est bien fermé dans une fiole, nul ne sait discerner quelle liqueur c'est, sinon celui qui l'y a mise ; mais quand on a ouvert la fiole, et qu'on en a répandu quelques gouttes, chacun dit : C'est du baume. Ma chère fille, notre cher petit Jésus était tout plein du baume de salut; mais on ne le connaissait pas jusqu'à tant qu'avec ce couteau doucement cruel on a ouvert sa divine chair ; et lors on a connu qu'il est tout baume et huile répandue, et que c'est le baume de salut. C'est pourquoi saint Joseph et Notre-Dame, puis tout le voisinage, commencent à crier : Jésus,

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lundi, 29 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

4 septembre. Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

- Sainte Rose de Viterbe, vierge, du Tiers ordre de saint François. 1252.

Pape : Innocent IV. Roi de France : Saint Louis. Empereur germanique : Conrad IV.  Rois de Castille et de Léon : Saint Ferdinand III ; Alphonse X le Sage. Roi d'Aragon : Jacques Ier le Conquérant.

" Omnia possum in eo qui me confortat."
" Je peux tout en celui qui me fortifie."
Philipp. IV, 13.

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Sainte Rose de Viterbe triomphant de l'hérésie gibeline.

A l'époque où Frédéric II d'Allemagne persécutait l'Eglise et s'emparait des Etats pontificaux, Dieu suscitait sainte Rose pour la défense de Viterbe, capitale du patrimoine de saint Pierre et du territoire qui appartenait au souverain pontife et pour défendre la sujétion légitime du pouvoir temporel au pouvoir spirituel.

Les noms de Jésus et Marie furent les premiers mots qui sortirent de la bouche de cette candide créature. Elle avait trois ans lorsque Dieu manifesta Sa toute-puissance en ressuscitant par son intermédiaire une de ses tantes qu'on portait au cimetière. Lorsqu'elle fut capable de marcher, elle ne sortait que pour aller à l'église ou pour distribuer aux pauvres le pain qu'on lui donnait. Un jour son père la rencontra en chemin et lui demanda d'ouvrir son tablier pour voir ce qu'elle portait. O prodige ! Des roses vermeilles apparurent à la place du pain.

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Au lieu de s'amuser comme toutes les fillettes de son âge, Rose de Viterbe passait la plus grande partie de son temps en prière devant de saintes images, les mains jointes, immobile et recueillie. A l'âge de sept ans, elle sollicita instamment la permission de vivre seule avec Dieu dans une petite chambre de la maison. La petite recluse s'y livra à une oraison ininterrompue et à des austérités effrayantes qu'elle s'imposait, disait-elle, pour apaiser la colère de Dieu. Entre autres mortifications, sainte Rose marchait toujours les pieds nus et dormait sur la terre.

Dieu lui révéla les châtiments éternels réservés aux pécheurs impénitents. Rose en fut toute bouleversée. La Très Sainte Vierge Marie lui apparut, la consola, la bénit et lui annonça que le Seigneur l'avait choisie pour convertir les pauvres pécheurs :
" Il faudra t'armer de courage, continua la Mère de Dieu, tu parcourras des villes pour exhorter les égarés et les ramener dans le chemin du salut."

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Sainte Rose de Viterbe. Francisco de Zurbaran. XVIIe.

Une autre vision la fit participer au drame du Calvaire ; dès lors, la soif de sauver les âmes ne la quitta plus. Sa pénitence aussi austère que précoce, réduisit le frêle corps de Rose à un tel état de faiblesse qu'on désespérait de sauver sa vie. La Très Sainte Vierge la visita de nouveau, la guérit miraculeusement et lui dit d'aller visiter l'église de St-Jean-Baptiste le lendemain, puis celle de Saint-François où elle prendrait l'habit du Tiers Ordre.

Obéissante à la voix du ciel, elle commença à parcourir les places publiques de la ville de Viterbe vêtue de l'habit de pénitence, pieds nus, un crucifix à la main, exhortant la foule à la pénitence et à la soumission au Saint-Siège. Des miracles éclatants vinrent confirmer l'autorité de sa parole.

Instruit de ce qui se passait, le gouverneur impérial de la ville de Viterbe craignit que cette enfant extraordinaire ne détruisit complètement le prestige de l'empereur Frédéric et que l'autorité du pape s'affirmât à nouveau. Il fit comparaître sainte Rose à son tribunal et menaça de la jeter en prison si elle continuait à prêcher. La servante de Dieu lui répondit :
" Je parle sur l'ordre d'un Maître plus puissant que vous, je mourrai plutôt que de Lui désobéir."

Sur les instances d'hérétiques obstinés, sainte Rose est finalement chassée de Viterbe avec toute sa famille, en plein coeur de l'hiver.

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Peu après, sainte Rose de Viterbe annonça le trépas de l'ennemi de Dieu, Frédéric II d'Allemagne. En effet, il ne tarda pas à expirer étouffé dans son lit. A cette nouvelle, les habitants de Viterbe s'empressèrent de rappeller leur petite Sainte, absente depuis dix-huit mois. Celle que tous regardaient comme la libératrice de la patrie, la consolatrice des affligés et le secours des pauvres fut reçue en triomphe dans sa ville natale, tandis que le pape Innocent IV, ramené à Rome, rentrait en possession de Viterbe.

Sa mission apostolique terminée, sainte Rose songea à réaliser son voeu le plus cher. Elle se présenta au couvent de Sainte-Marie-des-Roses, mais n'y fut pas acceptée, probablement à cause du genre de vie extraordinaire qu'elle avait menée auparavant. Rose vécut donc en recluse dans la maison paternelle, se vouant à la contemplation et aux plus rigoureuses pénitences. Plusieurs jeunes filles dont elle s'était déjà occupée la supplièrent de les prendre sous sa conduite. La demeure de la Sainte devint un véritable couvent où des âmes généreuses se livrèrent à l'exercice des plus sublimes vertus.

L'élue de Dieu avait dix-sept ans et six mois lorsque le divin jardinier vint cueillir Sa rose toute épanouie pour le ciel, le 6 mars 1252. A l'heure de son glorieux trépas, les cloches sonnèrent d'elles-mêmes. Sainte Rose de Viterbe apparut au souverain pontife pour lui demander de transporter son corps au monastère de Sainte-Marie-des-Roses, translation qui eut lieu six mois après sa mort. A cette occasion, son corps fut trouvé intact.

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Eglise Sainte-Rose-de-Viterbe. Viterbe.

Il se conserve encore, au même endroit, dans toute sa fraîcheur et sa flexibilité. D'innombrables miracles ont illustré son tombeau.

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Le corps incorrompu de sainte Rose, conservé dans l'église
Sainte-Rose-de-Viterbe à Viterbe. Sa fête donne lieu à une
grande procession chaque 4 septembre dans cette ville
dont elle est une des patronnes majeures.

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lundi, 04 septembre 2023 | Lien permanent

4 octobre. Saint François d'Assise, confesseur, fondateurs de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.

- Saint François d'Assise, confesseur, fondateur de l'Ordre des Frères mineurs. 1226.

Pape : Honorius III. Roi de France : Louis VIII le Lion (+ 8 nov. 1226) ; saint Louis. Empereur romain germanique : Frédéric II.

" Qui n'admirerait la folie sublime et céleste de saint François d'Assise, qui lui fait établir ses richesses dans la pauvreté, ses délices dans les souffrances, sa gloire dans la bassesse !"
Bossuet. Panégyriques.


Saint François d'Assise. Francesco Albani, XVIIe.

François, né à Assise en Ombrie, s'adonna dès le jeune âge au négoce, à l'exemple de son père. Un jour que, contre sa coutume, il avait repoussé un pauvre qui sollicitait de lui quelque argent pour l'amour de Jésus-Christ, il fut aussitôt pris de repentir et exerça largement la miséricorde envers ce mendiant, promettant à Dieu que, de ce jour, il ne rebuterait quiconque lui demanderait l'aumône. Une grave maladie qu'il eut ensuite fut pour lui, dès sa convalescence, le point de départ d'une ardeur nouvelle dans la pratique de la charité. Ses progrès y furent tels, que, désireux d'atteindre la perfection évangélique, il donnait aux pauvres tout ce qu'il avait. Ce que son père ne pouvant souffrir, il traduisit François devant l'évêque d'Assise à l'effet d'exiger de lui une renonciation aux biens paternels ; le saint lui donna satisfaction jusqu'à dépouiller les habits dont il était revêtu, ajoutant qu'il lui serait désormais plus facile de dire : " Notre Père, qui êtes aux cieux ".


Saint françois d'Assise. Le Greco. XVIe.

Un jour qu'il avait entendu lire ces paroles de l'Evangile : " N'ayez or, argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux vêtements, ni chaussures " ; il résolut d'en faire la règle de sa vie, et, quittant les chaussures qu'il avait aux pieds, ne garda plus qu'une tunique. Avec douze compagnons qui s'adjoignirent à lui, il fonda l'Ordre des Mineurs.

L'an du salut 1209 le vit venir à Rome, pour obtenir du Siège apostolique qu'il confirmât la règle dudit Ordre. Le Souverain Pontife Innocent III l'ayant d'abord éconduit, vit ensuite en songe cet homme qu'il avait repoussé et qui soutenait de ses épaules la basilique de Latran menaçant ruine ; il le fit aussitôt chercher et mander, l'accueillit avec bienveillance et approuva tout ce qui lui fut exposé.


Saint François d'Assise. Vittorio Crivelli. XVe.

Saint François donc envoya ses Frères dans toutes les parties du monde, afin d'y prêcher l'Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ ; pour lui, ambitionnant de rencontrer quelque occasion du martyre, il fit voile vers la Syrie ; mais si le Sultan qui régnait là n'eut pour lui que des honneurs, il n'avançait à rien de significatif quant à sa conversion et se résolut à revenir en Italie.

Ayant donc construit un grand nombre de couvents, il se retira dans la solitude du mont Alverne, pour y commencer un jeûne de quarante jours en l'honneur de saint Michel Archange ; c'est alors que, le jour de l'Exaltation de la sainte Croix, un Séraphin lui apparut portant entre ses ailes l'image du Crucifié, et imprima à ses mains, à ses pieds, à son côté les plaies sacrées. Saint Bonaventure témoigne en ses écrits qu'assistant à une prédication du Souverain Pontife Alexandre IV, il entendit le Pontife raconter avoir vu de ses yeux ces stigmates augustes. Signes du très grand amour que portait au Saint le Seigneur, et qui excitaient au plus haut point l'admiration universelle (se reporter à notre notice du 17 septembre).

Notre Dame et Notre Seigneur Jésus-Christ entourés de
saint Côme, saint Damien, sainte Marie-Madeleine, saint
François d'Assise, saint Jean-Baptiste et sainte Catherine
d'Alexandrie. Sandro Boticcelli. XVe.

Deux ans après, gravement malade, saint François voulut être transporté à l'église de Sainte-Marie-des-Anges, afin de rendre à Dieu son esprit là même où il avait reçu l'esprit de grâce. Ayant donc exhorté les Frères à aimer la pauvreté, la patience, à garder la foi de la sainte Eglise Romaine, il entonna le Psaume : " J'ai élevé ma voix pour crier vers le Seigneur " ; et au verset " Les justes attendent que vous me donniez ma récompense ", il rendit l'âme. C'était le quatre des nones d'octobre. Les miracles continuèrent d'étendre sa renommée, et le Souverain Pontife Grégoire IX l'inscrivit au nombre des saints.


Saint Michel archange et saint François d'Assise.
Jean de Flandres. XVIe.

PRIERE

" Soyez béni de toute âme vivante, Ô vous que le Sauveur du monde associa si pleinement à son œuvre de salut. Le monde, qui n'est que pour Dieu, ne subsiste que par les Saints ; car c'est en eux que Dieu trouve sa gloire. Quand vous naquîtes, les Saints se faisaient rares ; l'ennemi de Dieu et du monde étendait chaque jour son empire de glaciales ténèbres ; or, quand le corps social aura perdu foi et charité, lumière et chaleur, c'en sera fait de l'humanité. Venu à temps pour rechauffer encore une société que l'hiver semblait avoir déjà stérilisée, vous sûtes au souffle de vos séraphiques ardeurs donner à ce treizième siècle, si riche en fleurs exquises, l'apparence d'un printemps qu'hélas ! l'été ne devait pas suivre.

Par vous, la Croix força de nouveau le regard des peuples ; mais ce fut moins pour être exaltée dans un triomphe permanent comme jadis, qu'arin de rallier les prédestinés en face de l'ennemi ; bientôt, en effet, celui-ci reprendra ses avantages. L'Eglise dépouille la parure de gloire qui lui seyait au temps de la royauté incontestée du Seigneur ; avec vous, elle aborde nu-pieds la carrière où ses propres épreuves vont désormais l'assimiler à l'Epoux souffrant et mourant pour l'honneur de son Père. Par vous et par les vôtres, tenez toujours haut devant elle l'étendard sacré.


Saint Francois d'Assise. Eglise Saint-Pierre de Thauvenay.
Sancerrois, Berry.

C'est en s'identifiant au Christ sur la Croix, qu'on le retrouve dans les splendeurs de sa divinité ; car l'homme et Dieu en lui ne se séparent pas, et toute âme, disiez-vous, doit contempler les deux ; mais c'est chimère de chercher ailleurs que dans la compassion effective à notre Chef souffrant le chemin de l'union divine et les très doux fruits de l'amour (Francisci Opusc. T. III, Collatio XXIV.). Si l'âme se laisse conduire au bon plaisir de l'Esprit-Saint, ajoutiez-vous, ce Maître des maîtres n'aura pas avec elle d'autre direction que celle que le Seigneur a consignée dans les livres de son humilité, patience et passion (Ibid.)."


Le pape Nicolas V fait ouvrir le caveau de saint François en 1449.
Laurent de la Hyre. XVIIe.

François, marqué du sceau divin, chantait dans un langage des cieux le duel sublime qu'avait été sa vie (In foco l’amor mi mise. Francisci Opusc. T. III, Cant. II) :

" L'amour m'a mis dans la fournaise, l'amour m'a mis dans la fournaise ; il m'a mis dans une fournaise d'amour.

Mon nouvel époux, l'amoureux Agneau, m'a remis l'anneau nuptial ; puis, m'ayant jeté en prison, il m'a fendu tout le cœur, et mon corps est tombé à terre. Ces flèches que décoche l'amour m'ont frappé en m'embrasant. De la paix il a fait la guerre ; je me meurs de douceur.

Les traits pleuraient si serrés que j'en étais tout agonisant. Alors je pris un bouclier ; mais les coups se pressèrent si bien, qu'il ne me protégea plus ; ils me brisèrent tout le corps, si fort était le bras qui les dardait.

Il les dardait si fortement, que je désespérai de les parer ; et pour échapper à la mort je criai de toute ma force : " Tu forfais aux lois du champ clos ". Mais lui, dressa une machine de guerre qui m'accabla de nouveaux coups.

Jamais il ne m'eût manqué, tant il savait tirer juste. J'étais couché à terre, sans pouvoir m'aider de mes membres. J'avais le corps tout rompu, et sans plus de sentiment qu'un homme trépassé.

Trépassé, non par mort véritable, mais par excès de joie. Puis, reprenant possession de mon corps, je me sentis si fort, que je pus suivre les guides qui me conduisaient à la cour du ciel.

Après être revenu à moi, aussitôt je m'armai ; je fis la guerre au Christ ; je chevauchai sur son terrain, et l'ayant rencontré, j'en vins aux mains sans retard, et je me vengeai de lui.

Quand je fus vengé, je fis avec lui un pacte ; car dès le commencement le Christ m'avait aimé d'un amour véritable. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ."

Rq : On lira avec fruits un superbe résumé de la vie de saint François d'Assise dans la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine sur cette page : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome03/150.htm

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mercredi, 04 octobre 2023 | Lien permanent

10 octobre. Saint François de Borgia, confesseur. Duc de Gandie, IIIe général de la compagnie de Jésus. 1572.

- Saint François de Borgia, confesseur. Duc de Gandie, IIIe général de la compagnie de Jésus. 1572.

Pape : Saint Pie V. Roi d'Espagne : Philippe II.

" Peu m'importe que l'amour des choses terrestres meure en moi, pourvu que l'amour des choses du ciel vive dans mon coeur."
Maxime de saint François de Borgia.

Saint Francisco de Borgia. Alonso Cano. XVIe.

François, quatrième duc de Gandie, naquit de Jean de Borgia et de Jeanne d'Aragon, petite-fille de Ferdinand le Catholique. Admirable avait été parmi les siens l'innocence et la piété de son enfance ; plus admirable fut-il encore dans les exemples de vertu chrétienne et d'austérité qu'il donna par la suite, à la cour d'abord de l'empereur Charles-Quint, plus tard comme vice-roi de Catalogne. Ayant dû conduire le corps de l'impératrice Isabelle à Grenade pour l'y remettre aux sépultures royales, l'affreux changement des traits de la défunte le pénétra tellement de la fragilité de ce qui doit mourir, qu'il s'engagea par vœu à laisser tout dès qu'il le pourrait pour servir uniquement le Roi des rois. Si grands furent dès lors ses progrès, qu'il retraçait au milieu du tourbillon des affaires une très fidèle image de la perfection religieuse, et qu'on l'appelait la merveille des princes.

Saint François de Borgia assistant un mourant. Francisco Goya. XVIIe.

A la mort d'Eléonore de Castro son épouse, il entra dans la Compagnie de Jésus. Son but était de s'y cacher plus sûrement, et de se fermer la route aux dignités par le voeu qu'on y fait à l’encontre. Nombre de personnages princiers s'honorèrent de marcher après lui sur le chemin du renoncement, et Charles-Quint lui-même ne fit pas difficulté de reconnaître que c'étaient son exemple et ses conseils qui l'avaient porté à abdiquer l'empire. Tel était le zèle de François dans la voie étroite, que ses jeûnes, l'usage qu'il s'imposait des chaînes de fer et du plus rude cilice, ses sanglantes et longues flagellations, ses privations de sommeil réduisirent à la dernière maigreur son corps ; ce pendant qu'il n'épargnait aucun labeur pour se vaincre lui-même et sauver les âmes. Tant de vertu porta saint Ignace à le nommer son vicaire général pour l'Espagne, et peu après la Compagnie entière l'élisait pour troisième Général malgré ses résistances. Sa prudence, sa sainteté le rendirent particulièrement cher en cette charge aux Souverains Pontifes et aux princes. Beaucoup de maisons furent augmentées ou fondées par lui en tous lieux ; il introduisit la Compagnie en Pologne, dans les îles de l'Océan, au Mexique, au Pérou ; il envoya en d'autres contrées des missionnaires dont la prédication, les sueurs, le sang propagèrent la foi catholique romaine.

Saint françois de Borgia et Charles Quint devant la dépouille de
l'épouse de ce dernier, Isabelle de Portugal.

Si humbles étaient ses sentiments de lui-même, qu'il se nommait le pécheur. Souvent la pourpre romaine lui fut offerte par les Souverains Pontifes ; son invincible humilité la refusa toujours. Balayer les ordures, mendier de porte en porte, servir les malades dans les hôpitaux, étaient les délices de ce contempteur du monde et de lui-même. Chaque jour, il donnait de nombreuses heures ininterrompues, souvent huit, quelquefois dix, à la contemplation des choses célestes. Cent fois le jour, il fléchissait le genou, adorant Dieu. Jamais il n'omit de célébrer le saint Sacrifice, et l'ardeur divine qui l'embrasait se trahissait alors sur son visage ; parfois, quand il offrait la divine Hostie ou quand il prêchait, on le voyait entouré de rayons. Un instinct du ciel lui révélait les lieux où l'on gardait le très saint corps du Christ caché dans l'Eucharistie. Saint Pie V l'ayant donné comme compagnon au cardinal Alexandrini dans la légation qui avait pour but d'unir les princes chrétiens contre les Turcs, il entreprit par obéissance ce pénible voyage, les forces déjà presque épuisées ; ce fut ainsi que, dans l'obéissance, et pourtant selon son désir à Rome où il était de retour, il acheva heureusement la course de la vie, dans la soixante-deuxième année de son âge, l'an du salut mil cinq cent soixante-douze. Sainte Thérèse qui recourait à ses conseils l'appelait un saint, Grégoire XIII un serviteur fidèle. Clément X, à la suite de ses grands et nombreux miracles, l'inscrivit parmi les Saints.

Saint François de Borgia.
Statue. Université de Séville. XVIIe.

PRIERE

" Vanité des vanités, tout n'est que vanité (Ecclc. I, 1.) ! Il n'eut besoin d'aucun discours pour s'en convaincre, le descendant des rois célébré en ce jour, lorsqu'à l'ouverture du cercueil où l'on disait qu'était endormi ce que l'Espagne renfermait de jeunesse et de grâces, la mort lui révéla soudain ses réalités. Beautés de tous les temps, la mort seule ne meurt pas ; sinistre importune qui s'invite de vos danses et de vos plaisirs, elle assiste à tous les triomphes, elle entend les serments qui se disent éternels. Combien vite elle saura disperser vos adorateurs ! Quelques années, sinon quelques jours, peut-être moins, séparent vos parfums d'emprunt de la pourriture de la tombe.

" Assez des vains fantômes ; assez servi les rois mortels ; éveille-toi, mon âme."
C'est la réponse de François de Borgia aux enseignements du trépas. L'ami de Charles-Quint, le grand seigneur dont la noblesse, la fortune, les brillantes qualités ne sont dépassées par aucun, abandonne dès qu'il peut la cour. Ignace, l'ancien soldat du siège de Pampelune, voit le vice-roi de Catalogne se jeter à ses pieds, lui demandant de le protéger contre les honneurs qui le poursuivent jusque sous le pauvre habit de jésuite où il a mis sa gloire.

Saint François de Borgia.
Bernardo Lorente German. XVIIIe.

" Seigneur Jésus-Christ, modèle de l'humilité véritable et sa récompense ; en la manière que vous avez fait du bienheureux François votre imitateur glorieux dans le mépris des honneurs de la terre, nous vous en supplions, faites que vous imitant nous-mêmes, nous partagions sa gloire." (Collecte du jour) C'est la prière que l'Eglise présente sous vos auspices à l'Epoux. Elle sait que, toujours grand près de Dieu, le crédit des Saints l'est surtout pour obtenir à leurs dévots clients la grâce des vertus qu'ils ont plus spécialement pratiquées.

Combien précieuse apparaît en vous cette prérogative, Ô François, puisqu'ell s'exerce dans le domaine de la vertu qui attire toute grâce ici-bas, comme elle assure toute grandeur au ciel ! Depuis que l'orgueil précipita Lucifer aux abîmes et que les abaissements du Fils de l'homme ont amené son exaltation par delà les deux (Philipp. II, 6, 11.), l'humilité, quoi qu'on ait dit dans nos temps, n'a rien perdu de sa valeur inestimable ; elle reste l'indispensable fondement de tout édifice spirituel ou social aspirant à la durée, la base sans laquelle nulles autres vertus, fût-ce leur reine à toutes, la divine charité, ne sauraient subsister un jour. Donc, Ô François, obtenez-nous d'être humbles ; pénétrez-nous de la vanité des honneurs du monde et de ses faux plaisirs. Puisse la sainte Compagnie dont vous sûtes, après Ignace même, augmenter encore le prix pour l'Eglise, garder chèrement cet esprit qui fut vôtre, afin de grandir toujours dans l'estime du ciel et la reconnaissance de la terre."

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mardi, 10 octobre 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

31 juillet. St Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus. 1556.

- Saint Ignace de Loyola, fondateur de l'Ordre des clercs réguliers de la Compagnie de Jésus. 1556.

Pape : Paul IV. Roi de France : Henri II. Roi d'Espagne : Charles Quint (abdique le 16 janvier 1556 et se retire) ; Philippe II.

" Quand nous sacrifions nos intérêt au service de Dieu, Il avance plus nos affaires que nous aurions fait nous-mêmes si nous avions préféré nos intérêts à son service."
Maxime de saint Ignace de Loyola.

" A. M. D. G. "
" Ad Majorem Dei Gloriam "

Devise de la Compagnie de Jésus.


Ignace de Loyola. Ecole espagnole. XVIIe siècle.
Château de Versailles.

Eneko (Iñigo en castillan) est né dans le château de Loyola sur la commune d'Azpeitia, à 25 kilomètres au sud-ouest de Donostia-San Sebastian dans la province de Guipuzcoa, au Pays-Basque en Espagne. Son nom, Iñigo, vient de Saint Enecus (Innicus), père-abbé d'Oña ; le nom Ignatius fut pris plus tard lorsqu'il résidera à Rome en l'honneur de saint Ignace d'Antioche.

Dernier né d'une fratrie de 13 enfants, Ignace grandit au sein d'une famille de la petite noblesse basque, alliée traditionnelle de la maison de Castille. Il a seulement 7 ans quand sa mère, Marina Saenz de Lieona y Balda, meure. Il noue dès lors une relation forte avec son père, don Beltrán Yañez de Oñez y Loyola. Il connaît l'éducation du grand siècle espagnol qui éclot en cette fin du XVe siècle.

En 1506, à l'âge adulte, Ignace devient page de cour, puis gentilhomme et secrétaire au service d'un parent de sa mère, Juan Velázquez de Cuéllar, trésorier (contador mayor) de la Reine de Castille, Isabelle la Catholique. Il mène pendant dix ans une vie de Cour, comme il le dit dans son autobiographie : Jusqu'à la vingt-sixième année de sa vie, il fut un homme adonné aux vanités du monde et principalement il se délectait dans l'exercice des armes. Il se lie avec la princesse Catalina, sœur de Charles Quint, séquestrée par sa mère Jeanne la Folle à Tordesillas.


La Vierge noire du XIIe siècle aux pieds de laquelle
saint Ignace déposa ses armes et renonça au monde.
Monastère de Montserrat. Espagne.

En 1516, la mort de Ferdinand d'Aragon auquel succède Charles Quint entraine le renvoi de Juan Velasquez et donc d'Ignace. En 1517, Ignace entre dans l'armée du vice-roi de Navarre, récemment rattachée au Royaume de Castille (1512). Le 20 mai 1521, alors qu'il a atteint l'âge de trente ans, il se retrouve à défendre la ville de Pampelune contre les troupes franco-navarraises, qui avec l'appui de François Ier, cherchait à récupérer la couronne de Navarre au bénéfice de la famille d'Albret. Submergés par le nombre, les espagnols voulurent se rendre, mais Ignace les exhorte à se battre. Une jambe blessée, l'autre brisée par un boulet de canon, il est ramené à son château et « opéré », mais sa jambe droite restera plus courte de plusieurs centimètres pour le restant de sa vie.

Durant sa convalescence, faute de trouver les célèbres romans de chevalerie du temps, il lit de nombreux livres religieux dont une Vie de Jésus ou la Légende dorée du bienheureux Jacques de Voragine qui narre les faits et gestes de saints. Dans un mélange de ferveur et d'anxiété, il voit en songe lui apparaître " Notre-Dame avec le Saint Enfant Jésus ". Il rejette et abjure " sa vie passée et spécialement les choses de la chair " (autobiographie) et ne songe plus qu'à adopter une vie d'ermite et suivre les préceptes de saint François d'Assise et d'autres grands exemples monastiques. Il se décide à se dévouer entièrement à la conversion des infidèles en Terre Sainte.

Après son rétablissement, il quitte en février 1522 la maison familiale pour rejoindre Jérusalem. Arrivé au monastère bénédictin de Montserrat, il se confesse et passe trois jours en prières. Dans la nuit du 24 mars 1522, dans un geste de rupture avec sa vie ancienne de chevalier, il accroche ses habits militaires et ses armes devant la statue de la Vierge Noire. Vêtu d'un simple tissu, l’home del sac, reprend la route de Barcelone.

Son voyage est dur ; ses blessures sont mal cicatrisées et il pratique une ascèse rigoureuse faite d'abstinences et de mortifications. Il passe plusieurs mois dans une grotte près de la ville de Manresa (Manrèse en français) en Catalogne ou il pratique le plus rigoureux ascétisme. Il mène jusqu'au début de 1523 une vie d'ermite au cours de laquelle il commence la rédaction de ce qui deviendra les Exercices spirituels.

Il prend alors comme « pèlerin de Dieu » la route de la Terre Sainte et le 20 mars 1523, embarque pour l'Italie. Béni à Rome par le pape Adrien VI, il continue son périple jusqu'à Venise, et parvient à Jérusalem ou il ne reste que trois semaines en septembre 1523, avant d'être prié par les frères franciscains de quitter le pays. A nouveau en Italie traversée par les armées espagnoles et françaises, il se retrouve à Venise et se convainc de l'absolue nécessité d'étudier pour enseigner. Après la méthode religieuse mise au jour dans les Exercices, la conviction du rôle des études va être une autre des caractéristiques du futur projet jésuite. Il est de retour à Barcelone en mars 1524.

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Saint Ignace de Loyola étudiant. Gravure de Jean Faber d'après un portraît du Titien. La Haye. XVIIIe siècle (pour agrandir : cliquer).

Il consacre les onze années suivantes aux études, plus d'un tiers de ce qu'il lui restait à vivre. Il reprend des cours de base (grammaire et latin) à Barcelone, et dès 1526, il en sait assez pour suivre les cours de philosophie et de théologie à l'université d'Alcalà de Henares. Foyer intellectuel brillant de la Castille, cette université rassemble tous les alumbrado  et conversos qui forment le climat spirituel de cette époque. A la fin de 1527, encouragé par Alonso de Fonseca, archevêque de Tolède, il rejoint la plus prestigieuse de toutes : l'université de Salamanque. Mais les attaques vives qu'i  subit suite à des incompréhensions principalement, en particulier de la part de l'Inquisition et des dominicains, le décide à se rendre à Paris en février 1528.

Ses progrès dans la compréhension des mécanismes de l'enseignement et sa capacité à dominer intellectuellement y compris plus érudit que lui-même par l'usage du « discernement », le distinguent. Mais sa personnalité rigoureuse et entière et son attitude réformatrice lui créent à nouveau de novelles inimitiés.

A Barcelone, il avait été battu très sévèrement, et son compagnon tué, sur l'instigation de notables vexés de ne plus être admis dans un couvent qu'Ignace avait récemment réformé. A Alcalá, un inquisiteur, le grand vicaire Figueroa, l'avait harassé constamment car il le soupçonnait d'illuminisme, allant jusqu'à l'emprisonner pendant quelques semaines.

A Paris, ses épreuves furent variées, pauvreté, maladie, œuvres de charité, discipline du collège, particulièrement sévère dans celui de Montaigu, ou il résida, car trop pauvre et ignorant avant de rejoindre celui plus « libéral » de Collège Sainte-Barbe. Dans celui-ci, il est accusé publiquement par Diego de Gouvea, recteur du collège, d'enfreindre les règles, mais sa défense convainct et il obtient des excuses publiques.

A l'université de Paris, Ignace est reçu maître ès arts le 13 mars 1533. Pendant ce temps, ayant débuté ses études de théologie, il est licencié en 1534, mais il ne peut être reçu docteur, ses ennuis de santé le conduisant hors de Paris en mars 1535.

En France, Ignace de Loyola regroupe autour de lui des étudiants de qualité et issus d'horizons divers, mais tous unis par une commune dévotion au Souverain Maître et à la très sainte Vierge Marie. Il connaît en particulier au collège Sainte-Barbe, ses deux premiers compagnons qui sont le Savoyard Pierre Favre et le Navarrais Francisco Issu de Aprizcuelta y Xavier, saint François-Xavier ; puis, Diego Lainez et Alonso Salmerón le rallient, connaissant sa réputation depuis Alcalà ; enfin, Nicolás Bobadilla et Simón Rodríguez de Azevedo, un Portugais le rejoignent.

Ignace évolue progressivement sur l'attitude et la discipline qu'il s'impose. Prenant en compte les critiques reçues à Alcalà ou Salamanque sur les pratiques d'extrême pauvreté et de mortification qu'il s'appliquait et qui lui avait attiré des soupçons voire des inimitiés (comme en d'autres temps certains disciples de saint François d'Assise qui avait versé ou risqué de verser dans les mêmes excès), il s'adapte à la vie dans la cité, en dirigeant les efforts de tous vers les études et les exercices spirituels. Le lien devint très fort avec ses compagnons unis dans le grand idéal de vivre en Terre Sainte, la même vie que le Christ.

Le 15 août 1534, à l'issue de la messe célébrée à Montmartre dans la crypte Notre-Dame par Pierre Favre, ordonné prêtre trois mois auparavant, les sept prononcent les deux vœux de pauvreté et chasteté et le troisième de se rendre dans les deux ans à Jérusalem pour y convertir les infidèles, à la fin de leurs études.

Ils sont bientôt rejoints par Claude Le Jay, un autre Savoyard de Genève, et deux Français, Jean Codure et Paschase Broët. Unis par le charisme d'Ignace, les nouveaux amis décident de ne plus se séparer.

Après avoir quitté Paris, il se rend six mois en Espagne puis à Bologne, où incapable de se remettre aux études, il se consacre à des œuvres de charité attendant que ses 10 compagnons rejoignent Venise (6 janvier 1537) sur la route de Jérusalem. Mais la guerre avec les Turcs les empêchent de poursuivre.

Ils décident alors de reporter d'un an leur engagement, après quoi ils se mettront à disposition du pape. Ignace de Loyola, comme la plupart de ses compagnons est ordonné prêtre à Venise le 24 juin 1537. Ils partent ensuite deux à deux dans des villes universitaires voisines, Ignace avec Pierre Favre et Laynez prennent en octobre 1537 la route de Rome. Ignace, en vue de la ville, à la Storta, a une vision de Dieu s'adressant à lui après l'avoir placé aux côtés du Christ : « Je vous serai propice à Rome ».


Le pape Paul III.

A Rome, capitale des États pontificaux, Alexandre Farnèse venait en 1534 d'être élu pape, sous le nom de Paul III. Il règne sur une capitale en crise, à peine remise du sac de Rome par les troupes de l'empereur en 1527, en butte à la corruption généralisée et siège d'une église en crise, profondément ébranlée par la fulgurante progression de la Réforme.

Paul III semble rapidement voir tout le profit à tirer de cette nouvelle société de prêtres savants, rigoureux et intègres et animés d'un feu missionnaire incontestable. En novembre 1538, Paul III, après de nombreux contacts avec Lainez, reçoit Ignace et ses compagnons venus faire leur « oblation » au pape. Celui-ci leur ordonne de travailler à Rome qui sera leur Jérusalem. Dès lors, s'ébauche la Compagnie de Jésus ou Ordre des jésuites.


Saint Ignace. Soucoupe d'un service à thé. Jingdezhen.
Province de Canton. Chine. XVIIIe. Musée de la compagnie des Indes.
Lorient. Bretagne.

De mars à juin 1539, selon les minutes rédigées par Pierre Favre, ils débattent de la forme à donner à leur action, devoir d'obéissance, cohésion du groupe alors que l'activité missionnaire disperse les jésuites, rôle dans l'éducation…

En août 1539, Ignace, Codure et Favre rédigent la prima Societatis Jesu instituti summa, esquisse des constitutions de la Compagnie avec quelques points forts : l'obéissance à un Préposé général et l'exaltation de la pauvreté entre autres.

Malgré quelques oppositions à la Curie, la création de la Compagnie de Jésus est acceptée par le pape Paul III le 27 septembre 1540, dans sa bulle Regimini militantis ecclesiae, qui reprend la formula instituti tout en limitant le nombre de profès à soixante.


Saint Ignace recevant saint François Borgia. Détail.
A. Pozzo. Basilique du Gésu. Rome. XVIIe.

Le 22 avril 1541, Ignace est élu, en dépit de ses réticences, premier supérieur général de la Compagnie de Jésus puis il fait avec ses compagnons, sa profession dans la basilique Saint-Paul-hors-les-murs. L'Ordre est dès lors constitué.

Ignace est chargé en 1541 de mettre au point les règles d'organisation de la nouvelle compagnie, les fameuses Constitutions, mais il ne démarre pas les travaux en fait avant 1547, introduisant progressivement des coutumes, destinées à se transformer à terme en lois. En 1547, Juan de Polanco devient son secrétaire, et avec son aide, il réalise un premier jet des Constitutions entre 1547 et 1550, tout en sollicitant simultanément l'approbation pontificale de réaliser une nouvelle édition de la Formula Instituti. Jules III l'acceptera dans la bulle Exposcit debitum, le 21 juillet 1550.

En parallèle, un nombre important de pères révisèrent le premier texte, mais bien que ne proposant que peu de changements, la version suivante réalisée par Ignace en 1552 était assez différente. Cette version fut publiée et pris force de loi dans la Compagnie. Des amendements légers furent jusqu'à sa mort introduits par Ignace.

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Tombeau de saint Ignace de Loyola. Basilique du Gésu. Rome.

À sa mort, le 31 juillet 1556 à Rome, littéralement épuisé, la Compagnie de Jésus de notre saint et de ses saints compagnons compte plus de mille membres, soixante-douze résidences et soixante-dix-neuf maisons et collèges.

Ignace de Loyola est canonisé le 12 mars 1622, en même temps que saint François-Xavier et sainte Thérèse d'Avila.

PRIERE

" La victoire qui triomphe du monde est notre foi (I Johan. V, 4.). Une fois de plus vous l'avez montré, Ô vous qui fûtes le grand triomphateur du siècle où le Fils de Dieu vous choisit pour relever son drapeau humilié devant l'étendard de Babel. Contre les bataillons sans cesse grossissant des révoltés, vous fûtes longtemps presque seul, laissant au Dieu des armées le soin de choisir son heure pour vous mettre aux prises avec les cohortes de Satan, comme il l'avait choisie pour vous retirer de la milice des hommes. Le monde, instruit alors de vos desseins, n'y eût vu qu'un objet de risée ; et toutefois nul certes aujourd'hui ne saurait le nier : ce fut  un moment solennel pour l'histoire du monde, que celui où, pareil dans votre confiance aux plus illustres  capitaines concentrant leurs armées, vous donniez ordre à vos neuf compagnons  de  gagner trois par trois la Ville sainte.

Quels résultats durant les quinze années où cette troupe d'élite, que recrutait l'Esprit-Saint, vous eut à sa tête comme premier Général ! L'hérésie refoulée d'Italie, confondue à Trente, enrayée partout, immobilisée jusqu'en son foyer même ; d'immenses conquêtes sur des terres nouvelles, réparant les pertes subies dans notre Occident ; Sion elle-même rajeunissant sa beauté, relevée dans son peuple et ses pasteurs, assurée pour ses fils d'une éducation répondant à leurs célestes destinées : sur toute la ligne enfin où il avait imprudemment crié victoire, Satan rugissant, dompté à nouveau par ce nom de Jésus qui fait fléchir tout genou dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (Philip. II, 10.) ! Quelle gloire pour vous, Ô Ignace, eût jamais égalé celle-là dans les armées des rois de la terre ?

Du trône que vous avez conquis par tant de hauts faits, veillez sur ces fruits de vos œuvres, et montrez-vous toujours le soldat de Dieu. Au travers des contradictions qui ne leur manquèrent jamais, soutenez

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lundi, 31 juillet 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

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